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Analyse linéaire II, 5, Le Malade imaginaire

Parcours spectacle et comédie

MONSIEUR DIAFOIRUS.

À vous témoigner notre zèle (Il se retourne vers son fils et lui dit :) Allons, Thomas, avancez. Faites vos
compliments.

THOMAS DIAFOIRUS est un grand benêt, nouvellement sorti des Écoles, qui fait toutes choses de
mauvaise grâce et à contretemps. N’est-ce pas par le père qu’il convient de commencer ?

MONSIEUR DIAFOIRUS.

Oui.

THOMAS DIAFOIRUS, à Argan.

Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir et révérer en vous un second père, mais un second père
auquel j’ose dire que je me trouve plus redevable qu’au premier. Le premier m’a engendré ; mais
vous m’avez choisi. Il m’a reçu par nécessité ; mais vous m’avez accepté par grâce. Ce que je tiens de
lui est un ouvrage de son corps ; mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté ; et,
d’autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des corporelles, d’autant plus je vous dois,
et d’autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je viens aujourd’hui vous rendre, par
avance, les très humbles et très respectueux hommages.

TOINETTE.

Vivent les collèges d’où l’on sort si habile homme !

THOMAS DIAFOIRUS, à Monsieur Diafoirus.

Cela a-t-il bien été, mon père ?

MONSIEUR DIAFOIRUS.

Optime

ARGAN, à Angélique.

Allons, saluez Monsieur.

THOMAS DIAFOIRUS, à monsieur Diafoirus.

Baiserai-je?

MONSIEUR DIAFOIRUS.

Oui, oui.

THOMAS DIAFOIRUS, à Angélique.

Madame, c’est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère, puisque l’on…
ARGAN, à Thomas Diafoirus.

Ce n’est pas ma femme, c’est ma fille à qui vous parlez.

THOMAS DIAFOIRUS.

Où donc est-elle ?

ARGAN.

Elle va venir.

THOMAS DIAFOIRUS.

Attendrai-je, mon père, qu’elle soit venue ?

MONSIEUR DIAFOIRUS.

Faites toujours le compliment de Mademoiselle.

THOMAS DIAFOIRUS.

Mademoiselle, ni plus ni moins que la statue de Memnon rendait un son harmonieux lorsqu’elle
venait à être éclairée des rayons du soleil, tout de même me sens-je animé d’un doux transport à
l’apparition du soleil de vos beautés ; et, comme les naturalistes remarquent que la fleur nommée
héliotrope tourne sans cesse vers cet astre du jour, aussi mon cœur dores-en-avant tournera-t-il
toujours vers les astres resplendissants de vos yeux adorables, ainsi que vers son pôle unique.
Souffrez donc, mademoiselle, que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos charmes l’offrande de ce
cœur qui ne respire et n’ambitionne autre gloire que d’être toute sa vie, mademoiselle, votre très
humble, très obéissant, et très fidèle serviteur et mari.

TOINETTE, en le ralliant. Voilà ce que c’est que d’étudier ! on apprend à dire de belles choses.

Pour faire une analyse linéaire du passage, deux parties se dégagent. La première correspond à la
présentation de Thomas Diafoirus à Argan et la seconde à sa future épouse, Angélique.

Dimension comique de la scène 5 qui met en avant l'intention satirique de Molière

I – Présentation de Thomas Diafoirus

 Comique de geste - première réplique : Monsieur Diafoirus l’infantilise (il lui indique tout ce
qu’il doit faire) - « avancez », « Faites ») et ses approbations (« oui », « oui, oui »)
infantilisent ce fils

 Comique de caractère :

 Thomas, "grand benêt... qui fait toutes choses de mauvaise grâce et à contretemps",
demande sans arrêt l'approbation de son père.
 Thomas présente ses hommages : Il demande l'approbation de son père, Il a
un comportement infantile : alors que M. Diafoirus a dû lui préciser à maintes reprises qu’il
« conv[enai]t [de] commencer […] par le père », il a besoin de se le faire répéter.

 Comique de parodie du langage précieux : flatterie, hyperbole. Gradation, louange,


« Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir et révérer «
 antithèses à répétition lorsqu’il oppose son père à son beau-père pour montrer la
supériorité du second sur le premier : « par nécessité/par grâce », « ouvrage de son
corps/ouvrage de votre volonté », « spirituelles/corporelles » + périphrase, il utilise « second
père » pour dire « beau père »

 Remarques ironiques de Toinette qui parle peu mais sait souligner le ridicule du personnage
«vive les collèges d'où l'on sort si habile homme ». La maladresse de Thomas est ainsi
suggérée à travers l'image de l'élève qui a encore besoin de son père ainsi que le souligne la
question «Cela a t'-il bien été mon père, mon père ? »

II – Présentation de Thomas Diafoirus à Angélique

 Les présentations s'ouvrent sur un quiproquo car Thomas fait l'éloge de sa future belle-mère
« Madame c'est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère »

 Références à l'Antiquité « la statue de Memnon », à la science avec les « naturalistes »,


« l'héliotrope » qui est le nom savant du tournesol. = lyrisme comique

 Périphrase, « astre du jour » pour «soleil ». Métaphore qui confond la femme avec « un
soleil » et « ses yeux » à des « astres ». L'aimée est assimilée à une déesse, « autels de vos
charmes » et « offrande ». Angélique est désignée de manière métonymique par l'expression
« vos beautés ». Son vocabulaire est précieux et son discours rempli d'hyperboles et de
superlatifs.

 Les présentations s'ouvrent sur un quiproquo car Thomas fait l'éloge de sa future belle-mère
« Madame c'est avec justice que le ciel vous a concédé le nom de belle-mère » - Intervention
d'Argan « ce n'est pas ma femme, c'est ma fille à qui vous parlez »

 Fin de sa tirade «votre très humble, très obéissant et très fidèle serviteur, et mari « =
registre parodique de compliments et maniérisme amoureux précieux. Toinette saura
souligner le ridicule du personnage - TOINETTE, en le ralliant. «Voilà ce que c’est que
d’étudier ! on apprend à dire de belles choses. » A la fin de sa déclaration, Thomas se
retrouve de nouveau assimilé à un élève qui apprend « de belles choses ».
Les procédés comiques de la scène 5

* Comique de gestes ou de mimiques, signalé par les didascalies, perceptible surtout à la


représentation : le costume de médecin ridicule des Diafoirus.

* Comique de situation : l'attitude indifférente de Thomas Diafoirus contraste avec le ridicule de ses
propos enflammés et sans lien avec une demande en mariage ; dans un quiproquo farcesque, il
confond sa promise avec sa belle-mère.

* Caricature des caractères : Thomas, "grand benêt... qui fait toutes choses de mauvaise grâce et à
contretemps", demande sans arrêt l'approbation de son père.

* Comique des mots : Les noms des personnages sont ridicules : Diafoirus, composé du préfixe
grec dia et de la terminaison latine us encadrant le mot foire (= "colique" en ancien français) renvoie
au pédantisme des médecins.

* Parodie du discours amoureux précieux.

* Satire des travers sociaux ou humains : Molière ridiculise les médecins et s'en prend aussi aux
mariages arrangés.

On peut faire allusion à cette phrase de Molière à propos de la comédie : "En riant, elle châtie les
mœurs."

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