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Objet d’étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Parcours associé : « Spectacle et comédie »


Texte 3 : Molière, Le Malade Imaginaire, Acte I, scène 1, 1673

Introduction

Jean-Baptiste Poquelin dit Molière est connu pour ces comédies de mœurs qui dénoncent les
vices et les travers humains à partir de personnages caricaturaux, mais aussi le désordre social
provoqué par l’excès des passions. Le Malade Imaginaire, jouée en 1673, met en scène Argan, un
personnage hypocondriaque et tyrannique qu’exploitent les médecins charlatans. Il souhaite marier
sa fille, Angélique à un jeune médecin. En effet, nous nous situons après un prologue en musique
destiné à saluer les exploits du roi. La comédie-ballet s’ouvre sur un monologue d’un homme qui
contrôle les factures de son apothicaire tout en calculant le coût des traitements du mois qu’il
compare au mois précédent. Le personnage nous fait entrer dans son intimité. Ainsi nous pouvons
nous demander : En quoi cette scène est-elle une scène d’exposition ?
Pour cela nous étudierons ce texte selon deux mouvements distincts, dans un premier temps il
s’agirait de parler de l’énumération de remèdes qui présente le personnage d’Argan comme
malade, du début jusqu’à « afin qu’il mette ordre à cela ». Dans un second temps, nous nous
engagerons un changement de sujet : Argan appelle Toinette pour ne plus être seul, de « Allons
qu’on m’ôte tout ceci » à la fin.

Premier mouvement : énumération de remèdes qui présente le personnage d’Argan


comme malade

Le début de cette pièce est une didascalie initiale, ici une didascalie du décor, description de la
« chambre » d’Argan, présenté seul, dans un lieu associé a l’intimité et la solitude. La pièce est
tournée dans un lieu privé, cela prouve que la comédie est originale puisque normalement la scène
d’exposition est tournée dans un lieu public. Molière veut nous exposer directement à l’intimité du
personnage.
Argan est le seul personnage mis en valeur, on comprend que la pièce sera tournée autour du sujet
d’Argan.
L’adjectif « seul » indique que la maladie d’Argan l’isole.
Dans un premier temps, on retrouve Argan qui fait ses comptes. On nous expose l’intrigue et les
enjeux de la pièce.
Le personnage monologue seul, il est malade, sa folie est mise en avant.
Le thème de l’argent est directement engagé dans la première phrase.
L’adverbe « plus » dès la ligne 3, annonce une idée de répétition, d’addition et renforce le fait
qu’Argan à l’habitude de se ruiner en médicaments.
Le nom « Clystère » ressort également (objet utilisé lors des lavements), le rire est dans doute
attendu dès le début de cette phrase.
Le remède est personnifié par la « bonne médecine ». Molière insiste sur le coté positif de ces
traitements.
Le rythme ternaire, annonce la réitération du ridicule des infinitifs et des actions : avec « hâter, aller,
chasser ».
A la ligne 23, ressort l’idée des « humeurs » et donc de la théorie d’Hippocrate. Pour être en bonne
santé, il fallait un équilibre des quatre humeurs dans le corps : le sang, le phlegme, la bile jaune et la
bile noire. Ces humeurs correspondent aux 4 éléments : le feu, l’air, la terre et l’eau.
Il semble ensuite y avoir un conflit entre les termes moraux : l'antithèse entre la bonne médecine et
les mauvaises humeurs présente le soin comme une guerre amenée.
Le terme « édulcoré » ne provient pas du registre courant, c'est un terme qui sert à ridiculiser le
jargon utilisé par l'apothicaire et les Diafoirus. Cela introduit les personnages des médecins, on se
trouve dans une scène d'exposition.
L'appellation de « Monsieur Fleurant » traduit un certain comique de farce, avec un jeu sur les mots
et donc sur les odeurs. Monsieur Fleurant, est lié aux traitements des flatulences du malade.
On comprend qu'il reçoit chaque jour des factures c'est une prescription mensuelle et Molière insiste
sur l'importance du traitement.
Mr Fleurant est animalisé avec les termes « tout doux »
« On ne voudra plus être malade » fait ressortir la maladie imaginaire
A la ligne 11, Argan se trahit dans ses propos, lui qui veut être malade exprime une volonté dé -
faillante. On comprend alors que Molière fait bien plus qu'une satire des médecins, il fait une satire
des hypocondriaques.
De la ligne 11 à 14, lors de son énumération, on constate une réduction du nombre de lavement par
rapport au mois précédent. Cependant le nombre exorbitant de médecines et de lavements est un
moyen pour Argan de se rassurer. On comprend qu'il fait un bilan de son état de santé. Le comique
vient de plusieurs facteurs :
- Comique de mots, accumulation
- Comique de caractère : il est gouverné par une logique absurde, il mesure son état de santé à
la quantité de médicaments qu'il prend.
Des lignes 22 à 24, ressortent les chiffres, il y a un rythme accéléré, une addition, ressort le thème
de l'argent. Le caractère déraisonnable est mis en avant, Argan se ruine pour une maladie imagi-
naire.
Il exprime son, hypocondrie « Je ne m’étonne pas, si je me porte si bien ce mois-ci, que l’autre ».
« si bien » est une litote, Argan se considère davantage malade depuis qu’il sait qu’il a reçu moins
de traitements. C’est le futur qu’emploie Argan qui craint d’avoir été soigné : « Je le dirai à
monsieur Purgon ».

Deuxième mouvement : Argan appelle Toinette pour ne plus être seul

On assiste à un gradation: du malade mécontent “Je le dirai à monsieur Purgon”, à l’homme


angoissé “toujours seul”, et enfin au quasi-mourant “mourir”.
La didascalie insiste sur l’importance de l’objet, la sonnette qui occupe la place centrale.
« Ils n’entendent point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin, point
d’affaire » .Cette scène fait naître une opposition entre un malade assis à compter ses traitements et
un malade qui gesticule avec une cloche.
La violence du propos « j’enrage » traduit la colère.
Le malade recourt aussi à des onomatopées « drelin » qui imite le son de la cloche qui combine
avec le son de la cloche elle-même
La question rhétorique « est-il possible » prend le monde entier à témoin, y compris le spectateur.
On note l’opposition entre la solitude et la mort à la fin qui nous met sur la voie de la malade réelle
du malade « un pauvre malade tout seul… ils me laisseront ici mourir », futur utilisé pour marquer
une issue fatale, certaine.
L’exclamation « ah ! Mon dieu » fait survenir le registre tragique.
L’extrait se clôt avec le rythme en 3 temps « Drelin, drelin, drelin ».

Conclusion
Ce monologue relève un Argan hypocondriaque, uniquement préoccupé par ses traitements et
médicaments. C’est un homme réduit à une double fonction : aller aux toilettes et dormir. C’est
aussi un homme crédule, qui ne s’interroge pas sur le bien-fondé de ce qui lui est administré.
Comme les personnages naïfs et obsédés par une idée, il est comique. Ce monologue est une
réussite théâtrale, prenant la forme d’un dialogue fictif, il n’en est que plus vivant. On peut faire
un rapprochement avec « Le roi se meurt » de Ionesco, qui montre l’homme ramené à la
condition fondamentale et à l’angoisse de la mort.

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