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Florilège de citations : Les Caractères

1. « La Cour est comme un édifice bâti de marbre, je veux dire qu’elle est composée
d’hommes fort durs, mais fort polis », « De la Cour », 10. C'est une jungle où chacun ne
pense qu'à soi sous des dehors fort polis, le pays de l'hypocrisie, des fausses amitiés, du
calcul et de l'avancement par tous les moyens.

2. Après son élection à l'Académie française, les ennemis de la Bruyère l'attaquent dans
le Mercure galant, la principale gazette littéraire : « l'ouvrage de M. de La Bruyère ne
peut être appelé « livre » que parce qu’il a une couverture et qu'il est relié comme les
autres livres. Ce n'est qu'un amas de pièces détachées ».

3. « Théramène était riche et avait du mérite ; il a hérité, il est donc très riche et d’un
très grand mérite », « De la Ville », 14.

4. « Si l'on partage la vie des PTS en deux portions égales ; la première vive et agissante
est toute occupée à vouloir affliger le peuple, et la seconde voisine de la mort à se
déceler et à se ruiner les uns les autres », « Des Biens de Fortune », 32.

5. « [...] quel moyen de comprendre dans la première heure de la digestion qu'on puisse
quelque part mourir de faim ? », sur Champagne, probablement un intendant de province,
« Des Biens de Fortune », 18.

6. << [...] ce peuple paraît adorer le Prince, et le Prince adorer Dieu », « De la Cour », 74.

7. << Tout doit tendre au bon sens : mais pour y parvenir / Le chemin est glissant et
pénible à tenir ; / Pour peu qu'on s'en écarte, aussitôt on se noie :/ La raison pour
marcher n'a souvent qu'une voie », Boileau, Art poétique, I, 1.

8. << L'on ouvre et l'on étale tous les matins pour tromper son monde ; et l'on ferme le
soir après avoir trompé tout le jour », << Des Biens de Fortune », 42.

9. « Quelques-unes de ces remarques sont [courtes], quelques autres sont plus étendues
: on pense les choses d'une manière différente, et on les explique par un tour aussi tout
différent ; par une sentence, par un raisonnement [...] par un seul trait, par une
description, par une peinture : de là procède la longueur ou la brièveté de mes réflexions
», Préface.

10. « [...] par tout ce qu'ils appelaient délicatesse, sentiments, tour et finesse
d'expression, ils étaient enfin parvenus à n'être plus entendus, et à ne s'entendre pas
eux-mêmes », << De la Société et de la Conversation », 65.

11. « Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l'être, il ne l'est pas, il est d'après
un Grand », « Des Grands », 50.

12. << Le dédain et le rengorgement dans la société attire précisément le contraire de ce


que l'on cherche, si c'est à se faire estimer », « De la Société et de la Conversation »,
60.

13. « [...] les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le
faux, qui ne haïssent rien tant que d'être naturels : vrais personnages de comédie, des
Floridors, des Mondoris », « Des Grands », 50. Floridor et Mondory étaient de célèbres
acteurs.

14. << [...] apprenez du moindre avocat qu'il faut paraître accablé d'affaires, froncer le
sourcil, et rêver à rien très profondément », << De la Ville », 6.

15. Il est surtout horrifié par un luxe qui semble moquer la pauvreté : << de simples
bourgeois, seulement à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un seul
morceau la nourriture de cent familles » (VI, 47).

16. Mais, nous dit le moraliste dans une antiphrase : << il est excusable, quel moyen de
comprendre dans la première heure de la digestion qu'on puisse quelque part mourir de
faim ? » (VI, 18).

17. Champagne (VI, 18), intendant de province, « signe un ordre [...] qui ôterait le pain à
toute une province si l'on n'y remédiait »

18. Le berger est « habillé d'or et de pierreries », mais « que sert tant d'or à son
troupeau, ou contre les loups ? », « Du Souverain ou de la République », 29.

19. « Les hommes n’aiment point à vous admirer, ils veulent plaire ; ils cherchent moins à
être instruit et même réjouis, qu’à être goûtés et applaudis ; et le plaisir le plus délicat
est de faire celui d’autrui. », « De la société et de la conversation », 16

20. « Arias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi […] il aime mieux mentir que de
se taire ou de paraître ignorer quelque chose », « De la société et de la conversation »,
9

21. « C’est une grande misère que de n’avoir pas assez d’esprit pour bien parler, ni assez
de jugement pour se taire. Voilà le principe de toute impertinence. », « De la société et
de la conversation », 18

22. « À mesure que la faveur et les grands biens se retirent d’un homme, ils laissent voir
en lui le ridicule qu’ils couvraient, et qui y étaient sans que personne s’en aperçut. », «
Des Biens de Fortune », 4

23. « Le peuple souvent a le plaisir de la tragédie : il voit périr sur le théâtre du monde
les personnages les plus odieux, qui ont fait le plus de mal dans diverses scènes, et qu’il a
le plus haïs. », « Des Biens de Fortune », 31

24. « L’on ouvre et l’on étale tous les matins pour tromper son monde ; et l’on ferme le
soir après avoir trompé tout le jour. », « Des Biens de Fortune », 42

25. « Chrysante, homme opulent et impertinent, ne veut pas être vu avec Eugène, qui est
homme de mérite, mais pauvre : il croirait en être déshonoré. », « Des Biens de Fortune
», 54

26. « Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes […] Il est riche. Phédon
a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre […] Il est pauvre. »,
« Des Biens de Fortune », 83

27. « L’on va quelquefois à la cour pour en revenir, et se faire par là respecter du noble
de sa province, ou de son diocésain. », « De la Cour », 11

28. « L’on dit à la cour du bien de quelqu’un pour deux raisons : la première, afin qu’il
apprenne que nous disons du bien de lui ; la seconde, afin qu’il en dise de nous. », « De la
Cour », 36

Exemples d’autres œuvres :

I. La parade des courtisans

1. Érasme, Éloge de la Folie, 1509


<< Quant aux courtisans, il ne nous est pas possible de les oublier ; car rien au monde
n'est rampant, servile, sot, abject et infatué de soi-même comme cette espèce-là. >>
<< La vanité des courtisans va jusque-là qu'elle me fatigue. Ça ne doit étonner personne,
à voir cette nymphe de cour se croire d'autant plus déesse que la queue de sa robe est
plus longue. »

2. Castiglione, Le Livre du courtisan, 1528


« [...] éviter dans toutes les actions, comme un dangereux écueil, l'affectation, mais
usant au contraire d'un certain dédain qui cache l'artifice, et qui fait paraître qu'on fait
les choses presque sans y penser. » « Aussi l'on peut dire que le véritable savoir est
celui où il ne parait aucun artifice, et, s'il y en a, l'on doit apporter tous les soins
imaginables pour le cacher. »

3. Du Bellay, Les regrets, 1558


« Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon œil / Ces vieux singes de cour, qui ne savent
rien faire, / Sinon en leur marcher les princes contrefaire, / Et se vêtir, comme eux,
d'un pompeux appareil. >>

4. La Fontaine, Fables, 1668-1694


<< Selon que vous serez puissant ou misérable/ Les jugements de cour vous rendront
blanc ou noir. >> « Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire, / Ni fade adulateur, ni
parleur trop sincère, / Et tâchez quelquefois de répondre en Normand. »

5. Saint-Simon, Mémoires, 1739-1749


« [...] la grande étude est de ne s'y pas méprendre au milieu d'un monde la plupart si
soigneusement masqué. » Chaque visage vous rappelle les soins, les intrigues, les sueurs
employées à l'avancement des fortunes, à la formation, à la force des cabales. »

6. Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves, 1678


<< Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci [...], vous serez souvent trompée : ce qui
paraît n'est presque jamais la vérité. » << Toutes ces différentes cabales avaient de
l'émulation et de l'envie les unes contre les autres : les dames qui les composaient
avaient aussi de la jalousie entre elles, ou pour la faveur, ou pour les amants. »

II. La comédie : lumière sur le ridicule ordinaire

1. Ménandre, Maximes, fin du IVe siècle av. J-C


<< L'orgueil est un très grand fléau pour les hommes. >> « La richesse est aveugle, et
rend aveugles ceux qui fixent les yeux sur elle. » « Tous les hommes sont amis de ceux
qui connaissent le succès. »

2. Molière, Les Précieuses ridicules, 1659


<< MAROTTE. - Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis, et dit que son maître
vous veut venir voir. MAGDELON. - Apprenez, sotte, à vous énoncer moins vulgairement.
Dites : Voilà un nécessaire qui demande si vous êtes en commodité d'être visibles. >>

3. Beaumarchais, Le Mariage de Figaro ou La Folle Journée, 1784


« J'étais né pour être courtisan. [...] Recevoir, prendre et demander, voilà le secret en
trois mots. >> << Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !
Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour
tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. >>

4. Ionesco, La Cantatrice chauve, 1950


« MR SMITH. - C'était le plus joli cadavre de Grande-Bretagne ! Il ne paraissait pas son
âge. Pauvre Bobby, il y avait quatre ans qu'il était mort et il était encore chaud. Un
véritable cadavre vivant. Et comme il était gai ! »

5. Havel, Le Rapport dont vous êtes l’objet, 1965


« Comment voulez-vous qu'un fonctionnaire qui reçoit une missive administrative où se
trouve le mot « dossier » puisse distinguer d'un seul coup s'il s'agit d'un ensemble de
documents ou de la partie supérieure d'une chaise ? [...] le mot pydétypède doit se
différencier à 60 % d'un autre mot pydétypède. »

Citations en lien direct avec le parcours associé (et avec la notion de Theatrum mundi) :

Shakespeare, Comme il vous plaira, 1623


« Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les
acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles. »

Shakespeare, Le Marchand de Venise, 1600


« Je tiens ce monde pour ce qu'il est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle. »

Shakespeare, La Tempête, 1611


« Nos divertissements sont finis. Ces acteurs, j'eus soin de le dire, étaient tous des
esprits : ils se sont dissipés dans l'air, dans l'air subtil. Tout de même que ce fantasme
sans assises, les temples solennels et ce grand globe même avec tous ceux qui l'habitent,
se dissoudront, s'évanouiront tel ce spectacle incorporel sans laisser derrière eux ne
fût-ce qu'un brouillard. Nous sommes de la même étoffe que les songes, et notre vie
infime est cernée de sommeil […] »

Shakespeare, Macbeth, 1623


« La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s'agite durant
son heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus. C'est une histoire dite par un
idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. »

Cervantès, Don Quichotte, 1605


« [Les comédiens] nous offrent à chaque pas un miroir où se voient au naturel les
actions de la vie humaine. Aucune comparaison ne saurait en effet nous retracer plus au
vif ce que nous sommes et ce que nous devrions être, que la comédie et les comédiens.
Sinon, dis-moi, n’as-tu pas vu jouer quelque pièce où l’on introduit des rois, des
empereurs, des pontifes, des chevaliers, des dames, et d’autres personnages divers : l’un
fait le fanfaron, l’autre le trompeur, celui-ci le soldat, celui-là le marchand, cet autre le
benêt sensé, cet autre encore l’amoureux benêt ; et quand la comédie finit, quand ils
quittent leurs costumes, tous les acteurs redeviennent égaux dans les coulisses. — Oui,
j’ai vu cela, répondit Sancho. — Eh bien, reprit Don Quichotte, la même chose arrive
dans la comédie de ce monde, où les uns font les empereurs, d’autres les pontifes, et
finalement autant de personnages qu’on en peut introduire dans une comédie. Mais quand
ils arrivent à la fin de la pièce, c’est-à-dire quand la vie finit, la mort leur ôte à tous les
oripeaux qui faisaient leur différence, et tous redeviennent égaux dans la sépulture. —
Fameuse comparaison ! s’écria Sancho, quoique pas si nouvelle que je ne l’aie entendu
faire bien des fois, comme cette autre du jeu des échecs : tant que le jeu dure, chaque
pièce a sa destination particulière ; mais quand il finit, on les mêle, on les secoue, on les
bouleverse et on les jette enfin dans une bourse, ce qui est comme si on les jetait de la
vie dans la sépulture. »

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