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TEXTE 4 : Alcools « 

Nuit Rhénane », Guillaume Apollinaire - 1911

– du début : « Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme »
– au vers 13 : « Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire »

INTRODUCTION :

Guillaume Apollinaire est un poète du XXème siècle né à Rome en 1880 sous le


nom de Wilhelm de Kostrowitzky . Il publie en 1913 un recueil de poèmes nommé
Alcools. Dans ce recueil, chaque poème est inspiré d'une page, souvent douloureuse de
sa vie. L’alcool renvoie à l’ivresse poétique mais aussi à la saveur amère de l’alcool et
par extension de la vie. Ce recueil se présente comme un recueil à la composition
éclatée, comme un collage sur une toile cubiste.

« Nuit rhénane » est le 1er du cycle des 9 poèmes inspirés par le séjour
d'Apollinaire en Rhénanie (1901-1902). Il a d'abord fait l'objet d'une publication en
1911 mais a finalement fait partie d'Alcools. Ce poème œuvre sur le cycle surnaturel
des fées du Rhin et crée une sorte de le lien entre le passé légendaire et le présent
du poète qui est ensorcelé par une femme. Dans ce poème se mêlent les univers de
l'alcool et de la nuit. On peut parler d’envoûtement de l'ivresse et de la mort. Il rend
hommage au romantisme allemand et à la tradition rhénane en utilisant des procédés
et thèmes communs au lied (poème allemand chanté)

● Comment ce poème relève à la fois du surnaturel et du monde réel  ?

I- L'univers rhénan
A) Un poème encré dans la réalité et la reprise du folklore
B) La mythologie allemande allemand
C) Un poème entre le fantastique et le réel

II- Envoûtement et ivresse


A) Entre régularité et déséquilibre
B) Un poème de l'enchantement
C) L'ivresse inspiratrice
I- L'univers rhénan

A) Un poème encré dans la réalité et la reprise du folklore allemand

– Cadre réaliste :

– Contexte géographique
→ en Rhénanie
→ titre
→ répétition « Rhin »
→ femmes « blondes aux » « nattes repliées » suggère l’Allemagne
→ au bord d’un fleuve
→ « batelier » ; « s’y refléter »

– Lieu où l'on consomme du vin


→ « vignes » ; « verre »

=> Poème encré dans un univers que le lecteur peut facilement imaginer

– Apparition du fantastique :
→ place du chant s'affirme et évolue

→ Polyptote du chant
→ réparti dans les 3 strophes
« chanson » / « chantez » / « chant » / « chante » / racine dans
« incantent »

→ 1ère strophe
→ 1 mention
→ « chanson »

→ 2ème strophe
→ 2 mentions
→ « chantez » ; « chant »

→ 3ème strophe
→ pouvoir du chant culmine
→ renforcé par « toujours »
→ devient peu à peu la « voix
→ verbes
→ « chante » ; « incante » (même racine)
→ suivi d’un COD
→ action sur les êtres et l’univers
B) La mythologie allemande

– Univers légendaire :

– Chanson du batelier
→ il se transforme en passeur de notre monde à un monde surnaturel

– Chant
→ + de force d'envoûtement
→ adjectif « lente »

– Réalité et fiction se mêlent


→ chante un récit apparaissant comme légendaire (fiction)
→ batelier affirme avoir vu ces femmes surnaturelles (réalité)

– Nuit
→ lune
→ symbole de puissance magique / maléfique
→ métamorphose et sorcières

– Créatures légendaires
→ passent de « femmes » à « fées »
→ sont « sept »
→ chiffre sacré
→ cheveux « verts et longs »
→ marque de pouvoir et de séduction
→ les tordent dans tous les sens
→ longue phrase avec enjambement (suggère l’ondulation)
→ serpents
→ légende de Mélusine
→ liées au Rhin par le contexte et la couleur

=> Deviennent des sirènes / loreleis


→ chant envoûtant
→ charme maléfique
→ attirent les humains au fond de l’eau
→ influence s’affirme dans la dernière strophe
→ révèlent leur vraie nature de «  fée »
C) Un poème entre le fantastique et le réel

– 2ème quatrain s'oppose au 1er


→ tenter de rompre le charme de la chanson

– Poète s'affirme
→ « je »; « moi »
→ donne des ordres : « chantez »; « mettez »

– Couvre le chant « par une ronde »


→ établit un rempart qui le protège de l'enchantement

– Créatures ensorcelantes opposées aux femmes bien réelles


→ féminité/jeunesse
→ « sept » / « toutes »
→ torsion / verticalité
→ « cheveux verts » / « blondes »
→ artifices de la séduction / « regard immobile »

II- Envoûtement et ivresse

A) Entre régularité et déséquilibre

– Strophes régulières
→ quatrains + alexandrins
→ dernier vers isolé brise la régularité
→ « Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire »
→ mime ce qu’il évoque
→ lié à la strophe précédent par la rime

– Vers rarement coupés régulièrement (6-6)


→ 1ère strophe
→ longue phrase avec enjambements
→ lenteur envoûtante

→ 2ème strophe
→ coupée en 6-6
→ rétablit l'équilibre

– 3ème strophe
→ enchantement et ivresse dans le rythme de l’alexandrin
→ 2-4-6 / 4-4-4 / 6-6
– Rimes
→ croisées
→ alternance féminine / masculine seulement au 1 er quatrain

B) Un poème de l'enchantement

– 1ère strophe : entrée dans l'ivresse et l'enchantement


→ mention du vin et du chant
→ « vin trembleur »
→ « chanson lente »
→ vision des femmes
→ « sept femmes »

– 2ème strophe : tentative pour conjurer l'enchantement


→ opposition entre les « sept femmes » et les « filles blondes »

– 3ème strophe : progression de l'ivresse (se communique à la nature)


→ « le Rhin » ; « les vignes » ; « l’or »
→ échos avec la 1ère avec le « vin » et les « vignes »
→ victoire de l'enchantement et de l'ivresse
(→ disparition de toute marque de personne)

– Dernier vers
→ rupture de l'enchantement et de l'ivresse

– Thème de l’ivresse

– Champ lexical alcool


→ « vin » ; « ivre » ; « vignes » ; « verre » + homonyme « verts »

– Allitérations en [v] et assonances en [i]

– Thème de l'ivresse présent dès le début ; point culminant au vers 9

C) L'ivresse inspiratrice

– Absence de ponctuation : impression de flou de l'ivresse et plus de repères


rythmiques de la scansion habituelle de l'alexandrin (6-6)

– 3ème strophe : syntaxe la plus perturbée :


- répétition de « Rhin » fait penser au balbutiement d'un homme ivre
- relative détachée de son antécédent « Rhin »
- l'expression d'emplois inhabituels (« râle-mourir »)

– Les sonorités jouent sur la confusion en répétant les sons [t] ; [e] ; [en] et le
vers 9 associe le [i] au [v] et au [r] pour reproduire en écho le mot « ivre » et
donc toute la strophe est scandée par le [v] en « ivre »; « vigne » voire « voix »

– Ainsi, tout le poème est dominé par les sons [i] et [é], en rimes aussi : ce sont
des sons stridents qui peuvent évoquer l'ivresse

– Déformation de la perception caractéristique de l'ivresse dès le premier vers


avec les homonymes

– Plusieurs emplois de « trembleur » qui affirme le pouvoir du vin

– Perte de la conscience individuelle, caractéristique de l'ivresse (le « je »


disparaît) ; le poète finit par se confondre au monde qui l’entoure

– Puis c'est le Rhin qui devient ivre en se transformant en alcool

CONCLUSION :

« Nuit rhénane » est un poème complexe à plusieurs niveaux de lecture:


- délire d’une nuit d’ivresse, le poète libère une parole lyrique en rapportant la
chanson du batelier ;
- plongée dans les légendes allemandes, c’est aussi la naissance d’un univers
angoissant, en opposition à une réalité rassurante ;
- célébration de l’art poétique, qui sublime le réel et dévoile le monde.
Apollinaire joue sur les formes conventionnelles (alexandrins, strophes et rimes plutôt
régulières) et des thématiques classiques (la souffrance de l’amour) pour créer un art
poétique novateur, auquel le lecteur est invité à participer.

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