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INTRODUCTION
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BONNE LECTURE
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CHAPITRE I
Prénoms : dévoilement total de l’inspiratrice
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Le nom d’Elsa figure ensuite avec Elsa au miroir, les mains d’Elsa ou encore
les yeux d’Elsa (1942) où Louis Aragon (1897-1939) décrit les beaux yeux
bleus d’Elsa Triolet d’un bleu ciel et de lavande ; brillants comme les étoiles
et chers comme la Golconde qui est une ville en Inde et qui renferme un
fabuleux trésor selon la légende. Le prénom Elsa prend alors différentes
valeurs : Elsa en tant que femme, Elsa symbole de la France car la plupart
des poèmes dédiés à cette femme furent à l’époque de la guerre et Elsa
assimilée à Marie qui a mis au monde le sauveur. Elle pousse Aragon à
sauver la France.
« Il advint qu’un beau soir l’univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa les yeux d’Elsa »
Extrait du poème « Les yeux d’Elsa », Louis Aragon
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La métaphore « Ton cœur est ma caserne » (v1) est dit comme si la femme
et l’univers militaire ne faisaient qu’un.
Dans le vers (Ta bouche est la blessure ardente du courage) se manifestent
deux images, celle de la bouche féminine et celle d’une blessure de sang,
nous devinons qu’il s’agit de la blessure du cœur.
L’adjectif « ardente » renvoie au feu qui peut aussi bien être le feu qui
traverse le soldat que celui de la passion amoureuse. Quant au « courage »,
il est la composition de deux idées : le courage d’un soldat en plein guerre et
celui de l’homme éloigné de son amour.
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De même le vers « Et tes cheveux sont fauves comme le feu d'un obus » est
construit sur un schéma inversé par une sorte de chiasme : (le canon qui fait
penser au corps, puis les cheveux font penser aux obus)
Ces métaphores très étranges sont accompagnées d’un manque de
ponctuation dans tout le poème qui traduit le vide que ressent Apollinaire
quand Lou est loin de lui.
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CHAPITRE II
Pseudonymes : Sacralisation de la femme
idéale ou mi- anonymat
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La maison du berger
-I-
Si ton cœur, gémissant du poids de notre vie,
Se traine et se débat comme un aigle blessé,
Portant comme le mien, sur son aile asservie,
Tout un monde fatal, écrasant et glacé ;
S’il ne bat qu’en saignant sur sa plaie immortelle,
S’il ne voit plus l’amour, son étoile fidèle,
Eclairer pour lui seul l’horizon effacé ;
L’Aigle blessé figurant ensuite est un symbole entre autres, tant utilisés par
Vigny et inséparables de sa création poétique. L’aigle, est le seul oiseau
majestueux qui puisse regarder le soleil en face. Pourtant ici, il est blessé et
il est le comparé du cœur de la femme, un cœur fragile et très sensible. Son
aile est asservie par la malheureuse condition humaine et par la vie, mais ce
cœur si faible supporte le poids de la servitude.
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-III-
Eva, qui donc es-tu ? Sais-tu bien ta nature ?
Sais-tu quel est ici ton but et ton devoir ?
Sais-tu que, pour punir l'homme, sa créature,
D'avoir porté la main sur l'arbre du savoir,
Dieu permit qu'avant tout, de l'amour de soi-même
En tout temps, à tout âge, il fît son bien suprême,
Tourmenté de s'aimer, tourmenté de se voir ?
L’esthétique des derniers vers de cette strophe vient des antithèses filées
(l’enthousiasme dans une voix suave- son juge et son esclave-règnes sur sa
vie en vivant sous sa loi), une autre preuve que les deux sexes se complètent
et sont incapables de vivre l’un sans l’autre.
Les métonymies sont enchâssées dans la troisième strophe (ta parole-tes
yeux-ton aspect- ton regard) et servent à purement décrire le caractère et
l’intuition féminins, même si la femme est un être délicat, il s’avise qu’elle
ait une force incomparable et des mots qui résonnent fort, elle sait obtenir
par sa délicatesse ce que bon lui semble ; le champ lexical de la force
accompagne la description (despotiques-puissants-fort).
La pensée d’Éva a une strophe entière qui lui est consacrée et semble
parfaitement s’approcher de l’Albatros de Charles Baudelaire (Ses ailes de
géant l'empêchent de marcher- 1971), en utilisant une nouvelle fois le
symbole de l’oiseau ; ainsi, tout comme l’albatros, l’air semble fatiguer les
ailes de la pensée féminine qui est toutefois personnifiée puisqu’elle a des
pieds et non des pattes.
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D’ici, les vers qui suivent montrent une comparaison entre Eve et Adam, la
pitié a toujours été une vertu sacrée et essentielle pour le poète et personne
ne pourrait la représenter mieux que la femme. L’opposition entre le feu de
ses paroles et l’eau de ses pleurs est particulièrement émouvante comme le
cœur féminin si charmant qui s’adoucit devant tout être subissant une
injustice.
Le poème se termine par une suite d’appels chantés par le poète. Un appel à
la justice et à la pitié en premier lieu mêlé d’une aspiration à un ordre social
plus humain. Eva est un ange sensible à la souffrance humain. Cependant, à
cause de la civilisation bâtie par l’homme, il lui est difficile d’entendre les
pleurs et les cris. Une personnification du cœur humain colorie cette image,
l’air des cités étouffe le cœur et l’empêche de respirer.
Le poète propose à Éva de se retirer auprès de lui dans la nature pour mieux
répondre aux mains qui demandent l’aide et la pitié. Le poète représente
l’homme qui ne peut vivre sans Eve, car sans elle, la nature manque de
beauté et n’est complète qu’à ses côtés.
La nature est plus forte que l’homme mais la femme semble la gouverner par
sa délicatesse. Il s’agit d’un temple où Eve est la reine et tous les éléments
de la nature existent pour elle.
L’enfance ne quittera jamais Eve comme elle l’a fait avec Adam.
Enfin, la vie n’est belle aux yeux de l’homme qu’avec la présence féminine.
Le poète renomme Eva encore une fois. Sans elle, l’univers perd ses
couleurs et sa chaleur. L’homme sera indifférent à tout ce qui l’entoure
comme l’a toujours affirmé Vigny en évoquant sa course vagabonde avec
Eve (son amour avec Marie Dorval : Que m’importe le jour ? Que
m’importe le monde ? Je dirais qu’ils sont beaux quand tes yeux l’auront
dit.) L’homme a sûrement besoin d’Eve pour le soutenir et le sauver de sa
solitude (un ange salvateur) car la nature est son ennemie, elle le trahit et rit
de sa misère. Le reste du poème est un dialogue entre le poète et la nature
impassible qui se nourrit des souffrances humaines et s’oppose à la tendresse
de la femme.
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CHAPITRE III
Métonymies : l’inspiratrice est cachée et anonyme
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Il n’aurait fallu
Il n'aurait fallu
Qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne
Mais une main nue
Alors est venue
Qui a pris la mienne
Un tendre jardin
Dans l'herbe où soudain
La verveine pousse
Et mon cœur défunt
Renaît au parfum
Qui fait l'ombre douce
Il n’y a pas d’Amour heureux, c’est ce qu’énonce Aragon dans son fameux poème.
Cependant, le poème que nous avons ici sort de la notion de pesanteur pour joindre
l’idée que la femme est signe d’une résurrection et d’une nouvelle vie. L’inspiratrice
du poète semble le sauver de la mort et lui redonner le sens et la joie de la vie.
Aragon évoque son amante à travers une suite de métonymies (une main, deux bras,
un mouvement, ce geste, un souffle, un front, deux grands yeux, parfum).
Bien entendu, bien qu’elle soit cachée ou non mentionnée, l’inspiratrice est
totalement active et ces gestes narrent toute l’histoire d’Amour. Ainsi, sa main nue
a pris celle du poète pour colorer sa vie, ses deux bras ont formé un grand collier
d’air pour bercer le poète, son mouvement le frôle durant leur sommeil, son souffle
caresse l’épaule d’Aragon, son front s’appuie à lui ; enfin, le parfum de cette femme
fait renaitre le cœur du poète et le rend florissant comme un jardin en printemps.
Le champ lexical du sommeil « dormant, nuit, léger » peut s’associer au rêve, le rêve
étant un thème qui enveloppe parfaitement tout le poème, comme si la femme est
aperçue et imaginée à travers une illusion et une imagination, il n’y a que son ombre
sans visage et sans présence corporelle.
puisque le point d’interrogation n’existe point. Toutefois, le lecteur lit des questions
spontanément et sans effort.
Toujours avec l’idée de l’inspiratrice anonyme et de l’utilisation des métonymies,
l’analyse s’étend au dernier poème de ce mémoire ; un poème d’Alphonse de
Lamartine (1790-1869) intitulé « Un nom » qui s’oppose à l’idée des prénoms qui
figure dans la première partie. Ici, le poète cache le nom de sa bien-aimée dans son
âme. Nous pouvons deviner mais sans certitude qu’il s’agit de Julie Charles, la
femme mariée dont Lamartine s’est éprouvé et qu’il a surnommé Elvire pour garder
leur relation amoureuse secrète.
Un nom
Il est un nom caché dans l’ombre de mon âme Dans ses cheveux bronzés jamais le vent ne joue
Que j’y lis nuit et jour et qu’aucun œil n’y voit Dérobant un regard qu’une boucle interrompt,
Comme un anneau perdu que la main d’une femme Ils serpentent collés au marbre de sa joue,
Dans l’abîme des mers laissa glisser du doigt. Jetant l’ombre pensive aux secrets de son front.
Dans l’arche de mon cœur, qui pour lui seul s’entrouvre Son teint calme, et veiné des taches de l’opale,
Il dort enseveli sous une clef d’airain ; Comme s’il frissonnait avant la passion,
De mystère et de peur mon amour le recouvre Nuance sa fraicheur des moires d’un lis pale,
Comme après une fête on referme un écrin. Où la bouche a laissé sa moite impression.
Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse Sérieuse en naissant jusque dans son sourire,
Mais, tel qu’un talisman formé d’un mot secret Elle aborde la vie avec recueillement ;
Quand seul avec l’écho ma bouche le prononce Son cœur, profond et lourd chaque fois qu’il respire
Ma nuit s’ouvre, et dans l’âme un être m’apparait. Soulève avec son sein un poids de sentiment.
C’est une vierge enfant, et qui grandit encore Comme au sein de ces nuits sans brumes et sans voiles
Il pleut sur ce matin des beautés et des Jours ; Où dans leur profondeur l’œil surprend les cieux nus,
De pensée en pensée on voit son âme éclore Dans ses beaux yeux d’enfant, firmament plein d’étoiles
Comme son corps charmant de contours en contours. Je vois poindre et nager des astres inconnus.
Seul le poète connait le nom de l’inspiratrice, il le garde au fond de son cœur sans
vouloir le révéler. La comparaison « comme un anneau perdu » fait allusion à
l’impossibilité de retirer ce nom du fond de son âme et nous fait également repenser
à Julie Charles et son anneau de mariage mais, le mystère envahit les vers et devient
même une énigme : celle de vouloir découvrir ce nom précieux. « Laissa glisser » :
une femme n’ayant aucune volonté à être mariée.
Le poète est amoureux du nom et le personnifie ; ainsi le nom dort au fond de son
cœur et l’amour du poète (double personnification) vient le recouvrir comme un
enfant. Dans la deuxième strophe figure les deux mots-clés de ce poème : mystère
et peur car le mystère est celui de la femme et de son anonymat et la peur est un
nouvel indice qui nous rapproche de Julie car évidemment, il y avait dans leur
relation cette peur d’être découverts et de devenir victimes des paroles et des gens.
Le poète s’adresse aux lecteurs dans la troisième strophe en réclamant ne jamais
dévoiler le secret à qui que ce soit. Quand Lamartine prononce les lettres en lui-
même, il rêve de sa bien-aimée durant la nuit, d’où le thème du rêve très associé à
celui du mystère et que nous avons vu dans le poème précédent.
L’ombre de l’inspiratrice qui vient à l’esprit du poète pendant la nuit se dissipe en
plein jour lorsqu’il rencontre son amante et que les rayons du soleil caressent son
beau visage ; ce visage annonce la suite des métonymies dans le reste du poème et
il est tellement éblouissant qu’il est difficile de le regarder d’une façon directe.
L’hypallage « il pleut des beautés » est significatif hyperbolique de la beauté de
l’inspiratrice.
Dans la quatrième strophe, une première métonymie apparait « son corps ».
La femme est assimilée à une rose comme la femme idéale de Pierre de
Ronsard « mignonne allons voir la rose ». La file de métonymies qui suivent
accompagne le reste du poème (son charme- ses cheveux-sa joue-son front-
son teint-sa fraicheur-sa bouche- son sourire- son cœur-son sein-sa main- sa
tête- ses sourcils- son œil-sa pensée- ses yeux). Le pas de l’inspiratrice est un
signe de majesté (Comme une diane tu marches- Louis Aragon)
La septième strophe est consacrée à la description des cheveux de la femme
et nous rappelle (Les cheveux d’Elsa de Louis Aragon). Les informations
supplémentaires alimentent la curiosité car les cheveux sont bouclés et
bronzés et nous verrons plus tard que les yeux de la femme sont noirs.
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CHAPITRE IV
Interpellation : le dialogue quand l’inspiratrice est
loin du poète
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Une femme n’est non seulement une amante ; elle est aussi une mère, sœur,
fille. En d’autres mots, une personne chère à l’âme de l’homme. Victor
Hugo (1802-1885) a abordé en particulier la tendresse paternelle et la grâce
enfantine au point que ses poèmes dédiés à sa fille Léopoldine ont touché
tant de lecteurs et sont même devenus très connus universellement.
La mort de Léopoldine a bouleversé la vie de Victor Hugo. Léopoldine était
sa fille ainée et s’est noyée le 4 septembre 1843 emportée par le fleuve de la
Seine avec son mari Charles Vacquerie. Hugo avait 41 ans et ne s’est jamais
remis de son deuil atroce. Sa mélancolie est cause de glorification et
d’apothéose du sentiment.
Son recueil intitulé « Les contemplations » se divise en deux volumes :
Autrefois et Aujourd’hui. Dans Autrefois, Hugo dédie à Léopoldine
Quelques poèmes à ma chérie … Certes, elle restera toujours un enfant à ses
yeux, sa fille de 5 ans qui lui réclamait une petite histoire avant de dormir en
s’asseyant dans ses bras. Des premiers pas de cette petite, de ses dents de
lait, de ses rires jusqu’à sa disparition soudaine avec le temps qui se moque
du poète et qui lui casse le cœur, tout est si bien dessiné dans les fameuses
contemplations.
Le célèbre poème Demain dès l’Aube a été choisi pour étudier le thème de
l’interpellation de l’inspiratrice, une interpellation imaginaire afin de se
soulager de cette perte affreuse que seul parent pourrait ressentir.
Demain dès l’Aube…
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
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Le poète marche du matin jusqu’au soir sans rien vouloir regarder car les
voiles de Harfleur ne couleront pas comme la pauvre Léopoldine. Le poète
arrive à sa destination où le corps de sa fille repose pour poser un bouquet de
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houx vert (comme celui du Noël de son enfance) et de bruyère en fleur (fleur
préférée de Léopoldine).
Léopoldine
(Guillaume Apollinaire)