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Nous allons commencer dans les quatrains à analyser comme la description poétique
évoque ce peuple sauvage accablé par l’errance
La périphrase du vers 1 qui désigne les bohémiens met en avant le caractère
visionnaire d’un peuple, dont on retrouvera un écho en fin de sonnet : c’est ainsi que les
adjectifs « prophétique » et « ardentes » suggèrent une dimension spirituelle. Cependant
l’évocation de ces quatrains, empreinte de réalisme, offre une image dévalorisante de
cette même « tribu » : la connotation du lexique tend à rapprocher « bohémiens » et bêtes :
« fiers appétits », « petits », « mamelles ». De la même façon, les enjambements de la
strophe 1 paraissent illustrer une fuite en avant, un départ sans cesse recommencé qui
raconte également la marginalité de ce peuple et l’incompréhension qu’il suscite.
Le rejet du vers 3 ( « sur son dos ») auquel fait écho la diérèse du vers 6 ( « char/iots »)
souligne également l’accablement qui est le leur, associé à une forme de dénuement ( la
périphrase pathétique du lait au vers 4 indique ce qui constitue le centre de leurs
préoccupations dans ce désert : leur survie )
La deuxième strophe, dans la continuité de la première , suggère le caractère farouche
( sauvage : « armes luisantes » et « blottis » à la rime ) et misérable ( au vers 6 la diérèse à
chariots renforcée par la locution prépositive « le long de » ainsi que par l’enjambement
des vers 5 et 6 évoque un convoi errant , ) ; les vers 7 et 8 reprennent aussi le motif du re-
gard évoqué dès l’incipit mais là encore c’est avec une connotation d’accablement ( « ap-
pesantis ») , confortée par la périphrase finale « le morne regret des chimères absentes » ,
elle-même renforcée par l’allitération et que l’on peut interpréter comme une image de la
désillusion . Ces deux premières strophes font d’ailleurs écho à la fois à une gravure du XVII
ème siècle de Jacques Callot d’où son caractère pittoresque mais aussi à un poème en prose de
Baudelaire lui-même extrait du recueil LE SPLEEN DE PARIS et intitulé CHACUN SA CHI-
MERE ,dans lequel sous un horizon bas caractéristique du Spleen , des êtres errants portent
sur leur dos leurs propres chimères devenues des monstres .
Après avoir analysé les quatrains , nous allons examiner le sizain où s’opère une véritable
métamorphose alchimique . Dans ce sizain le poète utilise de nombreuses images afin de
mettre en œuvre sa métamorphose merveilleuse du désert qui peut renvoyer d’ailleurs
au récit biblique de l’Exode . Tout d’abord, le terme « sablonneux » se rapporte de ma-
nière directe au désert et s’oppose à « verdures » et « fleurir » dans un paradoxe miracu-
leux : l’aridité se métamorphose en abondance dont on retrouve le champ lexical : « aug-
mente », « redouble », « fait fleurir » , « fait couler… ». De plus, la personnification sym-
bolique du grillon marquée par un contre rejet : « le grillon, / les regardant passer, re-
double sa chanson » permet de suggérer un parallèle avec le poète par la rime significa-
tive « grillon/ chanson » ( le désert est un milieu où d’ordinaire les sons se perdent) . En-
suite, on peut voir que « le grillon » et « Cybèle » ( déesse mère de la nature dans les reli-
gions orientales de l’Antiquité ) sont accompagnés de champs lexicaux identiques et d’un
parallélisme de construction renforcé par un point virgule : « le grillon / Les regardant pas-
ser, redouble sa chanson » et « Cybèle, qui les aime , augmente ses verdures » . Ainsi, le mi-
racle ne touche pas seulement le lieu désertique mais le langage poétique ; d’ailleurs , au
vers 12, « fleurir le désert » fait référence au titre de l’œuvre : « Les fleurs du mal ». Ce
double miracle donne une impression d’ouverture dans les trois derniers vers par une
série d’enjambements , notamment celui qui prépare le concetto final renforcé par une
inversion du sujet, plusieurs allitérations et une périphrase mystérieuse désignant l’ave-
nir qui n’est pas inconnu aux bohémiens par le don paradoxal dont ils jouissent : « De-
vant ces voyageurs pour lesquels est ouvert/ L’empire familier des ténèbres futures »
LE VOYAGE BAUDELAIRIEN
Tout d’abord, le voyage peut être associé au spleen, à la mélancolie. En effet, dans
« Moesta et Errabunda » le voyage est exprimé comme un moyen de s’enfuir, une fuite. Le
poète cherche à s’échapper de « l’immonde cité » v.2 comme en témoigne le v.11 « emporte
moi wagon ! enlève moi frégate ! » pour aller vers la pureté « la mer ». Les termes « loin
du »v.2, « vers un » v.3 et « loin ! loin ! » sont accumulés et confèrent une impression
d’éloignement. Ainsi le voyage peut aussi être associé à la mort, ce qui est bien imagé dans la
descente aux enfers de Don Juan « Quand Don Juan descendit vers l’onde souterraine » dans
le poème Don Juan aux enfers ou encore dans Spleen « Et de longs corbillards, sans
tambours ni musique/Défilent lentement dans mon âme »
.
Le thème du voyage est aussi évoqué à travers la femme, qui devient une
source d’inspiration pour le poète comme dans le poème « La chevelure » ; là, le poète va
voyager à travers la chevelure d’une femme : «Des souvenirs dormant dans cette chevelure »
(v4) ; la chevelure est porteuse de souvenirs qui font voyager le poète : « N’es-tu pas l’oasis
où je rêve, et la gourde/ où je hume à longs traits le vin du souvenir » (v34-35) ; le parfum
diffuse aussi de nombreux souvenirs d’un ailleurs idyllique « Sur les bords duvetés de vos
mèches tordues/ Je m’enivre ardemment des senteurs confondues ».
compléments culturels : symboles du désert et du grillon
3*le grillon :
D'après le Dictionnaire des symboles(1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée
Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalieret Alain Gheerbrant, on peut lire que :
"Le grillon, qui dépose ses œufs dans la terre, y vit sous forme de larve, puis en sort
pour se métamorphoser en représentation , était pour les Chinois le triple symbole
de la vie, de la mort et de la résurrection. Sa présence au foyer était considérée
comme une promesse de bonheur et cela se retrouve dans les civilisations
méditerranéennes. "
J'ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. je commence de suite par un
psaume d'actualité :
On n'a jamais bien jugé le romantisme. Qui l'aurait jugé ? Les Critiques ! ! Les
Romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l'œuvre, c'est-
à-dire la pensée chantée et comprise du chanteur?
Car JE est un autre. Si le cuivre s'éveille clairon, il n'y a rien de sa faute. Cela m'est
évident . J'assiste à l'éclosion de ma pensée : je la regarde, je l'écoute : je lance un coup
d'archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d'un bond sur
la scène.
En Grèce, ai-je dit, vers et lyres, rythment l'Action. Après, musique et rimes sont
jeux, délassements. L'étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s'éjouissent à
renouveler ces antiquités : -c'est pour eux. L'intelligence universelle a toujours jeté
ses idées naturellement ; les hommes ramassaient une partie de ces fruits du
cerveau ; on agissait par, on en écrivait des livres : telle allait la marche, l'homme
ne se travaillant pas, n'étant pas encore éveillé, ou pas encore dans la plénitude du
grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains. Auteur, créateur, poète, cet homme
n'a jamais existé !
La première étude de l'homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière. Il
cherche son âme, il l'inspecte, il la tente, l'apprend. Dès qu'il la sait, il la doit cultiver :
cela semble simple : en tout cerveau s'accomplit un développement naturel ; tant
d'égoïstes se proclament auteurs ; il en est bien d'autres qui s'attribuent leur progrès
intellectuel ! - Mais il s'agit de faire l'âme monstrueuse : à l'instar des comprachicos,
quoi ! Imaginez un homme s'implantant et se cultivant des verrues sur le visage.
Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les
sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il
épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable
torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient
entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême
Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! - Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus
qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu ; et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de
ses visions, il les a vues ! Qu'il crêve dans son bondissement par les choses inouïes et
innommables : viendront d'autres horribles travailleurs; ils commenceront par les
horizons où l'autre s'est affaissé!
Ici j'intercale un second psaume hors du texte : veuillez tendre une oreille complaisante,
et tout le monde sera charmé. - J'ai l'archet en main, je commence :
- Je reprends :
- Du reste, toute parole étant idée, le temps d'un langage universel viendra ! Il faut être
académicien, plus mort qu'un fossile, - pour parfaire un dictionnaire, de quelque
langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de
l'alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! -
Cette langue sera de l'âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la
pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d'inconnu s'éveillant
en son temps, dans l'âme universelle : il donnerait plus que la formule de sa pensée,
que l'annotation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme absorbée par
tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !