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strophes
1 L’harmonie imitative consiste à imiter ce qu’on évoque par les sonorités des mots
assonances en “ant”. Les animaux deviennent des “monstres”. Encore une fois, Baudelaire
décrit quelque chose d’abstrait, le vice, avec des images et des éléments très concrets, très
sensoriels, très dérangeants, dans l’intention délibérée de provoquer le malaise.
La phrase initiée dans cette strophe se prolonge sur la suivante par le biais d’un
enjambement qui met en valeur la gradation des comparatifs “plus laid, plus méchant, plus
immonde”. Le vice en question n’est toujours pas mentionné, ce qui attise la curiosité du
lecteur. Mais là encore, le mal agit sournoisement, en silence: ce vice personnifié ne pousse
“ni grand gestes, ni grand cris” (parallélisme), ce qui n’ôte rien à son pouvoir destructeur.
Ses dimensions sont cosmiques (“il avalerait le monde”) et il pourrait “faire de la terre un
débris.”
Etape 3: L’ennui
-La révélation de la nature de ce vice est retardée par le procédé du rejet, et elle est mise en
valeur par l’exclamation. Cette révélation constitue une surprise car ce n’est pas
habituellement considéré comme un vice. Baudelaire va à rebours des opinions
habituellement admises par la société et pratique le paradoxe et la provocation. L’ennui est
personnifié, il n’a rien d’effrayant a priori, et pourrait même inspirer une forme de pitié avec
son “pleur involontaire”. On est surpris par son attitude, sa langueur, sa nonchalance, sa
délicatesse. Il évoque presque l’image du poète dandy et poète maudit avec son accessoire
oriental (le houka) et ses rêves d’échafauds, image pour désigner la mort, présentée comme
quelque chose dont on peut rêver comme d’une libération, peut-être, car la mort libère
l’homme du mal qui le consume.
-Enfin la particularité de ce poème est la manière dont le poète apostrophe finalement le
lecteur dans les deux derniers vers, à la deuxième personne du singulier, ce qui établit une
relation de proximité, voire de complicité. Baudelaire affirme que l’ennui est une expérience
universelle que connaît forcément le lecteur, comme tout homme. On note les allitérations
en “c” qui forcent l’articulation et retiennent l’attention. Le dernier vers est une provocation
qui établit une relation ambiguë, ambivalente, entre le poète et le lecteur: d’un côté,
Baudelaire insulte presque le lecteur qu’il traite d’hypocrite, de l’autre, il affirme sa fraternité,
sa complicité, renforcée par le déterminant possessif “mon”. C’est une manière de dire qu’on
aurait tort de se scandaliser de voir le thème du mal traité en poésie, que ce serait de
l’hypocrisie, car chacun côtoie le mal en lui-même.