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Leçon 3 : Kant et l’éthique du devoir

Professeur : Ghislain Waterlot


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Bibliographie

Lectures conseillées :

 Emmanuel KANT, Critique de la raison pratique (1788), trad. fr. de F. Picavet, Paris, PUF, coll.
e
« Quadrige », 1949 (8 éd. 2012).

 E. KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), trad. fr. V. Delbos, in Œuvres, II, Paris,
Gallimard, coll. « La Pléiade »,1985.

 E. KANT, Doctrine de la vertu. Métaphysique des mœurs, Deuxième partie, Paris, Vrin, 1996 (ou
l’édition contenue dans les Œuvres, III, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1986).

Pour aller plus loin :

 Monique CASTILLO, « Kant Emmanuel, 1724-1804 », Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale,


M. Canto-Sperber (Ed.), Paris, PUF, 2001, p. 795-802.
 Victor DELBOS, « La Morale de Kant », dans E. Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs,
trad. fr. V. Delbos, Paris, Delagrave, 1967, p. 21-69.
 Victor DELBOS, La Philosophie pratique de Kant (1905), Paris, PUF, 1969.
 Otfried HOFFE, Introduction à la philosophie pratique de Kant, Paris, Vrin, 1993.
 Mai LEQUAN, La Philosophie morale de Kant, Paris, Seuil, 2001.

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Répertoire des citations

Séquence 1. La révolution kantienne

« S’il était possible pour nous d’avoir de la manière de penser d’un homme une connaissance assez
profonde pour que chacun de ses mobiles fût connu en même temps que toutes les occasions extérieures
qui agissent sur ces derniers, on pourrait calculer la conduite future d’un homme avec autant de certitude
qu’une éclipse de lune ou de soleil. »

Kant, Critique de la raison pratique, V

Séquence 2. Le fait de la raison

« Je suis par goût un chercheur. Je sens la soif de connaître tout entière, le désir inquiet d’étendre mon
savoir, ou encore la satisfaction de tout progrès accompli. Il fut un temps où je croyais que tout cela pouvait
constituer l’honneur de l’humanité, et je méprisais le peuple qui est ignorant de tout. C’est Rousseau qui m’a
dessillé les yeux. Cette illusoire supériorité s’évanouit, j’apprends à honorer les hommes. »

Kant, Remarques touchant les observations sur le sentiment du beau et du sublime

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« De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien
qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n’est seulement une bonne volonté. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs

Séquence 3. Le devoir et l’impératif ou l’impératif du devoir

« Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi
universelle. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section

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« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout
autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section

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« N’accomplis d’action que selon une maxime telle qu’elle puisse comporter en outre d’être une loi
universelle, telle donc seulement que la volonté puisse se considérer elle-même comme constituant en
même temps par sa maxime une législation universelle ».

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section

Séquence 4. Agir moralement ? Quelques exemples kantiens

« Un homme se voit poussé par le besoin à emprunter de l'argent. Il sait bien qu'il ne pourra pas le rendre,
mais il voit bien aussi qu'on ne lui prêtera rien s'il ne s'engage ferme à s'acquitter à une époque déterminée.
Il a envie de faire cette promesse; mais il a aussi assez de conscience pour se demander : n'est-il pas
défendu, n'est-il pas contraire au devoir de se tirer d'affaire par un tel moyen ? Supposé qu'il prenne
cependant ce parti ; la maxime de son action signifierait ceci : “quand je crois être à court d'argent, j'en
emprunte, et je promets de rendre, bien que je sache que je n'en ferai rien”. Or il est fort possible que ce
principe de l'amour de soi ou de l'utilité personnelle se concilie avec tout mon bien-être à venir; mais pour
l'instant la question est de savoir s'il est juste. Je convertis donc l'exigence de l'amour de soi en une loi
universelle, et j'institue la question suivante : qu'arriverait-il si ma maxime devenait une loi universelle ? Or je
vois là aussitôt qu'elle ne pourrait jamais valoir comme loi universelle de la nature et s'accorder avec elle-
même, mais qu'elle devrait nécessairement se contredire. Car admettre comme une loi universelle que tout
homme qui croit être dans le besoin puisse promettre ce qui lui vient à l'idée, avec l'intention de ne pas tenir
sa promesse, ce serait même rendre impossible le fait de promettre avec le but qu'on peut se proposer par
là, étant donné que personne ne croirait à ce qu'on lui promet, et que tout le monde rirait de pareilles
démonstrations, comme de vaines feintes. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section

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« Un homme trouve en lui un talent qui, grâce à quelque culture, pourrait faire de lui un homme utile à bien
des égards. Mais il se voit dans une situation aisée, et il aime mieux se laisser aller au plaisir que s'efforcer
d'étendre et de perfectionner ses heureuses dispositions naturelles. Cependant il se demande encore si sa
maxime, de négliger ses dons naturels, qui en elle-même s'accorde avec son penchant à la jouissance,
s'accorde aussi bien avec ce que l'on appelle le devoir. Or il voit bien que sans doute une nature selon cette
loi universelle pourrait toujours encore subsister, alors même que l'homme laisserait rouiller son talent et ne
songerait qu'à tourner sa vie vers l'oisiveté, le plaisir, la propagation de l'espèce, en un mot, vers la
jouissance ; mais il ne peut absolument pas VOULOIR que cela devienne une loi universelle de la nature, ou
que cela soit implanté comme tel en nous par un instinct naturel. Car, en tant qu'être raisonnable, il veut

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nécessairement que toutes les facultés soient développées en lui parce qu'elles lui sont utiles et qu'elles lui
sont données pour toutes sortes de fins possibles. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section

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« Un homme, à qui tout va bien, voyant d'autres hommes (à qui il pourrait bien porter secours) aux prises
avec de grandes difficultés, raisonne ainsi : Que m'importe ? Que chacun soit aussi heureux qu'il plaît au
Ciel ou que lui-même peut l'être de son fait ; je ne lui déroberai pas la moindre part de ce qu'il a, je ne lui
porterai pas même envie ; seulement je ne me sens pas le goût de contribuer en quoi que ce soit à son bien-
être ou d'aller l'assister dans le besoin ! Or, si cette manière de voir devenait une loi universelle de la nature,
l'espèce humaine pourrait sans doute fort bien subsister, et assurément dans de meilleures conditions que
lorsque chacun a sans cesse à la bouche les mots de sympathie et de bienveillance, mais trompe dès qu'il le
peut, trafique du droit des hommes ou y porte atteinte à d'autres égards. Mais, bien qu'il soit parfaitement
possible qu'une loi universelle de la nature conforme à cette maxime subsiste, il est cependant impossible
de VOULOIR qu'un tel principe vaille universellement comme loi de la nature. Car une volonté qui prendrait
ce parti se contredirait elle-même ; il peut en effet survenir malgré tout bien des cas où cet homme ait besoin
de l'amour et de la sympathie des autres, et où il serait privé lui-même de tout espoir d'obtenir l'assistance
qu'il désire par cette loi de la nature issue de sa volonté propre. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, deuxième section

Séquence 5. Du mensonge de l’enthousiasme au respect de la loi

« Si le regard pouvait tuer, si le regard pouvait féconder, la rue serait pleine de cadavres et de femmes
grosses. »

Paul Valéry, Tel Quel

« Devoir ! Nom sublime et grand, toi qui ne renfermes rien en toi d’agréable, rien qui implique insinuation,
mais qui réclames la soumission, qui cependant ne menaces de rien de ce qui éveille dans l’âme de
l’épouvante ou une aversion naturelle, pour mettre en mouvement la volonté, mais pose simplement une loi
qui trouve d’elle-même accès dans l’âme et gagne elle-même malgré nous la vénération (sinon toujours
l’obéissance), devant laquelle se taisent tous les penchants, quoiqu’ils agissent contre elle en secret ; quelle
origine est digne de toi, et où trouve-t-on la racine de ta noble tige, qui repousse fièrement toute parenté
avec les penchants, racine dont il faut faire dériver, comme de son origine, la condition indispensable de la
seule valeur que les hommes peuvent se donner à eux-mêmes ? »

Kant, Critique de la raison pratique

Séquence 6. Entre « pur amour » de la loi morale et « mal radical » : la voie étroite de l’éthique

« Une action accomplie par devoir doit exclure complètement l’influence de l’inclination et avec elle tout objet
de la volonté, afin qu’il ne reste rien pour la volonté qui puisse la déterminer, si ce n’est objectivement la loi
et subjectivement un pur respect pour cette loi pratique, par la suite la maxime d’obéir à cette loi, même au
préjudice de toutes mes inclinations.

Ainsi la valeur morale de l’action ne réside pas dans l’effet qu’on en attend, ni non plus dans quelque
principe de l’action qui a besoin d’emprunter son mobile à cet effet attendu. Car tous ces effets
(contentement de son état, et même contribution au bonheur d’autrui) pourraient être aussi bien produits par
d’autres causes ; il n’était donc pas besoin pour cela de la volonté d’un être raisonnable. Et cependant, c’est
dans cette volonté seule que le souverain bien peut se rencontrer. »

Kant, Critique de la raison pratique

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Séquence 8. Du droit de mentir – la controverse Constant - Kant

« Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »

(Charles Péguy, Pensées, octobre 1910)

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« Le principe moral, par exemple, que dire la vérité est un devoir, s’il était pris d’une manière absolue et
isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences très directes qu’a
tirées de ce principe un philosophe allemand, qui va jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous
demanderaient si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un
crime.
Ce n’est que par des principes intermédiaires que ce principe premier a pu être reçu sans inconvénients.
[…]
Je prends pour exemple le principe moral que je viens de citer, que dire la vérité est un devoir.
Ce principe isolé est inapplicable. Il détruirait la société. Mais, si vous le rejetez, la société n’en sera pas
moins détruite, car toutes les bases de la morale seront renversées.
Il faut donc chercher le moyen d’application, et pour cet effet, il faut comme nous venons de la dire, définir le
principe.
Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un
devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de
devoirs.
Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité
qui nuit à autrui. »

[Extrait du chapitre tiré de François Boituzat, Un droit de mentir ? Constant ou Kant, Paris, PUF, coll.
« Philosophies », 1993, p. 106-107.]

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« … le "philosophe français" a confondu l’acte par lequel quelqu’un nuit à un autre, en disant la vérité dont il
ne peut éviter l’aveu, avec celui par lequel il commet une injustice à son égard. Ce n’est que par l’effet du
hasard que la véracité de la déclaration a pu être nuisible à celui qui s’était réfugié dans la maison ; ce n’est
pas l’effet d’un acte libre. »

Kant, Métaphysique des mœurs, Seconde partie : Doctrine de la vertu

Séquence 9. Le regard de …

« Ce n’est pas ce que la volonté bonne effectue ou accomplit qui la rend bonne, ni son aptitude à atteindre
quelque but qu’elle s’est proposée, mais c’est uniquement le vouloir ; autrement dit c’est en soi qu’elle est
bonne, et considérée pour elle-même. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs

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« Une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle mais de
la maxime d’après laquelle elle est décidée ; elle ne dépend donc pas de la réalité de l’objet de l’action mais
uniquement du principe du vouloir d’après lequel l’action est produite sans égard à aucun des objets de la
faculté de désirer. »

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs

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« Quelles sont les fins qui sont en même temps des devoirs ? Ce sont ma perfection propre et le bonheur
d’autrui. On ne peut échanger les termes en présence et prendre pour des fins qui seraient en elles-mêmes,
pour la même personne, des devoirs : mon propre bonheur et la perfection d’autrui d’autre part. »

Kant, Métaphysique des mœurs, Seconde partie : Doctrine de la vertu

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« S’il est question d’un bonheur auquel ce doit être pour moi un devoir d’œuvrer comme à ma fin, il ne peut
que s’agir du bonheur d’autres hommes, dont je décide de considérer la fin (légitime), comme étant ma fin.
Quant à savoir ce qui peut compter dans leur bonheur, c’est à eux qu’il revient d’en juger. »

Kant, Métaphysique des mœurs, Seconde partie : Doctrine de la vertu

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