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Exemplier cours Agrégation Kant (5 premières séances)

Citations hors Critiques


ENS 2022-2023

« Vous vous plaignez avec raison, Monsieur, du badinage perpétuel des faiseurs
d’esprit, et de la loquacité des auteurs d’aujourd’hui, qui écrivent d’un ton de grand seigneur
sans avoir d’autre bon goût que de disserter sur le bon goût. Mais, à mon avis, c’est là
l’euthanasie de la fausse philosophie, qui expire en fadaises, et c’est bien pis lorsqu’elle est
portée au tombeau dans des rêveries profondes et fausses, avec la pompe d’une méthode solide.
Avant que la vraie philosophie ne revive, il est nécessaire que l’ancienne se détruise elle-même,
et de même que la putréfaction est la dissolution la plus accomplie, qui se produit toujours
préalablement quand doit commencer une nouvelle création, ainsi la crise du savoir, en une
époque comme la nôtre où il ne manque pourtant pas de bonnes têtes, me donne le meilleur
espoir que la grande révolution des sciences, si longtemps souhaitée, n’est plus très éloignée. »
Kant, Lettre à Lambert, 31 décembre 1765.

« Je suis moi-même par inclination un chercheur. Je ressens toute la soif de connaître et


l’inquiet désir d’avancer en cette voie ou encore le contentement lors de tout progrès accompli.
Il fut un temps où je croyais que cela seul pouvait constituer l’honneur de l’humanité et je
méprisais le peuple qui est ignorant de tout. C’est Rousseau qui m’a remis sur le droit chemin.
Cette supériorité qui m’aveuglait disparait ; j’apprends à honorer les hommes et je me trouverais
plus inutile que le commun des travailleurs si je ne croyais que cette considération puisse
conférer à toutes les autres cette valeur : établir les droits de l’humanité. »
Kant, Remarques touchant les Observations sur le sentiment du beau et du sublime, Paris, Vrin,
1994, p. 127 (Ak XX 44).

« Les moralistes anglais sont des écrivains animés de l’esprit de politesse et de


sociabilité, plus préoccupés de dégager la théorie de la vertu de conventions intellectuelles que
de dégager la vertu même de conventions mondaines (…) A ceux-ci, qui croient d’emblée à
l’accord de la vertu avec l’intérêt social, et même avec l’intérêt personnel (…) s’attaque la
pensée, autrement révolutionnaire, du sauvage Rousseau, et c’est la protestation qu’elle élève
contre les artificielles et misérables dépendances de la vertu à l’égard de la civilisation et de la
société existante qui va remuer Kant. »
V. Delbos, « Rousseau et Kant », Revue de métaphysique et de morale, N°3, PUF, 1912.

« Newton fut le premier à voir de l’ordre et de la régularité, alliés à une grande


simplicité, là où avant lui on ne pouvait rencontrer que désordre et diversité mal agencée et
depuis lors, les comètes décrivent des orbes géométriques. Rousseau fut le premier à découvrir
sous la diversité des formes humaines <précédemment> admises, la nature profondément
cachée de l’homme et la loi secrète selon laquelle la Providence se trouve par ses observations
justifiée. »
Kant, Remarques touchant les Observations sur le sentiment du beau et du sublime, Vrin, 1994,
p. 140 (Ak XX 58).

« Nous avons vu à la fin de la période précédente la conscience de l’idée ou de


l’universel qui est intrinsèquement fin, – c’est la conscience d’un principe qui est universel tout
en étant intrinsèquement déterminé, et qui de ce fait est susceptible de subsumer le particulier
et d’y être appliqué. […] La question principale est désormais celle du critère. La grandeur

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spéculative de Platon et d’Aristote n’existe plus ; on a plutôt un philosopher d’entendement.


Compte tenu du rapport précité, la tâche de la philosophie se définit comme la question du
critère de vérité, c'est-à-dire – puisque le vrai est l’accord du penser et de la réalité, ou plutôt
l’identité du concept en tant qu’élément subjectif et de l’élément objectif – comme la question
d’un principe de jugement de cet accord. Cela revient à poser la question d’un principe. Le vrai
est concret et non pas abstrait. Par quoi le vrai est-il reconnu, est-il jugé (krinein) vrai ? Critère
et principe sont donc identiques. »
G.W.F. Hegel, Leçons sur l’histoire de la philosophie, t. 4, Paris, Vrin, 1975, p. 633-634.

« Pour qu’une représentation soit une connaissance (par où j’entends toujours ici une
connaissance théorique), il faut que le concept et l’intuition d’un objet soient liés dans cette
même représentation, de telle sorte que le premier soit représenté selon la manière dont il
contient sous lui la seconde. »
Kant, Les Progrès de la métaphysique, Paris, Flammarion, 2013, Ak X 273-274, p. 99.

« Placer la sensibilité dans la pure indistinction des représentations, l’intellectualité au


contraire dans leur distinction et établir par là une différence de conscience purement formelle
(logique), au lieu de la différence réelle (psychologique) qui ne concerne pas simplement la
forme mais le contenu de la pensée, c’était là une grave faute de l’école de Leibniz et de Wolff.
C’était placer la sensibilité dans un pur manque (manque de clarté des représentations partielles)
par conséquent dans l’indistinction, et placer le caractère propre de la représentation de
l’entendement dans la distinction ; alors que la sensibilité est quelque chose de très positif et
une addition nécessaire à la représentation de l’entendement pour produire une connaissance.
Mais c’est Leibniz à vrai dire qui en est responsable. Se rattachant à l’école platonicienne, il
admit de pures intuitions innées de l’entendement appelées idées ; on les trouverait dans l’âme
humaine, pour le moment assombries seulement ; leur analyse et leur mise en lumière par
l’attention nous permettraient la connaissance des objets tels qu’ils sont en soi. »
Kant, Anthropologie, Note du §7, Paris, Vrin, 1994, p. 27.

« Les idées sensitives dépendent du détail des figures et mouvements et les expriment
exactement, quoique nous ne puissions pas y démêler ce détail dans la confusion d’une trop
grande multitude et petitesse des actions mécaniques, qui frappent nos sens. Cependant, si nous
étions parvenus à la constitution interne de quelques corps, nous verrions aussi quand ils
devraient avoir ces qualités, qui seraient réduites elles-mêmes à leurs raisons intelligibles ».
Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain, IV, 6, §7.

« Un totum syntheticum est celui dont la composition se fonde quant à sa possibilité sur
les parties, qui se laissent encore penser sans aucune composition. Un totum analyticum est
celui dont les parties quant à leur possibilité présupposent déjà la composition dans le tout.
L’espace et le temps sont des tota analytica ».
Kant, Réflexion 3789, Ak XVII 293.

« En tant qu’intuition pure universelle, le temps doit devenir l’élément essentiel,


prédominant et fondamental de la connaissance pure, génératrice de transcendance. »

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« C’est seulement en tant qu’il se fonde sur une telle ipséité temporelle que l’être fini
peut être ce qu’il doit être, un être soumis à la réceptivité. »
Heidegger, Kant Buch, p. 157 et p. 244.

« Cette œuvre, qui exerce sans cesse l’intelligence du lecteur, même si elle ne l’instruit
pas toujours, qui souvent fatigue l’attention jusqu’à l’épuisement, qui parfois lui vient en aide
au moyen d’images heureuses ou l’en récompense par des conclusions inattendues et d’intérêt
général, est un système de l’idéalisme supérieur ou, comme le définit l’auteur, de l’idéalisme
transcendantal, qui embrasse de la même manière l’esprit et la matière, qui transforme le monde
et nous-mêmes en représentations et fait ainsi surgir tous les objets des phénomènes. »
Recension Feder-Garve.

« Il nous est donné des choses, en tant qu’objets de nos sens situés hors de nous, mais,
de ce qu’elles peuvent bien être en soi, nous ne savons rien, nous ne connaissons que leurs
phénomènes, c’est-à-dire les représentations qu’elles produisent en nous en affectant nos sens.»
Kant, Prolégomènes, Remarque II du §13

« Ce qui me semble provoquer cette surprise de l’entendement à propos de racine de 2


ne réside pas tant dans le fait que pour tout nombre il faille trouver un racine carrée, et même
au besoin en trouver une qui ne soit pas elle-même un nombre mais uniquement la règle
permettant de l’approcher autant qu’on veut, mais bien plutôt dans le fait que ce concept de
racine de 2 puisse se construire géométriquement , et par suite, qu’il ne soit pas simplement
pensable mais qu’il puisse aussi trouver sa présentation adéquate dans l’intuition, alors même
que l’entendement n’en comprend pas le fondement et n’est pas non plus autorisé à accepter
qu’un objet tel que racine de 2 soit possible, puisqu’en effet il ne peut pas présenter
adéquatement le concept d’une telle quantité dans l’intuition des nombres, et qu’il peut encore
moins s’attendre qu’un tel quantum soit donné a priori. (…) La nécessité du lien entre les deux
formes sensibles, espace et temps, dans la détermination des objets de notre intuition est telle
que, si le sujet fait du temps lui-même l’objet de sa représentation, il lui faut le représenter par
une ligne pour pouvoir le connaitre comme quantum, de même qu’à l’inverse, une ligne ne peut
être pensée comme quantum que parce qu’elle doit être construite dans le temps. Il me semble
que la compréhension de la nécessité du lien entre le sens interne et le sens externe dans la
détermination temporelle de notre existence contribue à prouver (contre l’idéalisme
psychologique) la réalité objective de nos représentations des objets extérieurs ; mais je ne peux
pas poursuivre cet exposé maintenant. »
Kant, Lettre à Rehberg du 25 septembre 1790.

« La preuve que l’espace est une condition subjective, c’est que les propositions portant
sur lui sont synthétiques et que des objets peuvent ainsi être connus a priori. Ce serait impossible
si l’espace n’était pas une condition subjective de la représentation de ces objets »
Réflexion 4673, Ak XVII 645.

« Il est impossible de connaître a priori et synthétiquement les choses en soi, mais


seulement les phénomènes, parce que toute connaissance synthétique implique de sortir du

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concept et d’en passer par l’intuition empirique ou pure. Or des jugements synthétiques a priori
impliquent une intuition pure ; mais l’intuition pure n’est possible que comme forme de notre
sensibilité »
Réflexion 5927, Ak XVIII 388-389.

« Le biangle est logiquement possible ; s’il est impossible, c’est dans l’intuition de
l’espace, telle que nous l’avons. Pour être logiquement possible, le décaèdre est néanmoins
inconstructible. Si le jugement « tout trilatère a trois angles » est synthétique, c’est parce qu’il
n’est pas une vérité logique, parce qu’il n’y aurait aucune contradiction à ce qu’un trilatère n’en
eût que deux et qu’il n’y a que par sa construction dans l’intuition pure que je vois qu’il ne peut
être construit que si je construis trois angles. La thèse kantienne du caractère synthétique des
mathématiques signifie que l’objet des mathématiques est limité à ce qui peut être construit,
que les concepts mathématiques ne peuvent être connus par l’entendement seul parce qu’ils
n’en procèdent pas. Que les mathématiques ne sont pas une promotion de la logique et que les
axiomes ne peuvent être démontrés par les seuls principes d’identité et de non contradiction,
c’est ce qui donne raison à Kant contre Leibniz. Kant a découvert l’autonomie de la
connaissance mathématique, son indépendance à l’égard de l’expérience comme par rapport à
la logique ; il la défend, à bon droit, contre les usurpations de la logique formelle. »
F.-X. Chenet, L’assise de l’ontologie critique, p. 171-172.

« C’est dans la forme que consiste l’essence de la chose (forma dat esse rei, disait-on
chez les scolastiques), en tant que cette essence doit être connue par la raison. Si cette chose est
un objet des sens, la forme des choses (comme phénomènes) est dans l’intuition, et même la
mathématique pure n’est rien d’autre qu’une doctrine des formes de l’intuition pure ; de même
que la métaphysique, comme philosophie pure, fonde avant tout sa connaissance sur les formes
de la pensée sous lesquelles ensuite tout objet (matière de la connaissance) doit être subsumé ».
Kant, Sur un ton supérieur nouvellement pris en philosophie, Ak VIII 404, p. 414.

« Tous nos jugements commencent par être de simples jugements de perception ; ils
valent uniquement pour nous, c’est-à-dire pour notre subjectivité, et ce n’est qu’ensuite que
nous leur procurons une nouvelle relation, la relation à un objet, et que nous voulons qu’ils
soient également valables pour nous toujours et de même pour chacun ; car lorsqu’un jugement
s’accorde à un objet, il faut que tous les jugements sur le même objet s’accordent également
entre eux, et la validité objective du jugement d’expérience ne veut rien dire d’autre que sa
nécessaire validité universelle. »
Kant, Prolégomènes, §18.

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