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ACADEMICA

Les Académiques et le problème de l’évidence

evidentia = enargeia : ce qui est manifeste de soi-même et n’a pas besoin d’être clarifié
dans les connaissances, pouvons-nous prétendre à une véritable certitude ? y a-t-il certains
types de connaissance qui constituent pour nous des connaissances certaines ? (kataleptikê
des stoïciens ou connaissance sensible ou dérivée immédiatement de la sensation chez les
épicuriens)
ou si non de sorte que la meilleure attitude est celle d’Arcésilas = suspendre son jugement,
pratique l’epochê et à s’interdire de toute opinion ou assertion positive à partir de nos
représentations
Arcésilas mort 200 ans avant le dialogue, débat de 200 ans pour savoir si l'on peut parvenir à
des connaissances, sinon certaines au moins probables comme Carnéade l’a soutenu 214-129
ou bien s’il convient de suspendre son jugement en toutes circonstances
la position de Cicéron sur ce point quelle est-elle ? il semble osciller entre un
scepticisme radical et un scepticisme mixte qui n’exclurait pas la possibilité de
donner un certain type d’assentiment lorsqu’on a affaire à des représentations
probables et de fait Arcésilas invoque Socrate donc se situe dans l’histoire de l’Académie et
pr Cicéron la NA ne diffère pas de la moyenne et reste fidèle à la méthode de l’Ancienne, ce
que montre la section du livre de Marchand de 2018 sur Le Scepticisme
alors que du point de vue éthique et politique Cicéron endosse thèses qu’on pourrait dire
thétiques et problématiques et en cela il est séduit par Antiochus d’Ascalon
il est plus proche de l’influence sceptique en particulier en connaissance en particulier dans
les Académiques
c’est pas tout à fait nouveau car dès le De Inventione 96 il fait l’éloge d’une suspension du
jugement universelle et montre déjà 40 ans avant les Académiques une sympathie pour une
forme de scepticisme radical
par la suite si on se rappelle la bio de Cicéron il va développer son activité d’avocat de
politicien et compare l’argumentation in utramque partem à la manière socratique
d’interroger et de répondre
on le voit en A, II, §7 “Et nous non plus, même épuisés, nous n’abandonnerons pas notre
recherche assidue, mais nos discussions n’ont pas d’autre but, en exposant et en écoutant le
pour et le contre, que d’attirer et pour ainsi dire extirper quelque chose de vrai ou qui
approche le plus possible de la vérité.”
mais les traités des années 40 si l’on peut dire sont globalement cohérents pour
privilégier un scepticisme mixte
de fait on a beaucoup d’impressions A II §8 “nous, nous considérons comme probables bine
des opinions que nous pourrions facilement suivre mais difficilement affirmer avec certitude
; nous sommes plus libres et plus indépendants en ce que notre pouvoir de jugement nous
demeure intact et qu’aucune nécessité ne nous force à défendre toutes les prescriptions de
certains, leurs ordres, pour ainsi dire.”
la question des probabilia les choses que nous estimons plausibles, sera au coeur de la
réflexion des Académiques puisque même si nous ne donnons pas notre assentiment, si l’on
suspend notre jugement il y a deux modes du non assentiment
- la suspension totale du jugement
- pas admise par les scepticismes radicaux est le fait de suivre la
probabilitas, plausibilité (probabilité pas estimation statistique de probabilité
c’est pourquoi la traduction par plausible est justifiée…) dans le domaine de
l’action ou lorsqu’on a affaire à des problèmes qu’on envisage in
utramque partem
il s’agirait alors si l’on admet que certaines représentations peuvent orienter la conduite
parce qu’elles sont plausibles, s’agirait de suspendre jugement de façon conditionnée et pas
absolue, ce qui toujours nous éloigne de la représentation kataleptikê des stoïciens dont la
certitude est absolue
la question de l’évidence arrive donc ici au coeur de ce débat : à quel type d’évidence pouvons
nous nous référer ? en existe-t-il d’absolues ? si c’est le cas l'évidence doit se justifier
d’elle-même ou à peine se justifier
mais malgré tout certains parmi les stoïciens se sont efforcés d’en rendre raison notamment
pr répondre aux attaques dt l’évidence a été victimes notamment de la part des sceptiques
A II §17 on a affaire à une question pas du tout illégitime : qu’est-ce qui garantit ce qui n’a
pas besoin de garantie ? quelle est la qualité ou la propriété de l’évidence qui fait qu’elle est
auto-persuasive ?
comment répondre aux attaques contre l’é sinon en donnant des justifications
de l’évidence ?

II §17-19

la première famille de pensée à laquelle on doit s’intéresser pour savoir comment les
dogmatiques ont pu répondre au problème de l’évidence est la famille épicurienne

deux versions des A rédigées après la mort de Tullia à laquelle il fait parfois référence dans
des traités et le livre I appartient à la seconde version le seul qui nous a été conservé
comme l’interlocuteur est Varron avec qui Cicéron ne s’entendait pas il est fréquent que le
livre I soit appelé le Varron mais il faut retenir que par inversion malencontreuse ce livre I
appartient à la seconde version
ce livre I porte héritage des thèses d’Antiochus d’Ascalon comme aussi le livre II
mais le livre II appartient à la première version et le livre II est désigné par le nom de
l’interlocuteur principal de Cicéron, Lucullus dont Pellegrin dit que c’est porte parole d’un
stoïcisme révisé par scepticisme d’Antiochus d’Ascalon
Antiochus se caractérise par un syncrétisme lui permettant de faire parler d’une seule voix
académiciens péripatéticiens et stoïciens avec cette idée que les stoïciens n’ont fait que
changer façon d'exprimer les choses en els rendent plus obscures
la position défendue dans le Lucullus celle d’Antiochus contre l’Académie ouvertement
sceptique et notamment contre Arcésilas dont on parlait tout à l’heure
et donc il s’agit dans le Lucullus d’argumenter contre les arguments de ceux qui s’opposent à
la conviction stoïcienne qu’on peut connaître certaines choses avec certitude
Prologue §1-10
L’exposé de Lucullus §11-62
La doctrine de Lucullus-Antiochus §19-39
Les objections discutées des Académiciens §40-62
L’exposé de Cicéron §64-146
l'essentiel de la stratégie = enrôler Carnéade pr s’opposer à Antiochus et de défendre le
probabilisme
Epilogue §147-148

la difficulté technique est de savoir qui parle à quel moment : il faut avoir en tête cette
structure surtout du Lucullus

L’épistémologie épicurienne

on retrouve des arguments sur le plan éthique contre les épicuriens, dans le Varron §6-7 ; fin
du livre II mais les épicuriens sont aussi attaqués sur le plan épistémologique pour leur
conception de la certitude, deux reproches :

- ils posent l’absolue vérité de la sensation mais en même temps d’une manière
qui (DF I, 22) les expose puisque, dit Cicéron, en réalité Epicure dit qu’il faut que la
sensation soit vraie car si une seule était fausse tout l'édifice de la connaissance
s’écroulerait DRN IV “il faut que la regula soit vraie sinon tout l’édifice s’écroule”
mais Cicéron le comprend comme voulant dire il suffirait qu’on en trouve une fausse
et tout s’écroule ; retournement sophistique de la position épicurienne et une façon
aussi de montrer ou prétendre que l’épistémologie épicurienne est un dogmatisme
absurde comme par exemple ce personnage Timagoras, un épicurien A II §80
expérience si on appuie sur le coin de l’oeil ça dédouble l’image à ce moment là
illusion d’optique, c’est une erreur des sens donc la doctrine épicurienne selon
laquelle sensation tj vraie serait ici mise en péril (la solution épicurienne = les sens
ne se trompent jamais mais c’est l’opinion qu’on ajoute à la sensation qui
est source d’erreur) donc Timagoras aurait donc dit que quand j’appuie sur mon
oeil et vois double c’est l’opinion qui se trompe et ce n’est pas la sensation elle-même,
jamais ; on pourrait donc dire qu’on n’a pas vu les deux flammes je forme l’opinion
qu’il y a deux flammes donc ça c’est la première critique formulée idée que le
dogmatisme en faveur de la sensation conduit à des positions absurdes mais un autre
critique adressée aux épicuriens
A II 45 “Car, lorsqu’Epicure voulut prévenir les erreurs qui paraissent troubler la
connaissance du vrai et déclara que la fonction du sage était de séparer l’opinion de
l’évidence, il n’aboutit à rien, faute d’avoir supprimé l’erreur inhérente à l’opinion.”
quand Epicure sépare l’opinion et l’évidence des sens ici un problème apparaît :
comment parmi les opinions distinguer entre les vraies et les fausses ? on a donc ici
deux critiques qui sont radicales et ne font que s’ajouter aux critiques morales
ajoutées auparavant… pour être capable de prendre la mesure de cela, prenons les
textes épicuriens eux-mêmes
[1] « dans le Canon, Épicure dit que les critères de la vérité sont les sensations et
préconceptions et les affections ; et les épicuriens y ajoutent les appréhensions
d’images par la pensée » Diogène Laërce, X, 31
epibolai de l’esprit sur des images, projections… mais important d’avoir en tête que le
premier critère de vérité est la sensation mais que ce n’est pas le seul car aussitôt
après la sensation on a la prolepse (on en a parlé en contexte stoïcien) : deux
critères de vérité et on a aussi les affections, les pathê critère de ce qui est à
rechercher ou à fuir dans les deux critères de l’action, le plaisir et la douleur
deux choses importantes : la sensation vient en premier et est par elle-même critère
de vérité c’est par référence à la sensation qu’on va trouver un critère pr attester la
vérité ou fausseté de nos représentations : on observe la proximité immédiate de la
préconception après la sensation dans un même ensemble
logique que Lucrèce au chant IV du DRM parmi les six chants qui porte sur les
questions de connaissance, on trouve critique du scepticisme et précisément ce que
Lucrèce objecte aux sceptiques est qu’ils ne se rendent pas compte qu’on dispose
d’une connaissance nécessairement vraie qui est l’impression sensible, l’impression
que les sens reçoivent, la sensation
on va retenir en même temps l’idée du caractère instantané de la vérité des
sensations, à chaque moment la sensation est vraie mais je peux retenir que je peux
avoir des sensations différentes à différents moments y compris des sensations
différentes de la même chose à différents moments : si j’extrais une sensation de
mon flux d’expérience à chaque instant, elle est vraie, mais on a une
multiplicité d’expériences sensorielles : le point sera essentiel pour justifier la
position épicurienne
difficulté évidente = il y a des illusions sensorielles ; un topos de l’histoire de la
philosophie et déjà un topos à cette période : les épicuriens ont plusieurs stratégies pr
sortir de cette difficulté
- argument positif : d’ordre physique ou physiologique. dans la Lettre à
Hérodote d’Epicure à partir du §46 on trouve une explication physique de la
perception à distance c’est d’abord la vision qui nous intéresse ; quand nous
percevons quelque chose c’est parce que l’on perçoit en nous des répliques,
tupoi, des empreintes, des esquisses qui viennent se déposer sur
l’organe de la sensation, de la vision nous le recevons car depuis ce que
nous voyons viennent jusqu’à nous des simulacres, eidola (simulacre
attention dans la langue a une connotation négative mais ici non… de fait
eidolon chez Platon a la signification d’une image trompeuse mais en contexte
épicurien comme déjà chez Démocrite eidolon = l’image formée par un flux de
petites pellicules fines en provenance de l’objet qui viennent jusqu’à nous
pour former un tupos et imprimer en nous une phantasia : ce flux est un
phénomène physique réel)
la propriété de ce transfert est qu’il reproduit la structure de la surface de
l’objet, le manifeste ; une sumpatheia qui caractérise la ressemblance entre le
tupos se formant sur l’oeil et la surface de l’objet vu : il y a un phénomène
physique de sympathie entre l’image reçue et la structure extérieure de ce qui
est vu, mais il ne faut pas croire que la sensation est intégralement passive : la
formation de la phantasia en moi ne fait pas de moi un pur patient
car dans la sensation elle-même il y a ce mouvement dont on parlait, celui de
l’epibolê, ou projection ; j’entends un son ne signifie pas que je l’écoute et lui
prête une attention qui fait qu’il devient significatif on peut peut-être penser à
ça pour se dire que dans la sensation épicurienne quelque chose qui fait de
moi un sujet certes réceptif, mais pas purement passif
de même qu’il y a une phantastikê epibolê, épibolê sensoriel, qui
constitue une phantasia, il y a aussi une phantasia de l’esprit de la
pensée à propos des images phantastika epibole tes dianoias,
lorsque je forme en moi une représentation par projection mentale
en tout cas, réducteur de penser que la conception épicurienne de l’expérience
est une conception purement passive
⇒ cette doctrine peut faire argument pr saveur l’évidence sensible et
épicurienne : le phénomène auquel on a affaire est un processus physique
donc ce n'est pas quelque chose de purement subjectif et d’ailleurs dans
l'univers atomiste Epicure ou Démocrite où on n’est que des agrégats
d’atomes avec un vide interstitiel en nous, l’idée même d’une distinction du
subjectif et de l’objectif est inadéquate car cette distinction ne peut être que
relative ; en tant qu’atomiste, quand on se représente l’âme = atomes
sphériques que j’inhale en permanence quand j’inspire et que je perds quand
j’expire de sorte que chez Démocrite la vie n’est qu’une balance ou équilibre
respiratoire lorsque la quantité nécessaire d’atomes sphériques grâce à
l’inspiration expiration, quand on meurt, on expire notre dernier souffle et
l’âme s’en va = le minimum nécessaire à la vie d’atome sphérique qu’on avait
dans l’organisme
le sujet épicurien est immergé dans un monde de corpuscules en mouvement
incessant que nous ne voyons pas ; je ne vois pas le simulacre de l’objet
qui vient sur moi mais je vois l’objet ; pourtant la sensation est toujours
vraie mais pr les épicuriens il est vrai que ce qui m’apparaît est
conforme immédiatement, spontanément, à l’apparence même des
choses, il n’en demeure pas moins qu’on doit rendre compte des erreurs
perceptives commises à propos de la sensation
en fait cela s’explique ainsi : pendant leur transport les simulacres bien que
conservent une sumpatheia avec objet dont ils proviennent, s’érodent,
traversent les atomes de l'air intermédiaire et cette érosion fait que le tupos
reçue est celui d’une pure ombre
on objectera aux Epicuriens comme L à T qu’en réalité, nous ne pouvons
prétendre que les sens sont innocents car de fait me rapportent une image
non conforme à la réalité de la chose placée hors de moi : les sens me donnent
à voir une tour sphérique alors qu’elle est carrée donc la solution consiste à
dire
- tout état sensoriel est vrai à l’instant ou il se produit comme le dit
Lucrèce [2] « l’impression que les sens reçoivent à tout moment est
vraie » Lucrèce, De Rerum Natura, IV 499 donc l’impression de tour
ronde est vraie, c’est un phénomène physique bien sûr la tour là-bas
n’est pas sphérique, mais l’image reçue, la pellicule qui vient se
déposer sur mon oeil est la pellicule qui me reproduit
l’image de tour sphérique ; elle est tout aussi vraie car tout
aussi réelle que la surface de la tour à 300 mètres : la
sensation est donc toujours vraie car réelle
- l’idée que la tour est sphérique est une idée produite par le jugement et
non par la sensation, la sensation de tour sphérique ne me dit pas que
la tour est sphérique elle me présente une tour sphérique mais ne
contient pas la jugement sur la chose placée hors de moi c’est le
jugement, c’est l’opinion donc une opération de la raison qui fait que je
projette à partir de cette image de tour sphériqu une propriété sur un
objet hors de moi et me fait commettre une erreur sur cet objet
la sensation ne juge pas, elle est alogê, arationnelle, doxographie de
Diogène Laërce à côté du texte 1 : ce qui signifie qu’elle ne porte pas en
elle même de jugement ou d’opinion donc elle ne peut commettre
d’erreur car l’erreur est tj prédicative ; pour pouvoir me tromper je
dois pouvoir dire X est A ou X est B… ce que ne fait pas la sensation
car est antéprédicative
⇒ c’est ce que veut dire Timagoras quand dit que je n’ai pas vu deux
flammes : je vois en réalité une impression double mais les deux
flammes placées hors de moi je ne les ai pas vues donc je peux
concevoir que propos de Timagoras est loin d’être absurde et renvoie
l'erreur du côté du seul jugement et en excepte la sensation
ce qui a son importance non seulement pr préserver nos connaissances
ordinaires mais aussi dans les sciences, pr garantir les inférences que
nous sommes amenés à former quand on fait de la physique, quand on
a affaire à des choses qui ne sont pas apparentes
car dans les sciences on ne peut se contenter de l’expérience directe ; je
ne peux pas me satisfaire de l’expérience directe qd il s’agit de
connaître les propriétés des corps et quand on dit que les corps
premiers sont imperceptibles = les atomes et le vide dans lequel ils se
meuvent est aussi imperceptible
si je veux traiter des phainomena comme des adêla je dois
procéder à des opérations rationnelles complexes et donc
faire usage de mon jugement nécessairement
• [3] « [37] (…) Il faut tout d’abord saisir, Hérodote, ce qui est posé
sous les expressions verbales, de sorte que l’on puisse, en s’y
rapportant, juger de ce qui est objet d’opinion, de recherche ou
d’embarras, et pour empêcher que, pour nous, tout soit indistinct à
cause de démonstrations menées à l’infini, ou pour empêcher que nous
n’ayons que des expressions vides. [38] Nécessairement, en effet, sous
chaque expression verbale est perçue la notion première et celle-ci ne
demande aucune démonstration supplémentaire, si toutefois nous
devons disposer de l’objet de recherche ou d’embarras et de l’objet
d’opinion auxquels nous rapporter. Il faut en outre s’assurer de toutes
choses en s’en remettant aux sensations et, d’une manière générale,
aux appréhensions du moment – qu’elles soient le fait de la pensée ou
de n’importe quel autre critère – et semblablement aux affections
présentes, de sorte que nous soyons en mesure d’inférer à partir de
signes aussi bien ce qui attend d’être confirmé que le non manifeste. »
Épicure, Lettre à Hérodote, 37-38
sans cette première certitude qui est sémantique, nous ne pouvons pas
mener de recherches et l’on ne peut pas apprécier les objets de nos
différentes investigation et surtout il faut s’assurer de toutes choses en
s’en remettant aux sensations et aux epibolai du moment-même où
l’on perçoit
de même aux affections, c’est-à-dire plaisir et peine, cela pour inférer à
partir de signes, c’est-à-dire d’attestations manifestes, de signes
empiriques et cela dans deux directions possibles aussi bien pour
atteindre
- ce qui attend d’être confirmé : la tour là-bas est-elle sphérique
ou cubique ? je peux y voir, aller vérifier : nous pouvons faire
varier nos conditions de l’expérience, affiner nos conditions
d’observation pr voir de plus près et comparer les différentes
sensations qu’on peut avoir d’un seul et même objet mais
l'important est de distinguer le déjà confirmé par l’expérience
et ce qui attend encore confirmation [10]
l’erreur principal ici est de ne pas savoir identifier ce qui
appelle confirmation ce qui est en attente d’être validé donc
c’est une faute par précipitation
- le non-manifeste : les adêla c’est-à-dire les propriétés cachées
comme peuvent l’être celles des atomes ou l’existence du vide ;
l’existence du vide, je peux l’inférer à partir de l’expérience du
mouvement ; je fais l’expérience du mouvement, j’en déduis
que les corps changent de place et donc qu’un lieu vide devient
plein

- argument négatif ou indirect : chant IV [2] Lucrèce raisonne par les csq pr
montrer ce que nous perdrions à douter de la vérité des sensations « l’impression
que les sens reçoivent à tout moment est vraie » Lucrèce, De Rerum Natura, IV 499
puisque toutes nos connaissances dérivent des sensations, si nous remettons en cause
la sensation alors nous ne pouvons maintenir aucune de nos connaissances
les épicuriens dans d’autres textes donnent des arguments du même type pour
montrer quel prix on doit payer si on admet pas la validité des sensations
Cicéron peut dire comme il le fait dans le Lucullus que les épicuriens en réalité
lorsqu’ils démarquent la sensation de l'opinion ne parviennent pas pr autant à
démarquer dans les opinions les opinions vraies et les fausses
ce jugement lapidaire ne rend pas justice à un certain nombre de choses dont on vient
de parler notamment à la méthode de confirmation ou d’infirmation qui est le
principe de la méthode d’inférence chez les épicuriens : distinguer entre ce qui attend
d’être confirmé et ce qui n’a plus besoin d’être confirmé, quel type d’inférence on peut
faire dans des circonstances… il y a une méthodologie très complexe de l’inférence
chez les épicuriens dont C ne se soucie pas et on peut mener bien ou mal nos
raisonnements à propos des objets d’inférences
surtout nous avons pour nous-mêmes naturellement la faculté de former un certain
type de représentations, les prolepses, les prénotions qui dérivent immédiatement de
la sensations et sont tj vraies et donc on peut accéder à une vérité indubitable non
seulement ds l’expérience immédiate mais aussi dans le domaine des notions
donc bien d’avoir en tête que l’épicurisme épicurien est un épicurisme complexe qui
est aussi une épistémologie des notions pas que de la sensation
[4] « [33] disent, d’autre part, que la préconception est comme une saisie ou une
opinion droite ou une notion ou une pensée générale gardée en réserve, c’est-à-dire
un souvenir de ce qui s’est souvent manifesté à nous du dehors, par exemple quand
on dit que « ce qui est tel est un homme ». En effet, en même temps que le mot «
homme » est prononcé, on en conçoit aussitôt le schéma, par préconception, parce
que les sensations ont précédé. Ainsi, pour chaque nom, ce qui est supposé en
premier lieu est évident, et nous n’aurions pas recherché l’objet de recherche si nous
ne l’avions pas connu d’abord. Par exemple : « ce qui se trouve là-bas, est-ce un
cheval ou un bœuf ? » Car il faut déjà avoir connu par préconception, à un moment
quelconque, la forme du cheval ou du bœuf. Et nous n’aurions pas non plus nommé
quelque chose, si nous n’avions pas d’abord appris son schéma par préconception.
Les préconceptions sont donc évidentes. En outre, ce qui peut faire l’objet d’une
opinion dépend de quelque chose d’évident et d’antérieur, auquel nous nous référons
quand nous disons par exemple : « d’où savons-nous si ceci est un homme ? »
Diogène Laërce, X 33
on voit émerger une proposition de foi empiriste pas éloignée de celle d’Aristote au
début de la Métaphysique en A. 1 ou à la fin des Seconds Analytiques II 19
c’est–à-dire l’idée que nos idées, nos notions générales dérivent de
l’expérience sensible de sorte qu’il y a une genèse spontanée des notions
et en ce sens on peut dire que les notions sont en nous naturellement
j’ai vu plusieurs individus appartenant à l’espèce humaine, je forme la notion d’être
humain… etc. ce point est rendu un peu plus subtil ici car Epicure fait intervenir la
question de la sémantique, comme dans le texte III de l’exemplier : il y a un sens obvi
des termes, je peux me tromper sur le fait que ce qui est là-bas est un cheval ou pas…
je peux me tromper dan la signification d’un mot, mais quand j’ai le bon terme, le
terme approprié, il renvoie pr moi immédiatement à une certaine notion
il y a une immédiateté de la disponibilité des notions parce qu’elles dérivent
spontanément des sensations, par un processus pas explicité sauf peut-être dans un
texte tardif,
[5] « après l’impact des premiers simulacres, notre nature est devenue poreuse et cela
de telle manière que, lors même que les choses que l’on a vues auparavant ne sont
plus présentes, des apparitions semblables aux premières sont reçues par la
pensée…» Diogène d’Œnoanda, fragment 9.III.6-14 Smith
on a ici une physique du frayage qui permet d’expliquer comment les sensations
laissent en nous des traces et comment ces traces sont retenues de sorte qu’on puisse
en retenir une forme de notions, un souvenir probablement capable de produire une
notion alors même que l’objet de la sensation n'est plus présente
ce qui est intéressant est que la prolepse soit déjà une forme de notion comme le
montre le texte 6 qui même s’il ne fait pas mention des prolepses les contient de
façon cachée
[6] « toutes les conceptions viennent des sensations, par incidence, par analogie, par
similarité ou par synthèse de propriétés ; le raisonnement lui aussi y contribue en
quelque manière. Les représentations des fous et celles qui paraissent en rêves sont
vraies également, car elles meuvent ; or ce qui n’est pas ne meut pas. » Diogène
Laërce, X 32
la prolepse fait bien partie des notions elle prend place à l’intérieur d’un ensemble
plus vaste dans lequel l'on trouve des constructions mentales complexes par analogie,
ressemblance … parmi nos notions, il y en a qui sont critères de vérité, les
prolepses
• [8] « [123] (…) En premier lieu, considérant que le dieu est un vivant incorruptible
et bienheureux, ainsi que la notion commune du dieu en a tracé l’esquisse, ne lui
ajoute rien d’étranger à son incorruptibilité, ni rien d’inapproprié à sa béatitude. En
revanche, tout ce qui peut préserver en lui la béatitude qui accompagne
l’incorruptibilité, juge que cela lui appartient. Car les dieux existent. Évidente est en
effet la connaissance que l’on a d’eux. Mais ils ne sont pas tels que la plupart des
hommes les conçoivent. Ceux-ci, en effet, ne les préservent pas tels qu’ils les
conçoivent. Est impie, d’autre part, non pas celui qui abolit les dieux de la foule, mais
celui qui ajoute aux dieux les opinions de la foule, [124] car les déclarations de la
foule à propos des dieux ne sont pas des préconceptions, mais des suppositions
fausses. » Épicure, Lettre à Ménécée, 123-124
la prolepsis à propos des dieux est composée des deux attributs épicuriens de la
divinité : incorruptibilité et béatitude (Malebranche, dès qu’on y pense il faut qu’ils
soient ; pr les dieux épicuriens dès qu’on y pense il faut penser leur béatitude et leur
incorruptibilité) si on s’en tient à la prolepse, si on pense l'idée dans sa radicalité c’est
penser à un être qui ne peut pas être physiquement détruit et qui jouit d’une
béatitude totale
et nous avec les religions instituées superstitions on passe à attribuer au divin des
propriétés qui ne sont pas les siennes jusqu’à se représenter des dieux jaloux
adultères etc et en avoir peur car c’est là le fin mot de l’affaire, c’est leur
attribuer des prédicats qui ne sont pas contenus dans leur prolepse
on a la prolepse des dieux, c’est indubitable et on passe notre temps à faire des
suppositions fausses = adjonctions d’opinions qui font que nous leur prêtons des
attributs qu’ils n’ont pas
le problème du DND = d’où nous vient cette prolepse car jusque là on a
parlé de notions qui viennent spontanément à partir de l’évidence ? jai
conçu la notion de l’être humain comme ça, mais les dieux nous ne les
percevons pas : les dieux épicuriens au moins si l’on en croit un passage de Lucrèce
vivent dans des intermundi des intermondes inaccessibles pour nous, donc on aura à
se poser la question de l’origine de cette prolepse des dieux

au stade où on en est il faut retenir que ce texte de la LM confirme le caractère


immédiat indubitable de la vérité non seulement des sensations mais aussi des
prénotions
une dernière chose : ne pas voir les épicuriens comme des positivistes absolus et ne croyons
pas qu’ils ne sont pas conscients des limites de nos connaissances : en ce qui concerne l’étude
des météores dans l’objet de la Lettre à Pythoclès : les épicuriens indiquent qu’il faut
parfois admettre des modèles explicatifs alternatifs lorsque nous ne sommes
pas en mesure de donner une explication unique : ces subtilités seront évidemment
gommées dans le traitement à l’acide que Cicéron va faire

le débat instruit par Lucullus, reconstitué, à partir de la polémique entre Arcésilas et Zénon,
la matrice du livre II, tourne autour du statut des représentations et la possibilité ou pas de
distinguer entre représentation vraie et représentation fausse, c’est un débat
épistémologique mais aussi éthique ou pratique

- épistémologique : car Arcésilas accusait les stoïciens d’être incapables de prouver


qu’une représentation est plus vraie qu’une autre et cette indistinction entre les
représentations fait que l’on ne peut pas distinguer entre représentation vraie et
représentation fausse, ce qui doit conduire selon la position sceptique d’Arcésilas à
une suspension généralisée du jugement, epokhê
A II 48 II 51-58 II 83
II 48 Lucullus reprend les arguments d’Arcésilas contre épistémologie stoïcienne
le maître mot de la critique d’Arcésilas est distinction et indistinction si pas de critère
distinctif représentations vraies et fausses on ne peut donner notre assentiment à
aucune représentation
premier argument : il y a une force immédiate, intrinsèque de l’évidence 51 qui
fait que par auto-référence, elle s’impose comme vraie ; point important car
intervient dans la définition de la représentation compréhensive, le critère de vérité
stoïcien
deuxième argument : les exemples des dormeurs et des fous ne font pas critère du
point de vue de Lucullus, il refuse l’équivalence entre cas standard et cas
non-standard en termes contemporains 53
troisième argument : l’argument des indiscernables utilisé par Arcésilas contre la
théorie stoïcienne de la vérité puisqu’Arcésilas estimait que la ressemblance entre
représentation vraie et fausse les rend indiscernables du point de vue psychologique
puisqu’on trouvera toujours des exemples dans lesquels on se trompe et si on fait des
erreurs c’est qu’il est tj possible de confondre représentation vraie et fausse 54-58
il applique là l’argument du sorite et c’est aussi un paradoxe stoïcien bien connu :
comment établir une différence qualitative dans un continuum, exemple du tas
le passage du vrai au faux est en réalité graduel et conformément à l’argument du
sorite qui montre que paradoxal de faire différence quali dans un continuum
Arcésilas dit que le raisonnement stoïcien se retourne contre eux ce passage graduel
du vrai au faux fait qu’on ne peut les discerner en fait
mais répond Lucullus, selon les stoïciens, il n’y a pas d’indiscernables stricts selon les
stoïciens et la ressemblance ne fait pas identité et la ressemblance ne peut donc pas
produire, même si une représentation fausse ressemble à une vraie, à
prétendre qu’ils sont indiscernables et donc par csqt ca ne peut justifier
qu’il faut suspendre son assentiment 57
il y a les contre-exemples du regard maternel sur les jumeaux et celui des poules de
Délos
- éthique et pratique : que faire dans un monde où l’on devrait tj suspendre son
assentiment ? argument classique contre les sceptiques, l’argument du l’apraxia et de
fait pour l’action nous avons besoin de donner un assentiment à des représentations
la théorie de l’assentiment chez les stoïciens ne sert pas que dans le
domaine des sciences mais elle sert aussi à l’exercice de la science dans sa
dimension pratique et souvent les exemples de l’assentiment concerne les actions
morales ou politiques 23-26 62 129
sur ce point Cicéron va tirer son épingle du jeu et marquer sa position en s’appuyant
sur Carnéade car un des aspects pr le débat des Académiques est la théorie du
probable ou du convaincant, vraisemblable, traductions possibles pour pithanon
(introduction de Pellegrin Académiques + Le Scepticismes de Marchand + renvoi au
cours sur le probabilisme et rappeler de ne pas confondre le probabile de Carnéade et
Cicéron avec la probabilité mathématique ou statistique)
on retiendra comme probable et suffisante une opinion assez vraisemblable ou
convaincante pour conduire à une action raisonnable
probabile = propriété des représentations persuasives qui peuvent être utilisées pour
guider l’action en certaines circonstances évidemment, sans pour autant qu’on leur
accorde le caractère d’évidence que les stoïciens accordent aux représentations vraies
le critère ici = l’efficacité de la représentation et le fait qu’elle l’emporte en
vraisemblance sur une autre =/= critère ambitieux des stoïciens, la force intrinsèque
de la rps vraie
s’il faut suspendre son jugement, il y a aussi une manière relationnelle, conditionnelle
de le suspendre, notamment en pratique quand on dispose d’une opinion
suffisamment persuasive ou convaincante pour nous conduire à agir de telle manière
plutôt que telle autre
Lucullus va répondre en disant que nécessaire pr la pratique de former des jugements
vrais, Cicéron va lui répondre en se fondant sur la théorie de Carnéade : tous les jgts
vrais ne sont pas de même nature et vérité nous est inconnaissable mais
je peux me fier à des rps vraisemblables et suffisantes

⇒ Cicéron intervient ensuite à partir du §64


rappel sur l’épistémologie stoïcienne : Gourinat, Les Stoïciens et l’Âme, La Dialectique des
Stoïciens surtout le premier ; Long et Sedley surtout et passage des Académiques qui va nous
aider
la notion de logique pas sens restrictive mais doit être entendue au sens large de l’adjectif
logikos = ce qui a à voir avec le langage, le raisonnement et se subdivise en la rhétorique et la
dialectique
la dialectique elle-même se divise en sections sur les énoncés et sur ce qui est signifié par les
énoncés cf. tableau page 3
la dialectique est une vertu, la science est vertu, c’est la disposition parfaite de l’hégémonique
du sage, et ce n’est pas un champ de compétences purement théorique et abstrait des
conditions de l’action et c’est fondamentalement une vertu de l’assentiment : la capacité
acquise par le sage de donner ou non son assentiment à telle ou telle représentation
il est important d’avoir à l’esprit que pas de distinction radicale entre théorie et pratique car
leur conception de la dialectique le montre clairement puisque l’assentiment va s’appliquer
par principe à tout type de représentation : la grandeur du soleil par exemple, ou de l’action
que je me propose de faire dans le domaine de la pratique
voilà le cadre général en deux mots et on peut renvoyer au chapitre 31 dans Long et Sedley ;
on peut voir mtn plus précisément ce qu’il en est des représentations ou impressions (pour
désigner phantasia)
Long et Sedley traduits par Brunschwig et Pellegrin
la traduction “impression” a l’avantage de bien se coupler avec l’ensemble de la terminologie
de la représentation, qui se couple bien avec “impresseur” tend donc phantaston et montre
que la phantasia a une origine physique : la représentation que l’on a est le résultat d’une
empreinte au sens matériel du terme d’où l’image du cachet dans la cire
on a donc une conception physicaliste de la représentation c’est-à-dire une corrélation entre
mon image mentale et ce qui l’a produite
l’inconvénient est qu’impression peut avoir une connotation subjective
phantasia par contre est courant dans le lexique philosophique depuis l’époque classique
peut-être même avant Platon car on le trouve chez les présocratiques
Démocrite a déjà utilisé phantasia, comme Platon, Aristote c’est donc un terme qui n’a pas la
technicité stupéfiante de impression
la phantasia a une longue histoire comme l’image du sceau dans la cire que l’on trouve chez
Démocrite, chez Platon Théétète 191c, chez Aristote Parva Naturalia sur la mémoire et la
réminiscence
les stoïciens vont prendre phantasia en son sens le plus large pour désigner tout type d’état
cognitif véritable c’est-à-dire causé par les choses extérieures alors qu’Aristote réservait un
champ limité à la phantasia en la distinguant de l’aisthesis et de la connaissance
intellectuelle DA III, 3 la phantasia est un mouvement dérivé de la sensation en acte et qui
donne les rêves, les souvenirs ou le fait de penser à un objet en son absence mais en se le
figurant et les stoïciens vont eux donner un sens plus large puisque pour eux les
représentations sont la manière dont les choses extérieures se manifestent dans l’âme en la
modifiant avec quelques variantes à l’intérieur de la tradition stoïcienne car Chrysippe va se
demander si l’image du cachet est adéquate et si possible qu’il y ait autant d’impressions
dans l’âme et peut-être vaut-il mieux entendre un type d’altération par phantasia
en tout cas nous appellerons phantasia Long et Sedley 39b ce qui apparaît et manifeste
soi-même et ce qui l’a produit par exemple l’impression du blanc produite par un
impresseur ou un représenté qui est la surface blanche elle-même
Aetius n’est pas un stoïcien mais le nom donné à un auteur de compilations de doctrines
doxographiques et ces compilations sont très précieuses pour nous
mais tous nos états cognitifs ne sont pas des phantasiai car il y a des cas où l’on a un état
cognitif qui n’ont pas d’impresseur : quand je vois un mirage dans le désert, les apparitions
des fiévreux, quelqu’un qui se bat contre des ombres, etc ou les apparitions en état de folie
donc des cas où il n’y a pas d’objet extérieur représenté et ce sont donc des attractions à vide,
“une affection dans l’âme qui n’est produite par aucun impresseur”
phantasikon = notre faculté de produire des images ; l’ombre contre laquelle on se bat est
bien un objet représenté, mais il n’est pas réel et s’appelle chez les stoïciens phantasma que
B et P rendent par phantasme : “ce vers quoi nous sommes attirés dans l’attraction à vide de
la représentation”
les stoïciens s’efforcent de démarquer la représentation de ce qui n’en est pas véritablement
une et on appellera représentation vraiment ce qui a une cause véritablement effectif
tout état cognitif n’est pas réellement représentatif : un point important qui confirme qu’un
des objets de l’épistémologie stoïcienne est de produire des distinction et quand Arcésilas
argumente sur l e mode de l'indistinction il entend toucher au coeur de l’épistémologie
stoïcienne
une autre distinction importante est que toutes les impressions ne sont pas sensibles et
certaines sont des pensées 39d montre qu’il y a plusieurs manières de former des
représentations et dans certains cas 7 nous concevons des représentations par transpositions
ou par combinaisons, par opposition par exemple la mort par opposition à la vie
nous pouvons former des représentations par transfert comme dans le cas des dicibles, les
lekta ou le cas du lieu qui sont des incorporels pour les stoïciens, qui ne peuvent produire
d’effet : mais on peut en avoir des représentations par dérivation ou transfert à partir des
représentations sensibles
8 “ce qui est juste et ce qui est bon sont conçus de façon naturelle” on peut ici penser aux
prolepseis : on a la prénotion du juste mais on ne sait pas tous l’appliquer en situation à ce
qui est juste en particulier
même les constructions de la pensée sont reliées à une origine causale et c’est pq elles ne
peuvent être confondues avec les imaginations qui n’ont pas d’impresseurs
ce qui du même coup nous amène à concevoir l’épistémologie stoïcienne car à la fois
empiriste et rationaliste : il y a un continuum naturel de la sensation à la raison et donc de la
sensation à la vertu A II 31 II 37 et de fait la science n’est pas autre chose qu’une construction
de la raison par agrégation de certaines prénotions ou prolepses et de notions diverses
Long et Sedley 53v un texte de Galien qui cite Chrysippe : terme d’assemblage intéressant car
permet de se représenter la formation de la science dans son organicité à partir de l’idée de
cohésion et de fait même la sensation et la raison n’appartiennent pas à parties différentes de
l’âme, sont liées par un même souffle et se forment dans l’hégémonique
53h ; sensation et raison sont liées entre elles, ne correspondent pas à parties différentes de
l’âme ; partie connaissante, l’hégémonique est une et l’organisation même de la raison

les stoïciens vont élaborer théorie du critère de la vérité, point culminant de leur
épistémologie : on retrouve la représentation compréhensive
toutes les représentations n’ont pas le même statut et certaines ont un statut particulier qui
fait qu’on les dit cataleptiques ou compréhensives : ce sera objet du débat instruit par
Lucullus dans les Académiques et il faut s’y arrêter
39, 40 Long et Sedley “une représentation qui provient de ce qui est et qui est en parfaite
adéquation avec ce dont elle est l’impression.” elle va impliquer notre assentiment, elle nous
tire par les cheveux, pas libre de ne pas lui donner notre assentiment
la représentation compréhensive porte en elle la garantie de sa véracité ou de son exactitude
et elle a l’absolue évidence qu’on évoquait : II 17-18 à ce propos
“ils pensaient que discuter avec des gens qui n’approuvaient rien n’avait vraiment aucun
sens…”
certains stoïciens estiment qu’il faut discuter en faveur de l’évidence et la justification en est
donnée en II 45-46
40e Long et Sedley, II 77-78 pour une définition de la représentation compréhensive
- elle se forme à partir de ce qui est
- elle est en accord avec la chose qui est
- elle est telle qu’elle ne pourrait venir à être à partir de ce qui n’est pas
elle se distingue du phantastikon et de son objet imaginaire, mais ne e se contente pas d’être
résultat de l’impression, elle montre l’impresseur tel qu’il est et par ailleurs elle ne pourrait
venir de ce qui n’est pas ce qui signifie qu’elle est distincte de toute forme de construction
imaginaire et qu’elle indique qu’elle est distincte de toute forme de construction imaginaire
dire qu’elle est une compréhension, qu’elle est cataleptique, cela correspond à l’assentiment,
le fait de juger cette représentation valide et c’est ce qui constitue la dimension active de la
représentation compréhensive
la dimension passive est le fait de subir une impression, la dimension active est ce par quoi
l’image reçoit un assentiment et c’est pourquoi elle nous tire par les cheveux et implique
notre assentiment car dans sa nature elle implique l’évidence
ça nous donne l’image du poing fermé que l’on attribue à Zénon 41a Long et Sedley, A II
145
les difficultés qu’on peut avoir à comprendre ce qu’ils veulent dire tient au fiat que parfois on
croit que c’est une conception soit fondationnaliste de la vérité soit heuristique donc idée
qu’on aurait l’indication d’une procédure pr trouver la vérité
à quoi reconnaît-on une représentation cp ? c’est une théorie plutôt du critère plutôt qu’une
théorie fondationnaliste ou heuristique : il s’agit de dire à quelle marque distinctive
identifie-t-on la rp cp et à ce moment on peut souscrire à la position stoïcienne et on peut
dire qu’on a une connaissance de science si elle a ces caractéristiques
la question du comment faire pr vérifier qu’elle les a relève de la science qui se définit
d’abord par son organicité
encore une fois l’essentiel est de dire que l’on a un moyen de distinguer une représentation
cp d’une représentation qui ne l’est pas et donc une représentation vraie d’une fausse
c’est la question de la distinction ou indistinction qui est au coeur de la doctrine et dans
les A là-dessus porte le débat
pour finir avec la théorie stoïcienne il est important de resituer théorie de la phanta kata
dans un aperçu plus global de ce que les stoïciens entendent par logique et donc par science
“la science est le raisonnement lui-même logos…”
cf. troisième partie exemplier
texte qui nous donne une certaine idée de l’épistêmê de la science et souligne son organicité,
fait qu’elle se caractérise par sa totalité, définition que l’on trouve chez Aetius 26a la sagesse
est la science des choses divines et humaines, Sénèque ajoutera et de leurs causes
le sage n’ignore rien ce qui ne veut pas dire qu’il connaît toutes choses de façon extensive
mais a une connaissance globale ou sommative en compréhension et l’état de hégémonique
du sage est une synthèse organique de ce qui est à savoir
les stoïciens n’ont pas conception de la science du sage comme une omniscience extensive
mais synthétique et compréhensive qui se traduit physiquement par une tension optimale de
l’hégémonique
voir sur la logique, dans l’exemplier : part faite aux indémontrables ; comme la syllogistique
aristotélicienne et pour les stoïciens les indémontrables sont des syllogismes
les stoïciens entendent ns proposer conception organique de la science comme système
analytique et déductif, fondé sur des connaissances indémontrables

la dialectique est une vertu, donc pas simplement une aptitude abstraite à s’approprier des
connaissances ou à former des jugements, une aptitude à agir et la science a nécessairement
une dimension pratique : il s’agit d’avoir une position radicale en disant que la science est
une disposition à agir par principe car c’est disposition de l’âme du sage et avoir science est
être bien disposé à agir
pour cela que le sage fait les choses bien, pas de séparation situation pratique et
connaissances théoriques ; mais il est omniscient dans la possession de la science et il est
parfaitement équipé pour donner son assentiment de la manière qui convient
un point bien souligné dans le livre de Gourinat : nous n’avons pas affaire à une logique au
sens d’une méthodologie abstraite du jugement
donc quand Lucullus dans ses arguments utilise une terminologie empruntant à la pratique
ce n’est pas par un passage forcé ou par métaphore, pour donner un lustre moral à une
position théorique mais parce que ces positions théoriques sont en même temps des
dispositions pratiques : la science est une vertu pour les stoïciens

passons à la façon dont Cicéron va répondre à Lucullus dans la section 64-148


on retrouve le problème de savoir où est Cicéron dans tout cela, et si on a un
texte où Cicéron parle comment caractériser sa position ?
proximité de Cicéron avec le portique stoïcien, on se rappelle de la citation du De Officiis I, 6

ici la démarcation entre Cicéron et l’héritage d’Antiochus d’Ascalon va être beaucoup plus
nette et l’influence de certains représentants de l’Académie plus proche du tournant marqué
par Arcésilas va se faire plus ou moins sentir notamment l’influence de Carnéade
la question qui se posera en terme d’obédience philosophique sera de savoir en
quel sens il se rapproche d’un certain scepticisme ou que signifie le scepticisme
mixte qui est le sien
d’abord, il y a l’idée d’arbitre pour construire ou mener l’argument dans les deux sens : la
disputatio in utramque partem et notamment sur ce point début du livre II des
Académiques 7-8
“il y a dans les choses mêmes tant d’obscurité, que les penseurs anciens et les plus savants…
il y a une obscurité dans les choses elles-mêmes, in ipsis rebus obscuritas, redoublée par la
faiblesse de nos jugements, in judiciis nostris infirmitas ce qui place Cicéron du côté de la
réaction scepticisante de l’Académie
pourtant ils ne se découragèrent pas [...] mais nos discussions n’ont d’autre but en écoutant
et en exposant le pour et le contre, que d’attirer et pour ainsi dire extirper quelque chose de
vrai ou qui approche le plus possible de la vérité
on a un premier temps qui nous rapproche d’Arcésilas, puis un autre temps qui précise le
premier et l’articulation entre le premier et le second temps est marqué par la disputatio in
utramque partem, pour et contre, dans les deux sens cela pr parvenir à une certaine vérité ou
que chose qui s’approche de la vérité.”
on a donc affaire à un scepticisme positif et c’est cette voie étroit que Cicéron caractérisera
dans la partie où il répond à Lucullus
dans la suite, Cicéron montre qu’entre la conception de la vérité proche qui est celle de
Cicéron et la conviction de certitude des dogmatiques, nous nous retenons de tenir pr
certaines les opinions que nous jugerons probables
de sorte que se dessine ici une situation où le problème sera pas celui de distinguer entre
différents types de rps mais entre deux types d’adhésion à des énoncés réputés vrais :
l’adhésion trop optimiste des stoïciens et des dogmatiques qui croient au travers de la rps
vraie atteindre la vérité des choses et la position cicéronienne d'accepter de donner un
assentiment relatif à des propositions tenues pr vraies sans les juger certaines
on a une oscillation entre textes où ne donne pas son assentiment et d’autre où il l’ donne de
façon conditionnée mais l'important est ici le fait qu’on peut avoir deux types d’attitudes : le
croire vrai, le réputer vrai et le réputer vrai comme étant simplement probable

le second élément est d’admettre que l’on est pas un sage, non sum sapiens, II 66 est très
intéressant p. 193 dernier tiers de la page
“De là vient que j’erre et vagabonde plus largement…”
de ma position d’arbitre j’estime que rien ne peut être saisi pas la même chose que
de dire que j’affirme dogmatiquement que rien ne peut être saisi : la pire chose que l’on peut
reproche au scepticisme, ce que Lucrèce reproche au livre IV du DRN

je ne me place pas du point de vue du sage, pour ce qui me concerne, moi homme
intellectuel, politique, je ne sis pas un sage, j’ai affaire à des opinions auxquelles je donne
assentiment relatif et de ce pdv je vais avoir autre point de vue sur la question de la vérité
“Car rien n’est plus éloigné de notre conception…”
il y a une ambivalence vis-à-vis de l’assentiment je ne suis pas un sage donc que dois-je faire
en matière de vérité moi qui cède aux représentations ?

dans cette double façon d’être modérément sceptique, on voit en toile de fond la nécessité
partagée avec Lucullus de préserver la pratique et d’échapper à l’aporie de l’apraxia le
sceptique refusant les rps vraies seraient dans l’impossibilité d’agir (en réalité non dans les
Hypotyposes ce n’est pas le cas)
revenir sur l’ancrage historique de la philosophie du doute Anaxagore Démocrite Empédocle
Socrate Platon 72-76
Cicéron évoquait au début du livre II embarras des anciens face au problème de la
connaissance et lui entend retracer une histoire du doute commençant avant Arcésilas avec
les présocratiques et Cicéron va se livrer à un exercice qu’il aime bien, qui est la géographie
des grandes autorités philosophiques et il commence par Anaxagore
“Nous nous disons seulement que nos positions sont…”

c’est une façon d'objecter à Lucullus en montrant que si philosophes les plus savants ont fait
place au doute et possibilité d’assentir à fortiori les seconds couteaux feraient bien de
montrer un peu moins de présomption et ils sont donc infondés à souscrire à lur doctrine de
la représentation compréhensive
dans l’antiquité l’idée d’associer les successions est assez courante, on les appelle diadokai en
matière de philosophie et souvent Parménide et Démocrite sont placés dans la succession qui
aboutit aux sceptiques postérieurs
sa façon d’utiliser cette succession prestigieuse à la fois contre Arcésilas et Lucullus est assez
intéressante

le personnage Démocrite a un rôle important dans les A mais est convoqué ailleurs : un des
auteurs de la période classique le plus cité par Cicéron
Démocrite est au croisement de la filiation atomiste, et la filiation sceptique : c’est pour des
auteurs comme Cicéron de démarquer les atomistes respectables des atomistes pervertis, les
épicuriens ; on a une rhétorique du contraste qui va opposer Démocrite à Epicure à des fins
polémiques pour montrer à quel point Epicure est infréquentable
philosophie de la nature incompatible avec le platonisme, la stoïcienne ; il appartient à la
filiation sceptique

[1] - [135] Démocrite, quant à lui, lorsqu’il abolit les choses qui apparaissent aux sens, dit à
leur propos que rien n’apparaît conformément à la vérité, mais seulement conformément à
l’opinion, et que ce qui est véritablement dans les êtres, ce sont les atomes et le vide. Il dit en
effet : « Convention (νόμῳ) que le doux, convention que l’amer, convention que le chaud,
convention que le froid, convention que la couleur : en réalité (ἐτεῇ) il n’y a que des atomes et
du vide. » Ce qui signifie : on convient et on forme l’opinion que les sensibles existent, mais
ceux-ci n’existent pas véritablement, seuls existent véritablement les atomes et le vide.
[136] Dans l’ouvrage intitulé Confirmations, bien qu’il ait promis d’attribuer aux sens la force
de la crédibilité, on ne le voit pas moins les condamner. Démocrite dit en effet : « Nous ne
connaissons en réalité rien de certain, mais seulement ce qui change selon la disposition de
notre corps, et selon ce qui pénètre en lui ou ce qui lui résiste. » Il dit encore : « Il a été
souvent démontré que nous ne savons pas ce que chaque chose est ou n’est pas en réalité. »
[137] Dans son ouvrage Sur les formes, Démocrite dit : « L’homme doit apprendre par cette
règle qu’il est loin de la réalité. » Et ensuite : « Ce discours aussi montre qu’en réalité nous ne
savons rien de rien, mais que l’opinion de chacun repose sur l’afflux1 . » Enfin : « Il
deviendra pourtant manifeste qu’il est impossible de connaître la nature réelle de chaque
chose. » De fait, dans ces passages, il rejette à peu près toute compréhension, même si ce
sont les sens seuls qu’il attaque spécialement. [138] Dans son ouvrage intitulé Canons,
Démocrite dit : « Il y a deux formes de connaissance, l’une par les sens, l’autre par l’intellect ;
celle qui s’exerce par l’intellect, il l’appelle ‘légitime’, témoignant pour sa fiabilité dans le
discernement de la vérité ; celle qui s’exerce par les sens, il lui donne le nom d’‘obscure’, lui
déniant l’infaillibilité pour ce qui est de distinguer le vrai. » [139] Il dit textuellement : « Il y
a deux formes de connaissance, la légitime et l’obscure. À cette dernière appartiennent
ensemble la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Mais la connaissance légitime se
distingue d’elle radicalement. » En montrant ensuite la supériorité de la connaissance
légitime sur la connaissance obscure, il poursuit en disant : « Quand la connaissance obscure
ne peut plus, dans le domaine de l’infime petitesse, ni voir, ni entendre, ni sentir, ni goûter,
ni toucher, et que la recherche exige de la précision, alors intervient la connaissance légitime,
qui possède un instrument plus subtil. » Ainsi, selon lui, c’est la raison qui est critère, ce qu’il
appelle « connaissance légitime ».
Sextus Empiricus, Contre les savants, VII, 135-139 [DK 68 B 6-11].
diaphonia des dogmatiques est mise en évidence par Sextus, face à laquelle on va dessiner
l’attitude du sage sceptique héritier de Pyrrhon, et Démocrite fait partie dans le tableau de
Sextus des pseudo-sceptiques : un philosophe qui a parfois des tournures sceptiques mais
n’en est pas vraiment un en tout cas aux yeux d’un sceptique radical comme Sextus
Empiricus
Démocrite a une théorie de la connaissance qui sera rejetée par Epicure puisque pr lui toutes
les sensations sont vraies au moins en tant que telles, tant qu’on n’y a pas ajouté un jugement
qui les pervertit : la sensation est le premier critère de vérité
Il est question d’effluves, d’afflux car il a une théorie des simulacres comme ce sera aussi le
cas chez Epicure : nous percevons car de fines pellicules émanent des objets que l’on perçoit
et de fait on vit dans un flot continuel d’atomes. Les opinions que l’on forme à partir des
perceptions, des matériaux volatiles sont d’une fiabilité minimale.

[2] - Démocrite , parce qu’il rejette les qualités, disant « par convention le chaud, par
convention le froid, en réalité les atomes et le vide » ; et encore : « nous ne savons rien en
réalité ; la vérité en effet est au fond du puits » Diogène Laërce, IX, 72 [DK 68 B 117]
c’est le livre dans lequel Diogène parle des sceptiques et va s’intéresser à Démocrite en
s’intéressant aux philosophes qui gravitent autour de la tradition sceptique également
retour au texte 1, à la fin, intéressant car il y a des passages des A où Cicéron fait allusion à ce
texte en disant qu’il place les objets des sens dans l’obscurité, scotios, obscur se dit aussi de
certaines naissances dont on ne connaît pas l’origine, bâtard, et en grec il y a une ambiguïté
sur le terme il y a une obscurité de ce qu’il semble être clair et comme dans les A il y a une
obscurité des choses : si l’on ne peut donner notre assentiment, c’est parce qu’il y a une
obscurité inhérente aux choses elles-mêmes et ce thème de l'obscurité a une longue filiation à
laquelle appartient Démocrite
on voit que le scepticisme radical qu’on est tenté d’attribuer à Démocrite est tempéré car il y
a bien une connaissance légitime, par l’intellect seul ; donc la position sceptique radicale ne
peut résumer la théorie de Démocrite en matière de connaissance…
l’ambiguïté malgré tout subsiste : comment concilier ces formules sceptiques radicales qui
font que des membres de l’académie comme Arcésilas enrôlent Démocrite dans leur camp,
comment les concilier avec la promesse d’une connaissance légitime ?

[3] - Comment le raisonnement, pour qui il n’y a pas de commencement possible hors de
l’évidence , pourrait-il être digne de foi lorsqu’il s’emporte insolemment contre elle, alors
qu’il y trouve ses principes ? Démocrite le sait, lui aussi, quand il calomnie les phénomènes
en disant « convention que la couleur, convention que le sucré, convention que l’amer, en
réalité, les atomes et le vide » et qu’il fait dire aux sens contre le raisonnement : « misérable
raison, alors que tu trouves auprès de nous tes croyances, tu nous rejettes ? Ce rejet est ta
propre chute ».
Galien, De l’expérience médicale, XV, éd. Walzer-Frede [DK 68 B 125].

argument de réfutation par retournement : si tu rejettes les sens qui sont au point de départ
de la connaissance, tu rejettes ton origine et donc toi-même…
l’argument de Lucrèce est exactement le même : la raison ne peut réfuter les sens sans se
réfuter elle-même, v. 460 environ…

[4] - [213] Mais on dit également que la philosophie démocritéenne a quelque chose en
commun avec la tendance sceptique, puisqu’elle semble traiter de la même matière que nous
; car, du fait qu’aux uns le miel paraît sucré, alors qu’aux autres il paraît amer, Démocrite,
dit-on, infère qu’il n’est ni sucré ni amer, et pour cette raison ajoute le « pas plus » (οὐ
μᾶλλον), qui est une formule sceptique. C’est pourtant d’une manière différente que se
servent de la formule « pas plus », d’une part les sceptiques, d’autre part ceux qui parlent
d’après Démocrite. Ceux-ci en effet emploient la formule dans l’idée qu’un terme n’existe pas
plus que son contraire, alors que, pour notre part, c’est pour dire que nous ignorons lequel
des deux phénomènes est réel ou si aucun des deux ne l’est. [214] Ainsi, nous différons
également sur ce point, et la distinction devient particulièrement évidente, lorsque
Démocrite dit : « En réalité (ἐτεῇ) les atomes et le vide. » « En réalité », en effet, est le terme
qu’il emploie pour « en vérité ». Or, qu’il diffère de nous en soutenant qu’« en vérité » il y a
des atomes et du vide, et cela même s’il part de l’inconstance des phénomènes, il est superflu,
je crois, de l’établir.”
Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 213-214.

Démocrite n’est pas sceptique car en réalité il affirme quelque chose à propos des réalités
mondaines en affirmant que le miel n’est pas ceci ni non-ceci : la négation d’une proposition
affirmative reste une assertion donc une proposition dogmatique du point de vue du
sceptique

⇒ on a donc une figure philosophique complexe et la façon dont Cicéron utilise Démocrite
est souvent opportuniste, circonstancielle : dans le DD, il fait allusion à Démocrite à propos
de l'enthousiasme qu’il semble témoigner en faveur de l’inspiration divine ; Démocrite a une
théorie de l’enthousiasme politique, proche de Platon, mais il fait aussi mention de lui pr
expliquer pq les coqs chantent le matin et il rend ici hommage à un aspect de la philosophie
de Démocrite, l’aspect étiologique ; Cicéron sait que Démocrite peut servir une cause et son
contraire mais il privilégie l’image d’un sceptique modéré, embarrassé, un scepticisme subtil,
complexe…

retour au Lucullus, à propos de l’histoire du doute §72-76 où se manifeste l’ancrage


historique du doute
dans un second temps, on verra la controverse sur la compréhension et là on entre dans le vif
du sujet notamment controverse entre le stoïcien Zénon et Arcésilas §76-78 : les arguments
contre les sens §79-82 puis Cicéron revient sur la notion de compréhension en reprenant
point par point les arguments de Lucullus
§83-90 et on s’arrête sur §85-86 et le §88
il s’agit de revenir sur l’argument des indiscernables : aucune réalité ni individualité n’est
strictement identique à une autre donc l’argument sceptique selon lequel on ne peut
distinguer une représentation fausse d’une vraie car il n’y aurait pas d’indiscernables est
rejeté par Lucullus
mais Cicéron va rejeter cette réponse de Lucullus
“Tu dis que toutes choses…”
si ressemblances, risque de confusions ; mais on prend aussi un exemple à la limite, à partir
des artefacts ; là où on suppose une intelligence surhumaine
le cas des malades mentaux, rêveurs ne sont pas des cas si marginaux dont Cicéron rétablit
une continuité entre les illusions et les représentations valides donc entre la conviction du
dormeur et la conviction de la personne éveillée et cette continuité rétablie va précisément
contre la théorie de la représentation compréhensive comme distincte de la représentation
fausse

§98 à 111, notamment §98-99, à propos de Carnéade


postérieurement le débat Zénon Arcésilas tel que rapporté par L et transmis par A sera
tranché en faveur de Carnéade contre l’assentiment
§99 “Carnéade est d’avis qu’il existe…”
opposition à prendre entre saisie ou compréhension (percipere = comprehendere) par
opposition à la probatio (perceptio et probatio) donc la différence fondamentale est là et elle
permet de caractériser suffisamment la position de Carnéade
Carnéade rejette l’assentiment car rejette possibilité de la perceptio au sens fort au profit
d’une probatio ; lorsque l’on dit probable, il faut penser à qui est susceptible d’approbation,
non d’assentiment
⇒ la condition pour que je donne approbation est qu’il n’y ait pas d’obstacle
l’exemple du sage qui prend le bateau : il s’en remet à des paramètres et donc peut sans
pouvoir prétendre à une connaissance parfaite de l’objet de sa représentation il peut donner
son approbation et même il le doit, sans donner son assentiment car ne connaît pas le futur :
d'ailleurs problématique du De Fato également à propos de la connaissance des futurs

dans la dernière partie, l’essentiel de l’argument est le dissensus entre les philosophes par où
on voit une parenté avec en grec l’idée de diaphonia : la stratégie n’est pas différente de celle
de Sextus Empiricus
on va envisager trois point de vue : éthique, logique, physique ; Cicéron pr réfuter le
stoïcisme rénové platonisant va reprendre la tripartition stoïcienne de la philosophie et
probablement va gagner en crédibilité car reprend cette tripartition pour montrer que dans
tous les domaines de la philosophie nous trouvon le dissensus et matière à rejeter
l’assentiment tels que les stoïciens le conçoivent
correction du commentaire §126-128 des Académiques
DE NATURA DEORUM

Introduction

- Méthode de l'examen : la disputatio in utramque partem

le personnage Cotta reçoit Velleius (l'épicurien de stricte obédience, très orthodoxe, du


dialogue, sénateur) et Balbus (porte-parole du portique) ; Cotta va être en position d'arbitre,
dont on a vu dans les Académiques qu'elle est caractéristique de l'attitude cicéronienne.

Livre I : critique de Velleius, porte-parole de l'épicurisme


Livre II, critique de Balbus, porte parole du stoïcisme
Livre III : position de Cotta.

Le texte du De Natura Deorum commence par une reprise de la méthode de la disputatio in


utramque partem, discussion consistant en une argumentation dans les deux sens
mais, à la différence de Carnéade et de ses positions tenues pendant l'Ambassade, cette
discussion dans les deux sens n'a rien de rhétorique (au sens péjoratif du terme), mais vise
plutôt à faire avancer le lecteur sur un problème important.

Livre I, §2 En effet, sur la forme des dieux, sur leurs lieux de résidence et sur leur mode de
vie, on discute beaucoup et les philosophes sont dans un total désaccord ; mais la grande
question, dans cette affaire, est de savoir si les dieux ne font rien, ne s’occupent de rien, sont
exempts de toute charge dans le gouvernement du monde [= LES EPICURIENS], ou si au
contraire, ce sont eux qui, dès l’origine, ont fait et établi toutes choses et qui les dirigent et
les font mouvoir pour une durée illimitée [= LES STOÏCIENS]. Tel est le principal et le
grand désaccord : si on ne le tranche pas, l’humanité sera nécessairement dans l’incertitude
la plus complète et ignorera tout des sujets les plus importants.

le recours à la discussion in utramque partem s'origine dans un désaccord philosophique, et


vise à répondre à des enjeux qui concernent l'humanité elle-même.
Pour les révisions, reprendre les prologues les uns après les autres, pour essayer de retrouver
une démarche unitaire de l'oeuvre cicéronienne : les prologues font de bons candidats pour
des textes tombables ; ils mettent en valeur la position de Cicéron, et sont d'une technicité
raisonnable.

- Cicéron n'est pas un sceptique, mais un inquiet pour sa cité

le texte livre I, §12 est un texte clé ; dans le prologue du De Natura Deorum, important de
remarquer le §12
livre I, §11 C’est ainsi que la méthode philosophique qui consiste à argumenter contre toutes
les thèses sans formuler un jugement explicite sur aucun sujet, méthode issue de Socrate,
renouvelée par Arcésilas et affermie par Carnéade, est restée bien vivante jusqu’à notre
époque.

Cicéron réinscrit son propos sur les dieux dans la tradition de Platon, d'Arcésilas, et dans la
tradition de Carnéade, la plus déterminante dans la démarche cicéronienne.
livre I, §11-12 Mais je me rends compte qu’aujourd’hui, même en Grèce, elle est privée de
défenseurs. Cela est arrivé, je pense, moins par la faute de l’Académie qu’en raison de la
lenteur de l’esprit humain. Car s’il est déjà difficile de comprendre les différents systèmes
pris isolément, il est d’autant plus ardu de les comprendre tous. Cela est pourtant nécessaire
quand on décide de parler pour et contre tous les philosophes afin de découvrir la vérité. 12.
Je ne prétends pas avoir mené à bien une entreprise si grande et si difficile, mais je me flatte
de l’avoir tentée. Pourtant, il est impossible que ceux qui adoptent cette méthode
philosophique ne fixent aucun but à leur démarche. J’ai développé ailleurs ce point plus
complètement, mais comme certaines personnes sont rétives et d’esprit lent, il faut,
semble-t-il, multiplier les éclaircissements. Car nous ne sommes pas de ceux qui soutiennent
que rien n’est vrai [cicéron n'est pas sceptique], mais nous disons que toutes les vérités sont
mêlées d’erreurs et que la ressemblance entre elles est si grande que nul critère ne permet de
juger ni de donner son assentiment. Il en résulte aussi cette conséquence que beaucoup de
choses sont probables : sans être perçues ou appréhendées avec certitude, elles offrent
cependant une représentation qui se caractérise par sa clarté et permettent de guider la
conduite du sage.

on trouve ici la même perspective que dans les Académiques : suspendre son jugement au
nom de la ressemblance entre les représentations (repensons à la réponse de Cicéron à
Lucullus), et cette ressemblance empêche de croire en un critère de vérité absolument
évident permettant de départager les ressemblances vraies et fausses ; mais si on ne peut
assentir, on peut néanmoins approuver, donner la probatio à l'opinion, puisqu'elles offrent
une clarté suffisante à défaut d'une distinction parfaite, même si les choses sont obscures en
leur fond, pour que le sage puisse guider sa conduite “Je ne suis pas un sage” qui donne son
assentiment, mais approuve pour vivre conformément à l'honestum, en ayant comme telos la
beauté morale.

on trouve livre I, §13 un thème important en écho avec les Académiques.


13. Mais maintenant, pour échapper à toute critique malveillante, je vais exposer
publiquement les opinions des philosophes sur les dieux. À ce sujet, je crois qu’il faut
convoquer tous les hommes pour qu’ils jugent quelle est l’opinion vraie : et c’est seulement
s’ils tombent tous d’accord ou s’il se trouve quelqu’un qui ait découvert la vérité que
l’Académie me paraîtra effrontée.

on en appelle, face au dissensus, à un consensus, un accord de tous, public, à une


approbation qui n'est pas juste celle des experts mais aussi celle d'un grand nombre ; c'est
une justification de la dimension positivement rhétorique de son travail (thème important
des écrits politiques)
la rhétorique n'est pas juste l'art de convaincre, mais le moyen de transmettre la parole dans
un contexte politique élargi : dans une idée reprise à Aristote, l'homme est un animal de
langage donc la rhétorique bien menée vise un telos moral, inscrit dans un projet politique
cohérent, est parfaitement légitime pour s'adresser au grand nombre.
⇒ en complément, on peut lire l'introduction de Clara Auvray Assayas, et son livre général
sur Cicéron, elle insiste sur le fait que Cicéron n'est pas sceptique, mais avant tout politique :
il questionne les fondements du culte romain, car la piété s'intègre dans la res publica, les
actes publics impliquent la participation des dieux : nier cette participation, c'est contester
l'action politique
⇒ c'est pourquoi on ne peut pas être d'accord avec Velleius, qui nie le rapport divin aux
affaires humaines, cela dit on remarque aussi le caractère excessif de la théologie de Balbus

mais la “théologie” épicurienne est-elle vraiment réfutée ? livre III, fin :


À ces mots, nous nous sommes séparés : pour Vélléius, la réfutation de Cotta était la plus
vraie, pour moi, l’exposé de Balbus était le plus proche de la vraisemblance.

⇒ “l’exposé de Balbus était le plus proche de la vraisemblance.” : il y a des excès dans la


position stoïcienne, qu'on a vues dans le De Finibus, et dans les Académiques ; mais on sait
que sur la question éthique, des dieux, il y a une grande proximité avec les stoïciens ; il faut
faire preuve de finesse : il y aussi une forme de connivence objective entre certains épicuriens
et certains académiciens, par exemple ici dans la critique du providentialisme excessif, l'idée
que les dieux se tiendraient à distance de nos affaires, serait le pt de rupture entre les deux.

mais si on veut comprendre la position de Cicéron, il faut la définir en termes de priorité, par
rapport à son agenda : il veut relégitimer la piété avant tout pour des raisons éthiques et
politiques, ce qui exclut tout rapprochement avec des doctrines athées ; or l'épicurisme fait
courir ce danger à la philosophie, alors que les épicuriens ne sont pas littéralement athées,
mais Cicéron doit trouver un positionnement, une voie médiane, qui lui permet
effectivement de relégitimer la piété sans tomber dans le providentialisme.

en un certain sens, la position théologique et épistémologique de Cicéron, qui fait qu'il


suspend son assentiment sur la question des dieux n'est pas contraire à la piété : c'est
conforme au caractère obscur du divin ; la suspension de l'assentiment est conforme à cette
qualité essentielle : leur essence est pour nous incaccessible et là encore, la fin du dialogue
nous éclaire livre III, §93 Voilà à peu près ce que j’avais à dire sur la nature des dieux, non
pas pour la réduire à néant mais pour vous faire comprendre à quel point elle est obscure et
combien il est difficile d’en rendre compte.

⇒ il ne s'agit pas de nier l'existence des dieux, mais de dire que c'est difficile de saisir leur
nature ; la piété n'est pas remise en question et si on réfléchit aux objets sur lesquels va
porter l'enquête du De Natura Deorum, on voit que ça concerne moins la nature des dieux,
que leur rapport aux affaires humaines (cf. I, §2).
livre I, §3 La grande question est de savoir si les dieux ne font rien, ou si au contraire, ils
dirigent les choses ; il y a eu et il y a encore des philosophes pour penser que les dieux ne se
préoccupent nullement des affaires humaine. Mais si leur opinion est vraie, que deviennent
la piété, l’observation scrupuleuse des devoirs religieux ? En effet, nous devons nous
acquitter de toutes ces obligations envers la puissance des dieux, purement et
religieusement, si les dieux immortels y sont sensibles et s’ils ont octroyé quelque faveur au
genre humain [...]”
il s’agit de s'interroger sur la relation entre les dieux et les humains, c'est ce qui est en cause
dans le De Natura Deorum : il faut rejeter la position épicurienne, tomber partiellement
d'accord avec les stoïciens, et penser une vie pieuse, notre rapport avec les dieux

⇒ c'est là que le De Divinatione intervient, on va en faire l’introduction


DE DIVINATIONE

- Situation historico-politique des pratiques divinatoires

la question des cultes est indissociable de la question de la divination, sur le rapport entre la
vie des dieux et celle des humains : entre l’indifférence divine des épicuriens, et les croyances
populaires qui voient une omniprésence des signes divins dans la vie et la politique romaine,
il faut trouver une voie qui ne va pas établir de faux rapport de causalité entre les
événements

une des raisons du désordre politique qui ont précédé l'assassinat de César, ce sont les signes
qui l’auraient montré comme voulant devenir l'égal d'un dieu; on peut penser au début du De
Divinatione, sur les rapports entre divination & politique :
Livre I, §3 Quant à la Grèce, quelle colonie a-t-elle jamais envoyée en Éolie, en Ionie, en
Asie, en Sicile, en Italie, sans avoir consulté auparavant ou l’oracle de Delphes ou celui de
Dodone ou celui d’Hammon ? ou quelle guerre a-t-elle jamais entreprise sans avoir pris
l’avis des dieux ? II. On ne s’est pas borné à pratiquer, qu’il s’agît d’affaires publiques ou
privées, un seul genre de divination : pour ne rien dire des autres peuples, combien le nôtre
n’en a-t-il pas accueillis ? Romulus d’abord, le père de Rome, non seulement a fondé cette
ville, à ce que l’on rapporte, après avoir pris les auspices, mais aurait en outre été lui-même
un excellent augure. Les autres rois ensuite utilisèrent également les services des augures et,
quand ils eurent été chassés, on ne fit rien au nom de l’État, ni en paix ni en guerre, sans
prise d’auspices. Par ailleurs l’art des haruspices paraissait être d’une grande efficacité tant
pour délibérer et obtenir des succès que pour interpréter les prodiges et en détourner l’effet :
on recourait donc à toute cette science de l’Étrurie afin de ne paraître négliger aucune sorte
de divination.

Cicéron constate l'omniprésence de la divination dans la vie publique et privée : les hommes
politiques aussi consultent les devins, on n’a pas qu’un foyer dans la villa romaine ; on
consulte les dieux avant de mener une guerre : de même que dans la société grecque, il y a
une porosité entre pratiques religieuses et médicales, ou même aux JO, où les athlètes
rendent des cultes, une cérémonie d'ouverture où les prêtres donnent leur accord au jeu :
qu'il s'agisse de la divination technique, artificielle, ce que Cicéron constate, c'est tout une
histoire gréco-romaine, et une actualité de l'omniprésence de la divination dans la vie privée
et publique ; les hommes politiques, eux aussi, consultent des devins, et s'en remettent aux
puissances de l'irrationnel, avant de prendre de grandes décisions.

- Rappel de méthode et définition de la divination : répondre à l'impiété manifeste de


Cotta

au début du De Divinatione, donne des infos sur l'arrière plan épistémologique : là encore, il
faut suspendre l'assentiment pour tenir le milieu entre l’impiété et la superstition.

Livre I, §7 IV. Quand je me demande à mon tour quel jugement porter sur la divination et
que, sachant combien Carnéade a mené de discussions subtiles et abondantes contre les
Stoïciens, je redoute de donner témérairement mon assentiment à une chose fausse ou
insuffisamment prouvée, il me semble qu’il faut faire en sorte de comparer avec soin et sans
nous lasser les preuves pour et contre, comme nous l’avons fait dans nos livres de la Nature
des Dieux [Rappel de la méthode in utramque partem] ; car s’il est toujours honteux de se
laisser convaincre à la légère et de se tromper, il l’est au plus haut point quand il s’agit de
décider du crédit à accorder aux auspices, au culte et à la religion : nous risquons de nous
rendre coupables, en négligeant tout cela, d’une faute impie et, en l’admettant, d’une
superstition de vieille femme.

la témérité = la précipitation et le fait d'aller au-delà de la limite qui nous est assignée.

livre I, §8 V. 8. J’ai souvent discuté de ces questions [cf. De Legibus, sur la question des
cultes dans le livre II], mais je l’ai fait de façon un peu plus approfondie récemment, alors
que je me trouvais avec mon frère Quintus dans ma villa de Tusculum. Nous nous étions
rendus pour y faire quelques pas dans mon Lycée (c’est ainsi que j’appelle mon gymnase
supérieur) :
– J’ai achevé depuis peu, me dit mon frère, la lecture de ton troisième livre sur la Nature
des dieux, où l’exposé de Cotta a ébranlé mon opinion, mais ne l’a pas totalement anéantie.
– Parfait !, lui répondis-je. Cotta parle en ce qui le concerne de façon à réfuter les
arguments des stoïciens plutôt qu’à porter atteinte à la religion des humains.
– C’est effectivement ce qu’affirme Cotta, et même assez souvent, reprit Quintus, mais je
pense que c’est pour ne pas donner l’impression de faire fi des règles universelles du droit.
Je trouve cependant qu’à force d’argumenter contre les stoïciens, il rejette radicalement les
dieux. 9. Mais je n’éprouve pas le besoin de répondre à ses propos, car la religion est
suffisamment défendue au livre II par Lucilius dont l’exposé t’a paru à toi-même, comme tu
l’écris à la fin du livre III, plus proche de la vérité. Mais un point a été laissé de côté dans
ces livres, sans doute parce que tu as jugé plus à propos de l’examiner et de le traiter à part,
à savoir la divination [définition], c’est-à-dire la prédiction et le pressentiment des faits
qu’on regarde comme fortuits. Examinons, si tu veux bien, quelle est son efficience et quelle
est sa nature.

c’est un passage à rapprocher du De Legibus, sur la question des cultes ; à la fin du De


Natura Deorum, on pensait arriver à un consensus, portant sur l'existence des dieux ; on
pensait avoir identifié une position rejetant l'impiété, sans souscrire au providentialisme :
mais Quintus, adepte du portique, estime que la position est encore fragile : Cotta a tenu une
position dangereuse, celle d'abolir les dieux.

livre I, §8 Je trouve cependant qu’à force d’argumenter contre les stoïciens, il rejette
radicalement les dieux.

la question de la divination est cruciale (au sens épistémologique du terme) : c'est une
bifurcation nécessaire au sujet de l'existence des Dieux. Quintus dit que si on la rejette
complètement, le risque de l'impiété est manifeste.
un autre point important : on a une définition de la divination par Quintus = c'est la
prédiction et prévision des événements que l'on considère comme fortuits, et ici, Quintus
cristallise le problème qui se pose, et accentue le sens crucial de ce problème

livre I, §9 Examinons, si tu veux bien, quelle est son efficience et quelle est sa nature. Mon
opinion est en effet la suivante : si les différents genres de divination dont nous avons
connaissance et que nous pratiquons sont véridiques, il y a des dieux ; inversement, s’il y a
des dieux, il existe des hommes capables de deviner l’avenir.
la double condition est ici posée :
- la divination implique l'existence des dieux
- si les dieux existent, une certaine forme de divination doit exister

⇒ nier la divination, c'est donc mettre en péril la piété et Quintus pose un problème général,
et un problème adressé ad hominem puisqu'il parle à Cicéron : Cicéron a montré à quel point
il vénérait la piété, dans son caractère essentiel à la vie privé comme publique ; dans la
réponse immédiate de Cicéron, §10, sa position est claire
livre I, §10 VI. 10. – Tu défends, Quintus, dis-je, la citadelle des stoïciens, avec cette
condition réciproque que s’il y a une divination, il existe des dieux et que s’il y a des dieux, il
existe une divination. Cependant, aucune de ces deux connexions n’est admise aussi
facilement que tu le crois : l’avenir peut être annoncé par la nature sans l’intervention d’un
dieu et, s’il y a des dieux, il se peut qu’ils n’aient accordé aucune divination au genre
humain.

⇒ voilà la double pointe critique contre la “citadelle des stoïciens” :


- la nature peut signifier le futur, sans l'intervention des dieux.
- à supposer qu'il y ait des dieux, il se peut qu'ils n'aient pas accordé la divination au
genre humain.

ces deux points portent sur des problèmes de connexion, de relation : la première, c'est une
relation de signification ; toute la divination repose sur une sémantique : comment
interpréter le vol des oiseaux, la parole des oracles ? comment établir un lien sémantique
entre la volonté supposée des dieux et des événements réels ? ⇒ Cicéron pense que l'erreur
commune consiste à attribuer via la divination à quelque chose une sémantique d’ordre
surnaturelle là où elle peut être en réalité naturelle
nous en avons un exemple au livre II, §57 Démocrite explique en termes excellents pourquoi
les coqs chantent avant le lever du jour : une fois la nourriture sortie de l’estomac, digérée
et disséminée dans tout le corps, ils chantent après s’être reposés à satiété. Ces coqs qui
même dans le silence de la nuit, pour citer Ennius, chantent de leur gosier rouge et battent
bruyamment des ailes. Puisque cet animal chante si souvent spontanément, comment
Callisthène a-t-il pu avoir l’idée de dire que les dieux avaient donné aux coqs le signal du
chant, alors que la nature ou le hasard pouvaient produire le même effet ?

la faute = omettre deux autres causes possibles au chant des coqs, c’est-à-dire la nature ou le
hasard ; puisque les coqs ont fini de manger, ils chantent, donc l'explication du chant n'a rien
de divine mais est un phénomène physiologique, et pourtant il s'agit bien d'une prédiction,
qui anticipe le lever du jour.
⇒ cf. livre I, 10 : l’avenir peut être annoncé par la nature sans l’intervention d’un dieu ; la
faute est ds l'attribution d'un rapport erroné de signification entre le naturel et le surnaturel,
à des événements purement naturels.

la deuxième critique est celle de l'aptitude à la divination et en ceci il y a un rôle de l'étiologie


démocritéenne ; la question de la divination est donc indissociable d'une problématique
épistémologique.
dans les Académiques, en II, 107, C. faisait appel à Panétius, qui refusait la divination, et
refusait d'assentir aux augures : Cicéron montrait que le débat est interne à la discussion
stoïcienne, il y a un dissensus ; il y a un double positionnement épistémologique :

- critique de la divination comme le pense Quintus (position académicienne)


- apparition de causes naturelles là où on n'en voit pas. (position démocritéenne)

si on suit Démocrite, on est dans l'ignorance des causes naturelles ; Démocrite passe pour
l'autorité en matière d'étiologie, de recherche causale, d'identification des causes naturelles ;
se placer sous l'autorité de Démocrite comme le fait Cicéron, c'est dire que la philosophie
naturelle a son mot à dire (et pas seulement la position la suspension du jugement) ⇒ d'où la
nécessité, comme indiqué à la fin des Académiques, la nécessité de faire de la philosophie
naturelle, qui aura pour but de dissiper la superstition : la philosophie naturelle nous fournit
des opinions hautement probables qui suffisent à invalider la superstition.
il y a donc des autorités positives en matière de philosophie naturelle : Panétius, Démocrite,
et évidemment Aristote ; il est difficile de savoir à quels textes Cicéron a eu affaire : mais
pour l'agrégation ce n’est pas grave ; dans le De Divinatione, quelques références à Aristote ;
il y a deux types de discours sur la divination chez Aristote
- on a des textes allusifs, qui semblent donner crédit à la divination (Ethique à Eudème
par ex)
- mais on a aussi le Traité sur la divination dans le sommeil ; assez probable que ce
traité trouve des échos chez Cicéron car c’est un traité au service d'une conception
rationaliste et étiologique des phénomènes, contre la divination ; ça vaut la peine de
le regarder.

Traité sur la divination dans le sommeil : en ce qui concerne la divination qui se produit
durant les périodes de sommeil et que l'on dit provenir des rêves, il n'est aisé ni de la
dédaigner, ni d'y croire. En effet, le fait que tous les hommes ou un grand nombre d'entre
eux admettent que les rêves sont porteurs de signification invite à y croire, en vertu de
l'expérience qui inspire ce propos, et il n'y a rien d'incroyable à ce qu'il y ait, dans certains
cas, divination dans les rêves. Il y a en effet quelque raison à cela. C'est pourquoi l'on
pourrait penser qu'il en va de même pour tous les autres rêves. Cependant, le fait que l'on
ne voit aucune cause rationnelle pour qu’il en aille ainsi rend la chose difficile à croire. Car,
indépendamment de ce défaut général de rationalité, que ce soit la divinité qui envoie les
rêves et qu'en outre elle ne les envoie pas aux hommes les meilleurs et les plus intelligents,
mais aux premiers venus c'est absurde. Or, si l'on supprime la causalité divine, aucune
autre explication ne paraît rationnelle. Car pour ce qui est des prévisions qui portent sur ce
qui se passe aux colonnes d'Hercule ou sur les rives du Borysthène, en trouver l'origine
semble bien dépasser notre compréhension.

Aristote va envisager trois hypothèses, après avoir dit qu'elle n'avait pas de fondement
- les rêves sont causes des événements : je rêve que je fais de la bicyclette, le lendemain
je fais de la bicyclette.
- ils sont le signe des événements : je rêve que je fais de la bicyclette, j'apprends que
mon cousin a gagné une course de vélo.
- ils coïncident avec les événements ; par coïncidence, “sumptoma” (le troisième
moment, sumptoma n'est pas symptôme mais une coïndidence, au sens trivial du
terme)

la rationalisation menée par Aristote invalide le lien sémantique surnaturel, pour lui
substituer un lien naturel, en sachant qu'un tel lien est nécessairement fortuit : mais le
hasard fait partie de la nature chez Aristote (Physique, II, chapitres 4-6) ; le hasard est
l'accident venant se greffer sur un processus naturel ou intentionnel ; dans cette typologie
des liens, il n'y a pas de place pour une explication divine.
José Turpin a écrit une étude importante là dessus, avec Pellegrin, sur l'influence probable
du traité d'Aristote sur Cicéron ; même si Aristote n'est pas une clé de lecture centrale, il fait
partie de l'arrière-plan qui rend lisible les enjeux épistémologiques ; ça fait partie de l'arrière
plan doctrinal, comme première grande défense rationnelle de la causalité rationnelle contre
les explications délirantes sur les rêves.
un certain nombre de textes soulignent l'erreur du faux-lien, qui établit une connexion fausse
entre des événements ; les stoïciens aussi sont visés ; livre II §142 : on avait vu au début du
traité le grand reproche adressé à Quitus, c'est qu'il établit une réciprocité nécessaire entre
divination et existence des dieux ; c'est aussi parce que les stoïciens établissent des rapports
de causalité là où il ne peut pas y en avoir :
Quelle sorte de liaison dans la nature (sympathie, sumpaheia) impliquerait qu'on déduisit
un trésor d'un oeuf ?
⇒ une réflexion qui s'enracine dans le traité hippocratique Du régime, livre IV, qui montre
comment le médecin peut prédire des maladies, les diagnostiquer à partir des rêves ; pour
qualifier le diagnostic, Hippocrate parle justement de semeion, de signes.
l'erreur est de poser une connexion naturelles entre des événements qui n'en ont pas au nom
de la sumpatheia, la conjonction cosmique des événements : les stoïciens sont directement
visés ; cela appelle le De Fato, car la critique de la conception stoïcienne du destin va porter
sur le fait que le destin stoïcien est défini comme enchaînement des causes ; il s'agit de
restituer au fortuit, au hasard, sa place : Cicéron reprend ainsi la définition de la divination
par Quintus, et puisque les événements sont fortuits, c'est qu'ils sont sans cause
il va montrer qu'il n'y a pas de connexion du tout pour de tels événements : il y a place pour
des événements qui n'ont pas d'antécédent causal (thème de la voluntas du De Fato).

⇒ pour terminer l'introduction, pourquoi Cicéron ne rejette pas toute forme de divination ?
- dans le De Legibus, justification partielle de cette pratique : qd Cicéron attribue à
Romulus des pratiques divinatoires, c'est avec respect et admiration qu'il le souligne
- il y a malgré tout une forme de justification partielle d'un type de divination
raisonnable : qd on a affaire à une corrélation objective des événements du monde ;
les stoïciens n'ont pas complètement tord avec leur sympathie : une connaissance
raisonnable de la nature doit nous permettre d'anticiper des événements
- de plus, l'attitude à prédire est une qualité essentielle de l'homme politique ; on
attend d’eux qu'ils anticipent les événements sociaux ; ce qui interroge Cicéron, c'est
la cohésion de la cité qui doit être maintenue par les individus d'exception : mais
cette cohésion est aussi subordonnée à des pratiques religieuses ⇒ la religion
participe d'une forme de lien social
début du discours épicurien, manière littéraire et perfide d’introduire Velléius, livre I, §18
Alors Velléius, avec l’assurance habituelle de ces gens-là [pas nous], ne craignant rien tant
que de paraître douter de quelque chose, parla comme s’il venait de descendre de
l’assemblée des dieux et des intermondes d’Épicure

« Écoutez, dit-il : ce ne sont pas des opinions inconsistantes et imaginaires, il ne s’agit pas du
dieu ouvrier et architecte du monde, comme celui de Platon dans le Timée20, ni de la vieille
prophétesse des stoïciens, cette Pronoia qu’on peut appeler en latin Prouidentia21, ni du
monde lui-même, pourvu d’âme et de sens, ce dieu sphérique, feu ardent qui tourne sur
lui-même, prodiges et merveilles inventés par des philosophes qui rêvent au lieu de
raisonner.”

se présente avec agressivité : il écarte Platon, les stoïciens, le Timée et la pronoia ; rappelle la
Lettre à Pythoclès dans laquelle Epicure ironise contre ceux qui parlent au plus grand
nombre des phénomènes célestes en les présentant comme des prodiges ⇒ Vélleius se situe
donc dans une polémique antiplatonicienne et antistoïcienne

§25-34 : dans cette polémique, il va critiquer l'ensemble des théories philosophiques, à partir
de Thalès
§36-41 : critique des stoïciens en particulier
§42-43 : critique des poètes et des mages
§43-56 : rupture = commence la partie positive de l'exposé : en ce qui concerne la théologie
on a peu de choses en général ; il n'y a pas de théologie au sens propre chez Epicure : c'est
une classification rétrospective : il n'y a pas de discours théologique qui se revendiquerait
comme telle chez les épicuriens
au §43, Epicure intervient comme autorité
Quiconque considère avec quelle irréflexion, avec quelle légèreté on raconte ces fables
devrait vénérer Épicure et le mettre au nombre de ces dieux mêmes qui sont l’objet de notre
recherche. Seul, en effet, il a compris, en premier lieu, que les dieux existent, parce que c’est
la nature elle-même qui en a imprimé la notion dans l’esprit de tous.
Epicure apparaît comme sauveur de l’humanité, qui dissipe les “terreurs du monde” comme
le dit Lucrèce : il faut vénérer Epicure dit Velléius, normalement le sage n’est pas contre
toute vénération
Sentences Vaticanes 32 : La vénération pour le sage est un grand bien pour celui qui le
vénère
⇒ vénérer le sage, c’est s’installer dans une relation de confiance, une attitude importante
dans l’éthique épicurienne qui nous prémunit de la peur de la mort ; imiter le sage en tant
qu’en un sens il est un dieu, c’est exercer une discipline par laquelle on atteint l’ataraxie
1. confiance dans notre propre aptitude à trouver le bonheur
2. rapport mimétique positif
qu’Epicure soit un dieu, c’est ce qu’il laisse entendre à la fin de la lettre à Ménécée
Le sage n'est en rien semblable à un vivant mortel. Si l'on est un sage, on vivra comme un
dieu parmi les hommes.

Epicure ne revient pas sur sa doctrine de la mortalité de l'âme : mais par la sérénité, le sage
vit un bonheur tel qu'il vit au milieu de biens (l'amitié, etc) qui ne sont pas menacés de
corruption : il est exempt de toutes les angoisses qui pourraient le détourner de la sérénité.
⇒ caractère inaltérable des biens, d'où l'importance de la confiance dans la philia etc, car
participent de façon inaltérable à la sérénité de notre âme : nous vivons comme si nous
étions des dieux et on peut repenser à Lucrèce : Deus ille fuit ; il a vécu comme un dieu parmi
les hommes : on peut être un dieu chez les humains, pour autant qu'on trouve la manière
spécifiquement humaine de l'être. - on peut penser à Hobbes, et à ses échos matérialistes :
l'homme est un dieu pour l'homme, pareil, parallèle avec la théorie du contrat)

⇒ figure quasi prométhéenne d'Epicure présentée par Vélléius montre que les thèmes
fondamentaux de la théologie ont pénétré son discours.
toujours au livre I §43, Velléius enchaîne sur le thème central de son intervention, celui de la
prolepse des dieux
Seul, en effet, il a compris, en premier lieu, que les dieux existent, parce que c’est la nature
elle-même qui en a imprimé la notion dans l’esprit de tous. Quel est en effet le peuple, quelle
est la race d’hommes qui, sans avoir reçu d’enseignement, ne possède une sorte de
connaissance anticipée [= notion] des dieux ? C’est ce qu’Épicure appelle prolepsis,
c’est-à-dire une sorte de représentation formée auparavant dans l’esprit sans laquelle rien ne
peut être conçu ni recherché ni discuté. L’importance et l’utilité de ce principe, nous les
avons apprises dans cet ouvrage divin d’Épicure Sur le critère et le canon.

Velleius introduit les prénotions, prolepses, en indiquant qu'Epicure en a le premier fait


usage. Ce sont des notions premières possédées par anticipation : une grande partie du débat
va porter sur ce point ; tous les peuples ont une certaine notion du divin. (argument
anthropologique)

livre I, §45, Et puisque cela est presque unanimement admis, non seulement par les
philosophes mais aussi par les esprits incultes, nous reconnaissons que cette autre vérité est
admise également : nous avons une connaissance anticipée, comme je l’ai déjà dit, ou une
prénotion des dieux (à des idées nouvelles il faut appliquer des termes nouveaux, comme l’a
fait Épicure lui-même en employant le mot prolepsis en un sens que personne ne lui avait
encore donné). Nous avons donc cette prénotion qui nous fait penser que les dieux sont
bienheureux et immortels

les dieux sont bienheureux et immortels = voilà le contenu de cette prénotion

[1] - En premier lieu, en considérant le dieu comme un vivant incorruptible et bienheureux,


conformément à ce qu’a esquissé la notion commune du dieu, ne lui ajoute rien d’étranger à
son incorruptibilité, ni rien qui ne soit pas approprié à sa béatitude. Mais forme à son propos
l’opinion de tout ce qui est capable de lui conserver la béatitude qui accompagne
l’incorruptibilité. Car les dieux existent. Évidente est en effet la connaissance que l’on a
d’eux. Mais ils ne sont pas tels que la plupart des hommes les conçoivent. Ceux-ci, en effet,
ne les conservent pas tels qu’ils les conçoivent. Est impie, d’autre part, non pas celui qui
abolit les dieux de la foule, mais celui qui ajoute aux dieux les opinions de la foule. Car les
déclarations de la plupart des hommes à propos des dieux, ce ne sont pas des
préconceptions, mais des suppositions fausses (…). Épicure, Lettre à Ménécée, 123-124

la thèse de la divination et celle du destin s’entre-impliquent ; s’il y a de la divination il y a du


destin, prédétermination des événements et s’il y a du destin de fait la divination est possible
dans la critique cicéronienne de la conception stoïcienne du destin on a celle de la divination
et réciproquement d’où l’importance de trancher sur la natura deorum pour savoir quelle
relation ils entretiennent avec nous et si c’est leur volonté de nous envoyer des signes

met à mal prétentions du stoïcisme à asseoir une divination rationnelle à côté de la


divination populaire car pr Cicéron divination n’a pas ce caractère de rationalité que la
théorie du destin semble impliquer
dénonce la faute consistant à établir des liens causaux là où il n’y en a pas en réalité ; et celle
consistant à substituer à un rapport de causalité véritable un rapport de signification,
sémantique
le coq de Démocrite, la question du comportement animal est cruciale car nous renvoie à la
philosophie naturelle
les épicuriens du livre I du DND présente l’avantage qu’ils tiennent des positions corrosives
assimilées à tort à un athéisme : ils croient aux dieux mais ont une conception des dieux qui
fait l’économie du providentialisme des intentions divines et qui se présente comme une
théologie de l’indifférence donc de l’indifférence des dieux à l’égard des affaires humaines

livre I §45 il faut se les représenter tels qu’ils sont et de ne rien ajouter à leur nature qui ne
soit contenu dans la notion que nous avons du divin : la prénotion ou prolepse des dieux
contenant béatitude et incorruptibilité
la conception très rationaliste que propose Epicure et Lucrèce après lui pourrait se traduire
par une réduction de la nature divine à ces prédicats : mais c’est plus subtil car on peut dire
par exemple livre I §46-49 qu’ils ont forme humaine, qu’ils ressemblent physiquement aux
êtres humains ; Philodème de Gadara : “les dieux parlent grecs car c’est la langue des sages.”
⇒ ça a sur le plan philosophique la signification : je peux leur attribuer des qualités
anthropomorphes pourvu que cela ne contreviennent pas à la prolepse des dieux : c’est donc
un raisonnement par compatibilité des prédicats
on a affaire à un discours sur les dieux assez subtils §49 la forme des dieux est un
quasi-corps, une sorte-de sang, un quasi-sang
inversement, un certain nombre de choses que l’on attribue aux dieux qui sont des
suppositions fausses hupolepseis pseudeis

[1] - En premier lieu, en considérant le dieu comme un vivant incorruptible et bienheureux,


conformément à ce qu’a esquissé la notion commune du dieu, ne lui ajoute rien d’étranger à
son incorruptibilité, ni rien qui ne soit pas approprié à sa béatitude. Mais forme à son propos
l’opinion de tout ce qui est capable de lui conserver la béatitude qui accompagne
l’incorruptibilité. Car les dieux existent. Évidente est en effet la connaissance que l’on a
d’eux. Mais ils ne sont pas tels que la plupart des hommes les conçoivent. Ceux-ci, en effet,
ne les conservent pas tels qu’ils les conçoivent. Est impie, d’autre part, non pas celui qui
abolit les dieux de la foule, mais celui qui ajoute aux dieux les opinions de la foule. Car les
déclarations de la plupart des hommes à propos des dieux, ce ne sont pas des
préconceptions, mais des suppositions fausses (…). Épicure, Lettre à Ménécée, 123-124
[2] - le trouble le plus important pour les âmes des hommes réside dans l’opinion selon
laquelle ces êtres à la fois bienheureux et incorruptibles ont en même temps des volontés,
actions, responsabilités, qui sont en contradiction avec ces ; dans le fait aussi qu’ils redoutent
ou suspectent quelque chose d’éternel et de terrible, par référence aux mythes ou bien parce
qu’ils craignent l’insensibilité même qu’implique la mort, comme si elle était quelque chose
qui les concerne. Épicure, Lettre à Hérodote, 81
⇒ il ne faut pas prédiquer des traits contradictoires à la béatitude des dieux

[4] – (…) Certaines [statues des dieux] lancent [des flèches et] sont sculptées [tenant] un arc,
réalisées comme (col. 2) Héraclès chez Homère, tandis que d’autres ont des bêtes sauvages
pour satellites, et que d’autres encore, comme Némésis selon l’opinion du grand nombre,
s’irritent contre les gens prospères. Il faut au contraire faire les statues des dieux joyeuses et
souriantes, afin que nous leur adressions des sourires en retour au lieu de les craindre. Eh
bien quoi, vous autres ! Révérons les dieux [comme il se doit], dans les fêtes sacrées (col. 3)
comme dans les [lieux profanes], en public comme [en privé], et [préservons] les coutumes
ancestrales [que nous cultivons à leur attention]. Et ne laissons jamais [les êtres
incorruptibles] être accusés faussement par nous (…) Diogène d’Œnoanda, Fragment 19, col.
1-3 Smith.

⇒ substitutions des représentations sympathiques des dieux afin de travailler à notre


sérénité au lieu de s’installer sans cesse dans la peur : Diogène en bon épicurien, ayant peut
être lu le texte de Philodème, Peri Eusebeias ; cette piété va prendre une forme rituelle et on
peut penser que dans cette communauté du jardin il y a des rites réguliers mais il y a une
autre forme de piété dans la religiosité épicurienne plus discrète, moins spectaculaire,
qu’évoque Lucrèce

[3] - la piété, c’est plutôt pouvoir regarder toutes choses avec sérénité. Lucrèce, De rerum
natura, V, 1203

dans aucun de ces cas l’existence des dieux est remise en cause : c’est ce qu’il faut mettre en
avant dans le commentaire, ce qui est remis en cause est l’attitude commune à l’égard des
dieux ; on retrouve l’idée de piété comme tranquillité au §56 du livre I

cela étant dit, deux difficultés


- comment avons-nous connaissance des dieux ?
- que savons-nous de leur nature ?

1. le problème se pose car on a une prolepse du divin : en régime épicurien, les


prolepses nous viennent de la sensation répétée d’une même chose (DL, X, §32-34) :
elle aura une fonction de rétention et d’anticipation d’où l’idée de prénotion et
l’origine de pro-lepsis, je saisis, par anticipation
si j’ai une prolepse car j’ai auparavant sensation répétée d’une même chose, comment
je peux obtenir une prolepse des dieux car ils ne manifestent pas dans l’expérience
commune ?
Velléius y répond au §49 steremnia = les solides, les corps solides ; il semble que des
images des dieux volent autour de nous ? Démocrite dans un fragment dit qu’il priait
pour avoir des images favorables : l’idée est que nous percevons plus que ce que nous
voyons ; Lucrèce au chant V du DNR : les premiers humains reçoivent en rêve des
visions et conçoivent ensuite notion du divin ; les visions en elles-mêmes sont
naturelles, pas d’intention dans ces rêves-là, de fait des simulacres volent un peu
partout et lorsque nous dormons les simulacres pénètrent en nous mais comme nos
sens sont endormis ils ne peuvent exercer leur contrôle sur ces images mais notre
esprit élabore ces images non filtrées par la sensation
⇒ on a une origine détournée, infra-perceptive du divin et à partir de ces images
nous formons la prénotion du divin et l’idée qu’il y a des dieux et qu’ils sont des êtres
incorruptibles et bienheureux

2. la deuxième difficulté est comment tenir un discours positif sur la nature des dieux
qui sont si éloignés de nous ? Vélleius dit qu’ils vivent dans des intermundi, §49 il est
bizarre de lire que se présente un grand nombre d’images à travers d’atomes en flux
continu : comment ces images proviennent-elles à nous à partir de dieux éloignés ? ce
texte a fait l’objet d’éditions différentes et certaines versions nous donnent l’idée que
nos représentations vont vers les dieux (ad deos), dans d’autres, vers nous (ad nos) ;
dans un cas s’il fallait lire ad deos signifie qu’on projette images en projection des
lieux supposés où vivent les dieux : les dieux sont des projections mentales à partir de
nos propres dispositions (s’origine dans l’Histoire du Matérialisme de Lange, qui a
une influence sur la perception du matérialisme au XXme siècle et Lange voulait
croire que les dieux sont uniquement des constructions humaines et un certain
nombre de spécialistes épicuriens aujourd’hui continuent à être sur cette ligne : c’est
le cas de David Sedley, dans le Long et Seldey il y a des argumentaires en faveur d’une
conception mentaliste du divin chez les épicuriens ; aussi la lecture de Jean François
Balaudé dans sa traduction Lettres, maximes, sentences, aussi la lecture de Hobink
qui a édité le Peri Eusebeias) il y a ici un débat d’interprétation et certains
spécialistes ont pensé que pour certains épicuriens on forme les dieux de toutes
pièces et ils n’existent pas autrement qu’en tant qu’images formées par nous ; cela ne
tient pas pour plusieurs raisons (détaillées par José Turpin dans un article dans le
Lire Epicure coédité par PMM sur la théologie épicurienne) : comment pourrait-on
adopter cette lecture conceptualiste alors que les épicuriens disent que les épicuriens
vivent vraiment dans des intermondes ?
⇒ difficulté concernant la genèse de la connaissance des dieux et la nature même des
dieux est nécessairement un point de vulnérabilité de la doctrine : remarquer tout de
même les termes au §56 “difficile de traiter un si vaste sujet, vaste = pas si facile à
traiter pour les épicuriens eux-mêmes”

en termes de stratégie cicéronienne, on peut écarter vite les épicuriens : ces jouisseurs font
l’apologie de la débauche, mais en plus sont contre les lois de la cité et en plus conduisent à
l’impiété ; Cicéron leur consacre un exposé long c’est un contre-poids stratégique important
dans l’anticipation du livre II donc dans l’exposé stoïcien par Balbus, pour contrer ceux qui
sont porteurs d’un providentialisme fort face auquel on devra suspendre momentanément
notre jugement
⇒ l’intérêt de C pour l’épicurisme n’est pas une concession philosophique mais plutôt une
stratégie argumentative globale du DND : mais suppose que C rende compte de l’épicurisme
(on sait qu’il a été tenté par l’option épicurienne rappelons-le)

dans le De Fato, c’est en faveur de la balance contradictoire entre l’indéterminisme d’Epicure


et le déterminisme de Chrysippe qu’émergera de la façon la plus favorable la position de
Carnéade qui sera celle de Cicéron

Livre II, §36-38


… puisque tout mouvement a son origine dans la chaleur du monde, et que cette chaleur se
meut spontanément, et non sous une impulsion étrangère, elle est nécessairement une âme :
il en résulte que le monde est un être animé. On pourra aussi concevoir qu’il possède
l’intelligence en constatant que le monde est sans aucun doute meilleur que n’importe quel
élément. Car de même qu’il n’est pas une partie de notre corps qui ne soit de moindre valeur
que notre personne elle-même, de même le monde entier doit nécessairement avoir plus de
valeur que n’importe quelle partie de l’ensemble. Et s’il en est ainsi, il faut nécessairement
que le monde soit sage. Car s’il ne l’était pas, il faudrait admettre que l’homme, bien qu’il soit
une partie du monde, a plus de valeur que le monde entier, puisqu’il a part à la raison.

le monde est sage : on vient avec les épicuriens d’un univers sans ordre ou un ordre
contingent, ici on apprend que le monde est ordonné et sage
il faut faire état du caractère paradoxale de cette thèse initiale et rappeler le contexte au
début du livre II du DND, Balbus pose quatre points : les dieux existent, ils ont telle nature,
le monde est gouverné par eux, ils veillent sur les affaires humaines

l’existence des dieux est évidente, car nous avons une prolepse des dieux ; s’ensuit un
argument esthético-cosmologique à la faveur de l’existence des dieux ; la théologie stoïcienne
relève de la physique : la métaphysique n’est pas une catégorie assumée par les stoïciens
eux-mêmes ; et dans le cadre de la physique on constate l’ordre du monde et l’éminence du
divin
mais pourquoi dire que le monde est sage ? quelle est cette sagesse du monde ? Balbus
l’établit par des arguments de physique : échelle des êtres, rapport du tout et des parties ; un
argument scalaire ; un argument méréologique
“Balbus dans un premier temps jusqu’à “il faut nécessairement que le monde soit sage”
établit que le monde parce qu’il est animé et forme un tout ordonné est sage ; puis dans un
deuxième temps, jusqu’à “la raison absolue” il confirme la thèse par un argument emprunté
à la physique et fondé explicitement sur l’échelle des êtres ; avant dans un troisième temps
de se placer au point de vue en l'occurrence décisif de la totalité même du monde.”

le point de vue que Balbus présente comme le pdv de la nature entière parce qu’il révèle la
perfection du tout et dépasse les imperfections particulières permet de comprendre pourquoi
pour les stoïciens le monde est à la fois intelligent et sage

le premier mouvement du texte se réfère à un arrière-plan philosophique partagé : “cette


chaleur est une âme car n’est pas mûe par une impulsion étrangère…” ⇒ on retrouve la thèse
du Phèdre et du Timée de l’âme auto-motrice ; dans le Timée de Platon il y a une âme du
monde mais les stoïciens ne s’en tiennent pas à l’intégration de cette thèse fondamentale car
la réinscrivent dans la perspective d’une physique : il y a des causes physiques et matérielles
relevant de la nécessité dans le Timée mais les véritables causes sont d’ordre intelligible
dans le monde stoïcien pas de causalité intelligible car Dieu coïncide avec la rationalité
immanente au monde et la chaleur est un élément qui possède une force vitale
la chaleur est un élément qui possède une force vitale étendue à travers le monde tout entier
et cette chaleur conserve toutes les parties du monde et cette théorie de l’identification du
dieu stoïcien au feu et raison repose sur notion d’un feu artiste, ou artisan qui est un souffle à
la fois productif et délibérant qui va garantir un mouvement de tension dans tous les êtres
car on est tous relié au feu cosmique qui anime notre âme propre (le souffle de notre raison
est aussi le souffle de la raison cosmique)
on a insisté sur la notion d’intériorité chez les stoïciens mais le danger est d’insister sur
dimension d’intégrité subjective : il ne faut pas oublier que cette intériorité est en même
temps nécessairement physiquement corrélé au monde lui-même
Marc-Aurèle : nous ne sommes pas que des parties, mérôs mais aussi des membres actifs,
mêlos comme dans un choeur ; l’idée subjectiviste qui veut que chaque individu soit sa
citadelle est à modérer : on doit agir dans le monde et l’individualité subjective est toute
relative
il y a cette capacité active qui lui vient d’un souffle chaud ; on a dans la physique stoïcienne
deux principes : un principe actif (souffle chaud = feu et air) et principe passif, la matière
(eau et terre)

“il possède l’intelligence” on peut penser à un coup de force axiologique, il aurait une valeur
éminente par la rationalité ; en réalité cette axiologie est plus subtile que cela : il est au
sommet de l’échelle des êtres et on rencontre là l’argument scalaire

L’argumentation de Balbus, malgré son caractère apparemment circulaire, suit en réalité une
progression scalaire mais cette progression scalaire ne conduit pas simplement au sommet
d’une échelle car ce sommet de l’échelle qui est en fait le point de vue du monde cosmique est
le point de vue du tout, le point de vue de la totalité. La logique est donc scalaire mais aussi
méréologique, concentrique : c’est parce qu’il est un tout parfait et en vertu même de la
logique même de la totalité que le monde est sage. On aurait d’abord pu croire qu’il s’agit là
d’une métaphore : en réalité, le degré le plus élevé, le point de vue du tout, coïncide avec la
nature du divin qui est lui-même éminemment rationnel et sage. Donc le point de vue que
Balbus présente comme étant le point de vue de la nature universelle, parce qu’il révèle la
perfection du tout et dépasse les imperfections particulières permet de comprendre pq le
monde pour les stoïciens est à la fois intelligent et sage.

les stoïciens refusent un anthropocentrisme au sens où l’homme serait au sommet de


l’échelle des être ; en fait pas dans une échelle absolue car nous sommes une partie du
monde
cet argument s’appuie aussi sur les arguments esthético-cosmologiques en faveur de
l’existence des dieux : mais la seconde partie montre sur quoi repose la hiérarchie de la
première partie du texte

Et si nous voulons, en partant des premiers êtres qui ne sont qu’ébauchés, progresser
jusqu’aux derniers qui sont parfaits, nous parviendrons nécessairement à la nature des
dieux. Nous constatons que les premiers êtres que la nature entretient sont les végétaux qui
naissent de la terre, auxquels la nature n’accorde rien de plus que la conservation, en les
nourrissant et en les faisant croître. Aux bêtes elle a donné la sensation et le mouvement et
une certaine inclination qui les pousse à s’approcher de ce qui leur est salutaire, à s’écarter de
ce qui leur est funeste. À l’homme elle a donné par surcroît la raison pour lui permettre de
gouverner les inclinations de son âme, tantôt en leur lâchant la bride tantôt en les retenant.
Le quatrième degré, le plus élevé, est celui des êtres qui naissent naturellement bons et sages,
qui ont, dès leur naissance, une raison droite et ferme : on doit considérer que cette raison
dépasse l’homme et l’attribuer à dieu, c’est-à-dire au monde, où réside nécessairement, à son
stade de développement parfait, la raison absolue.

il y a quatre degré dans l’échelle des êtres : les végétaux ont une disposition, une hexis qui
prend la forme de la croissance et de la nutrition, la phusis propre des plantes
tout le jeu de l’appropriation sera que nous retrouvions un rapport à nous-mêmes et au
monde et à la société qui reproduise de façon plus complexe l’appropriation immédiate que
connaissent les plantes et les animaux mais pour nous choses sont rendues plus complexes
par la raison, raison que l’on possède pour le meilleur et pour le pire
quand nous sommes pleinement rationnel, notre raison coïncide avec la raison divine :
promesse de convergence et en même temps c’est bien la raison qui nous perd quand elle ne
parvient pas à contrôler certaines impulsions qu’elle a elle-même perverties : c’est le cas des
passions DL, VII, 110 “le mouvement de l’âme irrationnel et contraire à la nature ou encore
une impulsion excessive mais il faut encore entendre que cette impulsion irrationnelle est
sous la responsabilité de la raison.”

⇒ on voit à la fin de ce mouvement que nous sommes nécessairement conduits à dépasser la


raison proprement humaine pr adopter le point de vue de la raison pure ou encore raison
absolue = celle des dieux et donc celle du monde
cela signifie-t-il que ce quatrième degré transcende les trois ordres et qu’on a affaire à une
verticalité purement scalaire ? donc comment concevoir la perspective d’un monde parfait ?
un monde qui contient les êtres, le monde est la “demeure commune des dieux et des
hommes et de ce qui est utile à ces derniers”

On ne peut nier, en effet, qu’il existe dans toute forme d’organisation un stade
supérieurement achevé. De même que dans une vigne ou dans une bête, à moins qu’une
force ne vienne s’y opposer, nous voyons la nature parvenir à sa perfection par une voie qui
lui est propre, et de même que la peinture, l’architecture et les autres arts visent
l’accomplissement d’une œuvre achevée, de même et bien plus encore dans la nature tout
entière se réalise nécessairement un stade ultime de perfection. Et en effet, quand il s’agit de
tous les autres êtres de la nature, bien des obstacles extérieurs peuvent s’opposer à leur
accomplissement mais rien ne peut entraver la nature prise dans son ensemble puisqu’elle
embrasse et renferme en elle toutes les natures particulières. C’est pourquoi ce quatrième
degré, le plus élevé de tous, doit nécessairement exister, inaccessible à toute violence. C’est le
degré où se tient la nature universelle ; et puisque celle-ci est telle qu’elle est supérieure à
tout et que rien ne peut l’entraver, il faut nécessairement que le monde soit intelligent et sage
également. Cicéron, La nature des dieux (De natura deorum), II 32-36 (trad. C.
Auvray-Assayas)

la raison divine n’est pas une intelligence transcendante mais immanente : l’ensemble des
raisons qui font que les choses se produisent ⇒ Dieu = monde = raison cosmique = destin ;
donc le lien entre les raisons qui font que les choses se produisent, fait qu’il y ait un lien entre
les différentes causes
on va privilégier la logique de la totalité ou la logique méréologique par rapport à la logique
strictement scalaire et hiérarchique et comme ça on va comprendre immanence de la raison
parfaite au monde lui-même
⇒ pas simple car même si tous les êtres tendent vers une réalisation ces êtres peuvent
rencontrer des obstacles mais on sait aussi dans l’art qu’il y a des échecs, de même dans les
affaires humaines qui en plus sont pleines d’actes immoraux : on rencontre ici un problème
de “théodicée” en langage moderne
il y a donc bien un plan dans le développement biologique et ce plan prend la forme de
raisons spermatiques DND II, §58 qui vont organiser téléologiquement le devenir des êtres
jusqu’à leur accomplissement mais cela n’empêche pas que nous ayons des échecs

on va rendre compte de ces erreurs par un changement de paradigme : le paradigme


explicatif doit d’abord être celui de la totalité
on voit donc les échecs partiels gommés par la perfection du tout et donc si nous nous
accordons sur une harmonie globale on voit que les imperfection ne comptent pour rien et
que l’univers peut être intelligent et sage sans que rien n’altère cette intelligence et cette
sagesse ; de fait des empêchements particuliers même si ce sont des empêchements réels et
des souffrances réelles (les stoïciens ne le nient pas pour les individus concernés : les sages
eux éprouvent des affects tels que ne troublent pas leu raison), mais malgré cela rien ne dit si
l’on considère l’enchaînement des événements, rien ne dit que ces empêchements
particuliers soient des maux absolus et pour décider de la valeur absolue d’un bien ou d’un
mal particulier ou ne peut pas se situer au niveau des individus (je me trompe, je suis
malade) mais au niveau de la raison du tout, car la raison cosmique se situe pas au niveau
des raisons particulières mais au niveau de l’enchaînement total des raisons (attention, le
stoïcien ne dit pas que si l’on est malade, il est interdit d’appeler le médecin ! nous le verrons
dans le De Fato ; du moment où je ne suis pas sous la contrainte de la nécessité, qu’il me
reste un espace de liberté que Chrysippe voudra dégager, je peux intervenir contre les maux
particuliers dont je peux souffrir)

⇒ lecture plus acceptable de la perfection cosmique, de la providence divine ; il y a de fait


une volonté du Dieu, DND II, 58 mais cette volonté n’est rien que le nom que prend l’activité
du Dieu en tant qu’il poursuit le chemin de l’ordre et de ce qui est rationnel : s’il y a une
voluntas il ne faut pas la concevoir sur le modèle de la volonté humaine qui s’arrête à des
objets particuliers
DE FATO

achevée au printemps 44, dans les mois suivant l’assassinat de César, un moment où Rome
peut basculer dans les troubles (cf. premier §)
dans les semaines qui précèdent Cicéron a voyagé et a pris la mesure des inquiétudes d’une
partie des notables et l’idée qu’un coup d’Etat se prépare commence à être dans les têtes et
on sent monter l’influence d’Antoine, ce qui a suggéré la rédaction des Philippiques
l’arrière-plan politique est évident : sans doute pas étranger au fait que le De Fato soit une
réflexion sur la liberté humaine et la volonté humaine et c’est peut-être le dernier cri de
Cicéron, en tout cas une défense de la volonté humaine à décider de ses actions et à influer
sur le cours des événements
Cicéron semble se ranger à des arguments présentés par Carnéade auquel il donne
généralement le premier rôle dans ce qu’il nous reste du DF et de ce point de vue préciser ce
qu’est le pdv adopté par Cicéron à partir de Carnéade

1. il y a des causes fortuites, du hasard


2. les caractères individuels, penchants personnels, comme les caractères collectifs,
théorie des climats selon Hippocrate et Aristote, relèvent des causes antécédentes et
non principales §7-11
3. notre volonté est libre, nous sommes libres de nous lever, de nous asseoir, de
modifier nos tendances, nos penchants, question de la modification du caractère
Ethique à Nicomaque livre V et Cicéron ici prend une position claire : on peut
corriger nos inclinations et dompter sa nature vicieuse §10 ; cela dépend “de la
volonté, du travail, de l’étude” §11

⇒ de ces positions résulte la nécessité de renvoyer dos-à-dos l’indéterminisme des


épicuriens (mouvement sans cause inadmissible) et le déterminisme des stoïciens (tout
résulte des causes antécédentes) : c’est la critique que formula Alexandre d’Aphrodise au
deuxième siècle dans son propre traité Du Destin qui reprochera aux stoïciens que
l’assentiment est tout entier déterminé par les causes antécédentes (cette lecture a encore
après Cicéron tout un avenir)

le point de départ est le fatalisme populaire critiqué dans le DD mais aussi avant tout le
déterminisme stoïcien : la forme dialogue du DF n’est pas seulement artificielle, il y a un
interlocuteur, Hirtius qui est alors consul désigné mais sa présence est un artifice littéraire, il
n’a pas de rôle vraiment pesant, ici Cicéron lui-même convoque les doctrines adverses
DE FATO

vrai = possible = nécessaire

livre II des Entretiens et la position des stoïciens par rapport à l’argument dominateur de
Diodore Kronos
pourquoi “argument dominateur” ? d’une force exceptionnelle ? ou affirme que la nécessité
est toute puissante ce qui revient au même ou parce qu’il porte sur la domination ou le
pouvoir de l’agent ? interprétation de Robert Müller, expert des Mégariques
Robert Müller estime que la position de Diodore est la suivante : le possible est ce qui se
réalise mais il essaie malgré tout pour sa part qu’il n’y a pas un nécessitarisme absolue de
l’école de Mégare : il ne dit pas que l’événement futur est vrai dès maintenant, s’il n’est vrai
que dans le futur, peut-être pourrait-on dire qu’il échappe au nécessitarisme
⇒ l’essentiel est la coïncidence du possible, du nécessaire et du vrai : le possible est
non-modalisé, il se réalise ; il n’y a pas de virtualité d’être dans un tel système et on peut tj
retenir qu’il y a des interprétations divergentes de Diodore mais ce n’est pas essentiel

au fond de la question est le principe de bivalence : toute proposition est nécessairement


vraie ou fausse et précisément Diodore fait une application non modalisée du principe de
bivalence : les deux valeurs ne sont pas modalisables alors que pour les stoïciens (Chrysippe)
le possible n’est pas ce qui est ou sera vrai comme pour Diodore mais ce qui est susceptible
de l’être ; on peut donc admettre qu’un événement est possible même s’il ne se produit pas
dans le futur ni maintenant et il y a donc des propositions vraies sans être nécessaires parce
que même si une proposition est vraie ça ne signifie pas qu’elle se produira (notamment si on
se réfère à causalité naturelle, dans la mesure où l’événement dépend de la décision
humaine)
⇒ c’est cette inflexion sur le possible fait la différence entre la position de Diodore est la
position de Chrysippe et Chrysippe ne veut pas endosser la position strictement
nécessitariste de Diodore selon laquelle les événements futurs sont intégralement
prédéterminés ; Chrysippe : il y a du destin et pour autant tout n’est pas absolument
nécessaire, je suis libre

les épicuriens sont eux qui vont intervenir en premier au §18 à 25, après l’évocation de
Diodore servant de préambule au débat : pour comprendre cette position on peut renvoyer
brièvement au texte séminal de tout ce débat de la période classique qui est un texte
d’Aristote, De Interpretatione chapitre 9 sur les futurs contingents : les propositions portant
sur le futur ne sont ni vraies ni fausses (il y aura demain une bataille navale, ce n’est
actuellement ni vrai, ni faux) la Physique d’Aristote nous dit bien qu’il y a de la contingence
dans le monde sublunaire ; mais il y a une nécessité de la disjonction : il y aura ou il n’y
aura pas de bataille navale
leur disjonction est nécessaire en vertu du principe de bivalence : toute proposition
attributive est nécessairement vraie ou fausse

on en vient à Epicure §18-25 qui n’est pas intéressé par les raisonnements analytiques, ce
pourquoi face à la thèse aristotélicienne, Epicure dit que même dans la disjonction il n’y a
pas de nécessité : même la disjonctive il y aura ou pas manque de nécessité parce qu’une
telle nécessité n’existe pas dans la nature : il n’y a de nécessité que proprement physique et
pas de nécessité logique ou analytique établie indépendamment de la nécessité physique
Epicure va s’opposer vigoureusement au déterminisme, dans certaines sentences et dans son
traité Sur la Nature dont il nous reste des fragments, va s’attaquer aux nécessitaristes qui
prétendent que tout est déterminé par les causes antécédentes et aura deux cibles : cible de
l’ingratitude, Démocrite, dans le livre XXV, reprochant aux premiers atomistes de ne pas voir
la liberté des actes, mais aussi les Mégariques, attaquant Diodore Kronos
Epicure s’est opposé aux déterministes par des arguments, dans le Peri Phuseos XXV
- argument par les conséquences : si on pense que tout est prédéterminé par des causes
antécédentes alors on ne pourra pas qualifier moralement les actes des uns et des
autres, les méchants ne seront jamais punis etc. on le retrouve dans le De Fato mais
attribué à Chrysippe, argument transversal qui passe d’une école à l’autre ?
- argument négatif : si la nécessité physique était toute puissante, le bonheur et la
conduite morale seraient impossibles
les épicuriens ne se contentent pas d’arguments logiques ou pratiques mais ont des
arguments physiques : le clinamen = parenklisis et le clinamen est censé garantir la
possibilité de l’acte libre comme on le verra dans la DRN
on en a un aperçu polémique anti-démocritéen contre l’idée de nécessité dans un texte plus
tardif : Diogène d’Oenanda Fragment 51 Smith “Si quelqu’un use du raisonnement de
Démocrite en disant que les atomes n’ont aucun mouvement libre à cause de leur collision
réciproque et qu’en conséquence toutes les choses paraissent mus par la nécessité, nous
dirons contre lui : est-ce que tu ne sais pas qui que tu sois, qu’il y a aussi dans les atomes un
certain mouvement libre que D n’a pas découvert mais qu’Epicure a mis en lumière, qu’il y a
un mvt de déclinaison, comme il le montre à partir des phénomènes (= conformément à la
méthode d’inférence, on ne peut pas le voir le clinamen) et le plus important si l’on croit au
destin on supprime tout avertissement et tout reproche et de même les méchants [...]”
l’argument est doublé ici d’un argument physique
ce texte postérieur à Lucrèce nous renvoie au chant II du DRM et on a dans le DF des
indications sur le clinamen mais relire le chant II à partir du vers 216
raisonnement par l’absurde qui consiste à dire que si l’on se prive du clinamen il n’y aurait
rien, pas de corps, pas d’agrégats : sans collision, pas d’agrégat ; on a donc une expérience de
pensée, d’expérience par l’absurde consistant à dire que si l’on se prive du clinamen il n’y a
rien, pas de corps, de pas de monde, alors qu’on voit que ce n’est pas le cas, donc il y a
nécessairement une déviation ; il faut donc que les atomes dévient, declinare pour que l’on
puisse concevoir la formation des corps et des mondes
le second temps de l’argument de Lucrèce est cosmologique : c’est un temps qui est le
moment de la psychologie et de l’éthique ; si nous admettons l’enchaînement inviolable des
mouvements antécédents et si on se soumet aux lois du destin, foedera fati comment
concevoir une voluntas capable de mouvoir nos membres et de nous mouvoir là où notre
mens veut nous conduire ?
est donc en cause la cosmologie, l'existence des corps et des mondes, puis la liberté de l’agent
et la capacité de l’esprit à informer la voluntas et à échapper ainsi au destin : l’adversaire ici
est probablement le destin stoïcien
quand Diogène nous dit que Démocrite n’a pas vu la déclinaison, il faut penser que nous
n’avons pas dans l’état actuel des textes d’Epicure une théorie de la déviation et donc on ne
peut assurer qu’Epicure est bien l’auteur de cette déviation : il n’est pas impossible que le
clinamen soit un complément apporté après Epicure pour contrer les théoriciens du destin
Epicure voit déjà dans le destin un adversaire de sa conception de l’action libre
[5] - Dès lors, qui considères-tu comme supérieur à celui qui porte sur les dieux des
jugements pieux ; qui demeure continûment sans crainte devant la mort ; qui a pris en
compte la fin de la nature ? Il comprend que la limite des biens est facile à atteindre dans sa
plénitude et à acquérir, alors que celle des maux dure peu de temps ou n’inflige que peu de
peines. Il proclame d’autre part que , que certains présentent comme le maître de toutes
choses, , tandis que d’autres sont le fait de la fortune et que d’autres encore sont en notre
pouvoir, parce que la nécessité ne peut rendre de comptes. Quant à la fortune, il voit qu’elle
est incertaine, tandis que ce qui est en notre pouvoir est sans maître et que le blâme et son
contraire en sont la suite naturelle – puisqu’il vaudrait mieux suivre le mythe sur les dieux,
que s’asservir au destin des physiciens : le premier, en effet, dessine l’espoir de fléchir les
dieux en les honorant (= une fiction pour Epicure), tandis que le second ne contient qu’une
inflexible nécessité. Il comprend d’autre part que la fortune n’est ni un dieu, comme le
croient la plupart des hommes – car rien de ce qui est accompli par un dieu n’est
désordonné –, ni une cause inconstante de tout (…) Épicure, Lettre à Ménécée, 133-134
dans ce passage, il s’agit de Démocrite et Epicure rejette l’idée d’une nécessité toute
puissante : il faut rappeler les dates d’Epicure 341-271 Zénon 331-262 Chrysippe 280-206 il
faut retenir que Chrysippe a 9 ans à la mort d’Epicure
dans ce passage du texte 5, il faut voir qu’Epicure distingue trois modes de production des
événements : - la nécessité car il y a de la nécessité chez Epicure mais pas une nécessité
toute-puissante, des physiciens du destin, de Diodore mais une nécessité locale, résiduelle ; il
y a par ailleurs des événements tenant de la fortune qui n’est ni un dieu ni une cause
inconstante de toutes choses ; mais tout n’est pas fortune et entre évocation du destin et de la
fortune il y a un espace pour l’acte libre, ce qui est en notre pouvoir (saisir la limite des biens,
que plaisir et douleur sont limités, etc, ne pas craindre la mort, les dieux) et un grand
nombre des actions résultant de notre conviction philosophique sont en notre pouvoir
mais Carnéade-Cicéron ne l’entendent pas ainsi et le DF objecte aux épicuriens que le
clinamen pose un problème théorique insurmontable car introduit un mouvement sans
cause : or Epicure estime que rien ne peut venir du néant ce qui implique selon Carnéade que
rien n’advient sans cause or il invoque le clinamen et c’est ici une façon d’introduire un
indéterminisme causal alors même que je dois m’y opposer fermement ⇒ contradiction
d’Epicure
“un lieu incertain, un temps incertain” donc il y a bien comme on l’a dit souvent ou Alain
Gigandet dans son livre sur Lucrèce un principe d’indétermination au coeur de la physique
épicurienne et on serait donc fondé à suivre ici Cicéron-Carnéade et aussi Chrysippe qui
adresse ce même reproche aux Épicuriens
Carnéade dit la chose suivante §25 “il suffisait aux E de reconnaître qu’il y a un mouvement
volontaire, un mvt dont la cause est ds la nature même sans avoir besoin de recourir à la
déclinaison et à l’absurdité d’un mouvement sans cause, absurdité que Démocrite pour sa
part n’a pas commise.” §23 “c’est ce que Démocrite l’inventeur des atomes a préféré
admettre, en acceptant la nécessité universelle, plutôt que d’ôter aux insécables leur
mouvement naturel”
⇒ ce n’est peut-être pas tout à fait juste et difficile de dire que les E sont des indéterministes
forcenés car ce n’est pas dit ainsi et il est important de ne pas surestimer la puissance
théorique du clinamen c’est un des fleurons théoriques de l’épicurisme mais Lucrèce ne le
présente pas comme condition nécessaire et suffisante de l’acte libre, seulement nécessaire et
n’explique pas façon dont le clinamen produirait ds la pensée un mouvement singulier,
inaugural qui se soustraierait totalement aux causes antécédentes
la forme de l’argument est que sans le clinamen, sans principe d’incertitude au coeur du
mouvement atomique, je ne peux comprendre ni la formation des mondes ni l’acte libre,
mais ne signifie pas que le clinamen suffit à les expliquer
dans la formation des mondes, chutes des atomes, poids des atomes, et clinamen donc un
faisceau de conditions nécessaires constituant la cause fondamentale du mouvement
atomique et le clinamen en fait partie
⇒ nuancer pour voir stratégie de Carnéade : attribuer aux E l’idée d’un mvt sans cause
intégralement déterminant de la volonté libre mais ce n’est pas comme ça que ça se passe
dans les textes : c’est là la marge d’intervention de Carnéade-Cicéron
là où Carnéade nous convaincra plus, c’est au §24 lorsqu’il va préciser : “notre volonté n’a pas
de cause externe et antérieure, c’est un abus de langage de dire que qqn veut sans cause en
disant sans cause on veut dire sans cause externe et antérieure non sans quelque cause…”
les épicuriens en un sens ont vu quelque chose : il faut abstraire laa délibération de la chaîne
causale, mais cela ne signifie pas admettre mouvement sans cause à l’origine de la volonté
mais un mvt sans cause antécédente cf. le §28 sur le point

Carnéade invite à distinguer différents types de causes : la cause intérieur de ma volonté, de


mon acte libre, et les causes antécédentes ; cette distinction nous montre en quel sens
Carnéade revient de façon partielle seulement vers les stoïciens puisque c’est grâce aux S en
particulier Chrysippe que l’on va comprendre qu’il y a différents types de cause

on en vient à la position de Chrysippe à partir du §26 “Parce que les événements futurs
vrais, dit Chrysippe, ne peuvent pas être ceux qui n’ont pas de causes par lesquelles ils se
produiront ; il est donc nécessaire que ce qui est vrai ait des causes ; ainsi quand cela se
produira, ce sera un effet du destin.”
mais il n’y a pas que des causes antécédentes dans le dispositif chrysippéen : on commence
par insister sur la liaison entre certaines causes car il y a des causes qui sont nécessairement
corrélées, les confataux qui sont liées ensemble par la destin
§30 “Il y a en effet dans la réalité, dit-il, des éléments simples et d’autres complexes. Il est
simple de dire : “Socrate mourra ce jour-là” : qu’il agisse ou non, le jour de sa mort est fixé.
Mais si le destin décrète : “Œdipe naîtra de Laïus”, on ne pourra pas dire : “Que Laïus ait
été ou non avec une femme” : c’est une affaire complexe et “confatale” [confatalis] ; il utilise
ce mot parce que le destin a décrété à la fois que Laïus coucherait avec son épouse, et qu’il
procréerait Œdipe. De même si l'on disait : “Milon luttera à Olympie” et que quelqu’un
riposte : “Donc, qu’il ait ou non un adversaire, il luttera”, il se tromperait : “il luttera” est
complexe, parce que sans adversaire aucune lutte n’est possible. Tous les sophismes de cet
ordre se réfutent de la même façon. “Que tu fasses ou non appel au médecin, tu guériras”
est un raisonnement captieux [captiosum] : il dépend en effet autant du destin d’appeler le
médecin que de guérir. Comme je l’ai dit, Chrysippe qualifie cela de “confatal”.”
il y a des faits nécessairement solidaires sans lesquels ils ne pourraient pas se produire : cela
implique-t-il que tous les faits sont liés entre eux ou dépendent de causes liées entre elles de
sorte que tous les faits seraient déterminés par causes solidaires antécédentes ? pas pour
Chrysippe
à partir du §41 on voit apparaître la solution qui consiste à établir une distinction entre les
causes pour éviter la nécessité tout en conservant le destin “Or Chrysippe, rejetant la
nécessité et voulant en même temps que rien n’advienne sans cause précédente, fait des
distinctions entre les causes pour échapper à la nécessité tout en retenant le destin.”
“En effet, dit-il, parmi les causes, les unes sont parfaites et principales, les autres
secondaires et proches. Pour cette raison, quand nous disons que tout se produit par le
destin et par des causes antécédentes, nous ne voulons pas faire comprendre causes
principales et parfaites, mais causes secondaires et proches*” Il répond ainsi au
raisonnement que j’ai conclu il y a un instant : “ Si tout se produit par le destin, il s’ensuit en
tout cas que tout se produit par des causes précédentes, non pas principales et parfaites,
mais secondaires et proches. Et si ces causes ne dépendent pas de nous, il ne s’ensuit pas
que même le penchant ne dépend pas de nous. Au contraire si nous disions que tout se
produit par des causes principales et parfaites, il s’ensuivrait que, ces causes ne dépendant
pas de nous, le penchant lui même ne dépendrait pas de nous.”

● distinction entre les causes parfaites et principales ; causes auxiliaires et prochaines ;


on a ici une note dans l’édition Gallimard importante : les manuscrits ajoutent
antécédentes et cela signifie que je vais placer les causes antécédentes sous la
deuxième colonne

la solution de Chrysippe consiste à dire que si on nie la distinction entre ces causes alors tout
est intégralement déterminé et nous ne pouvons plus agir librement : il nous donne un
exemple fameux, celui de la comparaison du cône et du cylindre
l’enjeu est de concevoir la possibilité de l’acte libre mais aussi d’établir la possibilité d’un
mouvement de l’esprit nécessaire à l’acte libre consistant à valider une représentation par un
jugement = l’assentiment §42 l’objection d’Alexandre d’Aphrodise : l’assentiment est déjà
prédéterminé donc comment peut-on prétendre fonder un jugement autonome si on invoque
un assentiment qui en réalité est déjà déterminé par le destin ?
“Ce raisonnement est donc valide contre ceux qui font intervenir le destin et y ajoutent la
nécessité ; mais il n’aura aucune valeur contre ceux qui ne diront pas que les causes
antécédentes sont parfaites et principales. Il pense en effet pouvoir facilement expliquer
l’idée selon laquelle les assentiments se produisent par des causes précédentes. Car bien que
ne pouvant venir que de la forte impression provoquée par la perception [viso] 2, comme la
perception contient la cause prochaine et non principale, l’assentiment a cette façon d’être,
conforme à ce que pense Chrysippe, dont j’ai parlé tout à l’heure ; l’assentiment ne peut
évidemment pas se produire sans avoir été suscité par une force venant de l’extérieur (il est
nécessaire que l’assentiment soit vivement impressionné par la perception)”
on est en train de dire que l’on donne notre assentiment à une représentation ; du point de
vue stoïcien je reste libre de donner ou non mon assentiment à l’une des représentations que
je me suis proposées et cela librement car le fait d’avoir une représentation ne signifie pas
une contrainte fatale car on a affaire à des causes antécédentes et pas principales
là où les choses sont plus compliquées = la phantasia k nous arrache par les cheveux, mais
d’un certain point de vue ma liberté consiste non pas à exercer une indifférence de l’arbitre
mais à souscrire à ce qui est vrai avec évidence (on y reviendra)
et si ma liberté ultime n’était pas de souscrire à ce qui est vrai de façon absolument
évidente, je suis libre de ne pas souscrire à une opinion, etc. ; mais lorsque j’ai affaire à ce
qui est absolument évident selon les critères énoncés par les stoïciens il est possible que je
sois libre malgré tout…
difficulté tout de même, mais reconnaître aussi que se gargariser de penser que 2 + 2 = 5 pas
une forme élaborée de liberté…
l’image du cône et du cylindre arrive ensuite §42 “Et il revient à son cylindre et à sa toupie,
qui ne peuvent commencer à bouger que si on les a poussés. Mais une fois qu’on les a
poussés, c’est par leur propre nature que par la suite le cylindre roule et la toupie tourne.”
une impulsion, relevant des causes antécédentes ; et puis un mouvement propre tenant à la
forme même du solide, cône ou cylindre, qui est sa propriété constitutive
dans cette affaire je vois que le cône et le cylindre = mon assentiment ; par opposition aux
causes antécédentes
par exemple, si on est ici, c’est du fait de la décision propre, en tant que cause complète,
parfaite, principale, première ou cause synectique : c’est tout cela qui fait que l’on est ici du
fait de notre propre décision, librement ou que l’on accomplit tel acte moralement significatif
mais en même temps c’est aussi qu’un certain nombre de facteurs antécédents nous y ont
conduits, antécédentes, auxiliaires, adjuvantes
il y aussi une troisième catégorie de cause qu’on peut laisser de côté : les causes coopérantes
se produisant quand on n’a pas de cause principale mais seulement affaire à une conjonction
causale mais avec aucun élément qui sert à produire par lui-même seul les faits : exemple de
l’harmonie dans un chaos, l’harmonie est produite nécessairement par la simultanéité des
différentes voix composant le choeur mais on peut laisser de côté ce troisième régime causale

⇒ l’important pr comprendre la position de Chrysippe telle que restituée ici est la distinction
entre les différents types de causes ; manifestement la position de Carnéade consiste à dire
que cette explication ne suffit pas à préserver les stoïciens des contradictions et lui-même
estime qu’il y a bien des causes antécédentes mais que notre volonté libre est absolument
libre mais ne peut consister en une forme d’accord avec le destin puisque les stoïciens ne
peuvent pas écarter le fait que malgré tout pour agir librement il faut agir en accord avec
l’ordre du monde et l’harmonie cosmique
pas toujours facile de distinguer la position de Carnéade de celle de Chrysippe mais on peut
la comprendre si on complète ça par la remarque suivante : lorsqu’on a dit que l’agent est
cause parfaite de l’action qu’il accomplit, de même que la forme du cylindre détermine
manière dont il va se mouvoir, il ne faut pas oublier malgré tout que même si chacun est
pour ses propres actions cause parfaite, il n’est pas non plus cause parfaite et principale
absolue ; se rappeler à propos de ce contresens fait communément à propos du stoïcisme qui
voudrait que l’intériorité se résume à l’image de la citadelle intérieure (image
authentiquement stoïcienne, célébrée par Pierre Hadot) mais l’image ne suffit pas si l’on
pense que causalité que l’on exerce sur nos actions est si parfaite et principale que l’on
pourrait s’affranchir du destin entier ; en réalité c’est une chose impossible car il n’y a de
cause véritablement parfaite qu’au niveau cosmique, si je prends en compte la totalité des
relations entre les êtres du cosmos fortement unifié (rappelons-nous le thème de la
conspiration) qui nous explique pq la conception stoïcienne de la causalité ne peut
s’affranchir d’un niveau global qui est le niveau cosmique.
sinon on aurait affaire à des atomes de liberté dont chacun serait absolument libre de tout ce
qu’il fait et à ce moment on ne voit pas comment nous pourrions agir en harmonie avec la
nature conformément au mot d’ordre de Zénon en harmonie avec la raison cosmique donc je
peux dire que par opposition aux causes auxiliaires et antécédentes ma responsabilité relève
d’une cause principale mais je dois immédiatement dire que la seule cause complète et
parfaite est Dieu qui lui n’a besoin d’aucune autre cause pour agir
je pourrais dire que comme le dit Sénèque LL 96 “je n’obéis pas à Dieu comme un esclave,
mais je m’accorde librement avec lui. (sed assentior)”
quand j’agis librement j’assentis à la raison divine et donc on voit bien ici qu’en affinant cette
conception des causes on peut mieux comprendre pq Carnéade Cicéron ne peut se satisfaire
de la position stoïcienne : il s’agit pour les stoïciens toujours de coopérer avec le destin
on appellera le médecin pour guérir, on fera de la physique pour comprendre l’ordre des
choses et nous saurons faire la différence entre ce qui dépend de nous et ne dépend pas de
nous et ne pas former opinions contraires à l’ordre des choses en croyant pouvoir agir sur ce
qui ne dépend pas de nous
qu’est-ce que le destin ? pas un régime causal intégral comme on se le représenter
communément, déterminant de manière uniforme tous les événements, mais le fait que les
causes sont liées, il y a des liens entre les causes ; mais le fait que causes soient liées ne
signifie pas qu’il n’y ait pas à faire distinction causes antécédentes et principales

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