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Métropole de Lyon

Bac de philo 2023: le sujet du bonheur


corrigé par un professeur du Rhône
C'est fait. Les copies des élèves sont rendues. On décrypte un sujet de l’épreuve
de philosophie du bac 2023 avec le professeur agrégé de philosophie lyonnais,
Julien Auriach qui a choisi de répondre à la question : «Le bonheur est-il affaire
de raison ?».
Emilie CHAUMET - 14 juin 2023 à 13:20 | mis à jour le 14 juin 2023 à 18:59 - Temps de lecture : 14 min

Dans la voie générale, le coefficient de l'épreuve écrite de philosophie est de 8 (sur 100). Dans la
voie technologique, il est de 4 (sur 100). Archives Le Progrès/Philippe TRIAS

Après les épreuves de spécialité en mars, les élèves de terminales générales


et technologiques passaient ce mercredi l’épreuve de philosophie, avant les
deux semaines de grand oral qui débutent le 19 juin.

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- ChatGPT a passé le bac de philo... et ce n'est pas une réussite
Dans l'Académie de Lyon, ils sont 19 951 candidats au bac général répartis
ainsi : 3 419 dans l’Ain, 3 904 dans la Loire et 12 628 dans le Rhône. Pour la
filière technologique, ils sont 8 050 (1 409 dans l’Ain, 1 729 dans la Loire et
4 912 dans le Rhône) et 8 499 pour le bac pro (1 383 dans l’Ain, 2 250 dans la
Loire et 4 866 dans le Rhône).

Les sujets du bac de philo 2023


« Le bonheur est-il affaire de raison ? », « Vouloir la paix, est-ce vouloir la
justice ? » ou l’explication d’un extrait de La pensée sauvage de Claude
Levi-Strauss, pour la voie générale.

« L’art nous apprend-il quelque chose ? », « Transformer la nature, est-ce


gagner en liberté ? » ou l’explication d’un extrait de Théorie des sentiments
moraux d’Adam Smith, pour la voie technologique.

Dans la voie générale, le coefficient de l'épreuve écrite de philosophie est de 8 (sur 100). Dans la
voie technologique, il est de 4 (sur 100).

Ce mercredi 14 juin, Julien Auriach, jeune professeur agrégé de philosophie


à Lyon a choisi de se pencher sur le sujet du bonheur. Pour lui qui enseigne
depuis quatre ans, d'abord au lycée Saint-Paul de Saint-Etienne, puis au
lycée des Minimes à Lyon, à Saint-Charles à Rillieux et depuis la dernière
rentrée au lycée Al Kindy de Décines et Saint-Joseph de Tassin, il fallait
éviter quelques pièges et se permettre des exemples.

Le bonheur est-il affaire de raison? Le plan de


Julien Auriach
Dans un premier temps, pour être heureux, il faut se méfier des passions,
atteindre le calme équilibre du sage. Dans un deuxième temps, il faudra
reconnaître qu’il est bien rare, cet équilibre, et qu’une sagesse plus
tempérée serait plus raisonnable, une sagesse qui admet les passions et les
modère.
Julien Auriach, professeur agrégé de philosophie. Photo fournie

Introduction
Il ne faudra qu’une rencontre à William Everhart, le héros de L’Océan est
mon frère, pour tout plaquer, partir loin de chez lui, loin de son confort
bourgeois de petit professeur d’université et s’engager comme simple
matelot sur un cargo. Dans son roman, l’écrivain américain Jack Kerouac se
plaît à décrire l’opposition entre le marin Wesley, gaillard au teint hâlé,
celui qu’ont bien connu la mer arrosée et les soirées houleuses, et William
Everhart, « avec ses théories érudites et le teint terreux de celui qui
enseigne la vie… et non de celui qui la vit. »

L’un a une petite vie rangée, patiemment construite en trente-deux ans de


petits arrangements rationnels et de lecture des grands auteurs, l’autre a
voyagé sur toutes les mers du monde. Le premier est maussade, le second
est heureux.

Si le bonheur est la satisfaction de nos désirs les plus chers, alors les
contours qu’il prend chez Wesley sont ceux du pont du navire, au petit
matin, quelque part sur l’Atlantique. Et il n’aura suffi que d’une rencontre,
et de quelques verres, pour que William Everhart se réveille un beau matin
dans un cabine sur l’eau, après la plus déraisonnable de ses décisions.

Et pourtant, partir sur un coup de tête, c’est en l’occurrence pour lui la


seule possibilité d’assouvir un désir d’infini, un désir d’absolu, que la mer
seule, avec tous ses dangers et ses incertitudes, peut peut-être satisfaire.
Aussi bien, par la décision la plus irrationnelle qui soit, Everhart se
rapproche du bonheur. En effet, la raison est d’abord une capacité à faire
des choix en pesant finement le pour et le contre, et c’était en faisant usage
de cette capacité qu’Everhart s’était transformé en un être maussade et
livresque. Et c’est encore en se détournant de cette raison, pour suivre
l’impulsion de ses passions, qu’Everhart a pu voguer vers le bonheur en
tentant sa chance. D’où l’on voit qu’il n’y a parfois rien à faire : il faut
attendre la bonne occasion.

D’une part, on pourrait considérer qu’Everhart fait son bonheur en


abandonnant sa poussiéreuse raison, pour suivre à l’occasion le soleil de
ses passions. Mais dans ce cas, il faudrait quand même reconnaître que la
passion a été une excellente raison d’agir, puisqu’elle rend heureux :
Everhart ne quitte donc pas la raison.

D’autre part, on pourrait considérer que le choix spontané d’Everhart est


en réalité ce qu’il y a de plus rationnel, car il lui ouvre la porte hasardeuse
du bonheur, en servant ses passions. Dès lors, la question est donc la
suivante : la raison est-elle le principe suprême du bonheur, ou bien un
simple moyen en vue de surfer sur l’occasion ou de souffler sur les
passions ?

Nous verrons dans un premier temps, que pour être heureux, il faut se
méfier des passions, atteindre le calme équilibre du sage. Dans un
deuxième temps, il faudra reconnaître qu’il est bien rare, cet équilibre, et
qu’une sagesse plus tempérée serait plus raisonnable, une sagesse qui
admet les passions et les modère.

Dans un dernier temps, nous verrons qu’il ne s’agit pas du tout d’une
concession, et que la raison est bien principe et fin de la vie bienheureuse.

I. Tout d’abord il faut remarquer que le hasard et


les passions font bon ménage, un ménage
tumultueux contre lequel notre raison doit nous
prémunir, si l’on veut être heureux
A. L’étymologie du mot bonheur ne doit pas nous tromper, il est bien une
chose à faire, et non une occasion à espérer. Certes, le mot grec pour dire
bonheur, eudaimonia, signifie « bon génie » ; certes, le mot
anglais happiness dérive du verbe to happen ; certes, le mot français vient
de bonum augurum, le bon présage.

L’étymologie du bonheur renvoie systématiquement à l’idée selon laquelle


il ne dépendrait pas de nous, mais du hasard des circonstances. Autrement
dit, le bonheur n’aurait pas grand-chose à voir avec la raison, mais plutôt
avec les saisons et la chance, voire la bonne naissance.

Le bonheur, dans cette optique, ne serait pas tant à faire qu’à attendre,
parce qu’il n’est pas notre affaire. Cette conception-là du bonheur se
renforce dès lors qu’on définit le bonheur, de manière rapide, comme la
satisfaction de nos désirs les plus profonds. Qui ne voit que ces désirs
profonds découlent de circonstances que nous ne maîtrisons pas ? Un tel
aime les fruits de la passion qui vit dans un pays tempéré : ces fruits
coûteront beaucoup plus chers que s’il vivait dans un pays tropical. Tel
autre aime les grosses Chevrolet et vit dans une ville qui les interdit parce
qu’elles sont polluantes. Vivre en Beaujolais, à Paris ou à Sao Paulo, c’est
encore une question de chance.

Si le bonheur dépend de la satisfaction des passions, il faut donc s’en


remettre au hasard. Mais il y a là quelque chose d’un peu triste.

Nous en avons l’intuition, le bonheur suppose certes un peu de chance,


mais il suppose aussi un état d’esprit, une envie de conquête. Épictète, dans
son Manuel en appelle donc au tout début, à distinguer ce qui dépend de
nous, et ce qui n’en dépend pas, et à ne se concentrer que sur ce qui dépend
de nous. Or, ce qui dépend de nous, c’est principalement la partie active et
intérieure de notre âme, la partie rationnelle, laquelle n’est pas ballotée par
ces maladies de l’âme que sont les passions. Mieux, elle peut les réguler, les
éteindre, par un lent travail sur soi, une ascèse de tous les jours. Qui a déjà
fait un régime sait ce que cela veut dire que d’être stoïcien : les objectifs
rationnels doivent primer sur les petits plaisirs. Et ce faisant, le sage
stoïcien se distingue du vulgaire par sa constance : se concentrant sur ses
affaires, celles qui dépendent de lui, il écarte les aléas de l’occasion et des
passions.

B. Quel est ce bonheur que nous promet la vie ordonnée, organisée? Le bien,
dès lors, c’est la perfection de l’être raisonnable. Il s’agit en se défaisant
des passions, de se défaire de ce qu’il y a d’animal en l’homme. Ce faisant,
l’homme se divinise, il gagne en autonomie, en détermination.

Au lieu de faire la fête, le stoïcien s’entraîne dur : Sénèque courait ainsi tous
les jours jusqu’à un âge avancé. Le stoïcien d’aujourd’hui aurait une montre
connectée, à n’en pas douter. Ainsi, il pourrait calculer son effort pour le
maximiser, s’optimiser soi-même dans le but de vivre à la perfection. Le
stoïcien ferait ses devoirs, à la place qu’il a reçue dans le grand tout. Mais le
stoïcien ne s’attache à rien ni personne en particulier, cela serait un risque
pour son impassibilité.

Les Feux de l’amour, très peu pour Marc Aurèle, qui décrit l’amour comme
un « frottement de bas-ventres et une excrétion de morve accompagnée
d'un spasme » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même). Les défenseurs
d’une morale rationnalisante sont donc rarement de joyeux drilles. Aussi, si
le bonheur est dans la raison pure, comment pourrait-il tenir ? D’ailleurs,
les stoïciens reconnaissaient eux-mêmes que les sages, seuls hommes
heureux, sont rares, et qu’il en surgit un tous les cinq cents ans à peu près.

Parce que la voie du bonheur purement rationnel semble une affaire


inhumaine il faut donc s’en détourner.

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II. La vraie sagesse, à hauteur d’homme, semble


bien plutôt du côté d’une modération des
passions, que d’une suppression de celles-ci
A. L’essentiel n’est pas de détruire ses désirs, car on finirait alors comme
une pierre, constante et sage peut-être, mais froide et proche de la mort. Au
contraire, il faut les entretenir, comme on met de l’engrais sur les bonnes
plantes et l’on dépote celles qui poussent de manière désordonnée. Telle est
la doctrine d’Épicure qui commande de rechercher le plaisir « principe et
fin de la vie bienheureuse » (Lettre à Ménécée). Et pour cela, il faut d’abord
faire un travail de raison, pour qu’il n’y ait aucune raison d’être
malheureux.

En effet, Épicure voit bien que la raison peut être aussi bien une source de
malheur que la manière de s’en écarter. En ce sens, la raison est à la fois
poison et remède. Car c’est rationnellement que nous nous tourmentons :
les dieux (Zeus et autres) sont-ils vengeurs ? La mort est-elle
douloureuse ? La douleur est-elle interminable ? Le plaisir, inatteignable ?
Ces quatre sources d’inquiétude rationnelles, ou quatre poisons, trouvent
dans la philosophie d’Épicure un quadruple remède.

D’abord, l’étude de la matière montre que tout est fait de vide et de plein, et
qu’ainsi les dieux ne sont rien pour nous, car ils sont des astres lointains,
faits d’atomes.

Ensuite, « la mort n’est rien pour nous », puisque comme les dieux, notre
âme n’est qu’un composé d’atomes particulièrement mobiles, qui se
délient lors de la mort. La mort est donc la disparition de notre conscience :
pourquoi, dès lors, la craindre, puisque « quand nous vivons, elle n’est pas
là, et que quand elle arrive, c’est nous qui ne sommes plus là ? ». Dit en
termes d’aujourd’hui : nous ne pouvons être conscients de la cessation de
notre conscience.

Troisième remède : si une peine est trop lourde, elle ne dure pas car elle
provoque la mort, et si elle dure, c’est qu’elle n’est pas trop importante.
Quant aux plaisirs, pourvu qu’on s’en tienne au strict nécessaire, il n’y a
pas d’inquiétude à avoir : ils sont faciles à atteindre. On le voit, ce
quadruple remède est constitué de raisonnements permettant d’éviter une
souffrance psychologique : la raison se guérit alors elle-même et atteint
l’absence de trouble de l’âme (ataraxie, dans le vocabulaire d’Épicure). La
raison se met donc au service du plaisir définit minimalement comme
l’absence de trouble de l’âme.

B. Si la raison pouvait être à la fois le péril et ce qui sauve la possibilité du


bonheur, il faut reconnaître que les passions, elles, peuvent-être un péril
plus grand pour le bonheur. En effet, celui qui accumule désir sur désir
risque une frustration d’autant plus grande que l’assouvissement d’un
désir entraîne l’accoutumance, et creuse le besoin.

Le mythe du tonneau des Danaïdes montre cela de manière admirable. La


tradition veut que les cinquante filles du roi Danaos, à la suite du meurtre
de leurs époux, aient eu à remplir sans fin des tonneaux percés, dans les
enfers. L’eau qui entre, c’est le plaisir ; l’eau qui sort, c’est le retour du
désir. Le tonneau des danaïdes montre le caractère infini du désir de
l’homme, sans cesse recommencé au moment même où nous croyons
l’assouvir.

Aussi, Épicure propose-t-il une méthode pour colmater la brèche : il s’agit


de rétrécir le trou des désirs. Pour cela, rien de plus simple : il faut
distinguer ceux qui correspondent à notre nature, ceux sans lesquels il est
impossible de survivre (manger ce qu’il faut, se chauffer comme il faut) ou
du moins de vivre sans douleur corporelle (ce qu’Épicure appelle aponie, et
qui consiste, par exemple, à avoir un petit matelas pour dormir), et les
autres, les plaisirs vains car artificiels.

Une fois cela fait, il convient de ne s’occuper que des premiers. Et on le voit,
si un peu de pain, un peu d’eau, un chauffage à 17 degrés suffisent au
bonheur, la quantité de peine que nous aurons à prendre pour nous les
procurer (par le travail, mais aussi par le temps passé dans les magasins)
est moindre que si nous mangions du caviar au petit déjeuner, un casque de
réalité virtuelle au bout du nez, dans un vol transatlantique pour New York.

Le calcul des plaisirs et des peines que met en place Épicure permet donc de
minimiser les peines et de maximiser les plaisirs.
C. On le voit, si le plaisir est bien « principe et fin de la vie bienheureuse »,
la raison est omniprésente pour équilibrer les plaisirs et se défendre contre
les peines psychologiques. Si bien que chez Épicure, la raison tient une
drôle de place : le bonheur y est certes affaire de raison, mais à titre
secondaire, comme un outil.

La raison sert en un sens à faire de bons calculs, à optimiser les plaisirs et


les peines. Cicéron, dans De La Nature des Dieux rapporte une raillerie
courante à propos des épicuriens : c’est comme si, écrit-il, toutes les vertus
s’étaient mises au service du plaisir. Et il y a du déshonneur là-dedans, car
la raison est comme les règles, ce qui nous distingue des animaux. Partant,
il semble quelque peu disgracieux de l’utiliser pour gérer ce qu’il y a de
proprement animal en nous. Qui plus est, le bonheur d’Épicure est un repli
sur soi, un repli sur le jardin des amis qui ne peuvent être très nombreux.

Les grandes aventures collectives, le sens de la justice et de la noblesse


propre de l’homme restent tout à fait étrangers à la théorie qui fait de la
raison une servante affairée des passions.

III. Ce qu’il faudrait, c’est une théorie du bonheur


qui rende compatible la raison et les passions, qui
rationnalise les passions ou rende la raison
désirable
A. En réalité, le bonheur réside à la fois dans ce qu’il y a de proprement
humain, et dans ce qu’il y a d’animal en l’homme. Si le bonheur est
l’accomplissement de notre nature rationnelle, comme le pensent les
stoïciens, il faut mieux définir celle-ci.

Si nous parlons et pensons, c’est parce que nous avons une bouche et un
cerveau, mais aussi un larynx et des poumons. Autrement dit, notre
appareil respiratoire (commun avec les autres animaux) est complètement
lié aux organes qui permettent chez nous de parler (ce qu’il y a en nous de
proprement animal).

Aristote remarque ainsi dans son Éthique à Nicomaque, mais aussi dans
son Traité de l’âme, que les fonctions humaines rationnelles reprennent et
assument, en les dépassant, les fonctions que l’homme possède en
commun avec les autres animaux. Et c’est dans le perfectionnement de ces
fonctions humaines (et donc animales), que réside le bonheur.

Loin d’opposer comme les stoïciens, ce qu’il y a de bestial (les passions) et


ce qu’il y a de proprement humain en l’homme (la raison), ni de soumettre
la raison aux passions (comme Épicure), Aristote montre que la raison ne
peut fonctionner sans les passions, si elle veut agir. Ainsi, le bonheur de
l’homme, ce que tout le monde recherche, cette fin au-delà de laquelle il
n’y en a pas d’autre, c’est la perfection de la raison.

Or, la parole et la raison nous servent à communiquer et connaître, donc le


bonheur réside dans l’amitié et la science. Certes, et l’amitié et la science
apportent du plaisir, mais ce n’est pas ce qui est recherché en premier dans
ces deux cas. La présence de l’ami (ou de l’aimé, car Aristote ne fait du
couple qu’un cas particulier de l’amitié) ou la découverte d’une nouvelle
chose sont bonnes en elles-mêmes. Mais comment vivre concrètement tout
cela ? Par la vertu, laquelle permet le savoir et l’action.
B. La structure de la vertu nous permet de comprendre que le bonheur est
tout à la fois dans la raison et dans les passions, dans des passions
raisonnables. La prudence (disposition à bien peser le pour et le contre), la
justice (volonté ferme de rendre à chacun ce qui lui est dû), le courage
(disposition à tenir, même lorsque l’on craint de grandes peines), la
tempérance (modération dans le désir des choses sensibles) sont des
« dispositions rationnelles » à agir dans le bon sens, celui qui nous est
indiqué par l’homme prudent, selon la définition d’Aristote.

Or, en tant que disposition, elles relèvent tout à la fois de la raison et de la


passion : l’homme courageux ne réfléchit pas avant d’agir
courageusement, cela devient spontané, à force d’être répété.

Aristote remarque par exemple que la justice et la colère peuvent aller


ensemble, et qu’une bonne colère est liée aux poings qui se crispent, au
souffle qui se fait plus puissant, au rouge qui monte aux joues.

« Il y a des colères qui sont saines », disait Ségolène Royal, ex-candidate à


la présidence de la République, celles qui réagissent à un partage mal fait, à
une injustice, dirait un aristotélicien.

L’homme juste est ainsi celui qui peut se mettre en colère pour les bonnes
raisons, et qui désire spontanément faire justice quand il le faut et comme il
faut. Contrairement à l’homme injuste qui peut s’énerver pour un rien, par
exemple pour « quand [il] marche en chaussettes dans la salle de bain et
qu'y a de l'eau partout » (Ça m’vénère, Palmashow), l’homme juste, lui, se
met en colère seulement pour les injustices réelles, comme « tous les
échecs scolaires, les familles déchirées » (Ça m’vénère, encore).

Si le bonheur réside dans la vertu, on le voit, il réside dans la rectitude des


passions, dans des désirs rationnels, une sorte de raison faite chair.

Conclusion
En conclusion, la raison est bien principe et fin du bonheur. Elle ne l’est pas
au sens stoïcien, au sens où elle serait la stabilisation des passions, où elle
ne dépendrait aucunement de l’occasion. Elle ne l’est pas non plus au sens
épicurien, car elle est trop noble pour servir les passions.

Si le bonheur comporte une part d’aléa, cette part reste minime et est
corrigée par la vertu. La vertu comme disposition fruit de la répétition
réconcilie l’impulsivité et la raison, car elle est une bonne délibération
automatique.

Cela nous invite à reconsidérer le cas d’Everhart, celui qui se découvre sur
le tard une âme d’aventurier. On peut considérer qu’il se l’était préparée
rationnellement pendant longtemps, en lisant de bons livres. Sa vertu de
courage était donc tapie dans l’ombre, elle n’attendait que l’occasion pour
faire affaire.

Ainsi, le bonheur est bien une affaire de raison, c’est-à-dire de vertu.

Les résultats du baccalauréat seront publiés le 4 juillet 2023 dans la matinée.

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