Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
A paraître
Quinze leçons
sur la Relativité Générale
titre Du temps de l’espace et des hommes
auteur Jean Émile Charon
éditions Du Seuil
couverture Yakim-hkm
mise en page [Epub] Yakim-hkm : Avril 2018
impression Aubin, Ligugé. D. L. 4e TR. 1962, N° 1373-2 (2.932).
Connaître
De l'espace et du temps
Qu'est-ce que la matière ?
L'univers sera-t-il totalement accessible à l'homme ?
Réflexions sur les mondes « habités »
L'univers a-t-il été « créé » ?
L'univers est-il fini ou infini ?
Y a-t-il « expansion » de l'univers ?
Physique et métaphysique
Psychisme et évolution cosmique
La vie et la mort
Science et religion
Les névroses sont-elles le nouveau mal du siècle ?
Vers un nouvel humanisme
CONNAÎTRE
Pourquoi connaître ?
Connaître et comprendre.
L'acte de connaître ne doit cependant pas se contenter
d'appréhender la réalité extérieure à l'aide de nos simples sens ;
connaître, c'est aussi comprendre.
Il y a plusieurs façons de chercher à comprendre la Nature. Une
méthode est de chercher à fournir une explication pour chaque
phénomène physique observé, sans se soucier particulièrement de la
façon dont toutes les explications pour tous les phénomènes
observés sont coordonnées ensemble : cette méthode s'est
particulièrement illustrée pendant toute la période hellène : les
« explications » de Pythagore, Platon, Aristote concernant notre
Univers sont, en effet, très empreintes de ce caractère « gratuit » dû
au fait que l'ensemble de leurs propos concernant les phénomènes
physiques ne forment pas une synthèse parfaitement cohérente.
Cette méthode est, par nature, pleine d'une certaine « mystique » ; on
y parvient difficilement à détacher l'explication des phénomènes de
l'Auteur de tous les phénomènes, c'est-à-dire d'un « Auteur » qui
aurait entièrement « décidé » du déroulement des observations.
La méthode pour « comprendre » qui prévaut à notre époque est,
au contraire, dépouillée de tout « mysticisme » : c'est la méthode
scientifique dont Descartes et Newton ont jeté les grandes bases
vers la fin du XVIIe siècle.
Nous reviendrons longuement sur cette méthode scientifique et ce
n'est pas le lieu d'en discuter ici en détail. Nous nous contenterons de
signaler que le but de cette méthode est, à l'inverse de la précédente,
de rattacher autant que faire se peut tous les phénomènes physiques
l'un à l'autre au moyen d'un ensemble aussi réduit que possible de
postulats fondamentaux ; les moyens de cette méthode sont, d'autre
part, essentiellement basés sur l'observation : c'est celle-ci qui est le
critère définitif pour juger du bien-fondé de toute hypothèse
« explicative ».
Les pages qui suivent sont consacrées à faire le point actuel des
réponses que la Science apporte à quelques-uns de ces « grands
problèmes » dont nous venons de faire mention.
Nous commencerons par nous préoccuper de l'espace, du temps
et de la matière, ces concepts qui nous sont si familiers et qui,
cependant, posent encore tellement de questions au physicien. Puis
nous aborderons quelques-uns des thèmes relatifs aux mystères de
notre Univers considéré comme un Tout : cet Univers est-il fini ou
infini, a-t-il été « créé », est-il en expansion ? Cet Univers sera-t-il un
jour, et dans sa totalité, accessible à l'Homme, ou ce dernier est-il
condamné à être prisonnier d'une petite région du Cosmos, le
système solaire ou la Voie Lactée par exemple ? Existe-t-il d'autres
mondes « habités » par des être à psychisme comparable au nôtre ?
On nous dit souvent que Science et Métaphysique ont des
méthodes qui s'opposent. Est-ce à dire que la Science peut se
construire indépendamment de l'aspect « métaphysique » des
phénomènes ? C'est ce que nous examinerons attentivement.
Nous étudierons ensuite les solutions sur la nature et l'évolution du
psychisme que nous ont proposées Teilhard de Chardin et Jung.
Nous ferons ainsi plus ample connaissance avec ce mystérieux
Inconscient Collectif qui paraît influencer de plus en plus notre
comportement et nos pensées. Ceci nous amènera à constater que
Science et Religion, loin de s'exclure l'une l'autre, convergent vers
une vision théologique élargie par l'apport scientifique.
Nous nous arrêterons un moment sur le très troublant problème de
la Vie et de la Mort : pourquoi la Mort nous enlève-t-elle si rapidement
ce bien si précieux qu'est la Vie ? Comment la Vie naît-elle à partir du
minéral ?
Nos médecins nous signalent qu'ils sont consultés de plus en plus
fréquemment par des malades dont les troubles sont d'origine
psychique et que ce mal semblerait caractéristique de notre époque.
Nous chercherons à faire le point sur ce problème qui nous paraît de
très grande importance.
Enfin, nous tenterons de conclure en montrant qu'il se dégage, de
l'examen de tous ces problèmes, une sorte de « prise de
conscience » de l'Homme vis-à-vis de l'Univers qui peut être
considérée comme une nouvelle forme d'humanisme.
Sans doute ne ferons-nous qu'effleurer tous ces problèmes, dont
chacun pourrait faire l'objet de plusieurs livres. Mais notre époque
paraît réclamer d'urgence une connaissance aussi synthétique que
possible : nos savants nous parlent de voyages vers des planètes
lointaines et nous menacent en même temps des foudres d'un
monde atomique. Nos biologistes nous laissent espérer une victoire
totale sur la maladie, nos philosophes pensent à une évolution vers
un surhomme à psychisme toujours plus élevé pendant que,
simultanément, on nous laisse craindre la destruction complète du
patrimoine héréditaire et la formation de mutations monstrueuses
dues au rayonnement produit par les explosions nucléaires.
Qu'en est-il de tout cela ? Il nous est devenu indispensable de
« nous situer », ne serait-ce que grossièrement, mais en tout cas
aussi vite que possible, par rapport à cet espace et ce temps qui
nous entourent. Ceci n'a rien d'une tâche superflue : mon lecteur
ressent profondément, j'en suis sûr, que cette meilleure
connaissance de notre Univers répond aujourd'hui chez lui à une
nécessité. Il ne semble d'ailleurs nullement exclu que, de toute façon,
une plus juste compréhension dans ces domaines pourtant souvent
si éloignés de nos préoccupations habituelles, puisse améliorer notre
optique et guider notre comportement, même lorsque ce
comportement se rapporte aux problèmes auxquels nous avons
quotidiennement à faire face sur notre planète.
Situer sommairement l'Homme par rapport à l'Univers, dans le
contexte de nos connaissances actuelles, et en prenant pour points
de repère quelques problèmes fondamentaux particuliers, voilà ce
qu'il nous a paru essentiel de tenter d'exprimer.
DE L’ESPACE ET DU TEMPS
Il n'est pas besoin d'être physicien pour se rendre compte que tout
ce qui constitue la réalité extérieure n'est, en définitive, constitué que
de « substance » en mouvement. C'est donc une question
fondamentale que celle de se demander « de quoi » et « comment »
est fabriquée cette substance et, d'autre part, ce qui provoque le
« mouvement » de cette substance.
L'humanité a de tout temps connu un certain nombre de penseurs
qui se sont attaqués à ce grand problème. Mais, depuis un peu plus
d'un siècle, c'est une véritable armée de savants qui s'est lancée à
l'assaut de cette forteresse qu'on nomme « Matière ». Les dernières
décennies ont conduit ces recherches vers des particules dites
« élémentaires », qu'on a cru un moment pouvoir considérer comme
ces « briques » fondamentales avec lesquelles seraient faites toutes
choses. Mais il fallut bientôt déchanter : les grands accélérateurs de
particules permirent de fabriquer des projectiles qui firent « éclater »
ces particules « élémentaires », leur faisant ainsi perdre leur attribut
de substance fondamentale irréductible.
Peut-on tenter de faire aujourd'hui le point sur plus de vingt-cinq
siècles de recherches dans ce mystérieux domaine de la Matière ?
C'est ce que nous voudrions essayer d'examiner. Nous suivrons pour
cela cette question dans son contexte historique, car nous allons voir
que, très curieusement, les idées que se faisaient les penseurs grecs
quelques siècles avant notre ère ne sont pas tellement différentes de
ce que nous « croyons » savoir actuellement sur la nature de la
Matière.
La Matière chez les philosophes grecs.
Continu ou discontinu.
« Et avant ? »
Et avant, qu'est-ce que c'était ?
Quand mon jeune fils m'a posé plus de dix fois cette même
question, car à chacune de mes réponses il s'est trouvé insatisfait et
a désiré savoir ce qu'il y avait « encore avant », je le renvoie
généralement à d'autres jeux. Cette curiosité caractéristique et
parfois un peu lassante de l'enfant se retrouve cependant chez
l'adulte, notamment aux trop rares moments où celui-ci a le temps de
s'arrêter un peu pour souffler, dans cette course vers la fin de la vie
que constitue notre activité quotidienne. Alors, on se pose parfois des
questions : qui a « créé » ce mystérieux et gigantesque Univers où
nous sommes tous plongés ? Sans doute la Science rend-elle
compte de la création de la Terre ; de la création de toutes ces
galaxies qui peuplent les espaces ; mais enfin, tout ne peut pas
s'expliquer par de simples « transformations » d'énergie en matière
ou de matière en énergie : il faut bien qu'il y ait eu un
« commencement » où toutes ces choses que nous offre le spectacle
de la Nature ont été, à un certain moment du passé, véritablement
« Créées ». L'enchaînement des effets aux causes semble devoir
« nécessairement » venir buter quelque part, devant une grande
Cause qui se justifierait par elle-même, sans faire appel à d'autres
prémices. Est-ce Dieu, comme le suggère la thèse purement
religieuse ? Mais, qui est alors véritablement « Dieu » ? N'est-ce pas
un peu simpliste de s'interdire, pal principe, la question : « Qui donc a
créé Dieu ? » Et peut-on s'estimer parfaitement satisfaits de cette
« pseudo-réponse » ?
Éternelles questions, auxquelles nous n'avons naturellement pas
la prétention de chercher à répondre ici. Mais nous voudrions
cependant essayer de mettre ce problème sous sa « véritable »
lumière, en le considérant dans l'optique que nous permettent
d'adopter les données actuelles de la Science en ce domaine. Nous
voudrions notamment montrer que le problème est généralement très
mal posé ; la question : « Et avant, qu'y avait-il ? », lorsqu'elle
concerne l'Univers, comporte une réponse parfaitement claire et ne
nécessite donc pas, pour son explication, de faire intervenir des
données plus mystérieuses, disons plus subjectives, comme l'est
l'idée a priori d'un Dieu créateur de toutes choses par exemple.
Empressons-nous de dire, cependant, que le fait de répondre à cette
question de la « création » ne supprime pas, pour autant, bien
d'autres questions, et que l'intuition que l'on peut avoir d'une grande
Force qui préside aux destinées de la Nature n'est pas détruite dans
cet examen mais en sort au contraire, comme nous le verrons,
magnifiée d'une certaine façon.
Le temps et la durée.
La courbure de l'espace.
Le signe de la courbure.
À
À cette raison d'ordre théorique, qui jette la suspicion sur la réalité
de l'expansion, s'ajoutent des raisons que nous pourrions qualifier de
simple « bon sens » : en effet, les vitesses de récession dont il s'agit
peuvent être, comme nous l'avons dit, absolument énormes. Avec le
grand télescope optique du Mont Palomar, le plus puissant du monde
à l'heure actuelle au point de vue des mesures optiques (et non radio,
comme à Nançay), on observe des galaxies situées à près de
2 milliards d'années-lumière qui paraissent s'éloigner de nous à une
vitesse de l'ordre de 100 000 km/s., le tiers de la vitesse de la
lumière ! Comment interpréter ces énormes vitesses ? La Relativité
Restreinte nous indique aussi que la masse augmente avec la
vitesse : or, s'il y a rigoureusement proportionnalité entre vitesses et
distances, on trouvera vers 6 ou 8 milliards d'années-lumière des
galaxies dont la vitesse tendra vers celle de la lumière, c'est-à-dire
des galaxies dont les énergies seraient pratiquement infinies ! À ces
grandes vitesses le temps « local » galactique serait d'ailleurs,
d'après la Relativité Restreinte, différent du nôtre, conclusion qui est
en contradiction avec l'hypothèse faite au départ de mouvements
galactiques avec des temps « locaux » tous identiques.
Toutes ces raisons justifient donc qu'on ait cherché à approfondir
ce phénomène et que certains aient refusé d'admettre d'emblée cette
« expansion » de l'Univers. Mais, ce qui peut paraître surprenant,
c'est que bon nombre de physiciens ont recherché pour cela une
explication du déplacement expérimental de la lumière vers le rouge
(qui, lui, est irréfutable) au moyen de phénomènes totalement
indépendants de la Relativité Générale. On a, par exemple, envisagé
un « vieillissement » possible de la lumière qui, éventuellement par
interaction avec la poussière disséminée dans l'espace, finirait par
perdre de l'énergie, donc, « rougirait » au cours du voyage.
En fait, ce sont plutôt les physiciens qui formulent une telle
hypothèse qui devraient « rougir » ! Comment ! La Relativité
Générale permet de PRÉVOIR cet effet de déplacement vers le
rouge à l'aide de ses seuls postulats de base ; ce déplacement est
ensuite constaté expérimentalement ; d'autre part, la Relativité
Générale est parfaitement vérifiée par l'expérience ; et l'on veut
s'amuser à proposer une explication de la déviation vers le rouge
indépendante de la Relativité Générale ? Un tel aveuglement ne peut
traduire qu'une incompréhension quasi totale des bases physiques
de la Relativité Générale.
D'ailleurs, précisons-le tout de suite : en tout état de cause, jamais
une explication ou une justification satisfaisante, autre que celle
proposée par la Relativité Générale, n'a pu être avancée pour rendre
compte de cet effet de déplacement vers le rouge ; l'hypothèse d'un
« vieillissement » de la lumière, notamment, ne peut absolument pas
soutenir un examen quelque peu sérieux.
Dans ce schéma les diverses galaxies G1, G2, G3... décriraient des
méridiens P1 P2, issus d'une même origine P1 ; ces méridiens sont
alors précisément les axes des temps « locaux » pour ces galaxies,
et tous ces axes se coupent en P1, comme on le voit, en faisant entre
eux certains angles : si l'existence de ces angles traduit, comme le
propose la Relativité, une « vitesse relative », alors toutes les
galaxies sont donc apparemment animées de « vitesses relatives »
l'une par rapport à l'autre, ces vitesses étant d'ailleurs d'autant plus
grandes que les galaxies sont plus éloignées (puisque l'angle entre
méridiens est alors plus grand).
Il est bien évident que ceci est une représentation très grossière et
que les résultats que l'on en tire doivent être considérés avec une
très grande prudence : nous n'avons fourni cette image que pour bien
faire comprendre qu'il est fort possible que les « vitesses relatives »,
dont les déplacements vers le rouge des spectres galactiques sont
les témoins, ne sont peut-être qu'une conséquence essentielle de la
géométrie d'ensemble de l'Univers ; il n'est pas certain, dans ce cas,
qu'on puisse encore chercher à visualiser le concept d'« énergie
relative » avec la signification qu'il a pour des objets rapprochés, pour
lesquels la courbure d'ensemble de l'Univers n'intervient
pratiquement pas.
En résumé, il semble donc qu'il y ait sans aucun doute une
« expansion » apparente de l'Univers : celle-ci est une conséquence
théorique de la Relativité Générale, qui s'est ensuite trouvée
parfaitement confirmée par l'expérience. Il est beaucoup moins
certain que la loi de Hubble, qui propose une rigoureuse
proportionnalité entre les vitesses de récession et les distances
galactiques, soit parfaitement adaptée pour représenter le
phénomène : cette loi, elle, n'est pas en effet une conséquence de la
Relativité Générale qui, au contraire, semble la contredire pour des
galaxies suffisamment éloignées de nous ; d'autre part, nous avons
vu que la notion même de « distance » astronomique est bien loin
d'être claire, et il semble donc très problématique de chercher à
construire une loi sur une grandeur physique si difficilement
accessible, théoriquement comme expérimentalement. La loi de
Hubble doit donc plutôt être considérée comme une bonne
approximation, valable tant que la distance des galaxies n'est pas
trop grande ; un avenir très proche nous dira sans doute quelle est la
véritable loi de variation de la vitesse de récession avec la distance.
Ce résultat pourra peut-être être obtenu au moyen des puissants
radiotélescopes modernes, tels que celui de Nançay ; mais il n'est
nullement exclu que, comme pour le déplacement vers le rouge lui-
même, l'obtention de la véritable loi vitesses-distances soit obtenue
au moyen de considérations théoriques, à partir d'une théorie unitaire
satisfaisante par exemple. De toute façon, il est à peu près certain
que ce problème de l'« expansion » apparente de l'Univers exigera
un nouvel examen du concept de « vitesse relative », lorsque celui-ci
est appliqué à des objets dont les distances ne sont pas petites par
rapport aux dimensions de l'Univers lui-même ; à cette échelle, la
géométrie d'ensemble de l'Univers paraît être suffisante pour justifier
à elle seule l'observation d'une « vitesse relative » où les
considérations énergétiques, si elles ne sont pas exclues, n'ont au
moins pas la même signification que lorsqu'il s'agit d'objets
rapprochés en mouvement relatif.
L'expansion de l'Univers doit donc être considérée comme un
problème au cœur de la science astronomique actuelle, problème
pour lequel il reste non pas à préciser si l'expansion existe ou non
(elle existe sans aucun doute) mais qui nécessite un
perfectionnement de la relation « vitesses-distances » et, surtout, une
réinterprétation de la signification physique du concept de « vitesse
relative » pour des objets situés aux confins de notre Univers
sensible. Quelles que soient les réponses définitives à ces questions,
l'expansion de l'Univers constitue une extraordinaire confirmation de
la part immense qu'il convient d'attribuer à la Relativité Générale
dans notre recherche pour comprendre la Nature.
____________
{1}
. Pour le lecteur un peu mathématicien, disons que le changement relatif d /
d'une longueur d'onde est fourni par la relation très simple :
L'École d'Aristote.
Newton.
Einstein.
Qu'appelle-t-on « psychisme » ?
Et d'abord, que désigne-t-on exactement par le mot
« psychisme » ?
Il faut voir dans ce mot une signification aussi large et aussi
générale que possible. Nous désignons ici par « psychisme » cette
qualité qui fait qu'un être, et plus généralement un objet, a une
« conscience de la réalité extérieure ». Il ne faut donc nullement
comprendre dans ce mot quelque chose se rapportant à l'humain
seulement. D'une certaine façon, cette définition du psychisme
coïncide avec celle de la Vie. On peut dire que c'est le psychisme qui
« anime » la Vie, car la Vie consiste essentiellement en une action ou
une réaction vis-à-vis du milieu extérieur. Mais, cependant, le
psychisme est plus que la Vie : ainsi, si un objet quelconque
n'agissait aucunement sur le milieu extérieur, au point que nous ne
serions pas en mesure de lui reconnaître le caractère de « vivant »,
nous lui accorderions cependant la qualité de « psychique » si nous
étions sûr que cet objet « inerte » possède une certaine
« conscience » de la réalité extérieure, même si cette conscience
était aussi vague et aussi diffuse qu'on puisse l'imaginer.
Cette définition étant donnée, il nous reste à tenter de répondre
aux trois questions suivantes :
1° Quels sont les êtres ou les objets qui sont doués de
psychisme ?
2° Quel est le sens de l'évolution du psychisme à l'échelle de
l'Univers entier ?
3° Que sait-on sur les mécanismes et la structure du psychisme ?
Communication indirecte
(par les sens et l'Intelligence) avec l'Univers
INCONSCIENT COLLECTIF
(plan fondamental de Teilhard)
Communication directe avec l'Univers
Schématisation des relations entre l'Univers,
l'Homme et l'Inconscient collectif
Le rôle de l'Homme.
Mais quel est ce rôle ? Quels sont ces symboles qui traduisent les
grands courants évolutifs cosmiques ?
Cette fois-ci, c'est vers Teilhard de Chardin qu'il faut à nouveau
nous tourner pour avoir la réponse.
Le rôle de l'Homme, nous dit Teilhard, c'est de réaliser sa
« personnalisation » ; c'est de cette façon qu'il parvient à une
véritable « accession au Monde », c'est-à-dire qu'il se place dans les
véritables courants évolutifs à l'échelle de l'Univers ; et, ajoute
Teilhard, cette « personnalisation » est la seule chose qui persistera
sans doute dans la durée au-delà de la Mort de l'être Vivant.
Nous avons déjà examiné ce grand sujet de la « personnalisation
teilhardienne » dans nos deux premiers chapitres ; mais il s'agit là
d'une question si importante (y en a-t-il une plus importante, au moins
pour l'Homme ?) qu'il vaut certainement la peine d'en approfondir à
nouveau ici les principaux caractères.
Cet aspect de la pensée teilhardienne est celui qui montre le
mieux à quel point cette pensée se différencie du simple panthéisme.
On doit admettre, comme le suggère Teilhard, que l'Homme est une
sorte d'« invention » du tissu élémentaire de l'Univers. Mais cette
« invention », quand elle sait se placer dans les courants évolutifs
cosmiques, parvient à se transcender, à se personnaliser. L'Homme
ne se limite pas, en effet, seulement à ses œuvres qui, elles,
« profitent » directement au Collectif ; l'Homme est beaucoup plus
que ses œuvres, quelle que soit la valeur de celles-ci. Il est une sorte
de « foyer » où vient se réfléchir toute la connaissance qu'il peut
acquérir de la réalité extérieure, il est réflexion sur lui-même et pr les
choses, il est esprit d'analyse et de synthèse, il est Amour, il est
pouvoir créateur : toutes ces propriétés constituent ce que Teilhard
nomme la « personnalité » de l'Homme. Mais, ajoute Teilhard, et ceci
est très important, la réalisation de cette « personnalité » ne doit
surtout pas être comprise comme un accroissement de
« individualité » : la véritable « personnalisation » est, au contraire de
l'« individualisation », celle qui cherche à atteindre tous les points et
tous les aspects de l'Univers, celle qui cherche à s'unir
psychiquement avec tout le cosmos ; écoutons Teilhard{2} : « En
cherchant à se séparer le plus possible des autres, l'élément
s'individualise ; mais, ce faisant, il retombe et cherche à entraîner le
Monde en arrière vers la pluralité, dans la Matière. Il se diminue, et il
se perd, en réalité. Pour être pleinement nous-mêmes, c'est en
direction inverse, c'est dans le sens d'une convergence avec tout le
reste, c'est vers l'Autre qu'il nous faut avancer. Le bout de nous-
mêmes, le comble de notre originalité, ce n'est pas notre individualité,
— c'est notre personne ; et celle-ci, de par la structure évolutive du
Monde, nous ne pouvons la trouver qu'en nous unissant. Pas d'esprit
sans synthèse. »
Cette « personnalisation », au niveau de l'Homme, c'est l'Amour et
la Connaissance qui permettent de la réaliser, alors que
l'« individualisation » est inévitablement, et au contraire, associée à
l'égoïsme et à l'ignorance.
Ainsi, avec Teilhard, l'Homme prend conscience qu'il est en même
temps partie intégrante (par sa personnalité) et moyen de réalisation
(par ses œuvres) de l'élévation du psychisme à l'échelle du Cosmos
dans son ensemble. Et le rôle qu'il a à jouer est enrichissant à la fois
pour lui-même et pour le Tout : l'Homme réalise sa véritable
« personnalité » en cherchant à s'unir le plus possible à la Nature,
cette union consistant, soit en une projection de lui-même vers
l'extérieur, et c'est ce qu'on nomme Amour, soit en devenant un foyer
où vient converger la réalité extérieure, et c'est ce qu'on nomme
Connaissance. Et, nous dit enfin Teilhard, cette « personnalisation »
de l'Homme ne saurait être « perdue » par l'Univers, même avec la
disparition de la Vie, car elle est une fonction importante, et
probablement même un axe fondamental, de l'accroissement du
psychisme à l'échelle cosmique.
Demain verra s'approfondir toutes ces notions si importantes dont
les premiers éléments nous ont été fournis par Teilhard et Jung. Nul
doute que cette double prise de conscience, à la fois des
mécanismes qui lient le Personnel au Collectif, et des directions
évolutives sur le plan cosmique, permettra à l'Humain un
entendement plus clair des vrais problèmes et une vision plus nette
du choix à accomplir pour réaliser sa vocation essentielle.
____________
{1}
. « Synchronizität als ein Prinzip akausaler Zusammenhänge » dans
Naturerklärung und Psyche.
{2}
. Le Phénomène humain, FA. du Seuil.
LA VIE ET LA MORT
L'idée de « Religion ».
Cosmologie.
Philosophie.
Théologie.
Physique.
Arts.
Médecine.
Un nouvel humanisme.
La jeunesse du Monde.
Après nous avoir fait découvrir dans « La Connaissance de l'Univers » ( Prix Nautilus 1962 décerné au
meilleur ouvrage d'information scientifique), le panorama de l'Univers dans son ensemble, Jean Charon aborde
ici des problèmes plus spécifiques concernant les rapports de l'Homme avec l'Univers.
L'Univers sera-t-il totalement accessible à l'Homme, l'Univers a-t-il été créé, l'Univers est-il fini ou infini,
existe-t-il d'autres mondes habités, que signifie l'expansion de l'Univers ? Telles sont quelques-unes des
questions qui sont traitées dans ce livre, et auxquelles l'auteur apporte les réponses de la science
contemporaine.
Cet ouvrage, où se trouvent aussi évoqués les grands problèmes du psychisme humain, de la Vie et de la
Mort, des rapports de la Science et de la Religion constitue un véritable tour d'horizon.
Il aide l'Homme de notre époque à mieux se situer lui-même par rapport à notre immense et complexe
Univers, à la lumière des données les plus récentes de la Science.
Jean E. Charon
Né en 1920 à Paris. Diplôme d'Ingénieur de l'École Supérieure de Physique et de Chimie
de Paris, en 1944.
Mission scientifique aux États-Unis entre 1945 et 1950 auprès de l'Ambassade de France
à Washington. De retour en France, se consacre exclusivement à la Physique Théorique
(Université de Paris). Depuis 1955, est attaché au Commissariat à l'Énergie atomique
(Saclay) où il a fait des recherches dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée.
Outre « Du Temps, de l'Espace et des Hommes », a publié six tu es qui lui valurent le prix
Galabert d'Astronautique en 1960, avant d'être reprises et développées dans «Éléments d'une
théorie unitaire d'Univers » (Éditions La Grange Batelière, Paris et R. Kister, Genève, 1962), et
« La Connaissance de l'Univers » (Prix Nautilus 1962) paru dans la collection Microcosme,
série « Le Rayon de la Science », dirigée par Étienne Lalou.
Mise en page électronique
réalisée par :
Avril 2018