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LA DISCIPLINE
PERSONNELLE
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Du même auteur :

(Aux Editions Spes)


PLAIDOYER POUR LE SILENCE.
LES DIEUX VERMOULUS.
(couronné par l'Académie française.)
POUR ÊTRE MAITRE CHEZ SOI.
DEVANT LE TOMBEAU.
L'ESSOR : MÉDITATIONS FONDAMENTALES.

AVONS-NOUS RAISON D'ÊTRE


CATHOLIQUES ?
(Flammarion.)
LA MAISON BATIE SUR LE ROC.
(Editions Familiales de France.)
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Jean de COURBERIVE

LADISCIPLINE
PERSONNELLE

-
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Marseille, 10 septembre 1938.


Nihil obstat :
Fr. Emmanuel LUSSIA,O. P.
Fr. M. E. LAUZIÈRE,O. P.

Imprimi potest :
Fr. Steph. M VAYSSIÈRE, O. P.
Provincialis Tolosanus.

Imprimatur :
Lutetiæ Parisiorum, die 27° januarii 1939.
V. DUPIN, v. g.
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Avant-Propos

J'ai touchéauvastesujet dela disciplinepersonnelle


dans L'Essor (Méditations fondamentales). Créer
dans les consciences des convictions lumineuses et
dynamiques, c'est poser la plateforme bétonnée sur
laquelle repose la conduite de la vie.
J'ai publié également unpetit livre sur laformation
de la volonté (Pour être maître chez soi. - Spes,
édit.).
J'aborde ici un sujet connexe, sur une base plus
large. Mais le lecteur qui me fera l'honneur de
parcourir ces pages s'apercevra tôt que je n'ai pas
eu la candide ambition d'écrire en un volume de
format modeste une Somme de la Discipline per-
sonnelle : une copieuse bibliothèque n'épuiserait pas
lesujet.J'ai voulusimplementrassembleret coordonner
enpeu depages lesprincipes premiers et les directives
majeures du gouvernement de soi-même. Le lecteur
complétera cette esquisse par sa réflexion et par les
applications personnelles. Pas davantage je n'ai eu
la prétention de découvrir une psychologie ni une
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morale nouvelles. Nous avons moinsbesoin de théories


inédites que d'une loyale et étendue application des
principes —pour ainsi dire intemporels —del'huma-
nismechrétien, quelesinventionsdela scienceappliquée
et le perfectionnement des techniques ne remplaceront
jamais.
Aussi n'ai-je pas hésité à multiplier les citations.
Puisqueje n'apportepas unsystèmenouveau,pourquoi
me serais-je astreint à l'opération un peu sotteet
passablement déloyale qui consiste à démarquer
péniblement ce que d'autres ont dit avant nous et
mieux que nous ? Et n'est-ce rien que d'avoir
incorporécesdivers témoignagesà unetramedoctrinale
cohérente ?
En écrivant ces pages dans la sensation presque
cruelle de la fuite rapide desjours, hanté par l'idée
que tout homme sincère doit s'efforcer, avant d'être
cloué dans son cercueil, defaire quelque chose pour
élever le niveau moral de l'humanité, obsédéjusqu'à
l'angoisse par la navrante détresse de nosgénérations
sans âme et sans vie intérieure, je voudrais à ma
façon crier à mes frères de lutte et de souffrance
que l'immense effort de notre histoire aboutira à une
1. Je dois un mot d'explication aux lecteurs qui seraient
enclins àtrouver excessivela partquejefaisauD G.LeBon
d anslalacunes
et les premiè—
repartie
considdérabl
eceteso—
uvradgees.théories
Je connadiselel'ésminent
limites
psychologue.LeBonalaforceetlafaiblessedesautodidactes
et des empiriques. Totalement dénué d'esprit métaphysique
et desensreligieux,maisintelligencevigoureuseetencontact
avec les faits quotidiens, Le Bon a bien saisi et exprimé
avecforceet clarté quelquesloisessentiellesdelapsychologie
d'observation. Acelasebornent—onleverra—les services
queje lui ai demandés.
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vanité totale, à un pur néant, après l'enlisement de


nos «civilisations »techniques dans la boue et dans
le sang, si la discipline personnelle ne vient pas
revivifier les valeurs humaines et recréer des
personnalités.
Sans discipline personnelle, la vie ne vaut pas la
peine d'être vécue. Désillusions, crimes, ruines, néant,
tel est le bilan des existences démoralisées qui n'ont
passuseconquérir,segouverneret dominerlecourant
delavie.
En convaincre quelques âmes généreuses et leur
tracerunprogrammequiest«lechemindelavictoire»,
telle est l'ambition de ce petit livre et le meileur
succès escomptépar sonauteur.

7 mars 1938. fête du


«trèsprudent»saintThomasd'Aquin.
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CHAPITRE PREMIER

LA DISCIPLINE PERSONNELLE
VUES GÉNÉRALES
« L'homme doit marcher à la
conquête de sa personnalité, et
il faut que son développement
soit son propre ouvrage. »
(BALLANCHE.)
« L'homme a pour but, dans
sa vie, d'arriver par étapes à une
complète maîtrise de soi-même.
Conquérir sa liberté à travers
la souffrance. »
(Alphonse DE CHATEAUBRIANT.)
« Je me sens tout entier voué à
cette idée, la fin dernière de
toute sagesse : celui-là seul est
digne de la liberté comme de
la vie qui sait chaque jour la
conquérir. » (GOETHE, Faust.)
« C'est se condamner à une
œuvre avant tout destructive que
de vouloir changer la face de
la terre sans d'abord changer
son propre cœur (ce que nul
homme ne peut par lui-même).
Et peut-être, si l'amour tout-
puissant transformait vraiment
nos cœurs, le travail extérieur
se trouverait-il à moitié fait
déjà. »
(Jacques MARITAIN.)
La discipline ici envisagée est la mise en ordre
de notre vie intérieure en la conformant, par le
gouvernement de nous-mêmes, aux indications de
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la raison pratique. Plus profondément et enlangage


théologique : enla conformant auplan providentiel.
De ce point de vue la discipline est, quant aux
résultats, l'équivalent de ce que saint Thomas
d'Aquin appelle la vérité de la vie, c'est-à-dire
l'harmonisation de notre conduite de la vie avec
les vues de Dieu sur nous. (Voir L'Essor.)
Cette discipline est dite personnelle en ce sens
qu'elle est procurée par nous-mêmes (ce qui ne
veut pas dire par nous seuls). Sans aucun doute,
nous avons besoin d'aides et de conseils. La toute
première éducation nous est imposée. Le premier
dégrossissement de l'être humain, ce bloc de boue
et d'âme, est un dressage. Mais très tôt, l'éducation
doit faire appel à la persuasion et non seulement à
la peur ou à la contrainte. On n'est jamais éduqué
malgré soi, en demeurant passif. Il faut coopérer
d'abord par la docilité libre et compréhensive,
plus tard par l'initiative dirigée, jusqu'au jour où
laviepersonnelle estremiseentre sespropres mains.
La discipline personnelle consiste donc à mettre
en ordre, par les libres initiatives dont l'enchaîne-
ment et la progression composent le gouvernement
de nous-mêmes, toute notre vie en la conformant
à l'ordre objectif, au plan divin, interprété par la
droite raison pratique.
Bel idéal —rarement réalisé ! Gustave Le Bon
parle quelque part du«besoinuniverseldeshommes
d'être dirigés quand ils n'appartiennent pas au
très petit nombre d'individus capables de se
diriger eux-mêmes. 1»
I. Cfr. J. DECOURBERIVE, Pour être maître chez soi, p. 23-26.
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Se discipliner, c'est se rendre maîtres des


puissances fatales et aveugles que nous portons
en nous. Cette maîtrise, fruit d'une conquête
méthodique, est réalisée par la volonté et son but
est d'imposer aux puissances subjuguées la mesure
rationnelle qui leur assure leur juste place dans
l'économie d'une vie vraiment humaine.
Ces puissances (tendances, appétits, qui sont la
manifestation psychique de nos besoins biologiques)
sont de la force pure qui assure aux humains la
propulsion. Mais c'est la raison pratique (sous les
espèces dela conscience morale) qui fixe la direction
et préside au réglage. La discipline personnelle est
ainsi une synthèse de lumière et d'énergie.
Si déficient que soit le rapprochement entre un
mécanisme et une activité humaine, il nous fournit
toutefois le bénéfice d'une analogie expressive.
Pour qu'une auto, par exemple, soit complètement
équipée en ordre de marche, un moteur puissant,
soigneusement révisé, et le plein d'essence ne
suffisent pas. Il faut encore les phares, la direction,
les tableaux indicateurs, la carte... et le chauffeur
pourvu de bons yeux et de nerfs solides.
Contentons-nous provisoirement de cette idée
générale dela discipline personnelle. Leprogramme
plus particularisé qui fait l'objet de ce livre en
précisera de lui-même la notion.
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Je n'aurai aucune peine à établir maintenant la


nécessité aveuglante de la discipline personnelle.
Sans elle, il n'y a pas d'humanisme concevable.
Et cela est tellement certain, cette nécessité est
si peu liée à un système quelconque, elle est si peu
une vue de l'esprit, qu'elle s'impose d'elle-même.
La question de la nécessité de la discipline, prise
enbloc, est distincte duproblème desonfondement
théologique.
Faut-il se discipliner ?
Faut-il donner à cette discipline des «motifs »
d'ordre théologique ? Voilà deux problèmes disso-
ciables, bien que connexes. La discipline apparaît
nécessaire en dehors de toute théologie, commeune
nécessité quasi biologique. Je m'empresse d'ajouter
que si, passant au plan métaphysique, on veut
rattacher cette discipline à son dernier anneau, il
paraît impossible de ne pas aboutir à Dieu. Tous
les efforts faits depuis Kantpour trouver unemorale
indépendante qui soit absolue sans être théologique
ont abouti à un échec complet.
Généralement, les hommes mûrs admettent sans
difficulté que la discipline est utile et même indis-
pensable aux «jeunes Il faut de la discipline pour
quel'enfant biensagedevienneunjeunehommerangé.
En cela les hommes mûrs ont raison.
Dequatorze à vingt ans, une transformation pro-
fonde bouleverse le jeune être humain. A pleines
voiles, il évolue vers sa vie d'adulte. Il s'éveille à
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la vie personnelle, auximpressions plus conscientes.


Lapersonnalité sedessine,le tempéraments'accuse;
onabesoin devivre et desesentir vivre ; l'expansion
vitale, la libération d'énergie sont un besoin en
mêmetemps qu'un plaisir.
Le besoin d'aimer et d'être aimé devient plus vif.
Intellectuellement, on entre dans l'âge des affir-
mations véhémentes, des certitudes massives. Les
réactions de l'esprit sous le choc des idées sont plus
profondes ; on prend parti avec une assurance
imperturbable. L'esprit se fait plus disputeur
—sinon plus critique —dans le triage des idées
qui s'offrent à notre assentiment. On abonde en
jugements sommaires et péremptoires : livres,
hommes, systèmes sont définitivement classés par
un «c'est épatant »ou un «c'est idiot ».
Cet éveil de la personnalité est un tournant
décisif, un. point critique. Il faut canaliser cette
vitalité et se conquérir en vue de se posséder soi-
même. Le jeune homme, la jeune fille ont, surtout
alors; besoin de conseils autorisés et d'une direction
avisée. Qu'ils sachent résister à la tentation qui
les guette de se former par des «expériences per-
sonnelles » : c'est séduisant, mais terriblement
aléatoire. C'est une grâce insigne de rencontrer, à
l'âge de l'adolescence et de la première jeunesse,
un confident compréhensif et un conseiller bien-
veillant, autant qu'autorisé, qui les aide à franchir
sans naufrage les passes dangereuses.
Mais où les hommes mûrs se trompent, c'est
quand ils estiment que le temps de la discipline
personnelle se limite à la jeunesse. C'est toute la vie
que nous avons à apprendre sur nous-même, à
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nous contrôler, à nous perfectionner 1 Ce n'est


que quand nous passons du temps à l'éternité
(«tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change »)
que nous atteignons notre point de maturité et
que nous acquérons notre physionomie morale
définitive. D'ailleurs, chaque âge a ses plaisirs... et
ses défauts contre lesquels il faut toujours réagir :
à la pétulance de la jeunesse succèdent la sensualité
et l'ambition de l'âge mûr, dont l'égoïsme, l'étroi-
tesse et l'avarice des vieillards recueilleront
l'héritage.

Mieux encore que par des raisonnements, c'est


par les faits que l'on peut établir la nécessité de la
discipline personnelle. « La possession d'une
discipline interne a toujours constitué une des
grandes supériorités du civilisé sur le. barbare »,
a écrit le docteur G. Le Bon.
I. « Les agents psychologiques ont naturellement un effet
beaucoup plus marqué sur les enfants et les adolescents que
sur les adultes. C'est pendant la période plastique de la vie
qu'il faut les employer. Mais leur influence quoique moins
marquée, persiste pendant toute la durée de l'existence.
Quand l'organisme mûrit, quand la valeur du temps diminue,
leur importance augmente. Leur effet est très utile sur le
corps vieillissant. On peut reculer le moment de la senescence
en maintenant l'esprit et le corps en état d'activité. Pendant
l'âge mûr et la vieillesse, l'homme a besoin d'une discipline
plus stricte que dans sa jeunesse. La détérioration prématurée
est due souvent à l'abandon de soi-même. Les mêmes facteurs
qui aident notre formation sont capables de retarder notre
descente. Un sage emploi de ces agents psychologiques
éloignerait le moment du déclin organique et de l'effon-
drement de trésors intellectuels et moraux dans l'abîme de
la dégénérescence sénile. »(D CARREL,L'Homme, cet inconnu,
p. 378.)
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L'auteur que je viens de mentionner s'est


complu à exposer souvent cette idée qui l'avait
évidemment frappé. Qu'on me permette de le citer
ici abondamment.
« Tous les primitifs, insiste-t-il, sauvages, ani-
maux..., tendent constamment à laisser agir leurs
instincts. Cependant, dès que les premiers vivent
en tribus, et que les seconds sont domestiqués, la
nécessité leur apprend à en réfréner quelques-uns.
Ils n'y parviennent qu'en opposant un sentiment
très fort (crainte du châtiment, espoir de la récom-
pense, par exemple) à un autre sentiment, dont on
serait tenté de suivre les impulsions... Pareille
contrainte exige un effort de tous les instants. Il
serait presque impossible si des habitudes que
l'éducation peut fixer ne finissaient par le faciliter
en le rendant inconscient... Les sentiments refrénés
par les nécessités sociales que codifient les lois ne
sont pas pour cela détruits. Délivrées de leurs
entraves, les impulsions naturelles primitives repa-
raissent toujours. Ainsi s'expliquent les violences
qui accompagnent les révolutions. Le civilisé est
retourné à la barbarie... »
«La science n'a pas encore découvert la baguette
magique capable de faire subsister une société sans
discipline. Nul besoin de l'imposer quand elle est
devenue héréditaire ; mais lorsqu'on a laissé les
instincts primitifs détruire les barrières péniblement
édifiées par de lentes acquisitions ancestrales, elle
ne peut être reconstruite que par une tyrannique
énergie... »
Pourquoi les foules sont-elles si facilement
criminelles ?«Simplement, explique Le Bon, parce
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que les instincts de férocité destructive sont des


résidus des âges primitifs dormant au fond de
chacun de nous. Pour l'individu isolé, il serait
dangereux de les satisfaire, alors que son absorption
dans une foule irresponsable, et où par conséquent
l'impunité est assurée, lui donne toute liberté pour
les suivre. Ne pouvant habituellement exercer ces
instincts destructifs sur nos semblables, nous nous
bornons à les assouvir sur des animaux. C'est d'une
même source que dérivent la passion pour la chasse
et la férocité des foules. La foule écharpant lente-
ment une victime sans défense fait preuve d'une
cruauté très lâche, mais bien proche parente de
celle des chasseurs se réunissant par douzaines,
afin d'avoir le plaisir d'assister à l'éventrement
d'un malheureux cerf par leurs chiens. »
« M. Cunisset-Carnot a montré, dans les lignes
suivantes, l'emprise de ce penchant héréditaire qui,
dans la poursuite du plus bénévole gibier, fait
renaître, chez tout le chasseur, le barbare.
«Le plaisir de tuer pour tuer est pour ainsi dire
universel, il est le fond de la passion cynégétique,
car il faut bien convenir qu'actuellement, dans les
pays civilisés, le besoin de vivre n'est plus pour rien
dans son expansion. En réalité, nous continuons
un geste impérieusement imposé à nos sauvages
aïeux par les nécessités de leur existence durant
laquelle il fallait tuer ou mourir de faim, alors que
plus rien ne le légitime aujourd'hui. Mais c'est
ainsi, nous n'y pouvons rien, nous ne parviendrons
sans doute jamais à rompre les chaînes de cet
esclavage qui nous serrent depuis si longtemps.
Nous ne pouvons nous empêcher de goûter un
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plaisir intense, passionnant souvent, à verser le


sang des animaux vis-à-vis desquels, lorsque le
goût de la chasse nous tient, nous arrivons à perdre
tout sentiment de pitié. Les bêtes les plus douces,
les plus jolies, les oiseaux chanteurs, charme de
nos printemps, tombent sous notre plomb ou
s'étranglent dans nos filets sans qu'un frémissement
de pitié trouble notre plaisir de les voirterrorisés,
sanglants, se débattre dans les horribles souffrances
que nous leur infligeons, cherchant à fuir sur leurs
pauvres pattes cassées ou agitant désespérément
leurs ailes qui ne peuvent plus les soutenir...
L'excuse, c'est la poussée de cet atavisme impérieux
auquel les meilleurs d'entre nous n'ont pas la
force de résister. »
«En temps ordinaire cet atavisme sanguinaire,
contenu par la crainte des lois, ne peut s'exercer
que sur des animaux. Quand les codes n'agissent
plus, il s'applique immédiatement à l'homme, et
c'est pourquoi tant de terroristes trouvèrent un
plaisir intense à massacrer. Le mot de Carrier sur
la joie qu'il éprouvait à contempler la figure de ses
victimes pendant leur supplice est fort typique.
Chezbeaucoup decivilisés la férocité est un instinct
refréné, mais nullement supprimé. »
Sur la férocité sadique de certains révolu-
tionnaires, le même auteur écrit que, en plus de
leur fanatisme sectaire, «dégagés en outre de tous
les freins de la tradition et des lois, ils pouvaient
donner cours aux plus sauvages instincts que
l'animalité primitive laisse en nous. La civilisation
restreint ces instincts, mais ils ne meurent jamais.
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Le besoin de tuer qui crée les chasseurs en est le


permanent indice 1 ».
Oui ! la barbarie couve, comme le feu sous la
cendre, comme la lave dans un volcan en sommeil,
au fond des âmes les plus civilisées, toujours prête
à de foudroyants retours offensifs quand cède la
barrière des disciplines qui la contenaient. La
barbarie est refoulée mais non supprimée. Tandis
que les positivistes, appuyés sur la théorie de
l'évolution, voient dans ces faits des survivances
ataviques de l'animalité primitive, sous le vernis
de la civilisation, —survivances qui nous exposent
à des régressions quand les forces instinctives sont
mal refrénées par l'insuffisance des réflexes civilisés
et qu'alors le contrôle de soi-même est submergé
par la ruée des impulsivités —, dès longtemps les
théologiens ont décrit les mêmes faits qui sont à
leurs yeux la manifestation du déséquilibre laissé
enl'économie humaine par le péché d'origine. Mais
nous n'avons pas à confronter ici les «hypothèses »
explicatives. Les faits indiscutables sont enregistrés
par tous les observateurs impartiaux.
Dans son Livre de consolation (...consolation
virilement amère, d'ailleurs !), Louis Bertrand
s'étend sur le mêmesujet (pages 64et suiv.). Il cite
ce mot d'un septembriseur (p. 71) : «Un des égor-
geursimprovisésdesmassacresdeseptembreavouait
en toute ingénuité à quelqu'un qui lui demandait
comment il avait pu se déterminer à massacrer des
1. Cfr. Gustave LEBON,La vie desvérités ; Lesopinions
et les croyances ; Psychologie delE
' ducation ; La Révolution
française et la psychologie des Révolutions (Flammarion),
passim.
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hommes sans armes et sans défense : Jusqu'au


septième, dit-il, cela m'a beaucoup coûté, mais
après, je n'y faisais pas plus attention qu'à des
veaux 1! »
Les foules révolutionnaires et criminelles sont
composées de canailles et « peut-être aussi de
vertueux bourgeois livrés aux instincts abjects que
la vie sociale recouvre en temps ordinaire, et que
certaines secousses mettent à nu chez les gens de
bien ».
Des faits plus proches de nous, en Russie, en
Allemagne, en Espagne nous ont rappelé les mêmes
sanglantes leçons. Que la France veille !
Jules Véran écrivait dans Comœdia du
24octobre 1934,sousle titre :Leretourà la barbarie,
les lignes suivantes :
«Il est vraiment effrayant de penser avec quelle
facilité les hommes, sous l'empire de certaines
passions et livrés à eux-mêmes, libérés de la sur-
veillance des gendarmes, retournent à la barbarie.
« Voici ce qu'on a pu lire dans une dépêche
d'Hendaye adressée au Times :
«Des voyageurs, qui ont pu passer la frontière,
«ont apporté desrenseignementssur les sixjournées
«révolutionnaires d'Oviedo dans les Asturies.
«Des atrocités sans nom ont été commises par
«les insurgés, notamment sur la personne des
«prêtres : le Père José Villanueva, directeur du
1. Cfr. Psychologie desFoules, par le D LEBON,et La
névroserévolutionnaire, par les D CABANÈSet NASS.
2. Comte DESAINT-AULAIRE,Richelieu, p. 104.
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«séminaire catholique, a été brûlé vif. Un autre


«prêtre a été accroché par le cou à un étal de bou-
«cher, ayant à ses pieds une pancarte portant cette
«inscription : «viande de porc à vendre ». Un autre
«fut coupé en morceaux et exposé également comme
«viande de boucherie. Dans un village minier, les
«rebelles obligèrent les desservants de la cure à
«dire une messe de requiem sur le bord d'unefosse,
«dans laquelle ils avaient jeté les cadavres de plu-
«sieurs gardes civils.
«Tous les soldats, gardes civils et gardes d'assaut,
«tombés entre les mains des insurgés, furent
«atrocement mutilés. »
«Quel document ! Songez que nous sommes au
vingtième siècle, et que ces faits se sont passés dans
un pays d'Europe, un pays de vieille civilisation,
qui a une riche littérature, des musées splendides,
d'admirables œuvres d'art répandues sur tout son
territoire.
« Comment des hommes, nos contemporains,
vivant dans ce pays, peuvent-ils du jour au len-
demain redevenir des sauvages plus cruels et plus
ignobles que ceux qui existent encore dans les rares
contrées où la civilisation n'a pas encore pénétré ?
« Quel fond de barbarie recèle donc la nature
humaine ? Il est donc si léger, le vernis de socia-
bilité qui fait illusion chez certains êtres ?
« N'en doutons pas. Et méfions-nous. Le livre
récent d'Henri d'Alméras, Autour de l'Echafaud, et
qui porte en sous-titre : «Quand Démos est roi »,
nous rappelle, avec une trop riche abondance de
détails vrais, les atrocités commises sous la Révo-
lution par la foule en folie. Il n'est pas d'illustration
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plus saisissante de cette remarque de Montaigne :


« La populace, par tous les pays, déchiquète les
cadavres et s'en met jusqu'aux coudes. »
«Que ferez-vous si la Révolution éclate ? »nous
demandent Les Marges d'Eugène Montfort.
Vaudrait-il pas mieux l'étouffer dans l'œuf ?
Songeons à Oviedo. »
Et les horreurs de la récente guerre civile espa-
gnole nesont pas faites pour infirmer notre verdict !
Pour «étouffer dans l'œuf la révolution », il n'y
a qu'un moyen, la discipline personnelle, appuyée
par des institutions publiques vigoureuses et saines.
Son rôle est encore plus prépondérant dans les
démocraties : « Plus grandissent le rôle et les
responsabilités de l'individu, plus il est nécessaire
qu'une forte éducation morale éclaire sa conscience
et arme sa volonté, la mette en garde contre
l'égoïsme et le caprice. » (Paul Archambault.)
Est-ce là le but visé et le résultat obtenu dans la
laïcisation de l'école publique en France ?
On a beau retourner la question sous toutes ses
faces et chercher des échappatoires, il faut toujours
en revenir à la question morale et avouer que
l'homme, pris individuellement ou en groupe, ne
peut vivre sans discipline. Notre société est rongée
par deux chancres : indiscipline des mœurs,
égoïsme, deuxapplications directes dumatérialisme,
lequel est lui-même le fruit de l'irréligion. Le
remèden'est pas d'ordre physiologique, économique
ou législatif : ce ne sont là que des palliatifs super-
ficiels. La racine du mal est dans les âmes avant
d'être dans les moeurs : il faut, pour en sortir,
revenir à l'éducation individuelle, à la victoire sur
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Enfin la décision prise et maintenue, il faut passer


à la réalisation du programme de vie. L'acte de
volonté est proprement acquis : il faut le prolonger
et l'incarner dans les faits au moyen d'une méthode
d'action.
Cette méthode, je la ferai tenir en quatre mots :
CONCENTRATION.. à l'encontre de la
dispersion,
CONTINUITÉ... à l'encontre de l'inconstance,
SOUPLESSE, ADAPTATION.. à l'encontre
de l'entêtement,
SÉRÉNITÉ... à l'encontre de la fébrilité.
En résumé : FAITES POSÉMENT UNE CHOSE
JUSQUA ' U BOUT.
Tel est le schéma de la conquête de soi-même.
En terminant ce programme de discipline person-
nelle dont je sens les lacunes et les imperfections, je
souhaite de tout cœur à mon lecteur, surtout s'il
est jeune, bon courage, confiance et persévérance.
En avant, avec l'aide assurée de Dieu, pour la
conquête dela DISCIPLINEPERSONNELLE!
j
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès
par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement
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