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§ 7 La méthode phénoménologique de la recherche

« L'ontologie n'est possible que comme phénoménologie. »

A. Le concept de phénomène.
phainomenon → phainesthai, se montrer, se manifester.
phainomenon = ce qui se montre, le se-montrant, le manifeste
phôs, la lumière, la transparence de la clarté, c'est-à-dire ce à l'intérieur de quoi quelque chose peut
devenir manifeste, visible de soi-même.
"Comme signification de l'expression "phénomène", il faut donc s'en tenir à : le se-montrer-de-soi-
même, le manifeste Sich-an-ihm-selbst-zeigende Offenbare."

"L'étant peut se montrer de soi-même en autant de manières différentes qu'il y a de moyens


d'accéder à lui. Il y a même la possibilité qu'un étant se montre comme ce que, de soi-même, il n'est
pas. Se montrant ainsi, l'étant "a l'air de..." In diesem Sichzeigen »sieht« das Seiende »so aus 29
wie...« On appelle un tel se-montrer sembler Scheinen.
phainomenon agathon veut dire un bien qui en a l'air, mais qui "en réalité" n'est pas ce pour quoi il
se donne.

l'essentiel = voir comment les deux significations de ce qui est nommé phainomenon (le phénomène
se montrant et le phénomène semblant) sont, de par la structure, d'un seul tenant.
ce n'est que dans la mesure où une chose quelconque prétend, selon son sens, se montrer, c'est-à-
dire être phénomène, qu'elle peut se montrer comme quelque chose qu'elle n'est pas, qu'elle peut
"avoir seulement l'air de..."
dans la signification de phainomenon ("semblant") se trouve déjà incluse avec elle la signification
d'origine (le manifeste) qui est à sa base.
H. affirme que le 2nd sens trouve son fondement dans le premier : c'est parce que quelque chose en
général peut se montrer tel qu'il est qu'il existe la possibilité que quelque chose se montre autrement
qu'il n'est.
→ c'est pourquoi la signification originelle du phénomène est d'être « le manifeste », tandis que sa
signification comme « apparence » est seconde. "le semblant est la modification privative du
phénomène."

Ce qu'expriment l'un et l'autre terme n'a de prime abord rien à voir avec ce qu'on appelle
Erscheinung ou même blosse Erscheinung
Krankheitserscheinungen = anomalies qui se montrent et que s'y montrer de la façon dont elles se
montrent c'est indice de quelque chose qui, lui, ne se montre pas. → l'Erscheinung est le signe
visible d'un invisible, d'un autre. Il est apparition de quelque chose d'autre.
quand surviennent des anomaliers de ce genre, leur se-montrer va de pair avec l'être là-devant de
troubles qui, eux ne se montrent pas.
appartition, en tant qu'apparition de quelque chose ne veut donc justement pas dire : se montrer soi-
même, mais au contraire que quelque chose, qui ne se montre pas, s'annonce à travers quelque
chose qui se montre.
il n'y a d'apparaître possible que sur le fond d'un se-montrer de quelque chose
mais celui-ci, tout en rendant possible avec lui l'apparaître, n'est pas lui-même l'apparaître.
apparaître = s'annoncer à travers quelque chose qui se montre
mais si l'on dit qu'avec le mot apparition nous renvoyons à quelque chose dans quoi une chose
apparaît sans faire elle-même apparition, le concept de phénomène, est présupposé, cette
présupposition demeurant cependant voilée parce que, dans cette acception d'apparition, le verbe
ce dans quoi une chose apparaît signifie ce dans quoi une chose s'annonce, donc ne se montre pas;
et dans la locution "sans faire apparition elle-même", apparition signifie le se-montrer. mais c'est à
ce dans quoi une chose s'annonce qu'appartient essentiellement le se-montrer dont il s'agit.
les phénomènes ne sont jamais des apparitions, mais c'est chaque apparition qui est tributaire de
phénomènes.

apparition peut signifier deux choses : l'apparaître Erscheinen au sens de s'annoncer et donc de ne
pas se montrer, signifie alors l'annonciateur lui-même - ce qui sitôt qu'il se montre dénonce quelque
chose qui ne-se-montre pas.
et finalement on peut employer apparaître comme une dénomination du phénomène dans son vrai
sens de se-montrer.
si on désigne ces trois différents contenus par apparition, confusion inévitable.

autre signification : si on comprend annonciateur qui, du fait qu'il se montre, dénonce le non-
manifeste, comme ce qui affleure et transparaît extérieurement de ce qui n'est pas soi-même
manifeste, le non-manifeste était pensé comme ce qui, par essence, n'est jamais manifeste - alors
apparition équivaut à mise en avant ou plutôt ce qui est mis en avant sans pourtant que l'être propre
de ce qui met en avant se réduise à lui : apparition dans le sens de "pure apparition" (blosse
Erscheinung)
l'annonciateur mis en avant se montre, certes, lui-même mais son rôle étant de faire transparaître à
l'extérieur ce qu'il annonce, il ne cesse justement en lui-même de faire écran

B. Le concept de logos.

la signification fondamentale de logos est à chercher dans la parole. logos sera ensuite traduit,
explicité comme « raison », jugement, concept, définition, rapport. Ces explications modifient ce
sens fondamental de « parole ».
au sens de parole, logos se ramène plutôt à dêloun = rendre manifeste ce dont la parole "parle".
A. De Interpretatione Ch. 1-6 l'explique comme apophainesthai
le logos fait voir quelque chose, phainesthai cela justement sur quoi il est parlé et il le fait voir à
celui qui parle aussi bien qu'aux entreparleurs.
la parole "fait voir" apo = à partir de cela même dont il est parlé.
dans la parole apophansis, ce qui est parlé doit être tiré de ce sur quoi il est parlé, de telle sorte que
la communication par la parole rende manifeste en ce qu'elle dit ce sur quoi elle parle et le rende
ainsi accessible à autrui.
pas propre à n'importe quel parole ce mode du rendre manifeste, au sens de faire voir en montrant :
la prière rend elle aussi manifeste, mais d'une autre manière des Offenbar-machens im Sinne des
aufweisenden Sehenlassens
Significations dérivées :
1. la parole est phonê meta phantasias, élocution vocale dans laquelle quelque chose est chaque fois
placé devant les yeux.
2. c'est uniquement parce que la fonction du logos comme apophansis consiste à faire voir en le
montrant que le logos peut être sunthésis
→ synthèse ne signifie pas ici rattacher ou lier des représentations, travailler sur des événements
psychiques pour les mettre en liaison, d'où naître ensuite le "problème" de savoir comment ces
liaisons internes s'accordent avec les données physiques extérieures : mais le sun a ici une
signification apophantique = faire voir quelque chose dans sa corrélation à quelque chose, quelque
chose comme quelque chose.
3. de même, parce qu'il est un faire voir, pour cette raison le logos peut être vrai ou faux. La vérité,
alêthéia, n'est pas d'abord un « accord » entre une représentation et un objet : "accord" n'est pas du
tout idée qui vient en premier dans le concept d'alêtheia.
→ l'être vrai du logos en tant qu'alêthéuein veut dire : l'étant dont il est parlé dans le legein comme
apophainesthai, l'extraire de sa retraite et le faire voir comme sans retrait (alêthés), le dévoiler, aus
seiner Verborgenheit herausnehmen und es als Unverborgenes sehen lassen, entdecken.
→ de même l'être faux pseudesthai veut dire quelque chose comme tromper au sens de « voiler » :
placer quelque chose devant quelque chose et par là le faire passer pour quelque chose d'autre qu'il
n'est pas, etwas vor etwas stellen (in der Weise des Sehenlassens) und es damit ausgeben als etwas,
was es nicht ist.
→ Logos en son sens originaire n'est donc pas la vérité.
Est vraie au sens grec l'aisthêsis, la pure et simple perception sensible de quelque chose. Dans la
mesure où une aiesthêsis a dans chaque cas pour finalité ses idia, c'est-à-dire l'étant qui n'est
accessible que grâce à elle et pour elle, par exemple la vue par rapport aux couleurs, alors le
percevoir est toujours vrai.

C. Le concept inaugural de phénoménologie


"Qu'est-ce que la phénoménologie a à faire voir ? Qu'est-ce qui doit être appelé "phénomène" en un
sens privilégié ? Qu'est-ce qui, de par son essence, constitue le thème nécessaire d'une monstration
délibérée ? Manifestement quelque chose qui, d'abord et le plus souvent, ne se montre justement
pas, qui, à la différence de ce qui se montre d'abord et le plus souvent, est en retrait mais qui est, en
même temps, quelque chose qui fait essentiellement corps avec ce qui se montre d'abord et le plus
souvent de telle sorte qu'il en constitue le sens et le fond."

Les phénomènes peuvent être occultés de diff. manières


s'il n'a pas du tout été dévoilé : ni connaissance, ni non-connaissance
s'il est enfoui : il avait auparavant été une fois dévoilé mais a chuté à nouveau dans l'occultation
occultation peut être totale
L'être-au-monde ( in-der-Welt-sein )comme constitution fondamentale du Dasein.

Localisation : on est dans l'analytique existentiale, l'analyse des structures d'être du Dasein.
Introduction  :
*Au lieu de choisir l'une ou l'autre des propriétés de l'homme ( conscience, raison ), Heidegger
commence par le fait qu'il n'est jamais donné comme isolé, qu'on ne pourra jamais le définir à partir
de lui-même, d'une intériorité.
*La première chose inconstestable qui se donne est que lorsqu'il y a Dasein, ce Dasein est d'ores et
déjà rapport-à... Il n'y a pas de Dasein sans monde et vice-versa.
*Ce rapport est d'emblée présent comme constitution fondamentale du Dasein, est le rapport à une
extériorité, une totalité, un autre que lui-même. Le rapport précède l'Homme.

Définition négative de l'être-au-monde.


L'être-au-monde n'est l'être dans le monde.
– la relation de l'être-dans est une relation spatiale qui ne peut être dite que de deux étants
subsistants – qui sont là, présents à la manière de choses naturelles - à l'intérieur du monde
intramondain.
– la relation de l'être-à ne peut se produire qu'entre le Dasein et ce à quoi il se rapporte.
Définition positive de l'être-aumonde.
Que signifie être-à ?
– H. se réfère à l'étymologie. dans « in-sein », -in et -sein peuvent être renvoyés aux idées
d'habitation ou d'habitude.
– l'être-au-monde signifierait donc : je séjourne auprès de quelque chose – le monde – qui
m'est familier.
Objection : pourquoi n'est pas une relation spatiale ? Les étants intramondains peuvent aussi être
proches les uns des autres.
→ Non, selon H. il est impropre de dire que la chaise touche le mur ou que la lampe est auprès du
mur. Les étants intramondains n'ont pas entre eux de relation de proximité car ils sont sans monde :
il n'y a pas pour eux de monde ouvert.
Rq : On possède une pré-compréhension non-explicité de cette structure existentiale de l'être-au-
monde : c'est la préoccupation ( Besorgen ). La préoccupation, est une manière de se rapporter au
monde, un comportement dans lequel se manifeste notre être-au-monde. On est pris dans le monde,
on n'entretient pas avec lui un rapport de contemplation ou d'indifférence.

L'existence quotidienne.
Localisation :
*H. a déplié et explicité la même structure existentiale de l'être-au-monde au cours de trois termes :
le monde, le Soi, l'être-à... comme tel.
*On est arrivé au Soi.
*Le fil conducteur est toujours celui du Dasein quotidien ou de l'être-au-monde préoccupé. On va
révéler les structures existentiales à partir de leur manifestation dans le quotidien.
*Le Dasein s'est alors révélé être Mitsein ( être-avec ). Ce n'est pas un caractère contingent du
Dasein, mais un existential. « Le Dasein est lui-même essentiellement être-avec. »
Peu importe qu'il ne soit pas toujours avec d'autres D., il est essentiellement avec. « L'être-seul est
un mode déficient de l'être-avec. » L'être-seul n'est qu'un mode dérivé de la structure originaire du
Mitsein, laquelle constitue le Dasein, en est indissociable et contemporain.
*Ce Mitdasein ( Dasein qui se donne « dans le monde », ce que les autres sont pour moi : ils ne sont
pas simplement existants, ils co-existent avec moi ) se manifeste comme comportement au travers
de la sollicitude. ( Fürsorge ).
*Voilà pour l'existential. Mais un même existential peut se décliner selon différentes possibilités
d'existence : authentique ou inauthentique, propre ou impropre.
Il se décline inauthentiquement dans le cadre du monde ambiant, de l'être-l'un-avec-l'autre
quotidien, dans ce que H. appelle la quotidienneté du Dasein. Dans la quotidienneté, le Dasein se
comporte de prime abord et le plus souvent. Pour reprendre des termes Pascaliens, l'homme dans la
quotidienneté ne pense pas à sa condition existentiale, mais est diverti par la mondanéité. Exister
inauthentiquement, c'est se laisser prendre par ce monde quotidien, ce monde mondain. Exister
authentiquement, c'est explicité les structures de sa propre existence.

H. va alors décrire le Soi inhérent à l'être-avec dans son mode inauthentique. Qui est le sujet de
l'existence quotidienne ?
H. part d'un constat : dans l'être-ensemble quotidien se manifeste constamment le souci d'une
différence vis-à-vis des autres, une compétition.
→ ce souci de creuser une différence manifeste que cette distance est absente de l'être-l'un-avec-
l'autre quotidien.
→ le trait fondamental de cet être-avec est d'être compact, de ne pas laisser place à une singularité.
Le D. est pris par le monde et capté par lui, et dan les autres, absorbé en eux.
« On » n'est personne, pas je,tu,il... et pourtant il règne, c'est lui le sujet de l'existence quotidienne.

La dictature du « On ».
→ c'est une règne où « tout autre ressemble à l'autre. » chacun est pris dans la masse indifférente du
On.
Quels sont les modes d'être du « On ».
a. La médiocrité, ou existence moyenne.
– rien ne dépasse, chacun fait la même chose que l'autre.
– pourtant chacun cherche à instaurer une distance.
→ paradoxal. Exemple de la mode : pour suivre la mode, j'essaie de me singulariser pour être « au-
dessus » de la moyenne, mais précisément je me singularise en masse.
« Plus encore, nous nous séparons de ce dont on se sépare, nous nous indignons de ce dont on
s'indigne. »
b. Le nivellement, cause de la tendance à la moyenne de chaque D.
– il s'agit de la tendance à l'égalisation propre au membre du troupeau, de la tendance à
incliner vers la « moyenne ».
– égalisation non perçue par ce membre, inconsciente.
c. La publicité, le règne de ce qui est public, de l'opinion publique.

Quelles sont les conséquences de cette dictature ?


– interdit à chaque Dasein d'être un existant singulier, pour autant qu'exister, c'est choisir entre
des possibilités d'existence. Le « On » permet de faire l'économie de toute décision.
– il permet un « déchargement de l'être » ( expression de H. ). « comme le On pré-donne tout
jugement et toute décision, il ôte à chaque fois au D. la responsabilité. »
Rappel : Le D. a à être. Le D. sous la forme du « On » n'a pas à être un Soi, sa façon d'être dans la
quotidienneté consiste à se détourner de son être. c'est ce qu'on disait avant en référence à Pascal.

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