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INSTITUT SUPÉRIEUR PRIVÉ

DE PHILOSOPHIE/ MAISON LAVIGERIE


OUAGADOUGOU / BURKINA FASO

THEODICEE

LA PENSEE DE L’ÊTRE ET LA QUESTION DE L’AUTRE

Travail de recherche

Etudiant Professeur
NYANSA Tchessy Atany David Donatien VULA

Mai 2021.
INTRODUCTION
Ce texte est extrait de De Dieu qui vient à l’idée et traite de l’immanence de l’Être,
où Levinas tente de ramener la transcendance sur de nouvelles bases, celle du
surgissement de la transcendance comme question à l’Autre ou sur l’Autre. Autrement
dit, la connaissance, la transcendance de l’Être ne se révèlent que dans le rapport à l’autre,
mieux, naît de l’intersubjectivité. Ainsi, à la question de savoir si la connaissance ou le
sens se trouve-t-il du côté de la transcendance de l’Être, il répond sans doute que la
connaissance ne se trouve pas dans la transcendance de l’Être, mais se révèle à partir de
la rencontre du visage d’Autrui. En d’autres termes, l’Infini, Dieu, l’Être, la connaissance
ne se révèlent qu’à partir du visage d’autrui qui interpelle le sujet à la responsabilité.
Donc, le visage de l’Autre - l’extériorité irréductible de l’Autre - ce que Levinas va
appeler l’altérité radicale de l’Autre, supplie et ordonne à une responsabilité, à une éthique
à laquelle le Moi ne peut se dérober.
Nous pouvons distinguer dans ce texte trois étapes successives. D’abord, du début
du texte jusqu’à « Heidegger remonte en deçà de la présence, … et le ‘‘Même’’. »,
Levinas retrace l’histoire de la philosophie théorétique où la connaissance se limitait à
l’ontologie, à la compréhension de l’être. Ensuite, de « La crise de la philosophie qui nous
est transmise » jusqu’à « ne se laisse expulser d’aucune signification et y fait scandale »,
l’auteur fait une analyse critique de la philosophie de l’Être qui subordonnait l’existence
humaine à l’ontologie. Enfin, de « cette indication réduite à un rapport – rigoureusement
extrinsèque » jusqu’à la fin du texte, Levinas expose sa conception de l’altérité en
montrant comment la transcendance de l’Infini se retourne en relation avec autrui, mon
prochain, et surtout comment le visage nous introduit et nous interpelle à une
responsabilité sans dérobade pour l’Autre.
Pour mieux appréhender notre étude, nous effectuerons d’abord, sur la base du
texte, l’analyse de la conception de l’Être comme source de connaissance, et nous ferons
une critique levinassienne de cette conception qui ne rend pas compte de la fécondité de
la philosophie. Ensuite, il s’agira de montrer à travers l’analytique de l’altérité,
l’épiphanie du visage et la responsabilité, comment Levinas développe-t-il sa philosophie
essentiellement centrée sur l’éthique de l’Autre. Enfin, nous terminerons par l’analyse
critique de sa conception de l’Autre en faisant sortir les mérites et les limites de sa pensée.

1
I- LA PENSEE DE L’ÊTRE
I.1. L’Être comme source de connaissance
A partir de l’analyse des philosophies antérieures à lui, Levinas va bâtir sa
philosophie. D’emblée, Levinas n’échappe pas à l’analyse de la pensée de l’Être sur
lequel reposait la philosophie dont nous sommes héritiers.
Ainsi, toute la philosophie jusqu’avant Levinas, fait reposer sur l’Être le privilège
de la source du savoir. Ce qui est privilégié, c’est la spéculation ou l’aspect spéculatif du
penser c’est-à-dire noético-noématique. C’est sans doute, ce qu’observe Levinas quand il
affirme : « Que le sens ait son ‘‘lieu’’ dans l’apparaître, dans la vérité et, dès lors, dans la
connaissance ou entendement de l’être, c’est déjà une réponse à cette question sur le sens
du sens, une certaine philosophie. »1 Ainsi dit, la philosophie pré-levinassienne, fait
reposer toute signifiance, toute connaissance, toute pensée comme intelligence dans la
transcendance de l’Être. Il n’y a de connaissance possible que dans le repos de l’Être qui
éclaire toute recherche de la vérité. C’est pourquoi, il écrit à ce sujet : « Toujours est-il
que la philosophie qui nous est transmise … fait remonter toute signifiance – toute
rationalité – à l’être, à la ‘‘geste’’ d’être menée par les êtres en tant qu’ils s’affirment
êtres, à l’être en tant qu’il s’affirme être, à l’être en tant qu’être, à l’essance de l’être. »2
Pour Plotin, la pensée comme connaître ou comme intelligence, dans la dualité du
voir et du vu, émanerait de la transcendance de l’Un, de son unité ou repos que ne trouble
le « mouvement » d’aucune relation multiples, pas même celui de la conscience de soi
qui serait déjà savoir et dualité3. Pour Platon, la connaissance est reconnaissance,
l’intelligibilité réside dans la contemplation du Souverain Bien, de l’Idée qui éclaire
toutes les autres réalités.
Bref, nous avons vu que la philosophie dans son ensemble fait reposer sur la
transcendance de l’Être toute connaissance. Dans cet effort du sujet à saisir le sens des
choses, la philosophie spéculative se centre sur le sujet. L’Ego se trouve dans une sorte
d’intériorité, fermé à l’extérieur. Ainsi, Levinas va-t-il déceler un non-sens dans cette
façon de concevoir l’être comme source de l’intelligibilité. Si toute signifiance réside
dans l’Être, le fait que l’Infini ou l’Être se donne à l’Autre ne signifierait-il pas déjà
immanence ?

1
Emmanuel, LEVINAS, De Dieu qui vient à l’idée, Paris, Vrin, 1982, p. 173.
2
Ibid., p. 174.
3
Idem, Altérité et transcendance, Fata Morgana,1995, p. 29.

2
I.2. La problématisation ou critique de l’Être comme source du savoir
Levinas constate que de Platon à Husserl, la reconnaissance était le paradigme de
l’identité de l’être et le programme normatif de l’ontologie. Toute la vie de l’homme,
toute son existence est compréhension de l’être, est ontologie, un effort pour élucider le
mystère de l’être, de l’existence elle-même. Ainsi, dans ce repos de l’être constitutif et
fondement de toute la philosophie, Levinas découvre que la philosophie s’est fourvoyée
dans un non-sens, dans une incapacité de répondre de ses propres critères du sens.
D’abord, cette incapacité tient à l’impossibilité de cette philosophie à maintenir
l’accord de la connaissance avec elle-même. En effet, la philosophie se heurte à un non-
sens du sens. Ce n’est pas nous qui nous mouvons pour atteindre la connaissance dans le
repos de l’être, mais c’est l’Être qui se dévoile à notre conscience par le rapport à l’Autre.
Ensuite, la philosophie s’est heurtée à son non-sens dans ses ambitions et ses voies
propres. Levinas constate ici que, en réalité, les êtres tels qu’ils apparaissent ne sont que
pure ressemblance et apparence. Saisir en effet l’être ou faire reposer la connaissance sur
la compréhension de l’Un est une illusion transcendantale.
Enfin, Levinas critique Husserl et Heidegger à la fois car, ils sont restés
prisonniers d’une pensée de la conscience ou de l’être qui empêche la reconnaissance de
l’autre en tant qu’autre. En effet, la réduction phénoménologique enfermait le Même ou
le Je dans une intériorité ferme allant à considérer l’extériorité comme un objet de notre
conscience. C’est ce que Levinas appelle par Totalité, où le Moi se trouve dans un confort
égocentrique, dans une suffisance jouissante sans aucun mouvement vers l’extériorité.
Dans le Moi transcendantal, Husserl tombe dans une égologie où la relation à l’autre n’est
rien d’autre qu’une réduction de l’autre en objet, sur une simple corrélation du sujet et de
l’objet au lieu qu’elle soit subordonnée à la relation éthique avec autrui.
Bref, nous avons vu avec Levinas que l’ontologie nous conduisait dans une
impasse, celle d’une fermeture à l’extériorité. De ce fait, il faut la ramener à l’essentiel
qu’est l’éthique. L’intentionnalité doit ramener selon lui à une question éthique qui
interpelle sans cesse notre responsabilité et une ouverture envers l’autre. Quelle est la
véritable position de Levinas ?

II- LA QUESTION DE L’AUTRE


II.1. Levinas et la question de l’altérité
Emmanuel Levinas en parcourant la question ontologique de l’Être comme source
de connaissance, parvient à l’évidence de l’Autre. Il dira que : « Toute pensée est

3
subordonnée à la relation éthique, à l’infiniment autre en autrui, et à l’infiniment autre
dont j’ai la nostalgie. »4 Cette affirmation nous renvoie à l’importance de l’irréductible
altérité de l’autre comme un autre Moi Autre que Moi, et surtout à l’incontournable
évidence de la question éthique que ne peut éviter toute pensée ou toute philosophie. Pour
Levinas, « quand je parle de philosophie première, je me réfère à une philosophie qui ne
peut pas ne pas être éthique. Même la philosophie qui questionne le sens de l’être le fait
à partir de la rencontre d’autrui. »5Ainsi, Levinas va recentrer toute sa philosophie sur
l’Altérité de l’Autre, sur l’éthique. En cela il dit : « c’est parce qu’il y a une vigilance
avant l’éveil que le cogito est possible, de sorte que l’éthique est avant l’ontologie.
Derrière la venue de l’humain, il y a la vigilance à autrui. Le moi transcendantal dans sa
nudité vient du réveil par et pour autrui. »6 Ainsi, Dieu, la connaissance, ne se déduisent
pas dans le rapport à l’Être mais à l’Autre. Alors, comment Levinas pense-t-il l’altérité ?
L’altérité radicale de l’Autre désigne la différence irrécusable, absolue de l’autre.
Dans une relation, l’altérité est possible du fait que le Même demeure absolument le
Même et l’Autre infiniment étranger ou Autre. Il n’y a donc pas de fusion dans un rapport
avec l’Autre. C’est affirmer ici que l’altérité radicale préserve de l’hétérogénéité de
l’Autre dans sa relation au Même. L’altérité radicale de l’Autre est en lui et non pas par
rapport à Moi. Cette altérité est constitutive de l’autre, c’est l’essence même de l’Autre :
« L’Autre en tant qu’autre est Autrui »7.
Bref, pour Levinas, la relation à autrui n’est envisageable que comme altérité. En
effet, dit-il, « l’autre est l’altérité. »8 et cette extériorité de l’autre est fondée sur la liberté.
Autrement, nous pouvons nous poser la question de savoir comment se réalise cette
altérité et en quoi cela nous interpelle à la responsabilité pour autrui ? Pour y répondre,
Levinas fait intervenir la notion du visage.

II.2. L’épiphanie du visage et la responsabilité chez Levinas


L’épiphanie du visage est l’exceptionnelle apparition, exposition du visage pour
signifier l’altérité radicale d’autrui, l’extériorité insaisissable de l’Autre, qui se dérobe à
toute possession, à toute emprise du Moi ou qui refuse d’être contenu. Tout rapport avec
autrui implique une relation éthique. Le visage est à lui seul un sens. Le visage révèle

4
Emmanuel, LEVINAS, Altérité et transcendance, Fata Morgana,1995, p. 108.
5
Ibid., p. 108.
6
Ibid., p. 109.
7
Emmanuel, LEVINAS, Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Kluwer Academic, 1971, p. 67.
8
Emmanuel, LEVINAS, Altérité et transcendance, Fata Morgana,1995, p. 113.

4
Autrui, l’homme dans sa singularité. Pour Levinas, l’épiphanie du visage comme visage
n’est rien d’autre qu’une ouverture à l’humanité de l’autre homme.
Le visage d’Autrui m’interpelle et m’assigne sans cesse une responsabilité sans
dérobade. Le rapport à Autrui est un appel à une responsabilité. L’épiphanie du visage est
signification ; celle-ci m’interdit une totalisation dans la relation du Moi avec l’Autre, le
meurtre de l’autre en tant qu’autre : « L’épiphanie du visage est éthique. »9, c’est
pourquoi « le visage est seigneurie et le sans-défense. […] Ce visage de l’autre, sans
recours, sans sécurité, exposé dans mon regard dans sa faiblesse et sa mortalité est aussi
celui qui m’ordonne : “Tu ne tueras point” »10.
Le visage de l’autre, expression d’une nudité et d’une étrangeté, m’interpelle. Cet
appel exige une réponse qui m’assigne à la responsabilité illimitée pour autrui en
disant : Me voici! Cette réponse noue ma relation éthique avec autrui. Le visage est
fondamentalement pauvreté extrême, nudité. Il est vulnérabilité. Ainsi, le visage se trouve
dans un statut ambigu ; tantôt il est nudité, vulnérabilité donc rend possible la violence,
le meurtre, tantôt il ordonne, commande et par conséquent rend impossible le meurtre.
C’est ce caractère contradictoire du visage, faiblesse et autorité, qui fait que l’Autre se
distingue de tout objet. Pour Levinas donc, « dans la relation à autrui, l’autre m’apparaît
comme celui à qui je dois quelque chose, à l’égard de qui j’ai une responsabilité.
[…] L’intrigue de l’altérité naît avant le savoir. »11 Ainsi, le contact, comprenons-nous,
avec l’Autre n’est pas d’emblée de l’ordre du savoir mais de la responsabilité.
Bref, nous venons de voir que l’épiphanie du visage rend compte de l’altérité
irréductible d’Autrui et notre de responsabilité envers lui comme notre réponse à sa
demande. Quelle peut-être alors la portée philosophique de cette approche ?

III- ANALYSE CRITIQUE


III.1. Les mérites de l’auteur
L’auteur a le mérite de développer une philosophie de l’immanence qui nous
conduit à reconsidérer les fondements de la philosophie ancienne qui se penche
essentiellement sur l’Être. Pour Levinas, l’éveil du cogito ne naît que de la rencontre
d’Autrui. Ainsi, il ramène toute la philosophie à la question éthique, une éthique qui nous
invite à un engagement, à la responsabilité envers l’Autre. En effet, Levinas a le mérite

9
Emmanuel, LEVINAS, Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Kluwer Academic, 1971, p. 218.
10
Idem, Altérité et transcendance, Fata Morgana,1995, p.114.
11
Ibid., p. 111.

5
d’avoir été le premier à faire de la relation entre le Même et l’Autre, une relation éthique
essentiellement centrale de la philosophie : « No one more than Lévinas has made the
relation of the self to other, as ethics, more central to philosophy. »12 écrivait Richard
Cohen dans Ethics, Exegesis and Philosophy – interpretation after Levinas (page 283).
En outre, nous pouvons voir dans la pensée levinassienne, un humanisme qui se
dégage fortement. Cet humanisme nous conduit à la considération de l’autre homme et
encourage l’individu à rencontrer son prochain. Comme Levinas lui-même l’articule dans
ses écrits, le visage d’autrui m’assigne une responsabilité sans dérobade, parce que
m’appelant, face à sa nudité et sa vulnérabilité, à agir en humain, suscite ma bonté. Cela
se traduit par la sociabilité qui commande le Même à prendre soin de l’Autre, à le nourrir,
à le vêtir. Il dit en ce sens :
La sociabilité est cette altérité du visage, du pour - l’autre, qui m’interpelle, voix qui
monte en moi avant toute expression verbale, dans la mortalité du moi, du fond de ma
faiblesse. Cette voix est un ordre, j’ai l’ordre de répondre de la vie de l’autre homme.
Je n’ai pas le droit de le laisser seul.13

C’est pourquoi Jean-Paul Sartre peut penser la responsabilité comme un


humanisme, dans le sens où il fait reposer sur l’homme, non seulement l’entière
responsabilité de son existence mais aussi celui des autres. Pour Sartre donc, l’individu
est responsable de lui-même et du monde, il porte le poids du monde de telle sorte que
dans son agir, il doit tenir compte des autres. Il écrit en effet : « Quand nous disons que
l’homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l’homme est
responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est responsable de tous les hommes.
Ainsi, notre responsabilité […] engage l’humanité entière. »14
Bref, nous pouvons dire avec Dostoïevski qui résume ainsi la pensée levinassienne
que, nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que les
autres.15 Cependant, on peut se demander si la relation à autrui est-elle toujours éthique ou
peut-elle s’avérer conflictuelle? La philosophie de Levinas n’introduit-elle pas une non-
réciprocité de relation entre le Même et l’alter ego?

12
Clémentine, WOILLE, L’altérité selon Lévinas et Ricœur comme prémisse éthique au dialogue judéo-
chrétien [En ligne], Mémoire de Maîtrise en sciences des religions, université de Montréal, 2009, URL :
https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/4375/Clementine_Woille_2010_memoire.p
df, (consulté le 11 Mai 2021), (C’est nous qui traduisons) : Personne plus que Levinas n’a fait de la relation
entre le Même et l’Autre, une éthique, essentiellement centrale de la philosophie.
13
Emmanuel, LEVINAS, Op. Cit., p. 113.
14
Jean-Paul, SARTRE, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996, pp. 31-32.
15
Michel, ELTCHANINOFF, « COUPABLE DEVANT TOUS ET POUR TOUT » Justice et culpabilité
chez Dostoïevski, in Études, t. 414, 2011, pp. 77 – 87, [en ligne], URL : https://www.cairn.info/revue-
etudes-2011-1-page-77.htm, (consulté le 16 Mai 2021).

6
III.2. Les limites de la conception levinassienne de l’altérité
L’altérité radicale d’Autrui n’engage pas toujours une responsabilité du Même.
Le visage d’Autrui loin d’être une source de réalisation du soi-même se révèle parfois
destructeur.
En effet, comme le dit Sartre, Autrui est ma transcendance transcendée ; et ainsi,
il m’empêche de me réaliser en tant que liberté. Le regard objectivant d’Autrui me
paralyse, me fixe et je deviens à son regard un objet posé devant lui. De même, dans ma
relation à Autrui, mon regard l’aliène du fait même qu’il le dépouille et le pose devant
Moi-sujet comme un objet. Enfin, pour Sartre, si les rapports avec autrui sont tordus,
viciés, alors l’autre ne peut être qu’un enfer : « l’enfer, c’est les Autres »16.
Par contre, Paul Ricœur accuse l’altérité levinassienne d’allocentrisme. En effet,
il n’y a pas de réciprocité dans la relation du Même à l’Autre pouvons-nous constater.
Ainsi, l’altérité de Levinas repose sur Autrui à qui il réserve l’initiative exclusif de
m’assigner ma responsabilité. Du coup, il y a comme une impossibilité de relation
réciproque entre l’idem et l’ipse puisqu’elle se révèle univoque, unilatérale. Cette
opposition radicale de l’altérité de l’Autre à l’identité du Même fait penser à Paul Ricœur,
à une ignorance du soi en tant que sujet dans la conception levinassienne qu’il n’hésite
pas à qualifier de prétention : « […] cette prétention exprime une volonté de fermeture,
plus exactement un état de séparation, qui fait que l’altérité devra s’égaler à l’extériorité
radicale »17. Il renchérit : « Parce que le Même signifie totalisation et séparation,
l’extériorité de l’Autre ne peut plus désormais être exprimée dans le langage de la relation.
L’Autre s’absout de la relation, du même mouvement que l’Infini se soustrait à la
Totalité »18. Au final, Ricœur voit dans l’Autre une affirmation potentielle de l’identité
du Soi.
Bref, l’analyse critique révèle quelques insuffisances de la conception
levinassienne de l’altérité. En effet, sa conception de l’altérité paraît théorique mais en
réalité elle est plus pragmatique puisqu’elle nous invite à un humanisme qui encourage à
rencontrer le prochain. Autrement dit, à vivre ou à manifester l’amour mutuel.

16
Jean-Paul, SARTRE, Huis clos suivi de Les mouches [en ligne], Paris, Gallimard, 1947, p. 93, URL :
https://la-philosophie.com/wp-content/uploads/2012/12/Sartre-Huis-clos-Texte-complet-pdf.pdf
17
Paul, RICŒUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 387.
18
Ibid., p. 388.

7
CONCLUSION
Somme toute, il convient de dire que l’altérité est un concept essentiel de la
philosophie levinassienne qui permet de ramener et de recentrer la philosophie de même
que l’existence humaine sur l’éthique, seul garanti de l’épanouissement de l’homme, de
la vie en société et surtout de la paix. L’altérité radicale de l’Autre est un paradigme pour
la réalisation de la fraternité, de la justice et de la cohésion sociale.
Ainsi, même s’il semble que le rapport avec Autrui peut s’avérer parfois
conflictuel, du fait même de l’identité totalisante du Même, même si Autrui confisque ma
liberté et m’empêche par ce fait de me réaliser ; faisant une analyse logique de la situation,
il nous paraît clair que l’éthique de la responsabilité que nous commande l’épiphanie du
visage est un vrai garanti d’humanisation de l’homme.
L’analytique de l’extériorité de l’autre homme, Autrui, se révèle comme un
humanisme auquel Levinas nous appelle. Si Dieu nous vient à l’idée, c’est justement dans
le rapport avec l’Autre qu’il se concrétise, s’affirme et se confirme.
La philosophie de Levinas nous ramène à la réalité concrète de notre vie. C’est
justement à cause de l’oubli de la vie concrète, du souci du respect mutuel, du rapport que
le sujet doit avoir à l’égard des autres pour la garantie d’un monde de paix, que Levinas
a critiqué et rejeté l’ontologie qui s’est égarée dans la compréhension d’un être
transcendant et finit par oublier l’essentiel de l’existence humaine.
La concrétude de l’existence humaine est de réaliser l’humanité sur des bases
éthiques solides, de dire Dieu à travers notre fraternité ou la reconnaissance de l’Autre.
De ce fait, la philosophie doit nous ramener à la praxis, c’est-à-dire être capable de mettre
au cœur de sa démarche l’éthique à même d’aider l’homme, de l’humaniser, de le rendre
proche de l’autre.

8
BIBLIOGRAPHIE
- LEVINAS, Emmanuel, De Dieu qui vient à l’idée, Paris, Vrin, 1982.
- LEVINAS, Emmanuel, Altérité et transcendance, Fata Morgana,1995.
- LEVINAS, Emmanuel, Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité, Paris, Kluwer
Academic, 1971.
- WOILLE, Clémentine, L’altérité selon Lévinas et Ricœur comme prémisse
éthique au dialogue judéo-chrétien [En ligne], Mémoire de Maîtrise en sciences
des religions, université de Montréal, Juin 2009, URL :
https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/4375/Clementine_
Woille_2010_memoire.pdf, (consulté le 11 Mai 2021 à 11h00).
- SARTRE, Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996.
- SARTRE, Jean-Paul, Huis clos suivi de Les mouches [en ligne], Paris, Gallimard,
1947, URL : https://la-philosophie.com/wp-content/uploads/2012/12/Sartre-
Huis-clos-Texte-complet-pdf.pdf, (consulté le 12 Mai 2021).
- RICŒUR, Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
- ELTCHANINOFF, Michel, « COUPABLE DEVANT TOUS ET POUR TOUT »
Justice et culpabilité chez Dostoïevski, in Études, t. 414, 2011, pp. 77 – 87, [en
ligne], URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2011-1-page-77.htm,
(consulté le 16 Mai 2021).

9
Table des matières
INTRODUCTION………………………………………………………………1
I- LA PENSEE DE L’ÊTRE………………………………………………2
I.1. L’être comme source de connaissance…………………………...2
I.2. La problématisation ou critique de l’Être comme source du
savoir …………………………………………………………………3
II- LA QUESTION DE L’AUTRE…………………………………………3
II.1. Levinas et la question de l’altérité…...………………………3 - 4
II.2. L’épiphanie du visage et la responsabilité chez
Levinas……………………….…………………………………...4 - 5
III- ANALYSE CRITIQUE…………………………………………………5
III.1. Les mérites de l’auteur……………………………………..5 - 6
III.2. Les limites de la conception levinassienne de
l’altérité…………………………………………………………………………..7
CONCLUSION………………………………………………………………….8
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………...9
Table des matières……………………………………………………………..10

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