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Nelly Mantoux

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
FEV 19 – 10 décembre 2000
 
E.P.G. Mémoire de second cycle
 
 
 
 
 
 
Sommaire
 
I - Introduction 3
 
II – D’où vient la notion d’awareness ? 5
 
III - Quelques définitions de l’awareness 7
 
IV - La théorie gestaltiste au travers de mon histoire 9
 
1 Mon histoire de la naissance à 3 semaines 9
 
2 Mon histoire de 3 semaines à un an 10
 
3 Théorie de ma naissance à un an 11
a) a)    Abandon 11
b) b)   Self 12
c) c)    Contact
14
d) d)   Cycle du Contact 14
 
4 Mon histoire de 1 an à 14 ans 16
Contraintes existentielles 18
 
5 Les années de l’école primaire 20
 
6 Théorie des années « primaire » 23
a) a)    Résistances 23
b) b)   La Confluence 24
 
7 Mon histoire de l’adolescente à la jeune femme 26
 
 
V - De la non-conscience vers la conscience 28
 
 
VI - De la conscience vers l’awareness 29
 
 
VII – Conclusion 32
 
 
Bibliographie
 
 
 
MEMOIRE
 
 
 
De la coupure vers l’awareness
 
 
 
 
 
I - INTRODUCTION
 
 
 
 
« Qu’est-ce que tu sens ? »
 
 
Dès mes premiers week-ends en groupe continu, j’ai entendu le thérapeute me demander :
 
  « et là, qu’est ce que tu sens ? »
 
Quelle question bizarre !
 
Qu’est ce que je pense ? Qu’est ce que je comprends ? Pourquoi ? Comment ? Voilà des
questions auxquelles je pourrais répondre...
 
D’ailleurs, je trouvais vite une pirouette pour élaborer un raisonnement logique ou argumenter
une déduction !
Le thérapeute me laissait rarement m’échapper longtemps et revenait inlassablement à
« oui et... que ressens-tu en ce moment ? » ou...  « et là, qu’est ce qui se passe pour toi ? » 
Je restais bouche bée, ébahie... , je finissais par découvrir que j’avais un peu chaud ou un peu
froid...
 
En fait, je ne sentais RIEN ; si ! , de la honte de ne pas savoir répondre à la question posée et
de me retrouver dans la position de la mauvaise élève, celle qui ne « sait pas ». Et ça, je
connaissais bien !
 
Tant de fois mes parents m’avaient dit que « je ne savais rien », que « j’étais empotée » que
« j’étais incapable » !
Je retrouvais cette honte diffuse des années d’enfance qui resurgissait régulièrement dans des
circonstances « d’évaluation ».
 
Pourtant là, dans le regard du thérapeute, je voyais de la bienveillance, de l’attention, et
l’absence évidente de jugement me troublait encore plus...
 
 
 
 
 
Non, je n’étais pas incapable mais incapacitée, handicapée... Quand, lors d’un travail, je me
retrouvais plongée dans des années de mon enfance, revivant des situations difficiles à
revisiter, à la question :  « et là, qu’est ce que tu sens ? » je restais sans voix, interdite ! ...
interdite de répondre, car interdite de sentir !
 
 
 
« Ne ressens pas ! »  a sans doute été l’introjection parentale la plus forte que j’ai gobée
d’autant plus facilement qu’elle était non dite et renforcée par l’introjection :
 
« Ce que tu ressens est faux ! »
 
 
Et pourtant, à la lumière de mes années de thérapie ; je pense que si j’ai si bien obéi à ces
deux introjections parentales, c’est qu’elles m’ont probablement permis de traverser toutes ces
années d’enfance. Peut-être que si j’avais « senti » et si j’avais su que ce que je ressentais était
juste, je ne serais pas là aujourd’hui...
 
Je vais explorer l’histoire de mon enfance pour mettre en lumière les épisodes qui m’ont
amenée à me protéger en me coupant de mon awareness.
 
Afin de mieux voir comment je m’y suis prise pour ne pas sentir mes émotions, je vais dans
un premier temps regarder le processus du self selon la théorie gestaltiste, puis tout en
cheminant chronologiquement, je vais éclairer mes comportements de l’époque à l’aide des
concepts gestaltistes que j’ai privilégiés : - le cycle de contact, - les résistances, - les
contraintes existentielles...
 
Ce n’est pas un travail exhaustif, j’ai choisi principalement les points théoriques qui m’ont le
plus aidée à rentrer en contact avec ma propre intimité.
Pour illustrer l’importance que revêt pour moi aujourd’hui la vie « en awareness », je vais en
rechercher l’origine historique, puis je vais recueillir des définitions de différents auteurs
gestaltistes.
 
Je vais poursuivre en décrivant comment petit à petit j’accueille mes ressentis et je m’autorise
à vivre mon awareness.
 
Je conclurai en évoquant le changement profond qui est en train de s’opérer en moi, et les
perspectives qui en découlent.
 
 
 
 
 
 
II - D’OU VIENT LA NOTION D’AWARENESS ?
 
 
J’ai éprouvé la curiosité de rechercher l’origine de la notion d’awareness.
 
Perls fait référence au travail de Charlotte Selver et considère que c’est elle qui l’a formé à
l’approche corporelle.
J’ai trouvé un document1[1] rédigé par Michael Tophoff, qui est gestalt thérapeute et qui a été
proche de Charlotte Selver pendant 12 ans.
Pour ce rapide historique, je me suis largement inspirée de ses écrits.
 
 
Au début des années 50, Fritz Perls et Erich Fromm font partie des premiers élèves de
Charlotte Selver. Ils prendront des cours régulièrement avec elle pendant 18 mois Elle-même
est élève d’Elsa Gindler et de Heinrich Jacoby. Etant juive, elle a émigré à New-York en 1939
et c’est aux Etats Unis qu’elle développe la discipline de : « la prise de conscience sensorielle
du corps » ou : « Sensory Awareness ».
 
Qu’est ce que la « Sensory Awareness » ?
 
Alan Watts2 en donne la description suivante :
 
« La méthode de Sensory Awareness n’a rien à voir avec une posture, des exercices ou une
discipline du corps qui serait d’une manière quelconque préconçue comme une entité
différente de nous même. Le principe en est de comprendre ce que l’on ressent présentement
partout et à tous les niveaux sans le nommer et ensuite de répondre à cela de telle manière que
l’acte de réagir n’est plus séparé de l’acte de sentir. Vous ne distinguez plus entre l’univers et
votre action à son égard ».
 
On peut déjà parler d’indivisibilité du champ organisme - environnement.
 
La respiration est un des principes fondamentaux de notre ancrage dans le champ organisme
environnement. Ainsi, Charlotte Selver fit, au début de sa carrière, une étude exhaustive des
diverses techniques de respiration. Plus tard, elle s’attacha au désapprentissage de ces
méthodes car elles sont appréhendées comme un système isolé ; or la respiration est une
fonction d’échange par excellence
 
Le travail de Sensory Awareness nous permet de faire l’ expérience de ce que le fait de
respirer exige, au lieu de nous focaliser sur ce que nous demandons à notre respiration. En
nous donnant l’autorisation de respirer nous apprenons à nous adapter aux demandes toujours
changeantes que nos mouvements variants exigent de notre corps dans un environnement lui-
même en variation constante.
On peut dire que dans le processus continu de notre respiration, notre organisme existe en tant
que Gestalt.
 

Michael Tophoff « Sensory Awareness et Gestalt-Thérapie ».I.G.B 1992


1[1]
2
Alan Watts (Matière à réflexion, Ed. Denoël, 1972) était un élève américain de Charlotte Selver ; il est
aujourd’hui membre de l’  « Académie Américaine d’Etudes Asiatiques ». Il a écrit plusieurs ouvrages sur le
Bouddhisme Zen.
Or, il est essentiel pour la survie de n’importe quel système ouvert qu’il y ait un échange
d’informations avec l’extérieur.
Et puisqu’il est impossible qu’un système vivant puisse exister d’une manière isolée,
Charlotte Selver proposait ce travail en groupe.
 
« En apprenant à respirer, elle apprenait à laisser les autres entrer en contact, non pas à travers
le regard - en fixant avec les yeux - mais en les admettant dans notre champ de vision. La
vision pouvait être suivie par un rapprochement sous forme de toucher : par exemple, un
membre du groupe pouvait placer ses mains sur la tête de quelqu’un.
Les questions qui pouvaient alors être explorées étaient : suis-je prêt à être touché ? puis-je
être présent avec ma main sur sa tête ? ma posture est-elle influencée par ma main posée sur
sa tête, comment ma respiration réagit-elle au toucher ?
Suis-je capable d’être là pour l’autre, en respectant ma propre intégrité exactement autant que
celle de l’autre ?
Les participants y apprenaient à savoir faire la distinction entre d’une part nos perceptions et
d’autre part les concepts qui font partie de notre conditionnement selon lequel le « toucher »
serait associé à l’érotisme, à la peur, à l’humiliation ou à la douleur ».2[2]
 
Selver précise : « Dans le travail de Sensory Awareness nous démêlons patiemment ce qui est
perception et ce qui est image. Nous construisons sur nos sensations proprioceptives. Les
sensations venant de l’intérieur sont comme des étoiles qui apparaissent seulement quand la
lumière artificielle est éteinte. Lorsqu’il y a assez de quiétude elles peuvent être très
précises ».
 
Cependant, Charlotte Selver ne considérait pas son travail comme une psychothérapie mais
comme une pratique, un travail interne, au même titre que la méditation Zen.
 
Et pourtant, les troubles de la fonction personnalité se manifestent chez le client comme une
réponse habituelle à des obstacles externes, c’est à dire, des empêchements considérés en
dehors de soi-même. L’apport de la Sensory Awareness est d’aider la personne à retrouver
son intégrité et lui permet de voir les liens de cause à effets des troubles auparavant ressentis
comme séparés et extérieurs.
Ce travail insiste sur l’exploration patiente par le client de son corps, de ses besoins à chaque
moment dans une situation donnée.
 
Le travail de Sensory Awareness est essentiellement centré sur la personne.
 
Cela m’intéresse de voir comment Perls et Fromm ont pu être touché par cette approche et
s’en inspirer jusqu’à adopter le terme Awareness.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2[2]
Alan Watts, Op. cité
III - QUELQUES DEFINITIONS DE L’AWARENESS
 
 
L’awareness tient une place primordiale dans la théorie de la Gestalt
 
 
De nombreux auteurs gestaltistes en donnent des définitions selon leur sensibilité et leur
expérience, j’ai choisi d’en citer quelques unes qui me paraissent pertinentes :
 
 
SERGE GINGER :
 
 « L’Awareness est la prise de conscience globale dans le moment présent, attention à
l’ensemble de son ressenti corporel et émotionnel, interne et environnemental (conscience de
soi et conscience perceptive) de même qu’à ses processus cognitifs »3[3].
 
« L’Awareness est une attention flottante, vigilance à la fois délibérée et préconsciente :
intellectuelle, émotionnelle et corporelle, concentrée sur le vécu intime et subjectif interne et
sur l’environnement externe (perçu subjectivement lui aussi), cette « conscience immédiate »
du présent dans toutes ses dimensions est recherchée aussi bien dans le Zen bouddhiste qu’en
Gestalt.
Il s’agit d’être attentif au flux permanent de mes sensations physiques (extéroceptives et
proprioceptives), de mes sentiments, de prendre conscience de la succession ininterrompue
des figures qui apparaissent au premier plan, sur le « fond » constitué par l’ensemble de la
situation que je vis et de la personne que je suis sur le plan corporel, émotionnel, imaginaire,
rationnel ou comportemental »4[4].
 
 
 
NOËL SALATHE :
 
 
« L’Awareness est la reconnaissance, la prise de conscience marquée d’affect, de sentiments,
d’une relation entre l’organisme et l’environnement (...) la personne sait ce qui l’habite, elle a
atteint l’awareness »5[5].
« Période durant laquelle je prends conscience de ce que je désire, de mon excitation et de
mon émotion »6[6].
 
On peut noter que dans la définition de Salathé, la simple sensation est élargie jusqu’au
sentiment et la notion de temporalité est introduite.
 
 
 
 
 
JEAN-MARIE ROBINE :
 
 
3[3]
Serge Ginger « La Gestalt, une thérapie du contact » Hommes et groupes éditeurs, 1990
4[4]
Serge Ginger, Revue de la SFG, n°1, « vingt notions de base, vingt ans après »
5[5]
Noël Salathé « Psychothérapie existentielle » p.21. Ed.Amers Paris,1992.
6[6]
Noël Salathé, « Précis de Gestalt thérapie », p.24 Ed. Amers, Paris, 1987
 « L’Awareness est une forme de conscience dont dispose également l’animal et qui est à la
fois motrice sensorielle, intégratice de l’ensemble des données du champ. On pourrait dire
qu’elle est connaissance immédiate et implicite »7[7].
Il rappelle la distinction entre awareness- conscience immédiate - et consciousness-
conscience réflexive ou pensée.
 
Un des objectifs de la thérapie est de rendre le client « consciemment conscient » et de l’aider
à recouvrer une véritable qualité de contact avec l’environnement. Pour lui l’awareness
véritable structure l’expérience, c’est à dire « ce qui est là » en une gestalt claire et complète.
 
Pour Jean-Marie Robine, «  l’awareness du thérapeute se manifeste dans une sensibilité très
vive, dans une capacité à percevoir les matériaux en attente, les besoins, désirs et appétits, et à
les faire surgir et s’organiser dans une figure »8[8].
 
 
 
 
 
JEAN-MARIE DELACROIX :
 
 
« L’Awareness est une mobilisation active de la conscience devenant attention et vigilance.
Elle est au service de la recherche de la bonne forme et de la croissance de l’être humain ainsi
que du champ dont il fait partie intégrante.
 
L’awareness est la base fondamentale de l’expérimentation et lui donne sens. C’est l’être et
non le faire, la mise en évidence du « je en train de » et non du « je dissous dans l’action.
Le témoin transcende l’agir »9[9].
 
 
 
 

7[7]
J.M Robine, « la Gestalt-Thérapie », p.25, Essentialis, Ed ; Morrisset Paris, 1994
8[8]
Idem
9[9]
J.M. Delacroix, « Gestalt-Thérapie, Culture africaine », p.75, Ed. L’Harmattan, 1994
 
IV - LA THEORIE GESTALTISTE AU TRAVERS DE MON HISTOIRE
 
 
Je vais revisiter ma propre histoire avec la perception que j’en ai aujourd’hui, c’est à dire, de
façon subjective. Je vais tenter de mettre entre parenthèses les jugements et regarder mon
enfance avec une attitude d’enfant.
En phénoménologie, il est plus important de décrire que d’expliquer, je vais davantage
regarder le « comment » et de mettre de côté le « pourquoi » .
 
 
 
 
1 Mon histoire de la naissance à 3 semaines
 
 
Je suis arrivée dans ce monde dans un magasin !
 
 
Ma mère avait quitté sa ville natale, une tranquille bourgade de Franche-Comté, peu après son
mariage pour venir vivre son rêve à Paris : monter un commerce qu’elle tiendrait elle-même,
tandis que son mari conserverait son métier de fonctionnaire. Elle assouvissait ainsi à la fois
son besoin d’indépendance et de sécurité matérielle indispensables pour elle.
 
Mes parents ont donc acheté une « Mercerie - Bonneterie » dans le 13° arrondissement. Ils
déménagèrent pour s’installer dans les deux pièces de l’arrière boutique et, de suite,
transformèrent l’enseigne en « Papeterie - Journaux »
Ce changement impliquait des rénovations, que, faute d’argent, ils remirent à plus tard. Ils ont
conservé les dizaines de petits tiroirs en bois qui tapissaient les murs du sol au plafond, qui
contenaient le stock des années 50 : des bobines de fil, des centaines de boutons, des bonnets
de soutien-gorge. Le tout défraîchi réduisait encore l’espace privé mais...  « on ne sait
jamais » !
 
Avec les premières livraisons de journaux et magazines, les clients commencèrent à arriver, le
tiroir caisse à se remplir et ma mère s’est très vite passionnée pour ce nouveau métier. Elle
adorait vendre et était sans doute une excellente commerçante.
Quand elle se sut enceinte, elle en fut vivement contrariée mais ne changea rien à son mode
de vie. Elle continua à recevoir quotidiennement ses journaux et ses clients avec vivacité et
courage jusqu’à la veille de l’accouchement !
 
Mon père, quant à lui, se sentait étouffé dans une vie trop contraignante. Il s’était marié
relativement tard, à 29 ans, pour profiter de sa « vie de jeune homme ». Il appréciait sa liberté
et son indépendance. Il était météorologiste et les quatre années qui précédèrent son mariage,
il avait choisi une affectation professionnelle maritime qui lui permettait de naviguer trois
semaines dans le monde entier suivies de quatre semaines de vacances. Et voilà qu’il se
retrouvait dans un poste routinier en banlieue parisienne astreint par sa femme à rentrer sans
tarder à la boutique pour la relayer à la vente et faire la comptabilité après la fermeture.
 
 
A cette époque, la librairie ouvrait à 6 heures et restait ouverte jusqu’à 20 heures tous les jours
et n’était fermée que le dimanche après-midi. Jeune marié, sans soirée ni week-end, sa vie
était pleine de contraintes et centrée autour du travail
 
Sa motivation était de « réussir dans la vie », c’est à dire de gagner honnêtement
suffisamment d’argent pour rembourser les dettes, rénover le commerce puis acheter des
appartements pour les louer afin de capitaliser et bénéficier de loyers.
Mes deux parents étaient d’origine modeste et aspiraient avidement à changer de niveau
social.
 
Dans ces circonstances, l’arrivée d’un bébé était dérangeante pour l’un comme pour l’autre.
J’ignore d’ailleurs tout des conditions de ma naissance, je sais seulement que passées les trois
premières journées à la maternité, ma mère, très impatiente, a repris sa place dans son
magasin dès le 4° jour, sans aucune aide.
 
J’étais donc seule dans l’arrière boutique la plupart du temps.
Elle m’allaitait derrière le comptoir et pouvait ainsi continuer à vendre.
Entre les pièces de monnaie et l’encre des journaux, l’hygiène devait être très relative... Quant
aux câlins je pense qu’ils étaient réduits au minimum tant elle était pressée de se retrouver les
bras libres.
 
Tout ce que ma mère m’a dit de cette période, c’est qu’elle était très fatiguée... par ma faute :
mes cris dérangeaient les clients et la nuit j’empêchais mon père de dormir.
Cette situation ne pouvait vraiment pas durer et la solution choisie par mes parents a été de se
séparer de moi...
 
 
 
2 Mon histoire de 3 semaines à 9 mois
 
 
 
Mes grands-parents maternels se sont alors mobilisés et sont venus me chercher pour
m’emmener avec eux dans leur maison à Pontarlier dans le Jura. Dans ce climat de panique,
aucun de ces adultes n’a pris soin de m’expliquer la séparation ni l’arrêt brutal de
l’allaitement. D’ailleurs, à cette époque, les bébés ne comprenaient rien...
 
Je suis restée chez mes grands-parents Juliette et Emile - que j’appellerai plus tard papy et
mamy - neuf mois...
Ma mère n’est venue me visiter qu’une seule fois, un aller-retour dans la journée.
Mon père a été totalement absent.
 
Pendant ces neuf mois je sais que j’ai été choyée par mes grands-parents. Mamy était encore
en activité, elle était couturière à domicile ce qui m’assurait de sa présence. Papy, lui,
travaillait encore dans l’usine à bois toute proche où il était ouvrier, il rentrait déjeuner.
 
 
 
 
Juliette et Emile s’étant mariés tard et ayant eu leur fille unique 7 ans après, étaient déjà très
âgés. Ils restaient marqués par les restrictions des deux guerres, les rigueurs des hivers
jurassiens sans chauffage et toute une enfance (avant 1914) dans une grande pauvreté. Leur
vie était laborieuse, chiche. Ils ne s’accordaient pas de loisirs. Tous les deux étaient taciturnes,
échangeant le minimum de mots et ne recevant chez eux que quelques membres de la famille
et peu d’amis, évidemment de leur âge !
La présence d’un bébé égayait cette ambiance et les rajeunissait d’un quart de siècle à l’âge
où eux-mêmes parents de leur fille Nicole, ma mère, menaient, dans la même maison, un
mode de vie en tout point semblable. D’ailleurs tous leurs amis ainsi qu’eux-mêmes
m’appelaient Nicole !
 
 
Mamy a redécouvert la joie de s’occuper d’un nourrisson. Elle a aimé faire ma toilette, me
langer, me nourrir, me câliner. Elle était fière de me promener dans les rues de Pontarlier !
Elle a pris soin de moi, m’a sécurisée. Et même si elle était peu démonstrative, elle m’a donné
tout au long de ces mois une réelle affection et beaucoup de tendresse.
J’avais trouvé un vrai foyer, des parents... de substitution.
 
 
 
 
 
3 Théorie de ma naissance à un an:
 
 
a) Abandon :
 
 
J’avais 3 semaines quand ma mère a pris la décision de se séparer de moi. J’ai dû ressentir un
abandon réel et j’ai certainement été envahie de panique, d’angoisse de séparation, de
culpabilité, d’impuissance, de passivité, de vide et de nullité (comme le liste Masterson - dans
« les Etats limites »).
 
Moi, bébé, je n’étais rien pour ma mère, je n’avais aucune valeur, pire j’étais indésirable, à
rejeter.
 
J’ai enregistré que c’était forcément de ma faute. J’ai gardé cette introjection primaire que
j’étais « de trop », « je dérangeais », et, que pour ne pas être en danger, je devais me faire
oublier à tout prix. Si je tenais à rester en vie je devais absolument devenir transparente. Cette
tactique de survie me protégeait et me mettait à l’abri d’un nouvel abandon.
 
 
 
Dès la naissance j’ai vécu dans une carence totale d’amour parental et je me suis trouvée
confrontée à une insuffisance de confirmation existentielle. Tout était réuni pour provoquer
des dysfonctionnements pathologiques du self.
 
 
b) Le self
 
 
Perls le définit simplement comme :
 
«  un système de contact à tous les instants. »10[10]
 
Il développe en précisant que le self est :
 
« Le processus figure-fond aux contacts frontières, dans le champ organisme
environnement. »11[11]
 
Depuis Perls, la notion de self a fait couler beaucoup d’encre. J’aime bien cette définition
synthétique :
 
Le self est le processus d’adaptation de l’organisme à lui-même et à
l’environnement.
 
Ce processus se développe selon un cycle appelé cycle du contact.
 
Le self fonctionne principalement selon trois modes qu’on appelle les « fonctions du self :
la fonction « ça », la fonction « personnalité », la fonction « moi ».
 
En fonction  « ça » le self fonctionne sur un mode passif, l’organisme est soumis à des
sensations, des émotions qui émergent du fond.
 
En fonction « moi » le self fonctionne sur un mode actif ; c’est le mode volontaire qui prend
les décisions, qui fait les choix, c’est l’engagement du self avec l’extérieur.
 
En fonction  « personnalité » le self fonctionne sur un mode actif, c’est ce que je suis par
l’ensemble des expériences accumulées ; en fait : ce que je pense que je suis.
 
 
 
 
 
 
Mon self s’est élaboré dans cet environnement particulier :
 
Pour Mélanie Klein la fonction- « ça » est la fonction dominante jusqu’à l’âge d’un an. Mon
self en fonction- « ça » a été perturbé par une séparation brutale avec mes parents, un ressenti
d’abandon, un vide vertigineux aussitôt suivi par un changement radical de tout ce qui
constituait mon environnement intime : les odeurs, les bruits, la subite disparition du sein.
 
 
 
Du jour au lendemain,.j’étais privée du lait maternel et portée par des bras inconnus.
Même mon prénom avait changé.

10[10]
Perls « le moi, la faim et l’agressivité », Tchou Editeurs, 1978, p18
11[11]
Perls , Hefferline, Goodman, « Gestalt thérapie », Editions internationales, Stanké, 1979 ; p193
Jusqu’à l’âge d’un an, m’entendre aussi souvent appelée Nicole et parfois Nelly a dû
engendrer beaucoup de confusion En pleine période de construction de ma fonction-
personnalité, la perception de « qui j’étais » a été faussée.
L’élaboration de ma fonction-moi à été influencée par ce contexte insécurisant. Il m’était
difficile de choisir ce qui était bon pour moi.
 
Dans « le développement du self » Delisle,12[12] souligne aussi que pour le bébé :
 
- la fonction self dominante est la fonction « ça ».
- puis la fonction  « moi » :  « je » mets en place une action sur mon environnement.
- enfin la fonction « personnalité » s’élabore : plus j’ai conscience de qui je suis, plus
je peux le faire.
 
Je ne pouvais pas assimiler ce qui me faisait trop souffrir, alors je l’ai avalé rapidement-
comme on gobe une cuillérée d’huile de foie de morue- afin de ne surtout pas sentir. Ainsi, la
fonction « moi » s’est adaptée à l’environnement. A chaque fois que mon besoin – fonction-
« ça »- n’était pas assouvi, cela a conditionné la fonction  « moi », puis la fonction
« personnalité » :  « je suis de trop, je dérange », le but étant de conserver une certaine
cohérence à tout prix.
 
Grâce à ce stratagème, j’ai construis un monde cohérent dans lequel je pouvais vivre.
Ce faisant, j’ai mis en place une gestalt.
 
 
Perls énonce clairement :
 
 
« La réalisation d’une gestalt forte est en elle-même le remède, car la figure contact n’est pas
un simple symptôme, mais est en soi l’intégration créatrice de l’expérience »13[13].
 
J’aime cette approche optimiste de Perls, le problème en ce qui me concerne, est que tout au
long des années qui ont suivi, les circonstances ont encore renforcé les mêmes résistances.
Voyons comment.
 
 
Le monde que j’avais élaboré étais donc cohérent, mais rigide. Mon self était limité en
amplitude et n’était pas fluide14[14].
 
Or, on a vu que le self se développe selon un cycle appelé cycle de contact.
 
Je n’ai pas de souvenirs conscients de cette époque, mais je peux facilement imaginer à quel
point la souffrance du bébé que j’étais aurait été intolérable si je n’avais pas de suite élaboré
des mécanismes de survie.
 
Mon adaptation a été de couper le contact en interrompant le cycle du contact à chaque fois
que ça m’était nécessaire en mettant en place des résistances.

12[12]
Gilles Delisle « Les troubles de la personnalité » Edition du reflet, Montréal, 1993.
13[13]
Perls Gestalt thérapie, Op. cité, p15.
14[14]
Un self fluide serait un self capable en permanence d’être en ajustement créatif, avec spontanéité.
A ce moment là et dans cet entourage affectif si particulier, c’était un ajustement créateur de
l’organisme et de l’environnement.
 
Il me paraît important de préciser que le terme de CONTACT15[15] dépasse largement le sens
commun.
 
C’est une notion primordiale de la Gestalt qui contient la notion d’awareness.
 
 
 
c) Qu’est ce que le Contact ?
 
 
« Le contact est un tout qui englobe prise de conscience, réponse motrice et
sentiment - une coopération des systèmes sensoriels, musculaires et végétatifs -
et il se produit à la frontière contact entre le champ organisme-
environnement »16[16].
 
 
Le contact est la formation d’une figure sur le fond : « champ organisme-environnement ».
Ce processus de la formation figure-fond est un processus dynamique qui se déroule selon un
cycle appelé : le cycle du contact.
 
 
 
 
 
 
 
d) Le Cycle du contact
 
 
Le « cycle du contact » décrit donc comment l’organisme contacte l’environnement. A chaque
instant s’interpénètrent plusieurs cycles : en fait une multiplicité de micro-cycles s’élaborent
pendant un cycle en cours, lui-même pouvant faire partie d’un macro-cycle.
 
 
…/…
 

15[15]
La notion de « contact » est suffisamment caractéristique pour Serge Ginger, au point qu’il a intitulé ses
deux livres les plus diffusés, l’un : : « la Gestalt l’art du contact », l’autre :  « La Gestalt, une thérapie du
contact ».
16[16]
Perls, « Le moi, la faim et l’agressivité ». Ed. Tchou, 1978, p.45
Pour en faciliter la description théorique, plusieurs gestaltistes ont décomposé ces cycles en
phases. Celui de Serge Ginger17[17] est simple et évocateur :
 
 
      1. pré-contact - 2. engagement - 3. contact - 4. désengagement - 5. assimilation.
 
 
 
2. Engagement 4. Désengagement
 
3.Contact
 
 
 
1. Pré-contact
5. Assimilation
 
 
 
 
Tout cycle naît d’une Gestalt qui émerge du fond et tend à se dérouler harmonieusement. Un
cycle inachevé est à l’origine de frustrations, et n’aspire qu’à se refermer.
C’est Perls lui-même qui nomme ces cassures des « gestalts inachevées » et développe ainsi
l’outil principal du gestalt-thérapeute.
 
Une gestalt inachevée provoque un état de tension interne qui pousse l’individu à répéter
indéfiniment cette gestalt jusqu’à ce qu’elle soit enfin fermée.
Sinon, les gestalts inachevées finissent par se fixer en nous, on reproduit alors ces mêmes
gestalts indéfiniment. En effet, la même angoisse surgit au même moment du cycle
l’interrompant systématiquement au même moment. On est alors dans la névrose, indisponible
pour tout comportement nouveau.
 
 
Dès mes premières semaines de vie, je me suis protégée de la souffrance en me coupant de
mes émotions. C’est à dire que j’interrompais la progression du cycle dès la phase de pré-
contact ou pendant l’engagement.
 
Comme ce « confort émotionnel » me convenait, je l’ai répété. Puisque je n’en étais pas
consciente, c’était une névrose.
 
 
 
Donc, non seulement je n’étais pas en contact avec mes propres ressentis, mais
en plus je n’étais pas consciente que je les coupais.
 
Je n’étais vraiment pas en awareness !
 
 

17[17]
S. Ginger « La Gestalt. L’art du contact » p.70. Le cycle du contact en 5 temps, 1989.
Je conclus avec Yontef18[18]. :
 
« La connaissance de soi dans le moment (awareness) se définit comme le fait d’être en
contact vigilant avec l’élément le plus important dans le champ individu - environnement,
avec disponibilité de toutes les ressources sensori-motrices, émotives, cognitives et
énergétiques. »
 
 
 
 
 
 
4 Mon histoire de 1 an à 14 ans
 
 
Mes grands-parents étaient finalement satisfaits de cette nouvelle vie, mais le temps passait
sans aucune réaction de la part de mes parents géniteurs. Voyant la situation se prolonger, mes
grands-parents ont jugé préférable de se rapprocher d’eux.

A plus de 60 ans ils décidèrent de quitter le berceau familial, leur maison construite par Emile
(mon grand-père) pour aller s’installer dans un appartement parisien non loin de leur fille et
de leur gendre.
J’ai toujours entendu mes parents dire que ce déménagement avait été un sacrifice que mes
grands-parents avaient fait pour moi. Longtemps ça m’a été lourd à porter.
 
Ce changement de vie m’a une nouvelle fois déstabilisée.
 
En fait, mes parents n’ont pas été heureux de me retrouver. Leur centre d’intérêt étant plus
que jamais la rentabilité de leur magasin. Mais l’arrivée de papy était une aubaine car les
travaux de rénovation n’avaient pas été faits. Lui ; il saura les entreprendre.
Ma mère était de plus en plus débordée. La présence de mamy l’assurait d’une aide précieuse
pour les travaux ménagers et pour la vente.
 
Mes grands-parents ont emménagé dans un immeuble typique des années 1900 au 5° étage
sans ascenseur, sans salle de bains ni chauffage central. L’appartement se situait à plus d’un
kilomètre de la boutique. Chaque jour, Juliette et Emile se relayaient auprès de ma mère pour
la seconder.
 
 
 
Mamy remplaçait sa fille au comptoir, alors Nicole prospectait les grossistes pour diversifier
son commerce et étendre un rayon librairie. Pas une seule fois elle n’a profité de ce temps
libre pour venir me voir et passer une heure avec moi. Pas une fois !
En revanche mon père exigeait de mes grands-parents que je sois à la boutique quand il
rentrait de son travail...
 
C’était une contrainte pour mamy qui devait venir me chercher en fin de journée, attendre
mon père un temps aléatoire puis remonter les 5 étages avec moi dans les bras.
 
18[18]
G. Yontef : La Gestalt Thérapie,  « une phénoménologie clinique ». Traduit de l’Américain.
 
Je sais que j’étais lourde car même si très peu de photos en témoignent, la tradition familiale
ressasse que mamy me nourrissait beaucoup trop, que j’étais grosse et que mes parents
m’appelaient déjà « la boule ».
 
J’ai souvent entendu mamy se plaindre de cet ordre intraitable de mon père de « voir sa fille
en rentrant du travail ». C’était pour elle une sortie pénible à une heure tardive, non pour un
rendez-vous chaleureux, mais plutôt une formalité, un tribut à son statut de père. En effet, en
rentrant de son travail il passait sous nos fenêtres en voiture. Il ne s’est jamais arrêté...
 
Je n’ai pas de souvenirs de cette époque mais ce même schéma s’est reproduit pendant des
années et des années. La seule différence est qu’après je marchais sur mes deux pieds, puis
j’allais seule à la librairie.
 
En grandissant, j’ai pu observer qu’il n’y avait pas de chaleur entre mes grands-parents et mes
parents, que les rapports entre eux ressemblaient à ceux entre des bourreaux plus ou moins
conscients et des persécutés plus ou moins consentants, et que j’étais la première victime des
deux attitudes.
 
Entre eux il n’y avait pas d’expression d’amour, pas de gestes tendres. On ne se touchait pas !
 
J’interprétais comme marque d’affection l’aide quotidienne qu’offrait mes grands-parents à la
boutique et l’argent que mon père remettait ostensiblement chaque début de mois à ma grand-
mère pour ma pension alimentaire. Il planait le sous-entendu que papy et mamy avaient bien
de la chance de me garder. A la moindre contrariété entre eux, mes parents menaçaient de me
reprendre. (... !).
 
J’entendais ces disputes. Je voyais ma mamy se rétrécir encore et pleurer en silence. Je me
sentais responsable, impuissante et otage entre ces deux couples d’adultes.
 
Régulièrement, quand Juliette et Emile se retrouvaient à la maison après ces scènes, ils se
plaignaient de l’attitude de leur fille. J’étais triste de les voir malheureux et soumis. Quand
mamy, les yeux mouillés de larmes se tournait vers moi et répétait : « toi au moins, tu es
gentille », je me jurais alors intérieurement de ne jamais ressembler à ma mère !
 
En grandissant, je ressemblais pourtant de plus en plus à ma mère au même âge mais...
physiquement !
 
 
 
 
Tous les étés je passais mes vacances à Pontarlier et systématiquement amis et connaissances
de mes grands-parents m’appelaient Nicole ! On y allait en train. Sur place, il n’y avait même
pas de vélo. Les sorties étaient forcément limitées !
 
Les quelques jouets à ma disposition étaient des trésors que j’avais dénichés au grenier... Bien
sûr, mes parents ne m’achetaient pas de poupées. Eux, pourtant libraires, ne m’offraient ni ne
me prêtaient des livres..19[19]

Le seul livre que j’ai reçu d’eux était :  « La chèvre de M. Seguin » ! Morale : « la petite chèvre rebelle
19[19]

finira cruellement, dévorée par le loup »


Pas de cousins ni cousines de mon âge, je jouais dehors avec les rares enfants du voisinage.
Le plus souvent, j’étais seule à la maison.
 
Seule !
 
 
 
Contraintes - ou données- existentielles
 
 
 
La solitude est une des contraintes existentielles décrites par Noël Salathé.20[20]
 
Je vivais les trois formes de solitude ; la solitude intrapersonnelle la solitude interpersonnelle
et la solitude existentielle.
 
La solitude intrapersonnelle :
 
 
Je me coupais de mes propres ressentis et de mes propres pensées.
 
A peine j’entrais dans la phase d’awareness, aussitôt j’interrompais le cycle de contact tel un
fusible très sensible.
Je ne me permettais ni tristesse ni colère. D’ailleurs l’introjection parentale si souvent
répétée :  « tu as tout pour être heureuse » ne m’en donnait pas l’autorisation !
 
Moi, je n’étais pas triste pour moi. J’étais triste pour l’autre, pour ma pauvre mamy.
Moi, je n’étais pas en colère pour moi, j’étais en colère pour l’autre, pour ce que ma mère
faisait subir à ma grand-mère !
 
Mes interrupteurs de contact préférés étaient de magnifiques projections :  « c’est mamy qui a
des raisons d’être triste, d’être en colère... » et de superbes déflexions : j’imaginais tout ce qui
pouvait faire plaisir à mamy. J’adoucissais le plus possible sa vie. Avec le petit peu d’argent
que j’avais entre les mains, je lui trouvais des cadeaux symboliques.
 
Je me souviens d’un oeillet acheté au marché... Vers mes douze ans, j’ai commandé un gâteau
pour son anniversaire, à la pâtisserie, un vrai gâteau décoré au chocolat avec des bougies, je
me rappelle qu’il coûtait 50 francs. C’était le premier gâteau d’anniversaire que je voyais dans
la famille !
 
J’offrais ainsi à mon entourage ce que j’aurais aimé recevoir. Ce faisant, je me coupais de mes
manques et de mes frustrations.
 
Toute mon attitude étais sous-tendue par l’introjection parentale : « ne dérange pas ! »
renforcée par l’introjection grand-parentale : « toi, tu es gentille », « toi, tu ne déranges pas ».
 
 
La solitude interpersonnelle :
 

20[20]
Noël Salathé « Psychothérapie existentielle », Amers éd. Paris 1992
 
Fille unique sans autres liens familiaux, je me retrouvais le plus souvent seule.
 
Ma solitude était encore accentuée par les choix délibérés de ma mère : d’une part, elle ne
recevait jamais - ni famille ni ami . , d’autre part elle interdisait à mes grands-parents d’inviter
leurs propres amis chez eux et refusait aussi que j’invite mes amies... ! Il est arrivé que l’on
désobéisse à cette règle. A chaque fois, évidemment, elle l’a appris. A chaque fois, sa tyrannie
éclatait. Sa colère redoublait...
 
Dans ces conditions et sans réciprocité possible, j’hésitais à accepter les invitations de mes
amies.
 
Comment ai-je pu vivre dans cette solitude ?
 
Le manque familial m’a certainement motivée pour développer des échanges à l’extérieur. Le
milieu scolaire était propice. J’ai su lier des relations fortes avec des camarades de classe et
mes institutrices successives.
Plus j’interrompais le cycle de contact dès l’émergence de l’awareness, plus je cherchais le
plein contact, d’ailleurs sans en avoir conscience.
L’isolement dans lequel je vivais réveillait des peurs existentielles trop dures à affronter. J’ai
masqué cette angoisse en trouvant des moyens pour éviter de la ressentir.
Je suis entrée en relation avec l’autre.
 
 
L’autre ! Je le présupposais bon, bienveillant. J’avais besoin de fabriquer une image idéale de
l’homme... Je prêtais à chaque personne que je rencontrais toutes les qualités humaines qui me
touchaient. Quand un comportement me déplaisait ou me choquait, que je commençais à
entrevoir une émotion de colère se lever en moi j’imaginais aussitôt toutes sortes de bonnes
raisons pour justifier la personne.
 
J’étais dans le déni de la responsabilité : je maquillais la réalité, retirant à l’autre toute
responsabilité de son acte.
 
Cette projection me permettait de justifier totalement l’attitude de mes parents à mon égard. Je
me fabriquais ainsi un énorme pansement autour du cœur pour ne surtout pas ressentir un vide
affectif qui aurait été insupportable. En fait, je ne pouvais pas admettre la vérité.
 
 
Tout au long de ces années, je me suis coupée de la réalité, de ma propre réalité.
 
Je me suis coupée de mon ressenti. Je me suis coupée de mes désirs. Je me suis mise à l’abri
de mes propres émotions...
 
 
La solitude existentielle :
 
 
Sans le nommer, j’aspirais à une relation d’ordre divin... puisque mon père terrestre n’était
qu’une figure d’autorité, j’ai peut-être cherché un Père d’amour... céleste.
Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai pu mettre ces mots là...
J’ai grandi dans un contexte socioculturel judéo-chrétien, mais les adultes qui m’entouraient
vivaient la religion comme un ensemble de superstitions et non pas comme une croyance,
encore moins comme un axe spirituel. Mon père m’avait imposé le catéchisme comme il
m’avait imposé le latin, mais ce Dieu-là, m’était étranger... moi, j’étais en quête d’amour !
 
 
 
 
 
 
5 Les années de l’école primaire
 
 
 
Le lieu où je ne me sentais pas seule était l’école. J’adorais l’école !
J’y trouvais la compagnie d’enfants de mon âge, des jeux, les bavardages, les rires.
J’observais aussi les adultes et je découvrais un mode de communication inconnu. Cette école
parisienne de quartier avait une petite cour de récréation goudronnée entourée de murs,
plantée de deux seuls arbres, longée de bancs en bois. Mais dans mes yeux, c’était un
paradis !
 
Je m’amusais pendant les récrés ; mais j’aimais aussi les heures de classe. Tout un univers
merveilleux s’ouvrait à moi et j’avais soif d’apprendre. Sur la plupart de mes bulletins
s’inscrivait la mention « bonne élève appliquée et sage ».
 
 
Sage !
 
 
Ces bouffées d’air étaient limitées puisque, l’école étant éloignée, c’est mamy qui
m’accompagnait et revenait me chercher à quatre heures et demie tous les jours avec le
goûter.
Je rentrais donc sagement faire mes devoirs puis invariablement, je satisfaisais à la demande
de mon père en allant l’attendre au magasin.
 
 
 
 
La plupart du temps ma mère était occupée avec un client et levait à peine le nez vers nous,
mamy filait vite dans l’arrière boutique faire le ménage ou empiler les  revues et journaux
invendus. C’était un travail fastidieux qui consistait à classer et comptabiliser
quotidiennement tous les journaux et revues afin de les rendre le lendemain contre
remboursement.
 
J’aimais rester dans la boutique. Le va et vient des clients m’intéressait d’autant que certains
prenaient le temps de me sourire ou d’échanger avec moi quelques mots. Ma mère me parlait
peu, s’agitait beaucoup. Et selon son humeur me houspillait quand je me trouvais sur son
chemin. Je rejoignais alors ma grand-mère pour l’aider.
 
 
Rideau !
 
 
Le magasin se trouvait séparé de la cuisine par un simple rideau. Souvent, Nicole venait nous
voir et laissait éclater son énervement sur nous ; étonnamment, dès qu’elle passait la tête de
l’autre côté du rideau, côté boutique, elle était instantanément sucre et miel. Une
métamorphose totale, son corps s’assouplissait, sa voix s’adoucissait, son sourire transformait
son visage... ! Dès qu’elle réapparaissait côte cuisine, toute son attitude se raidissait à
nouveau. C’était fascinant, peut-être à l’origine de mon attirance ultérieure pour le théâtre... ?
 
En fait, il arrivait que ma mère se mette dans des colères terribles. Je croyais voir un ouragan
capable de tout détruire ; brusquement elle étalait les piles de publications méthodiquement
alignées par nos soins qui s’éparpillaient et se mélangeaient par terre, ou encore, tout à coup
elle renversait la vaisselle... !
 
Ses plus spectaculaires débordements étaient provoqués par mon père. Pendant toutes ces
années, elle s’est persuadée qu’il profitait de son immobilité imposée par le commerce pour la
tromper. Elle suspectait certaines de ses clientes, imaginait des scénarios de rendez-vous
galants, fantasmait des rencontres. Sa jalousie exacerbée la faisait terriblement souffrir et nous
en subissions les conséquences. Dès qu’arrivait l’heure présumée du retour, de mon père, s’il
n’était pas là, son angoisse montait et son délire s’enclenchait. Dans ces moments là, elle me
parlait, m’interrogeait, me prenait à témoin et même m’envoyait surveiller les portes de ses
suspectes favorites.
 
Quelle ambiguïté cela représentait pour moi ! Enfin j’existais dans les yeux de ma mère, enfin
je me sentais reconnue, écoutée, valorisée ! Dans le même temps, ce qu’elle me demandait,
c’était de surveiller mon père alors que j’étais là pour l’attendre ! Quelle confusion !
Quand enfin il franchissait le seuil de la porte deux options étaient possibles :
 
      Soit ma mère soulagée lui sautait au cou. Ils s’embrassaient passionnément... et je me
sentais coupable... de trop, je dérangeais ;
 
      Soit sa colère se déchaînait. Elle pouvait alors être violente en mots et en gestes contre
lui quand il n’y avait personne d’autre que mamy et moi car dès qu’un client arrivait,
l’effet « rideau » fonctionnait de façon stupéfiante.
  
 
Pendant ces disputes mon père traitait ma mère de folle parlait même d’internement ce qui ne
l’apaisait pas, bien sûr !
Au bout d’un temps incertain, ils finissaient toujours par se réconcilier avec effusions.
Mon père s’apercevait alors de notre présence, vérifiait notes et devoirs le plus souvent
sèchement, échangeait quelques mots avec mamy et nous repartions toutes les deux à la fois
traumatisées et soulagées.
 
 
Avec mon éclairage actuel, vu la fréquence élevée de ces scènes et leur intensité, je peux
avancer que ma mère à cette époque était borderline. J’ai le projet d’en chercher les racines
éventuelles dans un travail de psychogénéalogie et éclairer ce qui a pu se passer pour elle,
mais ce n’est pas mon sujet ici.
 
Aujourd’hui, l’objet de ce mémoire est de mettre à jour les effets de cet environnement
parental et grand-parental sur mes réactions de l’époque et comment ces gestalts sont encore
actives en moi.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
6 Théorie des années de la primaire :
 
 
 
La petite fille que j’étais devait être dans l’incompréhension et dans l’insécurité.
J’étais plongée alternativement dans deux milieux très différents :
- chez mes grands-parents, le climat était calme, stable mais ils étaient tous deux soumis -
tendance au masochisme -, tristes voire dépressifs.
- chez mes parents l’ambiance était explosive, hystérique. Ils étaient autoritaires - tendance au
sadisme - paranoïaques, parfois violents.
Entourée et dépendante de ces adultes excessifs et contradictoires, je devais
fondamentalement trouver un mécanisme sécurisant !
 
J’avais déjà introjecté dans ma première enfance que si je ne voulais pas être rejetée, je ne
devais pas m’exposer, ni faire de bruit. Je devais m’effacer, être transparente : « n’existe
pas ! ».
 
Je me mettais donc en retrait pour me protéger. Affronter la réalité aurait été trop souffrant.
J’ai préféré éviter la situation réelle en m’empêchant de sentir. J’interrompais le cycle du
contact en mettant très vite en oeuvre des résistances.
 
 
 
 
a) Résistances
 
 
 
Les résistances sont des mécanismes d’interruption du cycle du contact.
 
 
Ces mécanismes pouvant être sains ou pathologiques, j’aime bien cette présentation :
 
« les résistances sont des moyens de gérer le contact ».
 
Car tant que la résistance est judicieuse et appropriée, elle est utile et bénéfique : on parle
alors de saine résistance.
 
Tout un ensemble de mécanismes d’adaptation à la situation se mobilisaient.
J’ai déjà montré comment les introjections interrompaient le cycle, comment j’élaborais des
déflexions et projections. Je vais maintenant décrire la confluence qui était ma résistance
« favorite » et qui reste aujourd’hui l’interruption de contact qui me prive le plus souvent de
l’awareness.
 
 
 
 
 
 
b) La Confluence :
 
 
Dans cette résistance, il n’y a plus de différence entre le « Je » et l’environnement, c’est une
situation de non-contact par absence provisoire de frontière-contact.
 
« La frontière-contact n’est pas une « frontière entre », mais une frontière contact, c’est à dire
qu’elle ne sépare pas l’organisme de son environnement mais qu’elle le contient, qu’elle le
protège et en même temps le touche »21[21].
 
C’est à la frontière-contact que se situe l’expérience.
 
En bloquant le cycle du contact, la confluence inhibe aussi la phase de retrait indispensable à
l’assimilation et à l’émergence d’une nouvelle figure.22[22]
 
C’est à la frontière-contact que l’interaction était traumatisante alors c’était plus facile pour
moi de « brouiller 23[23]» la frontière. Cette dissolution momentanée de la frontière, permettait
une indifférenciation entre moi et l’environnement allant jusqu’à la perte d’identité !
 
Dans cette confusion entre moi et les autres :
 
- je ne ressentais plus mes propres désirs, ni mes propres besoins.
 
- je refusais de prendre conscience de possibles émergences d’agressivité qui
auraient peut-être été dangereuses pour moi...
 
-je ne bénéficiais pas de la phase de retrait qui permet le recul.
 
J’étais comme anesthésiée.
 
Néanmoins, je pense aujourd’hui que la confluence m’a aussi permis de supporter des
contradictions radicales entre la vie chez mes grands-parents et mes visites quotidiennes chez
mes parents. Grâce au mécanisme de confluence, j’ai pu vivre toutes ces incohérences en
m’adaptant alternativement à l’un et l’autre couple. Je m’épargnais de la souffrance et je
pouvais alors trouver en moi un sentiment de sécurité.
 
 
Je pouvais ainsi rester dans une passivité relativement vivable mais coupée de
l’essentiel de l’enfance : l’excitation, la croissance 24[24]et le sentiment d’être en
vie.
 
 
 
 
Dans « Le Moi, la Faim et l’Agressivité » (1947), Perls évoque la confluence par le « couler
avec » du lait dans la bouche du nourrisson pour marquer l’absence des limites du Moi.
21[21]
Perls G.T. op cité. Je trouve intéressant que l’auteur donne cette définition en tout début de livre, page 12.
22[22]
Gonzague Masquelier « Vouloir sa vie », Retz Paris 1999
23[23]
J’emploie le terme « brouiller » dans le sens du brouillage radar.
24[24]
Notions chères à Perls.
La confluence dans cette première description est décrite en opposition à la fonction-moi et
évoluera plus tard pour devenir une des marques de « perte de la fonction-moi » du self.
 
Quelques années après (1951), dans « Gestalt-thérapie », Perls et Goodman définissent la
confluence « comme la condition de non-contact (pas de frontière du self), bien que d’autres
interactions importantes continuent à se dérouler, par exemple le fonctionnement
physiologique, la stimulation environnementale etc.25[25] »
 
S’il y a « non-contact » il y a alors indifférenciation de la figure et du fond.
Je me permets d’emboîter le pas à J.M Robine26[26] qui considère que « confluence et non-
conscience coïncident pour l’essentiel en un même phénomène. »
 
 
En vivant en confluence je ne sentais pas mes désirs ni mes peurs. J’imaginais que les besoins
de mes proches étaient les miens. En plus, je vivais dans l’illusion de l’acceptation. En fait
j’étais dans la non-conscience.
 
Mais j’avais tellement peur de souffrir que j’ai continué à utiliser les mêmes protections.
 
 
 
Perls est très incisif quand il affirme : « Les caractères névrotiques agissent comme des
modèles stéréotypés limitant la souplesse du processus d’adaptation créatrice à la nouveauté.
En outre, puisque le réel est progressivement donné dans le contact, dans l’ajustement
créateur de l’organisme et de l’environnement, quand le névrotique inhibe le contact, son
univers est « déconnecté » et devient peu à peu hallucinatoire, irréel. »
 
 
Tout au long de ces années et de celles qui ont suivi, j’ai entretenu des attitudes névrotiques
qui m’ont permis de couper le contact et ont contribué à me maintenir dans une illusion
relativement confortable.
 
 
Puisque j’étais dans la non-conscience je répétais indéfiniment les mêmes schémas
protecteurs et enfermants. Je ne voyais pas ces mécanismes se dérouler, ces cycles se couper
trop souvent au même moment. Je n’avais pas conscience que ma confluence me plongeait
dans la confusion. Je n’étais pas libre !
 
 
 
Beaucoup plus tard quand j’ai commencé à « voir » grâce à l’aide des thérapeutes, mes
défenses m’avaient et m’étaient encore tellement utiles que je ne pouvais pas les lâcher !
Doucement j’ai appris à moins contrôler. Ce travail est en cours.
 
Je vais maintenant montrer comment petit à petit j’avance sur le chemin de la
non conscience vers la conscience et comment je passe de la conscience à
l’awareness.
Perls G.T. op cité p.272
25[25]

J.M. Robine article « La honte, rupture de confluence » dans : « La Gestalt-Thérapie en pratique » revue
26[26]

Gestalt n°2, S.F.G 1991.


 
 
 
 
Mais juste avant je vais faire un dernier et rapide détour par :
 
 
7 Mon histoire de l’adolescence à la jeune femme
 
 
Les années Collèges ressemblent à ce que j’ai déjà décrit, je n’y reviens donc pas.
Un changement significatif s’est produit quand j’avais 14 ans. Acculée par mon père, ma
mère a vendu son cher magasin et sans aucune transition elle s’est retrouvée femme au foyer
dépouillée de sa plus grande raison de vivre ! Cet épisode a été très traumatisant pour elle et
n’a pas apaisé son attitude.
J’ai directement subi ce tournant brutal car du jour au lendemain j’ai été obligée de quitter
mes grands-parents pour venir habiter chez mes parents !
Je ne les avais encore jamais appelés « papa », « maman »  J’étais en pleine adolescence.
 
 
 
 
Cette séparation a été douloureuse et une fois encore j’ai renforcé les mêmes schémas qui me
coupaient de mes ressentis profonds, j’ai obéis avec soumission, je ne me suis pas rebellée.
 
Pour fuir cette réalité, j’étudiais avec enthousiasme, plus le niveau de classe augmentait, plus
j’aimais les études. Comme mes parents ne me permettaient aucune activité extérieure,
j’utilisais pleinement toutes les ressources du lycée. Ainsi, je me suis inscrite dans la troupe
de théâtre de mon établissement et très vite je me suis passionnée pour cette activité. Le
théâtre représentait pour moi, à la fois la découverte de beaux textes, une communication
authentique et intense avec les membres de la troupe et l’explosion de ma fantaisie et de ma
créativité. Peut-être aussi que mon côté hystérique, enfoui dans le contexte familial, se
permettait là une sortie... théâtrale !
 
C’est intéressant pour moi de noter que, dans ce cadre, je m’autorisais - pour la première fois -
toute une palette d’émotions fortes... car ce n’était pas les miennes...c’était celles de mes
personnages !
Merci Molière, merci Shakespeare !
 
 
 
 
Le théâtre a été une fenêtre merveilleuse qui m’a ouverte vers les autres, les arts, ma
sensibilité. Pendant une longue période de ma vie de jeune femme j’étais assoiffée de
connaissances, de voyages, de rencontres, d’ouverture sur le monde. Je cherchais
frénétiquement mais je ne savais pas quoi.
Comme dans beaucoup de contes initiatiques, le héros va au bout du monde, traverse mille
épreuves pour finalement se trouver lui-même.
 
Une intuition profonde m’animait, je la suivais sans savoir.
 
 
ICI ET MAINTENANT
 
 
Un jour, j’ai poussé la porte d’un cours de yoga, un univers s’est ouvert !
Pour la première fois j’ai entendu : « sentez votre respiration ici et maintenant ». Cela a été un
choc. Je me souviens très précisément de tout ce qui s’est passé à cet instant précis (un
moment d’insight ?). Ici et maintenant a résonné en moi comme une évidence.
Moi qui avais été asthmatique pendant 20 ans, je pouvais sentir ma respiration. Et au lieu de
me faire souffrir, elle me procurait du plaisir. Grâce à l’observation de ma respiration, je
rentrais en contact avec mon intimité. C’était nouveau, c’était grisant, mais ça ne durait pas. 27
[27]

 
 
J’avais touché quelque chose d’infiniment bon pour moi, mais je n’y arrivais pas seule, j’avais
besoin de quelqu’un pour m’y conduire. Alors j’ai suivi différents cours de yoga, j’ai lu des
livres sur les racines hindouistes de cette discipline.
 
 
Puis j’ai fait un détour par le bouddhisme dans différents courants avant de revenir aux
mystiques occidentaux comme Graf Dürckheim 28[28]et Jean-Yves Leloup29[29].
 
Au travers de toutes ces lectures, de tous ces stages, ce qui m’attirait, ce qui me faisait vibrer,
c’était toujours la même chose : l’attention à la Présence.
 
 
En même temps cela m’aimantait et en même temps, je m’en tenais à distance jusqu’au jour
où je suis arrivée à l’E.P.G.
 
 
.../...
 

27[27]
D’où mon intérêt pour l’approche de Charlotte Selver.
28[28]
« Le centre de l’être »
29[29]
j’ai été fasciné par ses livres : « Prendre soin de l’être » et « Les thérapeutes d’Alexandrie »
 
V - DE LA NON-CONSCIENCE VERS LA CONSCIENCE
 
 
 
Par mon travail thérapeutique, j’ai pris conscience que la présence à soi c’est avant tout
regarder ce qui est et non ce que j’aimerais qui soit.
 
Or, mes résistances décrites plus haut me maintenaient dans l’illusion. Je sentais confusément
que la confluence par exemple me permettait une qualité d’écoute particulière et une
propension facile à l’empathie voire à la compassion. Et j’y tenais.
 
Les bénéfices secondaires étaient trop importants pour abandonner brutalement tous ces
mécanismes élaborés dans l’enfance. Mes ajustements conservateurs me rigidifiaient mais me
protégeaient.
J’avais peur.
 
Puisque je ne pouvais pas changer, j’ai trouvé la solution d’observer, d’être à distance.
 
J’ai pris conscience de mes répétitions d’interruption du cycle souvent au même moment,
dans les mêmes circonstances. J’ai regardé comment je m’y prends pour interrompre une
gestalt.
Simplement voir, sans intervenir, c’est une façon phénoménologique d’appréhender le réel qui
me permet petit à petit de prendre contact ici et maintenant.
 
 
Je constate que ce travail d’observation de :
« qu’est ce que je suis en train de faire ? »
 
m’ouvre un espace intérieur, comme un temps d’apnée après l’inspire pendant lequel je me
donne l’autorisation de RESSENTIR
 
 
Selon les circonstances je ne m’accorde pas toujours de plonger dans l’émotion ; mais
maintenant je sais quand je la coupe.
 
Le plus souvent possible je suis attentive au flux des sensations et des sentiments qui me
traversent et de mes tentatives pour les écarter. Ainsi, lentement, je deviens de plus en plus en
plus consciente de tout ce qui se passe en moi et j’apprivoise mes ressentis.
 
Cette attention me permet par exemple de passer de la confluence subie à la « saine
confluence ». Ca change tout ! En effet si je ne coupe pas le cycle du contact, il se poursuit
dans le plein contact où je peux être - si je le choisi - en confluence saine. Quand je suis dans
cette attitude - je deviens capable de gérer la frontière-contact en pleine conscience.
 
 
 
 
 
VI - DE LA CONSCIENCE VERS L’AWARENESS
 
 
 
En simplifiant, je pourrais dire que : la conscience est un contact sain.
 
 
En ce qui me concerne, la conscience n’est ni naturelle, ni implicite. Elle me demande donc
un travail. J’ai besoin de recul. Selon l’expression hindouiste : je deviens témoin de « ce qui
se passe ».
 
Je prends donc un temps d’observation, un « arrêt sur image », mais pendant ce temps infime,
les facultés intellectuelles peuvent s’introduire et subtilement réenclencher les résistances
habituelles. En fait dès qu’il y a activation du mental, il y a analyse et contrôle.
 
 
 
 
 
 
Mais alors, quelle est la différence entre conscience et awareness ?
 
 
 
Justement, pour moi, le passage de la « conscience » à l’ «awareness » est très subtil : c’est
quand il y a assez d’attention pour vivre ce qui se passe, et que l’intellect, se retirant aussitôt,
laisse la sensation se diffuser librement dans tout le corps. A ce moment précis, se produit un
relâchement musculaire et souvent, un changement spontané du rythme respiratoire.
 
A chaque fois que j’expérimente ce que je viens de décrire, j’éprouve un ressenti physique
d’apaisement, parfois de plaisir. Je sais alors que ce que je ressens est juste, incontestablement
juste !
Et cela s’accompagne de modifications physiologiques.
Dans ces moments là, mon corps est ouvert, habité, vibrant. Il est disponible pour tout
accueillir, c’est un instant privilégié propice à l’échange authentique et à l’intuition.
Je me sens reliée à moi, reliée à l’autre, reliée à l’Univers.
 
Mais évidemment, dans cette posture, la souffrance aussi prend sa place.
La peur, l’angoisse, la tristesse, la colère, toutes ces émotions que j’ai si habilement tranchées
ou travesties peuvent sortir de leur cachette et se déployer en moi comme les dragons chinois.
(Ces dragons sont habilement articulés pour se ranger dans très peu de place ; mais dès qu’on
les déplie, ils s’étirent sur des mètres, ondulent et bondissent frénétiquement. Avec leur tête
de monstre, ils peuvent prendre des attitudes terrifiantes.)
 
 
 
 
Je commence à admettre qu’il est aussi important de laisser vivre mes zones d’ombre.
 
Accepter totalement ce qui se passe en moi, c’est aussi me laisser toucher par ce que j’aime le
moins ressentir.
 
C’est très difficile pour moi. A chaque fois que je laisse s’élever en moi une émotion forte,
sans la couper ni la divertir, je constate qu’elle monte petit à petit, qu’elle atteint un point
critique qui serait insupportable si cela continu. A ce stade, si je n’interviens pas
intellectuellement, elle redescend doucement et disparaît, juste après, il y a un petit temps
pendant lequel la respiration agit en profondeur délicieusement.
 
C’est à dire, en reprenant le cycle du contact :
 
Si je n’interromps pas la phase de pré-contact, par une déflexion ou une introjection, le
cycle se poursuit naturellement par l’engagement puis le plein-contact.
 
Si je ne coupe pas en phase de plein-contact, par de la confluence, le cycle poursuit par le
désengagement puis l’assimilation, phase très importante pendant laquelle la respiration
peut permettre un relâchement de tout le corps.
 
 
 
Dans ces instants de plein awareness, les cycles de contact sont complets, fluides et se
déroulent harmonieusement.
La phase d’assimilation de l’expérience est totalement active.
Les cycles peuvent se succéder librement puisqu’ils ne sont plus encombrés par les
empreintes des précédentes gestalts inachevées.
 
 
Le self retrouve sa spontanéité et peut jouer avec allégresse sur toute l’amplitude de ses
gammes sur la roue des personnalités, dans ses trois modes.
 
La fonction « ça » est comme désentravée et peut vivre toute sa dimension.
La sensation peut alors être ressentie dès son émergence et je peux en profiter pleinement.
 
Sinon, j’ai souvent constaté que, quand la fonction « ça » est inhibée, à l’instant où je
commence à ressentir, l’émotion est déjà présente depuis un certain temps. Ca se passe
comme s'il y avait une « zone aveugle » en début de phase de pré-contact, qui me prive de
toute la phase initiale.
 
Quand la fonction « ça » est disponible, la sensation est acceptée telle qu’elle est.
La sensation monte graduellement puis redescend et s’éteint... laissant la place à la suivante.
 
 
 
La fonction « moi » est alors libre. Les choix ne sont plus tiédis ou téléguidés
par des peurs obscures.
 
 
 
La fonction « personnalité » bénéficie entièrement de ce nouvel état d’être.
Chaque expérience d’awareness s’enregistre d’une certaine façon et « Ce que je suis » change
petit à petit.
 
 
 
Je constate qu’à chaque fois que je suis en awareness, ma respiration est plus profonde et une
détente agréable se propage dans tout mon corps. Je peux avancer l’hypothèse que mon corps
appréciant cet état, le « mémorise », et tend à y revenir le plus souvent possible.
La fonction personnalité prend le relais pour m’inciter à y plonger régulièrement.
 
 
J’ai besoin de ces « rappels » car ces instants vécus en totale awareness sont courts et
réclament une vigilance aiguë comme celle d’un félin observant une proie.

 
 
 
 
 
 
VII - CONCLUSION
 
 
 
Qu’est-ce-que l’awareness change dans ma vie aujourd’hui ?
 
 
 
Ne ressens pas !
 
 
Ce que tu ressens est faux !
 
 
 
Pour écrire mon histoire, j’ai dû ouvrir la porte du passé. C’est une porte lourde, difficile à
pousser . Solidement fermée, elle gardait bien enfouies des émotions tues mais bien vivantes.
J’y ai retrouvé de la colère et de la tristesse, beaucoup de tristesse.
 
En remontant mon chemin de vie j’ai été à la rencontre d’une petite fille : Nelly.
Je l’ai regardée. Elle était tapie dans l’ombre, elle ne prenait pas beaucoup de place. Elle était
anesthésiée. J’ai réveillé ma petite fille intérieure. Je l’ai laissée respirer, je lui ai donné de
l’espace. Doucement, elle s’est mise à s’animer.
En la laissant vivre, je l’autorise à ressentir.
En la laissant ressentir, je m’autorise à ressentir !
 
Et je constate que... je peux ressentir.
 
J’étais comme handicapée - bloquant mon ressenti - et je suis en train de me rééduquer. C’est
à dire qu’en apprivoisant ma petite fille intérieure, je retisse le lien avec moi-même qui était
coupé. Je me réapproprie mes sensations et mes émotions.
 
 
Et je constate que...ce que je ressens est juste.
 
Et je constate qu’à chaque fois que je suis rentrée et restée en contact avec ma propre
émotion, c’est à dire : quand je laisse se dérouler sans l’interrompre le cycle du contact, je
ressens juste après, dans la phase d’assimilation, une grande force intérieure.
 
Les chapitres précédents montrent que je me suis coupée de mon awareness très tôt dans ma
vie. Pendant toutes mes années d’enfance puis d’adolescence, puis de jeune femme, j’ai vécu
comme à côté de moi, privée de certaines parties de moi-même.
 
J’ai raconté que mon premier déclic s’est passé pendant une séance de yoga. Tout à coup, j’ai
découvert que j’étais aussi un corps et que je respirais. Cette révélation m’a encouragée à
pratiquer un travail corporel. Grâce à cette approche, j’ai petit à petit pris conscience que mon
corps est vivant, qu’il reçoit des perceptions et qu’il ressent des sensations.
 
Ce passage de la tête au corps a été une étape capitale pour moi.
(Plus tard j’ai vu à quel point corps, tête, cœur, et intérieur, extérieur communiquent sans
cesse dans tous les sens.)
 
C’est pourquoi je me suis particulièrement intéressée à la démarche de Perls qui, dans un
premier temps, a expérimenté la pratique de Sensory Awareness avant d’élaborer sa théorie
sur laquelle se base la Gestalt thérapie aujourd’hui.
 
J’y vois une correspondance avec mon propre chemin et cela renforce mon intérêt pour
l’œuvre de Perls30[30].
 
Si je n’avais pas - au moins un peu - exploré l’attention au corps, je ne me serais sans doute
pas sentie interpellée et concernée par la Gestalt thérapie. Or, c’est mon parcours en Gestalt
thérapie qui me permet de passer de la coupure à l’awareness.
 
Sur ce parcours, l’autre étape importante a été la prise de conscience de mes mécanismes de
protection, de mes résistances.
Mon travail thérapeutique a mis en lumière que pour pouvoir vivre, j’ai dû me défendre, et ce
faisant, je me suis défendu d’exister.
 
Au long des chapitres précédents, j’ai montré qu’une partie significative de ce travail a été de
repérer mes résistances ( introjections, confluence...) , de les observer encore en action, et de
réaliser clairement que ces mécanismes qui m’avaient protégée hier ne m’était plus utiles
aujourd’hui, et même, m’encombraient.
 
Je me suis découverte au sens propre, c’est à dire que j’ai enlevé des couches une à une
jusqu'à me trouver, moi, dessous.
 
Aujourd’hui, je continue à faire le tri entre ce qui m’appartient, et ce qui ne m’appartient pas.
Petit à petit, je défais une programmation qui n’était pas la mienne. Ainsi, je vois de mieux en
mieux en moi. Je suis de plus en plus en lien avec moi-même.
 
Dans la partie de ce mémoire consacrée aux «  Données Existentielles » - en référence à
Salathé - j’ai développé la contrainte de solitude.
 
Là encore, en acceptant de ressentir mes émotions, j’ai mieux perçu ma tristesse d’être seule.
A certains moments de mon travail thérapeutique, j’ai vécu la solitude intrapersonnelle
comme un désert intérieur. Infinie tristesse...
 
J’ai cru pouvoir combler ma solitude interpersonnelle en recherchant la compagnie des autres,
en multipliant mes relations amicales. Mais la sensation de solitude est amplifiée par le vide
intérieur, car dans cet état, même les échanges avec les autres sont insatisfaisants.
Forcément, si je ne suis pas en lien avec moi-même, je ne peux pas être en lien avec l’autre.
 
En étant davantage en awareness, j’ai découvert l’intimité.

30[30]
C’est la raison pour laquelle je le cite souvent.
Et surtout, j’ai découvert que plus je suis en intimité avec moi même, plus je rentre en intimité
avec l’autre.
Je réalise aujourd’hui à quel point la qualité de la rencontre dépend de la qualité de mon
centrage.
 
De la coupure à l’awareness est un long chemin.
 
Je sais quand j’ai fait le premier pas, j’ignore quand j’arriverai à vivre l’awareness comme
une façon naturelle d’être.
J’ai choisi ce thème de mémoire car c’est là qu’est ma plus grande difficulté.
Pour développer ce thème, je me suis mise face à mes manques archaïques, à mes défenses
d’hier, à mes faiblesses d’aujourd’hui. J’entrevois tout ce qui me reste à parcourir, mais loin
d’être découragée, je suis dynamisée par cette perspective car l’awareness est un cadeau de la
vie !
 
 
Qu’est - ce que l’awareness change dans ma vie aujourd’hui ?
 
 
L’awareness est un cadeau de la vie, un présent au sens propre, c’est à dire que l’awareness ne
se « conjugue » qu’au présent. Le passé n’est plus, le futur n’est pas encore, seul existe « l’Ici
et maintenant », puisque tout advient dans le présent, même le souvenir, même la projection
du futur.
 
Qu’est - ce que l’awareness change dans ma vie aujourd’hui ?
 
      La Présence :
Plus je suis attentive à « ce qui est en train de se passer » plus je suis présente à moi, à l’autre,
à l’environnement.
 
      L’affirmation de moi :
Quand je suis dans cette qualité de présence, je sais que ce que je ressens est juste, donc j’ai
confiance en moi. Alors, je peux m’affirmer sans crainte.
 
A chaque fois que je suis en plein contact avec mon émotion, je n’ai plus peur de me
confronter à un conflit éventuel. C’est dans le contact avec l’émotion que je puise mon
énergie.
 
      L’ajustement créateur :
L’awareness, c’est aussi être à l’écoute de mes besoins dans un environnement pas toujours en
adéquation. J’apprends à développer un ajustement créateur de plus en plus fluide. Ce faisant,
j’explore mes polarités.
 
 
 
Mon travail sur l’awareness agit dans mes différentes dimensions :
 
    Ma vie de femme en a été transformée en profondeur. J’accepte de plus en plus ma
féminité, je ne nie plus mes désirs. Je vis davantage ma féminité.
J’aurais tant à dire sur ce sujet que j’en ferai peut-être un article ultérieur.
 
 
« N’oublie pas, concentre-toi sur l’instant présent, ressens, ne pense pas fie - toi à ton
instinct ».
C’est mon fils Florian, passionné de Star Wars qui aime cette citation31[31] et me la répète.
 
    Ma vie de mère connaît également des évolutions sensibles. Les bénéfices de
l’awareness : acceptation de mes ressentis, et confiance en leur justesse, m’ont amenée à
développer ma propre responsabilité et mon autonomie. J’espère ainsi contribuer à
développer la responsabilité et l’autonomie de mes deux enfants, Adrien et Florian.
J’apprends ainsi à ne pas entraver leur spontanéité.
J’espère également que le travail thérapeutique que j’ai entrepris sur moi les libéreront
d’une histoire familiale lourde.
 
 
    Ma vie de thérapeute sera très enrichie par ce travail.
J’ai déjà dit que plus je suis en lien avec moi-même, plus je suis en lien avec l’autre.
Quand je suis consciente de mes propres mécanismes, je peux les utiliser à bon escient. Par
exemple, je peux profiter de la qualité particulière d’écoute que me donne la confluence,
tout en gardant la vigilance qui me permet de rester en « saine confluence ». Je peux
démêler ce qui appartient au client de ce qui relève du contre-transfert.
De plus, en étant présente à moi, je suis attentive à l’autre et cette attitude autorise le client
à écouter ses propres ressentis.
 
 
    Ma vie dans son axe spirituel bénéficie aussi de l’apport de l’awareness.
Auparavant mon aspiration spirituelle était une forme de déflexion. Je confondais quête
spirituelle et idéal aseptisé. Ma pratique n’était pas suffisamment incarnée et je pouvais
facilement m’évader dans une forme de confort béat.
Je voulais ignorer ce qui me déplaisait et trancher l’inacceptable.
Expérimenter l’awareness m’a enseigné à être présente à ce qui est en train de se passer
simplement sans éviter le désagréable ni susciter la satisfaction.
 
Je m’accorde d’être aujourd’hui ce que je suis dans l’instant et cette attention est ouverture.
En effet, par essence l’awareness est ce qu’il y a de plus intime à chacun, donc de plus
universel...
 
 
Oui, par un travail subtil et continu, l’awareness change ma façon d’être au monde dans toutes
mes dimensions. En passant de la coupure vers l’awareness je me sens de plus en plus
vivante.
 
BIBLIOGRAPHIE
 
 
 

31[31]
en parodiant maître Jedi s’adressant à Anakin !
Delacroix J.M. : Gestalt-Thérapie, Culture africaine, Ed. L’Harmattan, 1994
 
Delisle G.. : Les troubles de la personnalité, Ed. du reflet, Montréal,1993
 
Ginger S. : La Gestalt, une thérapie du contact, Hommes et groupes éditeurs,
1990
 
Ginger S. : La Gestalt, l’art du contact , Marabout 1995
 
Ginger S. : Revue de la SFG, n°1, article « Vingt notions de base, vingt ans
après »
 
Masquelier G. : Vouloir sa vie, Retz, Paris 1999
 
Perls F. : Le moi, la faim et l’agressivité, Tchou éditeur, 1978
 
Perls F. : Hefferline R. F, Goodman P, Gestalt thérapie, Ed. internationals
Stanké, 1979.
 
Robine J.M. : la Gestalt-Thérapie, Essentialis, Ed. Morrisset, Paris, 1994
 
Robine J.M. : article « La honte, rupture de confluence » dans : « La Gestalt-
Thérapie en pratique » revue Gestalt n°2, S.F.G 1991.
 
Salathé N. : Psychothérapie existentielle, Ed. Amers, Paris, 1992
 
Salathé N. : Précis de Gestalt thérapie, Ed. Amers, Paris, 1987
 
Tophoff M. : Sensory Awareness et Gestalt-Thérapie, document 51, I.G.B. 1992
 
Yontef G.: La Gestalt Thérapie,  Article « une phénoménologie clinique ».
Traduit de l’Américain.
 
 
 
 
 
 

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