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Ambre Massé (22107303)

Licence de psychologie
Année scolaire 2022-2023
Groupe de TD n°

UFR IHSS

Parcours : Psychologie et Humanités

LE RAISONNEMENT ET LA RÉSOLUTION DE
PROBLÈMES

TD : Psychologie Cognitive 2

Chargée de TD : Juan Manuel Albetis


Comment raisonne-t-on ? Le raisonnement et la résolution de problèmes sont des
notions que nous employons dans chacune de nos actions quotidiennes, souvent sans même le
conscientiser. Mais comment ces fonctions fonctionnent-elles vraiment, et quels enjeux
soulèvent-elles ?

On appelle en psychologie cognitive résolution de problèmes les processus mentaux


que les sujets réalisent lorsqu'ils doivent découvrir, analyser et résoudre un ou plusieurs
problèmes. Cela implique tout un processus qui devient presque mécanique, prenant en
compte la découverte du problème, la compréhension de ce dernier, les décisions possibles à
prendre, l'évaluation de ces différentes solutions possibles et la mise en route des actions qui
nous permettent d'atteindre notre but : résoudre le problème. On peut considérer un exemple
de la vie quotidienne : choisir comment s’habiller pour la journée qui arrive. Le problème
étant de savoir comment nous allons décider de se vêtir chaque matin, on peut affirmer que la
gravité et la complexité du problème posé est plutôt peu élevée, sauf dans certains cas
particuliers ou chez des personnalités où l’apparence a une importance capitale. Les décisions
peuvent varier en fonction d’évènements intrinsèques, tel que le style vestimentaire de la
personne concernée, et d’évènements extrinsèques au sujet, tel que la météo du jour ou le lieu
où la personne doit se rendre. Ainsi, le sujet à partir de mécanismes de raisonnement va
prendre en compte toutes ces options et parvenir à prendre une décision résolvant le problème.
On observe ainsi un lien direct entre le raisonnement et la résolution de problème. Le
raisonnement quant à lui est qualifié comme un processus cognitif de niveau supérieur
permettant, à partir de données tirées des cognitions existant déjà au sein de l’organisme ou
des perceptions, de déterminer un nouveau résultat ou de vérifier la validité d'un fait, en
appliquant aux données des lois de transformation. Les fonctions cognitives supérieures
recouvrent trois champs de la cognition : la mémoire, les fonctions instrumentales et les
fonctions exécutives et d’attentions. Les fonctions instrumentales recouvrent les champs du
langage, des gestes et du schéma corporel, des capacités visuo-spatiales et du calcul. Les
fonctions exécutives et d’attention quant à elle recouvrent les initiatives d'actions, de
résolutions de problèmes, de planification, d'inhibition d'activités routinières, d'anticipation,
de raisonnement et de prise de décision. C’est donc dans cette dernière catégorie que l’on
retrouve ce qui nous intéresse aujourd’hui, le raisonnement et la résolution de problème. En
effet, cette notion pose des enjeux capitaux car le raisonnement est une des capacités
fondamentales dans les problématiques d’accès à la connaissance. Notre sensorialité pouvant
nous tromper, il apparaît comme nécessaire de pouvoir accéder à des fonctions permettant une
certaine réflexivité sur ce que nous pensons connaître, de postuler que notre savoir n’est pas
soumis à la perception sensorielle.

Ainsi, la réflexion sur ces thématiques de raisonnement nous amène à la problématique


suivante : Existe-t-il un moyen optimal permettant de mieux raisonner ? Pour y répondre,
nous développeront notre argumentaire à travers un plan en trois parties. Premièrement, nous
introduirons le fonctionnement de la résolution de problème, celui du raisonnement et les
biais pouvant fausser ce dernier. Dans un deuxième temps, nous étudierons les troubles liés
aux fonctions du raisonnement. Enfin, nous aborderons les approches visant à raisonnement
« parfait » avec l’Intelligence Artificielle (IA) et les limites de ces nouvelles technologies.

Pour qu’une situation dite problématique se décortique, il y a nécessité de plusieurs


éléments, trois plus spécifiquement. Il faut tout d’abord disposer d’un ensemble de données :
le contexte, le nombre de personne, le lieu, certaines actions… la liste peut rapidement
devenir filandreux. Il faut ensuite que l’objectif soit défini et non ambiguë, afin que le sujet
identifie clairement le but à atteindre à travers ce problème. Enfin, il faut qu’un certain
nombre de contraintes soient énoncées, posant donc des obstacles à la résolution de celui-ci.
La résolution de problème est un domaine d’étude important de la psychologie, permettant à
la fois d’identifier la manière dont les individus fonctionnent dans l’initiation d’une résolution
un problème, d’aborder les processus d’apprentissage, de comprendre la formation d’une
nouvelle connaissance dans une situation où nos ressources ne permettent pas de trouver une
solution adéquate, mais aussi d’étudier les activités relatives à l’intelligence. Un problème se
catégorise différemment selon les informations fournies par l’énoncé et les habilités
cognitives rassemblée afin de pouvoir résoudre le problème.
La résolution de problème a été un sujet rapidement en vogue dans l’étude de la
psychologie avec l’arrivée des courants behavioristes. Selon ces derniers, la résolution de
problème repose sur deux fondamentaux. Tout d’abord la motivation, soit l’envie nécessaire
qui pousse l’individu à vouloir résoudre un problème, à éclairer une situation. Le second
fondamental à explorer est celui du renforcement, soit le fait de répéter plusieurs fois le
comportement permettant de résoudre le problème. L’approche behavioriste est connue pour
voir l’humain comme ne fonctionnant que sur le principe du stimulus-réponse. Ainsi, on peut
rapidement déduire qu’une grande partie de la conception behavioriste se base sur les notions
d’apprentissage et de renforcement, à partir d’une première réaction ayant été motivée
lorsqu’il y a un problème à résoudre. Mais l’approche béhavioriste pose certaines
interrogations, notamment au niveau de son rapport à la perception de l’être humain. En effet,
elle stipule que l’être humain ne répond que mécaniquement, ne sachant que répondre à des
stimuli qui s’intègrent grâce à la répétition. Ainsi, la résolution d’un problème ne serait
possible que si les solutions trouvées sont le résultat d’une chaîne répétitive de solutions dans
des situations similaires.
Arrive alors l’approche gestaltiste. Cette dernière admet qu’une solution se découvre
de manière progressive, après plusieurs essais plus ou moins fructueux. Mais elle postule que
certaines situations ne rentrent pas dans ce schéma particulier. Le texte nous donne alors
l’exemple du problème de Maier, datant de 1931 : « Dans ce problème, le sujet doit attacher
deux ficelles qui pendent au plafond. Ces ficelles sont cependant trop distantes pour pouvoir
être saisies simultanément par le sujet. Divers objets se trouvent dans la pièce : une chaise,
des pinces, des feuilles de papier, des clous… Avec le matériel dont il dispose, comment va-t-
il s’y prendre ? ». La solution est la suivante : « en considérant que ce n’est pas à eux
d’attraper la ficelle mais qu’il faut faire venir la ficelle à eux, la solution du mouvement de
balancier à l’aide d’une pince apparaît plus facilement ». La solution n’est pas dû à plusieurs
échecs ou essais, car nous ne sommes nous-même pas dans la situation énoncée, mais bien à
un changement de point de vue sur la situation. C’est ce que l’approche gestaltiste nomme
l’insight, que l’on peut traduire par « compréhension soudaine ». Cet insight est une notion
toujours actuelle, car certains tests portant sur la créativité faisant passer aux participants des
tâches d’insight.
L’approche cognitiviste telle que décrite dans le texte enfin va venir compléter cette
notion. Elle se questionne sur le fondement de cet insight, en se demandant s’il s’agit d’une
perception ou d’un réel mécanisme de résolution. Le postulat de la perception amènerait
simplement à rechercher quels sont les mécanismes permettant de simplifier la résolution du
problème. À l’inverse, le postulat des mécanismes de résolution implique de savoir si ces
derniers sont conscientisés ou non par le sujet, et si ce n’est pas le cas comprendre leurs
fonctionnements. L’approche cognitiviste se base sur ce second postulat que nous allons
développer dans cette partie.
Il existe plusieurs manières d’interpréter et d’expliquer l’interprétation des problèmes,
mais celles-ci sont multiples et il me semble plus pertinent de se pencher sur les mécanismes
de résolution du problème. La première méthode identifiée est celle des heuristiques. On
qualifie une heuristique comme « une sorte de règle ou de stratégie générale qui peut
conduire à une réponse (correcte ou non) assez rapidement ». Ce sont donc plus ou moins
des règles d’action générales. On distingue plusieurs types d’heuristiques. Tout d’abord nous
identifions la recherche en arrière, aussi appelée la méthode de production de sous-buts. Elle
consiste en l’utilisation d’opérations, permettant d’atteindre des objectifs différentiels de
l’objectif initial, afin d’atteindre l’objectif. Un second type d’heuristique, se rapprochant de ce
premier, se nomme l’essai-test. Celui-ci consiste en l’essai, comme son nom l’indique, de
plusieurs solutions afin d’isoler la plus pertinente. Une autre heuristique se démarque, étant
qualifiée comme « plus élaborée ». Il s’agit de l’analyse fin-moyens. Le principe est le
suivant : comparer l’état du problème tel qu’il est et chercher à réduire au fur et à mesure la
différence entre la situation actuelle et la situation but. Nous pouvons appliquer à cette
heuristique le problème des anneaux chinois. Il existe également les heuristiques d’analogie,
soit le fait de rapporter le problème face auquel on est à un problème auquel nous avons déjà
été confrontés. Cette dernière peut néanmoins être problématique car la situation analogue
peut parfois ne pas être complètement identique, ce qui peut fausser le jugement.
Une autre méthode est aussi celle de la simplification du problème. Il suffit, si cela est
possible, de rapporter le problème a des situations plus simples. Donnons l’exemple de la
première identité remarquable en mathématiques : (a+b)2 = a2 + 2ab + b2. À première vue,
cette égalité peut paraître étonnante. Mais nous pouvons la simplifier dès lors que l’on
remplace a et b par des nombres, admettons a = 3 et b = 4. Si nous calculons (3+4) 2, nous
obtenons le résultat 49. Si nous calculons dans un second temps 3 2 + 2*3*4 + 42 = 9 + 24 +
16, on retrouve le même résultat, 49. Cette identité remarquable a donc été vérifiée, grâce à
une simplification.
On observe donc bien différentes méthodes pour résoudre un problème, différentes
théories et plusieurs enjeux pour la psychologie. Nous pouvons néanmoins émettre une
remarque réflexive portant sur ces différentes heuristiques et admettre qu’il y a un versant
inférentiel entre chacune d’entre elles, ce qui implique qu’elles fonctionnent parallèlement et
qu’elles ne soient pas distanciables les unes des autres. Ce découpage n’est, à mon sens, qu’un
outil théorique.

Comprenons maintenant comment fonctionne le raisonnement. Le raisonnement


constitue une notion inséparable de la résolution de problème, étant le mécanisme employé en
amont de toute méthode de résolution de problème. Le raisonnement fonctionne à partir
d’inférences, et a longtemps été qualifiée comme propre à l’être humain, doté de raison, qui
peut à la fois obtenir un résultat mais également expliquer pourquoi ce résultat a été obtenu,
d’émettre une certaine réflexivité sur sa façon d’appréhender ce résultat. On distingue
plusieurs types de raisonnements, qui varient selon la stratégie argumentative que l’on
souhaite adopter.
Le premier mode de raisonnement, certainement le plus utilisé, n’est autre que le
raisonnement déductif. Il s’agit d’obtenir des cas particuliers, à partir de certaines idées de
départ, d’une théorie de base. L’exemple le plus connu de raisonnement déductif s’intitule la
tâche de sélection de Wason, introduite par Peter Wason en 1966. La règle est la suivante : «
Si une carte comporte une voyelle d’un côté, alors elle comporte un chiffre pair de l’autre
côté ». Ainsi, on présente quatre cartes posées avec sur chacune des quatre cartes : A 4 K 7.
On demande aux sujets de retourner les seules cartes nécessaires à la vérification de cet
énoncé. Il est nécessaire d’utiliser deux notions impliquées dans le raisonnement déductif à
travers cette tâche : le modus ponens et le modus tollens. Le modus ponens concerne
l’implication d’un fait, autrement dit, poser une certaine variable en implique nécessairement
une autre, sous la forme « si A alors B ». Le modus tollens quant à lui suggère l’inférence. Il
fonctionne de manière à infirmer un fait, partant de la négation. La base est la même que pour
le modus ponens « Si A alors B », mettant en jeu l’implication, mais en partant du principe
qu’il y a « non B ». On se retrouve alors avec une formulation disant « si non B, alors non
A ». Prenons un exemple pour concrétiser ce deuxième modus. Admettons que s’il fait nuit
tard, on est en été. Or, il ne fait pas nuit tard. Nous ne sommes donc pas en été. À partir de ces
notions, cruciales dans les modes déductifs de raisonnement, on peut dès lors affirmer qu’il ne
faut donc retourner que deux cartes pour vérifier ce problème : Le A et le 7. Le A pour
confirmer ce modus ponens, le 7 dans le sens du modus tollens. Cependant, après avoir fait
passer la tâche à un échantillon d’individus, on se rend compte que la plupart des gens
retournent les cartes A et 4, et parfois même uniquement la carte A, ne laissant que 10% des
sujets parvenant à la réponse correcte. Le raisonnement déductif permet donc, à partir d’une
théorie, de la vérifier et de pouvoir ou non la rejeter. Ainsi, le raisonnement déductif peut se
montrer comme très utile pour orienter la réflexion à partir d’une argumentation rationnelle et
objectivable, justifiant ainsi certaines décisions prises, notamment dans le monde
professionnel ou personnel. Néanmoins, le postulat sur lequel repose cette méthode de
raisonnement n’est pas toujours vérifiable.
Le raisonnement inductif, second mécanisme de raisonnement le plus courant,
fonctionne à l’inverse du précédent, à partir d’un mode inférentiel. En effet, il s’agit à travers
l’induction d’obtenir une idée générale à partir de cas particuliers. Ainsi, il est possible à
partir de certaines observations, de rapporter ces dernières à un modèle et de développer à
partir de celles-ci une théorie. Posons un exemple. En observant qu’une table basse en bois de
bouleau s’enflamme au contact d’un briquet allumé, on peut en déduire que tous les meubles
et objets à partir de bois de bouleau risque de prendre feu à l’approche d’un briquet. Cet
argument nous semble cohérent et difficilement contestable. Toutefois ce mode de
raisonnement pose certaines limites. Bien que l’exemple précédent semble plutôt convaincant,
on ne pourrait pas en dire autant de celui-ci : Nous étudions la psychologie à l’Université de
Paris, donc tous les étudiants de l’Université de Paris étudient la psychologie. En effet,
l’inférence émise dans cette situation n’est pas corrélée aux données du monde réel. Le
raisonnement inductif permet donc d’élargir la perception du monde que l’on a, de stimuler
l’imagination et de réfléchir à partir de méthodes probabilistes, mais nécessite un
fonctionnement logique et une réflexion sur l’hypothèse émise afin de ne pas tomber dans des
généralisations sans fondement.
D’autres méthodes de raisonnement existent, se rangeant plutôt du côté de l’induction
ou de la déduction, mais elles apparaissent comme moins imposantes dans le monde de la
psychologie cognitive. Elles sont très nombreuses et je ne vais que donner qu’une liste non-
exhaustive. Le raisonnement par l’absurde notamment, visant à démontrer que si le contraire
de ce que l’on cherche est faux, alors ce que l’on cherche est vrai : si non P est faux, alors P
vrai. Le raisonnement par analogie et le raisonnement heuristique, rencontrés dans la
résolution de problème. Le raisonnement hypothético-déductif, rencontré en majeure partie
dans les sciences expérimentales, visant à poser une hypothèse et à mener une expérience
permettant de vérifier ou de contester l’hypothèse formulée. Le raisonnement concessif
également, utilisé en débat ou en politique, consistant en la concession de certains arguments
du parti adverse avant d’en opposer de nouveaux en continuité. Enfin prenons l’exemple du
raisonnement par élimination, visant à conclure sur une thèse lorsque toutes les autres ont pu
être éliminées.
Le raisonnement est donc une notion capitale de la psychologie cognitive, se
découpant en une typologie complète et complexe, distinguant des méthodes de raisonnement
plus ou moins rigoureuse, selon si l’on cherche à partir de prémisses vérifiées un résultat, à
partir principalement d’un raisonnement déductif ou si l’on cherche à vérifier des hypothèses,
à partir des mécanismes plutôt inductifs. Les différentes méthodes de raisonnement sont
d’orientation plutôt logique, et sont utiles au quotidien mais aussi dans des domaines
spécifiques, généralement scientifiques. Ainsi, le raisonnement présenté comme opposé à
l’intuition, ne fonctionne qu’à partir de la formulation d’hypothèses, de la vérification de
données, et de l’inférence entre les connaissances de l’individu et les informations fournies
par la situation.

Toutefois, rappelons-le, le raisonnement consiste en la formulation d’une nouvelle


information à partir des circonstances énoncées plus haut. Ce dernier peut néanmoins être
biaisé de différentes manières. En effet, l’incertitude est omniprésente dans le raisonnement
humain. Les informations à partir desquelles nous raisonnons peuvent être erronées, nous
avons une tendance à la généralisation ce qui ne permet pas une approche détaillée au réel,
nos méthodes de raisonnements elles-mêmes peuvent présenter des erreurs. Ainsi, comme
nous le dis Michel Denis dans son ouvrage La Psychologie Cognitive, l’incertitude est une
part du raisonnement humain. Autrement dit le raisonnement « parfait », dépourvu d’erreur,
ne semble pas pouvoir exister chez l’espèce humaine. Les recherches sur le raisonnement
devraient donc prendre en compte cette part d’incertitude. Mike Oaksford et Nick Chater
théorisent en 2007 à partir des probabilités bayésiennes, dans l’ouvrage Bayesian
Rationality : The probabilistic approach to human reasoning, une approche concernant le
raisonnement dans l’incertitude. La formule de Bayes est la suivante :
P ( B/ A )∗P( A)
P ( A /B )= et se lit : la probabilité d’obtenir A en sachant B est égale à la
P( B)
probabilité d’obtenir B sachant A multipliée par la probabilité de A, le tout divisé par la
probabilité d’obtenir B. Admettons que l’évènement A corresponde à la théorie et que
l’évènement B soit les données récoltées. Ce calcul permettrait d’obtenir la probabilité que la
théorie soit vérifiée à partir des données récoltées. Aucun d’entre nous n’use de tels calculs
dans ses mécanismes de réflexion, il est même difficile de calculer à partir de toutes les
données disposées par le raisonnement, tel que les connaissances du sujet ou sa personnalité,
car celles-ci sont difficiles à identifier et à quantifier, mais l’idée est plutôt de savoir que, quel
que soit le mode de raisonnement employé, le résultat indiqué par le calcul sera plus ou moins
le même, prenant ainsi en compte l’incertitude que l’on retrouve dans les modes de réflexion
humains.
Mais il existe aussi certains biais, appelés biais cognitifs, qui induisent une certaine
forme d’incertitude dans les raisonnements et les jugements. C’est Daniel Kahneman qui, en
2016, théorise ces derniers dans son ouvrage Système 1 / Système 2. Les deux vitesses de la
pensée. Ainsi il introduit deux systèmes de la pensée : Le système 1, immédiat, rapide,
émotionnel et intuitif, et le système 2, lent, logique, réfléchi. Le système 2 est à l’action dans
des situations où il est nécessaire, apparaissant dans un second temps par rapport au système
1. Il est en action dans les modes de raisonnements cités plus haut, et est utile dans la
formulation et la vérification d’hypothèses notamment. Le système 1 quant à lui apparaît
automatique à la pensée, et permet d’émettre un premier jugement sur une situation, qui sera
conservé, ou non. Chacune de nos opérations réflexives prend en compte le système 1, même
lorsque le système 2 est mis en avant. C’est ce dernier, le système 1, qui peut produire des
erreurs de jugements, appelés biais cognitifs. Ils permettent de prendre des décisions de
manière rapide, sans passer par la complexité des raisonnements analytiques. Ce sont donc
des déviations par rapport au raisonnement logique, omniprésents dans nos schémas de
pensée. Ils se catégorisent souvent sous la forme d’une liste.
Certains biais sont plutôt liés aux activités cognitives, tel que les biais sensori-moteurs,
amenés par les illusions perceptives notamment, les biais attentionnels, lorsque les
perceptions sont influencées par nos propres centre d’intérêts, ou encore les biais mnésiques,
tel quel l’effet de récence soit le fait de mieux se souvenir des éléments auxquels on a été
confronté récemment ou l’effet de primauté soit le fait de mieux de souvenir des premiers
éléments d’une liste mémorisée. Mais la principauté dans les biais cognitifs concerne le
jugement, qu’il porte sur soi-même, sur les comportements d’autrui, ou sur la temporalité des
évènements. Parmi eux le biais d’ancrage, un biais de jugement qui pousse à se fier à
l’information reçue en premier dans une prise de décision. Le biais de statut-quo, entraînant
une résistance au changement, le biais d’autocomplaisance, portant sur la croyance d’être à
l’origine de ses réussites mais pas de ses échecs, amenant une tendance attribuer aux autres
ses échecs mais se croire seul dans sa réussite. L’effet de halo également, consistant en la
perception sélective d’informations allant dans le sens d’une première impression que l’on
cherche à confirmer. Le biais de confirmation, dangereux, démontrant que la plupart des gens
préfèrent les éléments qui confirment plutôt que ceux qui infirment une hypothèse à laquelle
ils adhèrent. L’effet fondamental d’attribution, soit le fait d’accorder plus d’importance aux
facteurs internes à l’orateur, tel que les intentions et les émotions, qu’à son discours ou à ses
actes. L’effet Dunning-Kruger, soit l’idée de penser que l’on sait plus que ce que l’on sait
lorsque l’on ne sait pas grand-chose ou, à l’inverse, de sous-estimer ses connaissances. Enfin,
citons le biais rétrospectif, désignant une tendance à surestimer, à la suite d’un évènement,
rétrospectivement notre capacité à pouvoir anticiper cet évènement. La liste est encore longue
mais nous pouvons retenir deux points importants concernant les biais cognitifs : ils impactent
le raisonnement de tous, bien que la personnalité et l’expérience de chacun influe sur la
tendance plus ou moins élevée à être affecté par ces biais.
Ainsi cela nous permet de voir que nos raisonnements sont en permanence biaisés,
mais pas toujours de la même manière et à la même intensité. Ces incertitudes du
raisonnement sont donc omniprésentes chez l’homme, et n’apparaissent pas comme
problématique ou anormales. Mais alors, nous pouvons nous questionner de la manière
suivante : quelles sont, s’il en existe, les pathologies touchant de loin ou de près aux
mécanismes de raisonnement ?

Certaines formes de raisonnements peuvent parfois être affectées. En effet, il n’existe


pas de trouble caractéristique du raisonnement à proprement parlé, mais il arrive néanmoins
que l’on identifie dans certains syndromes des symptômes marquant des affections au niveau
des processus de raisonnement. Un trouble relatif au raisonnement se nomme la dysharmonie
cognitive, marqué par une atypie portant sur certaines fonctions cognitives. Elle se caractérise
en majeure partie par un décalage d’organisation des mécanismes de raisonnement, mais se
manifeste également par des retardements sur d’autres fonctions du champ cognitif.
Autrement dit, ce sont des anomalies dans la synchronisation du développement cognitif,
touchant ainsi les processus de raisonnement. C’est au sein de cette grande classification que
l’on retrouve notamment dans les cas de la dyscalculie. Dans le cas de la dysharmonie
cognitive, nous apprenons qu’elle se développe chez des enfants d’intelligence moyenne, mais
« dont le développement des structures de pensée est en retard par rapport à l'âge ou encore
s'est développé de façon dysharmonique ». Ainsi le trouble se manifeste au niveau de
certaines fonctions du raisonnement, mais aussi au niveau de la mémoire de travail, et de la
construction de la manière de pensée. Là où un enfant âgé de 13 ans possède déjà des schémas
de raisonnement complexes, par rapport aux notions de temporalité, de logique, de relations
de causalité, un enfant de même âge touché par les dysharmonies cognitives sera capable de
se représenter les mêmes schémas qu’un enfant de 5 ans. Certains peuvent également se
représenter des notions complexes mais être affectés au niveau d’une seule notion, la relation
de temporalité par exemple.
Les troubles touchant le raisonnement sont donc multiples. La dyscalculie notamment
est un trouble affectant le champ du raisonnement logico-mathématique. On ne voit pas
d’atypie au niveau de l’intelligence, encore moins de retard mental, mais on observe une
difficulté à appréhender les nombres, les opérations entre ces derniers, la structuration du
raisonnement et les outils logiques nécessaires à l’usage des mathématiques. Nous pouvons
ainsi déduire une affection réelle des mécanismes de raisonnement, parmi d’autres fonctions
cognitives tel que la mémoire, comme si l’usage du « langage » mathématique était
inaccessible à l’individu atteint de dyscalculie. Les dyspraxies également, caractérisées par
une anomalie au niveau des coordinations tonicomotrices. Cela implique une représentation
erronée de l’espace. On peut aussi retrouver ce que l’on nomme les dyschronies, qui se
manifestent dans un rapport au temps altéré. Il est difficile pour un sujet atteint d’anticiper les
durées ou des évènements planifiés un long moment à l’avance, pouvant impliquer une
certaine instabilité motrice.
Enfin, nous pouvons citer un trouble repéré par le psychiatre Philippe Chaslin, que
l’on appelle aujourd’hui les retards d’organisation cognitive. Le retard est surtout significatif
au niveau scolaire mais négligeable au niveau de l’organisation mentale. La caractéristique
principale de ce trouble s’impose comme étant « développement extrêmement restreint de
l’organisation cognitive et du raisonnement, qui est celui d’un enfant de 6-7 ans ». L’auteur
distingue bien ce point avec celui de l’intelligence, affirmant que les sujets atteints de retards
d’organisation cognitive possèdent un QI moyen, les psychiatres et psychologues ne repérant
à priori aucun trouble au niveau de l’intelligence. On observe donc bien une affection
touchant les mécanismes de raisonnement, empêchant le sujet d’accéder à certaines
représentations mentales complexes.

Mais les troubles du raisonnement ne se limitent pas à des troubles dysharmoniques ou


à certains retards. En effet, nous retrouvons bien dans certaines psychopathologies des
mécanismes de raisonnements qui paraissent altérés, irrationnels. Nous pouvons notamment
citer la phobie, peur pathologique dans laquelle on retrouve des mécanismes irrationnels. La
phobie n’affecte pas les mécanismes cognitifs de raisonnement à proprement parlé, mais on
voit une irrationnalité cognitive au niveau des circuits de la peur. La phobie étant une névrose,
on peut imaginer que les mécanismes de la psychose affectent également certains mécanismes
de raisonnement.
La schizophrénie, maladie caractérisée par la dissociation, fait l’objet de plusieurs
affections au niveau cognitif. Dans la schizophrénie, la métacognition est impactée. La
métacognition est définie comme « la connaissance qu’un sujet a de son propre
fonctionnement cognitif et de celui d’autrui, la manière dont il peut en prendre conscience et
en rendre compte » par Doudin en 2001. Le schizophrène est donc incapable de se distancer
de ses pensées, d’émettre des hypothèses réflexives sur ses idées, les vivants de la manière
dont il les perçoit. Le schizophrène souffre, en continuité avec cette déficience de la
métacognition, d’un faible insight, soit d’une absence de conscience de sa maladie.
Il est également soumis à certains biais cognitifs, notamment du saut aux conclusions
et du biais d’attribution. Les sauts aux conclusions dans la schizophrénie sont surtout présents
lorsque le sujet est délirant. Par rapport à des individus qui ne sont pas atteints de
schizophrénie, ces sujets n’ont besoin que de très peu d’informations pour se permettre
d’avérer un fait de manière ferme et définitive. Ce biais est aussi présent chez les sujets ayant
une personnalité schizotypique. L’auteur précise qu’il s’agit plus d’un indicateur de la
maladie plutôt que d’un biais caractéristique de la schizophrénie, les individus présentant ce
biais ne conscientisant pas cette absence de logique et cette précipitation dans le
raisonnement. Autrement dit, ils perçoivent leur intuition comme étant une source suffisante
d’information. Le second biais, aussi appelée l’erreur fondamentale d’attribution, déjà
expliqué plus tôt, est défini comme une attribution d’importance démesurée aux
caractéristiques internes d’un agent, tel que la personnalité, sans prendre en compte les
facteurs externes et situationnels, que ce soit pour un discours ou un comportement. Chez les
schizophrènes souffrant de délires de persécution, ce biais est porté sur autrui : les évènements
négatifs sur attribués à autrui, sans prendre en compte le contexte, et les évènements positifs à
soi-même. Ils ont également tendance à surestimer leurs capacités cognitives, notamment les
aptitudes mnésiques.
De surcroît, le raisonnement se voit particulièrement affecté en conséquence du
syndrome dissociatif. On repère notamment chez le schizophrène des troubles de
l’association, impactant le discours qui semble incohérent pour l’interlocuteur. Ce dernier est
à caractère illogique et est marqué par des associations par contiguïté, soit par des réponses
composées de mots temporellement ou spatialement proches du mot prononcé, ayant très
certainement un sens dans la vie de l’individu. En ce qui concerne la pensée, elle paraît
irrationnelle, caractérisée par des coq-à-l’âne, des barrages. De plus, sa pensée peut parfois
être abstraite, ou bien hermétique, la logique et sens du discours n’étant accessible qu’au
sujet, reflétant une impossibilité pour le soignant de saisir les idées du patient. Le
schizophrène peut également faire l’usage de rationalismes morbides, soit de raisonnements
qui ne font pas sens, par exemple « je suis venu à l’hôpital car je voulais savoir si j’étais fou »
alors qu’il y a été emmené par ses proches, voire de raisonnements pouvant dériver vers
l’absurde, mais aussi employer des néologismes, qualifiant l’utilisation de mots qui n’existent
pas, ainsi que des paralogismes, soit l’utilisation de mots qui existent dans des contextes
inappropriés. L’affection et la dissociation des fonctions cognitives est donc très claire dans la
schizophrénie, faisant l’objet d’une symptomatologie mettant en avant des troubles au niveau
des mécanismes de raisonnement et de construction de la pensée.
Une autre psychose présente également des affections au niveau du raisonnement. Il
s’agit de la paranoïa, qualifiée par Claudie Bert en 2012 comme « la maladie du
raisonnement ». La paranoïa est un trouble apparaissant à l’âge adulte, aux alentours de 35/40
ans, fonctionnant à partir d’un mécanisme délirant. Le trouble paranoïaque est continu avec la
personnalité paranoïaque, car le sujet nécessite de temps pour construire son délire. On sait
que le délire chez le paranoïaque n’est pas lié à un déficit intellectuel. Contrairement aux
mécanismes de raisonnement que l’on rencontre dans la schizophrénie, les raisonnements sont
globalement cohérents dans la paranoïa, il est même parfois difficile d’identifier de prime
abord que le sujet présent en face de nous est atteint de paranoïa. Ainsi, on peut identifier des
raisonnements couplés d’un discours construit et cohérent, mais d’une erreur faite à l’origine
de ceux-ci. On identifie plusieurs traits propres à la paranoïa. Notamment une distance vis-à-
vis d’autrui, accompagnée d'une certaine forme d’autoritarisme dans leurs rapports sociaux.
On observe également dans la paranoïa une exagération de l’orgueil et de l’égocentrisme, que
l’on nomme en psychanalyse l’hypertrophie du Moi, accompagné d’une personnalité
colérique et sthénique, ce qui implique que les individus souffrant de cette pathologie ne
tolèrent pas d’être remis en cause, les rendant intolérant et méprisant avec autrui. Enfin, la
caractéristique la plus probante, la plus proche de notre recherche, s’intitule la fausseté du
jugement, qualifiée par une vision erronée sur le monde, les autres… sa manière d’orienter les
choses se fait à partir d’aprioris. On peut lire dans le texte : « le sentiment qu'a le
paranoïaque d'être persécuté l'amène souvent à donner des actes de ceux qui l'entourent,
même les plus insignifiants, des interprétations qui correspondent à ce qu'il croit, mais sont
complètement fausses ».
À partir de ces différents mécanismes, communs chez les paranoïaques, il est possible
de remettre plusieurs formes de délires, fonctionnant tous sur ces mécanismes de fausseté du
jugement mais touchant différents aspects de la vie du sujet. Ouvrons à partir de la large
catégorie des délires passionnels, reposant sur une passion pathologique. Nous distinguons
trois thématiques dans les délires passionnels : le délire de revendication, dans lequel le sujet
pense avoir ou a vécu un préjudice, une injustice dans un certain domaine et qu’il va vouloir
entamer tout type de procédure afin d’obtenir réparation. La forme pathologique se loge dans
la façon dont le problème est traité et dans les procédures entamées, le sujet mettant l’affaire
en question au centre de sa vie, de manière presque délirante. L’origine du conflit peut être
minime, tel que par exemple un conflit de voisinage, mais le sujet peut entamer des
procédures juridiques importantes voire menacer verbalement et passer à l’acte, entrainant des
conséquences graves et dangereuses pour l’entourage. Le délire érotomaniaque ensuite,
consistant en la conviction inébranlable qu’à un sujet dans l’idée qu’autrui éprouve des
sentiments pour lui. Enfin le délire de jalousie, dans lequel le sujet inclut un tier dans sa
relation par lequel il se sent menacé, sur lequel il va projeter toutes les frustrations
accumulées lors de la relation. Il va absolument chercher à prouver cette potentielle tromperie,
à travers des conclusions hâtives et la fabrication de preuves notamment. Une seconde forme
de délire dans la paranoïa s’intitule le délire d’interprétation, et repose essentiellement sur des
traits de persécution. Le sujet interprète la vie de manière à ce que, progressivement, il
parvienne à l’idée qu’autrui lui veut du mal, ce qui va impacter ses relations sociales et
l’isoler. Certaines thématiques peuvent porter sur le survivalisme ou sur le complotisme, bien
que ces dernières ne soient pas toujours soutenues par des individus paranoïaques. La
troisième, mise en évidence par Ernst Kretschmer en 1963 porte le nom éponyme de délire de
relation des sensitifs de Kretschmer, qui se distingue des deux autres types de délire par son
vécu sur un mode passif et dépressif. Le sujet présente de l’hyperesthésie, soit une sensibilité
accrue à l’environnement qui l’entoure. Il souffre lui aussi d’idées d’interprétation, de
méfiance envers autrui et de fausseté dans le jugement, mais il a tendance à justifier la
persécution d’autrui, sur le mode « on me déteste car je suis détestable ».
Ces trois formes de délires paranoïaques nous permettent bien d’identifier ce qui
permet de la qualifier de « maladie du raisonnement ». En effet, il est possible, à travers ces
trois formes de paranoïa, de déterminer certains traits concernant des erreurs dans le
raisonnement. Tout d’abord nous pouvons confirmer la notion de fausseté du jugement, car
nous observons bien des interprétations erronées à partir de situations courantes. Nous
pouvons également parvenir à la conclusion que le sujet paranoïaque fonctionne à partir de
ses mécanismes intuitifs, étant donc soumis à de nombreux biais, et vivant avec la certitude
que les conclusions auquel il parvient sont intouchables, irréversible et avérées. Enfin, nous
voyons que la persécution est au centre du délire, accompagnée de la ferme idée qu’autrui lui
veut du mal, ce qui implique que l’individu paranoïaque soit sans cesse dans l’hypervigilance
et la méfiance. Ainsi, il est difficile d’établir un raisonnement fiable et élaboré, lorsque la
seule confiance que l’on porte est sur soi-même et que l’on remet en cause tous les acquis de
l’humanité, les notions vraisemblablement vérifiées et véridiques et la parole de l’autre.

Nous avons jusqu’à lors pu voir les modes de résolution de problème, de


raisonnements, ainsi que leurs biais et les affections pouvant les altérer partiellement ou
complètement. Il apparaît alors comme légitime de se demander s’il est possible d’identifier
un ou plusieurs modes de raisonnement et de résolution de problème optimal, dépourvu de
biais et de failles causés par l’homme dans sa condition d’être humain. Ce sont ce que les
scientifiques ont cherché à atteindre avec les différents types d’intelligence artificielle. En
effet, l’ayant pendant longtemps imaginé comme propre à l’être humain, il est aujourd’hui
envisageable d’estimer le raisonnement comme connu pour l’humain reproductible à l’échelle
de la machine. En effet, l’IA est capable à partir de mécanismes que nous allons développer
par la suite d’accéder aux paramètres permettant à la fois de décrire l’action en cours,
permettant ainsi de décrire les prémisses et les différentes règles employées dans la résolution
de problème. Pour penser cette troisième et dernière partie de notre plan, nous nous baserons
essentiellement sur certains chapitres de l’ouvrage Intelligence naturelle, intelligence
artificielle, datant de 1993, rédigé par Symposium de l'Association de Psychologie
Scientifique de Langue Française et supervisé par Jean-François Le Ny, un psychologue
français spécialisé dans le domaine de la cognition.
Dans l’intelligence artificielle, la base est de coder dans la machine les différents types
de connaissances qu’elle a besoin d’acquérir pour lui permettre d’effectuer des fonctions
cognitives supérieures. Pour coder ces différents modes de connaissances, il faut disposer
d’une base de données la plus exhaustive possible. Il est précisé dans le texte qu’il « est
indispensable de préciser clairement les limites du domaine d’application auquel se
rattachent les connaissances manipulées dans les raisonnements ». Ainsi la base de données
doit correspondre à un domaine donné, sur lequel on dispose d’un certain nombre
d’informations. On ne peut s’assurer qu’une information soit entièrement vraie, c’est pourquoi
les modes de connaissances des IA reposent sur un paradigme, appelé l’hypothèse du monde
clos. Cette dernière repose sur une fondamentale : si une connaissance n’est pas avérée, alors
elle est supposée comme fausse. Ainsi cela permet de ne pas être faussés par les données que
l’on ne peut vérifier et permet une simplification, L’IA étant un système informatique
fonctionnant à partir de codages. Ainsi, une fois la base de données posée, il faut une ou
plusieurs méthodes d’exploitation de cette connaissance permettant, par des mécanismes de
raisonnement, de produire de nouvelles connaissances. Cette seconde base de l’IA passe par
des modes de représentations associés afin de pouvoir de créer une dynamique entre les
données dont l’IA dispose. Le texte présente les deux grands types de représentations des
connaissances fonctionnant de manière inférentielle : les représentations déclaratives, visant à
décrire les connaissances brutes, et les représentations procédurales, mettant en action les
codes permettant l’utilisation de ces différentes données. Ainsi, nous pouvons identifier quatre
modes de représentations que nous allons détailler.
Tout d’abord parlons des représentions logiques. Rappelons que la notion de logique
au sens formel du terme a toujours été au centre de l’idée du raisonnement et de la résolution
de problème. Ces représentations logiques se basent sur la logique mathématique, outil capital
dans la formalisation des connaissances dans les systèmes d’IA. Ce raisonnement logique se
présente chez l’IA comme un ensemble d’opérations sous la forme de formules, fondées sur
les règles de modus ponens et de modus tollens. Le langage de programmation employé pour
les représentations logiques s’intitule le PROLOG, composé des mécanismes de
raisonnements cités plus haut intégrés au programme. Néanmoins, la logique présente
quelques limites, notamment l’absence de prise en compte de l’incertitude amenée par les
éléments externes.
C’est ainsi qu’un second mode de représentation peut être introduit : celui des réseaux
sémantiques. Ces derniers sont issus de travaux de psychologie cognitive sur l’organisation de
la mémoire. Ils permettent d’établir une hiérarchie mais aussi des liens entre les différentes
connaissances, permettant ainsi un agencement entre les connaissances acquises par l’IA.
Le troisième mode est celui des règles de production. Les règles de production
permettent une quantification des connaissances, que l’on peut traduire par exemple comme la
forme « si A alors B ». Pour que la règle soit valide, A doit être une formule logique et
vérifiée et B doit être assimilé à un fait, une action ou une hypothèse. Les systèmes
comportant les règles de productions fonctionnent sur trois mécanismes : une base de règles
composée de la connaissance amenée par la base de données, un moteur d’inférence
correspondant aux mécanismes de raisonnement exploitant les règles et enfin une base de faits
faisant office de mémoire de travail du système qui contient les données initiales décrivant le
problème à traiter puis les hypothèses émises et les faits apparus avant de parvenir à la
solution du problème.
Enfin, nous pouvons introduire le quatrième et dernier mode de représentation de l’IA
se nommant les objets structurés. Les mécanismes de l’IA s’organisent en frames, structurant
l’ensemble des connaissances relatives aussi bien à un objet, à un concept ou à une situation
typique. La représentation par objets identifiés et structurés permet d’utiliser plusieurs
mécanismes de raisonnement.
Ainsi, nous pouvons déterminer qu’il existe une réelle pluridisciplinarité dans les
modes de représentation de l’IA, et que cette dernière est à la fois tirée des sciences
informatiques et mathématiques mais aussi aux sciences cognitives.
Comme nous pouvons le lire dans le texte, le raisonnement dans l’IA est multiforme,
toutefois nous pouvons nous interroger sur son fonctionnement et sur les modalités de
résolution de problèmes. Le texte nous en exprime deux en particulier. Premièrement, la
méthode de raisonnement que l’on nomme ascendante (bottom-up), soit l’idée que l’IA part
des données dont elle dispose sur l’état du problème et s’aide ainsi des données enregistrées
dans sa base pour atteindre une solution. Deuxièmement, le raisonnement descendant (top-
down), consistant en l’expression sous-buts lorsque l’IA connaît déjà l’objectif à atteindre. Un
des modes d’apprentissage à partir de ces diverses logiques de raisonnement, se présente sous
formes d’apprentissage autonome et s’appelle le Machine Learning. L’IA possède cette
capacité consistant en l’amélioration de ses schémas et de ses connaissances en fonctionnant
seule. On présente à l’IA un algorithme à exécuter à partir des données dont elle dispose. L'IA
s’entraîne à partir de cet algorithme et des codes déjà enregistrés dans sa base de données, ce
qui lui permet d’intégrer les chemins qui ne lui permettent pas de résoudre cet algorithme et
celui ou ceux qui, à l’inverse, lui permette d’arriver au résultat escompter. Ainsi, l’IA devient
continuellement plus performante, ses capacités analytiques se voyant toujours plus
compétitive et pouvant résoudre un plus grand nombre de tâches sans rajouter de
connaissances dans sa base de données initiale, l’IA apprenant elle-même et développant ces
connaissances seule. Les scientifiques doivent néanmoins continuellement lui donner de
nouvelles tâches.
Plus récemment, une nouvelle méthode a permis d’approfondir cette notion et de
pousser encore plus loin. On appelle cette méthode, dérivée du Machine Learning, le Deep
Learning. Ce Deep Learning se base sur un réseau de neurones artificiels s’inspirant du
cerveau humain. À l’inverse du système neuronal, les « neurones » de l’IA sont réparties en
couches, chaque couche percevant les informations transmises par la précédente. Ainsi, à
chaque étape, les réponses erronées sont remontées aux couches précédentes, mais ne sont pas
oubliée par la machine. Ainsi, il connaît les réponses à un certain type de problèmes et les
réponses qui ne fonctionnent pas. Dès lors, lorsque l’IA sera confrontée à d’autres types de
problèmes présentés, elle pourra réitérer son fonctionnement et se servir à nouveau aussi bien
des mécanismes qu’elle avait précédemment rejeté que de ceux dont elle a déjà pu se servir.
Ainsi, elle est continuellement exposée à de nouveaux types de problèmes, ce qui lui permet
d’établir des liens inférentiels entre les données dont elle dispose, les données qu’elle a elle-
même créé et les réponses aux différents problèmes, permettant ainsi d’organiser un certain
réseau associatif permettant des inférences entre les données mais également un méta-
raisonnement sur l’origine de ce résultat. Ainsi la machine ne cesse de s’entraîner elle-même
et d’améliorer ses performances.
Prenons pour illustrer ces deux modes de fonctionnements fondamentaux des IA, nous
pouvons nous baser sur l’exemple de la machine créée par IBM au début des années 90 et
dénommée Deep Blue. En effet, Deep Blue à cette époque fonctionnait sur le mode du
Machine Learning détaillé ci-haut, et avait été entraînée sur les différentes stratégies de jeu
d’échec. Cette dernière, en mai 1997, se verra confrontée au champion du monde d’échecs,
Gary Kasparov, dans les conditions normales d’un tournoi, et gagnera face à celui-ci. Ce
moment a eu pour répercutions, au-delà d’agacer G. Kasparov, de marquer l’histoire. En effet,
il s’agit d’une des premières IA à dépasser l’humain au niveau de ses capacités intellectuelles.
Par la suite, en 2014, l’entreprise britannique DeepMind conceptualise une IA basée
sur le système de Deep Learning, que l’on nomme AlphaGo. Cette machine a été formée cette
fois-ci à jouer au jeu de go. Néanmoins, cette machine n’a pas besoin d’intervention manuelle
pour se perfectionner et sans cesse accroître ses performances. En effet, cette dernière a pu
s’entraîner continuellement contre elle-même, identifier les meilleures stratégies, certaines
peut être même jamais identifiées par les êtres humains, et devenir imbattable. Elle a alors
joué face au champion du jeu de go, Lee Sedol, et a, sans surprise, surpassé le joueur coréen.
AlphaGo a néanmoins été elle aussi dépassée, par une version plus poussée : AlphaGo Zero.
En effet, là où AlphaGo devait être supervisée par des scientifiques, là où AlphaGo Zero n’a
eu besoin que de se confronter à elle-même pour pouvoir se perfectionner.

Néanmoins, bien que l’IA semble être un moyen plus rapide et plus efficace dans les
modes de raisonnements tels que nous les connaissons aujourd’hui, elle présente certaines
limites sur lesquelles il est impossible de faire l’impasse. En effet, il vous est peut-être arrivé
de tomber sur des documentaires relatant des scénarios catastrophes qu’entraînent la
croissance des Intelligences Artificielles. Néanmoins, ces scénarios ne sont pas de réels
dangers qui nous menacent, alors quels sont les véritables limites ? Premièrement, l’IA
inquiète. Effectivement, il arrive que la machine soit employée dans des prises de décisions
médicales, ou, de manière plus quotidienne, elle nous oriente dans nos actions, dans les cas de
Siri ou Alexa. Pour certains, il est même nécessaire d’utiliser ces dernières, se présentant
comme dépendants à ces IA capables de faire rapidement et à notre place des opérations
complexes et désagréables. Toutefois, nous pouvons nous demander si cela pourrait, à terme,
nous amener à perdre certaines de nos fonctions préalablement acquises voire certaines
fonctions innées. Si on admet cette hypothèse, nous voyons bien qu’elle peut soulever des
problématiques fondamentales, notamment l’idée de perte de compétence qui amènerait la
machine à mieux maîtriser les capacités que l’humain lui a apprises, l’empêchant dès lors
d’atteindre un certain niveau d’autonomie et d’indépendance.
Mais un second point crucial pose une limite aux fonctions artificielles de l’IA. En
effet, le cerveau humain est un système complexe prêt à s’adapter à son environnement et à se
plier aux éléments circonstanciels. Nous pouvons notamment nous appuyer sur l’exemple de
la plasticité cérébrale, ou encore des neurones miroirs, capacités difficilement reproduisible à
travers un système informatique, la raison étant que les composantes de celui-ci ne sont pas
des êtres vivants travaillant au sein du système. Ainsi, l’IA est incapable d’une composante
fondamentale des comportements humain : la prise d’initiative. Effectivement, l’IA est
restreinte aux codages qui sont appliqués à son programme, et qu’elle ne peut d’aucune
manière dépasser. Les décisions prises par la machine est induite par un entraînement fasse à
une série d’algorithmes à résoudre, elle n’est en aucun cas apte à dépasser ses connaissances.
De plus, les IA n’ont pas la capacité d’interagir entre elles, ce qui réduit à zéro tous les risques
d’outrepasser les bases qui leur sont données et ce qu’elles ont pu en faire. Dans l’exemple
d’AlphaGo, on sait qu’il existe 10170 possibilités au jeu de go. Ainsi, le programme et les
tâches qui lui sont données lui ne permettront « que » d’explorer les 10170 issues et de
sélectionner, en jouant contre elle-même, les meilleures options. Enfin, dans la continuité de
l’idée précédente, nous pouvons affirmer qu’une IA est dépourvue d’émotions, de ressenti, et
d’une forme de conscience comme on peut la conceptualiser chez l’Homme. Ainsi, il est
impossible de faire appel à l’IA pour des décisions qui touchent à ces champs, propres à
l’humain, qu’il est encore impossible d’imiter. L’IA est cantonnée à son aspect rapide,
efficace et non biaisé.

Nous pouvons donc conclure que le raisonnement et la résolution de problème sont des
notions complexes et qui n’a pas fini d’être explorée bien que les études soient multiples et
détaillées. Il est difficile de décortiquer tous les mécanismes du cerveau, bien que nous ayons
aujourd’hui cherché à mettre en lumière les différents concepts et paradigmes de ces notions
présentement étudiées. Nous pouvons ainsi répondre à la problématique en affirmant qu’à
partir de la démonstration présentée à travers cet exposé, qu’il est difficile d’estimer que l’IA
pourrait remplacer le mode de raisonnement humain, cette dernière ayant été conceptualisée
par celui-ci. De plus, percevoir les biais et incertitudes intrinsèques à la condition humaine
comme une « erreur » ou un problème de raisonnement remettrait en cause le principe du
raisonnement de l’Homme. Peut-être que ce qui permet de rendre le raisonnement humain
plus intéressant et plus élaboré est justement le moment où nous sommes biaisés par nos
émotions, nos expériences ?

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