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FORMULATION DE PROBLEMES ET

PRISE DE DECISION
À la question de savoir ce qu’il ferait s’il lui restait
seulement une heure pour sauver le monde,
Albert Einstein répondit :
« Je passerais 55 minutes à définir le problème et,
après, seulement 5 minutes à le résoudre. »
(Basadur et coll., 1994)
La qualité d’une solution se juge a posteriori,
elle est bonne parce qu’elle a marché et non
elle a marché parce qu’elle était bonne !
(Amblard et coll., 2005)
GÉRER, C’EST DÉCIDER, écrit le célèbre Herbert Simon (1992).
Pas surprenant que l’on constate que prendre des décisions est
le plus important travail de tout gestionnaire. Cela fait partie de
sa routine de tous les jours et ce n’est pas près de changer.

Car, il ressort que les travailleurs de demain, ceux de la


génération Y, nés entre 1977 et 1990, attachent peu
d’importance à la hiérarchie, en ce sens que s’ils considèrent que
leur patron n’est pas capable de prendre des décisions, ils vont
sans hésitation aller directement plus haut.
Décider, c’est une activité à la fois difficile et très risquée, car une
mauvaise décision peut causer des dommages, souvent
irréparables, non seulement à l’organisation, mais aussi à la
carrière. Il n’est donc pas étonnant qu’elle soit source d’une
grande préoccupation et d’anxiété, mais aussi d’une grande
satisfaction potentielle pour le gestionnaire.

Ce n’est pas pour rien que l’on investit toujours davantage pour
s’adjoindre des experts-conseils dans tous les domaines de la
prise de décision (Hammond et coll., 1998 ; Landry, 1988 ;
Robitaille, 1992).
Par conséquent, de nombreuses recherches ont été
consacrées à comprendre le processus de prise de décision
(Preston, 1991). Les résultats sont exprimés selon différents
modèles dont la majorité, pour ne pas dire tous, prennent
assise sur la logique.

Généralement, on y trouve une série d’étapes que l’on


pourrait essentiellement synthétiser de la façon suivante
(Bazerman, 1994 ; Landry, 1988 ; Korte, 2003) :
1. Définir le problème.

2. Déterminer les critères ou les objectifs de la décision.


3. Pondérer ou hiérarchiser ces critères ou objectifs.
4. Élaborer les solutions possibles au problème.
5. Évaluer chaque solution par rapport à chacun des
critères ou des objectifs.
6. Sélectionner la décision optimale.
Malheureusement, des vérifications sur le
terrain montrent qu’il y a peu d’adhésion à ces
modèles de prise de décision (Korte, 2003 ;
Wagner, 1991).
Simon (1992) explique cela par la rationalité
limitée du gestionnaire, qui ne peut posséder
toute la connaissance des éléments d’une
situation, ni celle de toutes les conséquences
de ses actes. Il ne peut concevoir et encore
moins mesurer toutes les possibilités de
solutions à un problème.
Selon Simon (1992), la première étape dans l’activité
de prise de décision est la moins bien comprise, à
savoir, lorsqu’un problème est constaté, comment le
représenter d’une façon adéquate pour arriver à le
résoudre.
Il en va de même pour les missions de consultation
où le défi est de trouver le « vrai » problème à
résoudre (Basadur et coll., 1994 ; Landry et Banville,
2002).
Pourtant, l’engagement actif des parties prenantes en faveur
de la solution retenue repose essentiellement sur une définition
du problème motivant leur participation (Finn, 1996).

l’objectif du présent cours est d’offrir aux auditeurs, des


éléments d’accompagnement et une démarche créatrice pour
formuler les problèmes organisationnels. La dimension
pragmatique sera au centre des préoccupations.
MODULE 1:
LA NOTION DE PROBEME
LA NOTION DE PROBLÈME mérite que l’on s’y
attarde, d’abord pour la définir précisément. Cela
conduit à se demander comment effectivement on
prend connaissance d’un problème ?

Il faut alors se rendre à l’évidence qu’il s’agit d’une


construction sociale et que cela a des conséquences
déterminantes quand on veut le résoudre.
1.1. QU’EST-CE QU’UN PROBLEME
Le Dictionnaire actuel de l’éducation (Legendre, 2005 : 1078)
donne la définition suivante du terme problème : « Situation
préoccupante à laquelle est confronté un individu ou un
groupe, et dont la modification présente un niveau certain de
difficulté. »
Dans ce sens, une situation problématique doit être vue
comme l’amorce, le déclencheur d’un processus de recherche
et de questionnement.
C’est sans doute une telle perspective qui amène les
auteurs Landry et Banville (2002) à établir quatre
conditions pour qu’il y ait problème :

1. Présence d’une situation préoccupante;


2. Pouvoir d’intervention sur cette situation;
3. Volonté d’intervenir et d’y consacrer des ressources;
4. Nécessité d’une réflexion avant de pouvoir passer à
l’action.
La première condition est évidente. Une personne doit
constater une situation qu’elle juge anormale et préoccupante
selon divers critères qui lui sont propres.

La deuxième condition fait clairement ressortir que, même si


une situation est préoccupante, ce n’est pas
automatiquement un problème. Pour ce faire, il doit y avoir un
pouvoir d’intervention. Sans cela, cette situation doit être
considérée comme un « état de la nature », selon la théorie
statistique de la décision.
Il faut en tenir compte comme une contrainte à l’action, en évitant
toutefois d’investir dans un processus de formulation/résolution qui
serait à sa face même inefficace.

Ainsi, une crise économique mondiale peut être une situation très
préoccupante mais, clairement, un individu seul n’a pas le pouvoir
d’intervenir pour corriger cette situation.

D’une part, il s’agit d’une contrainte qu’il doit cependant absolument


prendre en compte. D’autre part, la façon de s’y adapter ou, même,
d’en tirer profit constitue une situation tout aussi préoccupante sur
laquelle existe un pouvoir d’intervention.
S’il y a désir d’exercer ce pouvoir d’intervention, la troisième
condition est alors remplie pour reconnaître qu’il y a un
problème.
Quant à la quatrième condition, elle stipule la nécessité d’une
réflexion avant de pouvoir passer à l’action.
Celle-ci peut être de deux ordres et ouvre ainsi une distinction
importante à faire entre les problèmes structurés et ceux qui ne
le sont pas.
En effet, il est possible qu’elle porte seulement et simplement
sur la façon de concrétiser et d’opérationnaliser une solution
déjà connue.
Il s’agit alors de problèmes dits structurés, c’est-à-dire ceux
pour qui il existe, dans une communauté donnée, un
consensus sur la façon de les formuler et de les résoudre.

Ce consensus peut être atteint du fait que ces situations


problématiques sont récurrentes.

Les gestionnaires poursuivent normalement des projets


similaires dans leur résolution et le succès pragmatique de la
solution trouvée a été validé (Landry, 1988).
Cette dernière n’est pas nécessairement optimale,
mais simplement celle qui, de l’avis général, est la
plus satisfaisante dans le sens qu’elle donne les
meilleurs résultats, compte tenu des connaissances
disponibles dans la communauté à ce moment.

Donc, on peut parler d’un problème structuré quand


l’ensemble des éléments nécessaires à sa formulation
et à sa résolution sont connus et accessibles
(Basadur et coll., 1994 ; Rittel et Webber, 1973).
Dans un sens, on peut donc aller jusqu’à dire que les problèmes
structurés ne font plus véritablement problème, du moins pour ceux qui
en possèdent l’expertise. Plus précisément, la phase de formulation est
automatique et ainsi devenue invisible (Landry et Banville, 2002).

Par ailleurs, il existe un deuxième ordre de problèmes où la réflexion est


nécessaire à la suite d’une incertitude non seulement quant à
l’orientation à donner à l’action pour les résoudre, mais sur la façon
même de les poser.

Il s’agit des problèmes non structurés pour lesquels, bien sûr, il n’existe
pas de formulation ni de solution reconnue.
Ce sont des situations problématiques que l’on n’arrive pas à
décrire avec un fort degré d’exhaustivité dans leur ensemble. Il
est toujours possible de les considérer comme un symptôme
d’un autre problème.

Par exemple, le problème des crimes de rue peut être envisagé


comme un symptôme d’une décadence générale du sens
moral, de la permissivité, de la pauvreté, etc. Le contexte joue
un rôle déterminant tant pour les définir, que pour déterminer
les solutions possibles.
Il n’y a pas d’emblée un objectif clair et précis à atteindre dans leur
résolution, souvent appelé état désiré.

L’un des buts de la réflexion pouvant justement être de dégager cet


objectif et de circonscrire cet état désiré (Basadur et coll., 1994 ; Landry et
Banville, 2002 ; Rittel et Webber, 1973).

En ce qui touche la meilleure solution à apporter à ces problèmes non


structurés, les experts ne s’accordent pas et pas davantage, non plus, sur
les hypothèses ou les théories qui devraient guider sa recherche.
Il n’y a donc pas une série énumérable de solutions potentielles, ni un
ensemble d’opérations permises, ou de définitions acquises.

Il n’existe pas plus de critères qui permettent de prouver que toutes les
solutions ont été déterminées et considérées.

En conséquence, les résultats de l’application de l’une ou l’autre solution


présentent beaucoup d’incertitude.

En effet, toutes les conséquences qu’auront les actions menées au regard


de ces problèmes ne peuvent être complètement évaluées jusqu’à ce que
les vagues de répercussions soient totalement terminées.
pour traiter les problèmes non structurés, le mode de
raisonnement ne peut reposer sur le discours scientifique, mais
plutôt sur l’argumentation qui est beaucoup plus riche. En effet,
compte tenu du fait qu’ils sont uniques et que, pour ainsi dire, il
n’y a pas de possibilité d’expérimentation, aucun test
d’hypothèses n’est faisable.

De plus, les choix d’explications de ces problèmes sont


arbitraires au sens logique (Rittel et Webber, 1973).
Cela étant dit, à partir de la présentation des caractéristiques fort différentes
de ces deux ordres de problèmes, il est facile de comprendre que, d’une
part, la démarche présentée ici s’adresse spécifiquement, pour ne pas dire
uniquement, aux problèmes non structurés.

En effet, la valeur ajoutée d’y recourir pour ceux qui sont structurés serait
assez mince et n’aurait aucune commune mesure avec l’investissement en
temps et en efforts qu’elle requiert. D’autre part, le rêve pour tout décideur
est de n’avoir à régler que des problèmes structurés.
Il suffit alors de collecter les données factuelles sur la
situation problématique, de les entrer dans quelques
formules ou règles établies et la solution non
seulement en ressort clairement, mais est facilement
explicable et justifiable.
Les gens vont s’y rallier très facilement. Même si un
gestionnaire n’a pas toute l’expertise nécessaire pour
ce faire, il lui est facile de recourir à un consultant
spécialisé dont l’intervention dans l’organisation sera
aisément contrôlable.
C’est sans doute ce qui explique que les gestionnaires ont
souvent tendance à traiter toutes les situations
problématiques comme des problèmes structurés, ce qui ne
peut faire autrement que de conduire à des échecs et même
à des catastrophes si, dans les faits, ils n’en sont pas
(Landry et Banville, 2002).

Enfin, un examen comparatif des quatre conditions


d’existence d’un problème amène à constater que chacune
implique un jugement porté par quelqu’un.

En effet, une situation n’est préoccupante que dans la


mesure où quelqu’un la reconnaît comme telle.
De même, l’existence de la capacité et d’une volonté
d’intervention sont directement reliées à l’appréciation qu’en fait
une personne. Pour ce qui est de la réflexion, elle doit être
indubitablement faite par un être humain.

Tout problème comporte donc deux composantes


fondamentales : un objet, à savoir la situation problématique ;
et un sujet, la personne, qui analyse, évalue et prends position
relativement aux quatre conditions pour en faire ou non un
problème.
La connaissance du sujet livre donc l’une des clefs pour
comprendre pourquoi l’objet, la situation préoccupante,
apparaît problématique (Landry, 1995).

Si l’on demandait au commun des mortels d’examiner au


microscope deux échantillons de tissu humain prélevés sur le
même organe de deux personnes différentes, il lui serait
impossible de voir les différences entre les deux et, même s’il
y arrivait, il ne pourrait pas interpréter ces différences comme
présentant un problème.
Pourtant, un biologiste non seulement reconnaîtrait
facilement les différences, mais conclurait que l’un des
échantillons provient d’un organe atteint d’une tumeur,
d’où présence d’un problème de santé.

Il y a donc une étroite connexion entre connaissance et


problème. Dès lors, il est important de comprendre
comment cette connexion s’opère pour arriver à une
représentation d’une situation problématique.
1.2. COMMENT S’EFFECTUE LA PRISE DE CONNAISSANCE
D’UN PROBLEME ?
Graphique 1: Comment s’effectue la prise de connaissance d’un
problème ?

SUJET OBJET
DECIDEU PROBLE
R ME

GESTIONNAI
REALITE
RE

1er élément de réponse: où est la


connaissance?
2è élément de réponse: le
processus
Le graphique 1 illustre les composantes de la prise de
connaissance d’un objet problème (réalité) par un sujet
décideur (gestionnaire). On y voit que le premier élément de
réponse à notre question est de savoir où effectivement se
situe cette connaissance. Le deuxième est dans le
processus par lequel s’effectue cette prise de connaissance.
Pour ce qui est du site de la connaissance, il existe trois
courants épistémologiques à ce propos. Le premier, dit
objectif, la place uniquement dans l’objet.

Le deuxième, subjectif, a situe complètement dans le sujet.

Le troisième, constructiviste, la localise dans la relation qui


s’établit entre l’objet et le sujet qui en prend connaissance.
Quand on observe et analyse comment la plupart des gestionnaires
abordent les problèmes organisationnels et en recherchent la solution,
plus souvent qu’autrement c’est en vase clos. Quand on les écoute en
parler, ils les décrivent à leurs commettants comme s’il s’agissait d’une
évidence incontestable.

Il ressort clairement qu’ils assument que la connaissance d’un problème


réside essentiellement dans l’objet, c’est-à-dire la situation problématique.
Le problème est alors une réalité qui est externe et indépendante d’eux
ou de toute autre personne qui l’examine, d’où une connaissance
objective.
Un tel comportement n’est pas très surprenant, il est même tout à
fait normal puisque cette perspective objectiviste est dominante
dans la littérature sur la prise de décision et la recherche
opérationnelle, fortement influencée par les mathématiques,
l’économique, la cybernétique et la science en général (Preston,
1991).
D’ailleurs, un des idéaux de la science n’a-t-il pas toujours été d’en
venir à connaître le réel tel qu’il est, objectivement (Landry, 1983) ?
Ce courant de pensée a donc été à la base des enseignements
reçus et de la formation professionnelle de la très grande
majorité, pour ne pas dire de la totalité des gestionnaires.

En découlent des conséquences fondamentales, comme de


croire que la connaissance complètement objective d’un
problème peut être atteinte par un examen externe de la réalité
problématique ; que les problèmes ont une existence autonome
qui ne dépend d’aucun sujet connaissant.
Ce dernier n’est pas alors partie dans la situation
problématique, mais joue simplement un rôle passif dans son
processus de description, se limitant à enregistrer et à coder
l’information sur celle-ci.

D’où il ressort que cette description peut être considérée


comme une copie miroir de la réalité. Dès lors, il devient
raisonnable de parler du bon problème et l’objectif est
essentiellement de le distinguer du mauvais.
Il est aussi possible et souhaitable de parler de standards, de
normalité et d’état désiré. Résoudre un problème se résume à
une recherche des moyens appropriés pour se déplacer d’une
réalité insatisfaisante à celle désirée (Landry, 1995).

Comme le problème est en lui-même disponible pour


investigation, le formuler consiste alors simplement à analyser
la réalité.
Seules les données factuelles comptent et il suffit de les faire
parler.
L’important est de rechercher et d’appliquer une rigoureuse
stratégie d’investigation, comme la recherche opérationnelle,
qui reposera sur l’observation critique, la description précise,
l’analyse et la classification des faits et données sur le
problème.
Également, ces faits sont la clef pour permettre au gestionnaire
de légitimer les résultats de son activité de
formulation/résolution.
Le problème collectif, c’est-à-dire celui dans lequel plusieurs
sujets sont impliqués, n’est pas fondamentalement différent et
aussi facile à formuler et à résoudre que le problème
individuel.

Il ne s’agit que d’une situation problématique, encore une fois


autonome, qu’on peut analyser et traiter à partir de ce qui est
réel, sans avoir à tenir compte des sujets et de leurs
connaissances respectives (Eden et Sims, 1979).
Ce courant rationnel normatif a conduit à la mise au point de
techniques causalistes de prise de décision populaires comme
Kepner et Tregoe (1975).

Pour ces auteurs, un problème se réduit à un état objectif non


satisfaisant qui requiert une action pour corriger la situation.

Leur stratégie d’action suggère aux gestionnaires des moyens


empiriques systématiques pour découvrir et décrire la réalité
problématique et graduellement en cerner les causes et
simplement agir pour les faire disparaître.
Cela suppose évidemment que le gestionnaire a toujours un
très grand contrôle sur la situation, puisqu’il peut restaurer
l’état antérieur (Landry, 1983 ; 1995).

Pour le consultant, le fait d’envisager ainsi le problème


comme une réalité concrète autonome, c’est le rêve. Il n’a
qu’à s’en remettre aux faits et à l’expertise qu’il détient, sans
réellement avoir à tenir compte des perceptions des différents
intervenants organisationnels.
Il est l’expert équipé des outils nécessaires pour découvrir ces données
reliées à la réalité problématique et appliquer une technique reconnue
pour corriger cette situation (Eden et Sims, 1979).

Même si cette perspective peut, jusqu’à un certain point, tenir la route en


ce qui concerne les problèmes structurés, il est bien évident que
l’objectivité complète qu’elle revendique est un mythe dans la mesure où
elle véhicule, dans sa définition même, l’idée qu’il est possible de
connaître le réel tel qu’il est sans aucune interférence de l’observateur
Comme on l’a déjà souligné plus haut, cela implique de considérer les
problèmes comme des objets concrets et autonomes dont les frontières
naturelles peuvent être découvertes par tout bon gestionnaire, dans un
statut de complète indépendance, à partir d’une stratégie appropriée
d’observation (Landry, 1983).

Quand on veut bien décider, il est bien sûr important de disposer


d’informations aussi fiables que possible, mais il est peut-être plus important
encore d’être conscient des limites de sa propre objectivité, plus largement
des limites de la rationalité humaine (Brabandere et Mikolajczak, 2009).
Examinons maintenant une autre avenue, constructiviste,
promue par Piaget (1967 ; 1970) qui est sans doute le
scientifique qui a le plus contribué à éclaircir la façon dont
s’acquiert fondamentalement la connaissance d’un objet.

Ses travaux en psychologie génétique et épistémologie ont


permis de démontrer que la connaissance résulte
essentiellement et obligatoirement d’une interaction active entre
cet objet et un sujet qui veut en prendre connaissance.
Ce faisant, il s’inscrivait directement dans la lignée du
philosophe allemand Emmanuel Kant qui a été le premier à
avancer que le sujet construit la manière dont il voit les objets
qui l’entourent (Brabandere et Mikolajczak, 2009).

Peirce (1878) allait encore plus loin en affirmant: « … the


machinery of the mind can only transform knowledge, but never
originate it, unless it be fed with facts of observation. »
Premier corollaire important : « On ne connaît un objet qu’en agissant sur lui
et en le transformant » (Piaget, 1970 : 85). Deuxième corollaire, des sujets
distincts peuvent considérer différemment le même objet.

Ce faisant, ce dernier n’est jamais complètement saisi par une activité de


prise de connaissance. Cette connaissance ne peut être une copie miroir de
l’objet, mais plutôt celui-ci reflété d’une certaine façon par un dit sujet.

À l’extrême, il y a autant de façons de voir l’objet qu’il y a de sujets qui en


prennent connaissance.
Chaque personne qui donne son avis sur le problème de son
service en a une vision tout à fait différente et même souvent, sous
certains aspects, contradictoire avec celle des autres.

Ainsi, d’aucuns voient les contrôles de qualité comme une des


causes, alors que la personne qui en est responsable les voit
comme une solution.
Selon cette perspective qui situe la connaissance dans la
relation qui s’établit entre l’objet et le sujet, le problème n’est
absolument pas autoévident, c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin
d’explication ou d’argumentation.

Il ne faut alors plus le voir comme une réalité objective, mais


plutôt comme une représentation que se fait une certaine
personne de cette réalité.

Tant les faits reliés à la situation problématique que la personne


qui les examine participent activement à sa conception.
Donc, à partir d’une même situation problématique, chaque
personne voit une réalité qui lui est unique. Il devient impossible
de parler significativement d’un problème sans parler de son ou de
ses propriétaires.

En conséquence, pour le consultant, le processus de définition du


problème ne peut être perçu comme reposant essentiellement sur
la description d’une réalité objective.

Il dépend tout autant de sa propre réalité que de celles des


intervenants organisationnels qu’il choisit d’écouter (Eden et Sims,
1979).
Évidemment, cela a des conséquences majeures quand on veut
résoudre un problème. Il devient nécessaire de se demander
comment la réalité peut être la mieux représentée pour susciter
l’adhésion nécessaire des intervenants à une intervention de
résolution réussie.

En effet, même si toutes les représentations de différentes


personnes sont légitimes, puisqu’elles sont quelque part
enracinées dans la réalité, elles peuvent être foncièrement
différentes en termes de solutions envisageables.
On ne peut donc pas placer toutes les parties prenantes d’un problème dans
la même catégorie, erreur souvent commise par les consultants.

Ce faisant, il devient essentiel de s’engager dans la négociation d’une


schématisation, la plus consensuelle possible, du problème avant d’en
déterminer la solution concomitante qui sera légitime aux yeux du plus grand
nombre d’intéressés (Landry, 1983 ; 1995).

C’est effectivement là l’objectif central du processus de formulation de


problèmes.
Par ailleurs, on l’a déjà vu plus haut, cette interaction active entre
une personne et la situation problématique prend forme dans les
jugements portés pour remplir les quatre conditions d’existence
d’un problème.

Au départ, ces jugements sont le fruit d’un savoir plus ou moins


articulé, d’un mélange d’observations concrètes, d’expériences
passées et sans doute aussi d’intuition.

Ce savoir sert à concrétiser une certaine représentation de la


situation problématique, qu’on appelle souvent modèle lorsqu’elle
est systématisée.
On parle d’ailleurs fréquemment de modélisation d’une situation
problématique (Landry et Banville, 2002).

Chaque personne définit donc un problème en fonction de son


monde, de ses expériences et de ce qui compte pour elle. Cela
peut même inclure des facteurs personnels qui ne sont pas
habituellement considérés comme acceptables dans
l’organisation.
Par exemple, en ce qui concerne la problématique de la baisse
de productivité, il se peut bien que ce qui compte pour l’un ou
l’autre des professionnels est de travailler le moins possible.

Par conséquent, chaque problème non structuré est


essentiellement unique (Rittel et Webber, 1973).

Mais, peut-on aller jusqu’à dire que ce problème est une


construction sociale et, si oui, quelles conséquences cela a-t-il
sur sa résolution ?
1.3. LE PROBLEME COMME CONSTRUCTION
SOCIALE: CONSÉQUENCE SUR SA
RÉSOLUTION
En revenant au graphique 1, puisqu’il est maintenant assez clair
que la connaissance se situe dans la relation qui s’établit entre
l’objet et un sujet connaissant, il faut alors s’arrêter au processus,
le deuxième élément de réponse à la question de savoir comment
s’effectue la prise de connaissance d’un problème.

C’est en l’examinant que l’on prend conscience de la construction


sociale du problème.
Toujours selon Piaget (1967 ; 1970), c’est à partir de ses
structures cognitives qu’un sujet va interagir et connaître le
monde qui l’entoure. Le processus par lequel cela se fait
comporte deux activités complémentaires différentes,
l’assimilation et l’accommodation.

Ainsi, lorsqu’un objet, la situation problématique pour ce qui nous


intéresse, se présente à elle, la personne va d’abord tenter de le
reconnaître, de l’identifier, à partir de ses structures cognitives
existantes, c’est l’activité d’assimilation.
Si elle ne peut y arriver, elle amorcera une deuxième activité,
l’accommodation, qui consiste à modifier ses structures
cognitives pour y intégrer la nouveauté de cet objet.

La première tend à confirmer les acquis, alors que la deuxième


pose un défi au sujet en le forçant à modifier et à enrichir ses
structures cognitives.
L’exemple des tissus humains donné plus haut en est une
excellente démonstration (Flavell, 1963 ; Landry, 1995). Pour le
biochimiste, il s’agit simplement d’une activité d’assimilation aux
connaissances qu’il possède déjà sur les cellules saines et
celles qui ne le sont pas.

Alors que pour les autres, une activité d’accommodation de leur


structure cognitive sera nécessaire non seulement pour les
acquérir, mais pour intégrer ces nouveaux éléments à leurs
connaissances.
Les caractéristiques cognitives du sujet sont donc activement
sollicitées dans la prise de connaissance d’un problème.

Celles-ci se bâtissent sous l’influence d’une multitude de facteurs


tels que l’environnement physique et communautaire, les
aptitudes intellectuelles, l’éducation reçue, les besoins, les désirs,
les objectifs, les valeurs et enfin les expériences passées (Krech
et coll., 1962).

Indirectement, ces facteurs ont donc pour conséquence d’orienter,


de sélectionner et même parfois d’altérer la façon dont un sujet
perçoit les objets.
Cela revient à dire que l’on ne peut plus penser à un problème
comme synonyme de réalité, mais comme le résultat d’une
réalité perçue, interprétée, modélisée, puis jugée
insatisfaisante par une personne.

Apparaît alors déjà une consonance sociale dans cette prise


de connaissance de l’objet problème (Landry, 1988 ; 1995).
Par ailleurs, cette explication cognitive de la
construction du problème reste incomplète aussi
longtemps que les dimensions affectives et sociales ne
sont pas ajoutées.

Pour la première, on l’a bien vu plus haut, la définition


même du problème implique qu’un jugement est porté.
Bien sûr, celui-ci est basé sur les faits, mais tout autant
sur les valeurs du sujet.
En conséquence, la définition d’un problème devient
quelque chose de hautement personnalisé, faisant sans
cesse intervenir l’univers cognitif et affectif d’un sujet
(Landry, 1995).

Pour ce qui est de la dimension sociale, principalement


pour l’objet d’intérêt, le problème organisationnel, le sujet
qui en prend connaissance joue un rôle, accomplit des
tâches et a une certaine position dans l’organisation.
Il va sans dire que cela affecte sa façon de construire le
problème. Nous y reviendrons beaucoup plus en détail dans le
prochain chapitre qui traite du concept de l’acteur stratégique.

En résumé, il y a deux types de réalité dans la prise de


connaissance d’un problème. Il y a celle purement physique, liée
à une perception sensorielle correcte au sens commun ou à une
vérification objective.

La seconde, concerne l’attribution d’une signification et d’une


valeur à ces éléments de la première réalité.
Celle-ci met en cause les caractéristiques cognitives du sujet,
de même que sa dimension affective et sociale.

Ainsi, au lieu de fonder son opinion sur la reconstitution de la


réalité des faits à l’aide de lois logiques ou probabilistes, l’être
humain l’interprète en s’appuyant sur ses croyances, son
histoire personnelle, ses connaissances partielles (Brabandere
et Mikolajczak, 2009).

Dans ce sens, « A person who arbitrarily chooses the


propositions which he will adopt can use the word truth only to
emphasize the expression of his determination to hold on to his
choice » (Peirce, 1878: 16).
penser au problème comme à une construction sociale, ce qui a des
conséquences majeures déterminantes sur le processus de
formulation/résolution.

Premièrement, on le voit encore une fois, l’objectivité est un mythe dans le sens
où le réel de la situation problématique n’est accessible que par l’intermédiaire
des structures cognitives affectives et sociales d’un sujet.

Même le « bon sens » n’est pas exempt d’a priori. Il n’est pas possible de penser
sans point de vue et, nous avons tous nos zones de confort cognitif qui teintent
nos choix (Brabandere et Mikolajczak, 2009).
Cela revient à dire qu’aucune connaissance ne peut
échapper à une certaine subjectivité qui affecte la façon
dont les problèmes sont appréhendés et définis.

Ce faisant, leur construction n’est pas neutre puisqu’elle


incorpore les caractéristiques et les objectifs poursuivis
par celui qui la fait.

Force est alors de reconnaître que la plupart des théories


en prise de décision qui tiennent pour acquis cette
objectivité et un statut d’indépendance du problème ne
peuvent s’appliquer (Landry, 1995).
Elles présupposent que les décisions sont rationnelles (logique)
alors qu’elles ne le sont pas (Brabandere et Mikolajczak, 2009).

Deuxièmement, la construction que fait un sujet d’une situation


problématique est indubitablement partiale et partielle.

Partiale, car elle privilégie une perspective aux dépens d’autres,


et partielle, en ce sens que cette perspective amène
inévitablement à mettre l’accent sur certains éléments de la
situation problématique et à en occulter d’autres.
Plus important encore, une fois achevée, cette construction
habilite le sujet à intervenir, mais en même temps le contraint à
ce que cette action souffre des forces et des faiblesses de sa
construction du problème et n’autorise qu’un nombre limité de
projets de résolution (Landry, 1988 ; Landry et Banville, 2002 ;
Landry, Banville et Oral, 1996).
Toujours par rapport à la situation de baisse de productivité des
professionnels, la position de la directrice des systèmes
d’information est très révélatrice.

Pour elle, c’est simplement et uniquement un problème de


gestion des dossiers. On peut certainement penser qu’elle fait
une telle construction parce qu’en posant le problème en ces
termes, elle a déjà la solution, un progiciel informatique de
gestion des dossiers.

Aussi, cette façon de voir la situation s’inscrit directement dans


son mandat d’assurer le développement technologique de
l’organisation.
Plus encore, elle lui permet de réaliser l’un des objectifs qu’elle
poursuit depuis un certain temps, à savoir que la direction des
services professionnels lui passe la commande d’implanter ce
logiciel et, bien sûr, en assume les coûts !

On peut voir ici une excellente application de l’aphorisme


attribué à Maslow : « Si le seul outil que vous avez est un
marteau, vous verrez tout problème comme un clou » (cité dans
Brabandere et Mikolajczak, 2009 : 24).
Déjà, ces deux conséquences font que la complexité s’installe
dans la prise de connaissance.

Il en découle des problèmes complexes qui sont une catégorie


particulière des problèmes non structurés que nous avons
auparavant clairement définis.

Complexes en ce sens que l’on ne peut les formuler et, encore


moins, les résoudre sans tenir compte de la construction
différente qui en est faite par chacun des sujets intéressés.
Alors, afin de comprendre ces différentes constructions, pour ne
pas dire ces différents problèmes et de pouvoir s’en servir pour
travailler, il est nécessaire de cerner, ne serait-ce que
grossièrement, les structures cognitives, affectives et sociales de
chacun des intervenants.

D’abord, il s’agit de faire face à la tâche de prendre en compte un


grand nombre d’éléments et de relations pour arriver à une
représentation de la situation problématique suffisamment précise
et opérationnelle pour en mener à bien la résolution.
Puis, il faut relever le défi de la complexité liée au choix même
de la représentation, en ce sens que l’on ne sait jamais si elle
intégrera suffisamment les différents points de vue pour devenir
consensuelle et, en même temps, si elle ouvrira une avenue
pour résoudre le problème.

Cette complexité provient donc tout autant des nombreuses


perspectives d’examen de la situation problématique que du
grand nombre de parties prenantes qui en font chacune une
construction sociale (Forgues, 1991).
C’est directement à ce type de problèmes que s’intéresse le
présent ouvrage parce que ceux-ci ne peuvent échapper à un
processus centré sur leur formulation.

Cette constatation a été faite par nul autre qu’Albert Einstein (cité
dans Büyükdamgac, 2003 : 327) : « La formulation d’un problème
est souvent plus cruciale que sa solution, laquelle peut être
simplement une question d’habileté mathématique ou
expérimentale. »

Rittel et Webber vont dans le même sens en écrivant : « Le


processus de formulation du problème et celui de recherche de sa
solution sont identiques, puisque chaque spécification du problème
est une spécification de la direction de sa résolution » (cité dans
Büyükdamgac, 2003 : 327).
Presque tout se joue dans cette phase de formulation où les
perceptions se révèlent être le siège d’une construction qui
détermine le degré de succès de la résolution (Brabandere et
Mikolajczak, 2009).

Il est donc clair que, dans le processus de formulation/résolution


des problèmes complexes, une attention centrale doit être donnée
aux sujets impliqués.

Non seulement la structure cognitive et affective de chacun doit


être prise en compte, mais aussi sa position sociale.
L’un des meilleurs moyens d’y arriver, dans le cas des
problèmes organisationnels, est d’avoir recours à la théorie
de l’acteur stratégique.

La présentation de cette dernière est l’objet du prochain


chapitre, dont le contenu repose sur les différents constats
faits ici et qui peuvent être synthétisés comme dans
l’encadré suivant.
Éléments cruciaux à retenir
1. La prise de connaissance d’un problème s’effectue par
un sujet à partir de ses structures cognitives, affectives et
sociales, ce qui en fait une construction sociale qui est donc
partielle et partiale.

2. Les problèmes organisationnels ne doivent pas être


considérés comme synonymes de réalité, mais comme le
résultat d’une réalité perçue, interprétée et modélisée.
3. Il faut éviter de penser que, parce qu’au moins deux personnes font
face à une même réalité et reconnaissent qu’il y a problème, cela
implique qu’elles en ont une même représentation.

4. Pour résoudre efficacement un problème organisationnel complexe, le


point de vue respectif des différentes parties prenantes doit
obligatoirement être pris en compte, notamment en établissant un
consensus, le plus large possible, sur sa représentation.
MODULE 2: AU CŒUR DE LA FORMULATION

DE PROBLEMES, L’ACTEUR STRATEGIQUE


EN CE QUI CONCERNE LA PRISE DE CONNAISSANCE des problèmes
organisationnels complexes, le sujet ne saurait faire référence à une
personne isolée qui aurait le loisir de régler seule ses conduites en vase
clos.
À l’intérieur du réseau structuré qu’est l’organisation, la personne travaille
en interdépendance avec d’autres, occupant d’autres postes et ayant des
intérêts distincts.

Cela implique une pluralité des points de vue, toujours difficiles à concilier,
non seulement en ce qui a trait à la définition de la situation problématique,
mais aussi à la finalité à poursuivre dans l’intervention nécessaire.
C’est pourquoi il devient essentiel de s’intéresser à la notion
d’acteur stratégique, d’abord, pour en définir les
caractéristiques, puis, pour plonger dans les rapports de
pouvoir au cœur des relations qui s’établissent entre les acteurs
au sein de l’organisation.
La régulation nécessaire à toute action collective est également
examinée.
Ensuite, le système d’action concret sera abordé comme outil
pour expliquer et comprendre la cohésion et la structuration sur
lesquelles repose l’interdépendance entre les acteurs.
Finalement sont traités les effets sur la prise de connaissance
d’un problème et sa résolution qui tend vers la satisfaction
plutôt que vers l’optimisation (Landry et Banville, 2002).
2.1. L’ACTEUR STRATEGIQUE
Les dictionnaires généraux définissent un acteur comme une
personne qui joue un rôle, qui prend une part importante dans
une action, ce qui colle bien à la réalité organisationnelle.

En effet, on y trouve des places ou postes particuliers pour


lesquels il existe des modèles de comportements plus ou moins
explicites qui régissent les conduites typiques et attendues.
L’action commune à réaliser implique que ces postes sont en
relation les uns avec les autres.
Plus important encore, cette notion d’acteur suppose
une certaine liberté de conduite à côté et au-delà de leur
rôle. Indubitablement, toute personne qui travaille dans
une organisation, quelle qu’elle soit, n’accepte jamais
d’être traitée comme un simple moyen de production au
service des objectifs de la direction.

Elle a des buts personnels, pense différemment et n’est


jamais complètement apathique devant les décisions
prises.
Quoique relatives, elle a une autonomie et une
possibilité d’action propre qu’elle peut utiliser à sa
guise (Amblard et coll., 2005 ; Crozier et Friedberg,
1992). En effet, même les récits de témoins des
camps de concentration ont montré que l’extrême
terreur n’empêchait pas totalement l’établissement de
rapports humains autonomes (Goffman, 1959).
Dans des situations de dépendance et de contrainte, comme
celles créées par le milieu organisationnel, l’humain ne
s’adapte pas passivement.
Il est capable de jouer sur elles et, même, de les utiliser à son
avantage. Bien sûr, l’organisation lui impose un certain cadre
et lui assigne un rôle donné, mais sa façon d’y répondre, ses
comportements, ne sont jamais complètement prédéterminés.

Par conséquent, la conduite humaine ne saurait en aucun cas


être assimilée au produit mécanique de l’obéissance ou de la
pression structurelle.
Elle est toujours l’expression et la mise en œuvre d’une certaine liberté, si
minime soit-elle (Crozier et Friedberg, 1992).

Cette marge de liberté de tout acteur est cruciale et doit toujours être au cœur
des réflexions du décideur. Pourtant, elle n’est pas vraiment prise en compte
par l’école de pensée taylorienne qui considère l’intervenant organisationnel
comme une « main » (Taylor, 1972), ni non plus par celle des relations
humaines qui l’envisage comme une « main et un cœur » (Mayo, 1992). En
fait, l’acteur organisationnel est bien sûr l’un et l’autre, mais il y a plus, c’est
aussi une « tête ».
Cela veut dire qu’il est capable de calcul et en mesure de
s’adapter aux circonstances et aux décisions de ses partenaires
(Crozier, 1971). Bien entendu, les acteurs ne sont jamais
totalement libres et, d’une certaine manière, ils sont récupérés
par le système officiel. Mais, c’est seulement à condition de
reconnaître qu’en retour ce dernier se construit par les pressions
et manipulations des acteurs (Crozier et Friedberg, 1992).
Par ailleurs, l’acteur est aussi stratégique, en ce sens que dans
une situation donnée, surtout si elle est problématique, il cherche à
augmenter ses acquis ou, à tout le moins, à les sauvegarder, en
fonction des enjeux qu’il y perçoit pour lui-même.

Les règles officielles ne déterminent jamais totalement sa conduite.


Il a clairement des intérêts qui ne coïncident pas nécessairement
avec ceux de l’organisation et est toujours prêt à les défendre en
mobilisant les ressources à sa disposition (Foudriat, 2007).
Cela ne veut pas dire qu’il ne peut y avoir des objectifs partagés, mais jamais
complètement. C’est ce qui explique que cet acteur, individuellement ou
collectivement, agit selon ses propres raisons (Crozier et Friedberg, 1992).

L’acteur est également stratégique en ce sens qu’il ne cesse de se recomposer à


travers des alliances et des changements de position qui peuvent ou non être liés à
son rôle.

On peut donc dire qu’il se construit progressivement dans l’interaction tout en


contribuant, bien involontairement, à la structuration de l’organisation (Simmel,
1908). Par rapport à une action spécifique, il a des enjeux qui sont ce qu’il estime
avoir à perdre ou à gagner et l’importance qu’il attribue à cette perte ou à ce gain
(Amblard et coll., 2005).
C’est pourquoi le fonctionnement de l’organisation demeure incertain
et aléatoire. De nombreuses zones grises existent, offrant des
occasions de jeux qui permettent aux acteurs de se ménager des
marges de manœuvre les uns par rapport aux autres.

Par contre, cet aspect stratégique de l’acteur doit, comme pour le


décideur, être examiné sous l’angle de sa rationalité limitée. D’abord,
on dit qu’il a des comportements stratégiques, mais ceux-ci
dépendent moins d’objectifs précis et conscients qu’il se donne que
des atouts qui sont à sa disposition et des relations qu’il entretient.

Il s’ensuit qu’il est faux de considérer ses comportements comme


toujours mesurés. C’est une logique que l’on repère après coup.
Ses projets sont rarement clairs et cohérents, mais ses
comportements ne sont jamais absurdes pour autant (Amblard et
coll., 2005 ; Crozier et Friedberg, 1992).

Il les ajuste en fonction de sa perception de la situation, laquelle


repose sur ses motivations et les comportements affichés par les
autres acteurs (Crozier et Friedberg, 1992 ; Giddens, 1984).

On peut inférer, par une analyse a posteriori, que tout comportement


pouvant paraître erratique prend son sens à travers une stratégie.
Un autre facteur qui contribue à limiter la rationalité de l’acteur est son
appartenance à une structuration sociale, comme celle d’une
organisation, d’un ordre professionnel, d’un syndicat, etc. En effet, par
l’injection de valeurs, être membre d’une collectivité affecte ses
critères de satisfaction. Également, la position spécifique qu’il y
occupe influence directement l’information qu’il reçoit et le sens qu’il
lui donne (Paradeise, 1994).
Cette rationalité limitée de l’acteur organisationnel n’est pas sans conséquence.
D’abord, il faut toujours garder à l’esprit qu’il est incapable d’optimiser ses
décisions.

Il décide de façon séquentielle et choisit la première solution qui correspond à


son seuil minimal de satisfaction (Crozier et Friedberg, 1992 ; March et Simon,
1958). Son processus de choix est fait d’intuition, de conviction, de risque
estimé, de jeu et de passion (Brabandere et Mikolajczak, 2009).

Ce faisant, il ne choisit jamais la solution la plus logique, mais celle qui est la
moins insatisfaisante pour lui (Amblard et coll., 2005 ; Friedberg, 1994).
Par ailleurs, de façon plus globale, le fait de considérer ainsi les
membres de l’organisation comme des acteurs, qui se définissent
spécifiquement par leurs intérêts et leur rationalité limitée, conduit à
l’obligation d’envisager la réalisation des objectifs organisationnels
comme n’étant plus subordonnée à la seule rigueur des choix de la
direction.

Il n’existe plus de voie unique pour les atteindre ni de loi vertueuse


qui fasse spontanément converger les objectifs individuels en ce
sens (Paradeise, 1994).
Les décideurs doivent donc, bien humblement, admettre
et toujours tenir en compte qu’ils ne maîtrisent que très
imparfaitement la portée de leurs décisions.

Ils sont des décideurs apparents, derrière lesquels se


dissimulent les décideurs invisibles, c’est-à-dire
l’ensemble des acteurs.
Ce faisant, il n’y a pas de recette à la décision, qui devient d’abord et
avant tout un art, reposant sur des paris. Elle peut profiter (sans jamais
pouvoir s’y réduire) de certaines connaissances et de procédés
scientifiques utiles à décrire la gamme des solutions connues, possibles,
probables, compte tenu de l’état de la situation, des jeux et des enjeux
(Crozier et Friedberg, 1992).

Dans le même sens, les effets des décisions prises ne sont jamais
entièrement prévisibles, car ils ne sont pas déterminés, mais, au
contraire, toujours contingents (Paradeise, 1994).
LE POUVOIR AU CENTRE DES STRATEGIES DE
L’ACTEUR ORGANISATIONNEL
L’acteur et sa stratégie abordés dans la section précédente font
poindre ce que tout le monde a déjà constaté : l’organisation est le
royaume des relations, de l’influence, du calcul, en fait du pouvoir
(Crozier et Friedberg, 1992).

Il devient donc essentiel d’éclaircir ce dernier concept qui est


central dans l’analyse stratégique (Amblard et coll., 2005), de le
définir, d’en saisir les caractéristiques et de déterminer ses
sources.
Le pouvoir, c’est la capacité à orienter l’autre et à l’influencer
(Amblard et coll., 2005). C’est obtenir d’une personne qu’elle fasse
quelque chose qu’elle n’aurait pas fait autrement.

Il médiatise les rapports humains sur la base d’un échange inégal


(Friedberg, 1994). La capacité de composer avec le pouvoir, tant
celui qu’on exerce que celui qu’on subit, constitue donc un des
aspects essentiels des aptitudes relationnelles d’un individu.

En effet, établir un rapport avec quelqu’un, c’est de façon plus ou


moins explicite mettre en œuvre une relation de pouvoir.
Dès lors, on comprend que pouvoir et organisation sont indissociables,
en ce sens qu’ils sont essentiels aux acteurs pour réaliser leur
stratégie, mais, en même temps, ces derniers ne peuvent les acquérir
qu’en acceptant de collaborer à l’objectif collectif, devant ainsi en
donner aux autres.

C’est une relation donnant-donnant, un acteur ne pouvant agir sur le


comportement des autres à son profit qu’en se laissant, en contrepartie,
influencer par eux (Crozier et Friedberg, 1992).

Deux facteurs additionnels influencent aussi directement le pouvoir


détenu. Le premier est la position occupée, principalement si elle
confère une capacité d’influer sur les règles du jeu ou encore donne un
droit de sanction et de récompense sur les autres.
Pour analyser et comprendre la dynamique des relations de pouvoir
dans une organisation deux questions doivent être posées :
premièrement, quelles sont les sources dont chaque acteur dispose ?

Deuxièmement, pour chacune, quelle en est la pertinence et jusqu’à


quel point est-elle mobilisable ?

En effet, les acteurs accepteront de s’engager et d’affronter les


risques inhérents à toute relation de pouvoir qu’à la condition qu’ils
perçoivent des enjeux suffisamment importants et pertinents par
rapport à leurs objectifs personnels (Crozier et Friedberg, 1992).
En ce qui touche la résolution de problèmes, on voit que, dans
l’organisation, le pouvoir est réparti entre tous les acteurs individuels ou
collectifs, même si c’est de façon très inégale.

Il est donc utopique de penser que l’on puisse l’éliminer dans la prise de
décision. Force est donc de constater, une fois de plus, que les
décideurs ne maîtrisent jamais complètement leurs décisions.

Ce faisant, tout gestionnaire qui veut être reconnu pour régler les
problèmes organisationnels doit essentiellement centrer son analyse de
situations problématiques sur l’interdépendance et les relations de
pouvoir entre les acteurs et s’intéresser, à tout prix, aux comportements
minoritaires atypiques (Amblard et coll., 2005).
L’ABANDON DE L’ILLUSOIRE QUETE
D’UNE SOLUTION OPTIMALE
Il est maintenant clair que ni les problèmes, ni les solutions, ni les
contraintes, ni les occasions n’existent en soi, en dehors de la
perception et des capacités des acteurs qui seuls peuvent les
actualiser par leurs comportements (Landry, 1983). Pour autant, il
ne faut pas chercher les explications des phénomènes observés
seulement chez les individus, mais dans le contexte, c’est-à-dire
dans les relations qu’ils entretiennent, rendant rationnels les
comportements à l’origine de ces phénomènes (Friedberg, 1994).
Ce faisant, la solution unique pour régler un problème n’existe pas.
Elle émerge toujours du contexte et de la dynamique entre les
acteurs en présence.

On ne peut plus parler de solution a priori, bonne ou mauvaise, ni


objective et définitive (Paradeise, 1994). Le but n’est plus la
recherche de la vérité, ni d’une solution optimale.

Ce dernier qualificatif faisant automatiquement référence à la


solution la meilleure, qui ne peut s’établir que par rapport à une
certaine dimension ou perspective précise (Rittel et Webber, 1973).
Tous les acteurs savent pertinemment qu’ils ne pourront atteindre
l’optimisation personnelle.

Bien sûr, comme on l’a déjà dit, ils calculent, mais en demeurant bien
conscients que c’est dans le cadre de leur rationalité limitée,
notamment par l’information dont ils disposent, et de leur
représentation simplifiée et approximative de la situation
problématique.

Ils cherchent la solution satisfaisante, c’est-à-dire celle qui ne heurtera


pas leurs valeurs profondes (Amblard et coll., 2005 ; Simon 1992) et
qui améliorera les conditions dans lesquelles ils vivent la situation
problématique (Ritttel et Webber, 1973).
Éléments cruciaux à retenir

1. Chaque membre d’une organisation, seul ou en groupe, est un acteur


stratégique, avec ses intérêts et sa rationalité limitée, qui tente
d’augmenter ses gains et de réduire ses pertes.
2. Un décideur n’a jamais la maîtrise complète de ses décisions et doit,
en conséquence, centrer son analyse de toutes les situations
problématiques sur l’interdépendance et les relations de pouvoir entre
les acteurs.
3. La solution à un même problème complexe est loin d’être
similaire, d’une période à l’autre ou, d’un site à l’autre.
4. Dans la résolution des problèmes organisationnels
complexes, il faut chercher une solution satisfaisante plutôt
qu’optimale.
5. La valeur d’une solution se juge, a posteriori, à ce qu’elle a
marché.
MODULE 3: UN CADRE THEORIQUE POUR
APPUYER LA FORMULATION DE PROBLEMES
IL EST MAINTENANT ACQUIS que le problème est fondamentalement une
construction sociale et que l’humain qui la fait est avant tout un acteur
stratégique. Cela a une influence déterminante sur la façon de formuler le
problème et, par ricochet, sur l’appréciation de la solution qui sera
considérée comme satisfaisante (Metcalfe, 2007).

Pour arriver à déterminer ces différentes constructions sociales et,


surtout, les prendre en compte dans la formulation du problème, les
quelques théories et concepts présentés très brièvement ci-dessous sont
fort utiles.
D’une part, la combinaison de la méthodologie des systèmes
souples et de la sociologie de la traduction est fertile quant à
l’encadrement du processus visant à découvrir les différentes
constructions sociales du problème faites par les parties prenantes.

D’autre part, la synthèse d’Alexander est un concept qui peut guider


le traitement des différentes idées qui ressortent de ces multiples
constructions du problème.
L’articulation entre ces théories est représentée dans le graphique
3. L’objectif du recours à ce cadre théorique riche et diversifié est
d’arriver à une formulation de problèmes créative, qui surprend,
confronte, mais, surtout, rallie les parties prenantes (Metcalfe,
2007).
Cadre théorique pour guider la formulation de problèmes
METHODOLOGIE DES SYSTEMES SOUPLES
Peter Checkland (1980 ; 1981 ; 1986) est considéré comme le père de la
méthodologie des systèmes souples, qui prend ses racines dans l’approche
systémique.

Cette dernière a vu le jour pour combler les difficultés de la démarche scientifique à


décrire et comprendre les systèmes humains et surtout la complexité des interactions
qu’ils impliquent toujours.

Dans ce sens, la principale contribution de cette nouvelle approche est sans doute
d’offrir un processus holistique d’examen de ces systèmes pour remplacer le
réductionnisme propre aux sciences naturelles.
Le monde y est alors perçu comme un tout, constitué d’entités qui ont
des propriétés qui, d’une part, n’ont de sens que par rapport à leur
appartenance à ce tout et, d’autre part, perdent leur sens si on les
examine comme des parties séparées.

Naît alors le concept d’émergence, c’est-à-dire que le tout est plus que
la somme des parties qui le composent. En même temps, chacune de
ces parties, examinée de façon isolée, est moins que si elle est
considérée dans le tout (Amblard et coll. 2005).
C’est donc à ces systèmes d’activité humaine que s’intéresse
la méthodologie des systèmes souples. Dans une
organisation, il s’agit d’humains impliqués dans un ensemble
d’activités interreliées pour réaliser une action déterminée.

Bien entendu, ces systèmes n’existent pas vraiment comme


tels, c’est une perception de l’esprit qui, par conséquent,
diffère selon l’observateur (Checkland, 1986).
La méthodologie des systèmes souples offre une façon
d’examiner la complexité des interactions que l’on retrouve
dans ces systèmes humains, de les décrire et d’arriver ainsi à
les comprendre.

Il devient alors possible de déterminer les changements à y


apporter, qui sont à la fois souhaitables au plan systémique et
culturellement faisables, en ce sens que les parties prenantes
seront prêtes à s’y engager.
Mais attention, il n’existera jamais une telle représentation de
ces systèmes qui serait valide au sens de testable
scientifiquement. De plus, les systèmes ne peuvent jamais être
décrits une fois pour toutes.

Il s’agit toujours de perceptions qui sont valides à un moment


donné et dans un contexte précis, selon une certaine façon de
voir le monde.
Les problèmes non structurés, décrits au Module 1 constituent de tels
systèmes humains. Ceux que l’on ne peut transposer ou reproduire en
laboratoire ; qui sont impossibles à cerner par l’approche scientifique
qui met l’emphase sur leur structure et sa décomposition pour révéler
comment les choses fonctionnent (Checkland, 1986 ; Johan et coll.,
2009).

La méthodologie des systèmes souples vise quant à elle à promouvoir


une connaissance holistique de la situation problématique, partagée
par un groupe d’intervenants.
Elle ne s’intéresse surtout pas à apporter une solution à un problème
prédéfini. Elle repose sur les trois postulats suivants :
1. Les problèmes n’existent pas indépendamment des êtres humains. Ils sont
construits par des esprits intéressés, qui les définissent selon leur vision
individuelle du monde.
2. La vision du monde est l’interprétation que chaque individu fait de l’univers
qui l’entoure. Quoique différente, elle est tout aussi valide que celle des
autres.
3. L’amélioration d’une situation problématique passe principalement par le
partage de perceptions, la persuasion et le débat. Dans ce sens, celui qui
pilote ce projet devrait être interactionniste et thérapeute plus qu’expert.
Donc, le but ultime de la méthodologie des systèmes souples est
d’apporter des améliorations à la situation perçue comme problématique.
Elle ne cherche pas à solutionner le problème, mais plutôt à faciliter le
processus d’apprentissage qui permettra aux parties prenantes de
développer graduellement une meilleure connaissance et une meilleure
compréhension de la situation.
En procédant de cette façon, les parties prenantes sont susceptibles
d’arriver à des compromis, des accords sur des correctifs avec lesquels
elles sont capables de vivre.
On le voit d’emblée, la notion de compromis est très différente de celle
de consensus, qui implique que chacune des parties prenantes soit
pleinement et foncièrement en symbiose avec les changements
envisagés.
Cette méthodologie propose plusieurs étapes, dont les deux premières, qui visent
à établir l’image la plus riche possible de la situation, sont particulièrement
pertinentes pour la formulation de problèmes.

La première étape est celle de l’identification de la situation problématique, qui


consiste à en faire ressortir une brève description. Dès lors, il s’agit de déterminer
et de travailler avec les personnes qu’elle implique ou affecte. Cette étape devrait
aboutir à un premier accord général sur la circonscription de la situation qui
nécessite une intervention.

Il faut faire attention que cette dernière ne soit pas structurante, et prenne par
exemple la forme d’un problème à résoudre. Cela risquerait de confiner, par la
suite, à une réflexion trop étroite qui ferait rater la cible.
La deuxième étape de la méthodologie consiste à analyser cette
situation afin d’arriver à produire une représentation interprétative
foisonnante. Il s’agit ici de développer une profonde connaissance
de la situation qui privilégiera le point de vue des parties
prenantes.

Il sera ainsi possible d’en construire une représentation qui


intègrera autant les informations que les diverses perspectives qui
proviennent du plus large éventail possible de sources.
Selon Checkland (1980 ; 1981), l’essentiel dans cette étape est de décrire le
problème, d’établir pourquoi c’est un problème, de déterminer qui en est le
propriétaire et l’importance de le résoudre. Pour ce faire, il suggère un triple
questionnement générique : le « qui », le « quoi » et le « pourquoi ».

Pour connaître le « qui », il s’agit de déterminer les acteurs stratégiques impliqués


dans la situation et de savoir quelle est leur vision du monde et leur perspective. Le
« quoi » indiquera ce qui est transformé par ce système humain et quelles y sont les
relations de pouvoir.

Le « pourquoi » enfin, représente l’environnement, surtout culturel, à savoir les


rôles, normes et valeurs qui pourront aider à comprendre la situation (Johan et coll.,
2009).
Déjà, il est facile de conclure à la fécondité du recours à la
méthode des systèmes souples pour obtenir une image
systémique de la situation problématique.

Et cette image peut encore être enrichie, si on combine son


utilisation à celle de la sociologie de la traduction présentée
ci-dessous.
SOCIOLOGIE DE A TRADUCTION

Comme le fait mieux ressortir son appellation anglaise, Actor


Network Theory, la sociologie de la traduction repose sur le concept
de réseau.
En s’intéressant aux conditions de production de la science, les
principaux instigateurs de cette théorie, Michel Callon et Bruno
Latour, ont découvert que le concept de réseau y jouait un rôle
déterminant (Callon, 1986 ; Callon et Latour, 1981 ; 1991 ; Latour,
1984).
Ainsi, selon eux, le monde ne doit plus être pensé en termes de
groupes sociaux, mais en réseau.
La dimension sociale provient de l’association, de la formation de
collectifs, de l’ensemble des relations et des médiations qui
cimentent ces collectifs.

Qui dit réseau parle d’entrecroisement, d’enchevêtrement, de treillis.


Il se définit comme un dispositif d’actions, une métaorganisation, qui
rassemble des humains et des non-humains agissant comme
intermédiaires les uns envers les autres.

On parle de métaorganisation, car ce concept transcende la sphère


d’activité, l’institution ou l’organisation.
Une originalité de ce réseau est l’importance donnée aux non-humains qui en font
partie à part entière. Pour ce qui est de la production de la science, objet d’étude de
Callon et Latour, ce sera notamment : les instruments, les articles scientifiques, les
matériaux de laboratoire, les subventions, etc.

C’est en vertu d’un principe de symétrie que les objets deviennent ainsi aussi
importants que les sujets. Les acteurs humains les investissent d’une fonction, d’un
rôle, qui en fait d’incontournables figures animées disposant d’une âme.

C’est ce qui fait que, tout en restant inscrits dans la réflexion générale sur l’acteur
stratégique, les auteurs de cette théorie proposent plutôt de parler d’actants pour
désigner tout autant les acteurs que les objets et leur attribuer la même importance.
Comme il relie des énoncés et des enjeux a priori irréconciliables, le
réseau se construit par la négociation. Il s’agit donc d’un processus
de coproduction ou le contexte et le contenu, les acteurs et les
objets s’entre-définissent les uns par rapport aux autres.

Au cœur de cette négociation, il y a la traduction, qui devient avec le


temps une chaîne de traductions. Celle-ci conduit à des
arrangements multiples, à des combinaisons et à des compromis
qui seuls permettent aux objets et aux humains de tenir ensemble
(Amblard et coll., 2005).
La traduction implique toujours une transformation qui conduit à
établir un lien entre des activités hétérogènes. Ce faisant, le réseau
devient intelligible, c’est-à-dire qu’il prend un sens et se stabilise.

La traduction s’opère lorsque certains acteurs, individuels ou


collectifs, se posent en porte-parole et recomposent la volonté des
collectifs, un message, un fait, une information, en tentant par la
même occasion d’enrôler d’autres actants.
Ainsi, la connaissance circule par traductions successives et la
possible remise en question de celle-ci par des controverses
assure que le réseau s’adapte progressivement, sans
discontinuité.

La dimension sociale s’installe par les interactions successives


d’actants hétérogènes. Toute action d’un acteur entraîne la
modification du réseau et réciproquement, d’où la notion d’acteur
réseau.
Comme l’ont fait Callon et Latour pour défricher inductivement les
conditions de production de la science, si on veut comprendre une
situation, il est essentiel de reconstituer le réseau qui s’est organisé
entre les actants.
Pour ce faire, il faut d’abord impérativement éviter de découper la
situation, mais plutôt mettre en relation toutes les entités qui y
participent. Cela passe obligatoirement par l’analyse des
controverses, qui laisse voir comment les acteurs traduisent leurs
positions tout en laissant apparaître les débats qui construisent les
faits.
En effet, c’est dans le cheminement des faits que l’on peut cerner
de quoi ils sont porteurs.
S’il y a stabilisation, ce n’est pas un effet du temps ou de la
nature, mais à cause de l’accord des acteurs sur les faits. Il ne
faut pas penser qu’une fois que la machine marchera, tous les
gens seront convaincus, mais plutôt que lorsque les gens seront
convaincus, la machine marchera.

« Le bon projet n’est pas celui qui recueille les soutiens sur la
base des qualités qu’on lui reconnaît, c’est au contraire parce
que le projet recueille des soutiens qu’on lui reconnaît des
qualités. » (Amblard et coll., 2005 : 145)
Dans ce sens, on peut dire que la sociologie de la traduction est
celle des controverses, qui ne doivent pas être étudiées sur la
base des bons ou mauvais registres sur lesquels elles se
développent.

Elles deviennent un instrument capital de compréhension qui


laisse les jugements et les préemptions à d’autres (Amblard et
coll., 2005).
Par conséquent, l’analyse d’une situation suppose que l’on suive les acteurs,
qu’on les entende et qu’on les respecte. Pour y arriver, Callon et Latour
proposent une méthode pour décoder un réseau et, éventuellement, tenter de
le modifier.

Elle se compose de plusieurs étapes dont les deux premières sont


particulièrement et spécifiquement pertinentes pour la formulation de
problèmes. Il s’agit d’abord de l’analyse du contexte, qui vise à déterminer les
actants et à cerner leurs intérêts de même que leurs enjeux.

On parle d’actants pour bien mettre l’accent sur le fait que cette analyse ne
doit négliger d’aucune façon les non-humains.
La deuxième étape est la problématisation. Elle consiste à faire
ressortir ce qui unit et sépare dans la situation. C’est une opération
cruciale avant d’envisager toute action de changement.
Elle doit conduire à faire passer chaque actant d’une position
singulière à l’acceptation de coopération.
L’énoncé de la problématisation, qui se présente sous la forme d’une
question ou d’une interrogation, est le fruit d’un travail collectif pris en
charge par un traducteur, consultant ou acteur, qui a la légitimité
nécessaire.
Ce travail doit viser à créer de la convergence entre les acteurs, les
amener à accepter de faire un détour de leur trajectoire
(détournement), qui n’implique cependant absolument pas
l’abandon par chacun de ses enjeux.
26Par ailleurs, la qualité de cet énoncé ne réside pas tant dans son
contenu que dans le processus qui a conduit à sa production.

Le contenu (les faits) et le contenant (le réseau) se soutiennent


mutuellement ; l’un n’existe pas sans l’autre.
Cela implique que l’énoncé traduit la position, les enjeux et la
spécificité de chaque actant en termes de points de convergence par
rapport à la situation.

Cependant, il est primordial de toujours avoir à l’esprit que ces points


de convergence ne font absolument pas disparaître les enjeux
spécifiques de chacun.

L’énoncé de la problématisation sera donc toujours assez général par


rapport aux positions singulières des actants.
Voilà qui donne une bonne idée des pistes à privilégier pour
arriver à recueillir les différentes constructions sociales
échafaudées par les parties prenantes.

Émergeront alors plusieurs idées maîtresses qui devront


absolument être prises en compte dans la formulation du
problème. C’est là que la synthèse d’Alexander devient fort utile.
LA SYNTHESE D’ALEXANDER
Christopher Alexander est un architecte qui, comme on le lui avait enseigné,
concevait les projets qu’on lui commandait sur la base du rationalisme cartésien.

En adoptant une pensée analytique, il les regardait de l’intérieur, en les divisant en


partie pour simplifier les problèmes de conception à solutionner, puis reconstituait
l’ensemble en réunissant toutes ces parties.

Mais, bien vite, Alexander se rendit compte que ce qu’il concevait ne répondait que
très partiellement aux besoins du milieu, parce qu’il n’avait pas pris en compte des
variables et des interrelations importantes.
Il a donc changé radicalement sa façon de faire pour aborder les
projets d’une façon holistique. Il a alors ajouté le recours à la pensée
synthétique pour les regarder de l’extérieur, par analogie, comme un
sous-problème d’un problème plus grand.

Il mettait ainsi l’emphase sur l’interaction entre les gens et


l’architecture qu’il avait à concevoir. C’est ainsi qu’est née la
synthèse d’Alexander, qui propose un processus créatif de va-et-
vient entre l’analyse et la synthèse (Alexander, 1964 ; 1966 ; 1977 ;
1979 ; Johan et coll., 2009 ; Jutla ; 1993 ; Metcalfe, 2007).
Tout comme le modèle du langage fait que les mêmes mots peuvent être agencés
de toutes sortes de façons pour former des phrases tout à fait différentes, le
modèle architectural permet de générer un nombre infini de solutions à un
problème de conception.

L’architecte n’est pas obligé d’utiliser la même solution plus d’une fois. Ce faisant,
chaque projet est unique et il est crucial de l’analyser dans son contexte
spécifique, de comprendre la fonction et les buts de l’architecture selon qu’il
s’agira d’une résidence ou d’une bâtisse industrielle, de savoir le nombre de gens
qui vont l’utiliser, de connaître la forme et le contexte de construction.
Alexander a développé cette méthodologie quand on lui a demandé
de concevoir le plan d’urbanisation d’un nouveau village pour des
gens d’un pays en développement qui devaient être relocalisés.

C’est ainsi qu’il a pu se rendre compte que les différentes idées


exprimées par les parties prenantes étaient toutes intéressantes et
pertinentes, mais sans lien apparent et souvent même contradictoires
les unes par rapport aux autres.

Cependant, il est arrivé à montrer que l’on pouvait établir un réseau


entre ces différentes idées.
C’est une méthodologie à la fois simple et puissante. Premièrement, en ayant recours
à la pensée analytique, il convient de recueillir les idées sur le projet, dont les sources
doivent être multiples.

L’important est d’avoir un éventail qui soit le plus complet possible pour arriver à un
questionnement méthodique. Pour ce faire, il faut d’abord donner à chacune des
parties prenantes l’opportunité de décrire ce qu’elle comprend de la situation et ses
préoccupations par rapport à elle.

On peut même aller jusqu’à les subdiviser en groupes contrastants. Ces divergences
peuvent alors être utilisées pour faire évoluer le raisonnement de chacun.
Des idées peuvent également ressortir d’un compte-rendu de
rencontre, d’une réunion de groupe, du souvenir de commentaires
émis lors d’une conversation, d’une déclaration dans un document, de
faits, de connaissances revendiquées, de recommandations, de
synthèses ou de résultats de recherche, etc.

Tout ce qui est considéré comme important ou intéressant peut être


retenu. L’ensemble de ces idées peut être vu comme la vision du
monde des parties prenantes, c’est-à-dire leur manière de
conceptualiser et de voir les organisations et les gens.
La deuxième phase de la méthodologie repose sur la pensée
synthétique afin d’arriver à faire émerger des liens entre ces
nombreuses idées exprimées.

Chacune peut être vue comme un point qui prendra la forme d’un
nœud que l’on peut relier à d’autres idées par des lignes. Seulement
les liens les plus forts seront ainsi tracés.

Alors apparaîtra un arbre qui est, selon Alexander, le véhicule le


plus simple pour traiter les pensées complexes (Alexander, 1966).
Dans cet arbre, on pourra alors voir émerger des grappes d’idées qui
sont du même ordre. Ces dernières deviennent des éléments cruciaux
pour conceptualiser le problème et déterminer les variables à prendre
en compte dans la conception d’un projet architectural.

Pour le plan d’urbanisation du nouveau village, voici un exemple, très


réduit, de quelques-unes des idées qui sont ressorties. D’abord,
comme le cheptel est au cœur de la survie du village, ce sont les
premières idées qui ressortent.
Ainsi, « Nous avons absolument besoin que notre cheptel soit
bien protégé » est représenté par le nœud « cheptel » dans le
graphique 4 du réseau des idées.

Ce nœud peut être relié, d’où la ligne tracée, à une autre idée :
« Nous avons besoin d’une eau de qualité », désigné par le
nœud « eau ». Il est aussi en lien avec « Notre santé et celle de
notre cheptel sont liées entre elles », montré sous le nœud
« santé ».
Graphique du réseau d’idées
Il en va de même pour : « Les vaches doivent être clôturées des
bœufs », identifié par le nœud « clôtures ».

Celui-ci pouvant à son tour être relié, quoique de manière plus


ténue, d’où la ligne pointillée, à : « Nous avons besoin d’espaces
communautaires de qualité », qui est dans le nœud « biens
communautaires ».
On voit ainsi apparaître un réseau social qui montre comment des
idées, pourtant très différentes, peuvent être reliées les unes aux
autres.
Il est ainsi possible de réaliser une méta-analyse pour faire émerger un
réseau global utilisé comme base de conception du plan d’urbanisation
du village.

Bien sûr, décider des idées qui sont liées ou définir les grappes est un
processus très subjectif. De plus, lorsque le nombre d’idées devient
élevé, il est presque impossible de faire l’opération manuellement.

Cependant, des logiciels existent pour prendre la relève.

Avec cet apport de la synthèse d’Alexander, plusieurs éléments


cruciaux, présentés ci-dessous, ressortent de ce cadre théorique.
Éléments cruciaux à retenir

1. Il ne faut pas viser à trouver la solution à un problème, mais plutôt à


faciliter le processus d’apprentissage qui permettra aux parties
prenantes de graduellement en développer une meilleure connaissance
et une meilleure compréhension.

2. Chaque partie prenante doit avoir l’opportunité d’exprimer ce qu’elle


comprend de la situation problématique et en quoi elle la préoccupe.

3. Il est essentiel de reconstituer le réseau qui s’est organisé entre les


actants autour du problème. D’où l’importance d’éviter de découper la
situation et la nécessité de s’intéresser aux controverses, à faire
ressortir ce qui unit et sépare.
13. La résolution d’un problème passe par le partage de
perceptions, le débat et la négociation, commandant l’intervention
d’un traducteur qui est plus interactionniste et thérapeute
qu’expert.

14. La formulation d’un problème doit être créative, surprendre,


confronter, mais surtout, rallier les parties prenantes. De là,
l’importance capitale de recourir à la pensée synthétique.
MODULE 4: PRISE DE DECISION
La vie de l’organisation est marquée par de nombreuses décisions.
Elles sont prises chaque jour, depuis sa création jusqu’à sa mort. Elles
ne sont pas toutes de même nature ni de même importance.

Les décisions prises par les dirigeants de l’organisation doivent servir


les objectifs et les stratégies qu’ils ont eux-mêmes définis.

Chaque décision est prise en tenant compte de plusieurs facteurs


(caractéristiques de l’organisation, technologie utilisée, évolution du
marché, contraintes légales, dynamique des relations sociales…).

Il est possible de classer les multiples décisions en étudiant leur


horizon temporel (court terme, moyen terme et long terme), leur
caractère répétitif ou non, le niveau hiérarchique du décideur, etc.
Igor Ansoff (1918 – 2002), né en Russie, il émigre aux Etats-
Unis où il a exercé des activités de conseil auprès de grandes
entreprises tout en poursuivant une carrière d’universitaire. Il a
proposé une classification des décisions en fonction de leur
objet.

1. LES DIFFÉRENTS TYPES DE DÉCISIONS

les décisions stratégiques concernent les relations de l’entreprise avec son


environnement (ex. : décision de produire un nouveau type de voiture à
destination des pays émergents…) ;
les décisions tactiques (ou administratives) sont relatives
à la gestion des ressources (ex. : décision d’acquérir un
brevet, d’organiser des formations pour les salariés…) ;

les décisions opérationnelles portent sur l’exploitation


courante de l’entreprise (ex. : établissement des
plannings, décision de réapprovisionnement en pièces
détachées…).
En tenant compte de l’échéance de la décision (son
incidence dans le temps) et du champ qu’elle couvre
(nombre de personnes ou de services concernés par la
décision), il est également possible de distinguer :
– les décisions de planification (ex. : localisation des
locaux, fusion…) ;
– les décisions de pilotage (ex. : lancement d’une
campagne promotionnelle…) ;
– les décisions de régulation (ex. : renouvellement des
stocks…).
Certaines décisions répétitives peuvent être traitées par
des processus standard, quasi automatiques (ex. :
déclenchement d’une commande) ; mais les décisions les
plus importantes sont soumises à de nombreux
paramètres et reposent principalement sur l’intuition ou
l’expérience des décideurs (ex. : décision
d’internationalisation d’une organisation).
2. Les modèles de décision

- Les modèles de comportement du décideur isolé;

- Les modèles de comportement décisionnel de


l’organisation.
2.1. Les modèles de comportement du décideur
isolé

• Modèle classique (ex. : modèle de Harvard),Taylor, Ford.


– le décideur évalue rationnellement toutes les alternatives
avant d’effectuer son choix.
– Ce choix est exempt de contraintes et correspond à une
stricte logique de maximisation du profit.
• Modèle des relations humaines
Herbert Simon

– la rationalité du décideur est nécessairement limitée car la


décision s’intègre dans un environnement complexe qui restreint la
perception des choix et impose de nombreuses contraintes au
décideur.

– La cohérence des décisions est également limitée par d’autres


facteurs comme l’émotivité du décideur (Janis), la personnalité
même du décideur, son profil psychologique…
2. 2. Les modèles de comportement décisionnel de
l’organisation

• Souvent, les décisions ne reposent pas sur une seule


personne. Il est alors intéressant d’étudier les mécanismes
décisionnels au sein de l’organisation, qui s’avèrent souvent
complexes et peu rationnels.
• Trois modèles de comportement décisionnel de l’organisation
:
Modèle de décision Analyse
La multiplicité des objectifs Chaque décideur, chaque service a des intérêts et des
buts différents de ceux de l’organisation dont il fait
(Cyert et March) cependant partie. L’organisation doit donc mettre en
œuvre des techniques de résolution des conflits
d’objectifs.
La réduction d’incertitude Toute organisation cherche en priorité à éviter
l’incertitude et le risque, et ne saisit donc pas toujours
(Théorie comportementale de la firme) les opportunités qui s’offrent à elle. Dans ce schéma,
c’est la logique managériale qui l’emporte sur la logique
entrepreneuriale.
La théorie de la poubelle En Général face à un problème les décideurs élaborent
une solution, Mais selon M.C.O le processus de
(March, Cohen et Olson)
décision ne se déroule pas ainsi . Il s’agit de mettre en
concordance des solutions pré existantes avec des
problèmes. Les décideurs puiseraient dans une vaste
poubelle des solutions en quête de problèmes
3. Les étapes du processus de décision

Selon lécole de la prise de décision, on distingue la rationalité parfaite,


constituée du modèle classique (diagnostic: identification et formulation du problème;
recherche: énumération des actions possibles; évaluation: comparaison des solutions;
choix: opter pour la solution optimale) et du modèle d’Harvard plus connu sous le
nom de SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats), la rationalité limitée et
la rationalité procédurale (décisions programmées et décisions non programmées).

Pour Herbert Simon, toute décision suit un processus plus ou moins


complexe dont les principales étapes sont la perception de la nécessité
d’une décision, l’inventaire et l’analyse des choix possibles, la sélection
puis la mise en œuvre et l’évaluation d’une des possibilités sélectionnées.
Trois exemples du processus de décision IMC de Simon
Herbert Simon (1916-2001)
Herbert Simon (Economiste prix Nobel en 1978) est l’auteur du modèle
IMC (Intelligence, Modélisation, Choix).
Ce modèle nous montre la complexité du processus de décision H. Simon
distingue 3 étapes :
- étape 1 : Intelligence:
Il s’agit ici de comprendre en recueillant toutes les informations possibles sur
l’entreprise et son environnement
- étape 2 : Modélisation:
Ici, les informations recueillies vont être traitées – les décideurs vont ensuite
rechercher les solutions envisageables.
- étape 3 : Choix de la meilleure solution compte tenu des contraintes.
On rajoute généralement une 4°étape pour le contrôle de la
mise en œuvre de la décision et l’exercice éventuel d’actions
correctives (feedback).

NB: Globalement, le processus de prise de décisionle plus


usité est articulé autour des différentes phases suivantes:
- la définition du problème;
- élaboration des options de solutions possibles;
- choix de la meilleure option;
- mise en oeuvre de la solution retenue.
La réalisation d’un nouveau L’alliance stratégique avec Ouverture d’un nouveau
bâtiment dans une entreprise un concurrent dans une magasin pour un
publique soumise à la grande entreprise privée. chocolatier de luxe.
procédure d’appel d’offres.
Intelligence Perception du besoin de Identification des besoins
construire un nouveau matériels, techniques, Souhait d’élargir la zone de
bâtiment. immatériels ou humains de chalandise et d’augmenter le
l’organisation. volume des ventes.
Modélisation Précision des besoins et des Etude des différentes Recherche des différentes
caractéristiques de la nouvelle opportunités permettant opportunités permettant
piscine, lancement d’un appel d’acquérir les ressources d’atteindre l’objectif souhaité
d’offres, comparaison des souhaitées (achat de brevets, (ex ; possibilité de
projets des différents recrutement, alliances…). commercialiser les produits
soumissionnaires. chez des traiteurs de luxe…).
Choix Sélection du meilleur projet au Réalisation d’un partenariat Décision de créer un
cours d’un avec une entreprise nouveau magasin dans un
Conseil d’administration. concurrente disposant des quartier huppé de la capitale.
ressources recherchées.
LES PARTIES PRENANTES ET LES CONTRE POUVOIRS
(Prise en compte des parties Prenantes )

• Les différentes parties prenantes peuvent agir sur l’entreprise de plusieurs manières.
Leur objectif est de limiter le pouvoir des dirigeants et de défendre leurs intérêts

A L’influence des parties prenantes


Qu’est ce qu’une partie prenante?
C’est Edward Freeman qui en propose le premier en 1963 une définition/
« Une partie prenante est un individu ou groupe qui peut affecter ou être affecté par la
réalisation des objectifs organisationnels »
On distingue :
objectif est de limiter le pouvoir des dirigeants et de défendre leurs intérêts
• Les parties prenantes de 1er rang ou internes:
relation contractuelle et formelle avec l’entreprise

• Les second rang ou externes : groupes de pression,


gouvernements, concurrents
Graphique Démarche de formulation de problèmes
CONCLUSION

Formulation et résolution des problèmes, voilà le défi de la performance


des organisations. Pour le relever, elles ont cruellement besoin de
gestionnaires qui ont toujours en tête que l’humain, dans les décisions
qu’il prend, est incapable de suivre un modèle de rationalité absolue
comme le propose la théorie classique.

D’une part, il ne peut appréhender tous les choix possibles et, d’autre
part, il raisonne séquentiellement et non pas de façon synoptique.
Le seul moyen de composer avec cette rationalité limitée, et même d’en
bénéficier, est le recours à la formulation de problème. Pour ce faire, ces
gestionnaires doivent avoir du talent plus que des connaissances
scientifiques.

Le talent d’admettre qu’ils ne peuvent arriver seuls à résoudre


efficacement les problèmes organisationnels complexes et celui de
profiter de la connaissance que les parties prenantes en ont.

Ils doivent également posséder la créativité pour en faire ressortir une


représentation et en négocier l’acceptation par les parties.

De plus, il faut qu’ils reconnaissent que chaque problème est unique et


nécessite la même attention de leur part à le formuler adéquatement.

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