Vous êtes sur la page 1sur 8

THÉO-PRATIQUE

De la cartographie des processus à


l’architecture de système de management
de la qualité
Publié le 17/06/2023
Par Olec Kovalevsky
Catégorie : SMQ

Résumé : Les démarches qualité et les processus associés sont à l’agenda des dirigeants d’entreprise depuis au

moins les années 1980. La pérennité de l’outil qualité et celle des métiers et fonctions chargés de le mettre en

œuvre dépendent grandement de la capacité de l’outil et de ses thuriféraires à évoluer et à s’adapter aux besoins

des entreprises et de leurs parties intéressées.

Personne n’imagine, j’espère, que les schémas hérités du passé, aussi glorieux soient-il, vont nous permettre de

relever tous les défis actuels et à venir.

Cet article a pour but de partager nos réflexions ainsi que des éléments de méthode permettant aux démarches

qualité de s’enrichir, de s’accorder au mieux avec les autres outils de l’entreprise pour le pilotage de la

performance.

Dans cet article, les questions suivantes sont traitées :


• La fin de la pensée unique « processus » ?
• Quelles tendances observe-t-on dans le pilotage de la performance ?
• Quelles perspectives pour l’architecture de système de management de la qualité ?

La fin de la pensée unique « processus » ?


Depuis les années 2000 et jusqu’à aujourd’hui, on a pu observer des systèmes de management de la qualité

(S.M.Q) de plus en plus standardisés et stéréotypés :


• dans de leur composition, pour laquelle tout au moins en France domine l’équivalence S.M.Q = ensemble
de processus de management, processus support et processus de réalisation (avec parfois en
complément des processus d’amélioration) ;
• dans la définition même des processus pour laquelle un modèle classique semble s’être imposé, plus par
commodité intellectuelle que par la démonstration de sa supériorité : processus commercial, processus
de conception et développement, processus production, processus achats, processus ressources
humaines, processus ressources matérielles, processus de management.

Cette standardisation a-t-elle produit des effets bénéfiques ? A-t-elle des inconvénients ? Est-ce le seul modèle

possible ? Doit-on poursuivre dans cette uniformisation ou doit-on favoriser la diversité des modèles ?

Un effet positif incontestable a été l’avènement d’une culture «processus» dans les entreprises, avec une

orientation «résultats» bienvenue, et conjointement la pratique de pilotage selon la logique PDCA.

Un inconvénient majeur, visible notamment dans les TPE – PME, réside dans la prolifération et la systématisation

d’exercices de style éloignés de la réalité des pratiques et des besoins des entreprises (par exemple les cartes

d’identités de processus, les formulaires repoussants de détails secondaires …) et sans valeur ajoutée pour leurs

clients.

Tous les processus et activités de l’entreprise ont leur utilité mais tous n’ont pas le même impact sur la qualité des

produits et services et sur la satisfaction client. Ne peut-on pas dès lors outiller différemment les

processus/activités selon leurs effets sur la qualité et la satisfaction des clients, directs ou indirects ?

De plus, que dire de la définition des processus calquée sur la structure de l’ISO 9001 et aboutissant à la définition

de la suite de processus : Commercial / Conception / Approvisionnement / Production ?

Cette façon de définir les processus semble avoir supplanté toutes les autres possibilités. Les entreprises en sont-

elles sorties plus performantes ? Certaines peut-être mais pas toutes ! Dans certains cas, ce modèle s’est même

avéré être un obstacle à la performance, par exemple pour des entreprises offrant à leurs clients des prestations

fortement différenciées (cf. article paru en 2011 sur slideshare).

Favoriser la diversité des modèles pour pouvoir choisir celui paraissant le mieux adapté à chaque situation

d’entreprise est une évolution nécessaire.

Quelles tendances observe-t-on dans le


pilotage de la performance ?
Le pilotage de la performance occupe une part non négligeable du quotidien des dirigeants de toute entreprise.

Pour cela ils disposent notamment :


• de la comptabilité analytique ;
• du contrôle interne ;
• des démarches d’architecture d’entreprise associée au système d’information de pilotage
• de la démarche qualité ou d’excellence opérationnelle.

Il n’y a pas si longtemps encore, le sigle SI désignait le Système Informatique alors qu’il désigne dorénavant de plus

en plus souvent le Système d’Information, incluant mais ne se limitant pas aux aspects informatiques.

Les conseils en SI ont progressivement compris qu’il n’était pas possible de proposer des logiciels d’entreprise sans

s’intéresser et comprendre les processus et les métiers de leurs clients.

De spécialistes en informatique (bases de données, interfaces homme-machine, traitement des données …) leurs

compétences se sont progressivement étendues aux aspects organisationnels et stratégiques : comprendre le

système entreprise et le modéliser pour fournir aux managers les vues et les données des activités permettant de

prendre des décisions pertinentes.

La comptabilité analytique, le contrôle interne et les systèmes d’information s’accommodent volontiers d’une

gestion de 100 processus ou davantage dans une entreprise (avec un niveau de détail assez poussé, par exemple

processus d’enregistrement de commande, processus d’édition d’un bordereau de livraison, processus de

découpe, processus d’assemblage …).

Jusqu’à présent, les modélisations d’organisations par processus relevaient d’une logique arborescente et

hiérarchique : macro-processus, processus, sous-processus. (cf. Fascicule AFNOR FD X 50-176 cité en

bibliographie). Or pour le pilotage de la performance, on commence à observer, venant du monde des systèmes

d’information, l’émergence de méta-modèles qui ne sont plus arborescents ni hiérarchiques mais associatifs,

privilégiant les relations entre des notions ou concepts ayant une certaine autonomie entre eux (cf. Guides Open

Group et Business Architecture cités en bibliographie).

L’évolution de nos sociétés et de nos modes de consommation, ont conduit à des modèles d’affaires actuels

montrant une forte segmentation des produits, découlant elle-même de la segmentation des besoins des clients

et de leurs critères de valeur/qualité.

Les méthodes actuelles produites dans le champ des SI rendent compte de ces évolutions. Ainsi en témoigne le

modèle représenté par la Figure 1 ci-dessous qui montre les concepts utilisés par une partie de la communauté

des systèmes d’information.

Le retour en force de la « valeur client »


Dans ces modèles le mot « valeur » est utilisé dans son acception large de ce qui est désirable, de ce qui a de la

valeur aux yeux du destinataire qui est en situation de l’acquérir. Cette définition globale de la valeur est préférée

à une définition strictement économique au motif qu’elle semble plus pertinente pour modéliser et piloter la

performance des modèles d’affaires des entreprises, en tout cas ceux pour lesquels la valeur pour les clients

détermine la valeur financière.

Figure 1 : Concepts de Business

Architecture (source : Open Group Guide 2017)

Ce modèle introduit notamment l’association entre « processus » et « métiers » qui me semble particulièrement

féconde pour la conception de démarches qualité et de systèmes de management de la qualité.

Quelles perspectives pour l’architecture de


système de management de la qualité ?
En reformulant, ce modèle de la Figure 1 nous dit que la performance opérationnelle d’une entreprise, et c’est

probablement vrai aussi pour un service public, dépend de quatre facteurs essentiels :
• la valeur accordée par les parties intéressées aux produits et services promis ou proposés par l’entreprise
;
• le ou les flux de valeur, regroupant les composantes-clés de valeur produites par l’entreprise, qui sous-
tendent l’expérience client ;
• les processus qui permettent la production économique des biens et des services visés ;
• les aptitudes (compétences, connaissances métiers) de l’entreprise et de ses acteurs, existantes et à
développer, qui sont les déterminants sine qua non de la création de valeur pour les clients et les autres
parties intéressées.
Cette modélisation de la performance peut être rendue opérationnelle grâce à des pratiques, des applications

informatiques, des tableaux de bords, des responsabilités d’acteurs, des objectifs, des ressources organisés et

associés de manière cohérente.

Internet, les réseaux sociaux et le Branding, le CRM (Customer Relationship Management), les PGI (Progiciel de

Gestion Intégrée) ou ERP (Entreprise Resource Management), les outils de BPM (Business Process Management),

les intranets et les applications collaboratives, etc. sont des éléments de plus en plus incontournables du système

d’information qui permettent aux acteurs de l’entreprise, dans leurs domaines respectifs, de gérer et de quantifier

tout ou partie des facteurs de performance.

Ces applications informatiques fournissent toutes les données nécessaires, à conditions de savoir les interpréter,

au pilotage de l’entreprise.

La comptabilité analytique, le contrôle interne ou la modélisation issue d’une démarche qualité sont là

précisément pour aider, isolément ou combinés, à mettre en cohérence tous les niveaux d’action de l’entreprise,

depuis les décisions stratégiques jusqu’aux actions opérationnelles élémentaires. Chacun le sait, ce n’est pas chose

facile !

Ce qui est certain est que pour espérer y parvenir il convient que les approches et démarches soient conduites de

concert.

Une façon de faire, développée au sein du groupement Performance Qualité TPE PME, repose sur deux évolutions

principales que nous proposons dans la conception des systèmes de management de la qualité :
• la dissociation créatrice des notions de « processus » au sens de flux et de « métiers » au sens de
connaissances ;
• la définition des « processus » de systèmes de management de la qualité au niveau des flux de valeur,
ce qui est habituellement nommé processus de bout en bout.

Dissociation créatrice « processus » et « métiers »

La première évolution consiste à s’interroger sur le couple « processus » – « compétences », comme l’ont fait par

exemple Philipe Lorino et ses collègues dans leur livre « Réconcilier la stratégie et l’opérationnel – L’approche «

processus – compétences » (cf. Bibliographie). Après quelques années d’application méthodique sur le terrain de

l’approche intégrée entre processus et compétences promue par ces auteurs et en avoir moi-même défendu

l’intérêt (cf. « Optimiser le pilotage de vos processus avec la méthode SOCLE » cité en Bibliographie), j’ai acquis la
conviction que cette fusion n’était pas complètement opérante et équilibrée et que généralement la finalité

opératoire des processus l’emportait sur celle des compétences et des métiers, avec un effet limitant sur leur

développement.

Il m’apparaît aujourd’hui que cette fusion entre « processus » et « métiers – compétences » est problématique.

En effet, les finalités et les ressorts ne sont pas les mêmes, comme le montre le contenu du Tableau 1 ci-dessous.

A l’instar des approches systémiques et analytiques qui se complètent et s’enrichissent mutuellement sans que

l’une prétende dominer l’autre, il me semble qu’il convient d’autonomiser « processus » et « compétences » en

cessant notamment de modéliser des systèmes, comme cela est souvent le cas des démarches qualité classiques,

où les compétences des acteurs sont au service exclusif des processus de l’entreprise. En procédant de cette

manière classique on s’aperçoit que les caractéristiques temporelles, cumulatives et évolutives des compétences

sont malheureusement négligées, alors qu’elles sont déterminates.

Tableau 1 : Dissociation créatrice « processus » – « métiers »

Cette analyse et le résultat que nous en tirons, conduisent à dissocier « processus » et « métiers (ou compétences

» pour mieux les associer dans une relation d’enrichissement mutuel, créatrice de valeur pour l’ensemble des

parties intéresséesinternes et externes.

Cette relation a, par exemple, été modélisée dans un cas particulier par la représentation de la Figure 2 ci-dessous.

Figure 2 : Association « processus » – « métiers » dans un système de management de la qualité


Chacune des deux entités « processus clients » et « métiers » sont outillées de manière à créer une dynamique

d’amélioration spécifique à chaque domaine, symbolisée dans la Figure 2 par le symbole PDCA.

Flux de valeur et processus de bout en bout

L’identification et la modélisation des processus clients de bout en bout peut se faire en utilisant les approches et

outils du BPM (Business Process Management) telles que décrites dans le Livre de référence « BPM CBOK ® » (cf.

Bibliographie). Leur mise en œuvre consiste tout d’abord à identifier et établir les flux de valeur pertinents au

regard des attentes des parties intéressées et de la stratégie de l’entreprise. Corrélativement, le développement

des compétences et des métiers nécessaires fait l’objet d’une démarche spécifique.

Pour le pilotage et l’amélioration des processus de bout en bout comme pour le pilotage et le développement des

métiers et des compétences, des innovations ou l’amélioration d’outils existants sont nécessaires et constituent,

à n’en pas douter, des sujets d’études et d’expérimentation pour les professionnels de la qualité.

A partir de cette association « processus » – « métiers » peut être développée la notion de matrice de base de

SMQ, applicable à différents niveaux de l’entreprise et constituant la brique élémentaire d’une architecture qualité

répartie.

Cette matrice de base du SMQ peut être représentée par le schéma de la Figure 3 ci-dessous. Elle est obtenue en

ajoutant au couple « processus » – « métiers » les activités de pilotage et de gestion de ressources nécessaires à

la réalisation de la création de valeur.

Figure 3 : Matrice de base pour système de management de la qualité

En faisant évoluer les modèles de systèmes de management de la qualité, il est possible de renforcer la cohérence

entre les différentes visions de l’entreprise données par le SI, la démarche qualité, le contrôle interne ou la

comptabilité analytique au profit de sa performance globale et de la création de valeur pour les parties intéressées.
De plus, l’enrichissement des systèmes de management de la qualité par des éléments rééquilibrant les

représentations des dimensions stratégique, économique et sociale de l’entreprise nous semble être un facteur

de succès dans l’entreprise (« Des leviers d’actions gagnants pour les démarches qualité des TPE – PME » ).

En tout cas, ce sont là nos orientations pour prétendre continuer à offrir des outils qualité pertinents aux

entreprises.

(Des exemples d’architectures de SMQ mises en place récemment sont présentées (exemples d’architectures de

SMQ)).

Vous aimerez peut-être aussi