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Philosophie générale

ESTHETIQUE
Schiller, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme

Lettre VII

l'homme est coincé entre deux déterminismes : de la nature et la loi morale : il faut donc
parvenir à lier l'instinct sensible et formel là intervient la notion de jeu qui là se renvoie à
rien de frivole ou de gratuit : ce n'est pas une forme de gratuité opposée à deux nécessités
inconciliables au contraire le jeu chez Schiller a la nécessité d'un instinct
Schiller parle d'un instinct de jeu Spieltriebe. Les deux autres instincts coopéreraient et
agiraient de concert ce qui nous libérerait du double déterminisme on serait libéré et de la
contrainte sensible et morale : serait supprimée la contrainte exercée sur nous quand ils
agissent seuls sur nous
enjeu pour Schiller = un anoblissement de la nature, de notre caractère
comment nous conférer plus de noblesse ? notre nature doit être annobli plutôt que détruite
objet de l'instinct sensible = la vie
objet de l'instinct formel = la forme
instinct de jeu = la forme vivant ou beauté, la beauté comme forme vivante
l'âme qui contemple la beauté échappe à la contrainte aussi bien qu'à celle de la loi morale

Lettre XV exemple de Junon Ludovisi

La contrainte matérielle des lois de la nature autant que la contrainte spirituelle des lois
morales disparaissaient dans leur concept supérieur de nécessité qui embrassait les deux
mondes à la fois et c’est seulement de l’unité de ces deux nécessités que surgissait pour eux
la vraie liberté. Inspirés par cet esprit, ils effaçaient des traits de la figure qui incarnait leur
idéal, l’expression des penchants en même temps que toutes traces de volonté, ou plutôt ils
rendaient les uns et les autres méconnaissables parce qu’ils savaient les associer dans une
union très intime. Ce ne sont ni la grâce ni la dignité qui nous parlent dans le
visage superbe d’une Junon Ludovisi ; ce ne sont ni l’une ni l’autre, car ce sont
toutes deux ensemble. La divinité aux traits de femme réclame notre
adoration, cependant que la femme semblable à la divinité enflamme notre
amour. Mais pendant que, ravis, nous nous abandonnons à son charme céleste, sa
suffisance céleste nous effraie. Toute sa personne se fonde en elle-même et y a sa demeure ;
elle est un monde complètement fermé ; comme si elle était au delà de l’espace, elle ne
s’abandonne ni ne résiste ; il n’y a pas là de force qui serait en lutte avec d’autres forces ni de
défaut par où le temps pourrait faire irruption. Nous sommes irrésistiblement saisis et attirés
par son charme, maintenus à distance par sa suffisance. Nous nous trouvons simultanément
dans l’état de suprême repos et dans celui de suprême agitation ; il en résulte la merveilleuse
émotion pour laquelle l’intelligence n’a pas de concept ni la langue de nom.

Lettre XXVII

Sans doute la nature a-t-elle donné plus que le nécessaire même à l’être qui est dénué de
raison, et a-t-elle dans les ténèbres de la vie animale répandu une lueur de liberté. Lorsque le
lion n’est pas torturé par la faim et qu’aucune bête de proie ne le provoque au combat, sa
force inactive se crée elle-même un objet ; il remplit d’un rugissement audacieux le désert qui
en répercuté l’écho et son énergie exubérante jouit d’elle-même en se dépensant sans bu
La pensée est au principe du travail artistique qui prend ainsi prend le sens d’un travail
d’esquisse qui se manifeste notamment dans l’invention.
Nicolas Poussin : 15 août 1653, il écrit à Chanteloup : « j’ai trouvé la pensée de notre
Ravissement de St Paul et la prochain fois je l’esquisserai » ; « je lui ai trouvé la pensée (...) ».
La pensée pour Poussin est premier moment fondamental dans l’exécution de l’œuvre. Or il
faut bien que cette pensée à l’origine de l’œuvre puisse être rendue visible ; il faut que le
spectateur puisse la voir : ainsi Poussin distingue dans la Lettre à Sublet de Noyers de 1642
deux manières de voir : l’aspect et le prospect
Il faut savoir [...] qu’il y a deux manières de voir les objets, l’une en les voyant simplement,
et l’autre en les considérant avec attention. Voir simplement n’est autre chose que recevoir
naturellement dans l’œil la forme et la ressemblance de la chose vue. Mais voir un objet en
le considérant, c’est qu’outre la simple et naturelle réception de la forme dans l’œil, l’on
cherche avec une application particulière le moyen de bien connaître ce même objet : ainsi
on peut dire que le simple aspect est une opération naturelle, et que ce que je nomme le
prospect est un office de raison qui dépend de trois choses, savoir de l’œil, du rayon visuel,
et de la distance de l’œil à l’objet : et c’est de cette connaissance dont il serait à souhaiter
que ceux qui se mêlent de donner leur jugement fussent bien instruits.
le prospect engage une considération avec attention de ce qu’on voit, c'est-à-dire un
dépassement de la simple apparence visible pour voir rationnellement quelque chose
le prospect c'est donc se représenter quelque chose au sens fort = « office de la raison » et
non plus des sens = une manière de penser un regard perspectif qui dépasse la simple vue
d’image pour parvenir à une vue qui atteint la pensée du peintre, la structure de la peinture
et qui peut se donner à penser comme manière de lire les signes produits dans la peinture.
c'est un mode rationnel du voir qui répond à ce mode rationnel du faire artistique qu’est
l’acte de représenter qui lui même procède d’un acte idéel ⇒ entrer dans la pensée du
peintre c'est se la rendre présente principalement grâce à une lecture sémiotique, une
apparition des signes du tableau.
⇒ analyse des Bergers d'Arcadie : 1. d'abord, c'est un paysage montagneux, méditerranéen,
harmonieux, buccolique, endroit où ilfait bon vivre, la scène baignée d'une lumière du soir
douce, paisible, mélancolique, même l'ensemble animé par des couleurs rompues, intensité
réduite par adjonction d'une autre couleur : le jaune tire vers le orange, le bleu vers le
orange, le blanc vers rose 2. un jour, ils tombent sur l'inscription ET IN ARCADIA EGO, moi
aussi, la mort, je suis en Arcadie : ici ont une attitude de philosophe, semble être une vanité,
se rappeler qu'on doit mourir : là un concept qui coïncide avec ce qu'on sait de Poussin, qui
était un homme droit paisible affable loin des honneurs du monde : une toile de Guerchin l'a
sûrement inspiré, mais chez lui macabre 3. pourtant, un détail troublant dans Poussin,
l'ombre n'est pas du tout correcte, jamais une ombre doigt pointé donnerait une ombre pareil
: est-ce qu'il s'agit d'une maladresse ? cette ombre présente le contour de la lame de la faux
emblême de la mort dans la folklore occidental depuis le moyen-âge 4. le message qu'il
entend faire passer : ici ou là bas, autrefois comme aujourd'hui, en Arcadie comme ailleurs,
l'ombre de la mort plane.
Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, 1719
il y fait l'énoncé du paradoxe du plaisir esthétique qui a ceci de particulier que non
seulement on prend plaisir à ce qui nous afflige mais même on prend un plus grand plaisir à
ça qu’à ce qui pourrait nous satisfaire.
L’art de la poésie et de la peinture ne sont jamais plus applaudis que quand nous ont
affligés, on a plus de plaisir à pleurer qu’à rire au théâtre.
⇒ Comment ça se fait qu’on prenne du plaisir à ça ? ici, on a l'affirmation d’une thèse
anthropologique d’inspiration pascalienne qui veut que l’ennui est la condition fondamentale
de l’homme, et constitue un mal si douloureux que les hommes cherchent à tout prix à le fuir
si bien qu’un des plus grands besoins de l’homme est de se divertir de l’ennui par tous les
moyens possibles, donc éprouver des passions, même triste = modalité privilégiée de
l’occupation de l’esprit en plus de l’exercice du corps et de l’esprit mais problème elles
fatiguent vite.
I, Section 1 "L'âme a ses besoins comme le corps et l'un des plus grands besoins
de l'homme est celui d'avoir l'esprit occupé. [...] quand elle ne travaille pas par le
corps, l'âme sent ou médite, mais méditer est difficile et pénible ; beaucoup plus facile de se
livrer aux impressions ; c'est pourquoi se livre aux passions, pour ne pas se retrouver en tête
à tête avec eux-mêmes, nous courons par instinct après les objets qui peuvent faire sur nous
des impressions, qui parfois nous coûtent des nuits inquiètes..."
I, Section 3, son titre = le mérite principal des poèmes et des tableaux consiste à imiter les
objets qui auraient excité en nous des passions réelles.
Du Bos signale que ces passions produites par les arts sont aussi artificielles car la copie de
l’objet doit pour ainsi dire exciter en nous une copie de la passion que l’objet aurait excité et
la copie se distingue de l’original par sa moindre durée = garantie du plaisir car on sait que la
passion sera limitée dans le temps, elle engendre aussi un moindre degré d’intensité qui
rejoint le critère de la superficialité : le fait qu'il y ait des passions qui restent à la superficie
de notre cœur est un argument qu’on pourrait trouver déjà chez Descartes dans les Passions
de l’âme, sur le plaisir pris à la tristesse (art. 140-148, art. 94 : la tristesse et la haine
chatouillent notre âme en la touchant car passions plus dans l’extérieur que dans l’intérieur
de notre âme)
"Les plaisirs qu'on sait à voir les imitations, que les peintres et les poètes savent faire des
objets qui auraient excité en nous des passions dont la réalité aurait été à charge, est un
plaisir pur." L'impression faite par l'imitation n'est "pas sérieuse".
exemple : Le Massacre des Innocents a dû laissé des idées funestes dans l'imagination de
ceux qui virent réellement les soldats effrénés égorger les enfants dans le sein des mères
sanglantes
le tableau de Le Brun où nous voyons l'imitation de cet événement tragique nous émeut et
nous attendrit, mais ne laisse dans l'esprit aucune idée importune ; il excite une compassion,
sans nous affliger réellement.
de même, la mort de Phèdre mourant avec des convulsions affreuses en s'accusant des
crimes qu'elle a commis en se suicidant par le poison serait un objet à fuir, s'il était réel,
provoquerait des idées noires et funestes ; mais "C'est sans nous attrister réellement que la
pièce de Racine fait couler des larmes de nos yeux : l'affection n'est, pour ainsi dire que sur
la superficie de notre coeur, et nous sentons bien que nos pleurs finiront avec la
représentation de la fiction ingénieuse qui les fait couler." Ce sont des émotions dont l'âme
demeure la maîtresse.
Si on tire plaisir d’éprouver haine, crainte, tristesse, etc., ce n'est pas pour un bénéfice moral
(critique de la catharsis car
est fondamentalement aléatoire : la tragédie purge les passions comme les remèdes
guérissent, comme les armes défensives garantissent des coups aux armes offensives :
édification morale par la catharsis c'est trop incertain pour expliquer le paradoxe du plaisir
pris à la tristesse)
Les passions suscitées par la tragédie sont plus intenses, fortes, violentes que la comédie ; la
tragédie nous délivre donc + de l'ennui.
ça nous apprend que l’épreuve des passions constitue le véritable critère de réussite d’une
œuvre : Du Bos va penser une forme de jugement immédiat de la sensibilité qui décide si
l’œuvre nous touche ou pas : c'est la sensibilité qui décide, juge, avant même qu’on puisse
déterminer les raisons de ce qui touche dans l’œuvre.
c'est pour ça que la sensibilité = critère de la réussite des œuvres et secondarisation du
critère rationnel type respect des règles : l’étalon de mesure pour la réussite des œuvres =
norme affective.
cf. II, Section 22 Du Bos : il y fonde évaluation esthétique sur rectitude du sentiment contre
le jugement de la raison qui se contente de déterminer la conformité à des règles. Le
raisonnement ne doit intervenir dans le jugement que pour rendre raison de la décision du
sentiment. Pour faire comprendre cette subordination de la raison au sentiment dans
l’appréciation des œuvres, Du Bos propose une comparaison entre le fait de juger du bon
goût d’un ragoût et de juger de la valeur d’une œuvre d’art.
Du Bos propose une analogie : ce n'est pas avec les règles que l’art culinaire qu’on prononce
qu’un ragoût est bon ou mauvais, c'est le goût au sens strict, la saveur des aliments qui en
décide ; pour les œuvres de l’esprit : c'est le sentiment, cœur ou instinct (Pascal) ou un
sixième sens qui décide de cette valeur
cette délicatesse du goût, du jugement, c'est ce que Du Bos appelle l’esprit au sens qu’avoir
de l’esprit c'est avoir un goût relativement délicat. Il y a une possibilité pour Du Bos de
former ce goût-là. L’idée forte est que cette parenté entre goût artistique et goût alimentaire
analogique ne signale pas une irréductible relativité des opinions mais conduit Du Bos à
penser paradoxalement son caractère infaillible et spontané. C'est pour ça que Du Bos pourra
soutenir paradoxalement que le jugement droit et sain est celui produit par un public
ignorant et non celui produit par des érudits.
objection : certaines beautés ne sont pas senties par les ignorants, par exemple un homme
qui ne sait pas que le même Pharnace qui s'était allié aux Romains contre son père
Mithridate, fut dépouillé honteusement de ses Etats par Jules César
quelques années après, n'est point frappé par la beauté des vers prophétiques que Racine fait
proférer à Mithridate : Tôt ou tard il faudra que Pharnace périsse, Fiez-vous aux Romains
des soins de son supplice
⇒ attention, "je ne comprends point le bas peuple dans le public capable de se prononcer sur
les poèmes et les tableaux, comme de décider à quel point ils sont excellents."
C'est un paradoxe présenté dans la section 25 du livre II : trois principaux reproches sont
faits aux gens de métiers :
1. ils ont une sensibilité émoussée ; 2. ils sont devenus insensibles au caractère pathétique
des œuvres, on disserte sur les causes du plaisir et déplaisir ce qui ne sert à rien pour établir
le fait même du plaisir sensible 3. le jugement de spécialité qui biaise le propos car fait en
fonction de leur place d’expert, ça les conduit à parler d’autres choses que des œuvres.
exemple : leur attention se porte toute entière non sur le sujet de l'imitation mais sur
l'exécution mécanique, et c'est par là qu'ils jugent tout l'ouvrage ; la poésie du tableau de M.
Coypel, qui représente le sacrifice de la fille de Jepthé, ne les saisit pas, et ils l'examinent
avec autant d'indifférence que s'il représentant une danse de paysans, ou un sujet incapable
de nous émouvoir ; c'est ainsi que la plupart de nos poètes examineraient le Cid si elle était
nouvelle
le dessein de la poésie et de la peinture étant de toucher et de plaire, il faut que tout homme
puisse sentir l’effet des bons vers et des bons tableaux.
cette conception d’une universalité proto-démocratique est assurée par le jugement de goût ;
mais, certes, les œuvres d’art doivent s’adresser en droit à tout le monde mais de fait
l’extension du public se réduit à ceux qui savent reconnaître et discerner ce qui est
représenté. ⇒ le public désigne en fait ceux qui ont déjà acquis un discernement permettant
de comparer les œuvres qu’ils perçoivent, le goût de comparaison.
section 22 du livre II, Dubos exprime bien la nécessité de fréquenter les œuvres pour
élaborer leur sensibilité : théorie de l’acculturation de la sensibilité : il faut qu’elle soit
éclairée pour s’accomplir comme sensibilité càd qu’elle puisse procéder de manière
comparative et efficace.
"Le public dont il s'agit ici est donc borné aux personnes qui lisent, qui connaissent les
spectacles, qui voient et qui entendent parler de tableaux, ou qui ont acquis de quelque
manière que ce soit ce discernement qu'on appelle goût de comparaison et dont je parlerai
tantôt plus au long."
⇒ l’immédiateté est en fait l'effet d’une certaine accoutumance, d'une sédimentation
culturelle qui a de particulier d’avoir informé sans la pervertir le sensibilité, alors que les
gens de métier ont une sensibilité tellement instruite que leur sensibilité est déformée.
tout le monde n’a pas le sentiment également parfait, comme les yeux ou oreilles également
bons, donc Du Bos pense une correction permanente de la sensibilité de chacun par
l’expérience de la confrontation permanente aux œuvres.
la formation du goût progressive qui se fait dans la jeunesse en vient à rendre
inapparaissante sa genèse progressive derrière le caractère assez immédiat de sa décision
face aux œuvres.
alors qu’en fait c'est une naturalité construite qui doit avoir eu lieu dès la genèse.
l’universalité du goût est moins une donnée qu’une formation : tension entre infaillibilité du
sentiment et nécessaire construction sociale et historique du sentiment et du public censé
être dépositaire du sentiment.
Burke, Recherches philosophiques sur l'origine des idées que nous avons du beau et du
sublime
Section VII Du sublime
"Tout ce qui est propre, de quelque façon que ce soit, à exciter des idées de douleur et de
danger - je veux dire tout ce qui est, de quelque manière que ce soit, terrible, épouvantable,
ce qui ne roule que sur des objets terribles ou ce qui agit de manière à inspirer la terre - est
une source de sublime, c'est-à-dire qu'il en résulte la plus forte émotion que puisse éprouver
l'esprit."
Section XIV Des effets de la sympathie d'autrui dans les malheurs d'autrui
"Je suis convaincu que nous trouvons un certain contentement qui n'est pas peu
considérable dans les malheurs réels des autres, dans leurs douleurs."
exemple : on lit des histoires authentiques de scènes tragiques avec autant de plaisir que des
romans ou des poèmes où les incidents ne sont que supposés, le contentement que procure
cas de cette espèce est augmenté si personne souffrante a toutes sortes de qualités : Scipion,
Caton ; la terreur est une passion qui donne toujours du contentement pourvu qu'elle
n'affecte pas trop
si cette passion ne causait que de la douleur, nous éviterions toutes les personnes et les lieux
qui pourraient faire naître cette passion comme font ceux qui sont devenus indolents au
point de ne pas pouvoir endurer ;
"Il n'y a point de spectacle que nous poursuivions avec plus d'avidité que celui de quelque
calamité extraordinaire."
pas par méchanceté, en fait, Dieu a voulu que nous fussions unis par le lien de la sympathie,
et a renforcé ce lien en y ajoutant un contentement proportionné, surtout dans cas où
sympathie se trouve nécessaire dans les malheurs des autres ; c'est pq le contentement est
mélangé : mêlé d'inquiétude
Tout cela se fait avant le raisonnement par un instinct qui nous mène à son but

Section XV Des effets de la tragédie

"Nous nous tromperions fort si nous voulions avancer que la plus grande partie de la
satisfaction que nous procure la tragédie vient de ce que nous la regardons comme une
imposture et de ce que nous voyons bien qu'il n'y a pas de réalité dans ce qu'elle représente"
plus elle approche de la réalité, plus elle nous éloigne de l'idée de fiction, plus elle a de force
sur l'esprit ; mais elle n'approche jamais de ce qu'elle veut représenter
imaginez qu'au moment où la pièce commence, on annonce qu'un criminel d'Etat de haut
rang va être exécuté en place publique, dans un moment la salle est vide ; en fait on ne trouve
une simple douleur dans la réalité et un contentement dans la représentation que parce que
l'on ne distingue pas ce que nous ne voudrions pas faire de ce que nous désirerions assez
vivement de voir une fois fait : on a du contentement à contempler des choses que nous
sommes éloignés de faire et même qu'on ne veut pas faire
Du sublime
Section I De la passion qui produit le sublime
"L'étonnement est donc, comme je l'ai dit, l'ef et du sublime dans son plus haut point ;
l'admiration et le respect ne sont que des effets subordonnés à ce premier."
Section IV De la différence qui se trouve entre la clarté et l'obscurité à l'égard des passions
il y discute deux vers de Horace dans l'Art Poétique : Ce qui ne frappe que les oreilles fait
moins d'impression sur l'esprit que ce qui frappe les yeux
"C'est en général parce que nous ne connaissons pas bien les choses que nous les admirons,
qu'elles nous étonnent ; c'est ce qui fait principalement agir nos passions. Les causes les plus
frappantes n'affectent que fort peu quand on les connaît, qu'on est instruit." il prend
l'exemple de la description de Satan chez Milton, Paradis Perdu, chapitre 1
⇒ c'est là sans doute un fort beau tableau, et très poétique "Mais qu'y trouve-t-on ? Une
tour, un archange, le soleil qui se lève dans des brouillards ou qui se trouve éclipsé, la ruine
des rois et les révolutions de leurs royaumes"
l'esprit arraché à lui-même par une "foule de pensées sublimes et confuses en même temps
qui n'affectent que parce qu'elles se trouvent entassées confusément les uns sur les autres"
"Séparez-les vous perdrez beaucoup de leur sublimité. Liez-les et vous en détruisez
infailliblement la clarté." En fait la grandeur enveloppe l'infinité ; "Il s'ensuit de là qu'une
idée claire n'est en d'autres termes qu'une petite idée."
cite un passage de Job étonnant par sa sublimité : c'est à la terrible incertitude qui y est
décrite que l'on doit attribuer principalement cette idée
n'est-ce pas avec toute la majesté possible que nous sommes préparés à la visions ? nous
sommes d'abord épouvantés, et ensuite ns apercevons la cause obscure de notre émotion,
mais quand cette grande cause de terreur se développe, on voit qu'elle est elle-même
entourée des ombres de son obscurité incompréhensible ; plus majestueuse, plus frappante,
que la description la plus vivre et la peinture la plus distincte n'auraient pu la représenter.

La description de Satan : Satan par sa taille et la fierté de son maintient les surpassait tous
comme une tour fort élevée domine tout le pays qui l'environne ; sa forme n'avait pas
encore perdu tout son premier éclat ; on reconnaissait encore l'archange quoique déchu,
quoiqu'il eût beaucoup perdu de sa gloire : tel au point du jour, le soleil se montre à travers
le brouillards ou dans une sombre éclipse quand, caché par la lune, il répand sur la moitié
des nations un jour qui les épouvante et alarme les rois en leur faisant craindre des
révolutions.

Job, chapitre 4 : "Dans l'horreur d'une vision nocturne, lorsque le sommeil assoupit
davantage tous les sens des hommes, je fus saisi de crainte et de tremblement, et la frayeur
pénétré jusque dans mes os : un esprit se présenta devant moi et les cheveux m'en
dressèrent à la tête ; je vis quelqu'un dont je ne connaissais point le visage ; un spectre
parut devant mes yeux et j'entendis une voix faible, comme un petit souffle, qui me dit :
L'homme comparé à D sera-t-il justifié et sera-t-il plus pur que celui qui l'a créé ?
Baumgarten, Méditations philosophiques sur quelques sujets se rapportant à l'essence du
poème

XIII Les représentations obscures ne contiennent pas suffisamment de représentations de


marques distinctives pour nous permettre de reconnaître l'objet représenté et de le
distinguer des autres ; les représentations claires en revanche en contiennent suffisamment ;
les éléments permettant la communication des représentations sensibles seront donc plus
nombreux lorsque celles-ci seront claires que lorsqu'elles seront obscures.
Le poème dont les représentations sont claires est plus parfait que celui dont elles sont
obscures ; et les représentations claires sont + poétiques que les obscures.

XIV Les représentations distinctes, complètes, adéquates, et profondes, ne sont à aucun


degré sensibles; elles ne sont donc plus poétiques ;
pour preuve, qu'on donne à lire à un philosophe des vers imprégnés de représentations
distinctes
Ceux qui démontrent que les autres se trompent, les réfutent.
Donc personne ne réfutera s'il ne démontre pas
L'erreur d'autrui; celui qui doit démontrer qu'il y a
Erreur doit savoir la logique; donc celui qui réfute
Sans être un logicien, ne réfute pas selon les règles.
notre philosophe les supportera à peine, même si la métrique de chacun d'eux est parfaite

XIX Les individus sont des êtres absoluments déterminés; donc les représentations
singulières sont tout à fait poétiques
on a tort de se moquer du chant II de l'Illiade dans lequel Homère énumère les chefs, les
souverains et les commandants des navires et tous les navires eux-mêmes ; ou au chant VII
tous ceux qui osaient s'opposer à Hector ou quand rencense dans l'Hymne à Apollon les
nombreux lieux sacrés où régnait le dieu
de même fin Enéide Virgile livre VII ; et Métamorphoses d'Ovide, catalogue des chiens qui
déchirent leurs maîtres

XX Les déterminations spécifiques s'ajoutant au genre constituent l'espèce, et les


déterminations génériques ajoutées au genre supérieur constituent le genre inférieur; donc
les représentations du genre inférieur et de l'espèce sont plus poétiques que celles du genre
ou du genre supérieur
pour preuve, première Ode de Horace : "aïeux" au lieu d'"ancêtres", "poussière olympique"
au lieu de "piste de jeux", "palme"au lieu de "prix", "sols libyens" pour "terres fertiles", "rang
d'Attale" pour "grandeur"parce que la vertu du poème est de substituer à des concepts trops
larges des concepts plus étroits, il faut aussi voir l'organisation seule qui a été donnée à l'ode
toute entière, et a été conçue de façon à présenter l'ambition, la cupidité, et la volupté par des
cas + particuliers en lesquels ces défauts ont coutume de se montrer à découvert; toute
l'amplification du discours a ainsi pr effet de représenter l'un et l'autre cas en place de
nombreux autres semblables, auxquels il faut donner valeur + générale (v. 26 27 33 34)
L’art chrétien se fonde sur le problème de l’image considérée dans sa dissemblance à ce
qu’elle représente. On y voit une représentation de formes identiques à leur modèle qui fait
toutefois apparaître un hiatus avec son modèle afin de ne pas faire de confusion de
semblable.
L’image chrétienne fait en effet face à une difficulté qui est l’interdit de la représentation, de
l’image, à différents moments, qui sera à l’origine de la querelle des images ou de la crise
iconoclaste de l’art byzantin : par ordre d’apparition,
dans l’Ancien Testament dans le Lévitique, on trouve l'idée d’image taillée et c'est elle qui est
interdite, donc la sculpture pose problème : l’idole désigne d’abord la représentation
physique, matérielle de la chose produite en relief.
le modèle de cette image taillée est l’idole qui suscite des pratiques dévotionnelles :
distinction classique, entre l'idole qui est ce qui vient redoubler le modèle pour prendre la
place du modèle, qui capte sur lui la vénération pourtant due au modèle et l'icône qui est
l’image qui ne fait pas écran à ce dont elle est le modèle, au contraire, elle reconduit les yeux
de l’âme vers le modèle dont elle n’est qu’une image ressemblante.
⇒ le problème de l’image pour les chrétiens est d'affronter le mystère de l’incarnation du
Verbe, qui a pu s’incarner dans la personne visible du Christ, rendre commensurable ce qui
est incommensurable, rendre visible l’invisible ? la ressemblance se mêle toujours de
dissemblance : la dissemblance ontologique entre créateur et créature et la dissemblance
morale entre ce qui résulte du péché qui fait qu’on perd la ressemblance.
Le péché est ce qui fait passer l’être humain de la ressemblance à Dieu à la dissemblance. La
seconde nature de l’homme est « la région des dissimilitudes » ; il existe toutefois dans la
tradition chrétienne des modèles d’images parfaites, des « images miraculeuses » ou «
acheiropoïètes », « faites sans mains », « non faites de main d’homme » : l'exemple le plus
célèbre de ces images acheiropoïètes sont les saintes faces comme le Mandylion, l’image
dans le drap : c'est un autoportrait de Jésus qui est une image réalisée par empreinte et non
par exécution technicienne.
Dans la tradition romaine, on a également la Véronique, l’image vraie, une image produite
par le Christ quand il se serait imbibé le visage sur un linge tendu quand il portait la croix.
⇒ l'image du contact pensé comme trace de la présence réelle du Christ, des images qui
accomplissent avec la photo le fantasme d’une peinture sans peintre, la disparition de
l’artiste derrière ce qui est représenté compte beaucoup dans cette iconographie chrétienne.
on peut penser également au culte de la relique des saints, chargée d’un pouvoir miraculeux
qui serait le signe de leur authenticité : la relique est pensée comme la manifestation d’une
présence qui n'est pas un substitut de cette présence, mais un reste, une partie qui vaut pour
le tout
Les images humaines relèvent du domaine de la dissemblance : Pseudo-Denys L'Aréopagite
pense que le divin est au-delà de toute image, de toute forme d’appréhension sensible selon
les principes d’une méthode apophatique qui consiste à approcher Dieu par ce qu’il n’est pas.
Il va appliquer cette méthode au statut de l’image. Il faut défendre les images : si on ne peut
pas représenter directement le divin on peut au moins le représenter par des images qui le
représentent moins. Le visible doit être chargé d’une fonction de viatique permettant
d’accéder au spirituel : faire des images est le lieu propre de l’anagogique.
⇒ l'image est impossible, mais nécessaire : il faut en faire en prenant en compte le danger
des images qui poussent à identifier spontanément la chose représentée et les images ; d’où
la théorie de Pseudo-Denys des images dissemblables : la condition de représentation du
divinest la représentation par image dissemblable pour que cette image ne porte pas à
l’idolâtrie, pour éviter la confusion.
Si l’on a raison de figurer l’infigurable, de donner forme à ce qui est sans forme, ce n’est pas
seulement parce que nous sommes incapables de contempler directement l’intelligible,
parce qu’il nous faut des métaphores spirituelles adaptées à la mesure de nos moyens, des
images qui mettent à notre portée les spectacles sans figure et merveilleux, – mais aussi
parce qu’il convient parfaitement aux passages mystiques de l’Écriture de cacher sous des
énigmes indicibles et sacrées, et de soustraire ainsi au vulgaire la sainte et mystérieuse
unité de ces intelligences qui n’appartiennent pas à notre monde. Pseudo-Denys
l’Aréopagite, La hiérarchie céleste, II, §2

l’ensemble des procédures plastiques et discursives doivent chercher à produire dans l’image
même une sorte d’espace à la fois réel et inobjectif en abolissant tous les modes de la rp des
choses, comme objets = abolition de la perspective.
la dissemblance fondamentale des images =/= défaut mais c’est leur plus grande qualité car
c'est ça qui les rapproche le plus de leur modèle.

Loin donc de les avilir, les saintes allégories de l’Écriture honorent les légions célestes, en
les révélant sous des signes sensibles qui ne leur ressemblent d’aucune façon, car elles nous
montrent par là même à quel point ces légions, qui n’appartiennent point à notre monde,
excluent toute matérialité, La hiérarchie céleste, II, §3
⇒ par la dissemblance des images, il s’agit d’empêcher une tendance spontanée à identifier
l’image et son modèle, càd cette tendance vers la matérialité qui nous conduit à nous
satisfaire d’images insuffisantes.
donc l’image réussie = une image qui parvient à exhiber son propre échec à représenter ce
qu’elle veut représenter ; c'est ce par quoi l’image byzantine cherche aussi à figurer le
transcendant : la dissemblance est une négation de l’identité entre être transcendant et être
sensible, ce faisant, l’image exprime l’essence non pas tant par un contenu qu’elle aurait mais
on essaie de figurer l’essence par son mode de présence spécifique.
on essaie d’atteindre, d’exprimer la seule chose qui n’est pas du ressort du contenu
représentatif, c'est-à-dire le mode de présence de la chose, donc ces images doivent
fonctionner comme révélation sensible qui font que les images doivent avoir qqch
d’autophanique : l’image se situe dans un lieu paradoxal : elle est d’une extrême proximité et
un lieu qui relance toujours le regard au-delà d’elle même.
un peu après Denys, pour essayer de penser la manière dont l’image peut représenter qqch
sans pour autant lui ressembler et peut même représenter qqch dans sa dissemblance même
: c'est le concept de figure, qui permet de penser le problème de l’incarnation chrétienne, càd
le problème d’une réflexion sur ce qui dans le visible excède toujours le visible, contre
binarité entre le visible et l’invisible, la figure = ce qui se situe à l’articulation des deux, ce
qui dans le visible renvoie à autre chose que le visible.
figure = figura qui traduit tropos = figuration visuelle d’une chose et le détour discursif
puisque le mystère, les mystères chrétiens sont incompréhensibles et non représentables,
ces mystères ne sont pas figurables, il faut un détour pour les représenter, une rp indirecte,
une rp qui implique une relation à un terme pas clairement identifiable.
depuis la Renaissance, l’horizon figuratif = transparence de la figuration mais y a un autre
sens de la figure qui n’est pas celui de la figure, qui est plus médiévale : le sens de la figure
comme ce qui est figural : dans la terminologie latine, figura ne désigne pas que la rp de
l’aspect naturel mais aussi l’inverse, càd le transport d’une chose dans une autre image, une
autre chose qui a une apparence tout à fait différente.
⇒ figurer qqch = la représenter par qqch qui ne la représente pas du tout.
Cette manière de pensée la dissemblance figurative dans l’image suppose qu’il y a des
niveaux de lecture ou d’interprétation de l’image.
c'est une théorie qui se fonde dans la tradition des quatre sens de l’Ecriture exposée dans la
Somme Théologique Question 1, art 10 de saint Thomas : le sens littéral s'oppose aux trois
modalités du sens : allégorique, tropologique, anagogique.
a. Le sens littéral ou historique concerne le discours qui énonce un fait ou une succession de
faits ; il ne suffit pas car l’Exégèse = mouvement d’aller toujours au-delà du sens manifeste
pour atteindre d’autres sens : toute lecture est exégétique en ce sens, il s’agit toujours
d’interpréter le texte qu’on lit, chercher le sens profond sous le sens apparent ;
b. Le sens spirituel est :
1. le sens allégorique qui essaie de chercher des correspondances termes à termes
entre deux séries d’éléments = cherche à retrouver dans les faits de l’Ancien Testament des
préfigurations de vérité présentée explicitement dans le Nouveau Testament (le
Christianisme comme sorte de vérité du Judaïsme) ;
2. le sens moral ou tropologique est l’enseignement pratique qu’on peut tirer au
présent de la lecture des textes, hors texte biblique, cette application d’un sens moral est ce
qui a été fondamental dans la lecture qu’ont fait les Pères chrétiens des textes païens pour
montrer leur compatibilité avec la pensée chrétienne ;
3. le sens anagogique est le sens qui concerne l’espérance qu’on peut avoir pour la fin
des temps, c'est un niveau qui concerne le sens eschatologique = il s’agit pour le théologien
de discerner dans les images et figures les préfigurations de ce qui adviendra dans la cité
céleste.

chez Fran Angelico, on trouve une synthèse figurale dans la Madone du Couvent de San
Marco à Florence : est représentée une vierge à l’enfant sur un trône entouré de saints,
classique mais ce qu’il y a de plus original est que la partie inférieure de l’œuvre représente
quatre grandes stèles en marbre fin, quatre panneaux colorés présentant un ensemble de
lignes et tâche colorés qui ne représentent rien.
ces marbres fins sont en fait une figuration de Jésus qui est toujours comparé à une pierre,
comparé à du marbre. Ces pierres sont ici maculées de tâches de peinture rouge qui
symbolisent les plaies du Christ. Tout se passe comme si on avait dansl’image une dialectique
entre ressemblance du haut et dissemblance du bas, qui serait un moyen d’intégrer dans le
processus figuratif une critique du processus figuratif : on commence par regarder le haut
par les yeux sensibles mais le bas nous enjoint de les fermer, il n’y a rien à voir si cherche
absolument de la ressemblance.
Cet espèce de rappel à l’ordre qui enjoint de se débarrasser du charnel se fait
paradoxalement par un excès de matérialité, contre toute forme de mimésis qui aurait
permis de reconnaître des corps, des formes, ces gros marbres fins nous renvoient à rien
d’autre qu’à l’existence matérielle de la peinture comme éléments colorés, jets, et on n’est
même plus dans une représentation des marbres car sont invraisemblables mais dans la rp
même de ce qui est donné à voir, de la peinture même qui
ne feint pas de représenter quoique ce soit. Face à face avec la plus grande matérialité, avec
la matérialité picturale, va conduire à une sortie de la matière, du visible pour en sortir = jeu
dialectique.
⇒ c'est tout l’ordre de la matière qu’il faut quitter : voilà une image qui affirme son excès à
l’égard de toute reconnaissance d’aspect, qui affirme sa résistance à l’égard de toute forme de
connaissance car on est face à une image qui ne ressemble à rien, donc qui se présente sur
le mode du mystère car échappe à toute forme de reconnaissance, et qui ouvre à un mode
d’existence semblable au mystère : elle vise en fait à susciter la disposition qu’il faut avoir
face à ce qui échappe à toute présentation sensible : ne s’agit pas tant d’une contemplation
esthétique que d’une dévotion, contemplation face à ce mystère, recréer le sentiment de
mystère par un effet de présence le plus semblable possible à celui que procure le mystère,
un moyen plastique de créer le sentiment de mystère.
⇒ le grand problème de la peinture = moins de représenter le monde de choses sensibles, ce
que sont les choses, que de se représenter elle-même comme mode de figuration, s’interroger
avec ses moyens propres ce qu’elle est elle-même.

Suger, moine bénédictin qui fait construire la première cathédrale gothique à St Denis entre
1125 et 1130 : décrite comme une architecture de lumière qui doit être lumière diffuse et
colorée par rapport aux édifices romans repliés sur eux-mêmes, sombres, gros mur : c'est
une construction aérienne, les murs vont s’élever et vont être ajourés par d’immenses vitraux
permettant de redessiner l’espace intérieur par un jour visible.
cf. Panofsky, chap. 4 d’Architecture Gothique et Pensée Scolastique : il s’inspire de la
métaphysique de la lumière qu’on trouve chez les néo-platoniciens et de la théologie négative
comme chez Denys : la lumière au sens de lux, source lumière et la lumen, la luminescence
d’un milieu transparent qui rend visible les choses.
de même que le créateur maintient dans l’être les créatures, la lumen maintient les choses
dans un milieu diaphane qui actualise toujours son pouvoir de rendre visible les choses. Dieu
est comparé à un pater luminum et la cathédrale est pensée comme recherche de verticalité
pensée comme tendue vers la lumière.
nous avons une transfiguration des corps par la lumière qui passe par les vitraux. Les pierres
réfléchissent la lumière colorée des vitraux = on crée un jour dans le jour ; on crée un lieu qui
n’est plus la boue et la terre ni la pureté du ciel, mais assure le passage entre les deux.
Suger pense ce transport selon un mode anagogique. La diffusion de la lumière sensible doit
figurer anagogiquement la lumière spirituelle, les beautés du ciel, et cela revient à une
dématérialisation de la cathédrale.
selon Pseudo-D, on peut s'élever à ce qui n'est pas matériel sous la conduite du matériel ;
mais ceci n'est possible que parce que toutes les choses visibles = lumières matérielles qui
reflètent des lumières intelligible et en définitive la vera lux de Dieu lui- même ; cette
ascension du monde matériel au monde immatériel = la voie anagogique, anagogicus mos,
méthode conduisant vers le haut un vitrail présentant des sujets allégoriques plutôt que
typologiques (par exemple,les Prophètes portant du grain à un moulin que fait tourner Saint
Paul ou l'Arche d'Alliance surmontée par la croix) nous entraîne des choses matérielles aux
choses immatérielles ; les douzes colonnes qui soutiennent les voûtes hautes du nouveau
chevet "représentent le nombre des Douze apôtres" ; "Quand la beauté des pierres aux
multiples couleurs m'arrache aux soucis extérieurs et qu'une honorable médiation me
conduit à réfléchir, en transposant ce qui est matériel à ce qui est immatériel, sur la diversité
des vertus sacrées, alors, je crois me voir, en quelque sorte, dans une étrange région de
l'univers qui n'existe ni dans la pureté du Ciel et je crois pouvoir, par la grâce de Dieu, être
transporté de ce monde inférieur à ce monde supérieur d'une manière anagogique.”
⇒ cette relation à la dissemblance et à la critique de l’imitation peut valoir pour une peinture
qu’on aurait nous envie de considérer comme absolument figurative : cf.
Pascal : « Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des
choses, dont on n'admire point les originaux ! »
cette formule est considérée par Malraux non comme une erreur mais comme une esthétique
l’enjeu de cette formule est de remarquer que la seule propriété de la peinture c'est d'attirer
vers… avant d’être représentative : et c'est ça le problème.
un peintre de Port Royal comme De Champaigne va justement relever ce défi pictural de
faire une imitation qui n’est pas une idole mais iconique qui renvoie l’image à autre chose
Logique de Port Royal, I, 4.
⇒ la peinture doit s’affirmer elle-même comme image qui renvoie à autre chose en dépit de
son caractère extrêmement figuratif.
cf. Ex Voto de 1662 : il s'agit d'un tableau qui représente un miracle, les guérisons soudaines
d’une paralysée : le tableau est complétement dépouillé mais fait apparaître la surface et
déréalise la dimension représentative pour montrer que ce mimétisme, dans son intention
même, engage un dépassement vers un au-delà de l'image.
Grabar, "Plotin et les origines de l'esthétique médiévale"

Il cite un passage de la IVème Ennéade, IV, 3,11 :

Les anciens sages qui ont voulu se rendre les dieux présents en construisant des temples et
des statues me paraissent avoir bien vu la nature de l'univers ; ils ont compris qu'il est
toujours facile d'attirer l'âme universelle, mais qu'il est particulièrement aisé de la retenir,
en construisant un objet disposé à subir son influence et à en recevoir la participation. Or la
représentation imagée d'une chose est toujours disposée à subir l'influence de son modèle,
elle est comme un miroir capable d'en saisir l'apparence.

⇒ si la raison d'être de l'art est d'être le reflet du Nous principe organisateur, le spectateur
ne saurait discerner la leçon qui s'en dégage sans une préparation spéciale : devra être
renseigné sur la nature physique de la vision, Ennéade, II, 8, 1

D'où vient que les objets éloignés paraissent plus petits et que, à une grande distance, ils
paraissent être à un intervalle peu considérable, tandis que les objets voisins sont vus avec
leur vraie grandeur et à leur vraie distance ?

⇒ ce qui préoccupe Plotin, c'est la vraie grandeur, la vraie distance et en vue de cette
recherche la présence sur l'image de tous les détails et des couleurs distinctes (et vraies, elles
aussi) pour relever la part du "réel" dans le vide de la matière.
or la vraie grandeur, la vraie distance ne sont reconnaissables que si tous les détails sont
présents, aucune des couleurs n'est dégradée ; et cela exclut le raccourci et la perspective
géométrique et aérienne
selon P, toute image d'un objet soumise à une contemplation utile devrait être fixée au
premier plan, et les divers éléments d'une même image alignés côte-à-côte dans ce plan
unique. Plotin nous apprend que la vision "en surface" nous garantit même de la perception
de la matière :

La profondeur, c'est la matière,et c'est pourquoi la matière est ténébreuse. La lumière qui
l'éclaire est la forme (logos) ; l'intelligence voit la forme. Voyant la forme dans un être, elle
juge que la profondeur de cet être est une obscurité située sous la lumière ; de même, l'oeil
lumineux, portant son regard sur la lumière ou les couleurs qui sont des espèces de
lumières discerne l'existence du fond obscur et matériel caché sous la surface colorée. (II, 4,
5)

Il y a des conditions physiques et "mystiques" à la contemplation d'une image :


[...] ni une âme ne verrait le beau sans être belle. Que tout être devienne donc d'abord divin
et beau, s'il veut contempler le Dieu et le Beau. (I, 6, 9)
⇒ on ne voit pas l'image de la même façon selon qu'on la regarde avec les yeux normaux ou
les yeux intérieurs ; seule l'image contemplée avec les yeux intérieurs est capable de remplir
sa fonction première = révéler un reflet de l'intelligible ; favorise art d'expression et
d'imagination qui augmente l'écart entre Nature et Image.

Plotin se pose la question : où se produit le phénomène de la vue ? Dans l'oeil ou l'âme ou à


l'endroit où l'objet est vu, et où la lumière de l'oeil va le reproduire ?
[...] L'impression a lieu évidemment à l'endroit où est l'objet, et l'âme ne voit
pas parce qu'elle est modelée par l'objet comme de la cire par un cachet.
⇒ permet de comprendre perspective dite "renversée" du Moyen-Âge : l'objet représenté
s'agrandit à mesure qu'augmente la distance entre eux et le spectateur et la perspective
"rayonnante" d'images étranges qui semblent vues d'en haut et où l'on fait converger vers un
point central les raccourcis de tous les objets représentés en fait application des
connaissances optiques à l'époque de Plotin : puisque le phénomène de la vue se
produit dans l'objet contemplé, l'artiste attentif aux données de la science
conçoit son image en partant de l'objet figuré et non pas du point où il se
trouve lui-même ; il se confond en quelque sorte avec l'objet représenté

ce qui donne un programme esthétique fondée sur certains principes :


a. l’image ramenée à un plan unique, en peinture et dans le relief plat : répond au postulat de
la vision de la vraie grandeur, couleur, Nature (Réunion du Christ et des apôtres, ivoire,
Dijon, musée des Beaux-A)
b. détails de l'objet représenté, reproduits avec un soin extrême, va jusqu'à gêner l'effet de
l'ensemble
c. perspective renversée et rayonnante : tentatives pour fixer le visionnaire dans l'objet qu'il
contemple ; on y rétablirait l'aspect normal des choses en imaginant le spectateur posté au
milieu de la peinture ou du relief
perspective renversée : Réunion du Christ, le Christ est censé être au fond, mais représenté
dominant et plus grand que les apôtres devant lui ; analyse : la taille des personnages
augmente de bas en haut ; et un détail prouve que la composition entière y compris les
apôtres du Christ, est projetée sur un seul plan : le rideau suspendu au cadre supérieur de
l'image descend, à droite, derrière la tête d'un apôtre perspective rayonnante : Les choeurs
de David
d. les personnages et les objets se déploient sur une surface parallèle à celle du tableau ou du
relief ; mais cette surface n'est qu'un plan idéal puisque personnages peuvent se recouvrir
partiellement et s'interpénétrer sans se toucher
e. le nuage de lumière qui enveloppe le personnage
f. les images où la Nature est soumise à des schémas géométriques réguliers
Winckelmann, Réflexion sur l’imitation des oeuvres grecques dans la peinture et la
sculpture

le caractère général qui distingue les chefs-d’oeuvres grecs = noble simplicité et grandeur
sereine dans l'attitude et dans l'expression, de même que les profondeurs de la mer restent
calmes en tout temps, si déchaînée que soit la surface, de même l'expression dans les figures
des G révèle même quand elles sont en proie aux passions les plus violentes, une âme grande
et toujours égale à elle-même

cette âme se lit sur le visage de Laocoon la douleur qui se révèle dans tous les muscles et
tendons du corps et qu'on croit presque ressentir soi-même, sans examiner le visage ou
autres parties, à la seule vue du centre douloureusement contracté, cette douleur ne se
manifeste pourtant par aucune fureur dans le visage ni dans l'attitude générale.
Laocoon ne pousse pas des cris horribles, l'ouverture de la bouche ne le permet pas : s'agit
d'un gémissement angoissé et oppressé, Sadolet.
Laocoon souffre comme le Philoctète de Sophocle (cf. Lessing) sa détresse nous pénètre
jusqu'au fond de l'âme; mais nous aimerions pouvoir supporter la détresse comme ce grand
homme la support ; toutes les actions et attitudes des fig grecques qui ne possédaient pas
caractère de sagesse ⇒ parenthyrsis (mauvais pathos, hapax de Longin)
goût actuel contraire : n'applaudissent à rien si n'y dominent attitudes et actions les plus
extraordinaires accompagnées d'une fougue insolente, et déclarent les exécuter avec esprit,
franchezza
les beaux-arts ont leur jeunesse comme les êtres h ; [...] l'emphatique et l'étonnant. Telle est
forme que revêtit la muse tragique d'Eschyle, et par ses hyperboles, son Agamemnon est
devenu en partie bcp plus obscur que tout ce qu'écrivit Héraclite. Les premiers peintres grecs
n'ont peut-être pas dessiné autrement que n'a écrit leur premier bon poète tragique.
ce sont le violent et l'éphémère qui précèdent toutes les actions humaines ; ce qui est calme
et posé, profond, ne vient qu'en dernier lieu... mais ces dernière qualités ont besoin de temps
pr susciter admiration, elles sont l'apanage des grands maîtres : les passions violentes
servent aussi leurs disciples ; c'est avec un oeil qui a appris à ressentir ces beautés, avec ce
véritable goût des A, que l'on doit aborder
Raphaël : Attila figures jugées dépourvues de vie, mais en fait leur calme et sérénité nous
apparaîtront significatifs et sublimes ; l'évêque de Rome qui détourne le roi des Huns se
présente non avec gestes et mouvements d'orateur mais sous les traits d'un homme
vénérable qui par sa seule présence apaise une émeute ; les deux apôtres ne planent pas ds
les nuages comme des anges exterminateurs mais comme le Jupiter d'Homère qui fait
trembler l'Olympe d'un simple mouvement de paupières
Lessing, Laocoon
Laocoon souffre comme le Philoctète de Sophocle
comment souffre-t-il ? plaintes, cris, imprécations sauvages... troisième acte de la pièce
exclamations plaintives, les gémissements, les cris saccadés a a pheu attatai ô moi moi les
lignes entières remplies de papa papa qui composent cet acte et devaient être déclamées
avec des temps et pauses tout autres que ceux que demandent un discours continu ont dû
faire durer cet acte a peu près aussi longtemps que les autres.
Le cri est l'expression naturelle de la douleur physique. Homère fait crier les guerriers
blessés qui tombent, Vénus crie à la moindre égratignure parce qu'elle laisse ses droits à la
nature souffrante, Mars lui-même pousse un cri comme celui, si horrible que deux armées en
sont épouvantées... Par leurs actions, ce sont des créatures supérieures ; par leurs sensations,
ce sont de vrais humains.
parmi les rares tragédies antiques parvenues, deux pièces où douleur corporelle entre pr
grande part ds le malheur qui frappe le héros souffrant Philoctète, Hercule Mourant : lui
aussi Sophocle le fait se plaindre, pleurer, crier
“Tout ce qui est stoïque est anti-théâtral” et notre pitié est toujours proportionnée à la
souffrance que manifeste le personnage qui nous intéresse. Si nous le voyons
magnanimement supporter son malheur, vrai que nous admirerons sa grandeur d'âme, mais
l'admiration est un sentiment froid et l'ébahissement passif exclut toute passion plus
chaleureuse contre toute image distincte de son objet
⇒ fait de crier =/= incompatible avec la grandeur d'âme ; pour autre raison que sculpteur
n'a pas fait crier sa statue

comme le poète Virgile l'artiste grec ne peignait que le beau ; le beau vulgaire, des genres
inférieurs n'était qu'un sujet accidentel, exercice récréatif... : ce qui devait charmer =
perfection de l'objet lui-même
Pauson resta au dessus du beau et peint le difforme et le laid ds l'homme ; Pyréicus paignait
avec tout le soin d'un peintre hollandais des étuves de barbier, des échoppes, des ânes et des
légumes Rhyparographe = peintre d'ordures
⇒ tout autre objet possible des arts plastiques si inconciliable avec beauté, doit être écarté :
expression des sentiments ; il y a des passions et des degrès de passion se traduisant dans
hideuses grimaces et agitant tout le corps ne reste rien du beau contour des attitudes
tranquilles je peux affirmer qu'ils n'ont jms représenté une Furie.
le désespoir se tempère en tristesse ; la colère à la sévérité ; Timanthe, Sacrifice d'Iphigénie a
donné à chacun degré convenable de tristesse, mais voilé le visage du père qui devait
connaître le degré suprême du désespoir
1. épuisé en physionomies tristes, désespère de pouvoir en donner une au père + triste
2. douleur du père est au-delà de ce que l'on peut peindre
3. Lessing : ni impuissance de l'artiste ou de l'art : les traits du visage qui l'expriment
s'accusent de plus en plus : rien de plus facile que rentre les traits les plus marqués...
Mais T connaissait les bornes que les Grâces assignaient à son art. Il savait que le désespoir
qui convenait à Agamemnon, comme père, devait se traduire en des grimaces toujours
hideuses. Il a poussé l'expression aussi loin que possible sans déroger à la beauté ni à la
dignité.
application de la loi de la beauté au Laocoon : l'artiste voulait représenter la beauté la +
grande compatible avec la douleur physique ; celle-ci dans toute sa violence déformatrice ne
pouvait s'allier à celle-là... ⇒ l'artiste était donc obligé de l'amoindrir de modérer le cri en
gémissement, non pas parce que le cri indique une âme basse, mais parce qu'il donne au
visage un aspect repoussant.
“Imaginez Laocoon la bouche béante et jugez. Faites-le crier et vous verrez.”
une bouche béante est en peinture une tache, en sculpture un creux, qui produisent l'effet le
plus choquant du monde, sans parler de l'aspect repoussant qu'elle donne au reste du visage
tordu et grimaçant.
Wölfflin Les principes fondamentaux de l'histoire de l'art
Il distingue le style individuel, le style de pays, le style de race
"Tout historien de l'art s'applique à mettre en évidence les développements parallèles du
style et de la culture d'une époque."
il distingue par exemple le style linéaire (dessin, plastique) et pictural, image tactile et image
visuelle : ainsi, pr exprimer différence entre l'art de Dürer et l'art de Rembrandt : le premier
= linéaire ; le second = pictural
⇒ au-delà de ce qui sépare les individus, ces styles caractérisent deux époques : XVIème
siècle, peinture s'est développée de linéaire à pictural au XVIIème siècle.
dans le style linéaire, toutes choses sont vues suivant des lignes tandis qu'elles le sont par
leurs masses dans le style pictural
Dürer, quand ils placent un nu en clair sur fond sombre, ces deux éléments demeurent
absolument distincts : le fond rien d'autre que lui-même, de même que le nu
chez Rembrandt, la clarté corporelle semble émaner pour ainsi dire de l'espace obscur ; tout
paraît être d'une seule et même matière
⇒ les peintres épris du "pictural" n'ont que trop d'intérêt à donner aux lumières et aux
ombres une autre fonction que celle de révéler les formes
exemple le dessin : Femme nue Rembrandt ;
deux planches, une de Dürer, une de Rembrandt : le contraste de ces dessins consiste en ceci
que l'un produit une impression basée sur des valeurs tactiles, l'autre sur des valeurs
visuelles
la figure de R est une lueur sur fond sombre et c'est ainsi qu'elle ns impressionne d'emblée ;
celle de Dürée se découpe sur un tain noir, sans que l'intention soit de faire jaillir la lumière
de l'obscurité ; elle est de permettre à la silhouette de se détacher avec le maximum de
netteté ; l'accent mis sur la ligne extérieure qui trace la silhouette.
exemple de peinture : portrait de Dürer 1521 construit sur le même principe que dessin
d'Aldegrevers : toute la silhouette à partir du front est extrêmement parlante, la commissure
des lèvres désignée d'une ligne calme et sûre, les ailes du nez, les yeux, tout rendu jusque
dans les détails ; les surfaces sont modelées pour être perçues par le toucher : lisses et nettes,
parties obscures comprises comme des ombres qui adhèrent directement à la forme.
Franz Hals, Portrait d'un homme la forme se soustrait à la perception par le toucher "Elle est
aussi peu préhensible qu'un buisson agité par le vent ou les ondulations d'un fleuve. Vue de
près, elle est tout autre que de loin. On a beau ne pas vouloir perdre un seul coup de pinceau,
une fois devant le tableau, on éprouve le désir de le considérer à distance. A vouloir
l'examiner de trop près, sa signification échappe. Le fondu du modelé est remplacé par un
modelé par touches. Les surfaces rudes, crevassées, n'ont plus aucune ressemblance directe
avec la nature. Elles ne s'adressent qu'à la vue et renoncent à impressionner le toucher.
L'ancien schéma des formes linéaires est bouleversé ; il n'est plus un trait qui doive être
interprété littéralement. Le nez se contracte, les yeux clignent, la bouche remue. C'est
l'interdépendance toujours plus étroite des lumières et des ombres qui a préparé à une
conception picturale absolue (cf. comparaison Holbein et Moor) ; sans que le caractère
plastique de l'oeuvre puisse être mis en doute, les ombres et les lumières chez Moor
commencent à vivre d'une vie qui leur est propre
[...] on parle d'une forme vue plus largement, cela signifie que les masses ont acquis une
liberté plus grande. Tout se passe comme si les lumières et les ombres trouvaient un contact
plus intime et plus vivant en présence de tels effets, l'oeil apprend à se fier à l'apparence et
finalement à accepter un dessin tout à fait étranger à la forme réelle comme s'il était la forme
même."
traitement du linge et des cheveux : Bronzino et Velasquez
il est un style objectif en soi qui s'applique à saisir les choses et à les rendre agissantes par ce
qu'elles ont de solide et de palpable ; il est un autre style que l'on peut nommer subjectif et
qui a pour principe de présenter l'image des choses ;
- dans le style linéaire, la limitation des corps, à la fois vigoureuse et claire, donne au
contemplateur l'assurance de toucher la réalité avec les doigts ; toutes les ombres qui
constituent le modelé des formes s'y appliquent si bien qu'elles sollicitent
directement le sens tactile.
- en revanche le style pictural a renoncé plus ou moins complètement à présenter la
chose telle qu'elle est : il n'y a plus pr lui de contour continu et les surfaces palpables
sont brisées
⇒ rq : le XVIème siècle classique n'a pas tjrs peint les étoffes comme Bronzino, et V est une
des possibilités de la vision picturale ; mais devant le contraste absolu de ces styles, les
variations individuelles n'ont plus qu'une signification secondaire.

les cheveux chez Velasquez ont tout ce qui fait des cheveux réels ; et pourtant, pas une boucle
ni un cheveu ne sont peints isolément, tout se ramène à une apparition lumineuse
qui n'a qu'un rapport très vague avec le substrat objectif.
Rembrandt, peignant une barbe de vieillard au moyen de quelques touches larges et faisant
fi de cette ressemblance tangible à laquelle Dürer et Holbein s'étaient efforcés d'atteindre il
en va de même de la présentation du nombre infini des feuilles d'un arbre ou d'un buisson :
art classique a essayé de créer le type du véritable arbre à feuillage : mais ce désir se heurte
naturellement à des bornes étroites.
à faible distance déjà, la somme de toutes ces formes produit effet d'une masse, et aucun
pinceau n'est assez fin pour en dessiner les moindres détails ⇒ l'arbre non linéaire du
XVIIème siècle est sorti où des taches colorés sont simplement juxtaposées sans que nulle
d'elles ait quelque rapport à la forme de la feuille qui est à l'origine de la perception
Kandinsky

Du Spirituel dans l’Art chapitre I

“chaque époque d’une civilisation crée un art qui lui est propre et qu’on ne verra jamais
renaître”
si tentative de recréation des formes des époques passées, oeuvre produite sera sans âme :
“Cette imitation ressemble à celle des singes” en apparence, le singe s’assied, lit, mais c’est
une mimique sans signification

le spectateurs cherche en l’art ou l’imitation de la nature qui peut servir à des fins pratiques
(portrait) ou l’imitation de la nature équivalent à une certaine interprétation
(impressionniste) ou des états d’âme déguisés sous formes naturelles Stimmung

chapitre II

schème de la vie spirituelle sous forme d’un triangle, divisé en parties inégales, la plus petite
au sommet, la plus large et grande à la base
le triangle s’élève et monte : la partie la plus proche du sommet atteindra demain l’endroit où
la pointe étant ajd
alors ce qui paraît radotage incompréhensible aujourd'hui paraître demain chargé
d'émotions et de significations nouvelles parfois, à l'extrême pointe, qu'un homme "Sa vision
égale son infinie tristesse."

chapitre IV

double effet de la palette de couleurs


1. physiquement, l’oeil sent la couleur : éprouve ses propriétés et éprouve de la joie ;
reçoit une excitation semblable à l’action qu’a sur le palais un mets épicé ; impression
physique sans durée et superficielle
2. à mesure que l’homme se développe et s’achève, le cercle des propriétés qu’il apprend
à reconnaître aux êtres s’agrandit : ils prennent une signification qui se résout
finalement en résonance intérieure : la couleur se double d’une seconde action
psychique “la couleur provoque donc une vibration psychique”
⇒ l’effet physique superficiel = la voie qui lui sert à atteindre l’âme ; est-ce un effet
direct ou une association ? l’explication par association ne suffit pas
“la couleur recèle une force encore mal connue, mais réelle, évidente, et qui agit sur le
corps humain.”
⇒ il est donc évident que l’harmonie des couleurs ne doit reposer que sur le principe
du contact efficace. “L’âme, touchée en son point le plus sensible, répond. cette base,
nous l’appellerons le Principe de la Nécessité Intérieure.

chapitre VI

1. la couleur
2. la forme
la forme seule peut exister par elle-même : on ne conçoit pas la couleur étendue sans limite,
c’est l’imagination seule ou une vue de l’esprit qui permet de nous représenter un rouge
illimité
le rouge qu’on ne voit pas, mais qu’on conçoit abstraitement, éveille une représentation toute
intérieure, à la fois précise et imprécise, d’une sonorité intérieure
“rouge” renvoie à un rouge qui résonne en nous vague et indécis
mais en même temps précis, car son intérieure demeure pur, dépouillé de tendances
accidentelles au chaud ou au froid qui aboutirait à perception de détails
mais quand il faut rendre ce rouge sous apparence sensible il faut
a. un ton déterminé choisi dans la gamme infinie des rouges
b. délimité en surface par rapport à d’autres couleurs = données inévitables qui
délimitent et modifient autour d’elles, par leur présence, les caractéristiques
subjectives et les enveloppent de résonance objective
la forme, au sens étroit = la délimitation d’une surface par une autre surface : définition du
caractère extérieur
mais toute chose extérieure renferme, nécessairement aussi un élément intérieur
chaque forme a donc aussi un contenu intérieur, la forme est la manifestation extérieure de
ce contenu
l’artiste = la main qui à l’aide de telle ou telle touche du piano, tire de l’âme humaine la
vibration juste : il est évident que l’harmonie des formes doit reposer sur le principe du
contact efficace de l’âme humaine
1. ou bien la forme est considérée en tant que délimitation servant à découper sur la
surface un objet matériel ; donc à dessiner un objet matériel sur cette surface
2. ou bien la forme demeure abstraite, c’est-à-dire qu’elle ne représente aucun objet
réel, mais qu’elle constitue un être purement abstrait

"nature" = tout ce qui environne l'homme et change sans cesse transforme constamment au
moyen de touches les cordes du piano en vibration.
action triple : couleur de l'objet, forme de l'objet, objet lui-même, indépendante couleur et
forme : c'est là que l'artiste intervient à la place de la nature, c'est lui qui ordonne et met en
oeuvre ces facteurs : ce qui importe ici = efficace
choix de l'objet = dépend d'un contact efficace avec l'âme humaine par conséquence : le choix
de l'objet relève également du PNI.

"Il n'y a pas de "Il faut" en art. L'art est éternellement libre. L'art fuit devant les impératifs
comme le jour devant la nuit."

1. le son idéal se modifie en se combinant avec d'autres formes.


2. il se modifie également, même si rien de ce qui l'entoure ne change (dans l'hypothèse au
moins où ce qui l'entoure est stable, lorsque seule l'orientation de cette forme vient à être
modifiée)
il n'y a rien d'absolu et chaque forme instable, le déplacement le plus imperceptible de l'une
la modifie dans son essence.
question n'est pas de bien dessiner question se substituera : on se préoccupera
de savoir dans quelle mesure le son intérieur d'une forme donnée peut être voilé
ou pur.
"Les moyens d'expression s'en trouveront incroyablement enrichis parce qu'en art,
ce qui est voilé est plus fort."
trois nécessités mystiques constituent la Nécessité Intérieure
1.chaque artiste, comme créateur, doit exprimer ce qui est propre à sa personne (élément de
la personnalité)
2. chaque artiste, comme enfant de son époque, doit exprimer ce qui est propre à cette
époque (élément de style dans sa valeur intérieure, composée du langage de l'époque et du
langage du peuple, aussi longtemps qu'il existera en tant que nation)
3. chaque artiste, serviteur de l'Art, doit exprimer ce qui, en général, est propre à l'art.
(élément d'art pur et éternel qu'on retrouve chez tous les êtres humains)

l'artiste doit se libérer de l'"extérieur" pour substituer à cette base la base contraire de la
nécessité intérieure.
où commencer ses exercices ?
le point de départ = estimation de la valeur intérieur des éléments matériels au moyen de la
grande balance objective, c'est-à-dire, ici de l'analyse de la couleur dont l'action s'exerce en
bloc sur n'importe quel être humain.
la couleur simple, on la laisse agir sur soi. toute la question se réduit au schéma le plus
simple : deux grandes divisions :
1. la chaleur ou la froideur du ton coloré.
2. la clarté ou l'obscurité du ton coloré.
on distingue quatre sons principaux
I. chaude et en plus claire ou foncée.
II. froide et en plus claire ou foncée.
chaleur ou froideur = tendance générale vers le jaune ou vers le bleu.
en notes : toutes ces affirmations sont le résultat d'impressions psychiques tout
empiriques et ne sont basées sur aucune donnée scientifique positive.
Mondrian, Réalité naturelle et réalité abstraite

Scène I Pays plat. Vaste horizon. Très haut : la lune.


Y Comme c’est beau ! X Quelle profondeur de ton et de couleur ! Z Quel repos !
Z [...] Vous mettez l'accent sur le ton, la couleur, moi sur ce qui se manifeste par ceux-là : le
repos. [...] Le repos devient plastiquement visible par l'harmonie des rapports et c'est pour
cela que je mets l'accent sur l'expression des rapports. [...] Pour moi le rapport plastique est
précisément plus vivant quand il n'est pas enveloppé par le naturel mais se manifeste dans ce
qui est plane et rectiligne.[...] l'apparence naturelle voile l'expression des rapports.
prend l'exemple du paysage devant eux : "Pays plat. Vaste horizon. Très haut : la lune." :
"dans le paysage qui nous occupe les rapports de position ne sont pas positivement visibles
rapports de position = relation de la situation des lignes et des plans les uns vis-à-vis des
autres ; le plus parfait de ces rapports = l'angle droit qui exprime la relation de deux
extrêmes
Dans ce paysage, l'horizontale par rapport à nous, ne s'exprime que par la seule ligne de
l'horizon : une seule position est donc exprimée.
La position contraire, verticale ne s'exprime pas exactement dans ce paysage, c'est-à-dire pas
linéairement. Et cependant l'opposition est exprimée par le ciel dont la position élevée
apparaît comme un vaste plan.
Un plan indéterminé, certes mais sur lequel la lune pose un point exact. Ainsi, le plan du ciel
est défini depuis ce point jusqu'à l'horizon ; cette définition est une ligne verticale bien que
cette ligne ne soit pas apparente dans la nature.
Il ne nous reste qu'à la tracer pour exprimer positivement l'opposition de l'horizontale.
⇒ ainsi on voit que le rapport de position se manifeste quand même dans la nature mais de
manière inexacte, et c'est le rapport équilibré des différentes positions (l'opposition par angle
droit des lignes et des plans) qui, plastiquement, exprime le repos.
Z Aussi le repos est-il si grand dans ce paysage parce que l'horizontale et la verticale s'y
manifestent : le rapport de position apparaît dans l'harmonie naturelle.

Scène II Formes capricieuses d'arbres se détachant en noir sur le clair ciel lunaire.
Z Il vous faudra du même coup accepter ce qu'il y a de capricieux dans la nature
X Le capricieux est beau
Z Beau mais tragique; si vous suivez la nature vous ne pourrez vaincre le tragique dans votre
art que dans une très faible mesure. Il est bien vrai que la peinture naturaliste nous fait sentir
l'harmonie qui est par delà le tragique, mais elle ne l'exprime pas d'une façon nette et définie
parce qu'elle n'exprime pas uniquement des rapports d'équilibre. [...] l'apparition naturelle,
la forme, la couleur naturelle, le rythme naturel, les rapports naturels eux-mêmes, dans la
plupart des cas, expriment le tragique. [...] C'est la nature qui nous conduit à la conscience de
notre être, c'est-à-dire aux choses les plus intérieures. C'est la nature qui conduisit la
peinture vers une plastique purifiée.
En ce qui concerne Mondrian, il faut être attentif à la façon dont cette structure peut en
droit, s'étendre, et proliférer au-delà du tableau, en vue d'un art total, et d'une paix générale.
Le tableau est une partie d'un ensemble plus vaste et est conçu comme plus qu'un objet. On
ne pénètre pas dans une toile de Mondrian : il n'y a aucune épaisseur, aucune profondeur.
Mondrian, c'est plan et le tableau vaut comme un objet réel, inscrit dans l'espace réel de la
pièce où il se trouve.
Il y a une étroite relation entre la peinture et l'architecture : tous les meubles et objets, qui se
trouvent dans la pièce, doivent idéalement être construits en tenant compte de la pièce, tout
comme la toile. La structure prolifère, et gagne les proportions de l'appartement, l'immeuble,
et même la ville : New York, avec ses angles droits, ses systèmes de bloc. L'art doit pouvoir
proliférer au-delà du tableau, pour produire un homme nouveau qui vivrait dans un
appartement modulaire, fonctionnel, qui serait une structure cellulaire.
La peinture est vouée à se dissoudre dans cette forme de structure universelle, dans une vie
"abstraite réelle".

Scène VII Pleinement heureux, l'artiste ne peut l'être que lorsque sa conception du beau se
reflète dans le monde qui l'environne. [...] Oui, cette vie intérieure créera l'extérieur : la vie
abstraite-réelle se réalisera dans la vie extérieure, et peu à peu, dans tout le monde extérieur.
[...] L'atelier que voici exprime l'idée de la Nouvelle Plastique ; "on voit une équivalence de
rapports par les seuls éléments de la couleur et de la ligne."
"Les différents métiers d'art ne doivent pas se remplacer les uns les autres. L'art appliqué et
la peinture ne doivent pas remplacer l'architecture, ni le contraire. Ils ne doivent que
compléter, qu'approfondir l'architecture et celle-ci ne peut que les soutenir.
Kouros de Sounion,
Il possède une figure allongée, très structurée, une ossature rigoureuse, rigide. La tête est
dominée par un agrandissement des yeux, large dégagement des arcades sourcilières. Le
corps reste plat mais les diverses parties de sa figure sont harmonieusement associées les
unes aux autres.

Agias, Lysippe
Elle est présentée comme une statue du second classicisme. Mais Lysippe a essayé de mettre
en place innovations. La figure de l'athlète est élancée : il a de longues jambes avec une petite
tête : la tête n'est plus un septième du corps comme chez Polyclète et son canon mais un
huitième.
On observe une figure élancée, et une rotation vers la gauche. Il y a là un mouvement continu
qui rompt avec la sculpture quasi architecturale des torses classiques. Ces mouvements de
balance donne vraiment l'impression d'incertitude, qui suggère l'éminence du mouvement.
La direction du regard est intéressante : la direction ouvre la forme tandis que la mélancolie
d'Agias s'ajoute une intériorité une psychologie du personnage : par comparaison avec les
athlètes nus de l'époque classique, ici intérêt pour la psychologie du personnage.

Pugiliste des Thermes


La statue montre un vieil athlète, un vieux boxeur, il est représenté avec une barbe. Ici c’est
une nouveauté de représenter l’athlète avec une barbe car avant on le représentait jeune, et là
l’artiste choisit de la représenter à la fin de sa carrière avec tous les signes du combat (et plus
dans la force de la jeunesse, comme les sculpteurs précédents). Donc, nous sommes face à un
vieil athlète, nez cassé, il saigne → donc la statue d’athlète la moins idéalisée qu’on puisse
trouver.
Que souhaite-t-elle exprimer ? Le regard de l'athlète nous livre tout son pathos : s'éloigne des
représentations héroïques et idéalisées du corps pour traiter avec un plus grand réalisme
l'expression des sentiments et de l'individualité.

Hercule Farnèse
La statue la plus développée par Lysippe est l’Héraclès Farnèse : type le plus connu et le plus
imité dans l’Antiquité. Il s’agit d’un Héraclès fatigué qui s’appuie lourdement sur sa massue.
Héraclès est représenté âgé, la main droite tenant derrière le dos, les pommes des
Hespérides. Son aisselle gauche est lourdement appuyée sur la massue. Le pied gauche est
porté en avant → donc mvt du corps, des hanches.
il est couverte de la peau du lion de Némée, les pommes des Hespérides renvoie à l'un des
premiers travaux d’Héraclès.
Ici, Héraclès est représenté âgé, fatigué → donc l’originalité du type vient du sujet lui-même :
contrairement à l’art archaïque et classique qui représentait le héros en faisant des exploits,
Lysippe choisit de représenter le sujet en Héraclès fatigué. Le héros qui vient d’endurer ces
travaux et qui aspire enfin au repos.
Les modelés du visage et la musculature, puissante, exagérée, traitée par grande masse un
peu gonflée = tout cela contraste avec la fatigue du héros et crée cet effet dramatique, qui
annonce le baroque hellénistique. Cette statue fait environ deux fois la taille naturelle
humaine.

La bataille de San Romano, Uccello 1438-1456


elle représente les combats violents qui ont opposé les forces siennoises et florentines à San
Romano, près de Montopoli, le 1er juin 1432.
le tableau est composé de diagonales dynamiques et tout entier fondé sur les principes de la
perspective : les lances brisées qui gisent à terre dessinent une série de lignes de perspective
orientées vers un point de fuite dissimulé derrière le cavalier central. Elles s'opposent aux
lances levées des soldats qui attendent de charger.
chez Uccello, les formes tendent à être réduites à des motifs géométriques qui confinent à
l'abstrait, comme on peut le voir avec l'accumulation de lances à l'arrière-plan.
Les nombreuses lances se confondent en des formes simplifiées et colorées. Le lévrier est
d'apparence réaliste, mais son corps disproportionné est trop long. Les détails colorés peints
sur fond vert rappellent les motifs des tapisseries de l'époque. Des chevaux gisent sur le sol
parmi un amas de lances brisés.
Le commandant siennois est désarçonné. La scène est ponctuée par les ruades des chevaux et
la chute des chevaliers. Le soldat représenté en raccourci ajoute à l'effet de profondeur.

La baptême du Christ, Piero Della Francesca 1448 1450

l'ensemble de son oeuvre est marquée par sa simplicité monumentale.


le Christ est placé au centre exact du tableau, sous la colombe descendue des cieux. L'arbre
placé à gauche répond à la figure massive de Jean-Baptiste, tandis que les anges sont
disposés en un demi-cercle à part. Ces procédés se rencontrent dans de nombreuses oeuvres
de l'artiste. Il aime à concevoir ses compositions à partir de formes géométriques simples,
fondées sur les corps idéaux qu'il décrit dans son traité De quinque corporibus regularibus.
Giorgio Vasari critiquera son art pour sa sécheresse.

Philippe IV d'Espagne, Velasquez 1644

"Les dessins inachevés sont les plus admirés [...] parce qu'en eux on voit les dessins
préparatoires [...] et les vraies pensées des artistes." Pline l'Ancien, HN, XXXV, 79
Livre du Courtisan 1528 Castiglione invente le terme de sprezzatura "une certaine
nonchalance, qui dissimule toute virtuosité et fait paraître ce que l'on fait ou dit comme
dépourvu d'efforts et presque sans réflexion" : "l'effort visible est l'antithèse de la grâce" ce à
quoi font écho les idées exprimées par Giorgio Vasari dans La vie des meilleurs peintres
⇒ pas conception universelle de l'art : Michel-Ange artiste le plus célèbre de l'époque, pas
sans effort.

de tous les grands peintres du XVIIème siècle, Diego Velasquez est probablement le plus
virtuose, créant ses oeuvres de manière plus intuitive que réfléchie,
très peu de dessins lui sont connus et il semble avoir travaillé directement sur la toile,
effectuant souvent des ajustements progressifs - bcp sont visibles à l'oeil nu.
ses peintures ont tendance à être solides et franches, avec une touche épaisse mais souple,
parfois qualifiée de crémeuse ou évoquant le cuir ; cependant après avoir déménagé de
Séville à Madrid vers 25 commence à faire usage de couleurs + claires et touche devient plus
fluide ; influencé en cela par Titien

"une touche fluide" : tout au long de sa carrière, Velasquez peint avec un réalisme brillant,
mais sa façon de représenter ce qu'il voit devient de plus en plus subtile, sacrifiant le détail
au profit du résultat général
dans ses oeuvres tardives, impression de présence physique presque tangible, mais quand on
l'observe de près, formes semblent se dissoudre ds un ensemble abstrait fait de coups de
pinceaux
Antonio Palomino, biographe de Velasquez écrit en 1724 : "On ne peut pas le comprendre si
on se tient trop près, mais de loin, c'est un miracle." Palomino précise que pour obtenir cet
effet, V utilise parfois pinceaux à manche long pour peindre "à une plus grande distance et
avec plus d'audace"

Les Ménines : unanimement admiré comme un chef d'oeuvre de la peinture ; montre la


mystérieuse capacité de V à donner vie à une scène en la suggérant plutôt qu'en la décrivant
précisément, indique les traits du visage sans grande précision, mais la personnalité émerge
avec force.
le traitement se fait + vague à mesure que la scène s'estompe dans la pénombre feutrée : le
silhouette à la porte (le chambellan de la reine, José Nieto) est presque floue, mais il semble
que V est parvenu à en reproduire une image fidèle
Baudelaire, Ecrits sur l’art

« J’imagine devant Les Caprices un homme, un curieux, un amateur, n’ayant aucune notion
des faits historiques auxquels plusieurs de ses planches font allusion, un simple esprit
d’artiste qui ne sache ce que c'est ni que Godoï, ni le roi Charles, ni la reine ; il éprouvera
toutefois au fond de son cerveau une commotion vive, à cause de la manière originale, de la
plénitude et de la certitude des moyens de l’artiste, et aussi de cette atmosphère fantastique
qui baigne tous ses sujets. »

Commentaire de la planche 62 : « Qui le croirait ! », le combat de deux sorcières, l’une est à


cheval sur l’autre ; « toute la hideur, toutes les saletés morales, tous les vices de l’esprit
humain peut concevoir sont écrits sur ces deux faces, qui, suivant une habitude fréquente et
un procédé inexplicable de l’artiste, tiennent le milieu entre l’homme et la bête. »

Commentaire de la planche 59 : « Et pourtant ils ne s’en vont pas. » ou « Nada », comme il


décrit de mémoire a pu confondre les deux

« Ce cauchemar s’agit dans l’horreur du vague et de l’indéfini. »

« Le grand mérite de Goya consiste à créer le monstrueux vraisemblable. Ses monstres sont
nés viables, harmoniques. Nul n’a osé plus que lui dans le sens de l’absurde possible. Toutes
ces contorsions, ces faces bestiales, ces grimaces diaboliques sont pénétrées d’humanité. […]
en un mot, la ligne de suture, le point de jonction entre le réel et le fantastique est impossible
à saisir ; c'est une frontière vague que l’analyste le plus subtil ne saurait pas tracer, tant l’art
est à la fois transcendant et naturel. »

Eugène Delacroix, « plusieurs vérités irréfutables »

Vu à une distance trop grande pour analyser ou même comprendre le sujet, un tableau de D a
déjà produit sur l’âme une impression riche, heureuse ou mélancolique « On dirait que cette
peinture, comme les sorciers et les

magnétiseurs, projette sa pensée à distance » : tient à la puissance du coloriste, à l’accord


parfait des tons, et à l’harmonie entre la couleur et le sujet : « Il semble que cette couleur […]
pense par elle-même, indépendamment des objets qu’elle habille.

Delacroix, lac de sang, hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours
vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent comme un soupir étouffé de
Weber ; lac de sang : le rouge ; hanté des mauvais anges : surnaturalisme ; un bois toujours
vers : le vert, complémentaire du rouge ; un ciel chagrin : les fonds tumultueux et orageux de
ses tableaux ; les fanfares de Weber : idées de musique romantique que réveillent harmonies
de sa couleur

Le dessin de Delacroix : un bon dessin n’est pas une ligne dure, cruelle, despotique,
immobile, enfermant une figure comme une camisole de force ; le dessin doit être comme la
nature, vivant et agité ; la simplification dans le dessin est une monstruosité, comme la
tragédie dans le monde dramatique ; la nature nous présente une infinité de lignes courbes,
fuyantes, brisées, suivant une loi de génération impeccable, où le parallélisme est toujours
indécis et sinueux, où les concavités et les convexités se correspondent et se poursuivent ; «
M. Delacroix satisfait admirablement à toutes ces conditions […] immense mérite d’être une
protestation perpétuelle et efficace contre la barbare invasion de la ligne droite, cette ligne
tragique et systématique, dont actuellement les ravages sont déjà immenses dans la
peinture et la sculpture. »

Edgar Poe : le résultat de l’opium pour les sens = revêtir la nature entière d’un intérêt
surnaturel qui donne à chaque objet un sens plus profond, plus volontaire, plus despotique
[…] La peinture de D me paraît la traduction de ces beaux jours de l’esprit. Elle est revêtue
d’intensité et sa splendeur est privilégiée. Comme la nature perçue par des nerfs
ultra-sensible, elle révèle le surnaturalisme.

Remarque : dans un tableau de Courbet ou d’Ingres, il n’y aurait pas d’appel à la


rêverie, que ce qu’il y a à voir. Le fini lisse d’Ingres c'est la ligne parfaite, quasi
sculpturale.
Grabar, La Formation de l’Art Islamique

“L'idée de l'arabesque.”

mosaïques du Dôme du Rocher, mosquée de Damas : on peut en dégager une signification,


mais ne semblent pas qu'elles aient été intégrées dans tradition artistique islamique
continue. on ne pt s'empêcher de penser que leur fonction principale était de revêtir ces
deux monuments de belles et brillantes mosaïques.

1. le motif visible, végétal, géométrique, est entièrement soumis à des principes abstraits : la
forme matérielle est condensée pour exprimer autre chose qu'elle-même ; horror vacui
invoquée pour décrire décoration islamique : chaque mur ou objet est entièrement recouvert

2. l'ornementation se définit au mieux par un système de relations entre structures plutôt


que par une somme de structures ; ces relations s'expriment en termes de géométrie

3. l'influence de la géométrie

4. la possibilité du développement infini : la façade de Mshatta en est le plus ancien exemple,


le motif décoratif peut être développé à volonté dans toutes les directions et c'est la seule
volonté de l'artiste ou les dimensions du support qui fournissent les limites ; offre une liberté
considérable à l'observateur car il peut choisir le point de vue qu'il désire pour apprécier une
décoration comme de Mshatta ; peut se perdre dans la contemplation de ses détails, dans
l'énumération de ses thèmes : peut choisir un motif particulier et le suivre dans des triangles
qui le circonscrivent ou en suivre les variations dans une douzaine de triangles

5. des thèmes de toute origine peuvent être incorporés dans l'ornementation

6. l'arbitraire : la façade de Mshatta : non seulement exemple de frise totalement arbitraire


mais rien dans cette frise n'indique destination de l'édifice derrière

deux thèmes de la pensée islamique peuvent être rapprochées de l'ornementation :

1. lilah al-baqi (Ce qui reste appartient à Dieu) : explique que l'absence d'ordre dans le
monde, la non-réalité du visible sont nécessaires car témoignent de la permanence divine ;
aucune création humaine ; ne peut refléter la réalité physique car D seul crée la permanence
des choses

2. l'atomisme : toute chose est caractérisée par des combinaisons variées d'éléments égaux
entre eux qui la constituent ; pour l'atomisme islamique, pas obligatoire que la réalité
physique demeure inchangée et il impute à un miracle divin que les mêmes compositions
réapparaissent ; puisque l'artiste doit éviter d’imiter Dieu ou de rivaliser avec lui, il a toute
liberté de recomposer à sa guise ce qu'il connaît de la nature, et plus cela sera arbitraire et
absurde, mieux cela vaudra

La façade du palais de Mshatta : un large bandeau de plus de 4,25 mètres de hauteur)


encadré par des moulures richement décorées est placé sur la partie centrale de la façade du
palais ; ce qui le caractérise est une série de vingt-huit triangles égaux ; en fait était prévu
une longue bordure en zigzag, qui aurait divisé partie de la façade en cinquante-six triangles
égaux, posés tour à tour sur la base ou sur les pointes. Chaque triangle contient une énorme
rosette en haut relief avec un groupe de motifs concentriques à l'intérieur : pour le reste, le
fond comporte des compositions fort différentes où des rinceaux voisinent avec des cercles
nettement indiqués et parfois des animaux
Godard

“C’est le film qui pense, moi je n’ai pas à penser. Je suis témoin de cette pensée.”
comment Nouvelle Vague opère-t-il passage du cinéma à la philosophie et l’effectuation de
concepts par le récit ?

Le Mépris

L’histoire en bref

Paul Javal, écrivain de théâtre de 35 ans, est marié à une belle jeune femme, Camille,
ancienne dactylo. Ils s’aiment.
A Rome, au studio de Cinecitta, Paul, qui a des besoins d’argent pour payer l’appartement
neuf qu’il vient d’acheter, est engagé par un producteur américain Jérémie Prokosch afin de
remanier dans un sens plus commercial une version cinématographique de l’Odyssée qu’un
vieux cinéaste allemand, Fritz Lang, est en train d’achever. Une traductrice, Francesca
Vanini, accompagne les personnages car ils ne parlent pas la même langue. Le producteur
propose au couple d’aller prendre un verre chez lui. Paul pousse maladroitement son épouse
à monter dans l’Alfa-Roméo de Prokosch pendant qu’il prendra un taxi. Ils se retrouvent
dans la villa romaine de Prokosch et Paul s’empêtre dans des explications confuses
concernant son retard. Il se permettra une familiarité avec l’interprète qui sera vue par
Camille. Ils rentrent chez eux. S’ensuit une longue scène conjugale fondée sur la maladresse
de Paul et le désir de Camille de lui faire assumer ses décisions (accepter le scénario, aller à
Capri avec Prokosch).

Thèmes et personnages

Camille, Pénélope et Aphrodite

qu’est-ce qui fait un personnage ? dans son roman Moravia décrit Emilie, Italienne brune “à
la beauté sereine et placide”
“Il y avait en elle cet air de grâce et de calme majesté, involontaire et spontané, qui ne peut
venir que de la nature et qui pour cette raison paraît d’autant plus mystérieuse et
indéfinissable.”

Godard, Scénario du Mépris : “Mais contrairement à son mari, qui agit à la suite d’une
série de raisonnements compliqués, Camille agit non-psychologiquement, si l’on peut dire,
par instinct, une sorte d’instinct vital, comme une plante qui a besoin d’eau pour continuer
à vivre. Le drame entre elle et Paul, son mari, vient de ce qu’elle existe sur un plan purement
végétal, alors que lui vit sur un plan animal.”
⇒ la psychologie de Bardot ne peut pas du tout se justifier sur un plan purement
psychologique, “Cela vient de ce que c’est Brigitte Bardot.”
s’il avait eu une autre actrice pour faire Camille Javal, le film aurait eu un aspect
psychologique bcp plus poussé.

Camille est chargée de la personnalité de Bardot et Godard ne cherche jamais à nous le faire
oublier ⇒ il se fonde sur cette donnée pour développer le personnage et la direction d’acteur.
Jean Collet, “au début du film, la scène chez le producteur est filmée comme un
documentaire sur BB actrice. On sent qu’elle attend qu’on lui dise ce qu’elle doit jouer. Dès
qu’elle est dans l’appartement de Paul et Camille, elle joue son rôle. A la fin, à Capri, elle en a
pris conscience, elle en a fait la critique.”

le génie de Godard est d’avoir utilise l’actrice pour ses qualités : sa forte présence à l’écran,
due à son aura de “star” qui offre d’emblée au personnage une dimension mythique et
permet de voir en Camille une figure atemporelle de Pénélope, l’épouse énigmatique
G utilise également BB dont le comportement est déterminé par son corps. Nicole Brenez
“Camille Javal ne serait, en ce sens, rien d’autre que la languidité de BB, l’esprit du corps de
BB.”
c’est pourquoi l’actrice ne cesse de changer d’apparence vestimentaire dans la séquence dle
appartement : pr magnifier le corps lui-même dans sa nudité originelle, pr mettre en avant le
corps face au personnage et ne plus dissimuler celui-là sous l’apparence de celui-ci

La placidité et la nonchalance naturelles de B ds ses déplacement ds l’espace ont permis à G


d’affirmer l’opacité du personnage qui ne s’affirme que sur des sensations immédiates et
brutales
⇒ au moment de l’émergence du mépris, où on voit apparaître dans son regard la rupture
qui s’instaure dans sa nouvelle perception de Paul ; son indifférence lorsque Paul soutient les
thèses de Prokosch dans la salle de cinéma, et son ironie lorsque celui-ci s’oppose à Prokosch
dans la villa de Capri
exemple de la scène de l’appartement : BB donne une force extraordinaire au personnage de
Camille car elle s’y déplace toujours au même rythme et énonce ses répliques sur un ton
qu’elle tient d’un bout à l’autre de la scène, avec intonation monocorde qui exaspère Paul :
gravité avec laquelle elle énumère la litanie de mots grossiers quand Paul lui dit que ça lui va
mal ; l’actrice métamorphose en réplique tragique grâce à son timbre très “Passy” une
succession de jurons scatologiques (“Trou du cul… putain… merde… nom de Dieu…. piège à
con… saloperie…. bordel…)
inversement G joue sur son intonation enfantine quand elle dit “J’irai pas, j’irai pas, j’irai
pas…” à la fin de la séquence
Camille est un bloc de marbre et Paul ne pourra jamais la pousser hors de ses limites :
“Pourquoi est-ce que tu me méprises ?” “Ca, je ne te le dirai jamais, même si je devais
mourir.”
⇒ Bardot, par sa façon de parler et d’être, a poussé G à accentuer l’aspect énigmatique du
personnage de Camille : son comportement aux antipodes de celui de Paul a accentué le
statut tragique du récit, l’a plus radicalement détourné de son origine romanesque en le
“dépsychologisant”.
le roman de Moravie est un roman d’analyse ; le film de Godard est une tragédie au sens
plein du terme : Camille ne peut dire pourquoi elle se met à mépriser l’homme qu’elle aimait,
car cela ne dépend pas de son vouloir psychologique, de sa conscience humaine. C’est un fait
du Destin.
Le prologue : l’harmonie conjugale avant le mépris

Camille : Tu vois mes pieds dans la glace ?


Paul : Oui
Tu les trouves jolies ? Oui, très. Et mes chevilles, tu les aimes ? Oui. Tu les aimes, mes
genoux aussi ? Oui, j’aime beaucoup tes genoux. Et mes cuisses ? Aussi…
le plan qui satisfait d’abord un certain désir de voir va s’éterniser et, par là même, révéler
ce désir, le mettre trop en évidence, le dénoncer
un système d’opposition entre continuité et discontinuité se met en place : continuité se
développe dans la durée de la prise et la succession des questions réponses
discontinuité contredit cette continuité visuelle par le découpage entre trois parties : la
dominante rouge, puis blanche, puis bleue
⇒ les filtres déréalisent la représentation, la transfigurent : on ne voit plus le corps de
Camille, mais le corps statufié d’une déesse antique, dessiné par la polychromie.

l’énumération fonctionne comme un poème, le blason, XVIème siècle, hommage à la beauté


souveraine du modèle : le blason est une description minutieuse et exhaustive qui s’appuie
sur la répétition lancinante (“Oui” de Paul) fondée sur la liste des qualités de l’être aimé
⇒ la série des questions de Camille indique son narcissisme, la relation fétichiste à son
propre corps, mais également son inquiétude sur son charme personnel et intime
Paul doit l’aimer totalement de la tête aux pieds et le dire à Camille : cette scène se présente
comme un jeu érotique entre les amants, exprimant une réelle pudeur féminine lorsque
Camille évoque son “derrière” et baisse la voix pour parler de la pointe de ses seins
mais l’énumération relève de la démarche fétichiste, de la collection d’objets partiels que seul
le regard de la caméra rassemble : le spectateur viole l’intimité d’un couple et le cinéaste met
en pleine lumière avec une crudité réelle le corps de la star, sa valeur symbolique et
marchande ; un corps exposé au regard, qui vaut pour la moitié du budget total de la
production et que les producteurs exigeait de voir à l’écran, exposé sur toute la largeur du
cinéma : on en a “plein la vue”, jusqu’à l’aveuglement produit par le contraste entre
fragments sous-exposés et corps en pleine lumière.
⇒ Godard remplit donc un contrat, mais à sa manière : il signe une commande en affichant
son style : il montre la star dans la splendeur éclatante de sa nudité, mais sous le regard du
cinéaste

confrontation avec le scénario original et la séquence réalisée laisse voir des différentes
1. dans le film réalisé, ce n’est pas Paul qui dit ce qu’il aime en Camille mais Camille le
lui fait dire “oui” = réponse fermée fréquente dans le raisonnement godardien ;
aucune de ces questions ne concerne son aspect “moral” : elles sont toutes consacrées
à son physique
2. la scène tournée ne laisse pas supposer comme ds le scénario que Camille et Paul ont
fait ou font l’amour : elle indique que c’est une possibilité
cette scène d’amour peut être envisagée comme scène de “désamour” : le dialogue et
les mouvements des personnages font apparaître deux décalages ou deux “faux
mouvements”
⇒ hiatus se renforcera au long du film lorsque Camille refusera à Paul de dire
pourquoi elle le méprise, renforcera l’arbitraire tragique du film, mais ce refus
d’explique aussi parce que ces raisons ne sont pas dicibles pour Camille parce que ce
mépris lui fait honte, qu’il est d’ordre moral mais aussi d’ordre sexuel
séquence 8 : la mise à mort d’un couple

en 1963 = l’une des scènes les plus longues du cinéma narratif (une demi-heure)
Scénario du Mépris : “en gros, le principe de cette séquence est le même que pour celle de la
chambre dans A Bout. Mais autant celle-là était linéaire du début à la fin, commençait,
continuait et se terminait sur le même ton, autant celle-ci doit être composée de montée vers
un paroxysme, de redescente vers le calme ; de remontée vers un autre paroxysme, puis de
redescente vers un autre calme ; puis d’une troisième remontée et descente. La première
montée sera une scène d’amour ratée entre eux. La deuxième, le faux départ de Camille, la
troisième une crise de rage de Paul.”
⇒ forme inédite et provocante de la construction comme de la durée brute,
restituée telle quelle avec l’apparence de la vie quotidienne la plus banale.

organisation de l’espace et longueur des plans

- caméra extérieure au point de vue des personnages qu’elle enregistre d’un troisième
côté virtuel : pendant que paul est parti du côté de son bureau, la conversation se
prolonge et Camille lui parle hors champ
- le déphasage des personnages est représenté par le dialogue fragmenté, l’échange de
répliques d’une pièce à l’autre, qui entrave tout échange de regard et ampute la
communication verbale d’une dimension ici décisive : “Quelque chose se passe
qu’ils ne peuvent ni entendre ni regarder parce qu’ils ne sont jamais à la
bonne place, soit qu’ils se déplacent au mauvais rythme, soit qu’ils
esquivent leur immobilité réciproque” (A.M. Faux, 1985)

les paroles

à la majesté de la musique s’oppose le prosaïsme et parfois même la trivialité délibérée de


certains dialogues
on retrouve la révolution du parler cinématographique de l’argot de Michel Poiccard
dans A Bout, la spontanéité de ses personnages : il pousse ici un peu plus loin les frontières
des conventions du réalisme cinématographique
“Quand est-ce que tu téléphoneras à ton copain pour les rideaux ? Je commence
à en avoir marre !”
reflète la platitude de la vie quotidienne et le prosaïsme est présent dans tournures
nombreuses appartenant au langage relâché : “Je m’suis acheté un truc ce matin” ; “Hou, la,
la, je me marre !” ; “T’es un pauvre type.”

Godard n’hésite pas à mettre dans la bouche de la modeste et noble Camille-Pénéloipe des
formules triviales, argotiques : “Je t’emmerde.” “Ecoutez-moi ce con !” “Parfois, t’es vraiment
con.” “Je m’en fous.”
nous avons vu précédemment comment il lui faisait énumérer avec une noble de
tragédienne antique un chapelet de termes grossiers ⇒ vulgarité jamais dans le
mot lui-même mais dans la manière dont on le prononce.
A Bout de Souffle

Scénario original publié par La lettre du cinéma

Après avoir raté le dernier train du soir pour Le Havre, Michel vole une voiture américaine
stationnée près de la gare Saint-Lazare et immatriculée CD4971
“Nous allons parler de fort vilaines choses…” Stendhal, La Chartreuse de Parme

Cahiers du cinéma, n°138, revient sur son état d’esprit lors de la réalisation d’A Bout
“A Bout de Souffle était le genre de film où tout était permis, c’était dans sa nature. [...] Je me
disais : il y a eu Bresson, il vient d’y avoir Hiroshima, un certain cinéma vient de se clore, il
est peut-être fini, alors mettons le point final, montrons que tout est permis.”
“Ce que je voulais, c’était partir d’une histoire conventionnelle et refaire, mais différemment,
tout le cinéma qui avait été déjà fait.”

analyse de la séquence 2 : la nationale 7

- démonstration des pouvoirs du montage et réfutation de la pratique sclérosée du


système conventionnel des raccords.
- joue une rôle dans “l’entrée du spectateur dans la fiction” (Roger Odin)
- le spectateur doit être subjugué par la rapidité des plans, le traitement elliptique de
l’action et la liberté de ton du personnage : cf. la réplique de Poiccard “Si vous
n’aimez pas la mer…” ⇒ il s’agit d’agresser le spectateur pour le déstabiliser,
l’abasourdir, et le séduire
⇒ le 24ème plan : “Si vous n’aimez pas la mer… si vous n’aimez pas la montagne, si
vous n’aimez pas la ville… allez vous faire foutre !”
la caméra épouse le regard du chauffeur : tout est fait pour provoquer l’identification au
point de vue de Michel : le spectateur conduit avec lui : Godard restitue avec une
extraordinaire authenticité encore inédite au cinéma le monologue type de tout
automobiliste solitaire pressé d’atteindre son but
virtuosité du montage
la succession des unités dans le monologue : la recherche de Patricia, l’adresse au spectateur,
le commentaire des auto-stoppeuses, la découverte du revolver et le tir sur le soleil ; nous
permet d’apprécier le comportement de Michel : sa fascination pr la vitesse, son arrogance
(“Allez vous faire foutre !”), sa misogynie agressive (“Elles sont trop moches !”, la lâcheté des
femmes au volant) allant de pair avec son sentimentalisme (Patricia)
plan 33 marque un second mouvement : Michel en tirant sur le soleil comme Meursault dans
l’Etranger et le héros architecte du Tigre du Bengale de Fritz Lang a défié le destin ⇒ les
motards, messages de la mort chers à l’Orphée de Jean Cocteau, viennent le provoquer dans
toutes les directions (absurdité du geste de Michel est signifiée par la rapidité de
l’enchaînement des images et la décomposition anti-réaliste du moment du tir)
⇒ spectateur n’a pas eu le temps de vraiment comprendre ce qui s’était passé :
techniquement Godard généralise ici les “sautes” plutôt que les faux raccords : le seul faux
raccord concerne la représentation de la mort du motard car avec le plan 51, montage
contredit la logique de direction : le tir part vers la droite, le motard s’écroule vers la gauche.
cette saute visuelle prolonge un raccord sonore absurde : les tirs du revolver sont entendus
alors que la vitre reste intacte
⇒ il s’agit bien d’un aveuglement, marque d’un piège infernal, le révolver est
trouvé là par hasard : la représentation du meurtre est aussi minimale
qu’elliptique.

analyse de la séquence 7 : la chambre 12 à l’Hôtel de Suède

sa figure stylistique clef est le “plan séquence” ou le long plan : toujours aussi des sautes,
mais moins nombreuses que dans les autres parties du film et très localisées
⇒ préfigure les longs plans de la séquence jumelle dans Le Mépris
il privilégie aussi les gros plans des visages des deux acteurs, gros plans constituant la moitié
des cadrages de la séquence, autre caractère a-typique : portraits mêlés aux inserts qui
représentent d’autres images (Roméo et Juliette et l’Enfant au Masque de Picasso ; la jeune
filel d’Auguste Renoir, une danseuse de Degas, une femme de Modigiliani, un Paul Klee, une
photo de Jean Seberg)
construction générale de la séquence fondée sur la répétition de deux gros plans de baisers
Godard choisit de décrire dans la durée les rapports amoureux qui unissent et désunissent
plutôt Michel et Patricia.
“Est-ce que tu penses à la mort quelquefois ? Moi j’y pense sans arrêt”, “Je voudrais
recoucher avec toi parce que tu es belle.”
“Je voudrais savoir ce qu’il y a derrière ton visage” = ce que le travail de la caméra s’efforce
d’approcher par une description analytique des gestes, des regards, des rapports entre
expressions, mimiques et ton de dialogues.
Patricia cite Les Palmiers Sauvages de William Faulkner
“Tu veux que je mette un soutien-gorge, Michel ?”, Michel “As you like it, baby.”

⇒ le dialogue est d’une exceptionnelle authenticité, tant il est marqué par les ruptures de
ton, les passages du coq à l’âne, les moments d’agression verbale, puis brusquement la
tendresse
les gestes fonctionnent comme des rituels : Michel tape à deux reprises sur les fesses de
Patricia et reçoit deux gifles. Mais lorsqu’elle pose l’affiche et qu’il la caresse à nouveau, elle
ne proteste plus.
⇒ dans cette scène d’intimité entre deux personnages “émancipés” G évite nudité pour
mettre en valeur gestes de mains, sourires, regards : la représentation du corps passe par
verbalisation (“Pourquoi tu ne te mets pas toute nue ?” “A quoi ça sert ?” répond Patricia.
“J’enlève ton chandail.” “”Pas maintenant Michel”, Tu aimes mieux mes yeux, ma bouche, ou
mes épaules ?”) et par trajet des vêtements

les cadrages en plans serrés détaillent les visages, les yeux, la bouche, jusqu’à l’épiderme des
acteurs dont la caméra capte par moment certains reflets
l’expression des moments de tendresse passe par les deux baisers pudiquement représentés :
pudibonderie détournée par le rituel enfantin de se cacher sous les draps
la charge sexuelle est déplacée par le slogan radiophonique : “La synchronisation de nos
réseaux.”
inscription du rapport amoureux et sexuel dans un tissu verbal culturel dense et original

Michel multiplie les provocations verbales et gestuelles, harcèle P de questions : “Qu’est-ce


que tu as ?” “Pourquoi tu me regardes ?” “Pourquoi tu ne veux pas recoucher avec moi ?”
ses pratiques relèvent du jeu : fait semblant de l’étrangler pour la faire sourier et comptant
de manière très personnelle “Sept, sept et demi, sept trois quart…”
Patricia voudrait “qu’ils soient Roméo et Juliette” : les jeux des filles et des garçons ne sont
pas les mêmes
Michel masque sa fragilité derrière des affirmations péremptoires, les ordres, agressions
“Oui ma petite fille, c’est pareil !” “Vous êtes cons les américains.” “T’aurais pu faire
attention” lorsqu’elle lui annonce qu’elle est peut-être enseinte
Patricie tente d’esquisser une discussion de type littéraire pour trouver une parade ou
diversion “Tu connais William Faulkner ?”
⇒ ce qui intéresse Godard ici = la différence des sexes dans le rapport à l’expression du
désir, et le lien instauré entre sentiment amoureux et désir sexuel en dehors de toute
problématique morale et religieuse

“A Bout de Souffle est une histoire, pas un sujet. [...]”


Racine, Andromaque

Le théâtre de Racine est un théâtre d'une violence, mais en même temps, effet de "sourdine",
comme le dit Leo Spitzer dans un article "L'effet de sourdine dans le style classique",
Hermione, acte IV, scène V s'exprime ainsi
Du vieux père d'Hector la valeur abattue
Aux pieds de sa famille expirante à sa vue,
Tandis que dans son sein votre bras enfoncé
Cherche un reste de sang que l'âge avait glacé ;

Comment s'élabore cet effet de sourdine ?


1. l'écriture multiplie les modalités interrogatives, exclamatives.
2. le discours qui signale le désordre est extrêmement construit et poétisé, syllepse héritée de
la poésie galante, Acte I, scène III, Pyrrhus
Je souffre tous les maux que j'ai faits devant Troie.
Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,
Brûlé de plus de feux que je n'en allumai,
3. des effets rythmiques qui reposent sur des effets de contraste dans la succession des
alexandrins et la succession du rythme entre des vers hachés pour signifier la violence et
d'autres beaucoup plus pleins épanouis et majestueux, Hermione, Acte V, scène II
Mais parle. De son sort qui t'a rendu l'arbitre ?
Pourquoi l'assassiner ? Qu'a-t-il fait ? À quel titre ?
Qui te l'a dit ?

Jean Rousset, Forme et Signification, a évoqué l'idée selon laquelle dans la Princesse de
Clèves, "le trouble ne parle pas le langage du trouble." Les personnages de la tragédie
souffrent, mais de façon majestueuse : ce qui caractérise le personnage tragique est qu'il est
extraordinaire, qui vit sur un plan de grandeur et de radicalité qui est supérieur à ce que
serait l'humanité commune. George Stirner, La mort de la tragédie : "C'est une image de ce
que serait la vie si elle était vécue à tout moment sur un plan hautement solennel si nous
étions à tout moment conscient de ce que la noblesse exige."
Klein,

“Ma position dans le combat entre la ligne et la couleur” 16 avril 1958

"L'art de peindre consiste, pour ma part, à rendre la liberté à l'état primordial de la matière.
Un tableau ordinaire, comme on le comprend dans sa matière générale, est pour moi comme
une fenêtre de prison, dont les lignes, les contours, les formes et la composition sont
déterminés par les barreaux. Pour moi, les lignes concrétisent notre état de mortels, notre vie
affective, notre raisonnement, jusqu'à notre spiritualité. Elles sontnos limites
psychologiques, notre passé historique, notre éducation, notre squelette ; elles sont nos
faiblesses et nos désirs, nos facultés et nos artifices.
La couleur par contre est de mesure naturelle et humaine, elle baigne dans une sensibilité
cosmique. La sensibilité d'un peintre n'est pas encombrée de coins et recoins mystérieux.
Contrairement à ce que la ligne tendrait à nous faire croire, elle est comme l'humidité dans
l'air ; la couleur, c'est la sensibilité devenue matière, la matière dans son état primordial.
"Pour moi, la peinture n'est plus en fonction de l’œil aujourd'hui : elle est fonction de la seule
chose qui ne nous appartienne pas en nous : notre VIE."

“Conférence à la Sorbonne”
à Anvers, au lieu de placer oeuvre visible, tangible à l'exposition, prononce d'une voix forte
mots de Bachelard : "D'abord, il n'y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une
profondeur bleue." l'organisateur demande : où est l'oeuvre ?
Klein répond "Là, là où je parle en ce moment. - Et quel est le prix de cette oeuvre ? - Un kilo
d'or, un lingot d'or pur d'un kilo me suffira."
"J'ai justement tenu à réduire aux limites les plus extrêmes mon action picturale pour cette
exposition. J'aurais pu faire des gestes symboliques, comme balayer l'emplacement qui
m'était réservé dans cette salle, j'aurais pu même peindre les murs avec un pinceau sec, sans
couleur. Non ! Ces quelques paroles que j'ai prononcées, ça a déjà été trop. Je n'aurais pas dû
venir du tout et même mon nom n'aurait pas dû figurer au catalogue."
"Là où la technique échoue, la science commence" dit Herschel. Et je pense pouvoir dire avec
bon sens ce soir, que ce ne sera pas avec des rockets, des spoutniks ou des fusées que
l'Homme réalisera la conquête de l'espace car, ainsi, il resterait toujours un touriste de cet
espace ; mais c'est en l'habitant en sensibilité, c'est-à-dire non pas en s'inscrivant en lui mais
en s'imprégnant, en faisant corps avec la vie elle-même qu'est cet espace où règne la force
tranquille et formidable de l'imagination pure et d'un monde féodal qui, comme nous,
l'Homme, n'a jamais eu ni commencement ni fin!"
"Malheur au tableau qui ne montre rien au-delà du fini ! Le mérite du tableau est
l'indéfinissable : c'est justement ce qui échappe à la précision."
"Qu'est-ce que la sensibilité ? C'est ce qui existe au-delà de notre être et qui pourtant nous
appartient toujours. La Vie elle-même ne nous appartient pas, c'est avec la sensibilité qui,
elle, nous appartient que nous pouvons l'acheter. La sensibilité est la monnaie de l'univers,
de l'espace, de la grande nature qui nous permet d'acheter de la vie à l'état de matière
première."
"L'univers est infini mais mesurable. L'imagination pure est réalisable. Elle est viable. Elle
doit être vécue au Centre de la sensibilité."
“La sensibilité picturale à l'état de matière première, spécialisée en sensibilité picturale
stabilisée” époque pneumatique, en avril 1958, plus aucun intermédiaire.
"On devrait se trouver littéralement imprégné par cette atmosphère picturale spécialisée et
stabilisée au préalable par la peinture dans l'espace donné. Il doit s'agir alors d'une
perception-assimilation directe et immédiate sans plus aucun effet, ni truc, ni supercherie
par-delà les cinq sens, dans le domaine commun de l'homme et de l'espace : la sensibilité."
Je désire avec cette tentative, créer, établir et présenter au public, un état sensible pictural
dans les limites d'une salle d'exposition de peinture ordinaire. En d'autres termes, créer une
ambiance, un climat pictural invisible mais présent, dans l'esprit de ce que Delacroix appelle
dans son journal "I'indéfinissable" qu'il considère comme l'essence même de la peinture.
Cet état pictural invisible dans l'espace de la galerie, doit être en tous points, ce que l'on a
donné de mieux jusqu'à présent comme définition de la peinture en général, c'est-à-dire,
rayonnement invisible et intangible, cette immatérialisation du tableau doit agir, si
l'opération de création réussit, sur les véhicules ou corps sensibles des visiteurs de
I'exposition avec beaucoup plus d'efficacité que les tableaux visibles, ordinaires et
représentatifs habituels, qu'ils soient figuratifs ou non figuratifs ou même monochromes."
MORALE

Agamben, Etat d’exception

exemple : article 48 de la constitution de Weimar, de 1919 à 1933, reprend l’esprit de l’article


69 de la constitution bismarckienne : donne au président du Reich, sous certains
circonstances, de prendre des décisions sans préavis du Reichstag, Agamben montre qu’a eu
lieu une utilisation inhabituelle de l’article 48 en plus de 250 occasions
en juillet 1930 le chancelier Brünning est mis en minorité par le Reichstag et au lieu de
démissionner il obtient par l’article 48 la dissolution de l’assemblée : l’état d’exception fait
que la république de Weimar cesse d’être une république parlementaire
selon Agamben, destruction de l’état parlementaire a permis arrivée de Hitler : il s’est
présenté comme celui qui promet en 1933 un décret pour la protection du peuple de l’état qui
supprimait les lois relatives aux libertés personnelles
constitution de la R de Weimar n’a jamais été abolie et selon Agamben, le troisième Reich
peut être considéré comme état d’exception de la République de Weimar,
l’abolition des libertés fondamentales étant une possibilité interne à sa constitution
nazisme = instauration par l’état d’exception d’une forme de guerre civile légale permettant
élimination de toute catégorie de citoyens
Agamben montre que la destruction n’est pas une destruction extérieure au régime
parlementaire mais procède de l’intérieur de la démocratie
c’est par le droit que le droit démocratique est aboli : distinction entre la dictature romaine
(limitée à 6 mois) et celle déterminée par une nécessité, l’urgence infligée à la communauté
qui fait que l’état d’exception peut être reconduit dans le temps par celui qui
l’instaure. Agamben considère que l’état d’exception demeure une possibilité dans toutes
les démocraties d’après-guerre.
la RFA ne mentionne, elle, pas l’état d’exception dans sa constitution mais le rétablit en 1968
: ainsi, ce qu’Agamben appelle la “démocratie protégée” est devenue une règle.
l’abolition d’un régime démocratique n’est pas extérieure au droit mais procède de l’intériuer
du droit lui-même : le droit contient sa propre abolition.

exemple : le military order du 13 novembre 2001, décret posé par le président Bush permet
la détention indéfinie sans que ce soit selon la constitution de Genève, et les prisonniers
peuvent être torturés
le droit introduit alors ce qu’Agamben appelle une vie “nue”, au point que certains avocats
avaient tenté de faire accorder à ces détenus le droit de protection à toutes sortes d’animaux
sur l’île de Guantannamo
dans quelle mesure l’urgence, la situation de nécessité peut-elle justifier un tel décret ? chez
les philosophes libéraux, on a eu une légitimation de la torture
Torestschenko, Du bon usage de la torture : on se retrouve dans une situation où l’urgence
justifie tout : c’est une histoire dont l’argument central comment en France avec un roman
français apprécié par l’armée américaine, Les Centurions paru en 1963 et traite de la guerre
d’Algérie : dans une scène du livre, Raspeguy détient le chef des rebelles qui sait où se
trouvent 15 bombes qui exploseront dans les prochaines 24 heures : ce qui justifie la torture
selon le scénario de la bombe à retardement (ticking time bomb scenario)
dans la série 24 Heures Chrono, il s’agit de faire avouer en un temps restreint la localisation
d’une bombe : c’est une série construite sur cet argument
l’urgence justifie ici l’état d’exception non plus seulement à l’ordre juridique mais à la morale
ordinaire : dans 24 Heures Chrono, un véritable retournement des valeurs s’opère, puisque
le courage du héros est celui d’arriver à torturer le prisonnier pour le faire avouer : on inverse
les coordonnées de la morale ordinaire, l’horreur est présentée comme sainteté.

deux philosophes vont légitimer la torture


Michael Walzer, “Political action : the problem of dirty hands” 1973
selon l’expression machiavélienne, il faut entrer au mal : il y a des cas où les individus se
chargent de responsabilités importantes et doivent en conscience accepter de se salir les
mains, par la torture : mais il maintient que c’est un mal, un mal nécessaire
celui qui l’utilise doit admettre que c’est un mal, mais un mal nécessaire

Alan Dershowitz, “Why terrorism works” 2002


si la torture est un mal nécessaire, elle cesse d’être un mal tout court selon le principe
utilitariste du + grand bien permis
si le mal de la torture permet d’éviter le + grand mal alors elle est légitime : alors que Walzer
voulait que les personnes qui torturent soient jugées, D dit qu’elles doivent être autorisées à
torturer
l’argument paraît implacable : le héros de 24 Heures a inspiré jeune génération pour la
torture : au fond, cela veut dire convaincre l’argument d’angélisme, ils ne tiennent pas
compte de la réalité mais en fait c’est cette histoire de bombe qui n’a aucune réalité
aucun service de sécurité n’a jamais été confronté à ce scénario : on n’est jamais
en situation d’avoir en face de soi un terroriste, en sachant qu’il a posé une bombe, sans
savoir où et quand, mais qui explosera dans X heures… ce scénario est absolument irréaliste
et de plus repose sur l’ignorance des personnes torturées
si par impossible cas la bombe à retardement se présente, le terroriste entraîné accusera
l’autre ou dira un faux endroit
⇒ au fond, le discours de la nécessité fait que s’abolit l’ordre des accusations
Laboratoire des cas de consciences

Circonstances atténuantes. Condamner un innocent ou acquitter un coupable.

Comment juger l’auteur d’un mal débordant l’intention, mais pourtant assignable ?
nouvelle de l’américain Herman Melville écrite en 1891, nous introduit au coeur de la
question, Billy Budd.
un jeune matelot va être exécuté pour un meurtre qu’il ne voulait pas commettre, à bord d’un
vaisseau de marine britannique, Billy a levé la main sur le capitaine d’armes Claggart, dans
un mouvement de colère provoqué par la très grave calomnie que Claggart venait de lancer
contre lui : mais il n’avait pas l’intention de tuer son supérieur.
⇒ dans le récit de Billy Budd, rien ne compte que le fait, d’où le sentiment d’injustice : la loi
martiale signifie le refus a priori de tenir compte de l’intention ou des circonstances

la justice pénale n’a pas pour vocation seulement à rééquilibrer le monde : mais contribue à
prévenir d’autres crimes similaires
toute sentence contient une dimension normative : c’est quand la vocation pédagogique
devient l’objectif exclusif que l’on peut crier au déni de justice, dénoncer une justice aveugle
au cas particulier et uniquement soucieuse de faire un exemple
la mort de Claggart n’est pas un accident lié à la négligence ou à la maladresse

quels droits le sentiment d’injustice ouvre-t-il ?

l’histoire de Caïn dans la Bible

nouvelle de Gogol “Manteau” : histoire d’un homme qui meurt de s’être fait voler son
manteau
le héros de Gogol est un petit fonctionnaire dont toute l’existence se déroule à l’ombre de la
pauvreté la plus sordide
quand le vent glacial de Pétersbourg lui rappelle que son vieux manteau troué ne peut plus
être reprisé, il s’impose plusieurs mois durant, des privations pour économiser la somme
nécessaire à l’indispensable achat d’un manteau neuf
le jour même où le nouveau manteau est étrenné, il est dépouillé en pleine rue par des
voleurs
le héros est sonné et il tente avec ses maigres ressources de rechercher ses voleurs : mais
personne ne l’aidera assez pour lui éviter de sombrer et d’en mourir

au retour du travail le soir, Akaki Akakiévitch se prive d’abord de thé et de lumière, puis
renonce aux vêtements, qu’il retire sitôt arrivé chez lui pour ne pas les user, et finalement, au
souper
cette pénurie ne semble pourtant pas l’atteindre dans ce qu’il est : il est même
particulièrement résilient, quand il se relève, défait, dans la neige où ses racketteurs
l’ont laissé, quand il se rend le lendemain à son travail, revêtu de son vieux drap troué Akaki
Akakiévitch est bien abattu, mais marche encore
il n’est pas mort de mort naturelle : qui a tué AA ?
dès les premières pages, Gogol répond à la question : son personnage n’a qu’un seul
ennemi, notre “climat septentrional”, un climat septentrional “qu’on dit
cependant fort sain”, ajoute-t-il, railleur.

La Pitié dangereuse, Stefan Zweig construit sur cet irréparable : à la jeune paraplégique qui,
au fil de ses visites, est tombée amoureuse de lui, le héros ne peut rien offrir d’autre que sa
pitié, celle-là même qui l’a conduit à son chevet, la première fois, dans l’espoir de réparer la
gaffe qu’il avait faite à son égard en l’invitant à danser le soir du bal, quand il ignorait qu’elle
ne pouvait se lever
⇒ quand bien même l’aimé tenterait de réparer le mal d’amour qu’il provoque sans le
vouloir, il ne ferait qu’accentuer le fossé tragique entre ce qu’il peut donner : au mieux, de la
pitié pour l’autre qu’il voit souffrir à cause de lui, et ce
dont l’autre a vraiment besoin : de l’amour.

l’histoire de Job
à Kant qui soutient que le mensonge est proscrit quelles qu’en soient les conséquences
escomptées et que le devoir de vérité ne souffre aucune exception, Constant avait
adressé une objection “humanitaire” formulée au travers d’un exemple : si un ami,
poursuivi par des bandits qui en veulent à sa vie, se réfugie dans ma maison, et que les
assassins, à ma porte, me demandent s’il est chez moi, dois-je sacrifier mon ami au devoir de
dire la vérité ?
pas de libertés pour les ennemis de la liberté ; pas de droits de l’homme pour
ceux qui violent les droits de l’homme.
comment l’approbation par le sens commun peut-il conduire si l’on n’y prend garde à
valider implicitement la théorisation dangereuse qui se propose de légitimer en droit la
tentation de l’exception humanitaire ?

Misérables, de Victor Hugo rejoue les termes du débat Kant et Constant


la soeur Simplice est un personnage secondaire du roman : elle sauve Jean Valjean et par
ricochet, la petite Cosette que Jean Valjean pourra grâce à elle aller libérer de l’esclavage de
Thenardier, par un simple mot “oui”
soeur Simplice n’apparaît dans le roman que pour y mentir, elle qui n’a jamais
menti de sa vie.
le forçat Jean Valjean, maire de Montreuil-sur-Mer, est poursuivi par l’inspecteur Javert, et
est repassé par sa chambre où il a fait appeler soeur Simplice pour régler la question de
l’enterrement de Fantine. dans sa fuite, il n’a qu’une idée : s’acquitter de la promesse faite à
la morte d’aller chercher sa petite Cosette chez les Thénardier.
survient l’inspecteur Javert, lancé à ses trouves et Jean se cache dans un coin de la pièce :
“Ma soeur, êtes-vous seule dans cette chambre ?” questionne-t-il “Il y eut un
moment affreux pendant lequel la pauvre portière se sentir défaillir. La soeur
leva les yeux et répondit : - Oui” Javert insiste, en s’excusant de faire son devoir, elle
ment une seconde fois sans hésiter.
⇒ le double mensonge sauve Jean Valjean et le roman l’approuve de toute l’autorité de son
auteur.
pour elle “mentir, c’est l’absolu du mal. peu mentir n’est pas possible ; celui qui
ment, ment tout le mensonge.” ⇒ la chrétienne Simplice partage la morale
déontologique des kantiens pour qui l’autorité moral absolue de la Loi ne souffre exception.
quelle leçon tirer de cette scène ? on accorde au mensonge de soeur S son approbation pleine
et entière : mais pourquoi ?
surtout pour le soulagement qu’on éprouve à ce moment-là : raisons d’approuver son
choix de mentir est d’abord notre attachement à JV, notre soutien aux bonnes raisons qu’il a
de souhaiter échapper à Javert pour libérer Cosette, et notre hostilité envers l’ordre injuste
que défend le policier.
⇒ mais jusqu’où le tribunal de la conscience individuelle peut-il prétendre se
substituer à la Loi morale ?

“cette autorisation du sang en conscience, c’est plus terrifiant qu’une autorisation légale”
s’exclame Razoumikhine en apprenant sidéré la théorie de son ami Rasklonikov sur les
hommes d’exception qui ne seraient pas soumis à la loi commune et auraient le droit de tuer
pour le plus grand bien de l’humanité
ce sont précisément les dangers du passage de la pratique de l’exception à la théorisation de
la dérogation que la lecture de Crime et Châtiment nous donne à méditer
le héros de D commet deux meurtres au lieu d’un : il tue comme il l’a prémédité la vieille
usurière Aliona Ivanovna avare et méchante, décrite de telle sorte qu’il paraît difficile de
pleurer sa disparition, mais aussi sa jeune soeur innocente, Lizabeta qui pour son
malheur a surgi au mauvais moment ⇒ le second meurtre s’ajoute au premier pour rappeler
le caractère injustifiable d’un assassinat qui sans cela aurait pu paraître mérité.

quand on referme le roman, confronté à la difficulté de résumer pourquoi Raskolnikov


projette et effectue son crime, une formule surgit à l’esprit : “Une mort contre cent vies.”
ce slogan qui parvient à s’imposer comme le dilemme structurant toute l’intrigue n’est
pourtant nullement la raison du meurtre de C et C : la phrase provient d’une conversation
entendue par le héros, six semaines avant le meurtre dans une taverne entre un étudiant et
un officier : il y était alors question du droit de tuer “un pou”, “un cancrelat”, et du bénéfice à
en attendre “pour une seule vie - des milliers de vies sauvées de la pourriture et de la
décomposition”
sur ce cas d’école théorique, support d’une morale utilitariste, les deux jeunes
gens avaient greffé à titre d’exemple provocateur, l’image de la vieille usurière
que connaissent tous les étudiants pauvres de Pétersbourg
cette usurière méchante et avare prospère sur le malheur des pauvres, traite sa jeune soeur
comme une esclave, ne fait rien d’utile de son immense fortune ⇒ mérite-t-elle de vivre ?

la prise d’otages pour un Etat démocratique soulève un dilemme : d’un côté, l’intérêt de la
collectivité dont l’Etat est garant voudrait que l’on ne négocie pas avec le terrorisme, pour ne
pas en encourager le principe et mettre ainsi d’autres vies en danger ; de l’autre, une
démocratie doit tout mettre en oeuvre pour protéger la vie de chacun de ses citoyens
⇒ qu’est-il alors juste de faire ?

“Dis-le moi franchement, je t’y appelle - réponds, demandait Ivan à son jeune frère Aliocha
dans Les Frères Karamazov, imagine que c’est toi-même qui mène toute cette entreprise
d’édification du destin de l’humanité dans le but, au final, de faire le bonheur des hommes,
de leur donner au bout du compte le bonheur et le repos, mais que, pour cela, il serait
indispensable, inévitable de martyriser rien qu’une seule toute petite créature, tiens, ce tout
petit enfant, là, qui se frappait la poitrine avec son petit poing, et de abser cette entreprise
sur ses larmes non vengées, toi, est-ce que tu accepteras d’être l’architecte dans ces
conditions, dis-le, et ne mensp as !”
Alioche répond “Non, je ne l’accepterais pas.”

en fait, la question d’ivan repose sur une ambiguïté fondamentale que la réponse d’Alioche
ne relève pas : demande-t-il à Aliocha s’il donnerait son aval à un tel marche, ou s’il serait lui,
personnellement disposé à prendre l’initiative et à porter la responsabilité de ce troc ?

à la fin de Quatre vingt-treize, le roman qu’Hugo consacre à la guerre civile consécutive à la


RF, retranchés dans un bâtiment encerclé par l’armée républicaine, les royalistes retiennent
trois jeunes enfants, enlevés quelques jours auparavant à une femme du peuple, dont ils
tentent de se servir comme monnaie d’échange.
les jeunes otages sont enfermés dans une pièce à laquelle les Vendéens menacent de mettre
le feu si les Républicains ne les laissent pas s’enfuir. L’armée révolutionnaire de Gauvain
refuse l’ultimatum, et lance l’assaut : le plus sauvage des Vendéens, blessé, allume la mèche
tandis que ses camarades s’échappent par un passage secret.
le feu gagne la pièce où les enfants dorment, inconscients du danger : la porte de métal
fermée à clé ne peut être enfoncée, on n’a pas d’échelle pour les atteindre
les Républicains ne peuvent que regarder d’en bas le spectacle tragique qui s’annonce : tout
semble perdu mais Lantenac, revient sans un mot sur ses pas en entendant le cri d’horreur
de la mère, sauve les trois enfants, puis se laisse arrêter par les révolutionnaires
⇒ apparemment, c’est l’émotion et non la délibération qui précède l’acte de
Lantenac

ce risque d’image est l’enjeu d’une discussions dans Les Justes Camus
Yanek raconte “Alors, je ne sais pas ce qui s’est passé. Mon bras est devenu faible. Mes
jambes tremblaient. Une seconde après, il était trop tard.”
l’action se passe en Russie en 1905. dans le carrosse du grand-duc, sur lequel il s’apprêtait à
lancer sa bombe conformément au plan prévu, le révolutionnaire venait d’apercevoir deux
enfants, les neveux du grand-duc
dans la pièce de Camus, l’émotion remplit le même rôle que dans le roman de Hugo : elle
ouvre un espace de débat en obligeant à voir un problème qui était déjà là mais que l’on ne se
posait pas
l’émotion arrête le geste du terroriste, mais pas définitivement : elle ne tranche pas la
question de savoir si oui ou non la bombe devait être lancée et surtout si elle doit l’être à
nouveau, enfants ou pas.
⇒ Yanek discute de cela : qu’est-il juste de faire maintenant que l’on sait que
jeter la bombe tuerait aussi des enfants ?

pour Stepan, la pitié égare et mène à l’injustice : il faut s’en tenir au


raisonnement coût / bénéfice.
“des enfants ! [...] parce que Yanek n’a pas tué ces deux-là, des milliers d’enfants russes
mourront de faim pendant des années encore.”

⇒ comme dans le dilemme de Gauvain, la question de la légitimité se donne à percevoir par


l’intermédiaire d’un risque d’image, propédeutique à l’enjeu éthique.
l’invocation du risque d’image est moins une régression morale qu’un argument
qui fait valoir le consensus des sensibilités comme preuve de légitimité, le
maillon opératoire qui permet de reconnaître “ceci que pourrait dire le plus
simple de nos paysans.”
s’il y a une limite dans l’usage de la violence politique, pas aisée à définir : elle n’a rien
d’objectif, et se déplace au gré d’un curseur circonstanciel
dans Les Justes, on décide d’épargner les jeunes neveux, mais pas la femme du grand-duc et
surtout cette limite n’est pas celle de l’innocence objective des victimes à épargner : peu
importe ainsi à Yanek d’apprendre en prison, de la bouche de la grande-duchesse, à la fin de
la pièce, que les deux enfants qu’il a épargnes ont le coeur mauvais et ne méritaient pas la
grâce qui leur a été accordée
la limite n’est pas celle de l’innocence objective des victimes, mais celle de l’innocence
préservée comme possibilité, comme catégorie mentale que l’on reconnaître encore, comme
sanctuaire que la violence politique n’aurait pas le droit d’atteindre - cette émotion
élémentaire, ce droit de la vie à la vie que dans les Lettres à un ami allemand, Camus
évoquait comme “le souvenir d’une mer heureuse, d’une colline jamais oubliée, le sourire
d’un cher visage.”
maintenir la possibilité d’être touché par l’émotion = donner un gage
d’humanité préservée, prouver que l’on est encore un homme au service des
hommes et nn un instrument au service de la terreur du bien.
EPISTEMOLOGIE
Qu’est-ce que la science ? Chalmers

chapitre 1 : l’inductivisme naïf

par quels procédés passe-t-on des énoncés singuliers aux énoncés universels constitutifs du
savoir scientifique ?
⇒ par la généralisation d’une série finie d’énoncés d’observation singuliers en
une loi universelle : la série finie d’énoncés d’observation que le papier tournesol vire au
rouge lorsqu’il est trempé dans de l’acide peut être généralisée en une loi universelle :
“L’acide fait virer le papier tournesol au rouge”

chapitre 2 : comment justifier le principe de l’induction ?


ce n’est pas une raisonnement déductif, qui est logique = si sa prémisse est vraie,
sa conclusion est forcément vraie
exemple : des corbeaux noirs ont été observés un grand nombre de fois, alors logique
n’offre aucune garantie que le prochaine corbeau observé sera noir, ou que tous
les corbeaux sont noirs (la dinde inductiviste de Russell)

on ne peut le fonder sur l’induction sinon c’est un raisonnement circulaire : le principe de


l’induction a marché dans le cas x1, le principe de l’induction a marché dans le cas x2, etc.
⇒ le principe de l’induction marche à tous les coups

chapitre 3 : le point de vue commun sur l’observation, les êtres humains voient en faisant
usage de leurs yeux, pourtant deux observateurs normaux regardant le même objet ne
verront pas la même chose : N.R. Hanson, Patterns of discovery, ce que voit un
observateur dépend de son expérience passée, de ses connaissances, et de ses
attentes
exemples : a. bande composée de parallélépipèdes qui s’apparente pour nous, qui sommes
familiers à la représentation de la perspective tridimensionnelle à un escalier, pour des tribus
africaines, s’apparente à un arrangement bidimensionnel de lignes b. la fameuse image du
canard-lapin c. au temps de Copernic, on a observé Vénus et on a accepté : “la taille de
Vénus, vue de la Terre, ne change pas au cours de l’année.”
⇒ aujourd’hui, c’est faux car se fonde sur le présuppose théorique que “l’oeil évalue
correctement la dimension des petites sources lumineuses” : on a aujourd’hui explication
théorique de pourquoi l’oeil nu évalue mal la taille de ces sources

chapitre 4 : le point de vue falsificationniste


une hypothèse est falsifiable si la logique autorise l’existence d’un énoncé ou d’une série
d’énoncés d’observations qui lui sont contradictoires
si une hypothèse est falsifiable, alors elle est informative car donne une
information sur le comportement réel du monde à l’exclusion d’autres
possibles.
exemple de Popper : théorie d’Adler qui pose comme principe que les actions humaines sont
motivées par des sentiments d’infériorité ; un incident a lieu, un homme se trouve au bord
d’une rivière dangereuse lorsqu’un enfant près de lui tombe à l’eau, qu’il le sauve ou pas, va
dans le sens de la théorie : être informatif = courir le risque d’être falsifié, sinon n’a
aucune valeur informative.
chapitre 5 : le falsificationnisme sophistiqué

lorsqu’une hypothèse est falsifiée, dans quelles conditions peut-on sauver une théorie ?
l’hypothèse ad hoc pour sauver une théorie, exemple : un contradicteur de Galilée, qui
observe la montuosité de la lune, suggère qu’il existe une substance invisible remplissant les
cratères
l’hypothèse non ad hoc est celle qui a amené par exemple à découvrir Neptune : les
observations faites au XIXème siècle des mouvements de planète Uranus indiquaient que
son orbite s’éloignait de celle prédite par la théorie de la gravitation de N : hypothèse
suggérée par Leverrier en France et Adams en Angleterre est celle de l’existence dans le
voisinage d’uranus d’une autre planè te exerçant une force sur Uranus la faisant ainsi dévier
elle n’est pas ad hoc, car possible d’estimer la distance approximative de la
planète hypothétique en la supposant de taille raisonnable ⇒ Galle a ainsi pu
observer une nouvelle planète, Neptune
le pas franchi pour sauver la théorie de N de la falsification mena à un test qu’elle a
surmonté : ce qui a mené à un progrès de la théorie

chapitre 6 : les limites du falsificationnisme

la falsification repose sur un énoncé d’observation or il n’y a pas d’énoncé d’observation sûrs
noter que défense de Popper dans distinction entre énoncés d’observation publics et
expériences de perceptions privées
les énoncés d’observation publics peuvent être soumis à des tests : par exemple, les
lunes de Jupiter sont visibles au moyen d’un télescope (énoncé proposé par Galilée, et a
passé le test) ; ou les étoiles sont carrées et vivement colorées (énoncé de Kepler, n’a pas
survécu au test)

la falsificationnisme ne rend pas compte des changements théoriques majeurs de l’histoire


de la physique : de nombreux arguments en 1543 contre la théorie de Copernic comme celui
de la tour, mais principal attrait dans la clarté avec laquelle elle explique un grand
nombre de caractéristiques des mouvements planétaires et la simplicité de son
hypothèse : dans la théorie de Ptolémée, on a dû intégrer au modèle des
mouvements rétrogrades artificiels assurés par l’introduction des épicycles

chapitre 7 : les théories comme structures

Lakatos, “Falsification and the Methodology of scientific Research Programmes”


un programme de recherche est une structure qui guide la recherche future d’une
façon positive : elle donne des lignes de direction générale qui sont des
directions de développement du programme de recherche
composée d’une heuristique négative : consiste en ce que les hypothèses de base
sous-tendant le programme, son noyau dur, ne doivent pas être rejetées, lesquelles sont
protégées par une ceinture protectrice d’hypothèses auxiliaires : par exemple, pour la théorie
newtonienne, les lois du mouvement et de l’attraction de N
et d’une heuristique positive : consiste en “une série partiellement formulée de
propositions ou d’indications sur la façon d’opérer des transformations, de développer la
ceinture protectrice réfutable”
Lakatos illustre heuristique positive avec Newton : il parvient à la loi du carré inverse pour
l’attraction en considérant le mouvement elliptique d’une planète identifiée à un point
autour d’un soleil ponctuel stationnaire
il fallait pour s’appliquer au mouvement planétaire réel, que le programme soit développé à
partir de ce modèle idéal vers des modèles plus réalistes : considère taille fini des planètes,
comme des sphères, puis prise en compte des complications et des relations entre les
planètes
⇒ travail initial sur un programme se fait sans se soucier des falsifications
apparentes de l’observation : une fois développé, la confirmation a une importance
fondamentale (Newton, par la découverte de Neptune, ou encore Cavendish qui détecte
l’attraction gravitationnelle), il faut ajouter des hypothèses à la ceinture protectrice initiale
(elle ne doit pas être ad hoc)
Ludwig Fleck, Genèse et Développement d’un fait scientifique

Chapitre 1

Bloch, L’origine de la Syphilis


“la plupart des auteurs croyaient que la conjonction de Saturne et de Jupiter du 25
novembre 1484 dans le signe du Scorpion et dans la maison de Mars était à l’origine des
maladies contagieuses d’origine sexuelle. Le bon Jupiter dépassa les mauvaises planètes de
Saturne et de Mars, et le signe du Scorpion, auquel obéissent les parties sexuelles, explique
pourquoi les organes génitaux furent le premier point d’attaque des nouvelles maladies.”

⇒ tous les auteurs anciens font allusion à l’origine céleste de la syphilis : ils la considèrent
même comme la première et plus importante “causa” de l’épidémie
seules les relations qui sont expliquées conformément au style dominant s’impriment dans
la mémoire sociale et possèdent la capacité de se développer
l’astrologie a contribué à faire du caractère vénérien de la syphilis sa première “differentia
specifica”
la théorie religieuse de la maladie comme sanction du plaisir sexuel et de la signification
éthique du coït finirent de fixer le pilier de fondation de la syphiligraphie et lui conférèrent
un caractère éthique particulièrement prononcé
“Quelques-uns attribuent l’origine de la maladie à Dieu, qui aurait envoyé la maladie, car il
veut que les hommes renoncent au péché de luxure.”

trois autres idées provenant d’autres couches sociales et d’autres époques

- provient des médecins empiristes, Sudhoff voit dans le mercure la véritable et unique
origine de la pensée syphiligraphique ; inexact mais tout de même il a une
importance car l’application de mercure dans le traitement de la syphilis était
répandue

deux points de vue :

- l’unité nosologique éthique-mythique de “la maladie contagieuse d’origine sexuelle”


- l’unité nosologique empirique thérapeutique

opinion du conventionalisme : on est libre de définir la syphilis comme maladie contagieuse


d’origine sexuelle, ou bien porter son choix sur l’utilité du mercure pour construire une
définition
⇒ de ce point de vue, certaines connexions sont libres, d’autres imposées

tous ces points de vue formels ne prêtent aucune attention à la limitation de ce choix entre
différentes théories scientifiques par la culture et l’histoire
on n’était pas libre au XVIè d’échanger le concept mythique-éthique de la
syphilis contre un autre reposant sur les sciences naturelles et la pathogenèse
Cantor et la théorie des ensembles

axiome de l’infini : il existe un ensemble infini en acte


selon Aristote, l’infini en acte n’existe pas, l’infini n’est qu’en puissance (Physique)
⇒ Cantor introduit l’infini potentiel et l’infini actuel : par infini actuel, il entend une
quantité qui, d’une part, n’est pas variable, mais entièrement fixe et
déterminée, donc une véritable constante qui d’autre part, dépasse en grandeur
toute quantité finie de même nature
exemple : Cantor propose l’ensemble de tous les entiers finis : cet ensemble dit-il est une
chose en soi et abstraction faite de la suite naturelle des nombres qui lui appartiennent,
constitue une quantité entièrement fixe et déterminée, un nombre manifestement
plus grand que tout nombre fini
l’infini potentiel est un infini impropre selon Cantor : car il n’est en effet rien d’autre qu’un
fini engagé dans un processus interminable de croissance ou de décroissance, et Cantor
rattache l’infini potentiel à l’infini actuel comme à ce qui fonde sa possibilité même : l’infini
potentiel n’a de sens que s’il existe un infini actuel (principe aristotélicien selon lequel l’acte
est antérieur à la puissance ?)

axiome du tout : le tout n’est pas plus grand que sa partie


Galilée, dans une lettre, dit qu’il est possible de faire correspondre à chaque entier naturel
son carré propre, pourtant, tous les entiers ne sont pas des carrés, donc, il y a plus d’entiers
naturels que de carré, et pourtant à tout entier il correspond un carré : d’un côté, il y en a
moins ; d’un autre, il y en a autant ⇒ croire qu’il y a autant de carrés que d’entiers, dit
Galilée, c’est croire que la partie est aussi grande que le tout : c’est faux d’après lui car c’est
un axiome que le tout est plus grand que sa partie.
soit le tout qui est l’ensemble des entiers naturels strictement positifs : N^+ = {1, 2, 3…] ; et
une de ses parties l’ensemble des entiers plus grand ou égal à 2 : N^+\ {1} = {2, 3, 4…}, le
second ensemble est contenu dans le premier et devrait selon l’axiome être plus
petit que lui
or Hilbert propose une expérience de pensée : imaginer un hôtel possédant une infinité de
chambres, numérotées par nombre entier à partir de 1, et toutes occupées, alors malgré
cela l’hôtelier peut toujours accueillir un nouveau client
⇒ comment accueillir une nouvelle personne ? on ne peut pas l’envoyer au bout car il n’y
arrivera jamais : alors Hilbert propose de déplacer tout le monde d’un cran : en
demandant un déplacement fini à chacun (+1), les clients déjà logés le restent, et la première
chambre est libre et peut accueillir le nouveau client, de même si 500 personnes arrivent, ou
n personne où n est fini.
si on accueille une infinité de clients supplémentaires arrivant dans un autobus infini,
il est impossible de déplacer tout le monde d’un nombre “infini” de chambres pour accueillir
cette infinité de clients supplémentaires
alors Hilbert propose de déplacer chaque client dans la chambre de numéro
double de la sienne : ceci de telle sorte que toutes les chambres de numéro impair
deviennent libres, et puisqu’il existe une infinité de nombres impairs, l’infinité
de nouveaux clients pourra occuper les chambres correspondantes : chaque
passager p de l’autobus ira loger dans la chambre 2p - 1
le propriétaire de l'hôtel de Hilbert a trouvé une “bijection” entre les deux
ensembles : cette bijection associe à un entier l’entier qui le suit : b (1) = 2 ; etc. ou à
l’entier qui est son double : b (n) = 2n cette application associe bien à chaque entier
du premier un unique entier du second : ces deux ensembles ont donc le même
nombre d’éléments
⇒ l'hôtel de Hilbert illustre que deux ensembles infinis tels que l'un est strictement
inclus dans l'autre peuvent être équipotents, c'est-à-dire avoir même cardinal,
ce qui est manifestement faux pour les ensembles finis.
Blanché, L’axiomatique

la méfiance accrue envers l’intuition spatiale


Pasch, en 1882, Vorlesungen über neuere Geometrie, idée que pour que la géométrie
devienne vraiment une science déductive, il faut que la manière dont on tire les
conséquences soit partout indépendante du sens des concepts géométriques, comme elle
doit l’être des figures ; seuls doivent être pris en considération les rapports posés
par les propositions (qui font office de définitions) entre les concepts
géométriques
⇒ c’est quand la signification des concepts devient nécessaire que se manifeste
une lacune dans la déduction et l’insuffisance des propositions invoquées comme
moyens de la preuve

L’axiomatique de Peano pour les nombres naturels :


trois termes premiers = zéro, le nombre, le successeur de
cinq propositions premières, transcrites de la notation symbolique dans le
langage usuel : 1. Zéro est un nombre 2. le successeur d’un nombre est un nombre 3.
plusieurs nombres quelconques ne peuvent avoir le même successeur 4. zéro n’est le
successeur d’aucun nombre 5. si une propriété appartient à zéro et si, lorsqu’elle appartient à
un nombre quelconque, elle appartient aussi à son successeur, alors elle appartient à tous les
nombres ⇒ à l’aide des deux premières propositions on définit d’abord le nombre un, puis le
nombre deux etc.
⇒ critique de Russell : si nous conservons à “successeur sa signification habituelle,
mais entendons par zéro un nombre quelconque, mettons 100, et par nombre
chacun des nombres à partir de 100, les 5 axiomes demeurent vérifiés avec tous
les théorèmes qui s’en déduisent ; de même si en conservant à zéro son sens ordinaire,
on désignait par nombre les seuls nombres pairs, et par successeur le deuxième successeur,
ou encore si zéro représentant le nombre I et successeur signifiant moitié, le nombre
désignait chacun des termes de la série 1, ½, ¼ etc. ⇒ toutes ces interprétations et
celles semblables qu’il sera facile d’imaginer supposent une structure formelle
commune que l’axiomatique a mise en évidence
⇒ cette axiomatique caractérise plus généralement que l’arithmétique une
certaine structure qui est celle des progressions dont la série des nombres
naturels n’est qu’une illustration.

L’axiomatique de Hilbert
propose une axiomatisation dépourvue de définitions : pas de définitions de la
droite ou du point, on se donne des objets de nature inconnue et des relations
entre ces objets : on énonce les propriétés des objets et de leurs relations dans des axiomes
⇒ la nature des objets est indéterminée : tout système d’objets entre lesquels il
existe des relations devient une géométrie
(témoignage d’un élève de Hilbert, Otto Blumenthal : lors d’une conversation dans un bar
avec ses élèves, Hilbert explique qu’on devrait pouvoir parler en géométrie de chaises, de
tables, de chopes de bière, et non pas de points, de lignes etc., en fait, les mots n’ont plus
d’importance : ils ne font que nommer les indéfinissables ; et nommer, ce n’est pas définir)
Poincaré, La science et l’hypothèse

L’axiomatique de Lobatschevsky
s’il était possible de déduire le postulatum d’Euclide des autres axiomes, il arriverait qu’en
niant le postulatum, et en admettant d’autres axiomes, on serait conduit à des conséquences
contradictoire ; il serait donc impossible d’appuyer sur de telles prémices une géométrie
cohérente ⇒ ce qu’a fait Lobatchevsky : il suppose au début que l’on peut par un
point mener plusieurs parallèles à une droite donnée et conserve tous les autres
axiomes d’Euclide et déduit une suite de théorèmes entre lesquels aucune
contradiction
⇒ les théorèmes sont différents de ceux auxquels nous sommes accoutumés : la
somme des angles d’un triangle est toujours plus petite que deux droits, et la différence entre
cette somme et deux droits est proportionnelle à la surface du triangle

La géométrie riemanienne
expérience de pensée : imaginons un monde uniquement peuplé d’êtres dénués
d’épaisseur ; supposons que ces animaux “infiniment plats” soient tous dans un même
plan et ne puissent en sortir
⇒ s’ils pouvaient penser, et étaient capables de géométrie, ils n’attribueraient
certainement à l’espace que deux dimensions

supposons que ces animaux imaginaires tout en restant dénués d’épaisseur, aient la
forme d’une figure sphérique, et non d’une figure plane et soient tous sur une même
sphère sans pouvoir s’en écarter, quelle serait leur géométrie ?
ils n’attribueraient à l’espace que deux dimensions : pour eux, ligne droite = le plus court
chemin d’un point à un autre sur la sphère = un grand arc de cercle, leur
géométrie sera la géométrie sphérique
l’espace, pour eux = cette sphère d’où ils ne peuvent sortir et sur laquelle se
passent tous les phénomènes dont ils peuvent avoir connaissance
⇒ la géométrie de Riemann = la géométrie sphérique étendue à trois dimensions. pour la
construire, le mathématicien allemand a dû jeter par-dessus bord, non seulement le
postulatum d’Euclide, mais encore le premier axiome = par deux points on ne peut faire
passer qu’une droite.
dans la géométrie de Riemann, par deux points ne passera en général qu’une seule
droite ; mais il y a des cas exceptionnels où par deux points pourront passer une
infinité de droites

la somme des angles d’un triangle est : égale à deux droits dans la géométrie
d’Euclide; plus petite que deux droits dans celle de Lobatchevsky; plus grande
que deux droits dans celle de Riemann
le nombre de parallèles qu’on peut mener à une droite donnée par un point donné est : = 1
Euclide, = 0 Riemann, = infini Lobatchevsky

Les axiomes implicites


⇒ “deux figures sont égales quand on peut les superposer” ; pour les
superposer il faut déplacer l’une d’elles jusqu’à ce qu’elle coïncide avec l’autre ;
mais comment faut-il la déplacer ? sans la déformer, comme un solide invariable
⇒ la définition implique un axiome : la possibilité du mouvement d’une figure
invariable n’est pas une vérité évidente par elle-même
L’expérience de l’espace

l’idée fondamentale de Galilée par laquelle il rompt avec la conception aristotélicienne


du mouvement consiste en l’affirmation de l’existence de mouvement dont on peut
dire qu’ils sont “comme nuls” : il y a des mouvements “comme nuls”
⇒ Salviati défendant contre les deux personnages le nouveau “grand système du monde” :
“le mouvement est mouvement et agir comme mouvement, en tant qu’il est en relation avec
des choses qui en sont privées ; mais pour ce qui concerne les choses qui y participent toutes
également, il n’agit nullement, et il est comme s’il n’était pas.”
exemple : sur un bateau faisant route vers Venise, les caisses entreposées dans la cale sont
immobiles les unes par rapport aux autres, et en mouvement par rapport à la côte
il y a relativité du mouvement : mais Galilée ne s’arrête pas là : « Quand [Aristote] écrit que
tout ce qui se meut se meut sur quelque chose d'immobile, je me demande s'il n'a pas voulu
dire que ce qui se meut se meut respectivement à quelque chose d'immobile, cette dernière
proposition ne soulevant aucune difficulté, alors que la première en soulève beaucoup. »
distinction entre se mouvement sur quelque chose d’immobile et se mouvement
respectivement à quelque chose d’immobile
la première est une formulation aristotélicienne : on se prononce sur une différence absolue
entre mouvement et repos : pour Aristote, on peut certes dire que les caisses du bateau sont
immobiles les unes par rapport aux autres et en mouvement par rapport à la côte ; mais
absolument parlant, une seule de ces deux propositions est vraie : celle qui réfère le
mouvement à un corps absolument en repos, à savoir la terre.
⇒ l’idée fondamentale du mouvement aristotélicien est qu’il se conçoit comme
une altération physique du corps, c’est cela que rejettera Galilée
il exige donc un repère ultime, qui est dans un repos absolu : le repos n’est pas un
mouvement nul mais est ce qui rend tout mouvement possible
ce n’est pas le repos qui est absence de mouvement mais c’est le mouvement qui est un repos
non encore accompli

la signification profonde de la relativité du mouvement chez les Modernes = la


mobilité et l’immobilité sont impossibles à distinguer absolument, mais
seulement relativement à un référentiel préalablement déterminé
⇒ le mouvement des caisses ne peut plus être dit exister absolument, il ne peut être
que relativement au référentiel adopté.

le mouvement uniforme est comme nul : un mouvement rectiligne, à vitesse constante,


n’affecte en rien le mouvement des corps qui sont attachés au mobile qui se déplace selon
une telle vitesse : les papillons, les poissons, les gouttes d’eau se comportent exactement de
la même manière dans un bateau à vitesse constante que dans un bateau resté à quai
conclusion de Salviati : un mouvement sans effet n’a pas besoin de cause : s’il n’a pas
d’effet, il n’a pas besoin de cause, c’est un mobile qui n’est le signe d’aucune moteur, rien ne
l’a mis en mouvement ⇒ on n’a pas besoin de chercher la cause du mouvement
uniforme car c’est un mouvement sans effet, et c’est ce mouvement dont on
peut décider selon le référentiel adopté s’il existe ou non

un mouvement uniforme permet de dégager deux principes : il est comme nul (les lois du
mouvement des corps ne sont pas affectées par celui-ci) : les mouvements observables des
corps seront identiques relativement à deux référentiels en mouvement uniforme l’un par
rapport à l’autre : le principe de relativité =/= la relativité du mouvement par
rapport au référentiel choisi (platitude qu’Aristote aurait pu admettre), mais
affirme existence de lois du mouvement qui sont également vraies dans tous les
référentiels dit galiléens ou inertiels = en mouvement uniforme les uns par
rapport aux autres
⇒ Galilée dit que les lois du mouvement sont les mêmes pour un bateau resté à quai (les
paillons volettent, les poissons nagent) et pour un bateau en mouvement uniforme par
rapport à ce bateau resté à quai
c’est pourquoi enfermé dans la cabine je ne peux pas savoir si je suis dans un bateau à quai
ou dans un bateau en mouvement uniforme par rapport à ce bateau à quai : dans ces deux
référentiels, les lois du mouvement et les observations sont les mêmes

le second principe issu de cette idée d’un mouvement uniforme : le principe d’inertie
si le mouvement uniforme n’a besoin d’aucune cause il en résulte que le mouvement d’un
corps ne subissant aucune influence extérieure sera affecté d’un tel mouvement :
vérification à partir d’une expérience de pensée
Partons d’un fait constatable : lorsque je pousse un corps au repos, par rapport à un
référentiel déterminé – par exemple, une voiture dont le référentiel est la terre –, ce corps
acquiert une vitesse qui est constante et continue de rouler un certain temps après que j’ai
arrêté de le pousser : elle finit par s’arrêter sous l’effet des frottements de la surface terrestre.
Ensuite, je constate que, pour une poussée égale, la voiture roulera plus longtemps à mesure
que les frottements diminuent (par exemple, sur une surface gelée). Prolongeons ce constat
avec une diminution à l’infini des frottements, imaginons la disparition de tout frottement
(et de toute influence extérieure sur ce mouvement) : on aboutit à un mouvement rectiligne
uniforme indéfini qui n’a besoin d’aucune cause pour se prolonger indéfiniment
⇒ Einstein l’appellera plus tard « le principe de Galilée », et le formulera de la façon
suivante : « Un point matériel abandonné à lui-même et suffisamment éloigné de
tous les autres points effectue un mouvement rectiligne uniforme. »
⇒ expérience imaginaire qui aboutit à l’idée selon laquelle un mouvement qui
ne subit aucune influence extérieure se prolonge indéfiniment
un corps qui ne subit aucune action n’est pas dans un repos absolu mais dans un
mouvement rectiligne uniforme : puisqu’il est sans cause et sans effet au sens où il
n’affecte aucun autre corps, on peut dire qu’il est comme nul, d’où le lien entre principe de
relativité et d’inertie
conséquence de ces deux principes : la pensée du mouvement s’identifie à la pensée
des lois du mouvement qui demeurent identiques dans tous les référentiels
inertiels
Or, ces lois ne peuvent concerner ni des positions, ni des vitesses. S’il y a des
lois du
mouvement qui sont les mêmes dans tous les référentiels inertiels, elles ne
pourront jamais
consister en des positions ou des vitesses : un corps n’a jamais la même position
par rapport
à deux référentiels : la même position, quand je suis au pied du mât, par
rapport au bateau, ne
cesse de changer par rapport aux côtes) ; ma vitesse sera nulle par rapport au
navire, mais par
rapport aux côtes, elle est celle du bateau
Mais ce qui ne change pas dans ces deux référentiels galiléens, c’est la
trajectoire
(la trajectoire du vol des papillons est la même pour l’observateur qui regarde
ce papillon
depuis la côte et pour celui qui le regarde à l’intérieur du navire : les
trajectoires ne sont pas
modifiées ; c’est pourquoi les gouttes d’eau qui tombent dans le vase étroit sont
les mêmes)
et, d’autre part, la modification de la vitesse, et notamment l’accélération
L’accélération est exactement la même dans les deux référentiels galiléens : si le
bateau
navigue à vitesse constante par rapport aux côtes, et si je suis au pied du bateau,
le
mouvement est nul par rapport au bateau, et donc mon accélération est nulle ;
en outre, ma
vitesse est constante par rapport aux côtes, donc mon accélération est nulle : la
trajectoire et
l’accélération ne changent pas
Ce qui acquiert une réalité absolue chez Galilée, ce n’est plus le repos, c’est
l’accélération
(différence entre Aristote et Galilée)

⇒ la loi la plus simple du mouvement concerne les mouvements uniformément accélérés :


celle qui gouverne le mouvement de la chute des corps
Galilée = le premier à découvrir que les mouvements accélérés peuvent donner
lieu à une mathématisation de leur processus même : la révolution galiléenne =
une mathématisation de la physique
⇒ ce que G découvre c’est qu’il y a quelque chose de constant dans la chute de l’objet et cette
constante appartient à la trajectoire et au fait qu’elle est uniformément accélérée
loi de la chute des corps comprend deux énoncés : 1. la vitesse à laquelle tombent les
corps est proportionnelle au temps de chute (tandis que la distance de chute est
proportionnelle au carré du temps de chute) 2. l’accélération de la chute est la même pour
tous les corps (elle demeure donc indépendante de la masse du corps chutant)
La chute des corps possède une accélération qui est la même pour tous les corps
indépendamment de leur masse, ce qui est tout à fait contre-intuitif (la plume tombe
moins vite que la bille de plomb), mais ce n’est pas en raison de leur mouvement propre,
mais en raison des frottements (et notamment de la résistance de l’air). C’est parce qu’il y a
du frottement que les corps ne tombent pas au même moment au sol.

cette loi de la chute des corps concernant l’accélération obéit au principe de relativité :
elle est la même relativement à tous les référentiels galiléens, les lois physiques
ne seront admises comme lois physiques que si elles obéissent au principe de
relativité (elles sont vraies relativement à tous les référentiels galiléens)
⇒ ce principe de relativité a une formulation trompeuse : c’est un principe
d’universalité (loi universelle qui ne dépend pas du référentiel choisi), d’où son importance,
parce que c’est aussi le principe de discrimination de ce qui est une loi du mouvement et de
ce qui n’en est pas une : excède le référentiel particulier que choisit le physicien
mais l’universalité de ce principe est limitée aux seuls référentiels galiléens : les lois du
mouvement se modifient lorsqu’un référentiel immobile acquiert un mouvement
lui-même accéléré
Or, dans un référentiel accéléré, les lois du mouvement ne sont plus les mêmes
(moi-même, j’aurai plus de mal à me déplacer parce qu’il y aura une poussée)
Le principe de relativité galiléen ne vaut que pour les référentiels galiléens
(inertiels), et non pas pour tous les référentiels.
La relativité générale quant à elle est un principe universel, vrai pour tous les
référentiels
Einstein n’a pas rejeté un principe antérieur, il l’a radicalisé (de là vient toute
l’étrangeté de la relativité générale : il va encore plus loin que Galilée dans la
position de Galilée)
La relativité restreinte
exemple du voyageur sur un bateau : marche à une vitesse constante sur le point, il marche à
2km.h sur un bateau avançant à 20km.h ; il se déplace ainsi à 22km.h par rapport aux côtés
s’il va dans le sens du bateau, s’il va dans le sens inverse, se déplacera à 18 km.h
⇒ si je connais v du bateau et v du voyageur par rapport au bateau, alors je connais v du
voyageur par rapport aux côtés : on réalise cette inférence sur la base des lois de
transformation
difficulté de la relativité restreinte : Einstein fait d’une vitesse particulière une loi de
la nature (alors que ça ne pouvait pas être le cas chez G), la v de propagation de la
lumière = 300 000 km.s
⇒ cette constance de la vitesse de la lumière, quel que soit le référentiel, peut
s’accorder avec le principe de relativité à condition de modifier les lois de la
transformation classique (lois qui permettent de déterminer la v d’un mobile dans un
référentiel)
puisqu’elle est une loi, la vitesse de la lumière sera la même par rapport au navire et apr
rapport aux côtés (strictement la même, qu’importe le repère par rapport à
laquelle elle est mesurée)
⇒ comment faire pour que la vitesse soit la même dans deux référentiels en mouvement
l’un par rapport à l’autre ?
une seule solution : pour obtenir toujours la même vitesse de la lumière, ce qu’on doit
faire varier d’un référentiel à l’autre = la distance et le temps en sorte que la variation de la
distance et du temps d’un référentil à l’autre aboutisse à un rapport constant dans tous les
référentiels, et notamment dans le cas de la vitesse de la lumière
lois de transformation de Hendrik Lorentz
⇒ la condition pour maintenir et le principe galiléen de la relativité et la constance de la
vitesse de la lumière dans tous les référentiels = affirmation que la mesure de l’espace et du
temps dépendent du référentiel considéré, c’est-à-dire que l’espace et le temps se confondent
pour la physique avec leur mesure, dépendant du référentiel considéré
⇒ plus un référentiel en mouvement s’approche de la vitesse de la lumière,
plus le temps se ralentit, et plus l’espace se raccourcit
ce qui est simultané dans un même référentiel, ne l’est plus dans un autre, ce
qui est d’une certaine grandeur dans un référentiel est d’une autre grandeur dans un autre
référentiel. Dès lors, l’espace et le temps cessent d’être des variables absolues (comme chez
Galilée et surtout Newton) : ils cessent d’être identiques dans tous les référentiels : ils sont
eux-mêmes relatifs au référentiel considéré
Cette expérience a été menée sur deux horloges atomiques : on en a lancé une sur la terre,
et l’autre on l’a envoyée, dans un avion très rapide : au retour, elle n’indiquait pas la même
temporalité. Cela a donc été vérifié : le temps n’est plus une mesure absolue, comme
l’espace : temps et espace cessent d’être absolus.

Einstein parle de la mesure de l’espace et du temps : les instruments de mesure dont on


dispose (horloges, règles) dépendent eux-mêmes des lois de la physique, et en particulier du
comportement de la lumière
Exemple dans La relativité : affirmation fantaisiste selon laquelle « la foudre frappe toujours
simultanément en deux endroits différents supposés connus, A et B »
Comment vérifier la vérité ou la fausseté de ce fait ? Son système de mesure est un système
de mesure du temps : il va se placer au point M, à mi-chemin de A et de B : il dispose de deux
miroirs inclinés à 90 degrés, orientés chacun vers les deux endroits où la foudre doit frapper
:
si l’observateur voit les deux faces s’illuminer en même temps, alors les deux événements
sont simultanés
Même dispositif, mais placé à l’intérieur d’un train qui se déplace à vitesse constante vers B :
au moment où la foudre frappe, l’observateur est au milieu de A et de B, mais le temps que la
lumière apparaisse, le miroir se sera rapproché de B et éloigné de A. Pour le second
observateur, le même événement ne sera plus simultané (le temps n’est pas le même suivant
le
référentiel adopté). Donc la simultanéité, qui est le principe de base de la mesure du temps,
ne sera pas la même selon le système de mesure.
Et on peut montrer la même chose pour les distances : les distances ne sont pas les mêmes
pour un observateur sur le quai et un observateur dans le train.
Donc Einstein s’intéresse certes à la mesure, mais cela ne veut pas dire que c’est seulement
un
problème de mesure, mais bien le problème de la réalité des phénomènes physiques (d’où le
paradoxe des jumeaux)

Ce sont bien des phénomènes réels qui sont décrits ici. C’est pour cela que les premières
réactions aux écrits d’Einstein furent essentiellement hostiles : on ne voulait pas entendre
parler de la relativité restreinte autrement que comme une question de mesure qui n’engage
aucune réalité (cf. Bergson, Durée et simultanéité)
8
Caractère révolutionnaire d’une théorie qui ne vient pas de l’abandon du principe de
relativité galiléen, mais de son élargissement (on l’élargit à la vitesse, et en particulier à la
vitesse de la lumière), et ainsi on acquiert une meilleure compréhension de celui-ci

L’indéterminisme et le paradoxe EPR 1935

un objet quantique, électron, ou photon, n’est ni un corpuscule, ni une onde, mais on va


s’amuser à jouer avec l’idée qu’ils ressemblent quand même à des ondes avec l’argument que
petit à petit les électrons même si marquent des impacts ponctuels désignant normalement
leur nature corpusculaire, reconstruisent des interférences
expérience de

⇒ la propriété qu’ont les ondes et pas les corpuscules est que les ondes sont capables de
s’ajouter entre elles : exemple des ondes à la surface d'une eau calme : ce mouvement
produit ondes à la surface de l'eau et concentriques; amplitude sera ajoutée ; en tout point de
la surface de l'eau, amplitude de l'oscillation = amplitude à une instant donné de l'iamplitude
de la première onde à celle de la deuxième onde ⇒ c’est le principe de superposition =
deux ondes du même type sont capables de s'ajouter entre elles d'où interférences
l’ensemble des propriétés de l’électron constitue l’état de l’électron : comment représenter
l’état d’un électron ? dans un premier temps on généralise principe de superposition de la
mécanique ondulatoire : quel que soit système quantique qu'on considère je décide de
représenter ces différents états possibles par des entités capables de s'ajouter entre elles :
comme si dans un premier temps mes particules avaient un comportement ondulatoire car
on lui applique principe de superposition.
on note les états par exemple a, b, c, si a et b état possible d'un système a + b aussi état
si l'électron de l'atome d'hydrogène peut être dans état de plus basse énergie, et de plus haute
énergie, il peut être aussi dans un état = somme de l'état de plus haute et de plus basse
si a état possible du système, lambda.a aussi ⇒ ces deux principes définissent un espace
vectoriel (la somme des deux éléments est un élément de l'espace ; et quand on le multiplie
par un nombre, c'est encore un espace vectoriel ; ajouter deux vecteurs ça fait encore un
vecteur)
⇒ le fait d'avoir décidé de représenter les états des systèmes physiques par des entités
signifie que les états des systèmes physiques vont désormais être représentés par des
vecteurs = éléments d'un espace vectoriel = des vecteurs d'état car caractérisent état
physique des systèmes
on vient de décider que les états physiques des systèmes allaient être représentés dans un
espace, un espace mathématique abstrait = espace de Hilbert, qui peut avoir nombre
infini de dimensions et rien à voir avec l'espace physique dans lequel on fait expérience
en train de créer les conditions où va se poser la question de l'interprétation de la physique
quantique ⇒ on va faire des calculs dans ces espaces abstraits et établir relation résultat de
ces calculs et celui de l'espace physique : comment relier les deux ? il faudra revenir à
l'espace physique pour interpréter les expériences : un abîme se crée entre le réel et se
représentation, on ouvre une brêche dans laquelle vont s'engouffrer toutes les questions
traitant de la question du lien entre le monde et sa représentation.
physique quantique représente l'état d'un système par un vecteur d'état ; soumis au principe
de superposition : si a et b sont deux états possibles du système physique considéré, alors
l’état (a + b) est lui aussi un état possible de ce système
imaginons un électron susceptible d'exister dans deux états différents, auxquels on fait
correspondre vecteurs d'état a et b : ces vecteurs d'état spécifient l’état interne de la
particule, par exemple son état de spin : si particule est dans l'état a toute mesure de son
état interne donnera comme résultat +1 ; si b , -1
en vertu du principe de superposition, particule peut être mise dans l'état a + b quel sera le
résultat d'une mesure sur ce système ? on peut considérer que l'état a + b = mélange des
états a et b donc mesure donne résultat nul
=> mais physique quantique dit simplement que si l’on fait la mesure sur une
particule dans l’état (a + b), alors on a une chance sur deux d’obtenir le
résultat +1, et une chance sur deux d’obtenir le résultat -1 ⇒ physique
quantique n'offre que probabilité : indique seulement que si l’on fait tel ou tel type
de mesure, on aura telle ou telle probabilité d’obtenir tel ou tel résultat ; tant que la mesure
n’est pas faite, la grandeur censée quantifier la propriété physique dont il est question n’est
pas strictement définie, du moins si le vecteur d’état de la particule est la somme de plusieurs
états.
1. juste avant la mesure, la particule était représentée par son vecteur d’état (a + b) ; si la
mesure donne comme résultat +1, alors il faut admettre que, aussitôt après cette mesure, le
vecteur d’état de la particule est devenu a, ce qui veut dire que, dès lors, la valeur de sa
propriété interne est bien définie ⇒ la superposition quantique a donc été détruite par
l’opération de mesure ; la représentation mathématique de la particule a été modifiée : d’une
somme de deux termes (a + b), elle est passée à un seul terme (en l’occurrence a) ; la mesure
a en quelque sorte obligé le vecteur d’état à perdre l’un de ses termes => on dit qu’il y a eu «
réduction du paquet d’ondes ». Cette règle simple établit une liaison entre l’espace
abstrait, où évoluent les vecteurs d’état, et l’espace physique ordinaire, où l’on observe les
phénomènes.
2. Si c’est l’autre alternative qui se réalise, c’est-à-dire si le résultat de la mesure est -1, alors
le vecteur d’état de la particule aussitôt après la mesure est b. Là encore, il y aura eu
réduction du paquet d’ondes. Le vecteur d’état d’avant la mesure permet donc de connaître a
priori les différents résultats de mesure possibles (et aussi la probabilité de chacun d’eux). Il
renferme toutes les potentialités du système, dont une seule s’actualise — de façon aléatoire !
— lors d’une expérience donnée. Le déterminisme classique doit, en l’occurrence, être
abandonné.
⇒ si c’est le résultat +1 qui est obtenu, correspondant au vecteur d’état a, tentation est
grande d’imaginer que le vecteur d’état était déjà a dès avant la mesure, celle-ci n’ayant fait
que révéler une situation déjà existante ou enregistrer un état de fait.

⇒ Le débat Einstein contre Bohr.

1. la physique quantique est-elle complète ?


2. le vecteur d'état dit-il tout ce qu'il est possible de savoir sur un système ou lui manque-t-il
quelque chose ?
si PQ est incomplète, il faut chercher d'autres principes qui eux permettront de construire
une théorie vraiment complète, et peut-être déterministe.
on note un état I 1000 km/s > + I 2000 km/s >
Einstein n'aimait pas le hasard fondamental : "Dieu ne joue pas aux dés." A la conférence
de Solvay de 1927, débats avec Bohr qui défendait hasard fondamental : l'interprétation de
Copenhague. Einstein pense trouver argument pour clouer son bec.
Le spin est la propriété des électrons qui sont en rotation et se comporte comme aimant : de
telle sorte que lorsqu'on projette atome dans un champ magnétique, ils sont déviés par les
électrons qui se comportent comme aimants : pour désigner ça, on parle de spin.
C'est une propriété intrinsèque, qui ne nécessite pas que l’électron ait une taille
physiquement observable.
Le spin ne peut prendre que deux valeurs : I + > et I - > ainsi que leur superposition. Avoir
deux états superposés pratiques pour calculs pour faire des expériences, c'est plus simple.
L'interprétation usuelle de la mécanique quantique : au départ, on a des
électrons en état de superposition + et -, puis après être passé dans le champ
magnétique, 50% vont en haut, 50% en bas.
⇒ mais qu'est-ce qui prouve qu'il y a d'abord états superpopsés et ensuite 50% + et - ?
Einstein veut montrer ça. Pour comprendre son argument, il faut deux électrons, donc deux
spins. Soit les deux +, les deux -, le premier + le second -, etc. Si en mécanique quantique
superposition, il peut y avoir mélange de ces quatres situations. Une superposition va être
intéressante, celle quand on a + - et - + : c'est un état intriqué, car quand deux particules
sont dans cet état, elles sont irrémédiablement liées l'une à l'autre.
Si on mesure l'état du premier électron, une chance de le trouver dans l'état +, si on le trouve
dans l'état -, ça signifie que le second électron est dans l'état +, c'est en utilisant cette
situation que E a proposé expérience de pensée en 1935 avec Podolsky et Rosen :
1. deux électrons dans états intriqués et qu'on éloigne les deux électrons : on mesure le spin
du premier et du second 2. tant que la première mesure pas faite, rien de déterminé ; mais
pour que le résultat de la seconde
mesure soit en accord avec la première, envie de penser qu'il faut que quelque chose se
transmette pour communiquer le résultat.
⇒ mais ce que remarquent EPR, c'est que si on éloigne suffisamment électrons
et on fait mesures suffisamment proches, cette transmission doit aller plus vite
que la lumière : or dans la relativité restreinte, impossible que ce soit.
En fait pour E, plus raisonnable de dire que description avec superposition d'états
incomplètes : par exemple quand les électrons se séparent, se mettent d'accord sur leur état
si jamais il y a mesure qui permet d'abolir hasard et vitesse plus grande que la lumière.
C'est la vision des variables cachés, conditionnent résultat des mesures, comme pile ou face,
impression que résultat du hasard alors que bien conditionné par des variables.

Depuis, cette expérience on l'a faite. En pratique, on utilise des photons : l'expérience se
passe exactement comme prévu par le paradoxe EPR : si on fabrique deux photons dans état
intriqué, on les sépare, et on détermine la polarisation de l'autre à distance, quelle que soit la
distance qui les sépare. Le record de distance = 13 kilomètres ⇒ dans l'expérience,
tout se passe comme si un photon était capable d'influencer un autre photon à
13km de distance.
Dans les années 1960, tranche le débat par l'expérience. Quand on mesure lien entre
polarisation des deux particules en mettant un angle légèrement différent entre les deux
détecteurs. Dans une théorie à variable cachée, corrélation entre les deux mesures obéit à
certaines inégalités = inégalités de Bell. Alors qu'en mécanique quantique, on des
corrélations plus élevées que ces inégalités. La MQ viole les inégalités de Bell. Cette
expérience a été réalisée par Aspect et son équipe.
Duhem, Théorie physique,

Chapitre IV : L’expérience de physique

1. une expérience n’est pas simplement l’observation d’un phénomène ; elle


est en outre l’interprétation théorique de ce phénomène. le but de toute
théorie physique est la représentation des lois expérimentales ; ils expriment la
concordance entre conclusions de la théorie et règles établies par les observateurs
une expérience en physique : définition apparente = produire un phénomène
physique dans des conditions telles qu’on le puisse observer exactement
et minutieusement, au moyen d’instruments appropriés
⇒ Regnault étudie la compressibilité des gaz ; il prend une certaine quantité de gaz, il
l’enferme dans un tube de verre, il maintient la température constante, il
mesure la pression que supporte le gaz et le volume qu’il occupe
assurément, entre les mains et sous les yeux de Regnault, des faits concrets se sont
produits, mais ce n’est pas le récit de ces faits que Regnault a indiqué
“dans un viseur Regnault a vu l’image d’une certaine surface de mercure affleure à un
certain trait” ⇒ “il a inscrit que le gaz occupait un volume ayant telle valeur”
“un aide a élevé et abaissé la lunette d’un cathétomètre jusqu’à ce que l’image d’un
autre niveau de mercure vint affleurer au fil d’un réticule ; il a observé la disposition
de certains trait sur la règle et sur le vernier du cathétomètre” ⇒ “la pression
supportée par le gaz avait telle valeur”
or la valeur du volume occupé par le gaz, la valeur de la pression qu’il
supporte, le degré de le température à laquelle il est porté : ce sont des
symboles abstraits que seule la théorie physique relie aux faits réellements observés
exemple : pour former la première de ces abstractions, la valeur du volume occupé
apr le gaz, et la faire correspondre au fait observé = l’affleurement du mercure en un
certain trait, il a fallu jauger le tube = faire appel non seulement aux notions
abstraites de l’Arithmétique et de la Géométrie, mais encore la notion abstraite de
masse, aux hypothèses de la Mécanique générale et de Mécanique céleste qui
justifient l’emploi de la balance pour la comparaison de masses ; il a fallu connaître le
poids spécifique du mercure à la température où s’est fait ce jaugeage, et pour cela,
connaître ce poids spécifique à 0° ce qui ne se peut faire sans invoquer les lois de
l’hydrostatique ; connaître la loi de dilatation du mercure…
⇒ une expérience de physique est l’observation précise d’un groupe de phénomènes
accompagnée de l’interprétation de ces phénomènes ; cette interprétation substitue
aux données concrètes réellement recueillies par l’observation des représentations
abstraites et symboliques qui leur correspondent en vertu des théories admises.
2. le résultat d’une expérience de physique est un jugement abstrait et
symbolique.

Chapitre V : La loi physique

1. les lois physiques sont des relations symboliques. distinction loi de sens
commun : tout homme est mortel : relie entre eux des termes abstraits, l’idée
abstraite d’homme en général, et non l’idée concrète de tel ou tel homme en
particulier ; l’idée abstraite de la mort ; ces abstractions =/= symboles
théoriques, extraient ce qu’il y a d’universel dans chacun des cas particuliers
auxquels la loi s’applique
avant d’entendre le tonnerre, on voit briller l’éclair
et loi physique : la loi de Mariotte = à une même température les volumes occupés
par une même masse de gaz sont en raison inverse des pressions qu’elle supporte
tel est l’énoncé de la loi de Mariotte
les termes qu’elle fait intervenir les idées de masse, de température, de
pression, sont encore des idées abstraites ; mais ces idées ne sont pas
seulement abstraites mais de plus symboliques et les symboles qu’elles constituent
ne prennent un sens que grâce aux théories physiques
dans un cas concret : pas une certaine température concrète réalisant l’idée générale
de température mais à du gaz plus ou moins chaud ; nous n’aurons pas devant nous
une certaine pression particulière réalisant l’idée générale de pression, mais une
pompe sur laquelle on a pesé d’une certaine manière
à ce gaz plus ou moins chaud correspond une température ; mais correspondance
et celle d’une réalité au symbole ; elle n’est pas immédiate mais s’établir au
moyen d’instruments par l’intermédiaire de mesures (thermomètre pour la
température, manomètre pour la pression)
les termes symboliques qui relient une loi de physique =/= abstractions
“naturellement” formées mais au cours d’un travail lent, compliqué, et conscient

selon qu’on adopte telle ou telle théorie, les mots qui figurent dans l’énoncé d’une loi
physique changent de sens en sorte que la loi peut être acceptée ou non par un
physicien en fonction
exemple : tous les gaz se compriment et se dilatent de la même manière
on demande : cette loi est-elle transgressée ou non par la vapeur d’iode ? un premier
physicien professe théorie que la vapeur d’iode est un gaz unique : tire de la loi que la
densité de la vapeur d’iode par rapport à l’air dépend de la température et de la
pression or expérience montre que densité de la vapeur d’iode par rapport à l’air
dépend de la température et de la pression ⇒ conclut que la vapeur d’iode ne se
soumet pas à la loi énoncée
selon un second physicien, vapeur d’iode n’est pas unique mais un mélange de
deux gaz, polymères l’un de l’autre et susceptibles de se transformer l’un
en l’autre ; dès lors la loi précitée n’exige plus que la densité de la vapeur d’iode par
rapport à l’air soit constante ; elle réclame que densité de la température et la
pression varie selon une formule de Gibbs : cette formule les résultats des
déterminations expérimentales ⇒ conclut que la vapeur d’iode ne fait pas exception à
la règle

2. une loi physique n’est ni vraie ni fausse mais approchée. une loi de sens
commun est un simple jugement général qui est vrai ou faux. exemple : à Paris,
le soleil se lève chaque jour à l’orient, monte dans le ciel, et se couche à l’occident.
elle est toujours vraie, sans condition. la lune est toujours pleine : elle est toujours
fausse.
si la vérité d’une loi de sens commun est mise en question, on peut répondre par oui
ou par non.
la loi que la science physique énonce, sous forme de propositions
mathématiques, est toujours symbolique ; or un symbole n’est ni vrai ni faux, mais
il est plus ou moins bien choisi pour signifier la réalité qu’il représente
appliqués à un symbole les mots vérité, erreur, n’ont plus de sens
le logicien qui a souci du sens des mots sera obligé de répondre : je ne comprends
pas la question (loi physique est-elle vraie ou fausse ?)

à un fait donné, la méthode expérimentale fait correspondre une infinité de


jugements symboliques différents : le degré d’indétermination du
symbole est le degré d’approximation de l’expérience en question

exemple : on ne peut se contenter des renseignements fournis par la loi de sens


commun : à Paris, le Soleil se lève chaque jour à l’orient, monte dans le ciel, puis
descend et se couche à l’occident
⇒ on désire une loi précise indiquant à l’observateur parisien quelle
situation le Soleil occupe à chaque instant dans le ciel
les sciences physiques font usage de symboles par lesquels théorie représente les
réalités : on substitue au soleil une sphère parfaite et on cherche la position du centre
de cette sphère ; physiciens chercheront à déterminer la position qu’occuperait ce
point si la réfraction astronomique ne déviait pas rayons du Soleil si aberration
annuelle ne modifiait pas la position apparent des astres
on saisit les coordonnées de ce point : longitude et latitude dont le sens ne peut être
compris que si l’on connaît les lois de la cosmographie, dont les valeurs ne désignent
dans le ciel, un point que le doigt puisse montrer ou que la lunette puisse viser qu’en
vertu d’un ensemble de déterminations préalables : détermination du méridien du
lieu, de ses coordonnées géographiques,
etc
à une position déterminée du disque on peut faire correspondre non pas une seule
valeur pour la longitude et la latitude : le pouvoir optique de l’instrument qui
nous sert à viser le Soleil est limité
⇒ que le disque solaire soit dans une telle position ou dans telle autre, si
l’écart est assez petit, on ne peut pas s’en apercevoir ; mettons que nous ne
puissions connaître les coordonnées d’un point déterminé de la sphère céleste avec
une précision supérieure à 1’: nous suffira, pour déterminer la position du Soleil à un
instant donné, de connaître la longitude et la latitude du centre du Soleil à 1’ près =>
dès lors, pour représenter la marche du Soleil, bien que l’astre n’occupe à chaque
instant qu’une seule position, nous pourrons donner, à chaque instant une infinité de
valeurs de la longitude, une infinité de valeurs de la latitude ; seulement, pour un
même instant, deux valeurs acceptables de la longitude ou deux valeurs acceptables
de la latitude ne pourront différer entre elles de plus de 1'

la loi du mouvement du Soleil = deux formules qui nous permettent de calculer, à


chaque instant de la durée, la valeur de la longitude du centre du Soleil et la valeur de
la latitude du même point ? pour représenter la marche de la longitude en fonction du
temps, nous pourrons adopter, non pas une formule unique, mais une infinité de
formules différentes, pourvu qu’à un même instant, toutes ces formules nous donnent
des valeurs de la longitude différant entre elles de moins de 1’ ?
⇒ pour le physicien, toutes ces lois sont également acceptables (pas pour le
mathématicien), car, toutes, elles déterminent la position du Soleil avec une
approximation supérieure à celle que comporte l’observation

3. toute loi de physique est provisoire et relative parce qu’elle est


approchée. ce qui caractérise une loi = elle est fixe et absolue, elle doit être toujours
vraie, apparemment, en fait c’est le cas des lois de sens commun.
une loi physique est provisoire car elle n’est à aucun moment vraie ni
fausse, mais représente les faits auxquels elle s’applique avec une
approximation que les physiciens jugent actuellement suffisante mais
cessera un jour de les satisfaire (quand des télescopes plus précis auront vu le jour ils
exigeront des déterminations de la longitude du centre du Soleil à un instant donné,
que les diverses déterminations déterminations de la latitude du même point au
même instant, s’accordent à 10’’ près
“un siècle acceptait, comme loi du mouvement du Soleil, tout groupe de formules qui
donnait, à chaque instant, les coordonnées du centre de cet astre à une minute
près ; le siècle suivant imposera à toute loi du mouvement du Soleil la condition de
lui faire connaître à 10 secondes près les coordonnées du centre du Soleil ; une
infinité de lois, reçues par le premier siècle, se trouveront ainsi rejetées par le second”

on peut aussi voir une même loi physique simultanément adoptée et rejetée par le
même physicien au cours du même travail ; Regnault poursuit au sujet de la
compressibilité des gaz, des recherches qui ont pr objet de substituer à la loi de
Mariotte une formule plus approchée ; au cours de ses expériences, il a besoin de
connaître la pression atmosphérique au niveau où affleure le mercure de son
manomètre : l’établit à partir de la formule de Laplace or celle-ci repose sur l’emploi
de la loi de Mariotte

4. toute loi de physique est provisoire parce qu’elle est symbolique. une loi de
Physique est provisoire car symbolique : se rencontre des cas où les symboles sur
lesquels elle porte ne sont plus capables de représenter la réalité d’une façon
satisfaisante
exemple : a. pour étudier un gaz, l’oxygène, le physicien en a créé une représentation
schématique, saisissable au raisonnement mathématique et au calcul algébrique : a
figuré ce gaz comme un des fluides parfaits qu’étudie la Mécanique ayant une
certaine densité, porté à une température, soumis à une certaine pression ; entre ces
trois éléments, densité, température, pression, il a établi une certain relation = loi
de compressibilité et de dilatation de l’oxygène
b. physicien place l’oxygène entre les deux plateaux d’un condensateur électrique
chargé ; s’il détermine la densité, la température, la pression du gaz, les valeurs ne
vérifieront plus la loi
signifie que la relation défectueuse était une relation symbolique, qu’elle
ne portait pas sur le gaz réel et concret qu’il manipule, mais sur un certain être de
raison, un gaz schématique caractérisé par sa densité, sa température et sa pression
⇒ attribution à l’oxygène d’un pouvoir diélectrique ; introduit dans la construction
du nouveau schéma l’intensité du champ électrique où le gaz est placé ; soumet e
symbole à de nouvelles études ⇒ loi de compressibilité de l’oxygène doué de
polarisation diélectrique = loi pls compliquée que celle obtenue et renferme
celle-ci comme cas particulier
c. gaz placé entre les pôles d’un électro-aimant ⇒ loi démentie ⇒ attribution au gaz
d’un coefficient d’aimantation et tient compte du champ magnétique ⇒ loi de
compressibilité et de dilatation du gaz polarisé et aimanté
“le symbole mathématique forgé par la théorie s’applique à la réalité
comme l’armure au corps d’un chevalier bardé de fer ; plus l’armure est
compliquée, plus le métal rigide semble prendre de souplesse ; la multitude des
pièces qui s’imbriquent comme de écailles assure un contact plus parfait entre l’acier
et les membres qu’il protège ; mais, si nombreux que soient les fragments qui la
composent, jamais l’armure n’épousera exactement le modelé du corps humain.”

exemple : loi de l’attraction universelle ; est-ce une loi définitive ? non pas, mais
une loi provisoire qui doit se modifier et se compléter pour se mettre
d’accord avec l’expérience.
eau dans un vase : selon loi de l’AU, on connaît force qui agit sur chacune de
particules de cette eau = le poids de la particule
la Mécanique nous indique quelle figure l’eau doit affecter : quelles que soient la
nature et la forme du vase, eau doit être terminée par un plan horizontal
⇒ or dans les faits elle cesse d’être horizontale au voisinage des parois de verre : voilà
la loi mise en défaut
⇒ pour éviter que les phénomènes capillaires ne démentent la loi de la G,
il faut la modifier : il ne faudra plus regarde la formule de la raison
inverse du carré de la distance comme une formule exacte mais comme une
formule approchée ; supposer que cette formule fait connaître de façon suffisante
l’attraction de deux particules matérielles éloignées, mais pas l’action mutuelle de
deux éléments très peu distants ; il faudra introduire erme complémentaire dans les
équations qui les rendra capables d’embrasser dans une même lois les mouvements
des astres et les effets capillaires
cette loi sera plus compréhensive que celle de Newton, mais ne sera pas sauve de
contradiction ; en deux points différents d’une masse liquide (Draper) si
l’on plonge des fils métalliques issus des deux pôles d’une pile : voilà les
lois de la capillarité en désaccord avec l’observation
pour faire disparaître ce désaccord, il faut modifier la formule des actions capillaires,
et la compléter en tenant compte des charges électriques que portent les particules du
fluide et des force qui s’exercent entre ces particules électrisées

5. les lois physiques sont plus détaillées que les lois de sens commun. une loi
de physique possède une certitude beaucoup moins immédiate et plus difficile à
apprécier qu’une loi de sens commun ; mais elle surpasse cette dernière par la
précision minutieuse et détaillée de ses prédictions
comparaison : à Paris, le Soleil se lève tous les jours à l’orient… moins précise que les
formules qui font connaître à chaque instant les coordonnées du centre du Soleil et
on sera convaincu de l’exactitude de cette proposition
cette minutie dans le détail, les lois de la physique ne la preuve acquérir qu’en
sacrifiant quelque chose de la certitude fixe et absolue des lois de sens
commun. précision et certitude : l’une ne peut croître qu’au détriment de l’autre.
“La vérité est une pointe si subtile que nos instruments sont trop émoussés pour y
toucher exactement. S’ils y arrivent, ils en écachent la pointe, et appuient tout
autour, plus sur le faux que sur le vrai.”
Bachelard, La Philosophie du Non

Chapitre I Explications d’un concept scientifique

“La notion de masse concrétise le désir même de manger.”

la première contradiction est alors, comme toujours la première connaissance : “quand on


tient un bien dans le creux de la main, on commence à comprendre que le plus gros n’est
pas nécessairement le plus riche”
une perspective d’intensité, animiste, vient approfondir la première vision de la quantité : la
notion de mass s’intériorise, elle devient le synonyme d’une richesse profonde, d’une
richesse intime, d’une concentration des biens

“N’est charge que ce qui surcharge.”

le deuxième niveau sur lequel on peut étudier la notion de masse correspond à un emploi
empirique
“Le concept est alors lié à l’usage de la balance.”

“il se forme une conduite de la balance aussi simple que la conduite du panier étudiée par
Pierre Janet pour caractériser une des premières formes de l’intelligence humaine.”

“Peser, c’est penser. Penser, c’est peser.”

“Une pensée empirique, attachée à une expérience aussi péremptoire, aussi simple, reçoit
le nom de pensée réaliste.”

avec Newton, le concept de masse prend un aspect rationnel


“La notion de masse se définit alors dans un corps de notions et non plus seulement comme
un élément primitif d’une expérience immédiate et directe.”
la masse sera le quotient de la force par l’accélération

l’ouverture se fait sur l’intérieur de la notion : on se rend compte que la notion de masse a
une structure fonctionnelle interne : elle n’est plus un atome notionnel
la relativité découvre que la masse, posée jadis par définition comme indépendante de la
vitesse, est une fonction compliquée de la vitesse

le rationalisme contemporain s’enrichit d’une dialectique en quelque sorte externe que le


réalisme est impuissant à décrire et impuissant à inventer
le concept de masse en mécanique de Dirac
la mécanique de Dirac part d’une conception aussi générale que possible du phénomène de
la propagation
on ne peut pas demander “de la propagation de quoi ?” : “la pensée scientifique
contemporaine commence par une epochê, par une mise entre parenthèses de la réalité.”
la mécanique de Dirac examine d’abord la propagation des “parenthèses” dans un espèce
de configuration : c’est la manière de se propager qui définira par la suite ce qui se propage
la mécanique de Dirac est donc au départ déréalisée

en fin de calcul, la notion de masse nous est livrée étrangement dialectique

nous n’avions besoin que d’une masse, le calcul nous en donne deux, deux masses pour un
seul objet

“Par conséquent, une moitié de la mécanique de Dirac retrouve et continue la mécanique


classique et la mécanique relativiste ; l’autre moitié diverge sur une notion fondamentale ;
elle donne autre chose ; elle suscite une dialectique externe, qu’on n’aurait jamais trouvée
en méditant sur l’essence du concept de masse, en creusant la notion newtonienne et
relativiste de la masse.”

la philosophie dialectique du “pourquoi pas ?” qui est caractéristique du nouvel esprit


scientifique, entre en scène.
dans quelle perspective d’expériences pourrait-on découvrir une masse négative ?
“ainsi, la réalisation prime la réalité.”

cas où l’interprétation d’une notion fondamentale dialectisée est effectivement réalisée :


l’énergie négative de Dirac
puisque ses équations de propagation conduisaient au concept d’énergie négative, Dirac se
donna pour tâche de trouver une interprétation phénoménale de ce concept
la découverte expérimentale de l’électron positif par Blackett et Occhiliani donne une
confirmation inattendue aux vues diraciennes

“Il y avait une prédiction théorique qui attendait le fait.”

on se pose la question : quel est le phénomène qui correspondrait au concept de masse


négative préparé par la mécanique de Dirac ?
distinction entre deux types de rêverie
- la rêverie anagogique : le rêve de l’esprit scientifique, qui s’aventure en pensant, qui
pense en s’aventurant, qui trouve une intuition subite dans les au-delà de la pensée
instruite
- la rêverie ordinaire : elle travaille à l’autre pôle, dans la région de la psychologie des
profondeurs, en suivant les séductions de la libido, les tentations de l’intime, les
certitudes vitales du réalisme, la joie de posséder

“la rêverie anagogique, dans son élan scientifique actuel, est, d’après nous, essentiellement
mathématisante”

La notion de profil épistémologique

nous nous rendons compte que les cinq philosophies que nous avons envisagées (réalisme
naïf, empirisme clair et positiviste, rationalisme newtonien ou kantien, rationalisme complet,
rationalisme dialectique) orientent dans diverses directions nos divers usages personnels de
la notion de masse
en abscisse : les philosophies successives ; en ordonnées : une valeur qui mesurerait la
fréquence d’usage effectif de la notion : on obtient alors un profil épistémologique personnel
de la notion de masse
un profil épistémologique ne vaut que pour un concept désigné et pour un esprit particulier
qui s’examine à un stade particulier de sa culture

en ce qui concerne le concept de masse


en ce qui concerne le concept d’énergie

“Notre conclusion est donc nette : une philosophie des sciences, même si on la limite à
l'examen d'une science particulière, est nécessairement une philosophie dispersée. Elle a
cependant une cohésion, c'est celle de sa dialectique, c'est celle de son progrès. Tout
progrès de la philosophie des sciences se fait dans le sens d'un rationalisme croissant, en
éliminant, à propos de toutes les notions, le réalisme initial.”

⇒ lien établi entre le profil épistémologique et l’obstacle épistémologique : “car un profil


épistémologique garde la trace des obstacles qu’une culture a dû surmonter.”

Chapitre III : Le non-substantialisme. Les prodromes d’une chimie non lavoisienne.

III montrer l’usage non-kantien de la catégorie de substance

la dialectique se développe dans deux directions

- en compréhension, sous la substance. “De véritables fonctions nouménales sont


alors apparues dans la Chimie, en particulier dans la chimie organique et dans la
chimie des complexes.” de l’expérience première à l’expérience instruite, passage
de la substance à un substitut “La formule développée est un substitut rationnel qui
donne, pour l’expérience, une comptabilité claire des possibilités.”
“le noumène explique le phénomène en le contredisant.”
objection : n’est-ce pas au niveau de l’électron qu’il faut attacher la notion de
substance ? “En effet, que ce soit à propos de sa localisation, de sa cinétique ou de
sa physique [...] Il s’ondulise et il s’anéantit.” “Ainsi, l’être même de l’électron conçu
comme substance élémentaire, sa valeur substantielle la plus nue, la plus claire, la
plus simple, paraît subir des indolences, des évanouissements, des
anéantissements. L’électron ne se conserve pas. Il échappe à la catégorie de
conservation que Meyerson posait comme la catégorie fondamentale de la pensée
réaliste.”
la notion de dynamisation de la substance chimique préfigure l’aspect non-lavoisien
de la chimie généralisée. on considère l’activité de la réaction entre les matières :
“Aussitôt un devenir se dessine sous l’être.”
ce devenir se présente comme une sorte de dialogue entre la matière et l’énergie
“L’énergie est partie intégrale de la substance ; substance et énergie sont à égalité
d’être.”
“L’énergie est aussi réelle que la substance et la substance n’est pas plus réelle que
l’énergie. Par l’intermédiaire de l’énergie, le temps met sa marque sur la substance.
L’ancienne conception d’une substance par définition hors du temps ne peut être
maintenue.”
exemple de la photochimie : la photochimie se crée, en tant que science spéciale,
seulement à l’instant où elle étudie l’intégration effective du rayonnement dans la
substance : alors on a l’impression que la substance chimique est un complexe de
matière et d’énergie et que les échanges énergétiques sont des conditions
fondamentales des réactions entre les substances
“La conservation de la masse n’est qu’une condition de la réaction. Cette
conservation n’est plus pleinement explicative.”
la photochimie nous entraîne à concevoir deux types d’existence
- la substance lavoisienne = existence permanente, dessinée dans l’espace
- le rayonnement se pose comme une existence essentiellement temporelle,
comme une fréquence, comme une structure du temps
“On peut même se demander si cette énergie structurée, vibrante, fonction
d’un nombre du temps ne suffirait pas pour définir l’existence de la
substance. Dans cette vue, la substance ne serait plus qu’un système
multirésonant, qu’un groupe de résonances, qu’une sorte d’amas de rythmes
qui pourrait absorber et émettre certaines gammes de rayonnements.”
- en extension, à côté de la substance. la chimie contemporaine est amenée à
considérer un pluralisme horizontal différent du pluralisme réaliste des substances
figées dans leur unité, définies par leurs singularités : dans la chimie contemporaine
“Comme les conditions de détection interviennent pour définir les substances, on
peut dire que ces définitions sont plus fonctionnelles que réalistiques. Il en résulte
une relativité fondamentale de la substance.”
- le réalisme en chimie est une vérité de première approximation, en deuxième
approximation, c’est une illusion
- la pureté est un concept justifié en première approximation, en deuxième
approximation, c’est un concept injustifiable par cela même que l’opération de
purification devient à la limite essentiellement ambiguë

règle méthodologique : aucun résultat expérimental ne doit être énoncé sur un mode
absolue, en le détachant des diverses expériences qui l’ont fourni
ici, aucune affirmation de pureté ne peut être détachée de son critère de pureté et de
l’histoire de la technique de purification
la purification est une opération qui peut présenter des stades, qui sont ordonnés :
les opérations chimiques qui mettent en jeu différents stades sont représentables par
des courbes continues. Paul Renaud : trajectoires chimiques
- digression : on établit une suprématie de la représentation sur la réalité, de
l’espace représenté sur l’espace réel ou qu’on dit réel
objection à la notion de trajectoire chimique : cette notion est une simple
métaphore
1. attaque des affirmations réalistiques touchant la notion de t.c. : les
intuitions soi-disant réelles s’exposent et se discutent dans un espèce
représenté. “nous réfléchissons, non pas dans un espace réel, mais
dans un véritable espace de configuration.”
dès que nous pensons les mouvements, nous les retraçons dans un
espèce qui est un espace de configuration en ce sens que les deux
dimensions de notres schéma sont pensées indépendantes l’une de
l’autre
“tout mouvement représenté, et à fortiori tout mouvement pensé, est
représenté et pensé dans un espace de configuration, dans un
espace métaphorique.”
“Le phénomène scientifique est vraiment configuré, il réunit un
complexe d’expériences qui ne se trouvent pas effectivement
configurées dans la nature.”
2. si tout est métaphore, rien n’est métaphore. “Le plan fonctionnel,
c’est-à-dire le plan où se représente la liaison des fonctions est le
véritable plan réel : si l’on tient une fonctionnalité, on tient une réalité.
“En résumé, métaphore mathématique et phénomène mesuré ne
peuvent être distingués; la métaphore a les mêmes propriétés
générales que la réalité; la réalité n’est pas pensée et comprise
autrement que par métaphore.

métaphysique nouvelle définissant la substance d’une manière externe ; Whitehead,


substance : on définit la substance par la cohérence des principes rationnels, qui servent à
coordonner ses caractères, plutôt que par la cohésion interne qu’affirme la réalisme, en
dépassant toujours la portée des preuves effectives
pour souligner que la substance est définie par un groupe de déterminations externes
agencées de telle manière qu’elles ne peuvent toutes ensemble se préciser assez pour
atteindre un intérieur absolu, on peut retenir le nom d’ex-stance.

avc théorie de l’ex-stance, détermine absolu de l’évolution des qualités substantielles passe
de la phase ponctuelle à la phase ondulatoire
la substance refuse les traductions ponctuelles dès qu’on multiplie les efforts de
détermination précise
- si la connaissance de la substance est claire : c’est qu’on n’a pas le souci de
distinguer la substance examinée de substances réellement voisines et d’étudier la
sensibilité des variations de ses caractères
- si la connaissance prétend être précise et distincte, il ne s’agit plus d’étudier
séparément des substances lointaines : dans une étude distincte, on étudie au
contraire des substances évoluantes, des substances qui ont des activités
substantielles déterminées dans des opérations diverses
dans une philosophie de la précision en chimie, le critère cartésien de l’évidence claire et
distincte est écartelé; connaissance intuitive et connaissance discursive s’opposent
brutalement
à l’une la clarté sans la distinction, à l’autre la distinction sans la clarté

⇒ exemple : thèse de Georges Champetier sur les combinaisons d’addition de la cellulose


illusoire de définir la cellulose à l’aide de certains caractères tant chimiques que physiques :
car les celluloses de diverses origines ont des aspects différents et des comportements très
variables vis-à-vis de certains réactifs chimiques
puisque la méthode analytique ne fonctionne pas, on va essayer d’identifier la substance
par une des ses fonctions, d’une manière opératoire et non plus substantielle en étudiant les
produits d’addition de la cellulose et de la soude

problème dans l’isolement d’un produit d’addition obtenu en traitant la cellulose par une
solution de soude : l’addition doit se faire en présence de l’eau et quand on veut enlever
l’excès d’eau, on risque de détruire la combinaison sodique ; on ne sait pas arrêter à temps
l’opération de lavage

⇒ puisqu’une seule opération est insuffisante, puisqu’une seule trajectoire chimique ne


suffit pas à désigner la substance cherchée, on considérera un groupe d’opérations
similaires, une famille de t.c.
on étudiera une série de prélèvements du sel double imprégné d’une quantité décroissante
d’eaux-mêres : pour chaque prélèvement, c’est-à-dire pour une concentration initiale
donnée, les points figuratifs d’une suite d’analyses de placent en ligne droite.
Champetier : “En répétant ces expériences pour d’autres concentrations des solutions
initiales, on obtient un faisceau de droites qui, dans certains domaines, concourent en des
points dont les coordonnées fixent la composition des sels doubles qui prennent naissance.

“la substance pure se représente ainsi comme un état déterminé par extrapolation, Paul
Renaud : “La définition de composés définis se fait au moyen de convergences d’opérations,
comme celle d’un point lumineux projeté se fait par une convergence de rayons.”

noter que les déterminations éloignées de la pureté sont aussi utiles pour déterminer la
substance pure que les déterminations les plus proches
“la comportement de la substance impure désigne déjà et comme de loin des caractères de
la substance pure; mais cette désignation nécessite des expériences multiples, diverses,
vraiment externes. La cellulose est connue ici comme un ex-stance plutôt que comme une
substance.”

La logique non-aristotélicienne

il semble bien que la Physique de l’objet quelconque soit la physique d’un objet qui a gardé
une spécificité : l’objet de toute connaissance usuelle garde la spécificité de la localisation
géométrique euclidienne
il garde aussi la spécificité substantielle : il est entièrement d’accord avec “le schème de la
substance qui est la permanence du réel dans le temps.”
⇒ si se présente un objet non euclidien, le criticisme doit être refondé

faire état d’une corrélation dont jouissent les différents niveaux de la cohérence criticiste
kantienne
“éclate dans le fait que toutes les règles syllogistiques pouvaient être illustrées, ou
“intuitionnées” par les appartenances du plan euclidien.”
les cercles d’Euler représentaient l’extension des termes du syllogisme et ont été ainsi
promus par le faible logicien Schopenhauer “Bref, l’espace symbolisait avec la substance.
La substance contenait ses qualités comme un volume ou une surface contient son
intérieur.”
⇒ le kantisme a bénéficié d’un accord quasi miraculeux entre les principes de l’intuition et
ceux de l’entendement

présentation d’un objet qui déroge à la spécification par la localisation euclidienne


(reprise de L’Expérience de l’espace dans la physique contemporaine)
postulat de non-analyse = le principe de heisenberg dont la fonction généralisée revient à
interdire la séparation des qualités spatiales et des qualités dynamiques dans la
détermination du micro-objet
⇒ le micro-objet se présente alors comme un objet bi-spécifié
“l’espace de l’intuition ordinaire où se trouvent les objets n’est qu’une dégénérescence de
l’espace fonctionnel où les phénomènes se produisent. Or, la science contemporaine veut
connaître des phénomènes et non pas des choses. Elle n’est nullement chosiste. La chose
n’est qu’un phénomène arrêté.”

“On vit dans le monde de la représentation schopenhauerienne. On pense dans le monde


de la représentation intellectuelle. Le monde où l’on pense n’est pas le monde où l’on vit.”

⇒ conclusion sûre : “des fonctions dynamiques corrélatives à l’étude des micro-objets se


présentent en liaison inséparable avec les fonctions de la localisation. La logique générale
ne peut donc plus apparaître comme une description statique de l’objet quelconque. La
logique ne peut plus être chosiste; elle doit réintégrer les choses dans le mouvement du
phénomène.”

L. Reiser Non-Aristotelicion Logic and the Crisis in Science


Reiser pert d’une suite de proposition d’essence scientifique rangées par opposition en une
double table de thèses et d’antithèses
son but est de prouver que le principe d’identité, fondement de la logique aristotélicienne est
désormais désuet parce que certains objets scientifiques peuvent avoir chacun des
propriétés qui se vérifient dans des types nettement opposés
exemple : L’électron est un corpuscule / L’électron est un phénomène ondulatoire.
elles semblent s’exclure, mais en fait c’est la forme trop fortement substantivée, trop
sommairement réaliste qui produit la contradiction
la pensée réaliste pose le sujet avant les prédicats alors que l’expérience en microphysique
part de prédicats de prédicats, de prédicats lointains et s’efforce simplement de coordonner
les manifestations diverses d’un prédicat.
⇒ en convertisseur les propositions
Dans certains cas, la fonction électronique se résume sous une forme corpusculaire
Dans certains cas, la fonction électronique s’étend sous une forme ondulatoire
“Cette déformation des concepts que nous ne savons pas régler, pas limiter nous montre
l’actuel divorce de la psychologie et de la logique. La logique contemporaine a besoin de
réformes psychologiques.”

La valeur synthétique de la “philosophie du non”

matière-état
différentielle

Chapitre II La rectification des concepts

le concept, élément d’une construction, n’a tout son sens que dans une construction

la connaissance minima dont il peut être l’objet doit s’expliciter en une proposition : sa
simple analyse doit distinguer les prédicats de l’acte qui les réunit
définition scientifique de la force : le produit de la masse par l’accélération ; mais ce n’est
pas une égalité verbale parfaite, et le produit de la masse par l’accélération, une fois défini
comme force, ne reste pas le simple produit de deux quantités antérieurement connues : il
acquiert par synthèse les propriétés de la force : les propriétés de la force illustrent les
propriétés du produit artificiellement formé, au point qu’elles deviennent intuitives :
additivité, combinaison scalaire et vectorielle

⇒ diversité initiale, la force est autre chose que le produit de la masse par l’accélération : sa
définition, quand elle est pensée, traduit un mouvement épistémologique, qui est irréversible

l’intérieur du concept est encore envahi par les images : la besogne n’est jamais finie de
débarrasser ces formes de la matière originelle que le hasard y avait déposée

jamais l’effort psychologique ne peut nous conduire jusque dans la logique pure

même en confinant le concept dans la logique pure on peut trouver trace d’un arbitraire
essentiel ds la limitation de sa compréhension : le concept = un arrêt dans l’analyse, un
décret par lequel on retient les caractères qu’on affirme suffisants pour reconnaître un objet

chaque fois qu’un concept entre dans un jugement, il se diversifie ; présenter un concept
dans son isolement n’est pas penser
on prétend poser une notion comme un acte simple de l’esprit : soit le concept d’homme “on
ne fait cependant qu’ouvrir une attente”

“la pensée ne commence qu’avec le verbe”

c’est dans chaque jugement que nous avons besoin d’unité ; les jugements eux-mêmes
peuvent rester séparés

on prétend souvent interdire toute fragmentation de la connaissance, loin de sentir la valeur


épistémologique fondamentale du jugement isolé

la multiplicité et l’hétérogénéité des hypothèses et des théories avec lesquelles on fait un petit
bout de chemin et qu’on abandonne ensuite, ont paru un scandale de la physique
maxwellienne

⇒ on souhaitait une unification complète sans rapport avec les possibilités scientifiques
actuelles “comme si le monde, dans son ensemble, était un sujet possible d’une expérience
humaine.”

ce que Kant a vu dans l’acte unificateur du “je pense” = la subjectivation grammaticale des
prédicats multiples : l’expérience nous met en contact avec des attributs, l’esprit attache un
sujet à une collection plus ou moins liée ; dès lors cette collection est considérée comme
effectivement pensée
⇒ peut donner lieu à jugement de vérification qui retourne du sujet constitué aux prédicats
et donc à l'expérience
exemple : l’ébranlement électromagnétique est-il réductible à la mécanique ?
ce problème conduit à modification du concept d’ébranlement : le sujet ébranlement, qui
nous vient du mot à signification usuelle, doit-il faire place au sujet
ébranlement-électromagnétique, avec un trait d’union pr traduire l’incorporation de la classe
des prédicats désignée par l’épithète électromagnétique dans le sujet de nouveaux jugements
?

thèse de la discontinuité conceptuelle absolue de James : “les concepts forment un système


essentiellement discontinu, et transposent le processus de nos perceptions sensibles, qui est
un flux, en une série de termes, immobiles et pétrifiés.”

⇒ la relation réagit à l’essence : le nombre des qualificatifs est si grand que nous pouvons
admettre une quasi-continuité notionnelle
l’état logique est un état simple, simpliste : employer un concept c’est précisément le faire
interférer avec une expérience nouvelle
“la conceptualisation nous apparaît toujours comme essentiellement inachevée.” et elle ne
peut se poursuivre que par composition

pour légitimer continuité fonctionnelle de la conception, on n’a eu égard qu’aux prédicats :


mais rare qu’une propriété soit longuement étudiée à l’aide de concepts
elle est posée par un concept, mais on adjoint bientôt l’idée d’intensité ou de grandeur

les prédicats sont aussitôt enrichis et assouplis, prêt pour une étude graduée et progressive ;
on a prétendu que l’intensité = une quantité par métaphore
mais cette métaphore, même indirecte, peut nous servir à apparenter les concepts, à en faire
des classes, les ranges dans ces classes

si on peut ordonner la qualité, on pourra atteindre à une connaissance approximative plus


fine, plus apte à saisir à la surface des choses la faible mobilité qualitative

⇒ substituer à “l’ambitieuse intuition d’emblée des grands philosophes, une intuition


progressivement organisée, très apte à prolonger les concepts.”

Chapitre III

certes, l’intensité des sensations comme des états psychologiques est métaphorique : mais
cette métaphore traduit une réalité, et en admettant que, dépouillée des circonstances qui la
produisent ou l’accompagnent, la sensation ne fût plus que le signe d’une qualité pure, on
n’aurait pas fait la preuve que cette qualité pure n’a pas en soi-même un caractère qui la
classe, et par lequel, très indirectement dans la science, mais spontanément dans l’intuition,
on la retrouve.

⇒ ce caractère primordial = l’ordre qualitatif


POLITIQUE

Aristote, Politiques

I, 1

Puisque toute cité est une certaine communauté et que toute communauté a été constituée
en vue d'un certain bien - car c'est en vue de ce qui leur semble bien que tous les hommes
font ce qu'ils font, c’est le bien le plus éminent entre tous que vise au plus haut point celle qui
est la plus éminente de toutes et qui contient toutes les autres
⇒ c’est la cité, c’est-à-dire la communauté politique

distinction entre l’homme politique, le roi, le chef de famille, le maître d’esclave : c’est selon
la différence spécifique et non selon le nombre de gens qui y sont soumis qu’ils diffèrent

on doit diviser le composé en ses éléments non composés

I, 2

il est nécessaire d’abord que s'unissent les êtres qui ne peuvent exister l'un sans l'autre :
homme et femme en vue de la procréation ; commandant et commandé et ce par nature en
vue de leur mutuelle sauvegarde.
être capable de prévoir par la pensée c'est être par nature apte à commander c'est-à-dire être
maître par nature, alors qu'être capable d'exécuter physiquement ces tâches c'est être destiné
à être commandé c'est-à-dire esclave par nature ⇒ la même chose est avantageuse au maître
et à l’esclave
la communauté naturelle constituée en vue de la vie de tous les jours = la famille ; la
communauté première formée de plusieurs familles en vue de satisfaire des besoins qui ne
sont pas ceux de la vie quotidienne = le village ; colonie de la famille, le village semble être
une réalité tout à fait naturelle ; on appelle parfois les membres des gens qui ont tété le
même lait, des enfants, des petits-enfants ; c’est pourquoi les cités ont d’abord été
gouvernées par des rois : car toute famille est régie par le plus âgé, de sorte que les colonies
de familles le sont aussi du fait de la parenté de leurs membres
la communauté achevée formée de plusieurs villages = cité dès lors qu’elle atteint le terme de
l’autarcie pour ainsi dire complète ; se constituant en vue de vivre, elle existe, en vue de la
vie heureuse
“Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l'homme
est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement et non pas par
hasard, est soit un être dégradé, soit un être surhumain, et il est comme celui qui est injurié
en ces termes par Homère : sans lignage, sans loi, sans foyer”

un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre, étant comme un pion
isolé dans un jeu

la nature ne fait rien en vain : l’homme a un langage ; la voix = signe du douloureux et de


l’agréable, on la rencontre chez les animaux ; mais le langage existe en vue de manifester
l’avantageux et le nuisible, et par suite le juste et l’injuste
⇒ ce qui est propre aux hommes par rapport aux animaux = ils ont la perception du bien,
du mal, du juste, de l’injuste : or avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait une
famille et une cité

le cité est par nature antérieure à la famille et à chacun de nous ; le tout est nécessairement
antérieur à la partie

s’il est vrai que chacun pris séparément n’est pas autosuffisant, il sera dans la même
situation que les autres parties vis-à-vis du tout, alors que celui qui n’est pas capable
d’appartenir à une communauté ou qui n’en a pas besoin parce qu’il se suffit à lui-même
n’est en rien une partie d’une cité, si bien que c’est soit une bête, soit un dieu.

le premier qui établit une communauté fut cause des plus grands biens : “de même, en effet,
qu'un homme est le meilleur des animaux quand il est accompli, de même aussi quand il a
rompu avec loi et justice est-il le pire de tous.”
car il peut se servir des armes servant à la prudence et à la vertu à des fins absolument
inverse : “il est le plus impie et le plus féroce quand il est sans vertu et il est le pire des
animaux dans ses dérèglements sexuels et gloutons.”

or la justice est quelque chose de politique, car la justice introduit un ordre dans la
communauté politique, et la justice décide de ce qui est juste

I, 4

instruments = instruments de production, le bien acquis appartient à l’ordre de l’action : de


la navette on tire autre chose que son usage ; de l’habit on tire son propre usage
or la vie est action et non production, et c’est pourquoi l’esclave, lui aussi, est un exécutant
parmi ceux qui sont destinés à l’action

Car celui qui par nature ne s'appartient pas mais qui est l'homme d'un autre, celui-là est
esclave par nature ; et [15] est l'homme d'un autre celui qui, tout en étant un homme, est un
bien acquis, et un bien acquis, c'est un instrument en vue de l'action et séparé.

I, 5

est-il naturel d’être esclave pour quelqu’un ? la raison le montre aussi bien que les faits
l'enseignent.

I, 13

différences entre les vertus

d’un côté, il n’est pas possible que le commandant et le commandé diffèrent selon le plus et
le moins, mais ils doivent différer spécifiquement : donc semble que l’un doivent posséder les
vertus de l’homme libre, l’autre non
de l’autre, sans vertu, impossible d’être bien obéissant : un homme déréglé et lâche ne
remplira aucun de ses devoirs
⇒ tous les deux doivent nécessairement participer à la vertu, mais celle-ci comporte des
différences spécifiques, comme il y en a une entre ceux qui sont commandés par nature

appel à la psychologie : l’âme possède naturellement en elle une partie qui commande, et une
partie commandée, les quelles ont selon nous des vertus propres, à savoir celle de la partie
douée de raison, celle de la partie non douée de raison

⇒ celui qui commande doit posséder la vertu éthique achevée alors que chacun des autres
n’en a besoin que dans la mesure où cela lui convient
ils ont tous une vertu éthique, mais la tempérance n’est pas la même chez la femme et chez
l’homme, ni le courage ni la justice, comme Socrate le pensait ; chez l’un il y a un courage de
chef, chez l’autre un courage de subordonnée…

critique de ceux qui disent en général que la vertu est un bon état de l’âme, une bonne
conduite… il vaut mieux énumérer les vertus comme le fait Gorgias plutôt que de les
énumérer ainsi

“pour une femme sa parure c’est son silence”, Sophocle : il n’en va pas de même pour
l’homme

de même, puisque l’enfant est inachevé, sa vertu propre se définit par rapport non à lui, mais
à la fin qui est la sienne, celui qui le gouverne

la manouvrier vit un esclavage partiel, et l’esclave fait partie des êtres par nature, ce qui n’est
pas le cas de l’ouvrier…

III, 1

définition du citoyen : un citoyen ne peut pas être mieux défini que par la participation à
une fonction judiciaire et à une magistrature, ou plutôt, à une magistrature sans limites

dans les constitutions autres que la démocratie, le magistrat sans limites n’est plus celui
membre de l’assemblée et juge, mais celui qui est borné à une magistrature définie

citoyen = celui qui la faculté de participer au pouvoir délibératif ou judiciaire ; la cité =


l’ensemble des gens de cette sorte capable de vivre en autarcie

III, 2

dans la pratique on définit un citoyen = celui qui est né de deux citoyens

⇒ régression à l’infini : le premier citoyen, de quel droit l’est-il ?

de plus difficulté : cas des gens qui ont acquis la citoyenneté suite à un changement de
constitution

III, 3
on se demande quand c’est la cité qui a agi et quand ce n’est pas la cité : quand une
démocratie remplace une oligarchie ou une tyrannie par exemple
pour certains, il ne faut pas honorer les contrats sous prétexte que ce n’est pas la cité mais le
tyran qui les a passés, ni beaucoup d’autres engagements de ce genre, sous prétexte que
certaines constitutions reposent sur la force et ne vient pas l’avantage commun
(un gouvernement démocratique également peut être de ce genre : gouverner par la force)

d’après quel critère faut-il dire que la cité est la même ou n’est pas la même mais une autre
?

quand le territoire et la population ont été divisés en morceaux, les uns habitant en un
endroit, les autres en un autre : la cité reste-t-elle la même ?

on ne doit pas estimer que la cité est une d’après ses murailles : on pourrait entourer le
Péloponèse d’une muraille

si la cité est une communauté de constitution entre des citoyens, il semble que
nécessairement la cité ne soit plus la même lorsque la constitution devient spécifiquement
autre

⇒ c’est la constitution qui fait l’identité de la cité : par contre on peut lui donner un nom
différent ou lui garder le même, qu’elle continue d’être habitée par les mêmes gens ou des
gens différents

III, 4

les marins sont différents par leurs fonctions (l’un est rameur, l’autre pilote, l’autre chef de
proue…) et donc la définition la plus exacte de l’excellence de chacun lui sera propre ; mais
d’autre part il y a une définition commune de la vertu qui convient à tous : car la sécurité de
la navigation est leur affaire commune

de même pour les citoyens, bien que différents, la sécurité de la communauté est leur affaire,
et la constitution est cette communauté
donc l’excellence du citoyen est nécessairement fonction de la constitution : et il y a plusieurs
constitutions donc évident qu’il n’est pas possible qu’il y ait pr le bon citoyen une excellence
unique

de l’homme de bien au contraire nous disons qu’il est tel selon une vertu unique, la vertu
parfaite

méthode diaporématique

- il est impossible qu’il existe une cité dont tous les citoyens seraient gens de bien,
pourtant il faut que chacun s’acquitte bien de sa tâche, ce qui est l’effet d’une
excellence
- il est impossible que tous les citoyens soient identiques et donc il n’y aura pas une
excellence unique pr le bon citoyen et l’homme de bien
“dans la cité vertueuse tous les citoyens ne sont pas nécessairement bons.”
- puisque la cité est formée de gens dissemblables, il est nécessaire qu’il n’y ait pas une
excellence unique pour tous les citoyens comme il n’y en a pas parmi les choreutes,
pour un chef de choeur et un membre du choeur

pouvoir politique = pouvoir en vertu duquel on commande à des gens du même genre que
soi, c’est-à-dire libres
le gouvernant doit l’apprendre en étant d’abord gouverné, comme on apprend à commander
la cavalerie en obéissant dans la cavalerie…
“il est impossible de bien commander si l’on a pas bien obéi.”
“l’excellence propre du citoyen est de connaître le gouvernement des hommes libres dans ces
deux sens.”

c’est aussi l’excellence de l’homme de bien ; elle n’est pas unique mais a des espèces, comme
la justice selon qu’elle est celle d’un gouvernant, ou d’un gouverné… de même que la
tempérance et le courage de l’homme et de la femme sont différents

la prudence = la seule vertu propre au gouvernant, les autres vertus sont communes aux
gouvernants et aux gouvernés ; et pour un gouverné, l’excellence n’est pas la prudence, mais
l’opinion vraie
le gouverné est comme le fabricant de flûtes, le gouvernants comme le flûtiste qui les utilise

III, 7

constitution = gouvernement ; gouvernement = ce qui est souverain dans les cités, est
souverain soit un individu, soit plusieurs, soit un grand nombre de gens
quand ils gouvernent en vue de l’avantage commun, ce sont des constitutions droites ; quand
c’est en vue de leur intérêt propre, ce sont des déviations

car ou bien il ne faut pas appeler citoyens ceux qui participent à la vie de la cité, ou bien il
faut qu’ils en partagent les avantages

quand la multitude détient le gvt en vue de l’avantage commun = gouvernement


constitutionnel, appelée du nom commun à toutes les constitutions ; une seule vertu naït
dans la masse = la vertu guerrière
dans cette dernière sorte de constitution, c’est la classe guerrière qui est absolument
souveraine, et ce sont ceux qui détiennent les armes qui ont part au pouvoir

III, 8

les différences entre démocratie et oligarchie ne viennent pas du nombre de gens au pouvoir,
mais c’est la pauvreté et la richesse qui les différencient
là où ceux qui gouvernent le font du fait de leur richesse, qu’ils soient minoritaires ou
majoritaires, c’est une oligarchie ; là où ce sont les gens modestes, c’est une démocratie

III, 9

la vertu et le vice politiques, est ce sur quoi ceux qui se soucient de bonne législation ont les
yeux fixés ; la cité doit s’occuper de vertu, sinon elle deviendrait une alliance militaire ; alors
la loi serait pure convention et un garant de la justice dans les rapports mutuels, mais sans
être capable de rendre les citoyens bons et justes

la cité n’est pas une communauté de lieu, établie en vue de s’éviter les injustices mutuelles et
permettre les échanges : une cité = la communauté de la vie heureuse, c’est-à-dire dont la fin
est une vie parfaite et autarcique pour les familles et les lignages
⇒ certes ce ne sera pas sans que aussi les gens habitent en un seul lieu et sans qu’ils
recourent aux mariages entre eux ; de là sont nés dans les cités alliances de parenté,
phratries, sacrifices publics, activités de loisir de la vie en commun : mais toutes ces
relations sont l’oeuvre de la philia car le choix réfléchi de vivre ensemble =
philia

la fin d’une cité = la vie heureuse ; les relations sont en vue de cette fin

une cité est la communauté des lignes et des villages menant une vie parfaite et autarcique :
c’est cela, selon nous, mener une vie heureuse et belle

c’est en vue des belles actions qu’existe la communauté politique et non en vue du vivre
ensemble

III, 11

il est possible que de nombreux individus, dont aucun n’est un homme vertueux, quand ils
s’assemblent soient meilleurs que les gens vertueux
⇒ “de même que cela donne une sorte d’homme unique aux multiples pieds, aux multiples
mains et avec beaucoup d’organes des sens, de même en est-il aussi pour les qualités
éthiques et intellectuelles.” ; la multitude meilleur juge en ce qui concerne les arts et les
poètes

sur quoi les hommes libres doivent-ils être souverains ? leur confier de hautes magistratures
est dangereux : leur injustice et déraison leur feront commettre, l’une des actes injustes,
l’autre des erreurs
⇒ mais on ne peut pas ne rien leur concéder car dangereux aussi : il faut donc les faire
participer aux fonctions délibératives et judiciaires ; Solon leur assigne la désignation aux
magistratures et la vérification des comptes des magistrats, mais ne les laissent pas
gouverner individuellement

quand ils sont tous réunis, ils possèdent une juste perception, et mélangé aux meilleurs ils
sont utiles aux cités ; mais pris un à un, chacun a un jugement imparfait

III, 13

s’il faut assurer à la cité une vie bonne, ce sont avant tout l’éducation et la vertu qui doivent
permettre la revendication d’un pouvoir
il ne faut pas attribuer l’égalité en tout à ceux qui ne sont égaux que sur un point déterminé ;
ou l’inégalité en tout à ceux qui ne sont inégaux que sur un seul point
par exemple, les riches revendiquent le pouvoir parce qu’ils possèdent la plus grande partie
du territoire

par contre, c’est justement que la vertu formule sa revendication, car la justice est une vertu
communautaire à la suite de laquelle viennent nécessairement toutes les autres vertus

V, 2

il y a trois causes de séditions : l’état d’esprit des séditieux, en vue de quoi ils agissent, les
principes des troubles politiques et des dissensions entre citoyens

l’état d’esprit des séditieux : provoquent des séditions :


- ceux qui revendiquent l’égalité pour peu qu’ils estiment avoir moins, eux qui sont les
égaux de ceux qui ont plus qu’eux ;
- ceux qui revendiquent l’inégalité s’ils tiennent pour acquis qu’ils n’ont pas plus que
les autres, mais qu’ils ont autant sinon moins, alors qu’ils sont inégaux

⇒ ces deux aspirations sont parfois justes parfois injustes

ce qui provoque les séditions = l’appât du gain, le goût des honneurs, et leurs contraires :
pour éviter le déshonneur ou un dommage

les causes et les principes des changements à la suite desquels on acquiert la disposition à la
sédition
- l’appât du gain, le goût des honneurs, non pas en tant que fins, mais parce qu’ils en
voient d’autres en posséder plus qu’eux, les uns justement, les autres injustement
- la démesure, la crainte, l’excès, le mépris, l’accroissement hors de proportion
- les intrigues, la négligence, les petits changements, l’absence d’homogénéité

V, 8

à propos de la sauvegarde des constitutions


- que personne ne viole la loi, et surtout se garder des petites violations
- ceux qui se soucient de la constitution doivent entretenir des sujets de craintes et
présenter comme proches des menaces lointaines
- se préserver des querelles et des séditions parmi les notables
“reconnaître l’émergence d’un mal dès son origine, voilà qui n’est pas le fait du premier
venu mais d’un véritable homme politique.”
- se garder d’une situation où la cité ne serait prospère que dans telle ou telle de ses
parties
- que la constitution soit organisée de telle façon que les magistratures ne soient pas
sources de profits

Montesquieu, L’esprit des lois


I, 1

les lois = rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses

il y a une raison primitive ; et les lois sont les rapports qui se trouvent entre elle et les
différents êtres, et les rapports de ces divers êtres entre eux

ces règles sont un rapport constamment établi : chaque diversité est uniformité chaque
changement est constance

les êtres particuliers intelligent peuvent avoir des lois qu’ils ont faites; mais ils en ont aussi
qu’ils n’ont pas faites ; avant qu’il y eût des êtres intelligents, ils étaient possibles ; ils
avaient donc des rapports possibles et donc des lois possibles ; avant qu’il y eût des lois
faites, il y avait des rapports de justice possibles

“Dire qu'il n'y a rien de juste ni d'injuste que ce qu'ordonnent ou défendent les lois positives,
c'est dire qu'avant qu'on eût tracé de cercle, tous les rayons n'étaient pas égaux”

⇒ rapports d’équité antérieurs à la loi positive qui les établit : exemples = supposé qu'il y eût
des sociétés d'hommes, il serait juste de se conformer à leurs lois; que, s'il y avait des êtres
intelligents qui eussent reçu quelque bienfait d'un autre être, ils devraient en avoir de la
reconnaissance; que, si un être intelligent avait créé un être intelligent, le créé devrait rester
dans la dépendance qu'il a eue dès son origine; qu'un être intelligent, qui a fait du mal à un
être intelligent, mérite de recevoir le même mal; et ainsi du reste.

différence entre le monde intelligent et le monde physique : les deux ont des lois invariables,
mais le premier ne les suit pas constamment, comme le monde physique suit les siennes

I, 2

les lois de la nature ainsi nommées car dérivent uniquement de la constitution de notre être

la loi qui nous imprime l’idée d’un créateur et nous porte vers lui est la première des lois
naturelles par son importance, mais pas par son ordre

- l’homme songerait d’abord à la conservation de son être, avant de chercher l’origine


de son être, il ne sentirait que sa faiblesse, serait extrêmement timide : critique de
Hobbes
- de plus, il aurait le sentiment de ses besoins, et une autre loi serait celle qui
inspirerait de chercher à se nourrir
- la troisième loi serait la prière naturelle
- la quatrième loi serait le désir de vivre en société

I, 3

sitôt que les hommes sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse ; l'égalité, qui
était entre eux, cesse, et l'état de guerre commence.
chaque société particulière vient à sentir sa force; ce qui produit un état de guerre de nation à
nation. Les particuliers, dans chaque société, commencent à sentir leur force; ils cherchent à
tourner en leur faveur les principaux avantages de cette société; ce qui fait entre eux un état
de guerre.

⇒ ces deux sortes d’état de guerre font établir les lois parmi les hommes : lois dans le
rapport que ces peuples ont entre eux : DROIT DES GENS ; lois du rapport qu’ont ceux qui
gouvernent avec ceux qui sont gouvernés : DROIT POLITIQUE ; rapport des citoyens entre
eux : DROIT CIVIL

le gouvernement le plus conforme à la nature est celui dont la disposition particulière se


rapporte mieux à la disposition du peuple pour lequel il est établi.

les lois doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c'est un
très grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir à une autre.

doivent être relatives au physique du pays; au climat glacé, brûlant ou tempéré; à la qualité
du terrain, à sa situation, à sa grandeur; au genre de vie des peuples, laboureurs, chasseurs
ou pasteurs; elles doivent se rapporter au degré de liberté que la constitution peut souffrir; à
la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur
commerce, à leurs mœurs, à leurs manières.
elles ont des rapports entre elles; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur,
avec l'ordre des choses sur lesquelles elles sont établies.
⇒ c'est dans toutes ces vues qu'il faut les considérer.

II, 1

le gouvernement REPUBLICAIN = celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du


peuple, a la souveraine puissance

le gouvernement MONARCHIQUE = celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et
établies

le gouvernement DESPOTIQUE = un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté
et par ses caprices.

II, 2

le peuple est admirable pour choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de son autorité

il est capable de rendre compte de la gestion des autres, mais n’est pas propre à gérer par
lui-même
II, 4
il faut dans une monarchie, des rangs intermédiaires, mais aussi un dépôt des lois, qui ne
peut être que dans les corps politiques, qui annoncent les lois lorsqu'elles sont faites et les
rappellent lorsqu'on les oublie.
“ignorance naturelle à la noblesse”, son mépris pour le gouvernement civil, exigent qu’il y ait
un corps qui fasse sort les lois de la poussière où elles seraient ensevelies

⇒ dans les états despotiques, où il n’y a pas de lois fondamentales, il n’y a pas de dépôt de
lois et donc la religion a de la force car elle forme une espèce de dépôt, de permanence ;
sinon, ce sont les coutumes au lieu des lois

II, 5

“‘l’établissement d’un vizir est dans cet Etat une loi fondamentale.”

III, 1

les lois relatives au principe du gouvernement

distinction entre la nature = ce qui fait être tel un gouvernement (sa structure particulière) et
le principe = ce qui le fait agir (les passions humaines qui le font mouvoir)

III, 3

il faut dans un Etat populaire un ressort qui est la VERTU : il est clair que dans une
monarchie, où celui qui fait exécuter les lois se juge au-dessus des lois, on a besoin de moins
de vertu que dans un gouvernement populaire, où celui qui fait exécuter les lois sent qu'il y
est soumis lui-même, et qu'il en portera le poids.

III, 5

dans les monarchies, la politique fait faire les grandes choses avec le moins de vertu qu’elle
peut

L'État subsiste indépendamment de l'amour pour la patrie, du désir de la vraie gloire, du


renoncement à soi-même, du sacrifice de ses plus chers intérêts, et de toutes ces vertus
héroïques que nous trouvons dans les anciens, et dont nous avons seulement entendu
parler.

les lois y tiennent la place des vertus, dont on n’a aucun besoin ;

l’Etat vous en dispense : une action qui se fait sans bruit y est en quelque façon sans
conséquence ; il faut distinguer entre les crimes publics et privés qui offensent plus un
particulier que la société entière

III, 6

il a cependant un autre ressort : L'HONNEUR, c'est-à-dire le préjugé de chaque personne et


de chaque condition, prend la place de la vertu politique dont j'ai parlé, et la représente
partout.
tout le monde sera à peu près bon citoyen, et on trouvera rarement quelqu'un qui soit
homme de bien; car, pour être homme de bien 40, il faut avoir intention de l'être 41, et aimer
l'État moins pour soi que pour lui-même.

III, 7

il faut de la CRAINTE dans un gouvernement despotique: pour la vertu, elle n'y est point
nécessaire, et l'honneur y serait dangereux.

III, 10

dans les Etats despotiques, la nature du gouvernement demande une obéissance extrême :
“l’homme est une créature qui obéit à une créature qui veut.”
⇒ exemple en Perse : pourtant une chose que l'on peut quelquefois opposer à la volonté du
prince : c'est la religion “Les lois de la religion sont d'un précepte supérieur, parce qu'elles
sont données sur la tête du prince comme sur celle des sujets.”

dans les Etats monarchiques et modérés, la puissance est bornée par ce qui en est le ressort :
l’honneur, qui règne, comme un monarque, sur le prince et sur le peuple.

“Toute la différence est que, dans la monarchie, le prince a des lumières, et que les ministres
y sont infiniment plus habiles et plus rompus aux affaires que dans l'État despotique.”

IV, 1

les lois de l’éducation sont les premières que nous recevons. et, comme elles nous préparent
à être citoyens, chaque famille particulière doit être gouvernée sur le plan de la grande
famille qui les comprend toutes.
⇒ si le peuple en général a un principe, les parties qui le composent l'auront aussi ; les lois
de l'éducation seront donc différentes dans chaque espèce de gouvernement : dans les
monarchies, elles auront pour objet l'honneur; dans les républiques, la vertu; dans le
despotisme, la crainte

IV, 2

dans la monarchie, on reçoit la principale éducation dans le monde : là est l’école de


l’honneur “ce maître universel” ; on entend tj dire trois choses
qu'il faut mettre dans les vertus une certaine noblesse, dans les mœurs une certaine
franchise, dans les manières une certaine politesse.

- les vertus qu’on nous y montre sont moins ce que l’on doit aux autres, que ce l’on doit
à soi-même : elles sont plutôt ce qui nous distingue que ce qui nous appelle vers nos
concitoyens : “On n'y juge pas les actions des hommes comme bonnes, mais comme
belles; comme justes, mais comme grandes; comme raisonnables, mais comme
extraordinaires.” ; c'est la vraie raison pour laquelle les mœurs ne sont jamais si
pures dans les monarchies que dans les gouvernements républicains.
- on veut de la vérité dans les discours ; non par amour pour elle, mais parce qu'un
homme qui est accoutumé à la dire paraît être hardi et libre ; un tel homme semble ne
dépendre que des choses, et non pas de la manière dont un autre les reçoit
- à propos de la politesse, naît de l'envie de se distinguer. C'est par orgueil que nous
sommes polis: nous nous sentons flattés d'avoir des manières qui prouvent que nous
ne sommes pas dans la bassesse, et que nous n'avons pas vécu avec cette sorte de
gens que l'on a abandonnés dans tous les âges.

IV, 4

l’éducation des anciens avait un avantage sur la nôtre : elle n'était jamais démentie

Aujourd'hui, nous recevons trois éducations différentes ou contraires: celle de nos pères,
celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu'on nous dit dans la dernière renverse toutes les
idées des premières. Cela vient, en quelque partie, du contraste qu'il y a parmi nous entre les
engagements de la religion et ceux du monde; chose que les anciens ne connaissaient pas.

IV, 5

c’est dans le gouvernement républicain qu’on a le plus besoin de l’éducation : la crainte naît
d’elle-même, l’honneur est favorisé par les passions, et les favorise à son tour
mais la vertu politique, c’est-à-dire l’amour des lois et de la patrie est un renoncement à
soi-même : cet amour, demandant une préférence continuelle de l'intérêt public au sien
propre, donne toutes les vertus particulières : elles ne sont que cette préférence

Tout dépend donc d'établir dans la république cet amour; et c'est à l'inspirer que
l'éducation doit être attentive. Mais, pour que les enfants puissent l'avoir, il y a un moyen
sûr: c'est que les pères l'aient eux-mêmes.

Hobbes, Léviathan

I, 13

la nature a fait les hommes si égaux quant à leurs facultés du corps et de l'esprit que bien
qu'on puisse parfois trouver un homme manifestement plus fort (chap. 8) corporellement, ou
d'un esprit plus prompt qu'un autre, néanmoins, tout bien considéré, la différence d'un
homme à un autre n'est pas si considérable qu'un homme puisse de ce chef réclamer pour
lui-même un avantage auquel un autre ne puisse prétendre aussi bien que lui
"pour ce qui est de la force corporelle, l'homme le plus faible en a assez pour tuer le plus fort,
soit par une machination secrète, soit en s'alliant à d'autres qui courent le même danger que
lui."
de cette égalité des aptitudes découle une égalité dans l'espoir d'atteindre nos fins
c'est pourquoi si deux hommes désirent la même chose alors que pas possible qu'ils en
jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis : et dans la poursuite de cette fin, chacun
s'efforce de détruire ou de dominer l'autre.
⇒ donc vraisemblable que si quelqu'un sème bâtit plante ou occupe un emplacement
commode, d'autres arriveront en groupe équipés pour lui retirer fruit ou vie.
du fait de cette défiance de l'un à l'égard de l'autre, n'existe pour nul homme aucun moyen de
se garantir qui soit plus raisonnable que le fait de prendre les devants = se rendre maître, par
la violence ou la ruse, de la personne de tous les hommes pour lesquels cela est possible,
jusqu'à ce qu'il n'aperçoive plus d'autre puissance assez forte pour le mettre en danger.

il n'y a là rien de plus que n'en exige la conservation de soi-même, et en général on estime
cela permis également ; du fait qu'il existe certains hommes qui, prenant plaisir à contempler
leur propre puissance à l'oeuvre dans les conquêtes, poursuivent celles-ci plus loin que leur
sécurité ne le requiert, les autres qui autrement se fussent contentés de vivre tranquilles à
l'intérieur de limites modestes, ne pourraient pas subsister longtemps s'ils n'accroissaient
leur puissance par l'agression et s'ils restaient sur la défensive.

de plus, les hommes ne retirent pas d'agrément de la vie en compagnie, là où il n'existe pas
de pouvoir capable de les tenir tous en respect
car chacun attend que l'autre l'estime aussi haut qu'il s'apprécie lui-même, et à chaque signe
de dédain, il s'efforce d'arracher la reconnaissance d'une valeur plus haute : en nuisant.

donc trois causes de querelle : la rivalité, la méfiance, la fierté.


fait prendre offensive pour : le profit, la sécurité, la réputation.
aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en
respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de
chacun contre chacun.
GUERRE = ne consiste pas seulement dans la bataille et dans les combats effectifs ; mais
dans un espace de temps où la volonté de s'affronter en des batailles est suffisamment avérée
: on doit par conséquent tenir compte, relativement à la guerre, de la notion de durée. nature
du mauvais temps =/= une ou deux averses, mais tendance qui va dans ce sens.
tout autre temps se nomme PAIX
dans un tel état, pas de place pour activité industrieuse ni agriculture, ni navigation, ni usage
des richesses qui peuvent être importées par mer pas de construction commodes pas
d'appareils capables de mouvoir pas de connaissances de la face de la terre pas d'arts pas de
lettres pas de société
et "ce qui est le pire que tout, la crainte et le risque continuels d'une mort violente ; la vie de
l'homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi-animale, et brève."
peut sembler étrange, à celui qui n'a pas bien pesé ces choses, que la nature puisse ainsi
dissocier les hommes et les rendre enclins à s'attaquer et à se détruire les uns les autres : veut
la voir confirmée par l'expérience.
⇒ retour sur soi-même : partant en voyage, s'arme et cherche à être accompagné, verrouille
ses portes en allant dormir, dans sa maison, ferme ses portes à clef : et cela sachant qu'il
existe des lois et des fonctionnaires publics armés pour venger les torts : n'incrimine-t-il pas
l'humanité par ses actes autant que je le fais par mes paroles ?
mais ni lui ni moi n'incriminons la nature humaine en cela : les désirs et les autres passions
de l'homme ne sont pas en eux-mêmes des péchés : pas davantage ne le sont les actions qui
procèdent de ces passions, tant que les hommes ne connaissent pas de loi qui les interdise
et ils ne peuvent pas connaître de lois tant qu'il n'en a pas été fait or aucune loi ne peut être
faite tant que les hommes ne se sont pas entendus sur la personne qui doit la faire
Hobbes accorde qu'il n'en a jamais été ainsi d'après lui dans le monde entier : mais beaucoup
d'endroits où hommes vivent comme ça actuellement : les "sauvages" d'Amérique, vivent de
façon "quasi-animale" comme décrite ici de plus, lors d'une guerre civile, exemple du genre
de vie quand aucun pouvoir commun à craindre
⇒ cette guerre de chacun contre chacun a une autre conséquence : rien ne peut être injuste.
les notions de légitime et d'illégitime, de justice et d'injustice, n'ont pas ici leur place ; là où
pas de pouvoir commun, il n'est pas de loi ; là où il n'est pas de loi, il n'est pas d'injustice
justice et injustice ne sont en rien des facultés du corps ou de l'esprit : ce sont des qualités
relatives à l'homme en société, et non à l'homme solitaire.

enfin dernière conséquence de cet état : il n'y existe pas de propriété, pas d'empire sur quoi
que ce soit, pas de distinction du mien et du tien : cela seul dont il peut se saisir appartient à
chaque homme, et seulement pour aussi longtemps qu'il peut le garder.
"Cela suffit comme description de la triste condition où l'homme est effectivement placé par
la pure nature, avec cependant la possibilité d'en sortir, possibilité qui réside partiellement
dans les passions et partiellement dans la raison."
a. les passions qui inclinent les hommes à la paix sont la crainte de la mort, le désir des
choses nécessaires à une vie agréable, l'espoir de les obtenir par leur industrie.
b. la raison suggère des clauses appropriées d'accord pacifique, sur lesquelles on peut
amener les hommes à s'entendre. ces clauses = ce qu'on appelle en d'autres termes les lois
naturelles.

I, 14

DROIT DE NATURE = la liberté que chacun a le droit d'user de sa propre puissance, comme
il le veut lui-même pour la préservation de sa propre nature, autrement dit de sa propre vie
et, par conséquent, de faire, selon son jugement et sa raison propres, tout ce qu'il concevra
être le meilleur moyen adapté à cette fin.
LIBERTE = l'absence d'entraves extérieures, entraves qui, souvent, peuvent détourner une
part de la puissance de faire ce que l'on voudrait, sans cependant pouvoir empêcher l'usage
de la puissance restante, conformément à ce que dictent notre jugement et notre raison.
LOI DE NATURE (lex naturalis) = un précepte ou une règle générale trouvée par la raison
selon laquelle chacun a l'interdiction de faire ce qui détruit sa vie, ou qui le prive des moyens
de la préserver, et de négliger de faire ce par quoi il pense qu'elle serait le mieux préservée.
DROIT consiste la liberté de faire ou de ne pas faire, alors que la LOI détermine et contraint
dans un sens ou dans l'autre, en sorte que la loi et le droit diffèrent autant que l'obligation et
la liberté, et se contredisent s'ils sont appliqués à un même objet.

parce que condition humaine est état de guerre de tous contre tous, il ne saurait y avoir de
sécurité permettant à quiconque de vivre tout le temps que la nature alloue ordinairement
pour la vie par conséquent, c'est un précepte et une règle générale de la raison que chacun
doit s'efforcer à la paix aussi longtemps qu'il a l'espoir de l'atteindre, et, quand il ne peut
l'atteindre, qu'il peut chercher et utiliser tous les secours et les avantages de la guerre.

la première partie de cette règle = première et fondamentale loi de nature = chercher la


paix et la maintenir
la seconde = résumé du droit de nature = nous défendre nous-mêmes par tous les moyens
possibles
à partir de cette loi de nature fondamentale, on déduit seconde loi de nature : que ce soit la
volonté de chacun, si c'est également de celle de tous les autres, aussi longtemps qu'il le
pensera nécessaire à la paix et à sa propre défense, d'abandonner ce droit sur toute chose,
et qu'il soit satisfait de disposer d'autant de liberté à l'égard des autres que les autres en
disposent à l'égard de lui-même.

abandonner le droit qu'on a sur quelque chose = se défaire de la liberté que l'on a d'empêcher
un autre de profiter du droit qui est le sien sur cette même chose.
"en effet, celui qui renonce à son droit, ou le transfère, ne donne pas à quelqu'un un droit que
celui-ci n'aurait pas - pour la raison qu'il n'y a rien sur quoi on n'a aucun droit par nature -, il
ne fait que s'écarter du chemin de celui-qui, ainsi, jouit de ce droit originaire qui est le sien,
sans empêchement de sa part, mais non de la part des autres."
réduire les entraves à l'exercice par un autre de son droit originaire
droit abandonné :
- par un RENONCEMENT simple, quand on ne s'intéresse pas de savoir qui en tirera un
bénéfice
- par un TRANSFERT quand l'intention est qu'une ou des personnes déterminées en tireront
bénéfice.

lorsqu'on a abandonné son droit, on dit qu'on est OBLIGE ou [Tricaud] TENU (bound) de ne
pas empêcher de bénéficier de ce droit ceux auxquels il l'a accordé ou abandonné ; qu'il doit,
car tel est son DEVOIR (duty), ne pas rendre nul l'acte volontaire qu'il a ainsi posé ; et qu'un
tel acte d'empêchement est une INJUSTICE et un TORT (injury), étant accompli sine jure
(puisque le droit a fait précédemment l'objet d'une renonciation ou d'une transmission)
analogie entre tort et injustice
et l'absurdité dans les discussions des hommes d'études
"De même que dans ces discussions on appelle absurdité le fait de contredire ce qu'on
soutenait au début, de même dans le monde appelle-t-on injustice et tort l'acte de défaire
volontairement ce que dès le début on a volontairement fait."
la façon dont on renonce simplement à un droit, ou dont on le transmet, consiste à signifier
par un ou plusieurs signes suffisants et volontaires, soit qu'on renonce à son droit ou qu'on le
transmet, soit qu'on y a renoncé ou qu'on l'a transmis à celui qui le reçoit.
ces signes constitués soit par des paroles soit par des actes soit à la fois par des paroles et des
actes : ce sont là des LIENS (bonds) par lesquels les hommes sont tenus et obligés
⇒ liens qui ne tiennent pas leur force de leur nature propre (car rien ne vole en éclats plus
facilement que la parole d'un homme), mais de la crainte de subir quelque conséquence
fâcheuse au cas où on les romprait.
chaque fois qu'un homme transmet son droit ou y renonce, c'est soit en considération de
quelque droit qui lui est réciproquement transmis à cause de quelqu'autre bien qu'il espère
pour ce motif c'est en effet un acte volontaire, et l'objet des actes volontaires pour chaque
homme = quelque bien pour lui-même
c'est pourquoi il y a certains droits dont on ne peut se dessaisir :
a. un homme ne peut se dessaisir du droit de résister à ceux qui l'attaquent de vive force pour
lui enlever la vie : car on ne saurait concevoir qu'il vise par là quelque bien pour lui-même.
b. "Enfin, le motif et la fin qui donnent lieu au fait de renoncer à un droit et de le transmettre
n'est rien d'autre que la sécurité de la personne du bailleur, tant pour ce qui regarde sa vie
que pour ce qui est des moyens de la conserver dans des conditions qui ne la rendent pas
pénible à supporter."

transmission mutuelle de droit = CONTRAT


un des contractants peut remettre la chose pour laquelle il s'engage par contrat, et accepter
que l'autre partie s'exécute pour son compte en un moment ultérieur déterminé, cependant
que dans : l'intervalle on lui fait confiance, le contrat, pour le second = PACTE ou
CONVENTION
ou encore, les deux parties peuvent stipuler maintenant par contrat qu'elles s'exécuteront
plus tard dans cas où il faut faire confiance à celui qui doit s'exécuter dans le futur, on dit
qu'il tient sa promesse quand il s'exécute, qu'il garde sa foi ; et s'il manque, on dit si
volontaire qu'il viole sa foi

les signes du contrat sont tels, soit expressément, soit par inférence
- les signes exprès sont des paroles qu'on prononce en comprenant leur signification :
de telles paroles concernent le présent ou le passé ou le futur : ces paroles qui visent
le futur se nomment PROMESSE.
- les signes par inférence - tantôt ce que l'on conclut à partir de certaines paroles - ce
que l'on conclut d'un silence - ce que l'on conclut d'actions - ce que l'on conclut de
l'omission d'une action ; est un signe par inférence d'un contrat quelconque tout ce
qui démontre suffisamment la volonté du contractant.

dans les contrats, le droit passe à autrui non seulement quand les paroles portent sur le
présent ou le passé, mais aussi quand elles portent sur le futur, car tout contrat est un
transfert mutuel, échange de droits
c'est pourquoi celui qui ne fournit qu'une promesse, doit, du fait qu'il a déjà reçu l'avantage
qui motive sa promesse, être réputé avoir l'intention que son droit passe à autrui ; en effet,
s'il n'avait pas consenti à ce que ses paroles fussent comprises de la sorte, l'autre ne se serait
pas exécuté le premier.
c'est pourquoi dans les achats, les ventes, et autres actes, une promesse équivaut à une
convention, et par suite crée une obligation de celui qui s'exécute le premier en cas de
contrat, on dit qu'il MERITE, ce qu'il doit recevoir par l'exécution de l'autre partie ; il le
reçoit comme un dû.

si une convention est faite, telle qu'aucune des deux parties ne s'exécute sur le champ, car
elles se fient l'une à l'autre, dans l'état de nature (guerre de chacun contre chacun), elle est
selon toute attente raisonnable, nulle
mais s'il existe un pouvoir commun établi au-dessus des deux parties, doté d'un droit et
d'une force qui suffisent à leur imposer l'exécution, alors elle n'est pas nulle.
car celui qui s'exécute le premier n'a aucune assurance de voir l'autre s'exécuter à son tour
dans la mesure où les liens constitués par les paroles sont trop fragiles mais dans une
condition civile, où il existe un pouvoir établi pour contraindre ceux qui, autrement,
violeraient leur foi, une telle crainte n'est plus raisonnable : celui qui doit, selon la
convention, s'exécuter le premier, est obligé de le faire.
la force des mots étant trop faibles pour contraindre les hommes à exécuter conventions,
n'existe dans nature humaine que deux auxiliaires qui puissent leur donner de la force :
1. la crainte des conséquences d'une violation de sa parole
2. la fierté, l'orgueil de ne pas paraître avoir besoin de la violer
"La passion sur laquelle il convient de compter, c'est la crainte. Celle-ci a deux objets tout à
fait généraux : l'un est le pouvoir des esprits invisibles, l'autre le pouvoir des hommes qu'on
offensera en cette circonstances."

crainte du second la plus forte communément


crainte du premier est en chacun sa propre religion, laquelle trouve place dans la nature de
l'homme avant société civile

la seconde n'y trouve pas une place suffisante pour que les hommes soient forcés de se tenir à
ce qu'ils ont promis, car dans l'état de nature, l'inégalité de pouvoir ne se discerne pas, si ce
n'est par issue des combats.
"De la sorte, avant le temps de la société civile, ou lorsque celle-ci est interrompue par la
guerre, il n'est rien qui puisse donner à une convention de paix, sur laquelle on s'est entendu,
la force de résister aux tentations de la cupidité, de l'ambition, de la concupiscence, ou de
quelque autre désir violent, si ce n'est la crainte de cette puissance invisible qui est, en tant
que Dieu, l'objet du culte de tous les hommes, et en tant que devant tirer vengeance de leur
perfidie, l'objet de leur crainte."

tout ce qu'on peut faire à l'égard de deux hommes non assujettis au pouvoir civil = les faire se
prêter serment l'un à l'autre par le Dieu qu'ils craignent, "cet acte de jurer, ou SERMENT est
une façon de parler qui s'ajoute à une promesse et par laquelle celui qui promet déclare que
s'il ne s'exécute pas, il renonce à la pitié de son Dieu ou l'invite à exercer sur lui sa
vengeance.”

I, 15 Des autres lois de nature

de cette loi de nature qui nous oblige à transférer à un autre ces droits qui, s'ils sont
conservés, s'opposent à la paix du genre humain,
suit troisième loi = il faut exécuter les conventions qu'on a faites, à défaut de quoi les
conventions sont vaines et ne sont que des mots vides, et le droit que tous ont sur toutes
choses étant maintenu, nous sommes encore dans l'état de guerre.

là où aucune convention n'a été passée, il n'y a pas de droit transféré et chacun a un droit sur
toutes choses ; et par conséquent, aucune action ne peut être injuste ; en revanche, quand
convention passée, la rompre est injuste
⇒ définition INJUSTICE = la non-exécution d'une convention ; tout ce qui n'est pas injuste
est juste ; notion négative du juste : ce que la loi n'interdit pas ; il n'y a pas de juste par
nature ou en Dieu
avant que les appellations de juste et d'injuste puissent trouver leur place, il faut qu'il existe
quelque pouvoir coercitif, pour contraindre également tous les hommes à l'exécution de leurs
conventions, par la terreur de quelque châtiment plus grand que l'avantage qu'ils attendent
de leur infraction à la convention et pour garantir la propriété que les hommes acquièrent,
par contrat mutuel, en compensation du droit universel qu'ils abandonnent : or il n'existe pas
de tel pouvoir avant l'érection d'une République.
définition de la justice dans les Ecoles : la justice est une volonté permanente de remettre à
chacun ce qui lui appartient ; or, là où il n'est rien qui appartienne, c'est-à-dire pas de
propriété, il n'y a pas d'injustice.
"Ainsi, la nature de la justice consiste à observer les conventions valides : mais la validité
des conventions ne commence qu'avec la constitution d'un pouvoir civil suffisant pour
forcer les hommes à les observer. Et c'est aussi à ce moment que la propriété commence."

opposition raison et justice ?


"L'insensé a dit dans son coeur : il n'est point de justice."
son argument : la conservation et la satisfaction de chacun est commise à ses seuls soins ; il
ne saurait donc y avoir de raison qui interdise à chacun de faire ce qui favorise ces fins ; donc
passer des conventions ou ne pas les passer, les respecter ou pas, tout cela n'est contraire à la
raison, quand cela favorise intérêt de l'agent.
est-il contraire à la raison de s'acquitter quand une des parties s’est déjà exécutée ?
a. lorsqu'un homme fait une chose qui nonobstant tout ce qui peut être prévu et sur quoi on
peut compter, tend à sa propre destruction, quelle que soit la manière dont un accident
quelconque, auquel il ne pouvait s'attendre, peut en se produisant tourner à son avantage,
néanmoins de tels résultats ne rendent pas son acte raisonnable ou sage.
b. dans l'état de guerre, où chacun, faute d'un pouvoir commun qui tienne tout le monde en
respect, est l'ennemi de chacun, il n'est pas d'homme qui puisse espérer par sa propre force,
ou son propre esprit, se protéger de la destruction sans l'aide de confédérés, situation où
chacun attend de la confédération qu'elle le défende de la même façon que n'importe quel
autre : par suite celui qui déclare qu'il juge raisonnable de tromper ceux qui l'aident ne peut
raisonnablement espérer d'autres moyens de sûreté que ceux qu'il peut tenir de son pouvoir
propre et individuel.
c. c'est pourquoi celui qui enfreint ses conventions et déclare en conséquence qu'il pense qu'il
lui est permis, raisonnablement, d'agir ainsi, celui-ci ne peut être admis dans aucune société
d'hommes qui s'unissent pour leur paix et leur défense, sinon par une erreur de la part de
ceux qui l'admettent
d. mais nul ne saurait raisonnablement compter sur de telles erreurs comme moyens de
sécurité.
la justice = respect des conventions est donc une règle de cette raison qui nous interdit de
faire quoi que ce soit qui puisse détruire notre vie : c'est donc une loi de nature.
dénominations de juste injuste appliquées à actions de l'homme ont un autre sens que
appliquées à hommerien de ce qui est fait à un homme en conformité avec sa volonté, telle
qu'il l'a signifiée à l'agent, n'est un tort à son égard.

justice distributive, commutative


la première disent les auteurs consiste en une proportion arithmétique ;la seconde
proportion géométrique

quatrième loi de nature = qu'un homme qui reçoit d'un autre un bienfait purement grâcieux,
s'efforce que celui qui le lui accorde n'ait pas de motif raisonnable qui lui fasse regretter sa
bienveillance.
5 : que chacun tâche de se rendre accomodant aux autres.
6 : qu'une fois les garanties pour l'avenir données, on doit pardonner les offenses passées de
ceux qui les regrettent et demandent le pardon.
7 : que dans les vengeances (c'est-à-dire quand on rend le mal pour le mal), on ne considère
pas la grandeur du mal passé, mais la grandeur du bien qui doit s'ensuivre. Il nous est
interdit par là d'infliger un châtiment avec aucun autre dessein que la correction de
l'offenseur et l'instruction des autres.
8 : que nul par ses actions, ses paroles, sa mine, ou ses gestes, n'exprime sa haine ou son
mépris d'un autre.
9 : question de savoir celui qui vaut le plus n'a rien à faire à l'EDN où tous sont égaux.
l'inégalité présente a été introduite par les LC (critique Aristote ceux qui commandent sont
tels par nature, comme si maître et serviteur ne tiraient pas leur origine du consentement des
hommes) que chacun reconnaisse autrui comme étant son égal par nature. l'infraction de ce
précepte = l'orgueil
10 : de cette loi dépend une autre : qu'en concluant la paix nul n'exige de se réserver aucun
droit qu'il n'accepte pas de voir réserver à chacun des autres.
11 : si on confie à quelqu'un le soin de juger entre deux hommes, c'est un précepte de la loi de
nature qu'il les traite de façon égale ; celui donc qui juge avec partialité fait ce qui dépend de
lui pour détourner les hommes du recours aux juges et aux arbitres : il est en conséquence
cause de guerre, ce qui est contraire à la LDN fondamentale ; respect de celle loi, à cause de
l'égale distribution de ce qui en raison lui revient = équité et, comme dit plus haut, justice
distributive : la violer = faire acception des personnes, commettre la prosôpolepsia
12 : de là suit autre loi : que des choses qui ne peuvent être partagées, on jouisse en commun,
si cela se peut ; sans restriction, si l'abondance de la chose le permet ; dans le cas contraire,
proportionnellement au nombre des ayants-droit : autrement distribution inégale et
contraire à l'équité
13 : si on ne pt jouir en commun, que le droit intégral, ou encore la première jouissance,
soient déterminés par tirage au sort.
⇒ telles sont les lDN qui prescrivent la paix comme moyen de cons pour les hommes
assemblés en multitudes, et qui ne concernent que la théorie de la société civile
d'autres choses tendent à destruction des particuliers mais pas nécessaire ici de les
mentionner encore que cette déduction des LDN puisse paraître trop subtile pr retenir
attention de ts les hommes, dt plus grande part affairés au soin de leur nourriture et les
autres trop négligents pour comprendre, on les a ramassés en une seule formule qui les
résume toutes, intelligible même au plus mal doué : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais
pas qu'on te fît à toi-même cette formule lui montre que toute l'étude des LDN qui lui
incombe consiste seulement quand il pèse les actions des autres en cp des siennes, et qu'elles
lui semblent trop pesantes, à les mettre dans
l'autre plateau de la balance et les siennes à leur place, afin que ses passions et son amour de
soi ne puissent rien ajouter au poids. il n'est aucune des ces LDN qui ne lui paraître dès lors
comme très raisonnable
les lois de nature obligent in foro interno mais pas in foro externo c'est-à-dire que nous
sommes tenus par elles de désirer qu'elles prennent effet ; mais elles n'obligent pas toujours
in foro externo, c'est-à-dire à les mettre en application.
"Car celui qui serait mesuré et accomodant, et qui exécuterait toutes ses promesses, en un
temps et en un lieu où nul autre n'agirait de même, celui-là ferait de lui-même la proie des
autres, et provoquerait avec certitude sa propre ruine, contrairement au fondement de toutes
les lois de nature, qui tendent à la préservation de la nature. Mais celui qui, ayant des
garanties suffisantes comme quoi les autres observeront les mêmes lois à son égard, ne les
observe pas lui-même, celui-là ne recherche pas la paix, mais la guerre, et par conséquent la
destruction violente de sa propre nature."
les lois de nature = éternelles et immuables
la science de ces lois est la vraie et la seule philosophie morale.
philosophie morale = science de ce qui est bon et mauvais dans le commerce et la société des
hommes.
bon et mauvais sont des appellations qui expriment nos appétits et nos aversions, lesquels
diffèrent avec les tempéraments, les coutumes, et les doctrines de gens.
et hommes diffèrent non seulement à propos des sensations fournies par ce qui plaît ou
déplaît au
goût, à l'odorat, à l'ouïe, au toucher et à la vue, mais aussi à propos de ce qui est conforme à
la raison, ou incompatible avec elle dans les actions de la vie courante.
de là surgissent discussions, disputes, et guerre
on reste donc dans état de nature aussi longtemps que appétit personnel mesure du bien et
du mal en conséquence, tous s'entendent sur ce point que la paix est bonne et que par suite
tout ce qui y mène et en est le moyen, c'est-à-dire la justice, la grtitude, la mesure, l'équité, la
pitié et les autres lois de nature, sont des choses bonnes ; autrement dit des vertus morales et
que leurs opposés choses
mauvaises = vices.
ces ordres de la raison, on a l'habitude de les appeler lois, mais improprement
"Car ils ne sont que des conclusions ou des théorèmes concernant ce qui conduit à la
préservation
et à la défense de soi-même ; alors que la loi est proprement le mot de celui qui, de droit,
possède
le commandement sur les autres. Toutefois, si l'on considère les mêmes théorèmes comme
étant
énoncés avec les mots de Dieu, qui de droit commande toutes choses, alors elles sont
proprement
appelées lois."

Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique

important : quel que soit le concept qu'on se fait de la liberté du vouloir = ses manifestations
phénoménales, les actions humaines, n'en sont pas moins déterminées, exactement comme
tout événement naturel, selon les lois universelles de la nature = l'histoire qui se propose de
rapporter ces manifestations, malgré l'obscurité où peuvent être plongées leurs causes fait
cependant espérer qu'en considérant dans les grandes lignes le jeu de de la liberté du vouloir
humain, elle pourra y découvrir un cours régulier, et qu'ainsi, ce qui dans les sujets
individuels nous frappe par sa forme embrouillée et irrégulière, pourra néanmoins être
connu dans l'ensemble de l'espace sous
l'aspect d'un dvlpmt continu, bien que lent, de ses dispositions originelles
par exemple mariages, naissances et mort semble en raison de l'énorme influence que la
volonté libre des
hommes a sur eux, n'être soumis à aucune règle qui permette d'en déterminer le nombre à
l'avance par un
calcul
or les statistiques annuelles qu'on dresse dans de grands pays mettent en évidence qu'ils se
produisent tout
aussi bien selon les lois constantes de la nature que les incessantes variations
atmosphériques
les hommes individuellement nesongent pas qu'en poursuivant leurs fins particulières en
conformité avec
leurs désirs personnels et souvent au préjudice d'autrui ils conspirent à leur insu au dessein
de la nature
Proposition I Toutes les dispositions naturelles d'une créature sont déterminées de façon à se
développer
un jour complètement et conformément à un but. chez les animaux, un organe qui n'a pas de
raison d'être,
un agencement qui ne remplit pas son but, sont des contradictions dans le système
téléologique de la nature.
si on s'écarte de ce principe, nature plus conforme à des lois.
P. II Chez l'homme (en tant que seul créature raisonnable sur terre), les dispositions
naturelles qui visent
à l'usage de sa raison n'ont pas dû recevoir leur développement complet dans l'individu mais
seulement
dans l'espèce. La raison = pouvoir d'étendre les règles et desseins qui président à l'usage de
toutes ses forces
bien au-delà de l'instinct naturel : ses projets ne connaissent pas de lumites.
mais elle n'agit pas instinctivement : a besoin de s'essayer, de s'exercer, de s'instruire pour
s'avancer d'une
manière continue d'un degré d'intelligence à un autre.
=> nécessairement besoin d'une vie illimitée pour apprendre comment doit faire usage de
ses dispositions ;
or a une durée devie limitée : donc a besoin d'une lignée peut-être interminable de
générations où chacune
transmet ses lumières pour amener dans l'espèce germes naturels jusq'au degré
developpement conforme à
dessein
=> ce terme doit fixer dans l'idée de l'homme le but de l'effort à fournir ; sans cela,
dispositions naturelles
seraient vaines et sans raisons d'être => ce qui supprimerait tous les principes pratiques, et
rendrait
de cette façon la nature, dont normalement la sagesse doit servir de principe dans le
jugement de
ses créations, suspecte de se prêter, en l'homme seulement, à un jeu puéril.
P. III La nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse
l'agencement
mécanique de son existence animale, et ne participe à aucune félicité ou perfection que celle
qu'il s'est
créée lui-même, indépendamment de l'instinct par sa propre raison. la nature ne fait rien en
vain et n'est
pas prodigue dans l'emploi des moyens pour atteindre ses buts => donc en munissant
l'homme de la raison et
de la liberté du vouloir qui se fonde sur cette raison, elle indiquait déjà son dessein en ce qui
concerne la
dotation de l'homme => il ne devait pas être gouverné par l'instinct, ni secondé et informé
par une
connaissance innée ; il devait tout tirer de lui-même. il a dû inventer
- ses moyens d'existence
- son habillement
- sa sécurité et sa défense extérieure (la nature n'avait rien donné : ni cornes du taureau, ni
griffes du lion, ni
crocs du chien, mais seulement des mains)
- même ses divertissement, son intelligence, sa sagesse, la bonté de son vouloir
la nature semble s'être complu à sa plus grande économie, et avoir mesuré sa dotation
animale au plus court
et au plus juste en fonction des besoins les plus pressants d'une existence à ses débuts.
P. IV Le moyen dont la nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses
dispositions est
leur antagonisme au sein de la société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de
compte la cause
d'une ordonnance régulière de cette société
antagonisme = insociable sociabilité des hommes = leur inclination à entrer en société, qui
est cependant
doublée d'une répulsion générale à le faire
l'homme possède tendance à s'associer, car dans un tel état se sent plus qu'homme = sent le
développement de
ses dispositions naturelles. mais a aussi un penchant à se séparer parce qu'il trouve en lui
l'insociabilité =
tendance à vouloir tout organiser selon son humeur.
=> s'attend à trouver une résistance, qui excite toutes les forces de l'homme, le conduit à
triompher de
son penchant à la paresse et, mu par l'ambition, la soif de dominer ou de posséder, à se tailler
une
place parmi ses compagnons : il ne peut souffrir ses compagnons ; mais ne peut non plus s'en
passer => à ce moment qu'ont lieu les premiers pas de l'inculture à la culture, culture qui
repose sur
la valeur intrinsèque de l'homme = sur sa valeur sociale.
un mode de pensée qui peut, avec le temps, transformer la grossière disposition au
discernement
moral en principes pratiques déterminés, et ainsi transformer enfin un accord
pathologiquement
arraché pour [former] la société en un tout moral
parle d'un vide de la création au regard de sa finalité
L'homme veut la concorde, mais la nature sait mieux ce qui est bon pour son espèce : elle
veut la
discorde. L'homme veut vivre à son aise et plaisamment, mais la nature veut qu'il soit dans
l'obligation de se précipiter hors de son indolence et de sa tempérance inactive dans le travail
et les
efforts, pour aussi, en revanche, trouver en retour le moyen de s'en délivrer intelligemment.
P. V Le plus grand problème pour l'espèce humaine, celui que la nature la force à résoudre,
est de parvenir
à une société civile administrant universellement le droit.
Puisque c'est seulement dans la société, et à la vérité dans celle qui a la plus grande liberté et
donc
un antagonisme général entre ses membres, et qui pourtant détermine de la façon la plus
stricte et
garantit les limites de cette liberté, de façon à ce qu'elle se maintienne avec la liberté d'autrui;
puisque c'est seulement dans cette société que l'intention suprême de la nature peut être
atteinte, à
savoir le développement, en l'humanité, de toutes ses dispositions, et que la nature veut aussi
que
l'humanité soit dans l'obligation d'accéder par elle-même [à ce stade] comme à toutes les fins
de sa
destination; aussi il faut qu'une société dans laquelle la liberté, sous des lois extérieures, se
trouvera
liée au plus haut degré possible à une puissance irrésistible, c'est-à-dire une constitution
civile
parfaitement juste, soit la tâche suprême de la nature pour l'espèce humaine, car la nature ne
peut
mener à leur terme ses autres desseins, avec notre espèce, qu'en trouvant le moyen de
réaliser cette
tâche et en l'exécutant.

Kant, Théorie et Pratique

Rousseau, Contrat Social

I, 3 Du droit du plus fort

le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force ne
droit, et l’obéissance en devoir

force = puissance physique, aucune moralité ne peut résulter de ses effets : céder à la force =
un acte de nécessité, non de volonté

si la force fait le droit, alors l’effet change avec la cause : toute force qui surmonte la première
succède à son droit

sitôt qu’on peut désobéir impunément, on le peut légitimement ; et puisque le plus fort a
toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte qu’on soit le plus fort

⇒ mais un droit qui périt quand la force cesse n’est rien : s’il faut obéir par force, on n’a pas
besoin d’obéir par devoir ; et si l’on plus forcé d’obéir, on n’y est plus obligé

ce mot de droit n’ajoute rien à la force et il ne signifie rien ici : si obéissez aux puissances =
cédez à la force, le principe est bon, superflu

⇒ la force ne fait donc pas droit

I, 4
les conventions sont les bases de toute autorité légitime parmi les hommes

si un particulier, dit Grotius, peut aliéner sa liberté et se rendre esclave d’un maître un
peuple aussi pourrait aliéner la sienne et se rendre sujet d’un roi

aliéner = donner ou vendre ; un homme qui se fait esclave ne se donne pas ; il se vend pour
sa subsistance ; pourquoi un peuple se vendrait-il ? le roi ne fournit pas leur subsistance

si le despote leur offre une tranquillité, c’est la tranquillité des prisonniers, des Grecs
enfermés dans l’antre du Cyclope, en attendant que leur tour vînt d’être dévorés

la folie ne fait pas droit ; dire qu’un homme se donne gratuitement c’est dire une chose
absurde et inconcevable; et donc un tel acte est illégitime et nul

renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à
ses devoirs

⇒ une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme ; et c’est ôter toute
moralité de ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté

c’est une convention vaine de stipuler une autorité absolue et une obéissance sans bornes ;
car on n’est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger ⇒ cette seule condition
entraîne la nullité de l’acte, car si tout ce qui appartient à mon esclave m’appartient, son
droit est le mien, et donc ce droit de moi-même contre moi est un mot qui n’a aucun sens.

I, 6

établir d’abord l’acte par lequel le peuple devient peuple

je suppose les hommes parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation
dans l’état de nature l’emportent, par leur résistance, sur els forces que chaque individu peut
employer pour se maintenir dans cet état

⇒ alors cet état primitif ne peut plus exister ; et le genre humain périrait s’il ne changeait sa
manière d’être

les hommes ne peuvent engendrer de nouvelles forces : mais seulement unir et diriger celles
qui existent

“Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la
personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse
pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant.”

⇒ la solution au problème fondamental = le contrat social

ses clauses ne sont pas formellement énoncées, mais partout tacitement admises et
reconnues, jusqu’à ce que, le pacte social étant violé, chacun retre dans ses premiers droits,
et reprenne sa liberté naturelle en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y
renonça

⇒ réduites à une seule clause = l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à
toute la communauté
car chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et la condition étant égale
pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres

l’aliénation étant totale,

- l’union est aussi parfaite qu’elle peut l’être


- il ne reste aucun droit aux particuliers en tant que particuliers
- chacun se donnant à tous ne se donne à personne

“Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême


direction de la volonté générale; et nous recevons encore chaque membre comme partie
indivisible du tout.”

⇒ à l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte produit un


corps moral et collectif, composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel
reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté

cité auparavant, république, corps politique = personne publique, qui se forme ainsi par
l’union de toutes les autres
Etat lorsqu’il est passif ; Souverain lorsqu’il est actif, puissance en comparaison à ses
semblables
à l’égard des associés, ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en
particulier citoyens, comme participant à l’autorité souveraine, et sujets, comme soumis aux
lois de l’Etat

I, 7

chaque individu peut comme homme, avoir une volonté particulière contraire à la volonté
générale qu’il a comme citoyen
⇒ il peut alors être tenté de la suivre, ne voyait la personne morale de l’Etat que comme un
ens rationis vide, donc le pacte social renferme la clause implicite l’engagement que
quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps
“ce qui ne signifie pas autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre”; car c’est la condition
qui donnant chaque citoyen à la patrie, le garantit de toute dépendance personnelle,
condition qui fait l’artifice et le jeu de la machine politique…

I, 8

ce que l’homme perd par le contrat, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui
le tente et qu’il peut atteindre
ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède
distinction de la liberté naturelle, qui n’a pour bornes que les forces de l’individu, et la
liberté civile qui est limitée par la volonté générale; possession n’est que l’effet de la force ou
le droit du premier occupant ; propriété = fondée que sur un titre positif

on peut aussi ajouter la liberté morale ; car l’impulsion au seul appétit est esclave ; et
l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté

II, 1 Que la souveraineté est inaliénable

la volonté générale seule peut diriger les forces de l’Etat selon la fin de son institution, qui est
le bien commun ; car, si l’opposition des intérêts particuliers a rendu nécessaire
l’établissement des sociétés, c’est l’accord de ces mêmes intérêts qui l’a rendu possible

le lien social est formé par ce qu’il y a de commun dans ces différents intérêts

l’exercice de la volonté générale ne peut jamais s’aliéner : le souverain qui n’est qu’un être
collectif ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut se transmettre, mais pas
la volonté

en effet, il n’est pas impossible qu’une volonté particulière s’accorde avec la volonté générale
sur quelque point ; mais l’accord ne peut être durable, constant

il est absurde que la volonté se donne des chaînes pour l’avenir “ce que voudra cet homme, je
le voudrai.”
si le peuple promet d’obéir, il se dissout par cet acte, il perd sa qualité de peuple; à l’instant
qu’il y a un maître, il n’y a plus de souverain, et le corps politique est détruit.

du silence on doit présumer le consentement du peuple.

II, 2 Que la souveraineté est indivisible

II, 3 Si la volonté générale peut errer

la volonté générale est tj droite et tend tj à l’utilité publique ; mais ne s’ensuit pas que les
délibérations du peuple aient tj la même rectitude

“on veut toujours son bien mais on ne le voit pas toujours ; jamais on ne corrompt le peuple,
mais souvent on le trompe, et c’est alors seulement qu’il paraît vouloir ce qui est mal.”

distinction entre la volonté de tous et la volonté générale : la volonté générale regarde à


l’intérêt commun, la volonté de tous à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés
particulières

II, 4

tout ce que chacun aliène, par le pacte social, de sa puissance, de ses biens, de sa liberté, c’est
seulement la partie dont l’usage importe à la communauté : mais le souverain seul est juge
de cette importance
tous les services qu’un citoyen peut rendre à l’Etat, il les lui doit sitôt que le souverain les
demande; mais le souverain ne peut charger les sujets d’aucune chaîne inutile à la
communauté

les engagements qui nous lient au corps social ne sont obligatoires que parce qu’ils sont
mutuels

II, 6 De la loi

le pacte social confère l’existence et la vie au corps politique

la législation lui confère mouvement et volonté

l’acte primitif par lequel le corps s’unit ne détermine rien encore de ce qu’il doit faire pour se
conserver

sans doute il est une justice universelle émanée de la raison seul ; mais cette justice pour être
admise parmi nous, doit être réciproque et de fait, “à considérer humainement les choses”,
faute de sanction naturelle, les lois de la justice sont vaines parmi les hommes

⇒ il faut donc des conventions et des lois pour unir les droits aux devoirs et ramener la
justice à son objet

quand tout le peuple statue sur tout le peuple, il ne considère que lui-même; et s’il se forme
alors un rapport, c’est de l’objet entier sous un point de vue à l’objet entier sous un autre
point de vue, sans aucune division du tout
alors la matière la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue ;
cet acte = une loi
la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme
individu ni une action particulière

ce qu’ordonne un homme n’est point une loi


ce qu’ordonne le souverain sur un objet n’est pas non plus une loi, mais un décret
république = tout Etat régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse
être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose
tout gouvernement légitime est républicain

⇒ la volonté générale est tj droite mais il faut lui faire voir les objets tels qu’ils sont, lui
montrer le bon chemin qu’elle cherche
“Les particuliers voient le bien qu’ils rejettent; le public veut le bien qu’il ne voit pas.”
⇒ il faut obliger les uns à conformer volonté à raison; apprendre aux autres à connaître ce
qu’ils veulent; alors des lumières publiques résulte l’union de l’entendement et de la volonté
dans le corps social; de la le concours des parties, et la force du tout ⇒ nécessité du
législateur

II, 7 Du législateur
celui qui ose entreprendre d’instituer un peuple doit se sentir en état de changer pour ainsi
dire la nature humaine, de transformer chaque individu, qui est par lui-même un tout
parfait et solitaire, en partie d’un plus grand tout ; de substituer une existence partielle et
morale à l’existence physique et indépendante que nous avons tous reçue de la nature

la législation atteint son plus haut point quand chaque citoyen n’est rien, ne peut rien que
par tous les autres, et que la force acquise par le tout soit égale ou supérieure à la somme des
forces naturelles de tous les individus

si celui qui commande aux hommes ne doit pas commander aux lois, celui qui commande
aux lois ne doit pas commander aux hommes

⇒ celui qui rédige les lois n’a aucun droit législatif, et le peuple même ne peut que dépouiller
de ce droit incommunicable, parce que selon le pacte fondamental, il n’y a que la volonté
générale qui oblige les particuliers, et qu’on ne peut jamais s’assurer qu’une volonté
particulière est conforme à la volonté générale qu'après l’avoir soumise aux suffrages libres
du peuple

problème : les sages peuvent difficilement faire comprendre leurs vues au vulgaire

⇒ pour qu’un peuple pût goûter les saines maximes de la politiques, il faut que l’esprit social
présidât à l’institution même, mais l’esprit social doit précisément être l’oeuvre des lois

donc le législateur ne peut employer ni la force, ni le raisonnement : il est donc contraint de


recourir à l’intervention du ciel et d’honorer les dieux de leur propre sagesse, afin que les
peuples soumis aux lois de l’Etat comme à celles de la nature et reconnaissant le même
pouvoir ds la formation de l’homme et dans celle de la cité, obéissent avec liberté, et
portassent docilement le joug de la félicité publique

entraîner par l’autorité divine ceux que ne pourrait ébranler la prudence humaine

mais il n’appartient pas à tout homme de faire parler les dieux, ni d’en être cru quand il se dit
être interprète : “La grande âme du législateur est le vrai miracle qui doit prouver sa
mission.”

il n’y a que la sagesse qui rende durable un lien

“la loi judaïque, toujours subsistante, celle de l’enfant d’Ismaël, annoncent encore ajd les
grands hommes qui les ont dictées;”

dans l’origine des nations, la religion sert d’instrument à la politique ; mais n’ont pas le
même objet

Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes

Rousseau “Economie politique”


La Boétie, “Discours de la servitude volontaire”

comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de
nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent
[...] ?

⇒ il semble naturel d’avoir de la bonté pour celui qui nous a procuré du bien, mais pourquoi
obéir pour être tyrannisé ?

d’autant que c’est un hommelet, souvent le plus lâche, le plus efféminé de la nation

peut-on vraiment appeler lâcheté le fait qu’un million d’homme n’assaillent pas celui qui les
traite comme des esclaves ? tous les vices ont des bornes qu’ils ne peuvent pas dépasser

Quel vice monstrueux est donc celui-ci, qui ne mérite pas même le titre de couardise, qui ne
trouve pas de nom assez laid, que la nature désavoue et que la langue refuse de nommer ?

il n’est même pas besoin de combattre ce tyran : il est défait de lui-même, pourvu que le pays
ne consente point à sa servitude
⇒ il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner

cela ne coûte rien de redevenir libre, de bête redevenir homme : “pour avoir la liberté il suffit
de la désirer”

image du feu pour définir le pouvoir du tyran : si on ne leur fournit rien, si on ne leur obéit
pas, sans les combattre, sans les frapper, ils restent nus et défaits et ne sont plus rien, de
même que la branche, n’ayant plus de suc ni d’aliment à sa racine, devient sèche et morte.

⇒ curiosité : une seule chose que les hommes n’ont pas la force de désirer = la liberté, qui
lorsqu’elle est perdue, entraîne avec elle le goût et la saveur de tous les autres biens,
corrompus par la servitude

La liberté, les hommes la dédaignent uniquement, semble-t-il, parce que s’ils la désiraient,
ils l’auraient ; comme s’ils refusaient de faire cette précieuse acquisition parce qu’elle est
trop aisée.

Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le
dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens
que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce
n’est de vous ?

⇒ Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres.

si tout être pourvu de sentiment sent le malheur de la sujétion et court après la liberté, quelle
malchance a pu dénaturer l’homme — seul vraiment né pour vivre libre — au point de lui
faire perdre la souvenance de son premier état et le désir de le reprendre ?
trois sortes de tyrans, règnent
- par l’élection du peuple
- par la force des armes
- par succession de race

⇒ expérience de pensée : s’il naissait aujourd’hui des gens tout neufs, ni accoutumés à la
sujétion, ni affriandés à la liberté, et qu’on leur proposer d’être sujets ou de vivre libre, ils
préféreraient obéir à la seule raison que de servir un homme

pour que les hommes, tant qu’ils sont des hommes, se laissent assujettir, il faut de deux
choses l’une : ou qu’ils y soient contraints, ou qu’ils soient trompés

au commencement, on sert contraint, vaincu par la force ; mais les successeurs servent sans
regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte
⇒ les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la servitude, sans regarder plus
avant, se content de vivre comme ils sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni
d’autres droits que ceux qu’ils ont trouvés ; prennent leur état de naissance pour leur état de
nature

la force de l’habitude : si bon que soit le naturel, il se perd s’il n’est entretenu, et l’habitude
nous forme toujours à sa manière, en dépit de la nature. Les semences de bien que la nature
met en nous sont si menues, si frêles, qu’elles ne peuvent résister au moindre choc d’une
habitude contraire.

on ne regrette pas ce qu’on n’a jamais eu ; La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir
l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne.

⇒ Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue,
seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la
première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude.

I, 16
PERSONNE = celui dont les mots et les actions sont considérés soit comme étant les siens
propres, soit en ce qu'ils représentent les mots et les actions d'un autre, ou de toute autre
chose à quoi ils sont attribués véritablement ou fictivement.
quand considérés comme siens propres = personne naturelle ; d'un autre = personne fictive
ou artificielle

origine du mot personne : “En sorte qu'une personne est la même chose qu'un acteur, à la
scène comme dans la conversation ordinaire ; personnifier, c'est tenir un rôle ou représenter
soi-même ou un autre, et celui qui tient le rôle d'un autre est dit être le support de sa
personne ou agir en son nom."
les mots et actions de certaines personnes artificielles appartiennent à ceux qu'elles
représentent.
la personne est donc l'ACTEUR ; et celui dont les mots et les actions sont les siens est
l'AUTEUR ; dans ce cas, l'acteur a autorité pour agir.
"Et, de même que le droit de posséder est appelé propriété, de même le droit de faire une
action quelconque est appelé AUTORITE, et quelquefois mandat. En sorte que, par autorité,
on entend toujours le droit d'accomplir un acte quelconque : et un acte accompli en vertu
d'une autorisation, d'une procuration, d'une autorisation l'est en vertu de celui dont c'est le
droit."
donc lorsque l'acteur conclut une convention, en vertu de l'autorité reçue, il lie par là l'auteur
tout autant que si celui-ci l'avait conclue lui-même, et le soumet, tout autant, à toutes les
conséquences de celle-ci.
quand l'acteur fait quelque chose de contraire à la loi de nature, par l'ordre de l'auteur ; s'il
est obligé à lui obéir par une convention antérieure, ce n'est pas lui, mais l'auteur, qui
enfreint la loi de nature :
en effet, l'action est bien contraire à la loi de nature, mais elle n'est pas sienne ; et au
contraire, refuser de l'accomplir est contraire à la loi de nature, qui interdit d'enfreindre ses
conventions.
peu de choses ne peuvent pas être représentées d'une façon fictive : des choses inanimées,
comme une église, un hôpital, un pont peuvent être personnifiés par un recteur, un directeur,
mais choses inanimées ne peuvent pas être des auteurs, et par conséquent ne peuvent pas
donner autorité à leurs acteurs : les acteurs peuvent néanmoins recevoir autorité pour
assurer leur entretien, de ceux qui en sont propriétaires, ou gouverneurs.
ces choses ne peuvent donc être personnifiées avant qu'il n'existe quelque forme de
gouvernement civil.
"une multitude d'hommes devient une seule personne quand ces hommes sont représentés
par un seul homme ou une seule personne, de telle sorte que cela se fasse avec le
consentement de chaque individu singulier de cette multitude. Car c'est l'unité de celui qui
représente, non celui du représenté, qui rend une la personne. Et c'est celui qui représente
qui assume la personnalité (person), et il n'en assume qu'une seule. On ne saurait concevoir
l'unité dans une multitude sous une autre forme."
si représentant = multitude d'hommes, la voix du plus grand nombre doit être considérée =
voix de tous : donc un représentant composé d'hommes en nombre pair souvent muet et
incapable d'agir.

deux sortes d'auteur :


- au sens simple, reconnaît pour siens les actes d'un autre
- reconnaît sienne l'action ou convention d'un autre, mais conditionnellement : il
s'engage à accomplir la chose si l'autre ne le fait pas, du moins pas dans un certain
délai : cet auteur conditionnel = CAUTION

II, 17 Des causes, de la génération et de la définition de l'ETAT

la cause finale fin ou but des humains en s'imposant restriction = prévoyance de ce qui
assure leur propre préservation et plus de satisfaction dans la vie sortir de l'état de guerre
qui est une conséquence nécessaire des passions naturelles chapitre XIII
quand pas de puissance visible pour les maintenir en respect et se tiennent à l'exécution de
leurs engagements contractuels par peur du châtiment
sans terreur d'une puissance quelconque qui est cause de ce qu'elles sont observées, les LDN
sont par elles-mêmes contraires aux passions naturelles, lesquelles nous portent à la
partialité, la vanité, la vengeance, etc.
les conventions sans l'épée ne sont que des mots, et sont sans force aucune pour mettre qui
que ce soit en sécurité.

donc indépendamment des LDN (auxquelles chacun se conforme quand il le veut et quand il
le peut sans danger), si aucune puissance établie ou assez grande pour sécurité, chacun
pourra licitement avoir recourir à ses forces et à son art pour se protéger des autres

elle ne vient pas du regroupement de quelques hommes ou de quelques familles : il faut un


nombre assez grand par rapport à l'ennemi qu'on craint
elle ne vient pas du nombre, mais de la direction d'un unique jugement : si nombreuse que
soit multitude, si leurs actions sont dirigées par leurs jugements et instincts particuliers : ils
ne peuvent espérer ni défense ni protection contre un ennemi commun ou les torts qu'ils se
font les uns aux autres et cela, continuellement

pourquoi certaines créatures privées de raison ou de parole vivent cependant en société sans
puissance coercitive ; pourquoi genre humain ne peut vivre socialement par instincts
particuliers comme les abeilles ou fourmis ?

1. les humains sont continuellement en compétition pour les honneurs et les dignités, pas le
cas des créatures
2. pour elles, il n’y a pas de différence bien commun bien privé
3. ces créatures qui n'ont pas l'usage de la raison ne voient pas et n'ont pas idée de voir une
erreur dans l'administration de leurs biens communs
4. ces créatures, bien qu'elles aient quelque usage de la voix pour faire connaître les unes aux
autres leurs désirs et affections, sont pourtant privées de cet art des mots grâce auxquels
hommes peuvent présenter aux autres ce qu'est le bien sous l'apparence du mal et mal sous
bien
5. créatures privées de raison ne peuvent distinguer entre préjudice et dommage
6. leur assentiment est naturel ; l’assentiment humain résulte d'une convention

seul moyen d'établir pareille puissance commune = ressembler toute leur puissance et toute
leur force sur un homme ou sur une assemblée d'hommes qui peut, à la majorité des voix,
ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui revient à dire = désigner un
homme ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne et chacun fait sienne et
reconnaît être lui-même l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur
personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et la sécurité ; et par là
même, tous et chacun d'eux soumettent leurs volontés à sa volonté, leurs jugements à son
jugement.

c'est plus que le consentement ou la concorde ; il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule
et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c'est
comme si chaque individu devait dire à tout individu : j'autorise cet homme ou cette
assemblée d'hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette
condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même
manière.
l'essence de l’ETAT qui est une personne une dont les actions ont pour auteur, à la suite de
conventions mutuelles passées entre eux-mêmes, chacun des membres d'une grande
multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous
comme il l'estimera convenir à leur paix et à leur défense commune.

celui qui est dépositaire de cette personne = SOUVERAIN et on dit qu'il a la puissance
souveraine en dehors de lui, tout un chacun est son SUJET

deux moyens de parvenir à puissance souveraine :


1. par force naturelle, comme un homme le fait de ses enfants afin qu'ils se soumettent en
tant qu'il peut les exterminer s'ils refusent ; ou par guerre, en assujettissant ennemis à sa
volonté, leur laissant vie sauve à cette condition.
2. humains d'accord entre eux pour se soumettre à un homme quelconque, ou à une
assemblée d'hommes, volontairement, lui faisant confiance pour qu'ils les protège contre
tous les autres = république instituée ; et le premier = république d'acquisition.

II, 18 Des DROITS des souverains d'institution

définition de la république instituée : quand une multitude d'hommes s'accordent et


conviennent par convention; chacun avec chacun, que, quels que soient l'homme, ou
l'assemblée d'hommes auxquels la majorité donnera le droit de présenter la personne de
tous, c'est-à-dire d'être leur représentant, chacun, aussi bien celui qui a voté pour que celui
qui a voté contre, autorisera toutes les actions et tous les jugements de cet homme, ou
assemblée d'hommes, de la même manière que si c'étaient ses propres actions et jugements,
afin que les hommes vivent entre eux dans la paix, et qu'ils soient protégés contre les autres.

⇒ tous les droits et facultés de celui ou ceux auxquels le pouvoir a été conféré par le
consentement du peuple assemblé sont dérivés de cette institution

1. puisqu'ils conviennent par contrat, il doit être entendu qu'ils ne sont pas obligés par une
convention antérieure à quelque chose d'incompatible avec cet acte ; par conséquent, ceux
qui ont déjà institué une République, étant par là liés par convention à reconnaître comme
leurs les actions et les jugements d'un seul ne peuvent pas légitimement faire une nouvelle
convention entre eux pour obéir à un autre, en quelque domaine que ce soit, sans la
permission du premier ; c'est pourquoi ceux qui sont sujets d'un monarque ne peuvent pas,
sans son autorisation, renier la monarchie et retourner à la confusion d'une multitude
désunie, ni transférer leur personne de celui qui en tient le rôle à un autre homme, ou une
autre assemblée d'hommes
2. puisque le droit de tenir le rôle de la personne de tous est donné à celui qu'ils ont fait
souverain, par une convention de l'un à l'autre seulement, et non du souverain à chacun
d'eux, il ne peut survenir aucune rupture de convention de la part du souverain, et par
conséquent, aucun de ses sujets ne peut être libéré de sa sujétion, en prétextant une
quelconque forfaiture.
is contraire doit désormais être d'accord avec les autres, autrement dit il doit accepter de
reconnaître les actions que fera ce souverain, ou, autrement, d'être justement tué par les
autres ; car s'il s'est entré volontairement dans ce regroupement d'hommes qui étaient
assemblés , il a par là déclaré de façon suffisante sa volonté, et il a donc tacitement convenu
de se tenir à ce que la majorité ordonnerait ; et c'est pourquoi s'il refuse de se tenir à cette
décision, ou s'il proteste contre l'un quelconque des décrets de cette majorité, il fait le
contraire de ce qu'il a convenu, et le fait donc injustement
4. de ce que chaque sujet est, par cette institution, auteur de toutes les actions et tous les
jugements du souverain institué, il s'ensuit que quoi qu'il fasse, ce ne peut être un tort fait à
l'un de ses sujets et il ne doit être accusé d'injustice par aucun d'eux.
5. en conséquence de ce qui vient d'être dit, aucun homme ayant le pouvoir souverain ne
peut être justement mis à mort, ou puni de quelque autre manière, par ses sujets ; vu que
chaque sujet est auteur des actions de son souverain, il punit un autre pour les actions qui
ont été commises par lui-même.
6. la fin de cette institution = paix et protection de tous, et quiconque a droit à la fin a droit
aux moyens, donc il appartient de droit à tout homme ou assemblée qui a la souveraineté
d'être à la fois juge des moyens de la paix et de la protection, et aussi de ce qui les empêche et
les trouble, et de faire tout ce qu'il jugera nécessaire de faire, autant par avance, pour
préserver la paix et la sécurité, en prévenant la discorde à l'intérieur, et l'hostilité à
l'extérieur, que, quand la paix et la sécurité sont perdues, pour les recouvrer ; donc il
appartient à la souveraineté de juger des opinions et des doctrines qui détournent de la paix
ou qui [au contraire] la favorisent, et, par conséquent, de juger aussi en quels hommes (et en
quelles occasions, dans quelles limites) on doit placer sa confiance pour parler aux gens des
multitudes et pour examiner les doctrines de tous les livres avant qu'ils ne soient publiés : car
les actions des hommes procèdent de leurs opinions.
7. toute la puissance de prescrire des règles, par lesquelles chacun peut savoir de quels biens
il peut jouir et quelles sont les actions qu'il peut faire sans être pris à partie par ses
congénères = la propriété
⇒ ces règles de propriété (ou meum et teum) et du bon, mauvais, licite, illicite, dans les
actions des sujets sont les lois civiles
8. le droit de juger = entendre et trancher les litiges qui peuvent survenir au sujet de la loi,
qu'elle soit civile ou naturelle, ou sur une question de fait.
9. le droit de faire la guerre et la paix avec d'autres nations et d'autres Etats
10. et de choisir tous les conseillers et ministres en guerre et en paix
11. et de récompenser et punir, et cela arbitrairement (quand aucune loi antérieure n'en fixe
la mesure)
12. et de déterminer l'honneur et le rang

⇒ les droits qui constituent l'essence de la souveraineté sont les marques par lesquelles on
peut discerner en quel homme ou assemblée réside puissance souveraine : ils sont en effet
incommunicables et inséparables
telle est la division dont il s'agit quand on dit qu'un royaume divisé en lui-même ne peut
subsister, car, à moins que cette division ne la précède, la division en armées opposées ne
peut survenir.
"Si dans la plus grande partie de l'Angleterre, l'opinion ne s'était pas répandue selon laquelle
ces pouvoirs étaient divisés entre le roi, les lords, et la chambre des Communes, le peuple ne
se serait jamais divisé et ne serait jamais tombé dans cette guerre civile, tout d'abord entre
ceux qui s'opposaient en politique, et ensuite entre ceux qui s'affrontaient au sujet de la
liberté de la religion."

Ils ne peuvent passer ailleurs sans renoncement direct à la puissance souveraine


La puissance et l'honneur des sujets disparaissent en présence de la puissance souveraine
La puissance souveraine fait moins de mal que son absence et, pour la plus grande part, le
mal vient de ce qu'on ne s'est pas soumis volontiers à un moindre mal

Rawls, Théorie de la justice

1. La justice comme équité

a. Le rôle de la justice

la justice est la première vertu des institutions sociales ; chaque personne possède une
inviolabilité fondamentale qui ne peut être transgressée ; la justice interdit que la perte de
liberté de certains puisse être justifiée par l’obtention, par d’autres, d’un plus grand bien ;
n’admet pas que les sacrifices imposés à un petit nombre puissent être compensés par
l’augmentation des avantages dont jouit le plus grand nombre

société = une association, plus ou moins suffisante, de personnes qui, dans leurs relations
réciproques, reconnaissent certaines règles de conduite comme obligatoires et qui, pour la
plupart, agissent en conformité avec elles ; de plus, ces règles déterminent un système de
coopération visant à favoriser le bien de ses membres

identité d’intérêts, conflit d’intérêts : personne n’est indifférent à la façon dont sont répartis
les fruits de leur collaboration

⇒ besoin d’un ensemble de principes pour choisir entre les différentes organisations
sociales qui déterminent cette répartition des avantages et pour conclure un accord sur une
distribution correcte des parts = principes de la justice sociale

fournissent moyens de fixer les droits et les devoirs dans les institutions de base de la société
et définissent la société et définissent la répartition adéquate des bénéfices et des charges de
la coopération sociale

une société est bien ordonnée lorsqu’elle n’est pas seulement conçue pour favoriser le bien
de ses membres, mais lorsqu’elle est aussi déterminée par une conception publique de la
justice ; “le fait de partager une conception de la justice établit les liens de l’amitié civique”

b. L’objet de la justice

pour nous, l’objet premier de la justice = la structure de base de la société = la façon dont les
institutions sociales les plus importantes répartissent les droits et les devoirs fondamentaux
et déterminent la répartition des avantages tirés de la coopération sociale
institutions = la constitution politique et les principales structures socio-économiques
⇒ elles définissent les droits et devoirs des hommes, influencent leurs perspectives de vie, ce
qu’ils peuvent s’attendre à être ainsi que leur chance de réussite
exemple : positions sociales et hommes nés dans positions différentes ont des perspectives
de vie différentes ; institutions sociales favorisent certains pdd au détriment d’autres :
inégalités qui affectent les chances des hommes dès le départ dans le vie

⇒ c’est à ces inégalités que doivent s’appliquer les principes de la justice sociale en premier
lieu

c. L’idée principale de la théorie de la justice

l’idée qui nous guidera = les principes de la justice valables pour la structure de base de la
société sont l’objet de l’accord originel
ce sont les principes même que des personnes libres et rationnelles, désireuses de favoriser
leurs propres intérêts, et placées dans une position initiale d’égalité, accepteraient et qui,
selon elles, définiraient les termes fondamentaux de leur association
⇒ cette façon de considérer les principes de la justice = théorie de la justice comme équité

dans cette théorie, position originelle d’égalité = état de nature dans la théorie traditionnelle
du contrat social ; “situation purement hypothétique” = “Les principes de la justice sont
choisis derrière un voile d’ignorance. Ceci garantit que personne n’est avantagé ou
désavantagé dans le choix des principes par le hasard naturel ou par la contingences des
circonstances sociales.”

“justice comme équité” = les principes de la justice sont issus d’un accord conclu dans une
situation initiale elle-même équitable

dans cette situation, le principe d’utilité serait-il reconnu ? improbable que des personnes
considérées comme égales consentent à un principe exigeant une diminution des
perspectives de vie de certains simplement au nom de la plus grande quantité d’avantages
dont jouiraient les autres ; puisque chacun désire protéger ses intérêts (ce sont des agents
mutually disinterested, ne s’intéressent pas aux intérêts des autres), il n’a aucune raison de
consentir à une perte durable de satisfaction pour lui-même afin d’augmenter la somme
totale

les principes choisis seraient

1. l’égalité dans l’attribution des droits et des devoirs de base


2. des inégalités socio-économiques, de richesse, d’autorité etc. sont justes si et
seulement si elles produisent, en compensation, des avantages pour chacun et en
particulier, pour les membres les plus désavantagés de la société
⇒ excluent la justification d’institutions par l’argument selon lequel les épreuves endurées
par certains peuvent être contrebalancées par un plus grand bien, au total

“l’idée intuitive est la suivante : puisque le bien-être de chacun dépend d’un système de
coopération sans lequel nul ne saurait avoir une existence satisfaisante, la répartition des
avantages doit être telle qu’elle puisse entraîner la coopération volontaire de chaque
participant, y compris des moins favorisés.”

⇒ les deux principes que j’ai mentionnés plus haut constituent une base équitable sur
laquelle les mieux lotis ou les plus chanceux dans leur position sociale pourraient espérer
obtenir la coopération volontaire des autres participants ; cas où bien-être de tous
conditionné par l’application d’un système de coopération

“contrat” = transmet l’idée que ces principes sont des principes que des personnes
rationnelles choisiraient et qu’on peut ainsi expliquer et justifier des conceptions de la justice

hypothétique : “aucune société humaine, bien sûr, ne peut être un système de coopération
dans lequel les hommes s’engagent au sens strict volontairement; chaque personne se
trouve placée à la naissance dans une position particulière, dans une société particulière, et
la nature de cette position affecte matériellement ses perspectives de vie. Cependant une
société qui satisfait les principes de la justice comme équité se rapproche autant que
possible d’un système de coopération basé sur la volonté, car elle satisfait les principes
mêmes auxquels des personnes libres et égales donneraient leur accord dans des
circonstances elles-mêmes équitables.”

e. L’utilitarisme classique

il semble que l’utilitarisme est la conception la plus rationnelle de la justice si on se


représente la société ainsi : chaque homme, quand il satisfait ses propres intérêts,
comptabilise ses pertes face à ses gains ⇒ donc pq une société n’agirait pas de même ?

⇒ le principe de choix valable pour un groupe est interprété comme une extension du
principe de choix valable pour un individu

le bien y est défini indépendamment du juste, puis le juste comme maximisation du bien

- la théorie rend compte de nos jugements bien pesés d’après lesquels certaines choses
sont dites bonnes (jugements de valeur) en disant qu’ils sont une classe de jugement
- reconnaissable intuitivement par le sens commun et propose alors l’hypothèse que
juste = ce qui maximise le bien
- la théorie nous rend capable de juger de la valeur des choses sans nous référer à ce
qui est juste

trait saillant de la conception utilitariste = la façon dont la somme totale des satisfactions est
répartie entre les individus ne compte aucunement : seule compte le contentement
maximum

f. Quelques oppositions connexes

“nous pensons que chaque membre de la société possède une inviolabilité fondée sur la
justice ou sur le droit naturel, qui a priorité sur tout, même sur le bien-être de tous les
autres”
⇒ dans une société juste, les libertés de base sont considérées comme irréversibles et les
droits garantis par la justice ne sont pas sujets à des marchandages politiques ni aux calculs
d’intérêts sociaux ; les convictions de sens commun concernent la priorité de la justice
l’utilitarisme cherche à rendre compte de nos convictions en faveur de la justice comme si
elles étaient une illusion socialement utile tandis que la doctrine du contrat les acceptent
comme fondées

l’utilitariste étend le principe de choix individuel à la société ; la théorie de la justice pose que
les principes du choix social sont eux-mêmes l’objet d’un accord originel ⇒ pas de raison
d’accepter l’extension de l’individu à la société

l’utilitarisme n’est pas un individualisme : traitant tous les systèmes de désirs comme un
seul, il applique à la société le principe de choix qui est valable pour un individu ⇒ ce
traitement soumet les droits individuels garantis par la justice aux calculs des intérêts
sociaux

l’utilitarisme est une théorie téléologique : la nôtre est une théorie déontologique = une
théorie qui soit ne définit pas le bien indépendamment du juste, soit n’interprète pas le juste
comme une maximisation du bien

⇒ il n’y a aucune raison de penser que les institutions justes maximiseraient le bien :
comment parvenir au plus grand solde net de satisfaction est une question qui ne se présente
jamais dans la théorie de la justice comme équité

dans l’utilitarisme, la satisfaction d’un désir, quel qu’il soit, a de la valeur en elle-même et il
faut la prendre en considération quand on décide de ce qui est juste

dans la théorie de la justice comme équité, les personnes acceptent par avance un principe de
liberté égale pour tous et elles le font dans l’ignorance de leurs fins plus particulières ⇒ elles
acceptent implicitement de conformer l’idée qu’elles se font de leur bien propre aux
principes de la justice ⇒ un individu qui trouve du plaisir à voir les autres en position de
moindre liberté comprendra qu’il n’a aucun droit quel qu’il soit à ce plaisir “le plaisir qu’il
prend aux privations des autres est mauvais en lui-même.”

dans la théorie de la justice comme équité, on ne prend pas les tendances et les inclinations
des hommes comme données, pour ensuite chercher le meilleur moyen de les satisfaire : dès
le début leurs désirs et leurs aspirations sont limités par les principes de la justice qui
définissent les bornes que nos systèmes de fins doivent respecter

⇒ “le concept du juste est antérieur à celui du bien”

cette priorité du juste sur le bien dans la théorie de la justice comme équité s’avère en être un
trait central : “Elle impose que la forme de la structure de base dans son ensemble obéisse à
certains critères; son organisation ne doit pas engendrer des tendances et des attitudes
contraires aux deux principes de la justice, et elle doit garantir la stabilité des institutions
justes. C’est pourquoi on impose certaines limites initiales à la définition de ce qui est bien et
des formes de caractères moralement valables, et donc au genre de personnes que les
hommes devraient être.”
g. L’intuitionnisme

les théories intuitionnistes ont deux caractéristiques

- consistent en une pluralité de principes premiers qui peuvent entrer en conflit et


donner des directives contraires dans types de cas
- ne comprennent aucune méthode explicite pour mettre en balance ces principes les
uns par rapport aux autres

l’intuitionnisme de sens commun prend la forme de groupes de préceptes assez spécifiques,


chaque groupe s’appliquant à un problème particulier de justice
exemple sur le salaire équitable : mettre en balance des critères différents et concurrents,
comme les revendications de qualification, de formation, de responsabilité, d’effort, des
besoins…
de plus, détermination des salaires par les institutions existantes représente une façon
d’estimer le poids relatif de ces revendications : mais elle est normalement influencée par les
demandes de différents intérêts sociaux et donc par des positions relatives de pouvoir et
d’influence ⇒ donc pas forcément conforme à la conception que tout un chacun se ferait
d’un salaire équitable
on insistera sur ce qui va dans le sens de notre intérêt, ou nos idées quotidiennes sur la
justice seront influencées par notre situation, nos habitudes, nos attentes ordinaires

⇒ on peut considérer les problèmes de la justice en nous référant à certains buts de politique
sociale : mais repose aussi sur l’intuition, car prend la forme d’une mise en balance de
différents objectifs économiques et sociaux

principes des conceptions philosophiques sont de nature très générale : non seulement ont
pour tâche de rendre compte des fins de la politique sociale, mais encore l’importance
donnée à ces principes devrait déterminer l’équilibre entre ces fins

exemple : conception basée sur la dichotomie entre masse et répartition


(aggregative-distributive dichotomy), deux principes
- la structure de base de la société a pour but de produire le plus grand bien possible,
plus grand solde net de satisfaction
- répartir de manière égale les satisfactions

⇒ dans ce cas le premier critère fonctionne comme un critère d’efficacité, et le second


comme de justice, limitant la poursuite du bien-être total et rendant égale la répartition des
avantages

conception intuitionniste car ne fournit pas de règle de priorité pour déterminer comment
mettre en balance ces deux principes

⇒ on pourra prétendre que dans la pondération on est guidé inconsciemment par des
critères supplémentaires, par la meilleure façon de réaliser une certaine fin : mais
l’intuitionniste prétend qu’il ne peut y avoir une telle interprétation : affirme qu’il n’existe
aucune conception éthique exprimable qui sous-tende ces pondérations
⇒ une figure géométrique ou une fonction mathématique peuvent les décrire, mais il n’y a
aucun critère moral sur lequel fonder leur caractère raisonnable
rien d’intrinsèquement irrationnel dans cette doctrine intuitionniste : peut être vraie ; on ne
peut pas tenir pour acquis qu’il doive exister une dérivation complète de nos jugements sur
la justice sociale à partir de principes éthiques évidents

⇒ la seule façon de contester l’intuitionnisme = mettre en avant les critères éthiques


évidents qui rendent compte du poids que d’après nos jugements bien pesés, nous pensons
correct d’attribuer à ces principes, dans leur pluralité

8. Le problème de la priorité

⇒ “une conception intuitionniste de la justice n’est qu’une conception incomplète”

dans la théorie de la justice comme équité, le rôle de l’intuition est limité de plusieurs façons

les principes de justice sont ceux qui seraient choisis dans la position originelle : étant
rationnelles, ces personnes reconnaissent qu’elles auront à examiner la priorité de ces
principes et auront donc besoin de principes de pondération ; elles ne peuvent pas établir
qu’en général leurs jugements intuitifs sur la priorité seront identiques; étant donné leurs
différentes positions dans la société, c’est certainement impossible

“c’est pq je suppose que dans la position originelle, les partenaires essaient d’atteindre un
accord sur la façon d’évaluer les principes de la justice.”

une seconde possibilité serait que nous soyons capables de trouver des principes qui puissent
être placés dans un ordre sériel ou lexical ; ordre qui demande que l’on satisfasse d’abord le
principe classé premier avant de passer au second, le second avant de considérer le
troisième, etc. ⇒ évite de mettre en balance les principes ; ou encore tout principe qui
apparaît dans l’ordre devra être maximiser, sous la contrainte que les précédents aient été
complètement satisfaits

ici, le principe de la liberté égale pour tous sera classé avant le principe qui gouverne les
inégalités économiques et sociales
⇒ la structure de base doit organiser les inégalités de richesse et d’autorité selon des formes
compatibles avec les libertés égales pour tous exigées par le principe 1

Etat, Anarchie, Utopie

2 L’état de nature

Locke “état où les individus sont parfaitement libres d’ordonner leurs actions, de disposer de
leurs biens et de leurs personnes comme ils l’entendent, dans les limites du droit naturel,
sans demander l’autorisation d’aucun autre homme ni dépendre de sa volonté”

les limites du droit naturel “nul ne doit léser autrui dans sa vie, sa santé, sa liberté, ni ses
biens”
quelques personnes transgressent cela, aussi par réaction les gens peuvent se défendre ou
défendre les autres contre de tels empiètements

“uniquement le pouvoir d’infliger au criminel autant que le sang-froid, la raison, et la


conscience l’exigent, un mal proportionnel à l’infraction, c’est-à-dire suffisant pour la
réparation et la prévention”

⇒ inconvénients pour lesquels Locke concède que “le gouvernement civil est le vrai remède”

[possibilité des querelles et pas de moyen sûr pour régler les conflits]

comment traiter ces problèmes à l’intérieur de l’état de nature ?

des groupes d’individus peuvent former des associations de protection mutuelle : “l’union
fait la force”
deux inconvénients accompagnent de telles associations : 1. chacun est toujours susceptible
d’être appelé à servir dans des fonctions protectrices 2. n’importe quel membre peut en
appeler à ses associés en disant que ses droits ont été violés

comment faire en cas de dissension interne ? si non-intervention, formation de sous-groupes

l’inconvénient d’une situation où tout le monde est de garde quels que soient son activité du
moment son inclination ou son avantage comparatif peut être résolu par la division du
travail : certains seront embauchés pour accomplir les fonctions protectrices et des
entrepreneurs vendront des services de protection

⇒ délégation à un tiers réputé neutre des fonctions de jugements : fortes tendances pour que
les fonctions mentionnées soient rassemblées dans les mains d’un même agent ou d’une
même organisation

[encore ajd, possibilités de mener des procédures de jugement indépendamment de l’Etat :


ce qui conduit les gens à utiliser le système judiciaire de l’Etat, c’est la question de
l’exécution de la décision : seul l’Etat peut faire respecter un jugement contre la volonté
d’une de ses parties]

dans quelle mesure si elle peut vraiment l’être, une association protectrice dominante
est-elle différent de l’Etat ?

le schéma des associations protectrices privées peut différer de l’Etat minimal ou manquer
de satisfaire à la conception minimale d’un Etat de deux façons
- cette association semble permettre à certaines personnes de faire respecter leurs
propres droites
- elle ne semble pas protéger tous les individus à l’intérieur de son domaine

un Etat revendique le monopole s’agissant de décider qui peut utiliser la force et quand;
l’Etat prétend que lui seul peut décider qui peut utiliser la force et dans quelles conditions
“une condition nécessaire à l’existence d’un Etat est que cet Etat annonce que, dans toute la
mesure du possible, il punira quiconque se révélant avoir utilisé la force sans sa permission
expresse”

⇒ les associations protectrices ne procèdent pas à de telles annonces, pas plus qu’il ne paraît
moralement légitime pour elles de le faire

de plus, dans ce système, seuls ceux qui payent peuvent être protégés; et on peut acheter des
degrés différents de protections ; la protection et le renforcement du droit des gens est traité
comme une marchandise devant être fournie par le marché

⇒ selon la conception habituelle de l’Etat, chaque personne vivant à l’intérieur de ses limites
géographiques obtient sa protection

3 Les contraintes morales et l’Etat

pour les partisans de l’Etat ultraminimal, la redistribution de la protection est le seul droit
légitime de l’Etat, car les autres impliquent une violation des droits de l’Homme

ce droit légitime doit lui permettre d’atteindre son but moral = arriver à la somme totale
pondérée de la violation des droits, c’est à dire que la violation du droit des uns ne soit pas
supérieure au bénéfice que retireraient d’autres personnes de cette violation originelle

⇒ mais violer le droit des uns pour minimiser la somme totale pondérée de la violation des
droits dans la société va à l’encontre du droit des individus.

donc nécessité d’ériger des contraintes secondaires qui vont au-delà du


but moral initial, une sorte de meta contrainte qui empêcheraient les
dérives dues à la faible efficacité des contraintes primaires.
le droit des autres déterminent les contraintes auxquelles sont soumises nos actions.

⇒ l’objectif de l’Etat devenant ainsi la maximisation des buts B sans violer ces contraintes
="compromis optimal"

conclusion : l’Etat aura le choix entre deux optiques :

- soit l’interdiction de violer les contraintes morales dans la poursuite des buts,
- soit minimiser la violation des droits qui permet de violer les droits en vue d’une
diminution de la violation totale dans la société (cette dernière hypothèse
représentant la position de l’Etat ultraminimal).

⇒ pourquoi ne pas considérer la non-violation des droits comme une contrainte primaire et
non pas seulement secondaire, qui serait basée sur des principes moraux et des idéaux ?
principe kantien qui définit l’Homme comme une fin et non un moyen
réponse = les contraintes ne doivent en aucun cas rythmer la vie des gens ; on ne doit pas
organiser sa vie en fonction de contraintes, mais les utiliser afin de ne pas dérégler la société.
contraintes libertaires dans un groupe ⇒ paradoxe difficile à résoudre : on peut être une
menace pour quelqu’un en étant innocent car ce n’est pas de notre volonté ni de notre faute.
(un individu peut se retrouver dans une situation qui l’oblige à violer les droits d’une autre
personne afin de se protéger)

les droits de cette personne qui menace cet individu sont donc violés alors qu’elle ne
représentait pas volontairement une menace pour son agresseur (ex. une personne jetée dans
un puis où se trouve déjà une autre personne ; la première représente une menace de mort
pour la seconde qui est donc obligé de l’agresser si elle veut survivre).

⇒ en d’autres termes, dans la prohibition de l’utilisation de la violence contre des personnes


innocentes, doit-on pour se sauver violer les droits de ces personnes ? Dans ce cas, ne
sommes nous pas nous aussi innocents et victimes ?

l’auteur accorde des droits aux animaux (dans la mesure où la frontière entre les Hommes et
les animaux n’est pas établie), mais selon une classification établie, tout le monde ne pense
pas la même chose ; Kant se place du côté des bénéfices que la société pourra retirer de
l’utilisation des animaux, alors que les utilitaristes rejoignent la position de Nozik mais vont
beaucoup plus loin (ce que l’auteur dénonce notamment) : ils mettent sur un pied d’égalité le
bonheur et la souffrance des hommes avec ceux des animaux : ils assimilent les individus à
des moyens et non à une fin

⇒ d’où leur "violabilité" : ce qui revient à se poser la question du sacrifice d’une


personne au profit d’une autre au statut supérieur.

l’anarchie individualiste met en relief d’autres contraintes morales de l’Etat basées sur la
violation des droits des individus : si un Etat peut violer légitimement un droit, alors
pourquoi une association protectrice privée ne le pourrait-elle pas ? De quels droits un
Etat s’accorde-t-il certains droits qu’il refuse à tous les autres ?

4 Interdiction, compensation et risque

Locke a beaucoup réfléchi sur ce thème : interdit l’utilisation de la force pour contraindre
une personne à entrer dans une société civile, car les droits de chacun sont
délimités par une ligne (un hyper plan) elle-même déterminée par les
droits naturels des individus qui limite les actions des autres. En vertu de
quoi, le franchissement de cette ligne donnera lieu à une compensation
totale : la situation de la "Victime V" après le franchissement doit être supérieure à celle de
la "Victime V" avant franchissement. Si X vole le téléviseur de Y, il devra, en contrepartie, lui
offrir un téléviseur d’une valeur supérieure ou une compensation pécuniaire plus importante
que le prix dudit téléviseur. Si la compensation est équivalente ou inférieure, l’agressé sera
donc lésé dans l’opération qui aura profité uniquement à l’agresseur.

Pourquoi donc prohiber si on peut obtenir une compensation totale ?

- toute violation de droit n’est pas compensable (la mort, le viol…)


- selon Locke, certaines choses ne peuvent être réalisées même avec le consentement
de la personne (demander à quelqu’un qu’il nous assassine)
- une compensation est rarement totale. En effet, il faudrait qu’elle ne change pas
l’équilibre qu’il y avait entre les deux partis avant l’échange (c’est à dire qu’une
personne soit ou puisse dans le futur être avantagée par rapport à son vis-à-vis), et
qu’elle soit supérieure à la "compensation du marché", c’est à dire au prix relevant
d’une négociation. Sinon, dans tous ces cas, il y aurait une injustice.
- si tout était permis en échange d’une compensation, ce serait le chaos total dominé
par la peur. La peur est un sentiment qui est rarement pris en compte dans le
montant des compensations (ainsi que ses consœurs l’humiliation, le déshonneur…).
Or, c’est la peur qui interdit que tout soit achetable, car elle est difficilement
quantifiable et prévisible.

Enfin, on peut se demander si, avant d’autoriser de dédommager la transgression d’une


action prohibée, il faut se poser la question de savoir si le montant de la
compensation est réglable par les individus. En d’autres termes, devrait-on
interdire à ces personnes de violer ces actions ? Et s’ils le font violent-ils vraiment les
victimes ? La question est de savoir si, pour les personnes à risques, il faut interdire certaines
actions qui pourraient causer de graves conséquences pour les autres même si elles ne
peuvent jamais arriver (la conduite pour un mal voyant ou un handicapé physique…).

Cette société à deux vitesses est décrite comme une société non libre par l’auteur dès le
moment où l’interdiction de ces actions créerait un désavantage pour ces personnes ("après
est inférieur à avant"). Dans ce cas, il faudrait interdire les activités à risques.

Pour enrayer le processus de violation des droits même avec compensation, la communauté
peut mettre en place des théories punitives permettant d’infliger des pénalités
supérieures à celles prévues normalement ; ce châtiment disproportionné qui, pour les
utilitaristes doit être proportionnel au malheur causé à la victime, permettrait de dissuader
fortement les futurs coupables.

⇒ prendre en compte un facteur important dans la compensation : le risque ; une


personne susceptible d’être attaquée doit-elle être indemnisée pour le
risque qu’elle prend même si rien ne lui arrive ? ou doit-on penser comme
Charles Fried que le risque fait partie de la vie et donc que chacun doit pouvoir imposer aux
autres des risques normaux sans pour autant distribuer des compensations ?

les trois critères qui décident si une société doit accepter le franchissement de frontière,
donc la violation des droits, moyennant compensation sont :

- la considération de la peur et du risque,


- la division des bénéfices de l’échange,
- les coûts de transactions.

5 L’Etat
L’existence d’un groupe limite le pouvoir individuel de ses membres. La raison invoquée est
que si chacun avait le pouvoir de justice, cela créerait une situation dangereuse au sein de la
société ⇒ les pouvoirs légitimes d’une association protectrice
correspondent à la somme des droits individuels détenus par les
individus distincts agissant seuls dans un Etat de nature.

mais un problème se pose lorsqu’une personne décide de ne pas faire partie d’un groupe afin
de distribuer lui-même la justice ; formerait un groupe monocéphale, donc habilité à donner
la justice.

Nozik est contre le principe d’équité de Hart et Rawls qui donnent à un petit nombre de
personnes des créances de droits de la part d’autres individus qui ont bénéficié des actions
de ces personnes. Pour l’auteur, aucun droit nouveau n’apparaît au niveau du groupe. Des
individus associés ne peuvent pas créer de nouveaux droits qui ne soient
pas la somme des droits préexistants. En effet, un droit ne peut mettre en vigueur
l’obligation qu’ont les autres de limiter de façon spécifique leur comportement. On ne peut
imposer la collaboration des autres même dans des situations spécifiques. Une personne ne
peut être obligée de participer à un service ou un travail dont elle a bénéficié sans qu’on lui
demande son avis. Car si elle avait connu les termes du contrat à l’avance elle aurait pu les
rejeter. Le principe d’équité est donc inacceptable.

De la même façon, le système de droits semble inapproprié à la réalité. Notre société qui
privilégie l’innocence à la culpabilité laisse donc un champ libre à la criminalité qui voit
diminuer sa probabilité d’être condamné. Un système où plus les garanties de procédures
sont importantes, moins un innocent peut être condamné injustement et plus sont les
chances qu’un coupable reste libre est un système qui décourage peu le crime. Le système le
plus efficace est donc celui qui minimise la valeur attendue du mal injustifié que je subis, soit
parce que je suis injustement puni, soit parce que je suis victime d’un délit.

Quelle est la marge de manœuvre d’une association protectrice ? Elle doit pouvoir juger
toutes procédures de justice qui sera appliquée à ses clients, mais en respectant certaines
limites, c’est à dire de ne pas être aveuglement solidaire avec ses clients. Cette
association se sent un monopole de facto. Elle pense toutes ses procédures fiables
et justes et celle des autres injustes et non fiables. Elle se sent seule maître de définir si
l’action des autres est juste. Ce qui fait de cette entité un Etat de facto.

Lorsqu’une agence protectrice interdit à l’extérieur de faire valoir librement ses droits sur ses
clients, elle doit offrir une compensation. Dans ce cas, il serait plus avantageux pour les
individus de se voir offrir la protection en compensation plutôt qu’en la payant en adhérant à
l’association.

L’association protectrice est-elle un Etat ? pour satisfaire à cette situation, l’association


protectrice doit regrouper un territoire et une population cliente de l’association, le
monopole de la force, et la préservation des droits des individus.

à partir de ce moment, on pourra dire que de l’état de nature naîtra un Etat sans violer le
moindre droit des individus. L’association dominante est donc la prémice d’un
Etat. L’Etat minimal naît de façon légitime d’un Etat de nature par la
force de la main invisible.

En conclusion de ce chapitre, un territoire ayant une agence protectrice dominante contient


un Etat ⇒ cela va à l’encontre de la théorie de Locke car pour que naisse un Etat, il faut un
consensus social adopté par tous, et non pas seulement par quelques uns ; un Etat doit être
homogène dans son acceptation ; pour Locke, la naissance d’un Etat doit être préméditée par
un pacte social ⇒ un des points sur lesquels Nozik se détache du philosophe anglais.

6 Nouvelles considérations sur l’argumentation en faveur de l’Etat

Le monopole de facto crée un déséquilibre de pouvoir. Donc, on peut se poser la question de


savoir si une association protectrice doit être unique et être autorisée à tout faire pour rester
la plus puissante. Attaquer l’autre doit être autorisé mais à certaines conditions. Le faire pour
l’empêcher d’être plus puissant que soit est immoral, alors que l’attaquer parce qu’il vous
menace est tout à fait légitime. On pourra ainsi parler de légitime défense
uniquement lorsqu’il y aura une menace réelle d’attaque.

Si un individu et l’association protectrice ont les mêmes droits à la base, comment cette
agence peut-elle prétendre avoir des habilitations supérieures à ses membres. C’est pour
cette raison qu’il est important de distinguer une habilitation générale et accordée à
tous, d’une habilitation unique.

La théorie de l’Etat de nature considère le châtiment comme une fonction que n’importe qui
peut accomplir, car tout le monde a les mêmes droits (Locke). C’est un droit que réfute
Nozik. L’auteur prône la création d’un droit conjoint pour contrer le droit individuel. Ce droit
sera symbolisé par l’agence dominante qui possède la délégation de ses clients.

7 Justice distributive

Selon le principe de la justice distributive, une distribution est juste si tout le monde
est habilité à la possession des objets qu’il possède selon le système de distribution ; une
distribution sera juste si elle est née d’une autre distribution juste grâce
à des moyens légitimes ; cette règle s’applique à toutes les actions des individus d’une
société mais pose le problème des biens acquis injustement il y a longtemps et dont les
ancêtres réclament aujourd’hui le retour.

⇒ à ce problème, deux théories antagonistes vont s’opposer : la "théorie de


l’habilitation" qui examinera le processus d’appropriation d’une objet, et la "théorie
des principes courants de la répartition du temps" qui ne prendra en compte
que les faits établis.

mais comment doit s’effectuer la distribution ? trois modèles peuvent être établis :
- une distribution selon le mérite moral,
- une distribution selon l’utilité envers la société,
- une distribution selon le mérite moral et l’utilité.

Hayek complétera cet ensemble de modèle par le modèle de la valeur : la distribution réside
dans la valeur des actions et services de chacun perçue par les autres. A l’opposé, Nozik
pense que la distribution ne peut ni ne doit être organisée en modèle. Car
tout modèle est instable (il peut être remis en cause sempiternellement par les actions
volontaires des individus) ou bien se satisfait du système de l’habilitation. De plus, les
individus veulent que leur société soit ou paraisse juste. L’apparence de justice réside plus
dans les principes qui sont à l’origine et qui la sous-tendent, plutôt que dans un modèle qui
en résulte. La distribution doit être le résultat "de chacun comme ils
choisissent à chacun comme ils sont choisis". C’est à dire que ce qu’on aura sera
subordonné à ce que les autres voudront bien nous donner. L’Etat, par l’intermédiaire de
l’imposition, offre l’image négative d’un modèle de distribution basée sur l’esclavage et la
violation des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Ce modèle de distribution
applique un impôt sur la liberté et le bonheur, et force les gens à s’expatrier. Cela crée
une situation d’inégalité où chacun a le droit de s’expatrier afin d’échapper à l’imposition
alors que le droit de rester dans son pays et de refuser cette imposition est interdit.

La théorie de l’acquisition chez Locke va structurer la théorie de l’habilitation ; elle cherche


à cerner un principe de justice s’appliquant à l’acquisition : cette théorie lockéenne se base
sur la valeur du travail personnel fourni dans la réalisation ou l’évolution d’un objet, si
quelqu’un mêle son travail à quelque chose, il en devient propriétaire dès lors que cela
n’empire pas la situation des autres ; Nozik va s’opposer à cette théorie sur la base de
l’inégalité des individus devant l’appropriation ; de plus, il limite la théorie
lockéenne à la connaissance de l’importance économique générale de
l’appropriation originelle afin de voir quel degré de dérive existe entre les
théories divergentes de l’appropriation et de la situation de base.

critique de la théorie de la justice, celle de Rawls ; selon Rawls, une société fabrique un
principe de justice sociale dont l’objectif est de distribuer équitablement les parts entre les
individus (une sorte de coopération) : les inégalités seront justifiées si elles servent à élever la
position du groupe le plus élevé de la société, dans la mesure où, sans ces inégalités, le
groupe le plus déshérité ne trouverait pas une position encore pire

⇒ Nozik va dénoncer la confusion et le manque de clarté qu’introduit cette théorie sur le


droit de chacun à demander sa part. Chaque individu devrait mériter ce qu’il
obtient sans aide et ne devrait pas se sentir menacé dessus.

Rawls prône le principe de différence qui introduit une légitimation des inégalités si celles-ci
produisent, en compensation, des avantages pour chacun, et en particulier pour les membres
les plus désavantagés de la société ; Rawls insiste sur la coopération sociale de
tous comme nécessaire à la justice.

Nozik pense que la contrainte à une coopération sociale privilégierait encore plus ceux qui
tirent déjà les plus grands bénéfices de cette coopération générale ; la position de Rawls est
incapable de produire une habilitation ou une conception historique de la justice distributive
car il pense des principes de justice où l'Etat est vu comme une fin et où on cherche à pallier
le manque de principe d’habilitation historique par des dérivés, des faux ; de plus, la théorie
de Rawls ne s’applique qu’à une macro-structure fondamentale de la société ; elle exclut les
micro structures, alors qu’il faut, au contraire, s’intéresser aux micro
situations dont on possède une solide connaissance : elles forment l’élément de base de
toute analyse d’une situation.

⇒ donc, la théorie de Rawls est, soit incapable de donner des principes de justice pour les
processus, soit ces principes engendrés par le processus constituent une base insuffisante.

Mais Rawls, au grand damne de Nozik, va plus loin afin d’étayer sa théorie. Il considère
que tout ce qui a été immérité est immoral. Il est contre la liberté naturelle qui a
influencé les distributions présentes par des répartitions antérieures des talents et des dons
naturels. La répartition des talents naturels doit constituer un atout pour un collectivité et
non une différence. Il s’agira donc de combattre ces injustices par la
coopération sociale.

Mill, L’utilitarisme

1 Considérations générales

critique des morales intuitionnistes

2 Ce qu’est l’utilitarisme

la doctrine qui donne comme fondement à la morale l’utilité ou le principe du plus grand
bonheur affirme que les actions sont bonnes ou mauvaises dans la mesure où elles tendent à
accroître le bonheur ou à produire le contraire du bonheur
par bonheur, on entend le plaisir ou l’absence de douleur ; par malheur [unhappiness] la
douleur ou la privation de plaisir

⇒ quel est le contenu des idées de douleur et de plaisir ?

objection : la conception utilitariste de la vie est égoïste, basse, répugnante

à les en croire, admettre que la vie n’a pas de fin plus haute que le plaisir, qu’on ne peut
désirer et poursuivre d’objet meilleur et plus noble, c’est chose absolument basse et vile; c’est
une doctrine qui ne convient qu’au porc

si rapprochement que l’on fait entre vie épicurienne et vie des animaux donne sentiment de
dégradation, c’est parce que les plaisirs d’une bête ne répondent pas aux conceptions qu’un
être humain se fait du bonheur

mais théorie épicurienne du bonheur assigne aux bonheurs que nous devons à l’intelligence,
sensibilité, imagination, sentiments moraux, une bien plus haute valeur comme plaisirs qu’à
ceux que procure la pure sensation
certes, il faut reconnaître que, pr les auteurs utilitaristes les plaisirs de l’esprit l’emportent
sur ceux du corps, non pas en raison de leur nature essentielle, mais parce que les premiers
sont plus stables, plus sûrs, moins coûteux, etc.

⇒ on peut donc sans s’écarter du principe de l’utilité, reconnaître le fait que certaines
espèces de plaisir sont plus désirables et plus précieuses valuable que d’autres

“qu’entendez-vous par différence de qualité entre les plaisirs ? qu’est-ce qui rend un plaisir
plus précieux qu’un autre si ce n’est qu’il est plus grand quantitativement ?”

⇒ de deux plaisirs, s’il en est un auquel tous ceux qui ont l’expérience de l’un et de l’autre
accordent une préférence bien arrêtée, sans y être poussés par un sentiment d’obligation
morale, c’est ce plaisir-là qui est le plus désirable
si ceux qui sont en état de juger avec compétence de ces deux plaisirs placent l’un d’eux
tellement au-dessus de l’autre qu’ils le préfèrent tout en le sachant accompagné d’une plus
grande somme d’insatisfaction, s’ils sont décidés à n’y pas renoncer en échange d’une
quantité de l’autre plaisir telle qu’il ne puisse pas, pour eux, y en avoir de plus grande, nous
sommes fondés à accorder à la jouissance ainsi préférée une supériorité qualitative qui
l’emporte tellement sur la quantité, que celle-ci, en comparaison, compte peu

fait indiscutable = ceux qui ont une égale connaissance des deux genres de vie, qui sont
également capables de les apprécier et d’en jouir, donnent résolument une préférence très
marquée à celui qui met en oeuvre leurs facultés supérieurs higher

“Un être pourvu de facultés supérieures demande plus pour être heureux, est probablement
exposé à souffrir de façon plus aiguë, et offre certainement à la souffrance plus de points
vulnérables qu’un être de type inférieur; mais, en dépit de ces risques, il ne peut jamais
souhaiter réellement tomber à u niveau d’existence qu’il sent inférieur.”

⇒ il y a un sense of dignity que tous les êtres humains possèdent, sous une forme ou sous
une autre et qui correspond au développement de leurs facultés supérieures

distinction entre happiness et content : l’être dont le facultés de jouissance sont d’ordre
inférieur a les plus grandes chances de les voir pleinement satisfaites ⇒ tandis qu’un être
d’aspirations élevées sentira toujours que le bonheur qu’il peut viser, quel qu’il soit est un
bonheur imparfait

Il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait; il faut mieux être Socrate
insatisfait qu’un imbécile satisfait.

L’autre partie peut faire la comparaison, connaît les deux côtés.

l’idéal utilitariste = le bonheur général et pas le bonheur personnel ; l’idéal utilitariste est la
plus grande somme de bonheur totalisé (altogether)

selon le principe du plus grand bonheur, la fin dernière par rapport à laquelle et pour
laquelle toutes les autres choses sont désirables est une existence aussi exempte que possible
de douleur, aussi riche que possible en jouissances, les unes et les autres envisagées du
double point de vue de la quantité et de la qualité; et la pierre de touche de la qualité, la règle
qui permet de l’apprécier en l’opposant à la quantité, c’est la préférence affirmée par les
hommes qui, en raison des occasions fournies par leur expérience, en raison aussi de
l’habitude qu’ils ont de la prise de conscience et de l’introspection sont le mieux pourvus des
moyens de comparaison. Telle est, selon l’opinion utilitariste, la fin de l’activité humaine, et
par conséquence aussi, le critérium de la moralité.

la morale = l’ensemble des règles et des préceptes qui s’appliquent à la conduite humaine et
par l’observation desquels une existence telle qu’on vient de la décrire pourrait être assurée,
dans la plus large mesure possible, à tous les hommes ; et pas seulement à eux, mais, autant
que la nature des choses le comporte, à tous les êtres sentants de la création

objection : le bonheur est impossible ;

si le bonheur = état continu d’exaltation (excitement) agréable au plus haut degré, oui

mais les principaux éléments constitutifs d’une vie répondant à nos désirs semblent se
ramener à deux : le calme et l’animation (excitement)
nombre de gens se trouvent contents avec très peu de plaisir, s’ils peuvent avoir beaucoup de
calme; nombre d’autres sont capables d’accepter une somme considérable de douleur, s’ils
peuvent mener une vie exaltante à un haut degré

⇒ rendre les hommes capables d’unir ces deux éléments n’est pas impossibles et ces deux
éléments sont unis par la nature : la prolongation de l’un est une préparation à l’autre et le
fait désirer
ceux à qui des conditions d’existence tolérables sont échues en partage, lorsqu’ils ne trouvent
pas dans leur vie assez de jouissances pour qu’elle leur devienne précieuse, doivent le plus
souvent, ne s’en prendre qu’à eux-mêmes

mais il y a aussi des paramètres qui ne dépendent pas de nous : à moins qu’un tel homme,
par l’effet de mauvaises lois, ou parce qu’il est soumis au bon plaisir d’autres hommes, se
voie refuser la liberté de puiser aux sources de bonheur à sa portée, cette existence enviable
ne peut manquer de lui être réservée, s’il échappe aux malheurs accablants de la vie : misère,
maladie, dureté, indignité, disparition d’un être aimé
⇒ le noeud du problème est la lutte contre ces fléaux auxquels on ne peut échapper
entièrement

4ème objection : l’utilitarisme n’exclut-il pas le sacrifice de soi-même ?

5ème objection :

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