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PHILOSOPHIE – L’ART

Paul Lavaud
Terminale 7

Il faut distinguer dans le terme « art » deux perspectives :

- D’une part, l’œuvre d’art ou les œuvres


- D’autre part, le processus par lequel s’effectue la création, le mouvement de l’artiste qui a pour point
de départ une expérience de la réalité, de la vie, qui initie un mouvement, éventuellement
accompagné d’un savoir-faire, en vue d’une œuvre donnée (qu’elle soit picturale, musicale,
photographique, cinématographique…)

I. L’art comme création

Vidéo : Vincent Meunier, Éternel émerveillé (documentaire)

« L’art est partout dans la Nature »


« Une belle image, c’est la transmission d’une émotion »
« Le monde ne mourra pas par manque de merveilles, mais par manque d’émerveillement »

- Vincent Meunier

La création nécessite de se mettre au diapason des énergies de l’environnement, par l’observation,


l’attention, la patience, le fait de prendre le temps, la disponibilité de l’être, possiblement la solitude.

À l’origine de l’art, il n’y a pas l’art mais un regard, celui de l’être humain, ou plus simplement d’abord, celui
de l’être qui nous regarde et convoque notre attention. À l’origine de l’art, il n’y a pas un savoir-faire, une
compétence que nous aurions développée et que nous sommes capables d’exhiber. Il y a d’abord une
rencontre d’âme à âme, de présence à présence. Il y a d’abord « le coup reçu du monde » - Nicolas de Staël.

Cette rencontre mobilise autant le corps que l’esprit, davantage le cœur que l’intellect. En cette origine, la
pensée n’est pas première. Cette rencontre suppose une attention, et même une attente, sans savoir ce qui
sera reçu, sans connaître ce qui sera donné. L’inattendu est une compétence de l’émerveillement. Si la
beauté du monde peut nous bouleverser et susciter en nous le besoin d’y répondre, par les rires ou par les
larmes, ou par une mise en œuvre créative, la rencontre peut également être celle de la souffrance, de la
blessure, de l’écharde du mal dans la chair du monde. Mais précisément, l’effroi ou l’erreur ressentie ne sont
possibles que parce que nous nous référons à une joie, une justice, une bonté exigée. Comment pourrait-on
exiger cela du monde si nous l’avions déjà rencontrée ou pressentie ? Autrement dit, même le drame ne peut
être tel que sur le fond d’une grâce offerte. Dès lors, l’artiste est comme l’enfant qui répond par un sourire au
sourire de sa maman. Si le mot « art » désigne d’abord un savoir-faire, celui-ci n’est qu’un moyen, pour une
conscience, de refléter ce qui a été reçu de tout son être. Dans le mouvement machinal de la vie des
Hommes, la conscience artiste s’est arrêtée devant une fenêtre ; de même son œuvre appelle chacun dans la
cause effrénée du troupeau à s’arrêter pour regarder la fenêtre qu’elle est.
On peut distinguer 3 grands chocs qui président à la création artistique :

- Un choc esthétique ; l’Homme est subjugué par la beauté, la grâce, des mouvements, des couleurs…
Nous ne sommes pas, la plupart du temps, des êtres subjugués, bouleversés, émerveillés. Il faut pour
l’être se mettre dans une disponibilité, une disposition intérieure, dans une expérience intense de la
réalité.

- Un choc énergétique, qui nous anime. Nous recevons du réel une impulsion, une puissance, une
énergie et une étincelle naît de la rencontre entre cette énergie du réel et notre énergie intérieure.
Cela nous fait vibrer, suscite notre enthousiasme. Il faut encore, pour cela, mette son esprit dans une
disponibilité intérieure pour accueillir l’énergie.

- Un choc analogique. C’est la grande expérience des poètes et des musiciens. Le monde commence à
danser devant nous. Un jeu de miroir apparait entre les facettes du réel, des analogies commencent
à se faire à différentes échelles, le monde entre en résonnance. Charles Baudelaire appelait cela les
correspondances ; correspondances horizontales lorsque le monde se fait écho à lui-même (présence
de parallélismes, l’apparition – la naissance ; la disparition – la mort, par exemple) et
correspondances verticales entre ce que l’on voit et des instances supérieures comme des divinités.
On prend conscience des correspondances par l’observation et la contemplation. Elles permettent
une vision transfiguratrice du réel. Cette expérience du choc analogique a lieu au-delà des mots. Il
est impossible de la traduire dans un discours logique, comme celui du philosophe ou du
scientifique. On ne peut pas la communiquer, on ne peut que la figurer. Voilà pourquoi l’on dessine,
on compose, on sculpte, on peint, on écrit avec des figures et des sons.

Bien évidemment, pour celui qui se sent poussé à répondre à cette expérience originelle par un faire, par une
œuvre, porté par cette vibration ressentie, entre en jeu la question du savoir-faire et donc d’un travail, d’une
discipline, d’une réflexion. On peut cependant avoir le savoir-faire sans la vibration.

La création artistique relève, dans une certaine mesure, du savoir-faire car il s’agit pour l’artiste de rendre
compte de l’énergie, de retransmettre l’énergie, la vibration, que le réel lui a transmis. L’artiste est
l’accompagnateur de la vibration. Il cherche à enfanter la vibration en matérialisant ce qui permet de la
transmettre. C’est justement le savoir-faire qui permet la création matérielle la plus puissante, la plus
efficace.

Toute cet effort en vue de l’acquisition d’un savoir-faire est donc intimement lié au désir et à la possibilité de
faire rayonner la vibration du monde.

De même que la création a supposé une profonde contemplation, de même le spectateur ou l’auditeur ne
peut recevoir l’énergie de l’œuvre qu’à travers une contemplation, une patience, une longue et profonde
attente contemplative.

Le savoir-faire peut très bien conduire à produire des œuvres qui ne s’ancrent pas dans une telle expérience
originelle et la finalité de celui qui produit l’œuvre n’est pas nécessairement d’être le pont entre l’invisible et
le visible. Autrement dit, ce qui peut présider à l’œuvre d’art, c’est la logique de l’utilité, du gain ou celle de
l’orgueil (j’en met plein la vue avec mon piano ou ma guitare). Autrement dit, le monde de l’art, comme le
monde de la science, n’est pas épargné par la frivolité, la superficialité, tous les artistes ne sont pas habités.
Cela n’est pas forcément condamnable, mais il ne faut pas l’oublier. En effet, on peut juste vouloir s’amuser
avec la couleur et les sons. Il ne faut toutefois pas se prétendre artiste si cela est notre seul motivation à la
création.
L’état de conscience pour accueillir en lui l’énergie du réel est-il atteignable par les paradis artificiels, c’est-à-
dire par la drogue, l’alcool ou même la musique ?

L’idéal serait de ne pas avoir à passer par ces paradis artificiels, qui entrainent souvent des effets secondaires
néfastes. Mais ils permettent tout de même d’accéder à un état de conscience modifiée qui permet
d’accueillir la vibration et favorise la création artistique en stimulant l’imagination nécessaire à sa
retransmission.

Vidéo : Brigitte Sénéca (interview)

« La création est une ascèse, qui consiste à plonger profondément en nous-mêmes, mais aussi à s’ouvrir
grand à l’étranger. L’art fait le pont entre les deux ». C’est mettre de nous et de nos émotions dans une
représentation du réel.

« On va spiritualiser la matière et matérialiser l’esprit » - Brigitte Sénéca

Il faut distinguer la création artistique, qui nécessite une inspiration, une impulsion, et l’œuvre, qui ne
nécessite qu’une savoir-faire.

Si, dans sa dimension la plus profonde, la création artistique est l’écho d’une rencontre avec la vibration des
formes et des couleurs, ou avec une énergie invisible qui irradie à travers le visible, l’art n’est pas un outil de
communication.

Dès que l’on cherche à formuler ou communiquer un message qui serait transparent pour l’artiste, nous ne
sommes plus dans l’art. C’est pourquoi l’art relève davantage de l’expression que de la communication : il est
porteur d’un sens qui ne se réduit à aucune signification particulière. Ainsi, par exemple, on peut commenter
un poème et en dégager des significations, mais nos commentaires n’épuiseraient pas le sens du poème. Le
propre de la création artistique est de donner infiniment à penser.

Un artiste peut donner une lecture de son œuvre, sa propre lecture, mais le sens de son œuvre, sa
signification, déborde largement de la perception de l’artiste lui-même. À certains égards, l’artiste est aussi
étranger à son œuvre que le spectateur.

Si l’on prend l’exemple du mythe d’Œdipe, on remarque qu’il y a eu à travers les siècles pléthore
d’interprétations et de commentaires, autant auxquels le(s) auteur(s) ou narrateur(s) originel(s) du mythe
n’aurai(en)t pas pu penser.

La création artistique produit la rencontre entre le sens et le sensible : nous ne sommes plus totalement dans
la raison pure, avec ses concepts, ses idées, ses abstractions, et nous ne sommes pas non plus totalement
dans la sensation pure. L’œuvre relie ainsi l’expérience (toujours singulière, par définition) d’une réalité et la
question du sens. De même, dans la création artistique, le singulier devient le miroir de l’Universel.
Autrement dit, quand la raison nous fait l’expérience de l’Universel et que la sensation nous fait faire
l’expérience du singulier, l’œuvre d’art fait la rencontre du singulier et de l’Universel.
Cette rencontre entre le singulier et l’Universel se traduit également par la personne même de celui que l’on
appelle « artiste ». En effet, c’est toujours à travers la personne singulière de l’artiste, son histoire, sa
sensibilité, son savoir-faire, son style, que quelque chose d’Universel va se manifester. Le savoir-faire est ici
très important. Il joue un grand rôle dans l’art.

L’art se situe entre la définition ou l’explication plate et l’inaction. D’un côté, on ne prétend pas expliquer
clairement le réel, comme dans la science ou la philosophie, et on ne prétend pas dire l’indicible ; d’un autre
côté, on ne demeure pas dans l’inaction. On essaye de se placer entre les deux et de faire sentir en creux
l’expérience de la profondeur du réel. Le prix à payer pour cela est parfois de ne pas éclaircir certaines zones
d’ombre. Voilà pourquoi on trouve souvent, dans la poésie notamment, de nombreux passages sibyllins.

II. Qu’est-ce que l’œuvre d’art ?

Avant de réfléchir sur ce qu’est une œuvre d’art, on constate que les Hommes ont posé ce nom sur bien des
choses, qui ont évolué avec le temps.

Traditionnellement, l’œuvre « d’art » suppose le savoir-faire et est réalisée par l’Homme. Une statuette
imprimée en 3D ne pourrait donc pas être une œuvre d’art ne pourrait. On peut toutefois, par analogie,
considérer qu’il y a de l’art dans l’œuvre de Dieu, qui n’est donc pas réalisée par l’Homme, en voyant Dieu
comme artiste.

Aujourd’hui, on considère aussi comme œuvre d’art la production d’un singe ou le résultat d’un calcul réalisé
par une IA. En fait, soit on considère le résultat, et l’œuvre d’art peut être réalisée artificiellement, par une IA
ou un singe, soit on considère le processus de réalisation. Dans ce cas-ci, une œuvre d’art est nécessairement
créée par un être humain.

Une seconde caractéristique traditionnelle de l’œuvre d’art est la manifestation d’un savoir-faire, d’une
certaine virtuosité technique. Celle-ci perd peu à peu en importance avec le développement de l’art abstrait.

Une troisième est la volonté d’harmonie qui habite l’œuvre d’art pour produire une sensation de beauté,
arriver à faire ressentir la beauté d’un sujet. Ce critère peut poser un problème de subjectivité (nous
aborderons plus tard la question de la subjectivité dans l’Art). En tout cas, pour les Anciens, la beauté n’était
pas seulement subjective, il y avait une beauté universelle, transcendante. Il n’y a aussi pas eu uniquement la
volonté de beauté – expérience de l’harmonie, d’un ordre de l’émerveillement, de la douceur, de la paix –
mais aussi du sublime, avec les Romantiques, qui correspond à une expérience qui mêle à la fois la
fascination et l’effroi. C’est l’expression d’un contraste entre la puissance de la Nature, vis-à-vis de laquelle
nous ne sommes pas grand-chose, et notre vulnérabilité.

On peut donc désigner 4 caractéristiques de l’œuvre d’art en son sens traditionnel :

- Elle est réalisée par un artiste


- Elle est réalisée à partir d’un savoir-faire, d’une maîtrise technique
- Elle exprime la beauté
- Elle crée une relation avec ses contemplateurs
Noter que traditionnellement, on distinguer l’artiste – spécialiste des Beaux-Arts – de l’artisan – qui crée des
artifices. Ce qui distingue les Beaux-Arts des artifices est la recherche du beau, qui n’est pas nécessaire dans
le travail de l’artisan. On formait surtout les artisans à l’utile, tandis qu’on formait les artistes au beau. Mais
les choses ont changé, notamment à partir de la fin du XIXe siècle avec l’art moderne, puisque des artistes
ont considéré que l’art pouvait avoir d’autres finalités que l’expression de la beauté. On a donc commencé à
faire des œuvres sans rechercher la beauté, voire en assumant la laideur.

On a aussi commencé à réaliser des œuvres sans savoir-faire et sans expertise, dont le summum est le ready-
made : on prend un objet déjà produit et on le désigne comme œuvre d’art. C’est le cas de Marcel Duchamp
avec son urinoir, Fontaine.

On arrive à ce que Paul Klee formule ainsi : « l’art, c’est donner à voir ».

Au XXe siècle, l’art devient plus conceptuel. On passe de « ah, c’est beau » à « ah, c’est intéressant, ça donne
à penser » - plus que l’art figuratif, qui impose déjà une première compréhension de l’œuvre à la vue d’une
scène par exemple. Il y a en même temps au XXe siècle une obsession pour la transgression et l’innovation,
qui affaiblit la profondeur de l’art.

Aujourd’hui, l’art tente de produire une expérience du réel chez ses contemplateurs avec autant de noblesse
que l’expérience naturelle du réel. On rend compte de la magie du réel, avec une volonté d’épuration. En
effet, on passe de la figuration à l’abstraction, à la forme seulement, à la monochromie, à l’incolore, voire à
rien du tout.

Nous avons vu que dans les faits l’Histoire est marquée par des conceptions différentes de l’Art et des œuvres
d’art. On peut dès lors, à partir de ces partis pris (ex : l’Art doit être beau), considérer comme œuvre d’art
uniquement les objets qui correspondent à des caractéristiques prédéfinies (beauté, maîtrise technique,
unicité…). Dans une logique totalement inverse, nous pourrions face à tant de divergence définir l’œuvre
d’art comme ce que chacun décide comme étant une œuvre d’art. Mais ce serait là un aveu d’échec à définir
l’œuvre d’art qui ne nous permettrait pas de comprendre ce qui fait l’unité et l’universalité de l’œuvre d’art
malgré les différences et les divergences de l’Histoire.

Est-il possible de trouver une définition universelle de l’Art ou de l’œuvre d’art ? Oui. Dans Langages de l’Art
(1990), Nelson Goodman montre que l’échec à trouver une définition commune réside dans le fait que nous
avons spontanément tendance à chercher des qualités ou caractéristiques objectives à un objet pour
distinguer une œuvre d’art de ce qui n’en est pas. Or, un objet ne peut devenir œuvre d’art que dans une
certaine relation qu’un sujet va entretenir avec lui. L’œuvre d’art est une réalité relationnelle.

La question précédente reformulée serait :

- Quand est-ce qu’un objet fonctionne-t-il comme œuvre d’art ?


- Dans quel type de relation d’un sujet à un objet celui-ci se manifeste-t-il comme œuvre d’art ?
Il y a 2 critères pour qu’un objet se manifeste comme œuvre d’art, qui ne touche pas l’objet en lui-même
mais la vision que l’on a de l’objet :

- L’objet ne doit pas être regardé sous l’angle de son utilité, sous l’angle utilitaire. Il faut qu’il soit
regardé plutôt sous un angle esthétique
- L’objet « fonctionne » comme œuvre d’art lorsqu’il fonctionne comme un symbole, c’est-à-dire qu’il
renvoie à beaucoup plus que lui-même, produit une résonnance symbolique, donne infiniment à
penser (ex : deux arbres enlacés symbolisent l’union de tous les êtres)

L’œuvre d’art est donc par essence symbolique.

Pour qu’un objet puisse être vécu comme œuvre d’art, il faut sortir de la dimension utilitaire de l’objet et voir
dedans une symbolique. On note que l’expérience de l’œuvre d’art est différente pour chacun et tout objet
ne fonctionne pas comme œuvre d’art pour tous. De plus, pour Goodman, toute portion du réel, même une
fourmi portant une feuille sur son dos, serait un tableau vivant.

Cette définition est universelle mais n’est pas normative et indique que la considération comme œuvre d’art
d’un objet est subjective, dépend de chacun. Cela signifie aussi qu’un individu peut considérer un objet
comme œuvre d’art que pendant quelques heures. Cela peut dépendre des heures, des jours, des époques.

Noter que la question de la signification ou de la valeur (au sens d’importance) d’une œuvre est aujourd’hui
court-circuitée par le marché économique. Tout est marchandise. Les œuvres sont parfois détournées jusqu’à
être utilisées seulement comme des outils de défiscalisation. Vidéo : L’art contemporain, Franck Lepage
(« l’opération de désinformation la plus réussie de l’histoire de la CIA est le financement de l’art
contemporain », explications dans le cours noté).

Noter aussi qu’au XXe siècle, les tragédies et désillusions que l’Humanité a connues ont produit une grande
part d’œuvres déprimantes (la guerre avec Otto Dix, la solitude avec Edward Hopper…).

III. La beauté est-elle subjective ?

Attention : dans cette partie, la question abordée est celle de la subjectivité de la beauté, non de l’Art.

À partir du XVIIIe siècle, on commence à considérer la beauté davantage comme subjective. Voltaire écrivait
déjà dans son Dictionnaire Philosophique (1764) : « Monsieur Crapaud trouve Madame Crapaud
magnifique ».

Les Anciens, bien qu’ils fissent comme nous l’expérience d’un désaccord vis-à-vis de la beauté d’un sujet,
considéraient qu’il existait une beauté universelle, transcendante, et que la beauté était subjective.
Pourquoi ? Ils postulaient d’abord que la beauté est objective, ils surpassaient ensuite les désaccords en
considérant que certains avaient bon goût et d’autres mauvais goût. Ce n’était pas que certains avaient raison
et d’autres tort, mais que certains ont une plus grande sensibilité à la beauté, tandis que d’autres ont un
esprit trop fermé, une sensibilité trop faible.

Une question peut constituer un contre-argument à l’idée de la beauté subjective : d’où est-ce qu’un sujet
produit en nous l’expérience de la beauté, si nous-même décidons de ce qui est beau ou non ?
Il y a bien quelque chose à l’origine de l’expérience de la beauté qui ne dépend pas de nous. Celle-ci n’est
donc pas subjective.

Pour Emmanuel Kant, il ne s’agit pas de voir si la beauté est objective ou subjective, il ne s’agit pas de voir les
origines de l’expérience de la beauté, mais de voir que dans l’expérience de la beauté tout se passe comme si
elle était une propriété objective des choses et que cette beauté devait avoir un assentiment universel.

Il faudrait donc distinguer, pour Kant :

- L’agréable, un sentiment d’expérience d’émerveillement, mais qui peut ne pas plaire à tous

- La beauté, qui convoque l’universel. On a l’impression qu’un sujet pourrait faire faire l’expérience
d’un émerveillement chez tous. On réserve le terme « beauté » à ce sens pour Kant.

Ici, Kant ne démontre rien mais pose deux mots différents pour distinguer deux expériences de natures
différentes.

Pour Plotin, lointain disciple de Platon, à chaque fois que l’on fait l’expérience de la laideur ou de
l’indifférence, la cause repose en nous, car tout ce qui relève de l’être peut être une source
d’émerveillement. Autrement dit, la beauté peut être subjective, mais c’est plutôt parce que tout est beau et
que parfois nous sommes plus disposés pour faire l’expérience de la beauté devant nous que d’autres.

Cela se remarque dans l’amour. Lorsque l’on fait l’expérience de l’amour, on est on ne peut plus disposé pour
faire l’expérience de la beauté de l’être que l’on aime, même si cet être fait faire l’expérience de la laideur à
tous les autres. Ce qui explique pourquoi « Monsieur Crapaud trouve Madame Crapaud magnifique » -
Voltaire.

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