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Léna Toulouse TG5

Bac Blanc de philosophie

« Créer, c’est le propre de l’artiste ». C’est de cette façon que définit Henri Matisse le propre de
l’artiste, dans le Courrier de l’Unesco, en 1949. Comparant également dans son écrit, la vision de
l’artiste à celle de l’enfant qui découvre tout pour la première fois, il présente un aspect positif de
l’art, nous permettant de redécouvrir le monde, et ainsi, ressentir une joie, en redécouvrant tout ce
qui nous entoure comme pour la première fois. Pour autant, l’art nous rend-il heureux ? L’art, venant
du grec tekné, et du latin ars, désigne une aptitude à créer des choses, s’apparentant parfois à une
spécialisation. Être heureux, c’est se trouver dans un état durable de complète satisfaction : ce ne
serait donc pas ressentir des émotions transitoires, éphémères, mais un sentiment de plénitude, de
joie, continuel. L’art semble en effet, au premier abord, nous transmettre des émotions positives,
permettant ainsi de trouver un chemin vers le bonheur. Mais alors, devrions nous centrer notre vie
sur l’art ? Mais l’art ne permet pas de subvenir à nos besoins… Comment alors, les satisfaire ?
Cependant, l’art peut aussi être utilisé de manière plus sérieuse, voire même néfaste, et ainsi, ne
contribue pas totalement à notre bonheur. Peut-on empêcher ces utilisations ? Faudrait-il alors le
supprimer, le bannir ? Dans un premier temps, nous verrons que l’art peut nous permettre d’accéder
à une certaine part de bonheur, aussi bien en tant qu’observateur qu’artiste. Cependant, nous
verrons que l’art peut être utilisé de manière sérieuse, voire néfaste, et ainsi, peut nuire à notre
bonheur. Enfin, nous étudierons que l’art ne permet peut-être pas forcément d’atteindre un idéal de
bonheur, mais peut répondre à un besoin spirituel de l’homme, en rapport avec notre conscience
même.

L’art semble remplir des fonctions qui nous permettent de se sentir heureux, en créant une œuvre ou
via une contemplation qui nous apporte un sentiment de joie.
En effet, l’art a une capacité à nous faire ressentir une certaine satisfaction. En tant qu’observateur,
spectateur notamment, nous pouvons accéder à cela aussi bien que le créateur de l’œuvre. La
satisfaction, c’est-à-dire un sentiment de plénitude, se détachant de toute émotion négative, peut se
retrouver dans la contemplation artistique. Comme le présente Kant dans Critique de la faculté de
juger, nous pouvons avoir un jugement esthétique sur l’art ; en contemplant une œuvre, et en posant
la question si on la trouve belle ou non, on se recentre sur nos émotions propres, sans avoir de
préjugés extérieurs pouvant interférer dans notre jugement de goût. Cela explique ainsi la plénitude,
le sentiment indescriptible que nous ressentons à l’observation d’une œuvre d’art. ainsi, en
observant la peinture La Joconde, de Léonard de Vinci, je ne suis pas obligée de m’attarder sur le
contexte historique de l’œuvre, son créateur, pour la trouver belle, et ainsi ressentir cette
satisfaction évoquée auparavant. La contemplation d’une œuvre nous guide un accès au bonheur,
par l’effet que l’œuvre produit sur nous. L’art peut aussi nous délivrer du réel, en accédant à un autre
monde, ce qui nous la possibilité d’être heureux, notamment en se détachant de nos angoisses
quotidiennes. L’art est alors une libération qui nous fait nous échapper de notre monde. Une
libération, l’émancipation d’une contrainte aliénante, peut en effet être constatée, notamment chez
le créateur de l’œuvre. On peut même, donc se libérer en atteignant un autre monde, c’est-à-dire un
tout unifié, cohérent, qui serait éloigné de toute notre existence du monde réel. C’est ainsi que Paul
Valéry nous décrit l’art, spécifiquement celui de la danse, dans Philosophie de la danse, où la
danseuse, d’après lui, ne fait plus partie de notre monde. En effet ses mouvements ont un but
interne ne s’attardent pas sur les objets extérieurs, contrairement à nos actions ordinaires. Le sol sur
lequel elle prend appui est ainsi l’occasion du jeu ; la danseuse est en cohésion avec ce dernier, elle
n’est plus dans notre monde matériel, dans lequel ses actions doivent avoir un but précis, déterminé,
en accord avec l’extérieur. Elle est alors en dehors du monde, détachée de tout. L’art nous fais

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accéder à un autre monde, de plénitude, dans lequel nous semblons imperméables à toute
perturbation extérieure, qui pourrait troubler notre bien-être. La contemplation peut elle aussi nous
détacher du réel. Ainsi en observant des œuvres dans un musée, ne nous sentons-nous pas hors du
temps, voire hors du monde, comme détaché de toute exigence sociétale ? En contemplant la Vague
d’Hokusai, je peux alors me sentir heureux, en me détachant du monde auquel j’appartiens
réellement.

Nous avons pu constater que l’art jouait un rôle important dans notre accès au bonheur. Toutefois,
l’art n’égale pas la perfection, et semble présenter des côtés négatifs, pouvant presque ne pas nous
rendre heureux.

L’art ne devrais pas être considéré comme la seule fin de notre route vers le bonheur, car il comporte
des dimensions négatives, qui ne nous permettent plus vraiment d’être heureux. Bien que nous
ayons constaté que l’art donnait lieu à un détachement du réel, il peut parfois se relier fortement
avec le réel, les sujets de société. Cet aspect est l’art engagé, dont la définition est un art qui permet
une dénonciation de certains sujets lui tenant à cœur. Picasso use de cet art dans son tableau
Guernica, critiquant l’horreur de la guerre. En observant des œuvres d’art sur ces sujets, on peut ne
ressentir aucun sentiment de joie. Au contraire du jugement esthétique, développé par Kant dans
Critique de la faculté de juger, que nous avions étudié auparavant, nous avons ici une vision morale
sur l’œuvre d’art, qui fait que nous l’observons en relation avec le réel, le contexte qui l’entoure.
Cette dimension de l’art ne nous permet pas vraiment d’atteindre le bonheur : d’une part, parce que
cette forme d’art dénonce souvent des sujets graves, importants, qui ne nous rendent pas heureux,
comme la guerre. D’autre part, cet art invite souvent à une remise en question de soi, qui peut nous
faire culpabiliser, ou nous rendre inquiets. Cette dimension de l’art n’amène donc pas à nous rendre
heureux. L’art peut également être utilisé à des fins néfastes, visant alors le contraire total de notre
bonheur, en nous étant nuisible. Ainsi, Platon dans République, distingue deux catégories d’artiste :
un artiste (poète) libre qui apporterait le bonheur dans la cité, et un artiste conforme aux valeurs de
l’État. Le premier serait chassé, selon Platon, contrairement au second, qui permettrait de renforcer
la puissance de l’État, bien qu’étant « plus austère et moins délicieux », comme le décrit Platon. L’art
serait donc au service d’une propagande, un embrigadement, empêchant notre épanouissement
personnel puisqu’il nous endoctrinerait, nous empêchant de nous exprimer pleinement ou
d’apprécier toutes les formes d’art possibles. De la même façon, on peut illustrer ce contrôle de l’art
par le régime nazi d’Hitler, qui a produit des affiches de propagande visant à faire un éloge du Führer,
tout en détruisant d’autres types d’œuvres d’art ne correspondant pas aux idéologies du régime.

Nous avons pu voir que l’art semblait comporter des aspects nous empêchant de nous rendre
heureux. Il semble néanmoins que l’art ne doive pas représenter la finalité de notre accès au
bonheur, mais plutôt comme permettant de répondre à un besoin spirituel de l’homme.

L’art donne une possibilité d’extérioriser notre conscience, permettant ainsi, de répondre à un
besoin spirituel, sans forcément faire notre bonheur, mais sans engendrer notre malheur non plus.
« L’œuvre d’art est le moyen à l’aide duquel l’homme extériorise ce qu’il est » ; Hegel, dans
Introduction à l’esthétique, définit de cette façon l’art, comme un moyen permettant à l’homme de
se « dédoubler », d’avoir un regard sur lui-même, à la manière de l’introspection, mais, seulement, à
l’aide de l’art. On peut constater cet aspect de l’art dans le film Le Pianiste, dans lequel le personnage
principal, est un pianiste, juif polonais, caché des nazis durant la Seconde guerre mondiale. Ce
dernier, désespéré et à l’article de la mort, semble retrouver un semblant d’humanité, de conscience,
lorsqu’il joue, presque instinctivement, un morceau de musique sur un piano. L’art peut également
nous offrir une vision du réel différente, sans forcément nous transporter dans un autre monde,

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comme nous avons pu le voir auparavant. Bergson, dans son œuvre Le rire décrit ainsi le voile
recouvrant notre conscience, « épais chez le commun des hommes, léger chez l’artiste et le poète
[…] ». L’artiste pourrait ainsi avoir une vision plus claire, voire nouvelle, du réel contrairement au
reste de l’humanité. L’art permettrait donc une nouvelle vision du réel, à partir de notre conscience
même.

L’art nous a d’abord semblé être un moyen efficace pour nous rendre heureux. Néanmoins, nous
avons pu observer que certaines formes de l’art ne donnaient pas accès à cette plénitude si
recherchée. Nous avons pu enfin constater que l’art ne devrait finalement pas être considéré comme
un moyen ou non, de notre accès au bonheur, mais plutôt comme l’essence de notre intériorité, de
notre conscience-même, permettant ainsi une expression de soi. L’art ne devrait ainsi pas être vu
comme la solution-miracle nous donnant accès au bonheur, et ne devrait donc pas avoir un aspect
central dans nos vies, car nous devons subvenir à nos besoins, et nous ne pouvons pas nous
détourner constamment du réel, sous prétexte qu’il nuit à notre bonheur. L’art ne doit pas non plus
être une notion nuisible à bannir absolument, malgré des aspects néfastes. En effet, en considérant
cette spécificité comme une expression de notre conscience, notre intériorité, nous pourrions ainsi
l’utiliser de manière réfléchie et ainsi ne pas avoir besoin de le bannir, ou d’empêcher des
utilisations. Nous pourrions, en utilisant l’art de cette façon, exprimer notre conscience-même et,
également, éventuellement, nous rendre heureux mais sans pour autant que cela soit la finalité de
notre rapport à l’art.

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