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Chapitre 6 : L’artiste n’est-il qu’un artisan talentueux ?

Les Hommes de la Préhistoire s’occupaient de graver, de sculpter, de peindre comme s’ils


leur étaient nécessaires de se représenter le monde dans lequel ils vivaient, leurs
occupations et aussi leurs croyances. Preuve que l’activité artistique est une activité
universelle.

I – Qu’est-ce qui distingue un artisan d’un artiste ?

Etymologiquement, le mot artisan et artiste ont le même radical « art ». Dans l’antiquité,
l’on considérait ces activités comme semblables.
L’art dans l’Antiquité se réduit à la technique parce que l’artiste n’est pas considéré comme
un créateur mais juste comme un imitateur de la beauté de la réalité. Aristote pensait que
pour produire de la beauté, l’artiste devait obéir à des règles techniques précises. Ce n’est
qu’à partir de la Renaissance que les deux activités se sont distinguées et que les artistes ont
commencé à revendiquer leur statut de créateur.

Artisan Artiste
Il crée des œuvres dont le
but est de procurer des
émotions esthétiques. Une
création est une opération
incompréhensible par
laquelle un dieu fait exister
Produire de l’utilitaire pour un monde. Une création se
But améliorer le confort de vie. fait toujours à partir de rien.
L’activité de l’artiste ne peut
pas être une création. Si l’on
parle de création artistique,
c’est parce qu’il y a toujours
une part d’inexpliqué et
d’inexplicable.
Il connait à l’avance les Il a un véritable savoir-faire,
Moyens étapes de fabrication de son au-delà, il suit le fil de son
objet. inspiration et de son
imagination.
Talentueux, certains artistes
ont du génie. Le génie, c’est
un don et celui qui a la
Qualité Habileté capacité de créer une œuvre
exemplaire. C’est donc celui
qui a la capacité de
révolutionner son domaine
artiste
II – L’artiste imite-t-il la réalité ?

« Portrait du Pape Innocent X » par Velasquez (XVIIème siècle) et Bacon (XXème siècle)
Aucun artiste n’imite la réalité mais il s’en inspire et l’interprète. Les intentions de Velasquez
et de Bacon sont diamétralement opposées.
Velasquez cherchait à faire ressortir l’autorité papale, autant Francis Bacon cherchait à
montrer que le pape est un homme comme les autres terrorisé à l’idée de mourir. L’artiste
ne pose pas le même regard sur la réalité que le commun des mortels.
SCHEMA
Ce qui importe dans l’art, ce n’est pas la chose représentée mais la manière dont elle est
représentée, autrement dit ce qui va ou non nous toucher, c’est le regard que porte l’artiste
sur la réalité. L’art, c’est donc la rencontre entre deux sensibilités, celle de l’artiste et celle
du public. D’où la phrase de Kant : « l’art n’est pas la représentation d’une belle chose mais
la belle représentation d’une chose ».

III – Qu’est-ce que la beauté ?

En 1750, a été créé une discipline, l’esthétique dont l’ambition était d’établir des normes de
la beauté afin qu’une œuvre soit jugée belle. Si l’artiste doit respecter des règles alors il est
considéré comme un artisan. Coté public, si l’art obéit à des règles, alors seul celui qui
connait ces règles peut se permettre de juger, l’art devient alors élitiste.
Au XVIIIème, Kant dans l’esthétique va s’intéresser au plaisir que l’on éprouve face à une
œuvre d’art. Comment expliquer que les Hommes qui ont les mêmes sens ne tombent
jamais d’accord sur ce qui est « beau ». C’est parce que les Hommes confondent ce qui est
agréable et ce qui est beau.
Agréable, un verre de vin, c’est un jugement de goût, le vin provoque un plaisir des sens, il
est subjectif et propre à chacun. Il est instantané et ne nécessite pas de connaissance
préalable même si avoir des connaissances permet d’apporter un jugement plus éclairé. Le
plaisir est suscité par le vin lui-même. Le jugement « ce vin est à mon goût » ne vaut que
pour soi.
Beau, un tableau, c’est un jugement de goût et esthétique, il ne pas provoquer une
sensation mais une émotion à l’inverse de l’agréable. Il est instantané et ne nécessite pas de
connaissances préalable, connaitre l’art permet cependant d’apporter un jugement éclairé.
Dire c’est beau, cela signifie dire « c’est beau à mes yeux ». Quand on dit, « c’est beau », on
espère, on attend que tout le monde partage notre avis et si ce n’est pas le cas, l’on affirme
que l’autre n’a pas de goûts. D’où la définition que Kant donné de la beauté : « Le beau est
ce qui plaît universellement sans concept ». Sans concept, cela signifie que juger de la beauté
d’une œuvre d’art, cela ne renvoie jamais à une réflexion mais à une émotion.
Universellement, cela ne veut pas dire que l’œuvre doit faire l’unanimité.

Le plaisir éprouvé ne dépend pas de l’œuvre d’art elle-même mais de la manière dont elle
est représentée et interprétée. C’est la raison pour laquelle une œuvre peut à la fois être
belle tout en étant désagréable. (Dunkerque)
IV- L’art contemporain est-il à la recherche de la beauté ?

1917, Marcel DUCHAMP envoie à un jury américain dont il est membre un urinoir renversé
signé R-Mutt-1917. Il baptise cet urinoir « Fontaine », cette œuvre sera refusée et
considérée comme vulgaire et immorale. Cette œuvre est conforme à l’esprit du mouvement
« Dadaïsme », ce mouvement souhaitait renouveler et désacraliser l’art. Duchamp se qualifie
lui-même de « anartiste ». Il est difficile de qualifier « Fontaine » d’œuvre d’art car elle ne
correspond pas aux critères de l’art traditionnel. Duchamp vient de créer le « ready made ».
Duchamp a cherché à mettre à mort la beauté. A l’heure actuelle, un artiste peut aussi
rechercher la laideur. Mise à mort des supports : il fut un temps où il y avait des matériaux
nobles dans certains domaines artistiques, en sculpture le bronze, le marbre. Aujourd’hui,
tout peut servir de support artistique, même les excréments humains. – « Mierda »
Manzoni.

A l’heure actuelle, les pleins pouvoirs sont donnés à l’artiste de décider ce qui est de l’art et
ce qui n’en ai pas, les pleins pouvoirs sont donnés au public de donner le sens qu’il souhaite
à l’art. Les artistes actuels ne créent plus nécessairement des œuvres d’art, ils peuvent
réaliser des performances. Il est impossible d’enfermer l’art dans six beaux-arts. Les artistes
ne recherchent plus nécessairement la beauté, le plus important dans le domaine artistique,
c’est de débuter sans idée préconçues sur ce qu’est l’art et sur ce qui en fait partie ou non.
Le rôle de l’art étant de changer notre perception du monde donc par nature, l’art
déstabilise.

V- Peut-on goûter l’art par soi-même


« Les goûts et les couleurs, on ne les discute pas », « Tous les goûts sont dans la nature »
Ces expressions attestent que le goût est subjectif et fonction de notre sensibilité
personnelle. On appelle bon goût, le goût partagé par la majorité des membres d’une
société, c’est donc un goût socialement reconnu. Le mauvais goût, c’est un goût qui n’est pas
socialement reconnu. On ne comprend pas un Chinois si l’on ne parle pas sa langue, dans le
domaine artistique c’est la même chose, il faut s’éduquer.
Toutes les œuvres sont cryptées d’où l’on ne nait pas amateur d’art, on le devient, pour le
devenir, il faut s’en donner les moyens et par conséquent d’éduquer. Celui dont le gout
n’aura pas été éduqué, va se contenter d’avoir des préjugés en particulier dans le domaine
de l’art contemporain. D’où pratiquer les arts, cela demande une ouverture d’esprit pour
dépasser des préjugés. Nous pouvons goûter l’art par nous-mêmes, seulement il faut
s’éduquer.

L’art nécessite du savoir-faire mais l’artiste est toujours au-delà du simple savoir-faire
puisqu’il suit son imaginaire. L’art est la rencontre entre le dehors et le dedans, ce qu’il
ressent à l’intérieur de lui, il l’exprime à l’extérieur de lui, il matérialise son esprit. L’art est
donc une activité singulière déstabilisante car la créativité de l’esprit humain est illimitée.

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