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Explication linéaire n°6

Eléments de correction
Eléments d’introduction
• Cet extrait se situe après les 17 articles de la Déclaration des Droits de la femme et de la
citoyenne et avant « Forme du contrat social de l’homme et de la femme ».
• Il s’agit pour l’autrice de montrer aux femmes qu’elles peuvent être maîtresses de leur
destin en unissant leurs forces.
• Problématique : comment Olympe de Gouges, à travers ce discours véhément, invite-t-
elle les femmes à prendre conscience de leur situation ?
• Mouvements :
• I – lignes 1 à 6 (jusqu’à « compagne ») : Olympe de Gouges invite la femme à prendre
conscience que l’homme l’a flouée dans ses droits.
• II – lignes 6 à 15 (jusqu’à « auriez-vous à répondre. ») : Tentative pour vaincre les
réticences des femmes en les sortant de l’aveuglement sur leur condition.
• III – lignes 15 à 21 : Incitation à mobiliser leur intelligence pour vaincre les résistances
des hommes et faire accepter l’égalité.
Remarques essentielles pour le premier mouvement
• Le postambule débute par une apostrophe : « Femme », qui ouvre une phrase complexe aux propositions
juxtaposées. Olympe de Gouges prend à partie les femmes dans leur ensemble, avec force, comme
l’indique le verbe conjugué à l’impératif présent qui suit. La construction est semblable à celle du texte
« Les droits de la femme », dans lequel l’autrice s’adresse aux hommes à travers le singulier. Il s’agit de les
impliquer dans l’amélioration de leurs conditions.

• L’image du sommeil, qui signale l’inaction des femmes, s’oppose à l’éveil de la raison, qui est évoqué à
l’aide d’une métaphore « le tocsin de la raison se fait entendre ». Elle fait référence à la Révolution
française et au fait qu’elle s’appuie sur les principes des Lumières, comme l’égalité et la liberté. Il est temps
pour les femmes de suivre le bruit du changement qui les environne et qui les appelle à agir. On peut noter
l’hyperbole « dans tout l’univers », signe de l’avancée générale du progrès qui s’étend même au-delà de la
France. L’appel d’Olympe de Gouges concerne donc les femmes du monde entier.

• 3ème proposition construite autour d’un autre verbe à l’impératif présent. Il s’agit de signaler aux femmes
que leur réveil, leur réclamation à l’égalité est légitime. Le mot « droits » se trouve ainsi en opposition avec
le terme « usurpation » de la phrase suivante (l.4) (qui renvoie à la tyrannie masculine).
Remarques essentielles pour le premier mouvement (bis)
• Enumération « préjugés, fanatisme, superstitions et mensonges » (l.3), par laquelle l’autrice montre que
l’époque dans laquelle elle se trouve est marquée par les progrès de la connaissance (ceux des Lumières
qui s’opposent à l’obscurantisme). L’adverbe de négation dans « n’est plus environnée » montre que
l’époque ancienne (celle de l’Ancien régime) est révolue et que le changement s’est imposé à toute la
société.
• Une nouvelle métaphore « Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages… », rappelle que l’esprit des
Lumières a ouvert les yeux du peuple français sur l’injustice qui régnait, situation indiquée par les termes
péjoratifs.
• La phrase suivante est construite sur une analogie entre l’homme et l’esclave, ainsi que sur le champ
lexical de la rébellion « multiplié ses forces », « briser ses fers », « Devenu libre ». Olympe de Gouges
rappelle que cette émancipation s’est faite grâce aux femmes (dans une union avec les hommes, voir
« compagne » qui clôt le mouvement). La dernière phrase du mouvement est fondée sur un parallélisme
(« devenu libre » / « devenu injuste »), qui met en évidence l’opposition entre la liberté et la justice, il y a
une relation de cause à effet immédiate mais illégitime. On retrouve ici un acte d’accusation envers les
hommes.
• Généralisation du propos grâce au pluriel « Femmes », qui de plus est répété (épanalepse : consiste à
répéter un même mot ou un même groupe de mots à l'intérieur d'une même phrase). Traduit
l’importance d’une alliance féminine pour réclamer leurs droits.
Remarques essentielles pour le deuxième mouvement
• Apostrophe « ô » qui donne un ton emphatique (exagéré, solennel). La question rhétorique
« quand cesserez-vous d’être aveugles », qui suit la répétition du mot « femmes » à l’exclamatif,
inscrit le passage dans le registre oratoire (= relatif au discours, avec pour but d’émouvoir, séduire
ou convaincre) et signale l’engagement de l’autrice qui passe d’une forme de plainte à la colère. Par
l’apostrophe, elle leur reproche, comme dans le premier mouvement, leur inaction, mais le ton est
cette fois plus accusateur. Il s’agit bien encore de les inciter à sortir des ténèbres dans lesquelles
elles se sont enfermées, elles n’ont pas su œuvrer à l’amélioration de leur condition.
• Deuxième question rhétorique, immédiatement suivie de deux réponses, peu flatteuses à l’égard
des femmes, qui prouvent que les femmes n’ont rien obtenu malgré les grands bouleversements de
la société. Au contraire, le parallélisme de construction, avec un comparatif qui permet d’insister
sur les deux substantifs (qui sont de sens très proche), met en valeur le fait qu’elles ont perdu toute
forme de respect.
• De même, la référence à l’Ancien Régime par la périphrase « les siècles de corruption » insiste sur
cette déchéance des femmes, dont la puissance est formulée à l’aide d’une négation restrictive
« vous n’avez régné que » et lexicale « votre empire est détruit ». D’ailleurs cette domination des
femmes est relativisée, elle a été éphémère et insignifiante, fondée sur « la faiblesse des hommes ».
On comprend ici que l’autrice récuse le rôle des femmes, dont les seules qualités résidaient dans
l’usage de leurs charmes (« corruption »).
Remarques essentielles pour le deuxième mouvement (bis)
• Enfin, elle dresse un constat, à l’aide d’une question rhétorique « que vous reste-t-il
donc ? » : l’infériorité de la femme qui subit la tyrannie masculine (elle reprend le
terme d’« injustice » qui terminait le premier mouvement) > encourage les femmes
à réclamer leur dû : leur « patrimoine » (quel dommage que le mot « matrimoine »
ait été effacé de la langue !), càd de manière abstraite l’égalité des droits avec les
hommes, mais aussi de manière plus concrète, une amélioration de la condition
économique des femmes (notamment en manière d’héritage). Le terme
« patrimoine », qui fait référence à un ensemble de biens hérités collectivement
souligne que ces droits sont naturels ; c’est ce qu’indique l’expression « les sages
décrets de la nature », argument d’autorité que l’autrice avait convoqué dans « les
droits de la femme ».
• Tourne en dérision l’attitude masculine à l’aide de 3 questions rhétoriques (lignes
10 à 14) qu’il faut comprendre comme des antiphrases. Pour elle, l’obstacle à
l’égalité réside encore dans l’attitude hypocrite des hommes. Pour l’illustrer elle
détourne un passage biblique (évoqué dans la périphrase « le législateur des noces
de Cana » qui désigne Jésus) en dénonçant les députés (désignés par la périphrase
« nos Législateurs français », l. 12) qui s’attribuent les propos du Christ pour refuser
aux femmes le droit naturel à l’égalité. Elle insiste sur le fait que ce temps d’injustice
est révolu : « qui n’est plus de saison », la Révolution doit être appliquée, en somme
il est temps de rétablir l’ordre naturel.
• Réponse à la dernière question formulée explicitement : dans les faits, pas d’égalité.
Sa brièveté s’oppose à la longueur de la phrase précédente dans un souci
d’insistance. Le conditionnel présent « auriez-vous » montre que cette réponse
reste hypothétique, elle renvoie au sommeil et à l’aveuglement de la femme, à son
inaction. Pour rétablir ses droits, la femme doit prendre son avenir en main.
Remarques essentielles pour le troisième mouvement
• Le dernier mouvement associe les hommes à des termes péjoratifs « leur faiblesse »,
« inconséquence » (= incohérence, manque de logique), « orgueilleux », « serviles adorateurs »,
« vaines prétentions », ce qui prolonge le mouvement précédent « la faiblesse des hommes » ;
Olympe de Gouges montre que derrière la défense de l’inégalité ils sont inférieurs (faibles et
soumis = car prisonniers de leurs passions). L’autrice insiste sur le fait que les hommes, auteurs,
acteurs de la Révolution, ne sauraient aller (proposition hypothétique) contre les intérêts des
femmes sans être en contradiction avec leurs principes.

• Tout en dénigrant les hommes, Olympe de Gouges valorise les femmes qui suivent « la force de la
raison », « étendard de la philosophie », périphrases qui désignent les caractéristiques du siècle
des Lumières (l.16-17), elles suivent donc des armes intellectuelles. Néanmoins, l’impératif
« opposez » suivi de l’adverbe « courageusement », montre que la lutte ne sera pas facile.

• Avec les impératifs suivants « réunissez-vous », « déployez toute l’énergie » (l.16 et 17), Olympe
de Gouges encourage les femmes à l’union (à la fraternité féminine = la sororité) pour mener
cette guerre de l’esprit contre les inégalités.
Remarques essentielles pour le troisième mouvement (bis)
• L’usage du futur à valeur de certitude, accompagné d’un adverbe qui indique une proximité dans
le temps « vous verrez bientôt » (l.18) donne une note d’espoir à cet appel à la révolte collective :
c’est bien grâce à cette union des femmes et à leur volonté que sera atteinte la véritable et
naturelle égalité, (on notera la référence aux valeurs de la révolution une nouvelle fois rappelées,
cette fois à travers la périphrase « les trésors de l’Être suprême » ( l. 19). Alors que l’autrice
marquait une nette opposition entre les hommes et les femmes, elle signale une autre
conséquence de l’action des femmes, une union entre les deux sexes. Le verbe « partager »
indique l’avantage pour tous de suivre les principes de la Révolution.

• La dernière phrase, avec ses antithèses (« barrières » « affranchir ») et les verbes « pouvoir » et
« vouloir » qui se font écho et qui forment une sorte de rime interne), indique en guise de
conclusion que la tâche est possible tout en affirmant la force des femmes. Le texte se termine
sur une image positive d’une société raisonnable et enfin égalitaire, grâce à l’implication
féminine.
Eléments de conclusion
• [Bilan] Le début de ce postambule appelle avec véhémence les femmes à se soulever.
Mais, loin de considérer que les femmes ne sont que les victimes des hommes,
Olympe de Gouges signale aussi leur part de responsabilité dans leur situation.
• L’autrice veut les sortir de leur passivité et de l’acceptation/résignation de leur
condition. Elle veut provoquer un mouvement de révolte. Or, c’est la raison et les lois
de la nature qui doivent guider la lutte pour aboutir à une société idéale dans
laquelle les deux sexes seront unis et égaux.
• [Ouverture] La réflexion d’Olympe de Gouges sera prolongée par une proposition de
texte juridique : « Forme du contrat social de l’homme et de la femme », qui
réaffirme la nécessité du partage. Dans ce texte précurseur, elle met aussi en avant la
liberté et l’indépendance, notamment financière, des femmes.

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