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Explication 2: Olympe de Gouges, « 

Postambule », DDFC, (1791)

INTRODUCTION:

Née en 1748, Olympe de Gouges est une femme de lettres française qui s’inscrit dans le
mouvement des Lumières par ses oeuvres qui militent pour l’égalité. Elle participe
pleinement à la Révolution française et en devient une figure singulière du fait de son
féminisme combatif. Le 14 septembre 1791, alors que Louis XVI prête serment à la
Constitution, Olympe de Gouges publie un texte qui la consacrera comme grande pionnière
du féminisme, la DDFC. Il s’agit d’un pastiche de la DDHC, publié deux ans auparavant.
Après un Préambule installant la nécessité de prendre en compte les Droits des femmes et
leur représentativité nationale, la DDFC expose 17 articles de droit calqués sur DDHC dont
l’adaptation et le détournement visent à dénoncer l’oppression de la femme par l’homme et
clamer son égalité de droits. Le postambule , en forme d’appel direct aux femmes, reprend le
ton du discours en présence, mimant l’urgence et le lien. Dans ce texte, l’autrice s’exprime
vivement et librement, nous allons donc en étudier le début:
LECTURE
Comment Olympe de Gouges encourage ici les femmes à la prise de conscience et à la lutte?
Tout d’abord nous verrons l’apostrophe aux femmes que fait Olympe de Gouges pour lancer
son discours, puis nous parlerons du tableau contrasté des résultats de la Révolution, enfin
nous analyserons l’encouragement aux femmes à se battre.

I- L’apostrophe aux femmes pour lancer le discours, ligne 109 à 110:

Dès le début c’est une attaque très dynamique, « femme, réveille toi » est une apostrophe
extrêmement dynamique à la « Femme » au sens générique du singulier. Cette apostrophe
permet à OG à la fois de lancer ce postambule sur un ton oratoire, et de mimer sa présence en
tant qu’oratrice, en s’adressant à la fois à toutes et à chacune à travers le tutoiement qui
établit un lien étroit. Cette apostrophe donne donc un socle à l’impératif métaphorique avec
« réveille-toi » qui suggère l’urgence d’une prise de conscience, d’une vigilance et pointe
peut-être aussi un manque d’énergie. L’hyperbole métaphorique, « tocsin de la raison »
souligne l’urgence au niveau de la raison. L’hyperbole épique « dans tout l’univers » souligne
le fait que la raison se fait entendre partout. L’esprit de la femme aussi doit être réveillé par
cette alarme de la raison et l’impératif « reconnais » montre que les femmes ne doivent pas
réclamer des droits qui n’existerait pas mais reconnaître leurs droits c’est à dire prendre en
compte des droits véritables et existants qu’elles ne connaissent pas encore. Le postambule
s’ouvre donc sur une exhortation pressante adressée aux femmes pour les sortir de leur
« sommeil » politique et de prendre conscience de leurs droits. La suite va venir argumenter,
justifier cette objurgation d’abord Pau un tableau contrasté des acquis de la Révolution pour
les hommes et pour les femmes.

II- Tableau contrasté des acquis révolutionnaires, ligne 111 à 120:

De la ligne 111 à la ligne 114, OG fait les louanges des acquis de la Révolution et du rôle
qu’y ont joué les femmes à travers une suite d’images qui concrétisent les idées évoquées. De
la ligne 11 à la ligne 13, on remarque que la raison et la vérité ont triomphé, l’utilisation du
passé composé et de la négation partielle, établit à la fois un lien entre passé et présent et
l’idée d’une évolution voir d’une opposition, ici implicitement entre l’Ancien régime et la
période révolutionnaire. Car cette puissante nature est une des valeurs essentielles des
Lumières, ici métamorphosée comme un pays environné et enfin débarrassé de ce qui le
l’environnait c’est à dire « les préjugés », le « fanatisme », la « superstition », les
« mensonges » donc tout ce qui s’oppose selon les Lumières au règne de la raison et de la
vérité. Il y a une une deuxième métaphore du « flambeau de la vérité » qui renvoie aux
Lumières, cette lumière et cette chaleur de la vérité ayant dissipé « sottise et usurpation ».
« L’homme esclave a multiplié ses forces » ici lutte aussi pour la liberté, c’est une autre
revendication essentielle de la pensée politique des Lumières représentée ici par l’hyperbole
de « l’homme esclave »et entrée en scène des femmes dans la lutte car: « a eu besoin de
recourir aux tiennes pour briser ses fers » en effet, la métaphore souligne explicitement le
« besoin » des forces des femmes pour que les hommes esclaves puissent « briser leurs fers »,
cad bien sûr se libérer. A la ligne 16 il y a une transition habile « Devenu libre, il est devenu
injuste envers sa compagne » au réquisitoire qui suit, idée de l’ingratitude de l’homme une
fois qu’il n’a plus eu « besoin » des forces de la femme soulignée par le parallélisme
« devenu libre « // « devenu injuste » et par le retour au singulier établissant davantage
l’image d’un couple déjà bien suggérée par l’expression « sa compagne » c’est un constat qui
fonde et « lance » la diatribe qui suit :
De la ligne 117 à 121, il y a une chute, le résultat bien décevant de la Révolution Française
pour les femmes : « Femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? » Il y a la
reprise de l’apostrophe initiale mais cette fois en mode exclamatif pour réveiller, l’auditoire
et redoublée pour appuyer une première question rhétorique « quand cessez-vous d’être
aveugles », métaphore qui concrétise bien l’idée de l’inconscience des femmes. Ensuite, il y a
une deuxième question réthorique: « Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la
Révolution ? Un mépris plus marqué, un mépris plus signalé. Dans les siècles de corruption,
vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Que vous reste-t-il donc ? » Cette
question débouche sur un constat amer et très négatif : la Révolution qui a libéré les hommes
de la servitude grâce aussi au combat des femmes n’a abouti pour elles qu’à des
manifestations plus évidentes de mépris. De fait, le mépris des femmes par les hommes est
devenu encore plus manifeste sous la Révolution quand elles étaient en droit d’attendre de la
reconnaissance et qu’au contraire, les Révolutionnaires les plus virulents (les Montagnards)
se sont montrés extrêmement méfiants et conservateurs (rétrogrades) quant au rôle des
femmes dans la société. « Dans les siècles de corruption » fait évidemment référence à
l’Ancien Régime avant la Révolution où les femmes, malgré tout, avaient un « empire » cad
un pouvoir. Un pouvoir certes décrié et méprisable de l’avis même de l’autrice d’où la
négation restrictive « n’avez régné que sur la faiblesse des hommes » ( où elle évoque bien
sûr la prostitution mais aussi , voir plus loin p. 70 à travers la jolie expression
« administration nocturne des femmes », le fait que les hommes politiques écoutaient leurs
maîtresses parfois « sur l’oreiller », ce qui leur conférait un pouvoir) . Or, actuellement les
femmes ont perdu même ce pouvoir-là. D’où, en transition, la question oratoire à priori très
amère et découragée : Que vous reste-t-il donc ? »

III- L’encouragement aux femmes à se battre, ligne 122 à 135:

« la conviction des injustices de l’homme » : première affirmation dans une syntaxe directe,
orale, qui insiste sur le nom « conviction », ce qui leur reste en général : là encore , la prise de
conscience, une question de posture mentale face à « l’injustice de l’homme » où on notera
que « conviction » est plus fort, implique plus de rationalité et d’adhésion éclairée à une idée
que la « persuasion ». Avec même une nuance de polémique dans le terme, on est prêt à se
battre pour une conviction. D’où plus précisément une ligne de conduite politique : « la
réclamation de votre patrimoine» valorisée ensuite par la périphrase « une si belle
entreprise » Il s’agit donc ici de faire entendre leur voix et leurs droits (« réclamation ») à
l’héritage du père car il est vrai que l’Ancien Régime accordant très peu de droit à
l’indépendance financière aux femmes (d’abord dépendantes de leur père et ensuite de leur
mar. Il n’est pas indifférent que ce soit justement cette revendication -là qui vienne d’abord
sous la plume d’OG, elle dont la vie et toute l’œuvre sont parcourues, voire obsédées, par ce
manque, ce besoin de la reconnaissance du père. Implicitement elle assimile donc la non-
reconnaissance des droits des femmes par les hommes à cette non-reconnaissance des enfants
naturels par leur père « biologique » qui exclut de fait les enfants naturels de l’héritage.
D’ailleurs, elle appuie la légitimité des femmes à la reconnaissance de leurs droits sur « les
sages décrets de la nature ». Là encore, il s’agit d’un « droit naturel », donc « inaliénable et
sacré ». De la ligne 124 à135 on remarque une réfutation rhétorique. En effet ici, en bonne
oratrice, OG se place en position de réfuter d’éventuelles oppositions aux réclamations des
femmes. « Qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot du législateur
des noces de Cana ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale
longtemps accrochée aux branches de la politique , mais qui n’est plus de saison, ne vous
répètent : femmes, qu’y-a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout auriez-vous à répondre »
OG imagine ce refus des hommes d’accorder leurs droits aux femmes en imaginant une petite
saynète vivante parodiant explicitement un épisode de l’Evangile dans lequel Marie, la mère
de Jésus demande à son fils de faire quelque chose pour des gens qui ont trop d’invités à la
noce de leur fils et se trouvent à cours de vin « Ils n’ont plus de vin » dit Marie à Jésus qui
répond : « Femme, qu’y a -t-il de commun entre moi et vous ? ». Ici OG disqualifie d’avance
une telle réponse des hommes puisqu’elle serait appuyée sur les évangiles chrétiens, qui dit-
elle en une image familière « n’est plus de saison » car le pouvoir monarchique s’est toujours
appuyé sur l’Eglise et la religion chrétienne mais la Révolution, justement, a aboli cela donc
si les législateurs révolutionnaires opposaient cela aux femmes, ce serait de l’inconséquence.

CONCLUSION:

Ce postambule promeut l’émancipation des femmes au nom de l’égalité, Olympe de Gouges


s’appuie sur des idéaux des lumières. Elle discrédite la position des adversaires, l’attitude
discriminatoire des hommes et elle montre aux femmes qu’elles n’ont rien à craindre en se
plaçant du côté de la raison. Tout cela étant mis en valeur par l’oratoire du texte, par son côté
vivant. Cela correspondant bien à la dimension théâtrale de la Révolution.

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