Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
www.editions-picquier.fr
Conception graphique : Picquier & Protière
Mise en page : Ad litteram, M.-C. Raguin–Pourrières (Var)
ISBN (papier) : 2-87730-588-0
ISBN (ePub) : 978-2-8097-0550-8
La version ePub de ce texte a été réalisée en partenariat avec le Centre National du Livre.
INTRODUCTION
2 Mao Zedong, « Interventions aux causeries sur la littérature et l’art à Yan’an », dans Œuvres
choisies, Pékin, Editions en langues étrangères, 1963, t. III, p.72-98.
3 Pour l’histoire de la Chine de 1895 à 1949, et tout particulièrement le mouvement des idées
politiques, la littérature et l’art, on lira La Chine au XXe siècle, d’une révolution à l’autre, sous la
direction de Marie-Claire Bergère, Lucien Bianco et Jürgen Domes, Paris, Fayard, 1989.
4 Au sujet de ces « affaires », voir Jacques Guillermaz, Le Parti communiste chinois au pouvoir, 2
vol., 3e édition, Paris, Payot, 1979. Sur l’affaire Hu Feng, on peut lire le terrifiant « Commentaire sur le
deuxième recueil de matériaux concernant le groupe contre - révolutionnaire de Hu Feng, 24 mai
1955 » de Mao Zedong, dans Mao Tse-toung, Textes 1949-1958, Paris, éditions du Cerf, 1975, p.72-75.
5 Pékin, Editions en langues étrangères, 1980.
6 On peut lire de Liu Binyan l’un de ses plus célèbres reportages : Les Nouvelles confidentielles de
notre journal, dans Le Cauchemar des mandarins rouges, traduit par Jean-Philippe Béja, Paris,
Gallimard, 1989. La préface du traducteur montre comment Liu Binyan s’est inspiré de l’auteur de
reportage russe Ovetchkine.
7 On trouvera de nombreuses références à ces trois auteurs dans le livre de Bonnie S. McDougall et
Kam Louie, The Literature of China in the Twentieth Century, Londres, Hurst & Company, 1997, mais
leurs écrits n’ont pas été traduits en français.
8 Cité par Jacques Guillermaz dans Le Parti communiste chinois au pouvoir, op. cit., p.352.
9 Hao Ran, Nouvelles de la campagne chinoise, traduit et présenté par Claire Jullien, Claude Lafue et
Chantal Séguy, Paris, Mazarine, 1980. Deux autres textes de Hao Ran sont parus en traduction
française : Ma plume au service du prolétariat, Lausanne, Eibel, 1976, et Les Enfants de Xisha,
Lausanne, Eibel, 1976.
10 Pour Liu Heng ou Li Rui, voir l’Anthologie de nouvelles chinoises contemporaines, présentée par
Annie Curien, Paris, Gallimard, 1994, et plus bas le chapitre « Le retour du réalisme ou le
néoréalisme ».
11 Voir par exemple l’ouvrage dirigé par Chen Sihe, Zhongguo dangdai wenxue shi jiaocheng (Cours
sur l’histoire de la littérature contemporaine chinoise), Shanghai, Fudan daxue chubanshe, 1999, p.162,
chap. 9 : « La littérature de la période de la Grande Révolution culturelle », dont la première partie est
intitulée : « Les dommages portés à la littérature pendant la Grande Révolution culturelle et le
mouvement littéraire clandestin à l’époque de la Révolution culturelle ».
LITTÉRATURE CLANDESTINE
ET « POÉSIE OBSCURE »
La littérature de reportage :
Liu Binyan et Entre hommes et démons
Pratiqué depuis longtemps en Chine, le reportage est devenu l’une des
formes littéraires les plus en vogue à la fin des années 197027. Ce genre
permettait aux écrivains d’exprimer les griefs qu’ils avaient contre la société
et de les dénoncer tout en affirmant ne reproduire que la stricte vérité. En fait,
le reportage n’était pas totalement fidèle à la réalité puisque les théoriciens
littéraires recommandaient une composition dite des « trois tiers » : un tiers
de réel (les faits journalistiques), un tiers de peaufinage artistique et un tiers
d’opinion personnelle, en l’occurrence l’opinion politique de l’auteur,
souvent simple reflet de la propagande en vigueur. En jouant avec subtilité
sur le « dosage » de réel et d’opinion personnelle, certains écrivains ont
cependant osé « dire tout haut » ce que nombre de lecteurs pensaient en leur
for intérieur.
L’un des reportages les plus célèbres de cette période est Entre hommes et
démons de Liu Binyan publié en septembre 1979 dans la revue Renmin
wenxue (Littérature populaire). Le journaliste y dénonce un scandale
financier qui avait défrayé la chronique la même année : la directrice de la
compagnie des combustibles d’un district du Nord-Est avait détourné une
somme – considérable à l’époque – de quatre cent cinquante mille yuans.
Reconnue coupable, elle fut exécutée en public. Au lieu de se contenter des
explications officielles affirmant que cette femme était le type même des
cadres corrompus mis en place par la Bande des Quatre, Liu Binyan enquêta
lui-même, démontant les mécanismes inhérents au système qui avaient
permis qu’un tel scandale arrive. C’était en fait le fonctionnement même du
Parti qui était remis en cause. L’auteur concluait son récit par un
avertissement :
L’affaire de corruption Wang Shouxin a été élucidée. Mais les
conditions sociales qui ont permis qu’existe et que prospère une Wang
Shouxin ont-elles tellement changé ? N’y a-t-il pas encore dans tous les
coins du pays de grandes et petites Wang Shouxin, qui continuent à
ronger le socialisme, à infecter l’organisme du Parti sans subir le
châtiment de la dictature du prolétariat ? (La Face cachée de la Chine,
p.292-293.)
Pour Liu Binyan, il ne s’agissait pas de remettre en cause le régime, mais de
tenter de l’amender en dénonçant ceux qui en entravaient la bonne marche.
Ses reportages lus par des millions de lecteurs ont joué un rôle important dans
la transformation de la société chinoise.
La personnalité de Liu Binyan est très représentative de cette période : né en
1925 à Changchun dans le Nord-Est, il devient journaliste après 1949 et tente
d’exercer son métier en conciliant propagande pour le Parti – auquel il
appartient – et vérité des faits. En 1956 déjà, il publie le reportage Les
Nouvelles confidentielles de notre journal28, qui met en lumière les difficultés
d’une journaliste chinoise, tiraillée entre sa conscience et les nécessités de la
propagande :
Pour obtenir sa carte [du Parti], on peut s’abstenir de défendre les
intérêts du Parti. Pour obtenir sa carte, il faut dissimuler ses opinions
personnelles ! (Le Cauchemar des mandarins rouges, p.108.)
Critiqué pendant le mouvement antidroitier qui a suivi le mouvement des
Cent Fleurs en 1958, Liu Binyan est envoyé en « rééducation » à la
campagne, puis, de 1969 à 1978, dans une école de cadres du 7 Mai29. Après
la publication de Entre hommes et démons, il n’a plus cessé de dénoncer « les
aspects sombres » de la société, tout en refusant d’être considéré comme un
dissident. Les événements de mai-juin 1989 l’ont contraint à l’exil aux Etats-
Unis d’où il continue à observer la vie politique chinoise30. Un an auparavant,
en 1988, interrogé lors de son passage en France, il estimait qu’il était encore
trop tôt pour parler exclusivement de littérature, car « les problèmes que la
France a réglés il y a deux cents ans [c’était l’année avant le bicentenaire de
la Révolution française], la Chine ne les a toujours pas réglés31 ».
Il revendiquait donc le droit de parler davantage de problèmes de société
que de problèmes purement littéraires. Liu Binyan a continué à donner son
avis sur l’évolution de la situation politique de la Chine dans la presse de
Hong Kong, sans que cette situation ne puisse lui permettre de rentrer dans
son pays.
La littérature de réflexion :
Wang Meng, Zhang Xianliang et Zhang Jie
La « littérature de réflexion » (fansi wenxue) – ou « d’introspection » – a eu
la particularité, au début des années 1980, de produire une analyse de la
situation du pays au cours de la Révolution culturelle et des conséquences de
celle-ci d’un point de vue social et politique, par le truchement de la nouvelle
ou du roman. On est frappé à la lecture de Wang Meng (Le Papillon et Le
Salut bolchevique) ou de Zhang Xianliang (1936-) (L’Ame et la Chair, à
partir duquel a été tourné le film de Xie Jin, L e Gardien de chevaux, et
Mimosa) de voir à quel point ces auteurs restent fidèles à leurs convictions
politiques, malgré les souffrances qu’ils ont endurées pendant le mouvement
antidroitier puis pendant la Révolution culturelle, et sur lesquelles ils ne
cessent de revenir. Au début des années 1980, Zhang Xianliang, qui a passé
vingt ans dans un camp de travail, et Wang Meng, contraint de s’exiler au
Xinjiang, restent des communistes très proches des idéaux de leur jeunesse,
dont ils pensent qu’ils sont justes. Leur peine n’est pas sans rappeler la
souffrance que subirait un chrétien pour connaître la rédemption. En 1999,
dans un entretien, l’écrivain Mo Yan (1956-) analysait l’état d’esprit de ses
aînés :
Wang Meng et Zhang Xianliang ont subi une trop forte influence de
la littérature russe et soviétique. Ils continuent à vouloir exprimer un
idéal, à suivre une ligne politique et à entretenir un très fort sens des
responsabilités. Ils se réclament de la phrase de Staline, je crois : « Les
écrivains sont les ingénieurs des âmes. » Pour eux, les écrivains doivent
être les porte-parole du peuple, ils ont la responsabilité de changer la
société et sont à l’avant-garde du peuple. Ces auteurs donnent une
coloration politique à la littérature. Ils ont été taxés de droitiers, puis
critiqués au moment de la Révolution culturelle, mais ils persistent à
affirmer : « Nous sommes les enfants du Parti, nous avons été victimes
d’une injustice, notre mère (le Parti) nous a maltraités, nous devons donc
aider notre mère à changer36. »
La publication de La moitié de l’homme, c’est la femme de Zhang Xianliang
a donné lieu à de violentes polémiques en 1985. A la fois roman politique et
roman d’amour – le héros est tiraillé entre son idéal marxiste et ses pulsions
–, il fut très vite qualifié de « roman érotique », en raison de certaines scènes
jugées audacieuses en regard de ce qui s’écrivait à cette époque. On l’accusa
aussi d’être un roman subversif, car il n’hésitait pas à dénoncer les échecs du
socialisme au cours de mouvements comme le Grand Bond en avant ou la
Révolution culturelle. Pourtant, Zhang Xianliang ne voyait dans ces
événements qu’une perversion de l’idéologie marxiste, et son idéal restait
intact. Aujourd’hui encore, il estime que sa visée est plus fondamentalement
d’ordre philosophique : c’est l’homme qui l’intéresse, dans ses aspects
existentiels37.
Ailes de plomb, de Zhang Jie (1937-), désigné ailleurs comme « roman
politique », est souvent cité comme le prototype de la littérature de réflexion.
Achevé en 1981, ce roman décrit le monde bureaucratique et corrompu du
ministère de l’Industrie. L’auteur, fonctionnaire, membre du Parti
communiste chinois, est familière des sphères qui détiennent le pouvoir. Son
roman est en fait une critique sans complaisance des hauts cadres
conservateurs qui freinaient de toutes leurs forces les réformes mises en place
par Deng Xiaoping à partir de 1978, au cours du fameux 3e Plénum du Parti.
Très proche du reportage, Ailes de plomb a aujourd’hui essentiellement une
valeur documentaire sur l’état de la société chinoise du début des années
1980.
23 Voir Zhongguo wenxuejia cidian (Dictionnaire des littérateurs chinois), Chengdu, Sichuan wenyi
chubanshe, 1985, à la rubrique Lu Xinhua, t. 4, p.110.
24 L’expression « jeunes instruits », zhishi qingnian, désigne les jeunes gens qui furent envoyés à la
campagne dès 1968, lorsque Mao Zedong voulut faire rentrer dans le rang la jeunesse turbulente sur
laquelle il s’était appuyé pour déclencher la Révolution culturelle. Voir à ce sujet le magistral ouvrage
de Michel Bonnin, Génération perdue, le mouvement d’envoi des jeunes instruits à la campagne en
Chine, 1968-1980, Paris, Editions de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, 2004.
25 Outre le recueil Le Retour du père, op. cit., deux autres recueils, qui ont eu le mérite de présenter
des nouvelles d’un très grand intérêt dont certaines peuvent être rattachées à la « littérature des
cicatrices », sont parus, l’un en 1981, l’autre en 1988. La Face cachée de la Chine, op. cit., et La
Remontée vers le jour (Nouvelles de Chine 1978-1988), Aix-en-Provence, Alinéa, 1988. Le n°672 de la
revue Europe (avril 1985) contient aussi plusieurs traductions de nouvelles, ainsi que des articles
consacrés à la nouvelle et à la littérature de reportage chinoises.
26 Au sujet de ces deux écrivains, voir le chapitre « La littérature féminine ».
27 Voir Noël Dutrait, Ici la vie respire aussi et autres textes de littérature de reportage (1926-1982),
Aix-en-Provence, Alinéa, 1986, qui contient le reportage le plus célèbre du genre, Ouvrières de louage,
écrit en 1936 par Xia Yan, dénonçant les conditions de travail inhumaines des ouvrières chinoises
employées dans les filatures japonaises. Voir aussi l’entretien avec Liu Binyan publié en 1985 dans
Europe, op. cit., p.86-93.
28 Dans Le Cauchemar des mandarins rouges.
29 Les « écoles de cadres », ou « écoles du 7 Mai » ont été créées suite à une directive de Mao
Zedong du 7 mai 1966. Ce sont des « écoles » de rééducation à l’usage des intellectuels.
30 Voir Liu Binyan, China’s Crisis, China’s Hope, traduit par Howard Goldblatt, Cambridge,
Massachusetts/Londres, Harvard University Press, 1990.
31 Voir La Littérature chinoise contemporaine : tradition et modernité, Aix-en-Provence,
Publications de l’université de Provence, 1989, p.29.
32 Le thème du « problème de Goldbach » est le sujet d’un roman écrit en anglais par Apostolos
Doxiadis, Oncle Petros et la conjecture de Goldbach, Christian Bourgois, 2000. D’après la quatrième
page de couverture, « l’éditeur anglais offre une récompense d’un million de dollars à toute personne
qui résoudra la conjecture de Goldbach », ce qui semble montrer qu’elle n’a pas été résolue, ou que les
travaux de Chen Jingrun ne sont pas connus en Occident…
33 Paru dans la revue Shouhuo, n°6, 1979.
34 Traduit en français sous le titre L’Empire de l’absurde ou Dix ans de la vie de gens ordinaires.
35 Le titre original est : Ganxie shenghuo, Merci la vie. On peut lire aussi de Feng Jicai Le Petit
Lettré de Tianjin et autres récits. Ces dix-sept récits mettent en scène des personnages pittoresques
vivant à Tianjin au siècle dernier.
36 Voir Noël Dutrait, « Interview de Mo Yan », Perspectives chinoises, n°58, mars-avril 2000, p.58-
64.
37 Voir Annie Curien, « L’individu dans les œuvres récentes de Zhang Xianliang », dans Littérature
chinoise : état des lieux et mode d’emploi, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence,
1998, p.18.
38 De son vrai nom Li Feigan. Le pseudonyme Ba Jin (selon la transcription officielle) est aussi
orthographié Pa Kin, nom sous lequel il est plus connu en Occident. On a souvent écrit que ce
pseudonyme avait été composé avec la première syllabe du nom de Bakounine et la dernière de celui de
Kropotkine, hommage de l’auteur à l’anarchie à laquelle il avait adhéré dans sa jeunesse. Ba Jin a lui-
même démenti cette explication.
39 Cité par Hong Zicheng dans Zhongguo dangdai wenxue gaishuo ( Précis de littérature
contemporaine chinoise), Hong Kong, Qingwen shuwu, 1997, p.116.
40 Mouvement de masse organisé par le Parti communiste à partir de 1951 pour prendre le contrôle
de la population, en luttant contre la corruption, le gaspillage et les excès de la bureaucratie.
41 On distingue en Chine le roman long (changpian xiaoshuo), le roman de taille moyenne
(zhongpian xiaoshuo) et le roman court (duanpian xiaoshuo), c’est-à-dire la nouvelle.
42 Voir André Clavel, Le Temps, 9 novembre 2002.
LE RETOUR DE L’INFLUENCE OCCIDENTALE
Le théâtre expérimental
Les techniques d’écriture moderniste ne seront pas uniquement utilisées
dans le domaine romanesque. L’art théâtral en subira aussi une profonde
influence.
En Chine, le « théâtre parlé » – par opposition avec la multitude de styles du
théâtre chanté, dont le plus connu en Occident est l’opéra de Pékin – a
commencé à se développer à partir des années 1920 sous l’influence
d’auteurs occidentaux comme Ibsen ou Tchekhov. Par la suite, le théâtre
chinois fut très fortement marqué par l’école soviétique et le réalisme
socialiste. En 1982, Gao Xingjian collabore avec le metteur en scène Lin
Zhaohua pour monter sa première pièce de théâtre, Juedui xinhao48 (Signal
d’alarme), puis en 1983 L’Arrêt d’autobus qui fut rapidement interdite. Gao
Xingjian subit ensuite une très sévère critique pendant le mouvement contre
la « pollution spirituelle ». L’Arrêt d’autobus met en scène huit personnages
représentant la société chinoise – le vieux monsieur, la jeune fille, le loubard,
le jeune aux lunettes, la mère de famille, l’artisan, le responsable, l’homme
silencieux – en train d’attendre un autobus qui n’arrive jamais. La virulente
critique que subit cette œuvre n’a pas empêché qu’elle soit considérée comme
la première pièce de théâtre expérimental à être jouée en Chine continentale
et qu’à sa suite, le théâtre chinois ait continué à rechercher de nouvelles
voies49.
43 Voir Beidao, « La traduction, une révolution silencieuse », texte traduit par Chantal Chen-Andro,
dans Littérature d’Extrême-Orient au XXe siècle, Arles, Editions Philippe Picquier, 1993, p.125-131.
44 Guangzhou, Huacheng chubanshe, 1981.
45 Cité dans Xifang xiandaipai wenxue wenti lunzhengji (Recueil sur le débat au sujet de la littérature
moderniste occidentale), Pékin, Renmin wenxue chubanshe, 1984, vol. 2, p.499.
46 Xifang xiandaipai wenxue wenti lunzhengji (Recueil sur le débat au sujet de la littérature
moderniste occidentale), op. cit.
47 « La littérature contemporaine chinoise et le modernisme », traduit par Liu Fang, Littérature
chinoise, n°1, 1er trimestre 1989, p.56-62. La version chinoise de cet article, « Chidao de xiandaizhuyi
yu dangjin Zhongguo wenxue » (Le modernisme en retard et la littérature chinoise actuelle), a paru
dans Wenxue pinglun, n°3, 1988, reprise et complétée dans Meiyou zhuyi (Ne pas avoir de -isme), Hong
Kong, Tiandi tushu, 1996.
48 Parue dans Shiyue (Octobre), n°5, 1982. Voir l’article de Sebastian Veg, « Un Signal d’alarme à
Pékin, vingt ans après », Vacarme, n ° 24, été 2003, p.76-79. L’article de Sebastian Veg, « Le théâtre
en Chine depuis 1979 », Théâtre/ Public, n°174, juillet-septembre 2004, p.32-42, constitue un excellent
panorama historique de cette époque. Ce numéro contient aussi un dossier très complet sur le théâtre
chinois actuel intitulé « Chine, le théâtre contre le cynisme ? ».
49 De Gao Xingjian, on ne dispose en français, pour les pièces qu’il a écrites en Chine, que d’un
extrait de L’Arrêt d’autobus et de la traduction de L’Autre Rive (1986) dans Le Quêteur de la mort,
Paris, Seuil, 2004. Pour les autres pièces écrites en France, voir n.1, p.105 et la bibliographie.
50 Les critiques chinois confondent parfois le « monologue intérieur » utilisé par Wang Meng avec le
véritable « courant de conscience » de James Joyce ou Virginia Woolf, comme le fait remarquer Paul
Bady dans La Littérature chinoise moderne, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1993.
51 Traduite par Françoise Naour sous le titre en forme de jeu de mots Dur, dure le brouet, dans
Contes et libelles. Françoise Naour a, d’autre part, consacré une thèse de doctorat à Wang Meng et le
courant de conscience, dans laquelle elle montre que celui-ci ne connaissait pas les œuvres de James
Joyce ou Virginia Woolf. La seule influence étrangère que Wang Meng a subie est celle des littératures
russe et soviétique traduites en chinois. Voir Françoise Naour, Le Courant de conscience dans la
littérature romanesque chinoise contemporaine : le cas de Wang Meng (1978-1980), thèse de doctorat,
université Lille III-Charles de Gaulle, 2000. 2004.
52 Voir la bibliographie de Wang Meng en fin d’ouvrage.
53 Qinghu (La Renarde verte), Pékin, Renmin wenxue chubanshe, 2004.
54 Cité par Pierre Haski dans Libération, 18 mars 2004, supplément « Livres », p. V.
55 Ibid.
56 Pékin, Zuojia chubanshe, 1986. Dans The Literature of China in the Twentieth Century, op. cit.,
p.414, Bonnie S. Mc Dougall et Kam Louie y voient même « the first example of Chinese post-
modernism » !
57 Traduit dans Le Crabe à lunettes. Ces textes ont été réédités dans une traduction remaniée sous le
titre Variations sans thème, Paris, Editions de l’Olivier, 2003. On peut lire aussi du même auteur Et tout
ce qui reste est pour toi, publié en 2004 chez le même éditeur.
58 Gao Xingjian, Gei wo laoye mai yugan, Taibei, Lianhe wenxue chubanshe, 1989, p.260. Cette
postface n’a pas été reprise dans la traduction du recueil en français.
59 Li Tuo, « 1985 », Jintian, n°3-4, 1991, p.69.
LA QUESTION DE LA TRADITION
Han Shaogong et Pa pa pa
Han Shaogong, figure emblématique du mouvement, est né en 1953 au
Hunan. Son père, professeur, se suicide au début de la Révolution culturelle.
Han Shaogong participe au mouvement des gardes rouges avant d’être
envoyé à la campagne à la fin de l’année 1968. Il commence à publier en
1979, et plusieurs de ses textes sont primés lors de concours nationaux de
nouvelles. Son court roman Pa pa pa, paru en 1986, est l’un des exemples les
plus fameux de la littérature de « recherche des racines ». Le personnage
principal, Bingzai, l’« avorton », est né de père inconnu dans un village d’une
Chine primitive qui a oublié ses origines et dont les habitants « parlent un peu
comme autrefois63 ».
L’avorton, lui, ne sait prononcer que deux mots : « papapa » pour appeler un
père disparu quelques années plus tôt, et « putain de ta mère » – la sienne est
accoucheuse –, un juron dont il ne connaît même pas le sens.
Derrière l’histoire de cet avorton aphasique et de son village se dessine une
métaphore de la Chine des années 1970, qui ne connaissait plus sa propre
histoire et avait perdu jusqu’à son propre langage.
Les deux « réalités » du lieu, ce sont la culture des champs et les serpents.
Le reste relève du mystère ou du mythe. Le langage et les coutumes des
habitants sont étranges et laissent supposer que leur origine est différente.
Même le mot « papapa » que prononce Bingzai n’existe pas dans leur langue.
Le père viendrait donc d’ailleurs (comme le marxisme ?). L’origine
mythologique du village est donnée, mais elle ne correspond pas à celle qui
est établie par les mandarins historiens venus enquêter au village voisin. Que
faut-il croire : les légendes ou l’histoire officielle ? Un doute qui sera aussi
exprimé par Gao Xingjian dans La Montagne de l’Ame.
Lorsque les céréales viennent à manquer, on décide de sacrifier Bingzai,
dont l’existence semble la plus inutile. Mais lorsque l’animosité pousse à la
guerre contre le village voisin, on sacrifie finalement un bœuf. Après la
bataille, évoquée par quelques cliquetis et cris étouffés à peine perçus par
l’avorton, on fait cuire dans la même marmite viande de porc et chair des
vaincus, et on oblige Bingzai à en manger. Le thème du cannibalisme que Lu
Xun avait abordé dans le Journal d’un fou64, dès 1919, reparaît, comme il le
fera dans le roman de Mo Yan Le Pays de l’alcool, en 1993, ou dans le
reportage de Zheng Yi (1947-), Stèles rouges, la même année.
Toutefois, toute interprétation trop restrictive des œuvres de Han Shaogong
serait risquée, si l’on en croit l’auteur lui-même :
Une des traditions de la littérature chinoise – particulièrement dans la
littérature du Sud de la Chine – est de ne pas limiter la métaphore à un
procédé rhétorique, mais de l’envisager sous l’angle d’une
compréhension de l’essence de la vie, procurant calme et pureté65.
Le succès rencontré par Pa pa pa en Chine montre néanmoins que l’auteur
avait su aborder – fût-ce de manière métaphorique et onirique – les questions
fondamentales auxquelles la Chine était confrontée.
Han Shaogong a développé une œuvre importante composée essentiellement
de nouvelles (Séduction, Femme femme femme, Bruits dans la montagne) où
il décline les thèmes amorcés dans Pa pa pa : rêve et réalité, voyages dans
des lieux anciens et mystérieux, difficulté de communication entre les êtres,
souvenirs de la campagne, montée de la « modernité » après la période de la
Révolution culturelle.
En 1996, Han Shaogong publie sous l’appellation « roman » un ouvrage des
plus original : Maqiao cidian (Le Dictionnaire de Maqiao66), une compilation
de mots ou expressions qui seraient utilisés dans le village (imaginaire ?) de
Maqiao. Une tentative pour élucider le mystère du langage et la question de la
standardisation du chinois. Dans la postface, Han Shaogong explique ce qui a
inspiré sa démarche : les habitants de l’île de Hainan où il réside ont été
incapables de lui donner le nom d’un certain poisson en chinois standard
(putonghua), alors que le dialecte local dispose de quantités de mots précis
pour désigner chacune des espèces67.
60 Han Shaogong, « Wenxue de gen » (Les racines de la littérature), Zhongguo zuojia (Ecrivains
chinois), n°4, 1985.
61 Voir « Han Shaogong, de Mao au Tao », interview par Sean James Rose, Libération, 25 mai 2000.
62 Wang Zengqi, « La création romanesque et l’appréciation du beau », traduit par Shi Kangqiang
dans Curien Annie (éd.), Lettres en Chine, rencontres entre romanciers chinois et français, Paris, Bleu
de Chine, 1996, p.24-25.
63 Han Shaogong, Pa pa pa, p.27.
64 Le Journal d’un fou est considéré comme l’œuvre fondatrice de la « nouvelle littérature » issue du
mouvement du 4 Mai 1919. Traduit par Michelle Loi, dans Lu Xun, Cris, Paris, Albin Michel, 1995,
p.25-44.
65 Voir la préface de Han Shaogong à Femme femme femme.
66 Pékin, Zuojia chubanshe, 1996.
67 Ce roman a suscité de nombreux commentaires aussi bien en Chine qu’en Occident. On peut en
lire un extrait (l’entrée « sucré » du dictionnaire) traduit par Annie Curien dans La Nouvelle Revue
française, n°559, octobre 2001, p.256-260, ainsi que la présentation qui en est faite. Yinde Zhang a
écrit un article très intéressant à son sujet dans Le Monde romanesque chinois au XXe siècle, p.440-
461. Il y évoque l’accusation de plagiat portée contre Han Shaogong qui aurait, selon certains critiques,
« copié le Dictionnaire khazar de Milorad Pavic ».
68 Ces textes sont réunis dans Perdre son chemin.
69 Cette autobiographie est traduite intégralement dans Noël Dutrait, « Analyse d’un succès : A
Cheng et son œuvre », Etudes chinoises, vol. XI, n°2, automne 1992, p.39.
70 Une partie d’entre eux sont traduits dans Chroniques.
71 Voir Zhang Dai, Souvenirs rêvés de Tao’a n, traduit par Brigitte Teboul-Wang, Paris, Gallimard,
coll. Connaissance de l’Orient, 1995, p.85 et 112.
72 Pékin, Zuojia chubanshe, 1999.
73 Dans son ouvrage La Petite Révolution culturelle, Arles, Editions Philippe Picquier, 1994,
intéressante étude sur la vie culturelle chinoise de 1978 à 1994, Marie-Claire Huot définit justement Mo
Yan comme « un primaire qui s’enivre des mots, des sons, des odeurs et des couleurs ».
74 Dans Le Radis de cristal.
75 Noël Dutrait, « Interview de Mo Yan », op. cit., p.59.
76 Cité par Yan Chunde dans Noël Dutrait (éd.), Littérature chinoise, état des lieux et mode
d’emploi, op. cit., p.34.
77 Une somme importante à cette époque, environ douze mille deux cents euros.
78 A paraître en 2006 au Seuil, traduit par Chantal Chen-Andro.
79 Yinde Zhang, Le Monde romanesque chinois au XXe siècle, p.437.
80 On dispose seulement du recueil traduit par Annie Curien , Littératures enchantées des Dong,
Paris, Bleu de Chine, 2000, ou du numéro de la revue Action poétique, n°157, hiver 1999-2000,
consacré à la poésie tibétaine.
L’ÉCRITURE « EXPÉRIMENTALE »
DES AVANT-GARDISTES
81 Voir à ce sujet Annie Curien, « Sur la nouveauté dans la littérature chinoise contemporaine »,
Esprit, n ° 8-9, août-septembre 1996, p.216-231.
82 Voir Chen Sihe, Zhongguo dangdai wenxue shi jiaocheng, op. cit., p.407.
83 Voir Ge Fei, « Roman et mémoire », dans Lettres en Chine, rencontre entre romanciers chinois et
français, op. cit., p.51.
84 Pu Songling, Chroniques de l’étrange, traduit par André Lévy, Arles, Editions Philippe Picquier,
2005.
85 Voir infra p.75-76.
86 Chen Sihe, Zhongguo dangdai wenxue shi jiaocheng, op. cit., p.415.
LE RETOUR DU RÉALISME
OU LE NÉORÉALISME
La définition du concept
Un critique chinois, Yang Jianlong, a ainsi défini le roman néoréaliste (xin
xieshi xiaoshuo) : « 1. Sur le plan du contenu, le roman néoréaliste met
l’accent sur la description de la vie quotidienne, il s’efforce de tout décrire
avec fidélité pour faire ressortir la vie dans tous ses aspects, sans rien éviter,
sans rien cacher, sans enjoliver, sans élever, sans que les œuvres assument
volontairement un rôle éducatif sur le plan idéologique et moral. 2. En guise
de structure, il utilise le procédé de description qui consiste à suivre à la trace
ses personnages et à construire l’œuvre au rythme de l’écoulement du temps
dans la vie ; il met l’accent sur la vie même et non sur les histoires qui s’y
déroulent, il insiste sur les détails et non sur l’intrigue, il met en lumière la
vie humaine réelle et son souffle. 3. Sur le plan de la langue, il utilise un
langage simple et vulgaire, il s’attache aux couleurs originales du langage,
sans éviter ni les grossièretés ni les bavardages, en insistant sur la description
de la vie quotidienne à l’aide d’un langage de tous les jours. 4. Pour le style,
le roman néoréaliste décrit fidèlement tous les faits que l’on côtoie chaque
jour, ce qui lui donne le charme du naturel et une tonalité de tristesse
involontaire, le compromis et l’identification avec le destin donnant à l’œuvre
un style esthétique pathétique87. »
La vogue des romans « néoréalistes » a repris à l’automne 1989, quelques
mois après les événements de la place Tian’anmen, même si le terme
« néoréalisme » (xin xieshizhuyi) était utilisé dès 1980. A cette date, était en
effet publiée à Hong Kong une anthologie de nouvelles dites néoréalistes. En
1989, dans l’esprit des initiateurs du mouvement, les rédacteurs de la revue
littéraire Zhongshan, il était nécessaire « d’en revenir à une expression
romanesque simple et proche des masses et de leurs problèmes sociaux
concrets88 ».
Il s’agissait là d’une réaction à la fois contre les mouvements
« modernistes » et le mouvement de « recherche des racines » dont
l’hermétisme de certaines œuvres avait pu dérouter les lecteurs.
Liu Heng, Liu Xinglong et de nouveau… Yu Hua
Liu Heng (1954-) a commencé à écrire en 1977, après avoir effectué six
années de service militaire dans la marine et exercé quatre ans le métier
d’ouvrier ajusteur dans une usine d’automobiles de Pékin. Sa nouvelle
Céréales de merde est primée meilleure nouvelle de l’année 1985-1986, le
consacrant comme l’étoile montante du genre néoréaliste. La vie, la mort, la
sexualité, la violence des rapports humains sont au cœur de ses récits qui ont
pour cadre le monde paysan. Céréales de merde correspond bien aux critères
établis par Yang Jianlong : la vie quotidienne est dépeinte dans toute sa
banalité et sa trivialité, sans éviter la grossièreté du langage, comme dans ce
passage où l’épouse de Yang Tiankuan, le héros du récit, insatisfaite du
partage des terres, est montée sur le toit de sa maison pour injurier le chef du
village :
On savait bien que Yang Tiankuan avait pris pour épouse une
goitreuse, laide à faire rire, mais on ignorait encore à quel point elle
avait le verbe haut. C’était un vrai démon, auquel personne n’osait se
frotter. Tiankuan aussi avait un peu peur ; plus elle proférait d’injures,
plus son goitre, rond comme une bombe, était lumineux. Alors,
Tiankuan se faisait tout petit, ne se sentant pas de taille à être l’époux
d’une femme si franche.
« Tu te fatigues, lui dit-il en prenant une louche d’eau sur le poêle,
allez !… viens boire, implora-t-il.
— Hé toi, pourquoi que tu causes pas, t’es muet ? Quand tu pisses, tu
fais trois gouttes, tes fesses ne lâchent pas un pet. Espèce de bon à rien !
Si je descends, tu vas venir prendre ma place pour les engueuler ? Tu
vas m’enculer les ancêtres de ces pourris… ? » (Anthologie de nouvelles
chinoises contemporaines, p.244.)
Liu Heng a signé le scénario du film de Zhang Yimou, Qiu Ju femme
chinoise, qui renoue avec la veine néoréaliste du cinéma chinois. Il est aussi
l’auteur du roman Judou ou l’Amour damné porté à l’écran par le même
cinéaste.
Liu Xinglong (1956-), ancien ouvrier devenu écrivain professionnel de la
province du Hubei, est aussi considéré comme un des chefs de file du
« néoréalisme ». Ses nouvelles décrivent sans pitié la société chinoise
contemporaine dans toutes ses contradictions : les écart s immenses qui se
sont creusés entre pauvres et riches, ruraux et citadins, la constitution d’une
population flottante, etc. Liu Xinglong garde une prédilection très forte pour
le terroir, qu’il oppose à la ville, « piètre source d’inspiration89 » à ses yeux.
En 1992, Yu Hua publie Vivre, porté à l’écran par Zhang Yimou l’année
suivante, une fresque pleine de rebondissements qui couvre près de quarante
ans d’histoire depuis les années 1930 jusqu’aux années 1970-1980. Dans Le
Vendeur de sang, c’est l’histoire d’une famille paysanne qui est aussi retracée
sur une quarantaine d’années. Si la toile de fond peut faire penser à un roman
réaliste paysan, la forme est originale : chapitres courts, primauté du
dialogue, importance de la parole. Ainsi, ce chapitre où sont rapportées les
conséquences de la violente bagarre qui a opposé deux enfants du village.
— Tu as entendu ce que les gens disent ? demanda Xu Sanguan à Xu
Yulan.
Les gens dirent : « Le docteur Chen a sauvé le fils de Fang le
forgeron. Il est resté plus de dix heures en salle d’opération… Il a la tête
tout enveloppée de gaze. On ne lui voit plus que les yeux, le bout du nez
et une moitié de la bouche… Après sa sortie de la salle d’opération, il
est resté plus de vingt heures sans émettre un son. Ce n’est que le
lendemain matin qu’il a enfin ouvert les yeux… Il a pu boire un peu de
bouillon de gruau, mais il l’a revomi aussitôt, avec de la merde, en plus.
Il rend même de la merde par la bouche… »
— Tu as entendu ce que les gens disent ? demanda Xu Sanguan à Xu
Yulan.
Les gens dirent : « Le fils de Feng le forgeron est toujours hospitalisé.
Tous les jours, il faut des médicaments, des piqûres, des bouteilles de
goutte-à-goutte… Ça coûte pas mal d’argent par jour. Qui va payer ? Xu
Sanguan ? ou He Xiaoyong ? Quoi qu’il en soit, Xu Yulan ne pourra pas
se dérober. C’est bien elle la mère… » (Le Vendeur de sang, p.66.)
Dans le même roman, le repas d’anniversaire « imaginé » avec lequel le
père tente d’assouvir la faim de ses enfants en cette période de famine,
constitue un morceau d’anthologie90.
Su Tong et le « nouveau roman historique »
Né en 1963 à Suzhou, Su Tong, qui vit à Nankin comme écrivain
professionnel, aime situer ses récits dans un passé qu’il n’a évidemment pas
connu et excelle à brosser des portraits de femmes. Dans Epouses et
concubines, il raconte la vie de quatre concubines dans une grande maison, au
début du siècle. Cette évocation des mœurs du passé, sur fond de rivalités et
de passions, a connu un immense succès en Chine, ainsi qu’à l’étranger,
surtout grâce au film que Zhang Yimou en a tiré. Dans Visages fardés, Su
Tong évoque la vie de jeunes prostituées emmenées dans des camps de travail
pour rééducation après 1949, pendant les premières années du régime
communiste.
Les années 1930 sont la toile de fond de Riz. Su Tong narre l’arrivée dans
une ville pas très éloignée de Shanghai d’un pauvre réfugié chassé de son
village natal par une inondation – l’époque où se déroule le roman n’est
évoquée que par allusions. Wu Long, le réfugié, confronté à la violence et à
l’humiliation dès son arrivée dans la ville, apprend la haine. Il ne survit que
grâce à une poignée de riz de son pays natal, qu’il a gardée dans son sac, puis
se fait embaucher dans une boutique de riz – son élément naturel – où il
arrivera peu à peu à « prendre le pouvoir » presque sans effort. Mais son rêve
absolu est de retourner dans son village natal avec des montagnes de riz. On
est frappé par l’absence de tout sens moral chez Wu Long et par la
résignation des personnages qui l’entourent. Riz est un roman où se mêlent la
violence, la passion amoureuse (souvent réduite à de simples actes sexuels où
les femmes ne trouvent guère leur compte), le sang et la mort91. Même les
enfants sont cruels. Su Tong se sert du réalisme ou de l’hyperréalisme pour
brosser le portrait d’un homme pour lequel le lecteur ne peut éprouver aucune
espèce de sympathie. L’opposition campagne/ville que Su Tong met en
valeur semble indiquer que hors du contexte social rural, l’homme perd tous
ses repères et devient un loup pour ses congénères. Sur le plan de la forme,
Su Tong fond les dialogues dans la narration, sans les distinguer visuellement
par des guillemets, ce qui empêche parfois de discerner ce qui appartient au
dialogue ou au monologue intérieur. La traduction anglaise a respecté ce
procédé, mais – c’est à regretter – pas l’éditeur français.
Paru en Chine en 1992, Je suis l’empereur de Chine, dont le titre original est
« Ma carrière d’empereur », est le meilleur exemple d’une écriture
fictionnelle de l’histoire. Su Tong y montre toute la cruauté des rapports
humains dans une cour de Chine imaginaire, sans doute plus vraie que nature,
où l’empereur passe de la gloire à la déchéance. L’auteur déploie ses talents
de conteur pour inonder le lecteur d’images saisissantes aussi inoubliables
que les plans des films de Zhang Yimou. Et, comme Mo Yan dans Le
Supplice du santal, il ose décrire froidement des scènes de torture.
Etrangement, la vie de cet empereur imaginaire est accompagnée, du début à
la fin du récit, par un livre évoqué à chaque moment important, les Entretiens
de Confucius, à propos desquels le héros, devenu moine, déclare de façon
énigmatique : « Après toutes ces années passées à étudier les Entretiens, j’ai
parfois l’impression que ce vénérable livre renferme toute la sagesse du
monde et, parfois, j’ai l’impression qu’il n’a rien à m’apprendre. » Su Tong
n’exprime-t-il pas par la bouche de son personnage un doute profond à
l’égard de la pensée de Confucius qui a modelé la société chinoise depuis des
siècles ?
Su Tong a défini lui-même avec finesse sa démarche d’écrivain par rapport
au réel, à la fiction et à l’histoire :
Richesse et privilège de l’auteur, la fiction prolonge à l’infini la
dimension créatrice de sa vie. Elle est aussi une exaltation qui conduit à
faire naître en soi des désirs illimités en vers le monde et la foule des
hommes, dépeints de manière personnelle. Une telle écriture se distingue
de l’histoire consignée par les historiens, des informations ou des
rumeurs diffusées par les journaux et de toute autre création
romanesque92.
La Fuite
Invité par une fondation allemande en 1987, Gao Xingjian s’installe à Paris
dès 1988. En prise directe sur les événements de 1989, il écrit une pièce de
théâtre, La Fuite, commandée par un théâtre américain mais refusée, car elle
ne glorifie pas suffisamment les étudiants qui ont animé le mouvement de la
place Tian’anmen, et l’auteur refuse de la transformer123. Gao Xingjian a
souvent affirmé par la suite que du temps où il était en Chine, le Parti
communiste n’était pas parvenu à lui faire changer une ligne de ce qu’il
écrivait et que ce n’était pas hors de Chine qu’il allait commencer. La Fuite
met en scène trois personnages, le jeune homme de vingt ans, la jeune fille de
vingt-deux vingt-trois ans et l’homme de quarante ans, quelque part au cœur
d’une grande ville, dans un entrepôt désaffecté, sur fond de bruits de tanks en
marche et de tirs automatiques de fusils d’assaut. L’action se situe après le
massacre et analyse la psychologie du jeune couple étudiant et de l’homme,
un écrivain désabusé. A l’homme, qui dit presque à la fin de la pièce :
Je ne crains pas particulièrement la mort. Ce qui m’effraie, c’est le
désespoir… Le désespoir avant la mort, qui pousse les gens à s’entre-
déchirer dans une sorte de danse hystérique.
la jeune fille répond :
Ce qui te fait peur, c’est toi-même ! Tu peux fuir n’importe où :
jamais tu ne pourras échapper à toi-même ! Tu as peur de la solitude,
comme la plupart des gens. En fait, tu n’es rien d’autre qu’un grand
enfant qui a besoin d’être consolé. (La Fuite, p.60.)
Cet éloge de la fuite et cette introspection de l’individu au lendemain d’un
immense mouvement collectif (l’occupation de la place Tian’anmen) ont
choqué tout à la fois ceux qui avaient pris fait et cause pour les manifestants,
et les dirigeants du Parti qui y ont vu une reconnaissance du mouvement de
contestation par un écrivain célèbre. Gao Xingjian se trouvait donc
totalement et doublement isolé.
Au bord de la vie, écrite en français en 1993, met en scène trois
personnages : la femme, le clown, la danseuse. Gao Xingjian reprend un
procédé qui lui est cher : le personnage féminin monologue à la troisième
personne. La pièce commence sur ces mots :
Elle dit qu’elle est lasse ; elle dit ne plus pouvoir le souffrir, ne plus
du tout pouvoir le souffrir. […]
Elle dit qu’elle ne comprend pas ce qui a pu l’attacher à lui, la retenir.
Leurs liens sont si rudes, si distants, si irritables, si tendus, si drus,
qu’elle veut qu’enfin tout se délie. Son esprit a failli se rompre, oui, son
esprit ou plutôt son énergie… L’esprit ou l’énergie, n’est-ce pas la
même chose ? Ne pas jouer sur les mots ! Il doit l’entendre. (Au bord de
la vie, p.9.)
Et tout le texte se déroule ainsi, ponctué des réactions et mimiques de
l’homme, simple pantin devant la femme. Une danseuse intervient parfois,
comme si elle représentait un mode d’expression autre que la parole : le
langage corporel.
La Montagne de l’Ame
Les thèmes qui traversent le théâtre de Gao Xingjian : la fuite, la recherche
des souvenirs, la séparation dans le couple, le déchirement, les visions
oniriques, et bien d’autres, sont présents dans le roman La Montagne de
l’Ame, écrit entre 1982 et 1989, commencé à Pékin et achevé à Paris, qui
constitue son œuvre maîtresse. Ce roman n’a pas été publié en Chine, il a été
très peu lu par les Chinois, même à Taiwan où il a paru en 1990 et s’est
vendu en un très petit nombre d’exemplaires jusqu’à l’obtention du prix
Nobel. Le paradoxe est qu’il a eu sans doute plus de succès à l’étranger qu’en
Chine même. Est-ce parce que Gao Xingjian, résolument « moderniste »
depuis la publication du Premier essai sur l’art du roman moderne, avait une
approche des problèmes du roman plus occidentale qu’orientale ? Est-ce
parce que le contenu du roman apportait plus aux Occidentaux qu’aux
Orientaux ? Il est certain que son aspect autobiographique a sans doute séduit
les lecteurs occidentaux, alors que les lecteurs chinois avaient déjà eu de
nombreuses occasions de lire des témoignages assez proches.
La Montagne de l’Ame constitue une sorte de roman total qui utilise aussi
bien les caractéristiques du roman traditionnel (en chinois, xiaoshuo, c’est-à-
dire « menus propos » ou « discours mineur124 ») : récits de voyages, légendes
populaires, contes anciens, notes au fil du pinceau, que celles du roman
occidental contemporain : utilisation des pronoms personnels – « je », « tu »,
« il », « elle », jamais « nous » – à la place de noms de personnages,
monologue intérieur, abandon de l’intrigue, recours à l’écriture automatique,
« courant de langage » que Gao Xingjian substitue au « courant de
conscience ».
Tu lui demandes de quoi elle a peur.
Elle dit qu’elle ne sait pas le dire, elle dit aussi qu’elle a peur du noir,
qu’elle a peur de sombrer.
Ensuite, ce sont les joues brûlantes, les langues de feu sautillantes,
aussitôt englouties par les ténèbres, les corps qui se tordent, elle te dit
doucement, elle crie qu’elle a mal ! Elle se débat, te traite de bête
sauvage ! Elle est traquée, chassée, déchirée, avalée. Ah… cette
obscurité dense, tangible, ce chaos fermé, ni ciel ni terre, ni espace ni
temps, ni être ni non-être, ni être de l’être, le feu brûlant du charbon de
bois, les yeux humides, la caverne ouverte, […] le voleur de feu s’est
enfui, au loin la torche entre dans le noir, elle diminue, la flamme n’est
plus qu’un petit point vacillant dans la bise. Elle s’éteint.
J’ai peur, dit-elle.
De quoi ?
Je n’ai pas peur de quelque chose, mais je veux dire que j’ai peur. (La
Montagne de l’Ame, p.165-166.)
A sa sortie en France en 1995, La Montagne de l’Ame a reçu un excellent
accueil de la part de la critique et a connu un succès de librairie peu habituel
pour un roman chinois contemporain125.
L’après-Nobel
Après l’obtention du prix Nobel de littérature, Gao Xingjian a entamé sa
« troisième vie », comme il le dit lui-même127. Pris dans le tourbillon
médiatique auquel il se prête volontiers, il doit répondre à d’innombrables
sollicitations. Il effectue un voyage à Hong Kong et son passage dans cette
« zone administrative spéciale » qui a été rétrocédée à la Chine continentale
en 1997 ne laisse pas la presse indifférente, mais lui-même préfère déclarer
qu’il n’est là qu’à titre personnel et que sa visite n’a aucun caractère
politique. Il se rend ensuite à Taiwan où il est reçu en véritable héros
national. L’ensemble des forces politiques de l’île font taire leurs disputes
pour lui réserver un accueil triomphal qui contraste avec la froideur et la
réprobation que les autorités continentales ont affichées au moment de la
proclamation du prix.
Pour le centenaire du prix Nobel, Gao Xingjian a prononcé en 2001 un
discours à l’Académie suédoise, intitulé « Le témoignage de la littérature, la
recherche du réel ». Il reprend les thèmes qu’il avait énoncés lors de son
discours de réception du prix un an plus tôt et conclut de manière
relativement apaisée :
Bien que les hommes aient autant de difficultés à se comprendre entre
eux, bien qu’ils soient enfermés dans leur propre expérience, le recours à
la littérature leur offre une certaine communication, et cette écriture
littéraire, qui à l’origine était dénuée de toute motivation, leur laisse
finalement un témoignage de l’existence. Si la littérature conserve
encore un sens, c’est sans doute celui-ci. (Le Témoignage de la
littérature, p.158.)
En 2001, une rétrospective de son œuvre picturale était organisée au palais
des Papes à Avignon et ses pièces de théâtre étaient jouées en marge du
festival. Un peu plus tard, la Ville de Marseille décidait que l’année 2003
serait l’« Année Gao à Marseille ». Une exposition de ses peintures eut lieu
au Centre de la Vieille-Charité, accompagnée de la publication d’un
catalogue intitulé L’Errance de l’oiseau, titre d’un de ses poèmes. La pièce
Le Quêteur de la mort était créée à Marseille à cette occasion. La même
année, Quatre quatuors pour un week-end était joué à la Comédie-Française.
Mais Gao Xingjian avait eu dès 2002 la possibilité de réaliser un rêve
ancien : monter une pièce de théâtre comptant de très nombreux acteurs,
mêlant techniques théâtrales, musiques et techniques d’Orient et d’Occident.
La Commission culturelle de Taiwan avait décidé de lui fournir tous les
moyens nécessaires à la création de La Neige en août, une pièce écrite
quelques années plus tôt, qui retrace la vie de Huineng, le Sixième Patriarche,
père du bouddhisme Chan. Jouée par les plus grands acteurs de l’opéra de
Pékin résidant à Taiwan, mise en scène par Gao Xingjian lui-même, sur une
musique d’un compositeur de Chine continentale résidant à Paris, Xu Shu-ya,
sous la direction d’un chef d’orchestre français, La Neige en août a été créée
en décembre 2002 à Taibei et donnée à l’Opéra de Marseille en janvier 2005.
La création d’un opéra chanté en chinois sur une musique très influencée
par la musique occidentale (Wagner, Ravel, Messiaen…), ayant pour thème
un grand personnage de la tradition bouddhiste et écrit par le premier prix
Nobel de littérature de langue chinoise restera symbolique de la diversité
culturelle induite par la mondialisation du début du XXIe siècle. La création
de La Neige en août est un événement majeur dans l’histoire des arts et lettres
de langue chinoise puisqu’elle a marqué la naissance d’un nouvel opéra
chinois128.
121 Voir Littérature chinoise, état des lieux et mode d’emploi, op. cit., p.37.
122 Communiqué de presse de l’Académie suédoise du 12 octobre 2000.
123 La plupart des pièces de théâtre écrites en français de Gao Xingjian sont publiées par les éditions
Lansman en Belgique. En 2004 a paru aux éditions du Seuil Le Quêteur de la mort, suivi de L’Autre
Rive et La Neige en août, traduites du chinois.
124 Pour une définition du roman à l’époque classique, voir André Lévy, La Littérature chinoise
ancienne et classique, Paris, PUF, Que sais-je ?,1991, le chapitre IV : « La littérature de
divertissement : roman et théâtre ».
125 Voir Noël Dutrait, « La réception littéraire de deux écrivains chinois contemporains, A Cheng et
Gao Xingjian », dans France-Asie: un siècle d’échanges littéraires, textes rassemblés et présentés par
Muriel Détrie, Paris, You Feng, 2001.
126 Les conceptions esthétiques de Gao Xingjian sont exposées dans un album de reproductions de
ses peintures à l’encre de Chine, Pour une autre esthétique, Paris, Flammarion, 2000.
127 Gao Xingjian se plaît à dire que sa première vie allait de sa naissance à son départ définitif pour
l’étranger en 1987, la deuxième jusqu’au prix Nobel et la troisième après celui-ci.
128 Voir N. Dutrait, « La naissance d’un opéra d’expression chinoise, La Neige en août de Gao
Xingjian », Perspectives chinoises, n°75, janvier-février 2003, p.71-74, repris dans La Neige en août,
Arles, Opéra de Marseille/Actes Sud, 2005. Voir aussi L’Ecriture théâtrale et romanesque de Gao
Xingjian , actes du colloque qui s’est tenu en janvier 2005 à Aix-en-Provence, Paris, Seuil, 2006.
LA LITTÉRATURE DE TAIWAN ET DE HONG KONG
Li Ang la provocatrice
Elle fait régulièrement scandale sur la scène littéraire et politique de
Taiwan. Li Ang (1952-), chef de file des féministes, publie en 1983 La
Femme du boucher135. Partant d’un fait divers qui avait défrayé la chronique
– une femme victime quotidiennement de la violence de son mari finit par le
tuer –, Li Ang met en scène un homme fruste, un boucher qui prend un plaisir
évident à égorger les porcs, alors que, dans la mentalité traditionnelle
taiwanaise, un bon bouddhiste ne doit pas tuer des animaux ; le boucher
transgresse donc les tabous religieux dans sa vie quotidienne. De la même
manière, persuadé de la supériorité de l’homme sur la femme, il n’hésite pas
à violenter son épouse sans craindre le qu’en-dira-t-on, y prenant le même
plaisir qu’à tuer les animaux. Les commentateurs littéraires ont vu dans ce
roman une critique radicale de la société taiwanaise et de ses valeurs
hypocrites. En outre, alors qu’il est prouvé qu’elle était maltraitée, la jeune
femme sera quand même condamnée à mort après avoir été promenée dans
les rues de la ville, ligotée à l’arrière d’une fourgonnette. Le livre connut un
grand succès et fut couronné par le prix littéraire du Lianhebao. Il commence
sous la forme d’un article de journal rapportant le fait divers et qui se conclut
ainsi :
Un tel spectacle (le fait de faire défiler la condamnée à mort dans la
ville) est néanmoins toujours salutaire. Montrer ainsi aux masses une
perverse qui a tué son mari, même si elle n’était pas coupable d’adultère,
permet de conforter la morale, qui en a bien besoin, en ces temps
incertains où des femmes réclament, à l’instar des Occidentales, une
quelconque égalité avec les hommes, voulant, par exemple, faire des
études dans des écoles étrangères, et apparaître ainsi au grand jour,
faisant fi des principes millénaires qui ont toujours régi le comportement
des femmes vertueuses. (La Femme du boucher, p.7.)
Depuis, Li Ang ne cesse de faire parler d’elle. Son recueil de nouvelles
Beigang xianglu renren cha (Chacun peut se brancher dans le brûle-parfum
de Beigang136) a connu un succès considérable ; à sa sortie, on le trouvait
dans la moindre petite épicerie de campagne. Dans le texte qui donne son
nom au recueil, elle décrit sans états d’âme comment une femme politique
parvient à ses fins en se servant de son corps pour corrompre les hommes qui
se dressent sur son passage. La large place occupée par les descriptions
réalistes de scènes sexuelles explique en partie le succès commercial de
l’œuvre. Violemment attaquée, Li Ang se défend en arguant que ce qu’elle
écrit concerne le domaine littéraire et non le domaine politique137.
Deux romans de Li Ang parus en 2003 et 2004 donnent l’occasion aux
lecteurs français d’apprécier le talent de cet écrivain et la qualité de son
écriture : Le Jardin des égarements, livre de la mémoire et de la passion
amoureuse, constitue un magnifique récit dans lequel est évoquée la place de
la femme dans la société taiwanaise postmoderne, tandis que Nuit obscure
dénonce avec force les dérives de cette même société.
129 Au sujet de Taiwan, voir Christine Chaigne, Catherine Paix et Chantal Zheng (dir.), Taiwan,
enquête sur une identité, Paris, Karthala, 2000 ; et Herman Halbeisen, « Taiwan l’autre Chine », dans
Marie-Claire Bergère, Lucien Bianco et Jürgen Domes, La Chine au XXe siècle, op. cit., p.321-344.
130 Zhang Baoqin, Shao Yuming, Ya Xian (éd.), Sishinianlai Zhongguo wenxue (La Littérature
chinoise depuis quarante ans), Taibei, Lianhe wenxue chubanshe, 1994.
131 Helmut Martin (éd.), Modern Chinese Writers Self-portrayals, New York and London, M. E.
Sharpe, 1992, p.181.
132 En chinois Niezi, Les Mauvais Fils.
133 Huit de ces nouvelles sont traduites en français sous le titre La Fête de la déesse Matsu.
134 L’écrivain Ye Lingfang accuse Zhang Dachun d’avoir imité tour à tour García Márquez et
Kundera. Voir à ce sujet Noël Dutrait, « Rencontre avec quatre écrivains taiwanais », Perspectives
chinoises, n°46, mars-avril 1998, p.44-51.
135 En chinois Shafu, Tuer son mari.
136 Taibei, Maitian chubanshe, 1997.
137 Une des nouvelles de ce recueil, Une salle funéraire déserte, a été traduite par Sandrine
Marchand dans Le Nouveau Recueil, n°61 , décembre 2001-février 2002, p.10-41.
138 Taibei, Yuanliu chubanshe, 1990 ; traduit en anglais par Eva Hung, Fin de Siècle Splendor, dans
The Columbia Anthology, op. cit., p.444-459. Voir aussi Anthologie de la famille Chu. Le Dernier
Train et autres nouvelles qui réunit des nouvelles de Chu Hsi-ning, Chu T’ien-wen (Zhu Tianwen) et
Chu T’ien-hsin.
139 Lire aussi Séparations de Su Weichen, un recueil de quatre courts romans écrits par une
romancière née en 1954.
140 Pour la littérature taiwanaise, voir l’anthologie de nouvelle s contemporaines A mes frères du
village de garnison, textes choisis et édités par Angel Pino et Isabelle Rabut, Paris, Bleu de Chine,
2001.
141 Voir l’excellente revue semestrielle Renditions éditée par la Chinese University of Hong Kong,
qui publie des traductions de littérature classique, moderne ou contemporaine venant de toutes « les
Chines », par exemple le numéro spécial consacré à la nouvelle poésie de Hong Kong, n°56, automne
2001.
142 Voir « Comment utiliser la langue pour exprimer Hong Kong ? », entretien avec Annie Curien,
Poésie 2001, n°88, juin 2001, p.57-61.
143 Traduit par Annie Curien dans Perspectives chinoises, n°59, mai-juin 2000, p.68.
144 Voir Jin Yong, La Légende du héros chasseur d’aigles. De Gu Long, autre représentant de ce
genre littéraire, on peut lire Les Quatre Brigands du Huabei.
CONCLUSION
145 Vizinczey Stephen, Vérités et mensonges en littérature, traduit par Philippe Babot et Marie-
Claude Peugeot, Monaco, éditions du Rocher, 2001, p.25.
146 Ibid., p.21.
147 Voir le questionnaire et ses réponses dans Beijing wenxue (Littérature de Pékin), n°10, 1998,
p.20-47.
BIBLIOGRAPHIE
148 Le titre original et la date de la première publication en chinois figurent entre crochets.
On peut également consulter la bibliographie établie par Jie Formoso et Christine Thomes dans Annie
Curien et Jin Siyan (dir. ), Littérature chinoise, le passé et l’écriture contemporaine, op. cit., p.197-212.
La version papier a été achevée d’imprimer
sur les presses de l’imprimerie Corlet
à Condet-sur-Noireau
Dépôt légal : janvier 2006
La version ePub de ce texte a été préparée par Lekti en février 2012.