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* Dont il existe une version abrégée, qui fut disponible en langue castillane avant d'être traduite en
anglais : Historia de la literatura china moderna, Beijing : Ediciones en languas extranjeras, 1989 ;
History of Modem Chinese Literature. Beijing : Guoji chubanshe, 1993. Cette dernière version ne
signale pas la part prise par Yan Jiayan à la composition de l'œuvre, pas plus que celles de Fan Jun ou
de Wang Pingjin.
sauf indication contraire, sont des traducteurs, de même que tout ce qui figure entre
crochets [...]. Pour l'essentiel, notre intervention s'est bornée à des indications biblio
eraDhiaues. Les intertitres sont également de notre fait.
ANGEL PINO et ISABELLE RABUT
Si l'on prend pour point de départ le IIIe plénum du XIe Comité central[12 au 1
décembre 1978], voilà donc plus de quinze ans que nous sommes entrés dans
ère nouvelle. La création de la Société de recherche sur la littérature chinoise
moderne et le lancement de la Zhongguo xiandai wenxue yanjiu congkan
[Collection de recherche sur la littérature chinoise moderne] remontent, quant à
elles, à quinze ans tout juste. Quinze années, ce n'est pas grand chose, et pour
tant, la recherche sur la littérature chinoise moderne a connu des bouleversement
saisissants, engrangé des résultats importants et opéré des avancées indéniables.
On peut affirmer sans exagération qu'il a été accompli au cours de ces quinze
dernières années plus de progrès qu'au cours des trente années précédentes.
INTRODUCTION
Depuis que nous sommes entrés dans l'ère nouvelle, le changement le plus
important survenu dans le domaine scientifique a consisté à faire table rase du
passé, de sorte que la recherche sur la littérature chinoise moderne est revenue à
ce qu'elle n'aurait jamais dû quitter 一 la littérature proprement dite, devenant
ainsi une discipline autonome dotée d'un statut et d'une valeur scientifiques. Ce
que Fan Jun ず臭 S复 résume dans un article :
D'une façon générale, le changement le plus fondamental survenu ces
dernières années dans la recherche sur la littérature chinoise moderne réside dans
le rait qu'elle est parvenue enfin à s'affranchir de sa subordination mécanique
aux tâches qu'impose la lutte politique, pour se lancer dans des recherches objec
tives fondées sur la raison historique. Non seulement on explore désormais, de
manière systématique, le processus historique dans son ensemble et ses liaisons
internes, mais on en dresse un bilan consciencieux, et on opère la synthèse
scientifique des leçons de l'histoire et des lois qui président à son développe
ment. C'est assurément un tournant capital et d'une portée immense pour la
discipline l.
Au fil des études, on assiste à une réévaluation objective d'écrivains ou
d'œuvres qui avaient été jadis brutalement rejetés ou simplement dénigrés sous
des prétextes divers.
Cette réévaluation qui passait en premier lieu par la réhabilitation des écri
vains concernés a d'ores et déjà dépassé de loin le cadre qui lui avait été
assigné : non seulement on a épinglé les erreurs de Lin Biao et de la Bande des
quatre, mais également celles de la tendance “gauchiste,’ qui sévissait depuis le
milieu des années cinquante, voire celles de l'idéologie “gauchiste,,apparue dans
les années trente. De sorte que beaucoup de choses ont recouvré leur vrai visage
ou peu s'en faut.
Des questions littéraires liées aux grandes affaires historiques longtemps lais
sées en suspens qui entouraient les noms de Wang Shiwei i す味[1900
1947], Xiao Jun % 革[1907-1988], Hu Feng IL [1902-1985], Pan Hannian
潘キ[1906-1977], Ding Ling ゴ冷[1904-1986], Chen Qixia ?束仑衮
[1913-1988], Feng Xuefeng ou Ai Qing 又身[1910-],ont été progressivement
réglées.
Un grand nombre d'écrivains ont fait l'objet d'une relecture plus scientifique,
dont : Hu Shi n 通[1891-1962], Zhou Zuoren 同作人[1885-1967], Xu
Zhimo 徐 h 冷[1896-1931], Lin Yutang 秣符 Î [1895-1976], Liang Shiqiu
球-f 牧[1903-1987], Shen Congwen 迷忟文[1902-1988], Mu Shiying
料崎免[1912-1940], Zhang Ailing 银玄跨[1921-]’ Xu Yu [1908
1980], Chen Quan 辣餘[1903-1969]. Il en a été de même pour des œuvres
telles que Bao ma 交兔,[“Les Chevaux précieux" (1937) ; Sun Yutang
对激嚷(1910-1985)], Sishui weilan 死扎イ汉ラ聞[Rides sur les eaux
1 FAN Jun ンら& , « Lun Zhongguo xiandai wenxue yanjiu de dangdaixing » 徐中 fil多1i 代_ 文•令对
見的 % イ〜、'吐[入 propos de l'actualité de la recherche en littérature chinoise moderne], Lun
Zhongguo xiandai wenxue yanjiu -f 画...バ/ 文.や件兒[À propos de la recherche en littéra
ture chinoise moderne], Shanghai : Shanghai wenyi chuoanshe, 1992’ p. 150.
2 Li Tiej'en [Li Jieren], Rides sur les eaux dormantes, trad, par Wan Chunyee. Paris : Gallimard, 1981.
(coll. “Du monde entier").
3 Pa Kin [Ba Jin], Nuit glacée, trad, par Marie-José LALITTE, préface d'ÉTIEMBLE Paris : Gallimard,
1978 (coll. “Du monde entier") ; rééd. Gallimard, 1983. (coll. "Folio").
4 QIAN Zhongshu, La Forteresse assiégée, préface de Lucien BIANCO, trad, par Sylvie SERVAN
SCHREIBER et WANG Lou. Paris : Christian Bourgois, 1987.
5 Ce recueil renferme les œuvres d'un groupe de poètes des années quarante, qui conjuguent poésie
traditionnelle et modernisme occidental.
6 Groupe littéraire qui tire son nom du titre de la revue fondée en 1932 à Nankin et dont les membres
furent critiqués par Lu Xun (1881-1936) pour leur traditionalisme. Liang Shiqiu, notamment, y fut
très actif. Le « néo-humanisme » dont la revue Xueheng se fit l'écho, est une notion empruntée à
Irving Babbitt.
qu'il était d'origine mandchoue, ni sur son œuvre, pour tenter d'y déceler
d'éventuelles spécificités mandchoues. Au lieu de cela, on l'a rangé sans autre
forme de procès parmi les écrivains Han,’7. Quant à Shen Congwen, ses origines
miao ont été encore plus négligées.
Pour ce qui est des tendances de la création, on ne se souciait jusqu'alors que
de la littérature réaliste, au détriment de la littérature romantique dont les études
étaient réduites à la portion congrue. La littérature moderniste, elle, fut long
temps décriée : on refusait de la comprendre car on ne voulait pas la prendre au
sérieux. En matière de littérature régionale, la littérature des régions sous con
trôle nationaliste pendant les années quarante avait été mise de côté - pour
reprendre les termes de Wu Zuxiang 灰令在細[1908-],les préjugés empê
chaient qu'on la juge à sa juste valeur - et la littérature des zones occupées par
les Japonais, Taiwan y compris, nous était presque totalement étrangère.
En ce qui concerne la problématique, on n'accordait jusqu'alors qu'une atten
tion très faible aux écoles ; pour ne rien dire de la stylistique ou de la narra
tologie, pratiquement inexistantes.
Ces dernières années, la situation s’est améliorée à des degrés diveçs. Des
écrivains issus des minorités nationales, tels que [Li] Mutalifu 等.辞务 t 南:
[1922-1945, poète ouighour] ou [Na] Saiyinchaoketu 束内.务到免 ÉI [1914
1973,poète mongol], ont fait leur entrée dans les histoires de la littérature. Les
traits mandchous des œuvres de Lao She et les traits miao des œuvres de Shen
Congwen ont fini par s'imposer à rattention de certains chercheurs, qui ont
décidé de les analyser. Les recherches sur la littérature des minorités donnent
lieu à des publications spécialisées.
Les recherches sur la littérature romantique se sont multipliées et des ouvrages
assez exhaustifs et sérieux sont désormais accessibles. Les recherches sur la
littérature moderniste, qui partaient de zéro, ont démarré par la mise au jour de
documents puis ont avancé à pas de géant. Qu'il s'agisse des marques symbo
listes dans les nouvelles ou les poèmes en prose de Lu Xun,des marques expres
sionnistes et des emprunts au courant de conscience dans les premières œuvres
de la société Création, des poèmes symbolistes de Li Jinfa 考* 金焚:[1901
1976] et autres, des romans néo-sensualistes de Mu Shiying ou Liu Na,ou 割
M [1900-1939], des romans psychanalytiques de Shi Zhecun 说对而"
[1905-], Shen Zufen ;t, [1909-1977], Zhang Ailing et Li Tuozhi
之[1914-1983], des poèmes modernistes de Dai Wangshu 菜;髮針[1905
1950] ou d'autres, de la couleur expressionniste des pièces de Cao Yu,des
nouvelles où Wang Zengqi ラi 耆样[1920-],dans les années quarante, s'est
essayé au courânt de conscience avec un certain bonheur, ou des poèmes des
auteurs regroupés dans le “Recueil des neuf feuilles”,tous ces sujets ont attiré
l'attention des chercheurs, suffisamment en tout cas pour que certains leur
consacrent des monographies relativement pointues. Les recherches concernant
les écoles littéraires sont prises en considération : plusieurs maisons d'éditions
ont publié des ouvrages à ce propos ainsi que des anthologies représentatives des
écoles ou des groupes. Enfin, les recherches en narratologie, elles aussi, ont
abouti à des résultats encourageants.
S'agissant de la littérature régionale, les études sur la littérature des zones
libérées ont été encore approfondies, tandis que les études portant sur la littéra
ture des regions sous contrôle nationaliste pendant les années quarante connais
saient un développement remarquable : à signaler, à cet égard, les travaux
7 FAN Jun, « Guanyu Zhongguo xiandai wenxue yanjiu de kaocha he sisuo >補すす 戎ィ〜'文冷
石,徒)々? % 療和 fci 笨[La Recherche en littérature chinoise moderne : examen et réflexion],
Lun Zhongguo xiandai wenxue yanjiu, op. cit., p. 30. (Note de l'auteur.)
consacrés à Lao She, Ba Jin, Cao Yu, Lu ling, Sha Ding ?;^ [1904-],Shen
Congwen, Li Jieren, Qian Zhongshu ou Mu Dan 传旦[1918-1977]. Pour s'en
tenir au seul Lao She, non seulement des textes comme Gushu yiren tL 書
瞽 /、[Le Conteur au tambour] ou "Quatre générations sous le même toit,,ont
fait l'objet d'une approche relativement scientifique mais on s'est attelé à
explorer la mentalité de l'écrivain dans sa dimension culturelle et dans son
rapport à la création, ce qui eût été inimaginable auparavant.
De la même manière, les études sur la littérature de rilot,’ de Shanghai8,sur
Taiwan au temps de la domination japonaise, et sur la littérature des zones occu
pées ont porté leurs premiers fruits : Zhongguo xiandai wenxue yanjiu congkari
[Collection de recherche sur la littérature chinoise moderne] a consacré deux
livraisons entières à la littérature des zones occupées.
Les recherches vouées aux différents genres littéraires étaient autrefois très
déséquilibrées. Elles portaient essentiellement sur le roman sans que nous dispo
sions pour autant d'une histoire complète du genre. Ces dernières années, les
investigations sur ce thème ont conservé leur suprématie mais on a vu paraître
pas moins de quatre histoires du roman moderne, dont plusieurs travaux indivi
duels d'envergure.
Parallèlement, un certain nombre de chercheurs se sont appliqués à l'analyse
des autres genres et ont publié des histoires de la poesie nouvelle, des histoires
du théâtre ou des histoires du sanwen そ文え.D'autres histoires sont parues, sur
la théorie et la critique littéraires, sur les courants de pensée littéraires ou sur la
littérature comparée. Ces approches spécialisées s'efforcent de dresser un bilan
de l'expérience historique, tant du point de vue de révolution des styles que de
celui des courants de pensée.
Ainsi, nous sommes passés de la critique ‘‘transversale’,,qui ne considérait
que les œuvres d'une même génération, à une critique "longitudinale".
Ces travaux administrent la preuve que la recherche sur la littérature chinoise
moderne s,est élevée de la critique simple à la synthèse historique, et en ce sens
ils ouvrent bien des perspectives.
° « L'îlot » [gudao] : quartier des concessions étrangères à Shanghai qui, au contraire des quartiers
avoisinants, n'était pas encore occupé. Il tombera à son tour le 8 décembre 1941, lorsque les Japonais
déclarent la guerre à l'Angleterre et aux États-Unis.
littérature nationale qui évolue vers des formes plus modernes en liaison avec la
littérature mondiale : elle marque une étape déterminée dans le processus de
modernisation de la littérature chinoise depuis la fin des Qing (c'est-à-dire
depuis le début du siècle).
La modernisation dont nous parlons n'est pas un simple concept de
périodisation, au-delà le mot recèle des significations précises bien plus riches.
Outre la dimension historique, laquelle renvoie aux deux grands courants du
nationalisme et du socialisme mondiaux qui se sont développés au cours des
cinquante dernières années, il intègre aussi une dimension esthétique inextrica
blement liée à l'époque. Certes, les luttes anti-impérialistes et anti-féodalistes,
qui furent des tâches essentielles de la révolution sociale dans la Chine moderne,
constituent un aspect important de la modernisation littéraire. Toutefois, celle-ci,
en soi, va bien au-delà. La modernité de la littérature, ou sa modernisation,
suppose une réforme de la littérature traditionnelle et des innovations complètes
et profondes dans des domaines aussi variés que le langage littéraire, la torme
artistique, les modes d'expression, la pensée et les goûts esthétiques. Dès lors, il
devient clair qu'on ne saurait se contenter d,envisager un écrivain ou une oeuvre
uniquement sous l'angle politique ou révolutionnaire mais qu'il faut rappré
hender dans tous ses aspects. Mieux, une telle démarche permet de mettre en
évidence les caractéristiques propres de la littérature de cette période et d'en
dégager la signification profonde.
En ce sens, si l'on souhaite étudier correctement la littérature chinoise mo
derne, il ne faut pas se limiter à elle, mais s'intéresser aussi à la littérature des
périodes qui la précèdent et la suivent, en remontant, d'une part, jusqu'à la fin
des Qing ; en embrassant, d'autre part, la littérature contemporaine, dont on situe
le point de départ au début des années cinquante. Autrement dit, il faut saisir
l'évolution de la littérature chinoise dans le cadre général du développement de
la littérature mondiale du XXe siècle. Dès lors s'instaure un débat sur le pro
blème de la périodisation en matière d'histoire littéraire, d'où ressort le concept
de "littérature chinoise du XXe siècle", avec tout ce qu'il suppose de profondeur
et d'ampleur dans l'approche scientifique9. La littérature moderne conçue de
cette façon ouvre naturellement des perspectives élargies au travail scientifique.
En réalité, il n'a pas fallu attendre les années quatre-vingts pour qu'on consi
dère la littérature chinoise issue du “4 Mai” comme une littérature moderne.
L'idée avait été exprimée il y a quelques décennies par Yu Dafu
[1896-1945], Xiao Qianf % [1910-], Zhu Ziqing % 名[1898-1948] ou
Feng Xuefeng 10. Et si Lu Xun n'a pas directement évoqué la modernisation de
la littérature, sa compréhension de la nouvelle littérature du "4 Mai” et sa
conception de la modernité rejoignent peu ou prou celle des auteurs susnommés.
Ainsi, loin d'être une idée neuve apparue au cours des dix dernières années, cette
idée marque un retour, au terme de quelques décennies d'une expérience scien
tifique tortueuse et éprouvante, à une conception ancienne et rationnelle. Un
9 Ce concept, qui abat les barrières entre littérature moderne et littérature contemporaine, est apparu
en 1985, à rinstigation de Cheng Pingyuan et de quelques autres. CHENG Pingyuan est l'auteur du
premier tome de la Ers hi shiji Zhongguo xiaoshuo shi [Histoire du roman chinois au XXe siècle],
supervisée par Yan Jiayan.
10 YU Dafu Sp逢 ,« Xiaoshuo lun » 小 [À propos du roman], première partie ; « Guanyu
xiaoshuo de hua » 紐十'1、列兮& [Quelques mots sur le roman]. XIAO Qian, « Xiaoshuo » [Le
Roman]. ZHU Ziqing 束名5/常,« Xin shi zahua : zhen shi » 軒•許教沐「责年[Propos mêlés sur
la nouvelle poésie :la poésie authentique]. FENG Xuefeng, «Zhongguo wenxue cong gudian
xianshizhuyi dao shehuizhuyi xianshizhuyi de fazhan de yige lunkuo » f、61、文,伐古灰先1
i裊到.紅會汍サà義《焚"散令9 zパ®.絲承[Le Passage, dans la littérature
chinoise, du réalisme classique au réalisme socialiste : un aperçu]. (Note de l'auteur.)
retour qui, malgré tout, traduit un besoin du temps et répond aux nécessités de la
discipline en gestation.
Bien des avancées, ces dernières années, sont imputables à cette conception
nouvelle de la littérature moderne. Par exemple, longtemps nous avons porté au
pinacle le caractère révolutionnaire de A-Q, or le camarade Zhi Kejian 良久智
a montré dans un article 11 que cette lecture ne correspondait pas à l'intention
premiere de l'auteur : idéologiquement, Lu Xun réagit en homme moderne et le
regard qu'il jette sur la révolution d’ A-Q est critique pour ne pas dire négatif. On
peut considérer cela comme une étape décisive dans la recherche sur A Q
zhengzhuan ?a sL ^ [La Véridique histoire d'A-Q]12. Elle nous incite à
réfléchir à la richesse de l'idée de révolution chez Lu Xun, laquelle repose
véritablement sur une conscience moderne. Quant à l'importance que Lu Xun
accorde à la critique du caractère national, elle revêt elle aussi une tout autre
signification si on la juge du point de vue de la conscience moderne. Aujour
d'hui, on ne la condamne plus en bloc, comme dans les années cinquante, en la
réduisant à une conception idéaliste de l'histoire.
La réévaluation de certaines œuvres de Ding Ling comme Shafei niishi de riji
务昨そ:t Vj B 犯[Le Journal de Mademoiselle Sophie], Zai yiyuan zhong
À 沒说彳[À rhôpital] ou Wo zai Xiacun de shihou 我 À 戴み今'ヲ時娘
[Quand j'étais à Xiacun];la reconnaissance de la série de figures de la “femme
moderne,’ qui se trouvent dans les romans de Mao Dun 导娘[1896-1981];la
redécouverte et l'appréciation positive de l'humour tempéré et voilé qu'on
rencontre dans les œuvres de Ding Xilin ブ伯体[1893-1974], Lao She, Liang
Shiqiu, Li Jianwu 令ィ走音[1906-1982], Qian Zhongshu ou Yang Jiang
[1911-],sont également en rapport étroit avec l'intérêt que suscite chez les
chercheurs la notion de modernité.
En un mot, la modernité littéraire est devenue le point focal de bien des
critiques et des recherches.
Le retour de l'historicisme
Autre chose n'a pas moins compté que le changement intervenu dans not
conception de la littérature moderne : c'est l'abandon, dans la recherche lit
raire, de la théorie longtemps en vigueur du double critère et le retour à un pr
cipe scientifique, qui est celui de l'historicisme. Comme l'a dit Lénine : "Lo
qu'on analyse une question sociale, la théorie marxiste exige expressément qu
la situe dans un cadre historiquement déterminé"13. Ou encore : "On juge
mérites historiques des grands hommes non pas d'après ce qu ils n'ont pa
donné par rapport aux exigences de notre époque, mais d'après ce qu'ils o
donné de nouveau par rapport à leurs devanciers,’14.
11 ZHI Kejian え免雙,《 Guanyu A Q de "geming" wenti »H§ J 巧Û 对寒命 趙[À propos d
Q et de la « révolution »], Wenxue pinglun congkan [Collection de critique littéraire], 1981/4. (Not
de l'auteur.)
じ Pour un inventaire des traductions françaises de ce texte, cf. Michelle LOI, Luxun, Histoire d'A Q :
véridique biographie. Paris : Presses Universitaires de France, 1990,p.118 sq. (coll. "Études
littéraires").
13 LÉNINE, « Lun minzu zijuequan » ♦倚 次樣[Du droit des nations à disposer d'elles
mêmes » (1914)],Lienin xuanji [Œuvres choisies de Lénine], vol.2, Renmin chubanshe, octobre
1972, 2e édition, p. 512. [Trad. fr. in : Lemne, Œuvres choisies en trois volumes, Éditions du
Progrès, Moscou, vol.1,1982, p. 600. Souligné dans le texte.] (Note de l'auteur.)
14 LÉNINE, « Ping jingji langmanzhuyi » fそ找斤浪,曼主義[Pour caractériser le romantisme
économique » (1897)], Lienin quanji 列努令集[Œuvres complètes de Lénine], vol.2, Renmin
chubanshe, 1960,p. 150. [Trad. fr. in : Lénine, Pour caractériser le romantisme économique,
éditions sociales, éditions du progrès, Paris-Moscou, 1973,p. 86. Souligné dans le texte.] (Note de
l'auteur.)
15 PA Kin [Ba Jin], Famille, roman, trad, par Ll Tche-Houa et Jacqueline ALÉZAÏS, présentation de
Marie-José LALITTE, Flammarion-Eibel, Paris, 1979 (coll. “Lettres étrangères", diffusé par la suite
sous jaquette de relais, coll. "Aspects de l'Asie"). Réédition en 1989,LGF, coll. “Le livre de poche".
16 YAO Wenyuan 如 k 叉元,《 Lun Ba Jin xiaoshuo “Jia” zai lishi shang de jiji zuoyong he tade xiaoji
zuoyo”》瑜で舍'丨• Hべ乐》又上巧传ネÎ作尚如*&的领極ィ令巧[À propos du
rôle positif et négatif dans l'histoire du roman de Ba Jin Famille], Zhongguo qingnian [Jeunesse de
Chine], n° 22,1958. (Note de l'auteur.)
口 MAO Dun, Minuit, trad, fr.,Éditions en Langues Étrangères, Pékin, 1962 (3e tirage :1984). La
même version a été donnée en 1979,aux éditions Robert Laffont, à Paris. Une nouvelle traduction,
par Jean JOIN et Michelle LOI, est annoncée pour paraître.
même toit,,de Lao She, qui avait été publié au temps de la collaboration entre le
Parti communiste et le Guomindang, sa réimpression ne pouvait qu'être interdite
sous la Chine nouvelle, et il était encore moins envisageable de porter sur ce
livre la moindre appréciation laudative dans une histoire de la littérature.
Les exemples abondent : il s'agit là d'une logique typiquement militariste,
dérivée d'une conception politique simpliste. La réalité nous enseigne qu'une
approbation historicisante n'est pas une approbation inconditionnelle, qu'elle
demeure liée à des conditions historiques précises et qu'à ce titre elle constitue
un garde-fou. Lu Xun, du reste, a comparé rhistoricisme en soi aux barrières
derrière lesquelles on enferme les tigres et les panthères 18.
Les propos de Yao Wenyuan, inspirés par le double critère d'évaluation, en
fonction de l'histoire et en fonction du présent,sont une absurdité théorique. Du
point de vue politique, ils ne poursuivaient pas d'autre objectif que celui d'épau
ler ceux qui prétendaient : "couper les ponts après que le Parti communiste eut
franchi la rivière.” Leur influence a été totalement pernicieuse. Depuis la fin des
années soixante-dix les milieux scientifiques dénoncent cette “théorie” qu'ils ont
rejetée, et leurs publications, et plus généralement les recherches en littérature
moderne, ont repris leur cours normal en réintégrant les rails de rhistoricisme.
18 LU Xun, « Guanyu fanyi » ftS "î"《对言事[À propos de la traduction], Zhun feng yue tan 准底
月 [Propos autorisés du vent et de la lune] [1933]. [La citation n'est pas tout à fait exacte : d'une
part, il ne s'agit pas de tigres et de panthères mais de tigres et de loups ; d'autre part, ce que Lu Xun
compare à des barrières, ce n'est pas l'historicisme mais la critique qui guide le lecteur dans son
approche d'œuvres virtuellement dangereuses. Cf. Lu Xun quanji 、省•也 (Œuvres complètes
de Lu Xun). Beijing : Renmin wenxue chubanshe, t. 5,1982, p. 296.] (Note de l'auteur.)
19 Guilin était, avec Chongqing, Kunming et Yan'an, un des quatre pôles ou s'étaient regroupés les
intellectuels et les écrivains désireux de participer à la résistance contre le Japon.
20 Jin-cha-ji : Shanxi, Chahar et Hebei.
21 JIANG Xiquan ラt 辟泣,« Wen Yiduo yanjiu sishi nian » Sf]- 多对兄ぬィ拜[Quarante ans
de recherches sur Wen Yiduo], in Ji Zhenhuai (éd.), Wen Yiduo yanjiu sishi nian. Beijing : Qinghua
daxue chubanshe, 1988, p. 528-529. (Note de l'auteur.)
22 Voir Paul BAD Y, « Les Portes du temps : Lao She perdu et retrouvé ». Journal asiatique 272,1-2,
1984, p. 132-166.
23 YUAN Liangjun, postface à Ding Ling jiwai wenxuan 丁 玲集外文避^[Choix de textes de Ding
Ling hors recueil]. (Note de l'auteur.)
genre importé de l'étranger. Quant à Ba Jin et à Lao She, leur carrière littéraire
s'est trouvée prolongée de plusieurs années.
Les discours retrouvés de Zhu Ziqing, Lao She, Zhou Yang,Zhou Libo [1908
1979], Li Guangtian サ难祖[1906-1968] et autres, à propos de l'histoire de la
littérature ou de la théorie littéraire, ont enrichi notablement le fonds documen
taire sur la théorie et la critique littéraires chinoises modernes.
Si l'on considère les mouvements littéraires, l'apport de nouveaux documents
de première importance a clarifié certains débats et même modifié les points de
vue. Ainsi, nous savons maintenant, grâce à l'organe du Comité central, Hongqi
ribao 者:c 雄ぢ级[Quotidien Drapeau rouge], en date du 10 octobre 1930,que
Jiang Guangci 於先泰[1901-1931]a été bel et bien exclu du Parti, ce qui
témoigne de la brutalité de la ligne ‘‘gauchiste’’. Les Lu Xun he Sinuo tanhua
zhengli gao 養べn 知新 %% 錄、f&、螯?I、精[Conversations entre Lu Xun et
(Edgar) Snow, texte corrigé en vue de l'édition], conservées par Helen Snow,
nous révèlent les précieuses opinions de Lu Xun sur toutes sortes de problèmes.
Quant au numéro 30 de Douzheng 顧奢[Combat] (3 novembre 1932), publica
tion du Comité central du Parti communiste chinois, il contient un article intitulé
"Wenyi zhanxian shang de guanmenzhuyi"ん舉お辟、ム巧M バ主我[La
Politique de fermeture sur le front des arts et de la littérature], écrit Dar Zhang
Wentian 痕閎 K sous le pseudonyme de Ke Te サ印[1900-1976], dont
l'importance est capitale et nous éclaire sur bien des points.
Au-delà des matériaux mis au jour, la valeur inestimable du travail docu
mentaire réside dans ce qu'il a contribué à forger de bonnes habitudes parmi les
chercheurs, permettant ainsi de former toute une pléiade de professionnels
remarquables tels que Zhu Zheng 矛、正,à qui l'on doit d'avoir rectifié un
certain nombre d'erreurs figurant dans les souvenirs de Xu Guangping ff ^ -f
[1898-1968], ou Cheng Zhongyuan,樣彳夜 qui avec une méthode scientifique
rigoureuse a prouvé de manière irréfutable que le texte signé Ke Te était de
Zhang Wentian. La lecture de Xin qingnian 新ぞそ[La Jeunesse] effectuée
par Wang Jingshan ï 索山 à la lumière de certaines correspondances offre un
autre exemple de réussite.
Il va sans dire que la Maison de la littérature chinoise moderne [Zhongguo
xiandai wenxue guan 寸 .洗ノA'、义等对],fondée sur la proposition de Ba
Jin 24,témoigne des succès remarquables du travail documentaire récent, en
même temps qu'elle contribue à le promouvoir.
Enfin, on ne manquera pas de porter le Xin wenxue ziliao yinlun 务f 叉冷 ノ/、
料多1 ‘ [Introduction aux ressources sur la littérature nouvelle] de Zhu
Jinshun 朱金"[瓦 au crédit du travail de documentation.
Conclusion
Lorsqu'on jette un regard rétrospectif sur les progrès rapides qui ont été
enregistrés par notre discipline au cours des quinze dernieres années on se sent à
la fois porté par l'enthousiasme et habité d'une certitude très forte :la recherche
sur la littérature chinoise moderne se trouve en ce moment à la veille de
développements et de bouleversements encore plus importants. Un pas décisif va
être franchi dans les cinq ou dix années à venir. Un délai qui dépend de nous, des
efforts que nous allons produire, mais qui ne saurait être très long. Bien de
signes, bien des preuves l'attestent.
24 Cf. PA Kin [Ba Jin], « La Maison de la littérature [moderne] » et « De nouveau sur la Maison de l
littérature contemporaine [sic] », in Au gré de ma plume, trad, du chinois par PAN Ailian, Éditions
Littérature Chinoise, coll. “Panda”, p. 115-120 et 136-139.
25 Yan Jiayan désigne par là l'école des études critiques en honneur sous Qianlong (1736-1796) et sous
Jiaqing (1796-1821) et illustrée en particulier par Dai Zhen 農(1723-1777).