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COLLECTION

FOLIO ESSAIS
Jacqueline Cerquiglini-Toulet
Éliane Viennot, Joan DeJean,
Edwige Keller-Rahbé,
Christie McDonald

Femmes et littérature
Une histoire culturelle
I

Moyen Âge - XVIIIe siècle

Sous la direction de Martine Reid

Gallimard
Ont contribué à ce volume

Professeur émérite de la faculté des lettres de Sorbonne Université,


JACQUELINE CERQUIGLINI-TOULET est spécialiste de littérature française du
Moyen Âge (La Couleur de la mélancolie. La fréquentation des livres au
e
XIV siècle, 1300-1415, Hatier, 1993 ; traduction en anglais (USA), 1997 et

en coréen, 2012). Elle s’est consacrée à Guillaume de Machaut (Guillaume


de Machaut et l’écriture au XIVe siècle. Un engin si soutil, Honoré
Champion, 1985, rééd. 2001), à Christine de Pizan et à la poétique du texte
médiéval (notamment dans La littérature française : dynamique et histoire,
tome I, « Folio essais », 2007). Elle a édité et traduit les Œuvres complètes
de François Villon dans la « Bibliothèque de la Pléiade » (Gallimard, 2014)
avec un dossier sur la réception de l’œuvre du poète, et les Cent ballades
d’amant et de dame de Christine de Pizan (« Poésie / Gallimard », 2019).

Trustee Professor of Romance Languages à l’université de Philadelphie,


JOAN DEJEAN est spécialiste de littérature des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle est
l’auteure d’ouvrages portant sur l’histoire des femmes auteurs en France
(Tender Geographies: Women and the Origins of the Novel in France,
1991), l’histoire de la sexualité (Fictions of Sappho, 1546-1937,
1989 / Sapho : les fictions du désir, Hachette Supérieur, 1994), le
développement de la forme romanesque (Literary Fortifications, 1984 ;
Libertine Strategies, 1981) ainsi que sur l’histoire culturelle et la culture
e e
matérielle de la fin du XVII et du début du XVIII siècles (Ancients Against
Moderns. Culture Wars and the Making of a Fin de Siècle, 1996 ; The
Essence of Style, 2005 / Du style, Grasset, 2006 ; The Age of Comfort,
2010). Elle a notamment édité la version non censurée du Festin de pierre.
Dom Juan de Molière (Droz, 1999). En 2003, elle a reçu le prix Aldo and
Jeanne Scaglione de la MLA pour son livre The Reinvention of Obscenity:
Sex, Lies, and Tabloids in Early Modern France (2002).

EDWIGE KELLER-RAHBÉ est maîtresse de conférences à l’université Lumière


Lyon 2 et chercheuse à l’Institut d’histoire des représentations et des idées
dans les modernités (UMR 5317). Spécialiste de littérature française du
e
XVII siècle, ses recherches s’organisent autour de trois axes principaux : les

genres narratifs et fictionnels ; les femmes de lettres du second XVIIe siècle,


et tout particulièrement Marie-Catherine de Villedieu
(https://madamedevilledieu. univ-lyon2.fr) ; les rapports entre littérature,
livre et librairie. Elle a fait paraître deux volumes sur les privilèges de
librairie, dont une anthologie critique de Privilèges d’auteurs et d’autrices
en France. XVIe-XVIIe siècles, coéditée avec Michèle Clément (Classiques
Garnier, 2017).

Smith Research Professor dans le département des langues et littératures


romanes de l’université de Harvard dont elle a été deux fois directrice,
CHRISTIE MCDONALD est spécialiste de littérature comparée et tout
particulièrement des liens entre littérature, philosophie et arts, sujet auquel
elle a consacré de nombreux écrits. Co-directrice de Proust and the Arts
(2015), de Rousseau and Freedom (2010), et de French Global. A New
Approach to Literary History (2010 ; French Global. Une nouvelle
perspective sur l’histoire littéraire, 2015), elle est également l’auteure de
The Proustian Fabric (1991), Dispositions (sur musique et texte, 1986), et
The Extravagant Shepherd (sur La Nouvelle Héloïse de Rousseau, 1973,
rééd. 2007).

ÉLIANE VIENNOT a enseigné la littérature française dans les universités de


Seattle, Nantes et Corte. Elle est professeure émérite à l’université de Saint-
Étienne et a été pendant dix ans membre de l’Institut universitaire de
France. Ses recherches portent sur les grandes autrices politiques de la
Renaissance, dont Marguerite de Valois, sur l’histoire des relations de
pouvoir entre les sexes en France (La France, les femmes et le pouvoir,
4 vol., Perrin), sur la Querelle des femmes et sur ses conséquences dans la
langue française (Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, Éditions
iXe, 2014). Voir http://www.elianeviennot.fr/
Préface

MARTINE REID

Les pages qui suivent constituent la première synthèse générale portant


sur les femmes dans la littérature de langue française, telle que chaque
époque l’a entendue et pratiquée du Moyen Âge à aujourd’hui.
Les ambitions d’une telle synthèse sont multiples : identifier d’abord, à
la suite de bien d’autres travaux *1 mais de manière beaucoup plus
systématique, l’apport des femmes à la littérature depuis neuf siècles et en
détailler les caractéristiques ; rappeler les succès rencontrés ainsi que les
difficultés considérables auxquelles celles que l’on a appelées auteures,
autrices, femmes de lettres, femmes auteurs et écrivaines 1 se sont
continûment heurtées pour écrire et publier, pour être reconnues par la
critique, associées aux institutions littéraires, intégrées à un discours portant
sur le passé de la littérature ; replacer enfin la production d’œuvres
extrêmement nombreuses et diverses dans leur contexte, littéraire et
historique, sociologique, philosophique et anthropologique, étant entendu
que, pas plus que celles de leurs contemporains masculins, les œuvres de
femmes ne sauraient être confondues entre elles, moins encore ramenées au
seul étalon de leur appartenance sexuée.
La constitution d’une histoire de cette sorte s’est révélée difficile sur un
certain nombre de points. En effet, si les recherches sur les auteures et leurs
œuvres sont aujourd’hui très nombreuses en France comme à l’étranger,
elles constituent une nébuleuse de savoirs qui compliquent parfois
l’appréhension de l’ensemble ; à l’inverse, certains ouvrages généraux
prennent parfois pour point de départ une auteure ou un petit nombre de
textes jugés significatifs, au risque de biaiser singulièrement une réalité plus
complexe, difficile à saisir. Quelle que soit l’époque, bien des zones
d’ombre et bien des inconnues demeurent ; bien des auteures, des textes,
des problématiques attendent toujours examen. Qu’entend-on par
littérature ? La question constitue, on le sait, une vieille aporie de l’histoire
littéraire 2 et chacune des contributrices l’a traitée comme elle l’entendait.
Existe-t-il par ailleurs une quelconque spécificité des positions et des
œuvres de femmes ? Sous peine de simplifications abusives et de
généralités hasardeuses, de télescopage des époques et d’écrasement des
singularités, aucune réponse simple ne peut être apportée à une telle
question débattue de longue date, même si d’évidentes lignes de force, des
problématiques, des modes de représentation et de réception communes se
retrouvent au fil des siècles — on les trouvera détaillés dans chacune des
parties.
À des degrés divers, les contributrices de cette synthèse ont emprunté
les outils de l’histoire littéraire 3, de la sociologie de la littérature, de
l’histoire des idées, de l’histoire des femmes et de l’histoire culturelle 4.
Elles ont été attentives aux catégories de l’histoire littéraire traditionnelle,
aux genres, périodisations, courants et mouvements littéraires ; elles l’ont
également été aux questions concernant la vie littéraire sous toutes ses
formes, à l’histoire du manuscrit, du livre et de l’édition, à l’avènement de
la presse, à l’instruction, aux débats sur le rôle et la place des femmes dans
la société, aux discours pré-féministes et féministes. Pour autant, elles n’ont
pas utilisé les catégories existantes sans les interroger, et sans les adapter au
sujet et au temps qui étaient les leurs : si elles ont souhaité constituer un
solide état des lieux de la présence des femmes en littérature à une époque
donnée, elles l’ont articulé sur une réflexion continue de la différence des
sexes et de son fonctionnement spécifique dans le champ littéraire, sur les
conséquences d’une « valence différentielle des sexes 5 » partout à l’œuvre.
D’entrée de jeu, cette « valence » a dicté des hiérarchies, établi des
normes, décidé de traits distinctifs et de règles exclusives ; de manière plus
ou moins explicite, elle a structuré les innombrables mises en récit de faits
littéraires supposément objectifs, depuis les innombrables constructions
critiques destinées à démontrer la faiblesse conceptuelle, la pauvreté
stylistique, l’abondance ou la rareté des œuvres de femmes ainsi que les
genres littéraires leur convenant « naturellement », jusqu’à la constitution, à
la fin du XIXe siècle, d’une histoire littéraire nationale qui les passait
largement sous silence 6. Au souci de distinction, de hiérarchie et de tenue à
distance qui s’observe dès le Moyen Âge répond ainsi une réception
critique qui, pour épouser des formes différentes au fil du temps, n’en
demeure pas moins extrêmement partiale dans son ensemble.
Aujourd’hui encore, la plupart des récits portant sur l’histoire du passé
de la littérature de langue française continuent d’ignorer les contours exacts
de la participation des femmes, d’en réduire l’apport, d’en limiter la portée
et d’en confondre les effets ; le plus généralement, leurs auteurs
reproduisent la longue tradition d’effacement des œuvres de femmes
comme de leur participation à la vie littéraire de leur temps (à l’exception
notable, mais extrêmement limitée, des XVIIe et XVIIIe siècles des salons),
refusant tacitement la reconnaissance du caractère sexué d’un domaine de
production artistique extrêmement valorisé par ailleurs, occupant une place
de choix dans le patrimoine culturel comme dans ses « lieux de mémoire ».
Qu’une misogynie tenace ait traversé les siècles et adopté, au fil du
temps, toutes sortes de figures est connu 7. Que la littérature en ait constitué
et en constitue toujours un excellent terrain d’exercice n’est pas surprenant,
les notions mêmes d’intelligence et de savoir, de création et de génie ayant
été, d’entrée de jeu, réservées au masculin. Comment expliquer toutefois
qu’après des décennies de féminisme, nous en soyons encore là ?
On le sait, la critique comme l’histoire littéraire sont demeurées
singulièrement sourdes, en France, aux discours féministes, à la différence
de ce qui s’observait dans les pays anglo-saxons, beaucoup plus soucieux,
dès la fin des années 1960, de les constituer en objets de recherche et
d’enseignement à part entière, et d’interroger dans cette perspective la
notion de « canon » littéraire. Un bref coup d’œil aux productions
structuralistes et poststructuralistes permet d’observer que les grandes
figures de la critique littéraire du temps, toutes masculines, ont conçu leurs
modèles théoriques à partir des grands auteurs du XIXe siècle, et ont fait du
réalisme et de ses « effets » le fer de lance de théories promises à une
diffusion considérable, en particulier à l’étranger. Les écrivains servant
ainsi les visées de la théorie (Balzac, Flaubert, Maupassant, Zola et Proust
tout particulièrement) sont ceux que ces critiques avaient lu et apprécié dès
leur jeunesse ; ceux-ci semblent n’avoir jamais songé à interroger les
raisons de leurs choix, le fonctionnement du champ critique dans lequel
leurs propos s’inscrivaient, ce que ces derniers révélaient ainsi de la
littérature et de ses grands représentants. Pendant un demi-siècle, les débats
littéraires n’ont pas porté, en France, sur la nature du corpus de textes à
examiner, mais sur la méthode à utiliser pour lire les grands auteurs.
Dans le domaine de la littérature française, la critique actuelle a
largement délaissé la théorie pour revenir à l’histoire littéraire et à ses
activités annexes 8 ; tel n’est pas le cas des littératures francophones qui
supposent des questionnements multiples, au risque de se retrouver
théoriquement et pratiquement isolées, ce qui s’est observé dès le départ, à
de très rares exceptions près. Ainsi le clivage demeure-t-il manifeste entre
littérature française et littérature de langue française, entre littérature
française canonique (presque exclusivement masculine) et littérature « de
femmes ». À côté de recherches nombreuses sur les femmes en littérature,
sur le « genre » et ses implications, parfois sur son tournant queer, on
trouve aujourd’hui des recherches, bien plus nombreuses, parfaitement
ignorantes de ces mêmes questions : non seulement les raisonnements tenus
prennent rarement en compte les œuvres de femmes, mais l’identité sexuée
des auteurs et ses éventuelles conséquences ne se trouvent pas interrogées.
Bien d’autres préjugés encore, dont celui de la valeur, continuent
d’informer, souvent à l’état d’impensés, nombre d’analyses, et par voie de
conséquence celui du caractère supposément mineur des œuvres de
femmes, joli paradoxe quand on connaît les débats suscités au fil des siècles
pour établir la liste des grands noms et des grandes figures de la littérature 9,
quand on connaît par ailleurs la foule d’auteurs mineurs présents dans les
histoires littéraires depuis leurs premières manifestations au cours du
e
XVIII siècle.

Le maintien de vues hiérarchisées sur les auteurs et les œuvres


littéraires est patent, comme la force d’un discours conservateur qui
reconduit aujourd’hui encore sans sourciller une « politique des grands
auteurs » datant du XIXe siècle. L’efficacité de cette dernière, présente à tous
les niveaux de l’enseignement de la littérature, sa diffusion auprès d’un
grand public essentiellement soucieux de voir célébré le petit bagage
littéraire dont il se trouve pourvu grâce à l’école, travaillent à resserrer
encore, si c’est possible, un maillage du champ littéraire classique
étonnamment peu réceptif à la diversité, et le plus généralement limité à la
France : ses bornes chronologiques semblent demeurer Montaigne et
Proust ; ses figures, concentrées au XIXe siècle, sont largement, sinon
uniquement, masculines, à l’exception sans doute de deux auteures de l’âge
classique, Lafayette et Sévigné. Même Germaine de Staël, George Sand ou
Colette, volontiers appréhendées pourtant comme des « exceptions »,
peinent à trouver leur place dans les enseignements et dans les discours
critiques quand ceux-ci adoptent un point de vue « général ».
L’histoire n’est pas une. Elle ne cesse de se raconter autrement.
L’historiographie est là pour rappeler que tout évolue, se transforme, se
modifie au fil de réévaluations régulières qui interrogent le geste historique
et ses outils méthodologiques 10. Ceci vaut pour l’objet que nous posons
aujourd’hui dans le champ critique : s’il se conçoit comme un état des lieux
qui reflète au plus près les recherches actuelles tout en les élargissant et en
leur procurant le cadre général qui jusqu’ici leur faisait défaut, il se veut
dans le même temps invite à d’autres recherches, d’autres lectures, d’autres
questionnements. D’aucune manière il n’a été conçu comme homogène,
fermé sur lui-même, replié sur quelque hypothétique identité féminine ou
nationale 11 ; à l’inverse, il s’est voulu hétérogène, ouvert, « global 12 »
autant que possible, forcément incomplet, nécessairement transitoire.
La synthèse proposée ici en appelle une autre, encore à faire, qui
donnera enfin du patrimoine littéraire de langue française une image plus
juste et plus complète. Loin d’être érigée à côté ou en marge d’une histoire
culturelle et littéraire canonique, elle a été conçue non comme un appendice
ou un simple complément d’informations, mais comme la partie intégrante
d’un tout 13. De ce point de vue, elle complète, éclaire, nourrit et nuance de
ses multiples facettes et de ses innombrables manifestations une histoire
commune à laquelle elle appartient de plein droit et dont celle-ci ne peut se
passer sans altérer profondément la réalité. Non seulement une telle histoire
se trouvera débarrassée des distorsions, amalgames et oublis qui continuent
de caractériser la plupart des ouvrages dans ce domaine, mais elle permettra
de penser les œuvres des femmes et celles des hommes ensemble et
distinctement, d’en mesurer les échos et les échanges, les convergences et
les différences, invitant à terme à une réévaluation générale des œuvres et
des réputations, comme du champ littéraire et de son fonctionnement au fil
des siècles.
L’ouvrage qu’on va lire se présente par conséquent comme un jalon
indispensable dans l’écriture d’une histoire qui ne fera pas de la présence et
de la production des femmes sa tache aveugle, qui ne la réduira ni à
l’anecdotique ni à l’exceptionnel, qui ne la minorera pas non plus
systématiquement, mais qui, y intégrant la différence telle qu’elle habite la
littérature au fil des siècles, sans offusquer pour autant les multiples
ressemblances qui la traversent, en fera la matière vivante, multiple,
hétéromorphe d’un seul et même récit.
Le passé et le présent de la littérature de langue française demandent
d’être appréhendés en termes explicitement sexués, avec tout ce qu’un tel
postulat implique : toute critique littéraire se doit de peser les conséquences
d’une situation qui en modèle d’entrée de jeu la production ; tout
enseignement de la littérature se doit de la prendre en compte. Il est temps
que la critique et l’histoire littéraire, abandonnant ignorance et préjugés,
acceptent ce radical changement d’optique, et poussent à son terme cette
révolution herméneutique. Il en va de leur justesse, de leur crédibilité, de
leur légitimité.

*1. Si quelques ouvrages de cette sorte existent déjà, ils sont demeurés très généraux ou
très fragmentaires. On peut néanmoins évoquer la synthèse suggestive dirigée par Sonya
Stephens, Women’s Writing in France (2000), le travail, sous forme anthologique, de Vicki
Mistacco, Les Femmes et la tradition littéraire (2006-2007), ainsi que l’ouvrage d’Alison Finch,
French Literature. A Cultural History (2010), l’une des premières à tenter une (brève) synthèse
« genrée » de l’ensemble, du Moyen Âge à l’époque contemporaine.
Notes

1. On trouvera, au fil des chapitres, diverses considérations sur les termes servant à
désigner la femme qui écrit.
2. Alain Vaillant, auquel on doit la synthèse la plus complète sur le sujet, le rappelle
dans l’avant-propos de L’Histoire littéraire, Paris, Armand Colin, 2010 (p. 16).
3. « Pour ne pas retomber […] dans l’arbitraire et ne pas s’abandonner aux excès du
schématisme ou aux hasards de l’intuition, rappelle encore Alain Vaillant, on doit
s’appuyer sur […] un système explicite de description et d’interprétation des faits
littéraires » (ibid., p. 15). Sur le même sujet, voir aussi l’imposante synthèse dirigée par
e
Luc Fraisse, L’Histoire littéraire à l’aube du XXI siècle, Paris, PUF, 2005.
4. Pour un historique précis sur l’histoire culturelle telle qu’elle est entendue et
pratiquée en France, voir Philippe Poirrier, Les Enjeux de l’histoire culturelle, Paris,
Éditions du Seuil, coll. Points Histoire, inédit, 2004.
5. Je reprends ici l’expression de Françoise Héritier dans Masculin / Féminin. La
pensée de la différence, Paris, Éditions du Seuil, 1996, p. 24.
6. Voir, à titre indicatif, et à la suite de bien d’autres analyses, les observations
réunies dans Martine Reid (dir.), Les Femmes dans la critique et l’histoire littéraire, Paris,
Honoré Champion, 2011, ainsi que les quatre premiers chapitres de Des Femmes en
littérature, Paris, Belin, 2010.
7. Pour une synthèse de la question, voir Bertrand Lançon et Adeline Gargam,
Histoire de la misogynie de l’Antiquité à nos jours, Paris, Arkhè Éditions, 2013.
8. Alain Vaillant observe ce qu’il appelle les « piétinements » d’une histoire littéraire
essentiellement occupée aujourd’hui de reconduire ses activités les plus traditionnelles,
l’érudition, les éditions savantes et le « biographisme » (op. cit., p. 12-13) ; l’arrivée du
numérique a par ailleurs précipité une partie de la recherche en littérature dans un néo-
positivisme dont il reste à penser le sens et à mesurer les effets.
9. Voir notamment Stéphane Zékian, L’Invention des classiques, Paris, Éditions du
CNRS, 2012.
10. Sur ce point, on se rapportera par exemple aux observations énoncées par Michel
de Certeau dans la première partie de L’Écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, coll. Folio
histoire, 1975.
11. Voir Marcel Detienne, L’Identité nationale, une énigme, Paris, Gallimard,
coll. Folio histoire, 2010.
12. C’est le projet, clairement explicité dans la préface, de l’ouvrage dirigé par
Christie McDonald et Susan Suleiman, French Global. A New Approach to Literary
History, New York, Columbia University Press, 2010 [traduction française : French
Global. Une nouvelle perspective sur l’histoire littéraire, Paris, Éditions Garnier, 2015].
13. Voir notamment Joan DeJean et Nancy K. Miller (dir.), The Politics of Tradition.
Women, Tradition, Literature in French, Baltimore, The Johns Hopkins University Press,
1991 et Eva Martin Sartori (dir.), The Feminist Encyclopedia of French Literature,
Westport-Londres, Greenwood Press, 1999.
PREMIÈRE PARTIE

LE MOYEN ÂGE
1150-1450

JACQUELINE CERQUIGLINI-TOULET
Chapitre premier
PENSER LA FEMME QUI ÉCRITS

Pourquoi une femme aurait-elle le désir d’écrire au Moyen Âge, désir


qui se dit dans l’ancienne langue : le talent ? Aurait-elle ce désir, comment
pourrait-elle le réaliser, elle dont l’entourage masculin ne voit pas la
nécessité de lui apprendre à lire (sauf si l’on veut qu’elle devienne
religieuse), encore moins à écrire ? La femme idéalisée est chantée par les
poètes et romanciers médiévaux, à l’enseigne de la formule « armes et
amours ». Elle est condamnée sous la figure d’Ève par les moralistes ou
exaltée sous les traits de Marie. Matière de poésie, objet de débat, la femme
peut-elle passer au statut de sujet ?
Des femmes pourtant, peu nombreuses, certes, ont laissé leur nom dans
le champ littéraire (ce que nous appelons littérature ne se dit pas encore
sous ce terme à l’époque). Qui sont-elles ? Que signifie leur geste de signer
une œuvre ? Des femmes aussi ont occupé d’autres places essentielles dans
le rapport aux lettres. Elles sont commanditaires, dédicataires, auditrices,
lectrices. Des femmes enfin (religieuses, bourgeoises) ont contribué à la
fabrication matérielle du livre, à sa diffusion.
Nous posons la question de la femme qui écrit à travers le rôle joué par
la langue. La langue, en effet, que ce soit le latin ou le français pour le
Moyen Âge, préforme la pensée sur la femme par le simple fait qu’elle la
nomme et qu’elle commente cette désignation. Elle le fait sous différentes
rubriques. Femelle sous le rapport de la biologie : la femme a une
complexion qui la définit physiologiquement, froide et humide, et la met en
lien avec ce qui est pour le Moyen Âge une puissance inquiétante, la lune.
Jean Le Fèvre 1, au XIVe siècle, traduisant le latin de Richard de Fournival,
l’affirme : « Souleil masle est, lune est femelle, / le souleil chault et sec, et
elle / est froide et moiste et est passive » (v. 4917-4919) (Le soleil est mâle,
la lune femelle, / Le soleil chaud et sec, et elle / est froide, humide et
passive). Une fois la comparaison établie, on passe du champ des humeurs à
celui des traits moraux : la femme est changeante comme la lune qui
gouverne d’ailleurs sa vie biologique, son cycle menstruel. Dans le rapport
à son mari, la femme est une moillier (mulier en latin). Le jeu étymologique
permet d’affirmer le lien à l’humide. Ainsi que l’écrit le même Jean Le
Fèvre dans son Livre de Leesce (Livre de la joie) 2 :

Mulier en latin langage


Est dite car l’omme assouage,
Ou moulier, l’omme amolie ;
Qui en mesdit il fait folie.
(v. 1241-1244)
(On l’appelle mulier en latin car elle adoucit l’homme ou moulier en français, car elle
l’amollit ; qui en médit, fait une folie.)

Le jeu de mot est déjà chez Gautier de Coinci 3. Adam a été trompé « par
Evain sa moullier ». Le Christ : « Tous nous a ressüés. Garde nous de
moullier » (Le Christ nous a tous essuyés. Qu’il nous protège de la pluie…
et de la femme). Ces conceptions cosmo-médicales de la femme ont une
répercussion dans les mentalités chez les hommes comme chez les femmes.
Lorsque Héloïse au Paraclet requiert d’Abélard une règle spécifique pour
les femmes, elle fait remarquer que certaines prescriptions de saint Benoît
ne s’appliquent pas physiologiquement à la femme : « Et que peuvent leur
importer ces prescriptions sur les chausses en lin, ou bien sur les tuniques
qui entreraient en contact avec leur peau, puisque le flux qui les purge tous
les mois de leurs humeurs superflues en rend l’usage parfaitement
impossible 4 » ou encore elle rappelle que selon les livres de médecine les
femmes s’enivrent moins facilement que les hommes à cause de l’humidité
de leurs corps. Elle cite à ce propos Macrobe, dans les Saturnales,
livre VII : « Quand le vin qu’elle [la femme] boit tombe dans des humeurs
aussi abondantes, il y perd toute sa force, et sa puissance étant ainsi
moindre, il ne monte pas aisément au cerveau » (Lettre VI, p. 243). Pour
Héloïse, dès la constitution des corps il n’y a pas d’égalité de l’homme et de
la femme, et elle parle continûment dans cette lettre de sexe fort et faible.
Qui sont donc les femmes ? Christine de Pizan pose la question dans
son Epistre à Maistre Pierre Col du Débat sur le Roman de la Rose 5, non
en termes de physiologie mais de relations : « Qui sont fames ? Qui sont
elles ? Sont ce serpens, loups, lyons, dragons, guievres ou bestes ravissables
devourans et ennemies a nature humainne, qu’il conviengne fere art a les
decepvoir et prandre ? » (éd. E. Hicks, p. 139) (Qui sont les femmes ? Qui
sont-elles ? Sont-elles serpents, loups, lions, dragons, vipères ou bêtes
prédatrices dévorantes, hostiles à la nature humaine qu’il faille faire des arts
pour les tromper et les capturer ?). Sa réponse, qui se place d’abord dans le
champ de la relation familiale ou sociale, se fait en fin de période
essentielle : « Et par Dieu, si sont elles, vos meres, vos suers, vos filles, vos
fammes et vos amies ; elles sont vous mesmes et vous meesmes elles » (Et,
par Dieu, elles sont vos mères, vos sœurs, vos filles, vos femmes et vos
amies ; elles sont vous-même et vous-même elles). Du XIIe au XVe siècle, de
la religieuse forcée, Héloïse, à la laïque assumée, Christine, la différence de
conception est majeure.
Aux yeux de la religion, la différence biologique de l’homme et de la
femme s’appuie sur un récit de création, celui de la Genèse dans la Bible.
Une différence physique est soutenue par un récit mythique qui met en
place une vision seconde de la femme : seconde chronologiquement (la
femme est créée après l’homme, mais malgré tout le même jour que lui, le
sixième) et essentiellement (elle est créée à partir de l’homme). On en
déduit un statut, celui de sa dépendance : née d’une côte de l’homme, elle
est à ses côtés pour le seconder. Le Moyen Âge exploite dans le détail les
éléments de ce récit de création. L’homme naît de la poussière de la terre
(homo vient de humus) mais du souffle de Dieu, alors que la femme est
créée d’une matière plus noble : une côte de l’homme ; non pas du souffle
mais de la main de Dieu ; l’homme est façonné hors du paradis, la femme
dans le paradis, et ainsi à l’infini. Jean Le Fèvre dans son Livre de Leesce
commente cette formation pour situer la place de la femme par rapport à
l’homme. Créée d’une de ses côtes pour être à ses côtés, elle « ne fu pas
faite du chief / Pour segnourir » (v. 1255-1256) pas plus que des « piés,
pour servir » (v. 1258) (elle n’a pas été faite de la tête, pour commander ni
des pieds pour servir) *1. À l’origine, elle est conçue comme la compaigne
de l’homme et sa paire (v. 1264) (son égale). Le terme latin chez les
théologiens est celui de socia. Sa « subjection » (v. 1268) est une
conséquence de la faute. La suite de l’histoire de la Genèse, le récit de la
tentation en particulier, la pourvoit de traits moraux qui vont la caractériser.
Comme le serpent qu’elle a écouté, et qui pourtant l’a trompée, elle est
rusée. Les médiévaux, Pierre le Mangeur par exemple au XIIe siècle,
justifient ce rapprochement à l’aide du proverbe « Qui se ressemble,
s’assemble » et dans beaucoup de miniatures médiévales le serpent a tête de
femme *2 (ill. 1). Tous les textes féministes ou antiféministes que le Moyen
Âge produit en abondance partent de là, que l’on en tire des conséquences
favorables ou défavorables pour la femme, louange ou vitupération. Les
types de raisonnement, souvent formels, semblent parfois tenir du jeu mais
ils entérinent ce constat. Matheolus dans ses Lamentations que traduit Jean
Le Fèvre 6 au XIVe siècle va jusqu’à déduire, par un raisonnement logique, la
disparition de la femme au jour du Jugement dernier. Puisqu’elle a été faite
d’une côte d’Adam et qu’au jour du Jugement Adam doit retrouver son
intégrité :
Adonc le gendre femenin,
Si com j’ay dit, plein de venin,
Tout au neant revertia
Et ainsi s’esvanouira.
(Livre III, v. 1437-1440)
(Alors le genre féminin, / Comme je l’ai dit plein de venin, / Retournera au néant / Et
ainsi s’évanouira.)

La femme ne sera pas sauvée, elle ne participera pas à la résurrection.


Christine de Pizan au début de la Cité des Dames 7 part de ce récit de la
Genèse dont elle fait interpréter chaque élément par Raison : « Mais a
ancore parler de la creation du corps, la femme fu doncques faite du
souverain ouvrier. Et en quel place fu elle faicte ? En paradis terrestre. De
quelle chose fut ce ? De vil matiere ? Non, mais de la tres plus noble
creature qui oncques eust esté creé : c’estoit le corps de l’omme de quoy
Dieu la fist ». Pour quelle signification : « en signifiance que elle devoit
estre coste lui comme compaigne, et non mie a ses piez comme serve, et
aussi que il l’amast comme sa propre char » (Mais pour parler encore de la
création du corps, la femme fut donc faite par le souverain ouvrier. Et où
fut-elle faite ? Au paradis terrestre. De quelle chose ? D’une vile matière ?
Non, mais de la créature la plus noble qui avait été créée : Dieu la fit du
corps de l’homme). La place réservée à la femme par l’Église est fondée sur
un paradoxe. Comme le remarque Jérôme Baschet 8 dans son livre Corps et
âmes, alors que l’institution ecclésiale se définit en termes féminins, ceux
de mère ou d’épouse, le noyau sacerdotal, lui, « revendique une stricte
masculinité (sexuée mais non sexuelle) ». Dans la pensée de l’âme et du
corps que l’Église promeut, le corps est personnifié par une femme, l’âme
par un homme. Elle offre ainsi des modèles hiérarchisés.
1. Quand le diable avait figure de femme. Compilation littéraire et historique de Jean
e
Miélot, XV siècle, Paris, BnF, ms fr. 17001.

Les médiévaux réfléchissent également à la langue de la femme à


l’origine, autour de deux questions. Tout d’abord, qui a parlé le premier, de
l’homme ou de la femme ? Dante pose le problème dans le De vulgari
eloquentia (I, IV) et s’oppose résolument à la Genèse sur le fait que la
femme aurait pu parler la première et, qui plus est, au serpent. Par ailleurs la
langue de la femme est-elle ontologiquement différente de celle de
l’homme ? Pour Lothaire de Segni, le futur pape Innocent III, dans son
ouvrage à succès des années 1194-1195, De miseria humanis conditionis,
appelé aussi parfois De contemptu mundi, le bébé crie différemment au
moment de la naissance selon qu’il est garçon ou fille. Le garçon dit
« Heu », la fille « Ha ». Les premiers sons prononcés par l’être humain sont
des cris de douleur, différenciés selon le sexe, mais dont la réunion donne le
nom de Eva. Le passif pour la femme est lourd.
Seconde aux yeux de l’Église, la femme pour les philosophes, à la suite
d’Aristote, est un homme imparfait, un homme manqué, aux deux sens du
terme, homme du manque et homme raté. Le terme médiéval est
« occoisonneus 9 » qui traduit le latin « occasionatus », « mas
occasionatus », expression fréquente chez Gilles de Rome et saint Thomas,
mâle d’occasion en quelque sorte.
Que nous dit la langue sur la femme au Moyen Âge ? Par le jeu de
l’allégorie, les genres grammaticaux ont un rôle important en français.
Nature, Mort sont des allégories féminines. Si l’on compare avec
l’allemand, par exemple, Tod dans cette langue, qui est de genre masculin,
donne le « seigneur Mort » comme on le voit dans Le Laboureur de
Bohême 10, texte de 1401. En français la mort faucheuse est femme, comme
sont femmes les trois Parques pourvues des attributs et des occupations
féminines, la quenouille, le fil. Les répercussions des faits linguistiques sur
l’imaginaire et la représentation sont importantes. Les textes proféministes
tirent arguments des genres grammaticaux. Jean Le Fèvre dans son Livre de
Leesce rappelle le sexe féminin de Dame Pallas :

Et des femmes tient la partie.


Si fait dame philosophie,
Grammaire, logique, musique,
Arismetique et rethorique
Et phisique et astrologie
Et la sainte theologie.
Toutes portent noms de femelles.
(v. 3654-3660)
(Elle tient le parti des femmes ainsi que dame philosophie, grammaire, logique,
musique, arithmétique et rhétorique et physique et astrologie et théologie, la sainte.
Elles portent toutes des noms féminins.)

Martin Le Franc, de même, dans Le Champion des Dames 11 s’appuie sur le


De Trinitate de saint Augustin pour rappeler le « sexe feminin » de
Sapience : « Car on la nomme, enonce et dit / En langue grecque et en
latine / Par mot feminin » (Car on la nomme, l’énonce et la dit / Tant en
grec qu’en latin / Par un mot féminin ; v. 19637-19639). Mais l’on peut
jouer, et tout aussi bien ruser avec étymologie et grammaire. Isidore de
Séville 12 écrit ainsi : « Mater enim quasi materia. Nam causa pater est »
(La mère est semblable à la matière. Mais le père est la cause). Causa a
beau être un mot de genre féminin, Isidore énonce là la théorie
aristotélicienne de la génération. L’homme domine. Jouer, ruser, c’est ce
que fait Le Roman de la Rose 13 dans l’attribution d’un genre à ses
allégories. Bel Accueil, bien qu’il représente un des aspects de la dame, est
de genre grammatical masculin, et est donné comme le fils de Courtoisie
(v. 2775). Male Bouche, de genre grammatical féminin, est présentée aussi
comme le fils d’une allégorie négative, « une vielle irese » (une vieille
coléreuse ; v. 3499). En dépit de son genre grammatical, Male Bouche est
toujours homme, « chef d’armée » chez Martin Le Franc. Genre
grammatical et genre sexuel se nouent dans des combinaisons perverses.
Éloquence théologienne dans le Traité de Jean Gerson contre le Roman de
la Rose a beau être de genre grammatical féminin, le Chancelier y renvoie
continûment par un « il ». Éloquence théologienne ne peut être femme.
Pour les médiévaux, et à la suite de saint Paul, la femme ne peut prêcher.
Elle ne peut parler en chaire. Les juristes le rappellent tout au long du
Moyen Âge. Ainsi par la bouche du Chevalier dans Le Songe du Vergier 14
au XIVe siècle : « Et aussi lez fames, selon Droit, ne devent pas enseigner,
prechier ne juger » (Livre I, chap. CXLII, 29, p. 255) (Et aussi les femmes
selon le Droit, ne doivent pas enseigner, prêcher ni juger).
La langue produit aussi une autre distorsion, une autre ruse. Le champ
sémantique qu’elle construit à partir du mot vir, homme au sens sexué, est
connoté positivement. Vir est de la même famille que virtus, la vertu. En
conséquence, la femme qu’on veut louer, la femme forte, est dite virile. Elle
se conduit moralement comme un homme. L’avenir de la femme, pour ainsi
dire, est un devenir homme. C’est la virago, la femme virage de Jean Le
Fèvre : « La femme est nommée virage / Par la vertu de son courage » (Le
Livre de Leesce, v. 3726-3727) (La femme est nommé virago en raison de
l’ensemble de ses vertus). « O fame fors, non feminine » (ô femme forte qui
n’est pas femme), s’écrie le Renclus de Moiliens 15 dans un éloge de la
Vierge. La femme est digne de louange quand elle a « cœur d’homme ». La
langue est partiale.
Quelle place la femme occupe-t-elle dans la société ? On constate tout
d’abord qu’aux yeux des médiévaux, femme est un état au même titre que
les autres états du monde qu’inventorient les moralistes. Dans son Livre des
Manières, destiné à la comtesse de Hereford, Étienne de Fougères 16, dans
les années 1170, dénombre six états : rois, clergé, chevaliers, paysans,
bourgeois et… femmes. Sous cette rubrique, il évoque en une strophe, dans
une hiérarchie descendante, les différents statuts possibles de la femme :
« Des domes et des demeiselles, / des chanbereres, des anceles, / des
meschines et des pucelles / m’a l’en asez conté novelles » (On m’a raconté
bien des nouvelles des dames et des demoiselles, des chambrières, des
servantes, des petites jeunes filles et des suivantes ; v. 973-976). Mais ce
n’est pas le statut social de ces femmes qui intéresse l’évêque, c’est la
dénonciation des vices chez les femmes nobles, vices sexuels
essentiellement : adultère et homosexualité. Il consacre cinq quatrains à ce
dernier trait, rarement évoqué (v. 1105-1124). La place des femmes dans les
revues d’états est variable. Dans la danse macabre du cimetière des
Innocents à Paris, qui se répand à partir de 1424 dans des versions
manuscrites, puis imprimées, aucune femme. Le mort entraîne dans sa
danse le pape, l’empereur, le roi, le chevalier, différents états religieux et
laïques. Mais à la fin du siècle lui fait pendant une Danse macabrée des
femmes, peut-être due à Martial d’Auvergne. Les femmes dialoguent cette
fois non avec le mort mais avec la Mort, de la reine à la bergère. Les deux
sexes sont séparés. Les états du monde sont rarement représentés par un
couple, à l’exception de celui du berger et de la bergère qui depuis le Dit de
Franc Gontier de Philippe de Vitry au XIVe siècle offre un modèle de vie
idéale, jusqu’à ce que Villon s’en moque dans ses Contredits de Franc
Gontier. Dans ces textes, la fonction économique de la femme n’est pas
analysée mais pour toutes, quel que soit le statut social, on retient un lien
privilégié avec une activité particulière : filer. La quenouille devient
l’emblème de la femme. Elle la définit au sein de la famille, c’est ce que
l’anglais appelle encore dans le langage courant actuel, « the distaff side of
the family », le côté maternel, littéralement « le côté quenouille ». La
quenouille est pour la femme son sceptre et son arme. Le thème s’impose
dans l’imagerie populaire au tournant du XVe siècle dans la représentation de
« la lutte pour la culotte » comme en témoigne, entre autres, la gravure
datée de 1480 d’Israhel van Meckenen.
Mais avant même d’occuper une place sociale — grande dame,
bourgeoise, paysanne —, la femme est une catégorie mentale pour le
Moyen Âge en lien avec une entité philosophique : Nature. Nature est
femme et il y a une nature féminine. Le genre grammatical du mot Nature
guide l’allégorisation de même que l’étymologie la soutient. Grammaire et
étymologie sont deux ressorts puissants, nous l’avons vu, de la pensée au
Moyen Âge. Nature est de la famille de naître (nascor en latin). Nature est
mère et, en tant que mère (mater), en rapport avec la materia, la matière,
comme la femme. Femme est un donné. On l’identifie par sa fonction
reproductive et par son sexe, sa nature, comme la langue tend à désigner le
sexe féminin. Le Moyen Âge pourtant discute de la question du genre. Et si
être femme n’était qu’une convention et ne tenait qu’à un us, une coutume,
ou à une syllabe ? L’us désigne l’usage, l’habitude, ou habit en ancien
français, mais est aussi la désinence qui indique le genre masculin en latin.
Et si cet us, cet habit n’était soutenu que par le vêtement, l’habit ? Est-ce la
robe qui fait la femme, la façon de l’éduquer qui en crée les traits réputés
« naturels » ? Le débat traverse le Moyen Âge qui oppose Nature et
Nourriture (nourriture désignant l’éducation). C’est le débat, en d’autres
termes, entre l’inné et l’acquis. Un roman du XIIIe siècle pose cette question
de manière fondamentale : Le Roman de Silence 17. Par une juridiction
récente dont le texte explique l’origine et qui empêche les filles de succéder
à leur père à la tête de leurs possessions, une petite fille a été élevée comme
si elle était un garçon : « Faire en voel malle de femiele » (v. 2041), dit le
père. On donne à l’enfant le nom de Silence (cet enfant femelle n’a pas
droit dans ce contexte de succession à la parole). Ce nom peut se décliner
en latin Silentius ou Silentia. Qui va triompher de Nature ou de Nourriture ?
Ce texte pose la question de la répartition des genres en termes sociaux car
la jeune fille acquiert toutes les qualités d’un jeune chevalier, dont la
séduction. La reine Eufème est séduite par elle / lui et seul Merlin, de son
célèbre rire, démasquera le sexe réel de Silence. D’autres textes font
trembler la répartition des genres en ajoutant un point de vue ethnologique.
C’est le cas de la chantefable Aucassin et Nicolette 18 qui joue sur des
couples d’opposition. Aucassin, au nom à consonance arabe (Al Kâsim), est
chrétien, fils du comte de Beaucaire ; Nicolette, au nom féminisé de
Nicolas, le saint, est sarrasine. Peu enclin aux armes, Aucassin est passif
face à une Nicolette qui prend toutes les initiatives. Ils se retrouvent dans un
pays, le royaume de Torelore, où le roi « git d’enfant », c’est-à-dire est au lit
à la suite d’un accouchement alors que sa femme est à la guerre. C’est,
transposé, le rite de la couvade que l’on rencontre dans un certain nombre
de civilisations. Mais jusqu’où peut aller le renversement des positions et
des valeurs ? Certes, Aucassin affirme qu’il préférerait aller en Enfer avec
Nicolette plutôt qu’au Paradis où ne se retrouvent que les vieux prêtres, les
éclopés et les pauvres (section VI). Mais il véhicule par ailleurs les valeurs
de l’homme quant à l’amour que peut éprouver la femme. Cet amour n’est
que de surface et réside dans son œil, la pointe de son sein ou l’extrémité de
son orteil, alors que l’amour de l’homme est planté au fond de son cœur
(section XIV). Le récit dément cette affirmation mais elle a été énoncée et
le public l’a entendue malgré tout. C’est l’opinion commune, la doxa.
Silence tout comme Nicolette se déguisent à un moment de leur parcours en
jongleurs. Le statut de jongleur est-il neutre par rapport à la question du
genre ? Et qu’en est-il du clerc ? Une particularité vestimentaire de ce
dernier le rapproche de la femme, l’habit long, la robe. Des textes satiriques
font même des parallèles entre certains traits de caractère traditionnellement
attribués au clerc et à la femme, le rapport au mensonge par exemple. Cette
proximité est-elle une des causes de la violence cléricale de certains écrits
antiféministes ? Dans Le Livre de la Cité des Dames, Raison rappelle à
Christine l’exemplum du fou qui, revêtu pendant son sommeil de la robe
d’une femme, est persuadé au réveil par ses amis moqueurs qu’il est devenu
une femme 19. Que faut-il croire ? L’apparence, le vêtement, le regard des
autres ou, comme le dit Raison à Christine, « la certaineté de son estre » (la
certitude de son être) ? Est-ce le vêtement qui fait l’homme ou la femme ?
La question du genre pose celle de l’identité. La femme écrivain, en rivalité
avec le clerc, ne peut-elle être, comme on la désignera au XIXe siècle, qu’un
bas-bleu, c’est-à-dire n’être définie que par une pièce de vêtement ? La robe
de la femme colle à sa peau.
Mais la femme peut-elle être en rivalité avec le clerc ? Comment se fait
son rapport à la culture ? « A fame ne doit on apanre letres ne escrire, se ce
n’est especiaument pour estre nonnain » (On ne doit pas apprendre à lire et
à écrire à la femme, si ce n’est dans le cas particulier où l’on veut en faire
une nonne), écrit Philippe de Novarre 20 vers 1265, dans son traité Des.
IIII. tenz d’aage d’ome. Une première distinction s’affiche entre éducation
de la religieuse qui doit savoir lire et écrire et la femme dans le siècle pour
qui une telle connaissance est dangereuse selon l’auteur. L’exemple
d’Héloïse (vers 1092-1164) qui a été savante avant d’être religieuse s’offre
comme une exception. La surprise de Pierre le Vénérable face à sa culture,
alors qu’elle est encore dans le siècle, est révélatrice de ce qu’est la norme.
Héloïse n’a jamais écrit en langue vernaculaire et après le scandale de sa
liaison avec Abélard et la naissance d’Astrolabe, elle rejoint, forcée, un
couvent. Elle retrouve de ce point de vue la norme. La manière contrastée
dont son exemple est convoqué dans la littérature en français par Jean de
Meun 21 ou de manière polémique par Christine de Pizan est révélatrice d’un
paradoxe. Héloïse en effet est hostile au mariage, position que Jean de
Meun, par la bouche du mari jaloux, approuve et que Christine condamne.
Cette dernière va jusqu’à comparer avec une ironie féroce son adversaire
dans le Débat sur le Roman de la Rose, Pierre Col, à Héloïse : « Tu
ressambles Helouye du Paraclit qui dist que mieux ameroie estre meretrix
appellee de maistre Pierre Abalart que estre royne couronnee 22 » (Tu
ressembles à Héloïse du Paraclet qui dit qu’elle aimerait mieux être appelée
la putain de maître Pierre Abélard qu’être reine couronnée). Pour Jean de
Meun, la « lestreüre » d’Héloïse (v. 8797), son instruction, lui permet de
dompter la « nature » de ses mœurs féminines.
Mais quel est le sort commun de la femme par rapport aux lettres et au
savoir ? Pourquoi une femme ne peut-elle pas, ne doit-elle pas savoir lire et
écrire ? Pour Philippe de Novarre, si une femme sait lire, elle pourra
prendre connaissance des lettres d’amour qu’on ne manquera pas de lui
adresser et, pire encore, si elle sait écrire elle pourra y répondre. L’auteur du
Mesnagier de Paris 23, vers 1393, précise même tout un protocole quant à la
réception d’une lettre par une femme. Si elle vient du mari, la dame doit la
lire seule en se retirant, et elle doit y répondre de sa main, « se vous savez
écrire », précise le mari. Si la lettre ne vient pas du mari, il faut la faire lire
en public et y faire répondre par une main étrangère. Le problème est
débattu dans toute l’Europe. Le florentin Francesco da Barberino (1264-
1348) dans son Reggimento e Costumi di donna (autour de 1310) (De la
conduite et des coutumes des femmes) conclut qu’à l’exception de la
femme qui se destine à la vie religieuse, une femme de la classe moyenne a
mieux à faire qu’à apprendre à lire et à écrire. Paolo da Certaldo partage son
avis dans son Libro di buoni costumi, vers 1360. Le chevalier de La Tour
Landry 24 — nous sommes avec lui dans le milieu de la petite noblesse —
nuance une telle affirmation. Réservant la question de l’écriture, il reconnaît
dans son Livre pour l’enseignement de ses filles, écrit en 1371, l’utilité de la
lecture : « mais quant à lire, toute femme en vault mieux de le sçavoir »,
mais dans quel but ? Sa phrase se poursuit : « et cognoist mieulx la foy et
les perils de l’ame et son saulvement » (et ainsi elle connaît mieux la foi, les
périls de l’âme et son salut). Les lectures de la femme sont orientées. Le but
est moral et religieux. Le moine franciscain catalan Francesc Eiximenis à la
fin du XIVe siècle écrit un Llibre de las Dones (Livre des Dames) où il se
montre partisan de l’instruction de la femme. Il dédie son ouvrage à une
femme, la comtesse de Prades. Mais la maîtrise de la lecture n’atteint pas
les milieux plus humbles. François Villon 25 fait dire à sa mère : « Femme je
suis povrecte et ancïenne / Qui riens ne sçay, onques lettres ne leuz »
(Testament, v. 893-894, « Ballade pour prier Notre-Dame ») (Femme je
suis, pauvrette et âgée, je ne sais rien, jamais je ne sus lire). Pour les classes
supérieures, les romans présentent la parfaite éducation d’une jeune fille
noble. Elle connaît la chasse au faucon, sait jouer à des jeux de société
(échecs et dames), « Lire romanz et conter faubles, / Chanter chançons,
envoisëures », rappelle le roman de Floris et Lyriopé de Robert de Blois 26
(v. 265-272) (lire des romans, conter des fables, chanter des chansons et des
choses joyeuses), mais il n’est pas question d’écriture. Dans Galeran de
Bretagne 27, Fresne, qui a été élevée dans un couvent, se présente : « Bien
sçay lire et bien embriever / Latin parler, et harper laiz » (v. 7210-7211) (Je
sais bien lire et écrire — littéralement, écrire des lettres —, parler latin et
jouer des lais à la harpe). Mais, saurait-elle écrire, la femme n’en a pas
toujours la possibilité matérielle. Dans le Lai de Milun de Marie de
France 28, la dame doit se procurer « enke e parchemin / Par art e par engin »
(encre et parchemin, à force d’habileté et de ruse ; v. 253-254). Lire et
écrire ne sont pas l’occupation principale des filles. Philippe Mouskes dans
sa Chronique 29 rappelle que Charlemagne

Ses filles fist bien doctriner


Et apprendre keudre et filer
Et à ouvrer soie en taulieles
Aussi les laides com les bieles
(v. 2850-2855)
(fit bien éduquer ses filles et leur apprendre à coudre et à filer et à travailler la soie sur
des métiers, aussi bien les laides que les belles.)

De lecture, il n’est pas question. Pour Gilles de Rome, dans son De


Regimine Principum à l’intention du futur Philippe le Bel, coudre est
l’activité « naturelle » des filles. Ce n’est que par défaut, si leur rang ou la
coutume du pays s’y oppose, qu’on leur fera prendre un livre. Mais quel
livre ? Forcément un livre en français puisque l’a priori le plus courant est
qu’une femme ne sait pas le latin. Ce sera le livre que son mentor — père,
mari, frère, confesseur — jugera bon pour elle. « Je auroye tres grant plaisir,
et seroit chose tres profitable que vous peussies apprendre a lire roumant
car je vous bailleroie livrez de devocion, et si vous escriproie tressouvent a
moult tres grant joye et grant plaisir » (J’aurais un très grand plaisir et ce
serait une chose très profitable que vous puissiez apprendre à lire le français
car je vous donnerais des livres de dévotion et je vous écrirais très souvent
avec une très grande joie et un très grand plaisir), écrit Jean Gerson à ses
sœurs en 1401 30. Ce n’est que dans un but politique précis que l’on songe à
éduquer les filles. Il en va ainsi du projet qu’élabore un juriste, Pierre
Dubois, en 1306 dans son traité De recuperatione Terrae sanctae. Il y met
au point un programme pédagogique à visée pratique pour les garçons et
pour les filles qui seront envoyés en Terre sainte dans un but de
colonisation. Il voit pour elles tout particulièrement des études de médecine
et de chirurgie. La femme s’occupe du bien-être du corps avant tout. Jean
Le Fèvre l’affirme dans son Livre de Leesce (v. 3758-3761) : « Les femmes
font des bien assés / Aux reposés et aux lassés, / Les malades souvent
rehaitent / Et amiablement les traitent » (Les femmes font beaucoup de bien
aux immobilisés et aux fatigués, souvent elles réconfortent les malades et
les traitent aimablement). On retrouve le lien fort qui unit la femme à la
matière.
Écrire reste une aptitude plus rare que la lecture. Même la jeune fille du
Voir Dit que Guillaume de Machaut 31 représente comme une grande
lectrice, aimant poésie et romans, capable de composer des chansons, se dit
malhabile quand il s’agit d’écrire matériellement : « Et, se les lettres sont
mal escriptes, si le me pardonnés, car je ne treuve mie notaire tousjours a
ma volonté », dit-elle dans une lettre (Lettre 43). Encore au XVe siècle, la
jeune fille du Songe de la Pucelle 32 qui se dit « femme mal lisant » doit
avoir recours à « ung qui savait lire et escrire » pour noter son songe. Dans
son rapport à la culture, la femme a le plus souvent besoin d’un
intermédiaire, pour faire écrire, pour faire lire, pour faire traduire. Cette
situation la maintient dans un état de dépendance à l’égard de l’homme.
Quel modèle lui est-il donné ? Celui de la Vierge. La Vierge lit. On la voit
lire au moment de l’Annonciation, et peinture et sculpture retiennent
également la scène où sainte Anne apprend à lire à Marie. Mais que lit la
Vierge ? Un seul livre, et même pourrait-on dire un seul texte, le
Magnificat 33, l’acquiescement à son destin. C’est en effet le début de ce
texte, les paroles que la Vierge prononce, « Magnificat anima mea
Dominum », que l’on peut déchiffrer dans certaines scènes de représentation
de l’Annonciation en peinture ou dans certaines miséricordes de stalles
d’église. Que lit la femme au Moyen Âge ? Son psautier, et sans doute en
français. D’autres modèles sont-ils possibles ? Les femmes qui écrivent
mettent en avant le modèle de saintes liées au livre. Celle particulièrement
retenue est Catherine d’Alexandrie, qui fait face aux docteurs et les vainc
par le raisonnement. Clémence de Barking, moniale de l’abbaye bénédictine
de Barking dans l’Essex, écrit une Vie de sainte Katerine entre 1153 et
1175. Christine de Pizan la place dans sa Cité des Dames « comme grant
clergece et apprise es sciences que elle estoit 34 » (en tant que grande
clergesse et éduquée dans les sciences). Dans Le Livre des Trois Vertus 35,
elle la recommande tout particulièrement à la jeune fille : « Si affiert aussi a
pucelle estre devote, par especial vers Nostre Dame, vers saincte Katherine
et toutes vierges, et se elle scet lire, en lise voulentiers les vies » (Il convient
aussi à la jeune fille d’être pleine de dévotion tout particulièrement envers
Notre Dame, envers sainte Catherine et toutes les vierges et, si elle sait lire,
qu’elle en lise volontiers les vies). Le recours à des femmes de l’Antiquité
n’arrive qu’avec la diffusion des listes de femmes célèbres à la suite du
succès de l’œuvre de Boccace, le De mulieribus claris (Des cleres et nobles
femmes). Sapho trouve alors toute sa place.
En fait la femme savante effraie. Elle est dans l’imaginaire toujours
proche de la figure de la sorcière. De Thessala, la gouvernante, « la
maistre » de Fénice dans le Cligés de Chrétien de Troyes, à Lidoire, la
reine-fée du Roman de Perceforest, la femme qui connaît les sept arts voit
son savoir tiré du côté des arts magiques. La sorcière du château de
Nigromance (le château de la magie noire) dans Le Morte d’Arthur de
Malory s’appelle Hallewes, transcription phonétique du nom de l’amante
d’Abélard, Héloïse. Le savoir pour la femme est perçu comme un excès qui
la fait échapper à ses tuteurs et la met directement en contact avec les
secrets de la nature. Ses connaissances font d’elle aux yeux des hommes
— là est le paradoxe — une femme « dénaturée », c’est-à-dire qui s’écarte
de son statut.
Pourquoi une femme aurait-elle le désir d’écrire et, dans un tel cas,
comment aurait-elle accès à la culture requise pour écrire, alors que sa
condition paraît réglée par le proverbe « Plourer, parler, filer mit Dieu en
femme » (Pleurer, parler, filer sont les occupations que Dieu a placées dans
la femme) ? L’auteur de l’Isopet I 36, qui dit n’avoir traduit ses fables que
« pour les dammes tant seulement » (p. 329, v. 15), est très clair à ce sujet.
L’« excellent clergie » (c’est-à-dire le latin) ne convient pas aux femmes.
Ce qui est « proprement » leur ouvrage se résume en trois points : servir
Dieu, s’occuper des enfants, « leur belle porteüre », et être agréable au mari
(v. 19-23). Porter les enfants et non les engendrer, la part active revenant à
l’homme. Les maris, eux, doivent se consacrer aux armes et, ce qui est plus
étonnant dans cette œuvre et qui signe l’ouvrage d’un clerc, aux lettres. Qui
pourra donc écrire ? La grande dame, la religieuse ou la veuve. Les figures
de femmes que nous livre la littérature médiévale répondent toutes à ce
schéma. La femme instruite, quand elle est noble, l’aura été généralement
dans un couvent. On l’y fait entrer jeune pour l’éduquer et on l’en fait sortir
au gré des mariages que l’on planifie pour elle. Veuve, elle retrouve ce lieu
si elle ne se remarie pas. La « chambre à soi » de la femme qui écrit est
majoritairement la cellule du couvent.
Comment nomme-t-on la femme qui écrit ? La réticence à la
féminisation des noms de profession en français est un phénomène avéré,
dont l’histoire politique a déjà été en partie et sera, avec le recul, tracée. Il
est d’autant plus frappant de constater que pour le Moyen Âge cette
féminisation est grammaticalement naturelle et productrice. On parle de
femmes forgeresse, admenistraresse, procuraresse, deffenderesse, par
exemple, aussi bien chez Christine de Pizan que chez des auteurs masculins,
et sans effet d’ironie de la part de ces derniers. Mais qu’en est-il pour
l’activité d’écrire ? Pour qu’un mot existe, encore faut-il que l’activité qu’il
désigne soit pensable. Or qu’observe-t-on ? Si le mot troubadour, par lequel
on nomme celui qui compose en langue d’oc, a un féminin trobairis, il est
rare. On le rencontre dans le roman de Flamenca dans un emploi imagé,
mais non dans les Vidas des troubadours où l’on use de périphrases. Ce
n’est pas en fait la féminisation du mot qui pose problème aux médiévaux,
c’est plutôt la nécessité de désigner une femme qui écrive ou qui pense. Le
cas du substantif latin philosopha est exemplaire 37. Si Abélard parle bien
dans sa Theologia christiana, écrite aux alentours de 1126, de
« philosophas aut litteras feminas » (il fait allusion aux sibylles), seule
Héloïse, dans la lettre de réponse à l’Historia calamitatum de ce dernier,
cite l’exemple qu’elle trouve chez Cicéron d’« Aspasie philosophe »,
employant le nom « philosopha » pour qualifier Aspasie dont elle vient de
parler : la « predicta philosopha ». La féminisation du mot apparaît en
français. Jean Le Fèvre, dans son Livre de Leesce, parle d’Héloïse en la
désignant du terme de « philosofesse » : « Et si estoit
philosofesse, / Combien que elle fust professe » (Et elle était philosophe
bien qu’elle eût prononcé des vœux religieux ; v. 1135-1136). Qu’en est-il
de « troveresse » ? Le mot n’est attesté que tardivement. Dans un lexique
des années 1380, il est donné comme traduction d’inventrix. Au XIIIe siècle
apparaît le féminin de clerc, « clergesse », pour désigner une femme
savante, Marguerite Porete en l’occurrence, et dans un emploi qui la
qualifie favorablement *3. Christine de Pizan emploie le terme pour désigner
Médée et Cassandre dans Le Livre de la Mutacion de Fortune, femmes
savantes, prophétesses et magiciennes ; pour Cassandre également dans la
Cité des Dames de même que pour Carmenta et sainte Catherine. Elle ne
s’applique jamais ce vocable. Christine de Pizan est une laïque. Les
dictionnaires n’enregistrent pas de féminin à auteur, ou à facteur, c’est-à-
dire à des mots insistant sur la notion de « faire », de « créer », comme si
les utilisateurs de la langue entérinaient l’idée que la femme est « passive »,
ne crée pas. Le traducteur de 1401 du De mulieribus claris de Boccace 38
qualifie Sapho de « poeteresse et grant clergesse » (chapitre 47), Cornifice
de « poeterresse » (chapitre 86), Probe de « clergesse » (chapitre 97). Pour
Christine de Pizan, dans la Cité des Dames (Premier livre, chapitres 28
et 29), Cornificia et Probe sont de « souveraine poete » et elle intitule son
trentième chapitre « Ci dit de Sapho, la tres soubtille femme, poete et
philosophe ». Que les deux termes soient adjectifs ou substantifs, la
fonction d’écrire ou de penser est bien affirmée. On trouve même un
féminin marqué à poete, poëtisse. Le Pastoralet 39, texte du XVe siècle,
l’utilise pour désigner Catherine de France, fille de Charles VI : « Car com
Sapho est poëtisse » (v. 6184). Pour Pierre Borel 40 au XVIIe siècle, Marie de
France est « trouverre, c’est-à-dire Poëtrice ». Il désigne ainsi également
Christine de Pizan. Le Jardin de Plaisance 41 de 1501 (pièce 663) utilise le
mot escrivante *4 pour parler de différentes femmes auteurs, historiques ou
mythiques : Sapho, Christine, Othée. Il perdure aussi un usage péjoratif de
« clergesse » chez des auteurs masculins, Pierre Gringore par exemple dans
Les Folles Entreprises.
La gêne de la critique de la première moitié du XXe siècle pour nommer
Christine de Pizan est d’autant plus intéressante à observer. Georges
Doutrepont 42 dans son grand livre de 1909, La Littérature française à la
cour des ducs de Bourgogne, parle de l’authoress (p. 203) dans un clin
d’œil à l’anglais qui signale l’étrangeté d’une désignation qu’il ne veut pas
encore assumer *5. Mais vingt-cinq ans plus tard, en 1934, dans son ouvrage
Jean Lemaire de Belges et la Renaissance 43, il francise le vocable. Christine
y est appelée « la diligente autoresse » (p. 286). Pierre Champion, lui, en
1923, désigne Christine de manière étonnamment anachronique de la part
de l’archiviste-paléographe qu’il est : « Mlle Christine de Pisan » ou
« Mme Christine de Pisan ». La péjoration est dans ces abréviations de
titres employés hors de propos. Nous sommes transportés dans un salon
mondain où Christine, telle une autre Marceline — je pense bien sûr à
Marceline Desbordes-Valmore —, ne peut être que « touchante et
insipide 44 ».
Le rapport de la femme à ce que nous appelons littérature pour le
Moyen Âge est complexe. Un continent est en partie caché : la femme et le
chant. On sait de manière indirecte — le filtre est masculin et
ecclésiastique — que des chansons ont circulé dans toute l’Europe, dès une
époque ancienne, des chansons d’amour en particulier, chantées par des
femmes en lien avec la saison, les fêtes de mai, et la danse. Le bilan en a été
établi dans les différentes langues d’Europe et l’on constate que s’y fait
entendre, seule ou presque, la voix de la femme. Quelle trace ce chant de
femme a-t-il laissé dans les textes ? Les chansons de mal mariées ? Un
énonciateur féminin ne renvoie pas forcément à un auteur féminin. Ainsi,
dans le corpus des Cantigas de amigo portugaises du XIIIe siècle, si
l’énonciateur est une femme, les auteurs, quand ils sont connus, sont des
hommes. Les chansons de toile ? Ces pièces lyriques mises en scène dans
des romans sont bien liées au travail du fil par la femme, mais elles sont
anonymes pour les plus anciennes et ont été ensuite imitées par des
hommes, des trouvères comme Audefroi le Bâtard au XIIIe siècle. Tous les
textes anonymes à énonciation féminine ne sont pas le fait de femmes, mais
certains peuvent l’être. Le phénomène explique l’appréciation variable du
nombre de femmes troubadours par exemple 45.
Des témoignages indirects affleurent malgré tout. Venance Fortunat,
dans sa Vie de sainte Radegonde composée au VIIe siècle, rapporte
l’anecdote suivante : une novice, de l’intérieur de son couvent, entend une
chanson à danser qu’elle avait elle-même composée avant de prendre le
voile. Le passage a intéressé. Il est magnifiquement illustré dans le
manuscrit du XIe siècle conservé à la bibliothèque municipale de Poitiers
(ms. 250, f° 40) 46. La trace la plus sensible de cette présence du chant de
femme est peut-être ce sentiment violent que l’on rencontre dans la
littérature que la voix féminine est séductrice, qu’elle attire pour perdre
celui qui l’écoute. C’est la voix de la sirène, de la bergère et plus
trivialement de la prostituée à sa fenêtre. La femme est alors cette créature
onirique que rencontrent les chevaliers et qui se dit dans une chanson
anonyme composée par un chevalier, fille du rossignol et de la sirène 47 :
« Li rosignox est mon pere / Qui chante sor la ramee, / (…) La seraine, elle
est ma mere / Qui chante en la mer salee » (Le rossignol est mon père qui
chante sur les branches, (…) la sirène est ma mère qui chante dans la mer
salée). La femme est aussi la mère. Des héros de romans ou de chansons de
geste évoquent les berceuses que leur chantait leur mère, telle Aye
d’Avignon dans Tristan de Nanteuil 48. Son fils Antoine en évoque le chant :

Cest chançon chantoit quant elle m’alaita,


Et depuis la m’aprint et la me recorda.
Oncques puis le mien corps, certes, ne l’oublia.
(v. 2971-2973)
(Elle chantait cette chanson quand elle m’allaita. Elle me l’a apprise depuis et
enseignée. Jamais, en vérité, je ne l’ai oubliée.)

Ces chansons passent de la bouche des mères à la mémoire des fils. Un


immense continent de voix anonymes se dessine pour le chant, mais aussi
pour le récit. Un type de récit est tout particulièrement attribué à la femme,
à la vieille femme : les contes de nourrice, appelés proverbialement « contes
de la cigogne », contes à dormir debout, superstitions, croyances. Philippe
de Mézières dans son Epistre au Roi Richart 49 de 1395 rapporte la légende
qui veut que Judas se soit pendu à un sureau. Il l’assortit de cette remarque :
« selon le dit des vieilles ». Avec le même effet de dévalorisation, on
rencontre chez Martin Le Franc 50 la formule « Ce sont contes et croniques
de la quelongne » (Ce sont des contes et chroniques de la quenouille). Un
e
texte du XV siècle, rédigé par un clerc, consigne avec une verve moqueuse
toutes ces croyances : Les Evangiles des Quenouilles.
Cette importance de l’oralité dans le champ littéraire médiéval
complique l’appréhension de la femme et des lettres à l’époque et engendre
des attitudes contradictoires chez les érudits. Par excès. On prête aux
femmes des compositions anonymes dès que l’énonciateur est féminin,
voire on « invente » des femmes écrivains et cela même au détriment de
femmes attestées. Le phénomène est ancien. Dès le Moyen Âge, on fait de
la Dame de Fayel, héroïne célèbre du Roman du Castelain de Couci et de la
Dame de Fayel, sur le thème du cœur mangé, une possible trouvère. Une
main du XIVe siècle lui attribue, dans une rubrique du manuscrit 389 de la
bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne, une magnifique chanson de
croisade à énonciatrice féminine, « Chanterai por mon corage » (Je
chanterai pour réconforter mon cœur). L’attribution est reprise par les
premiers érudits du XIXe siècle, Francisque Michel, Antoine Leroux de
Lincy, qui l’éditent sous le titre controuvé de Lai de la Dame de Fayel. Le
poème a été restitué depuis à Guiot de Dijon. Mais le plus bel exemple est
celui de l’« invention », au tournant du XVIIIe siècle, à l’époque des
supercheries littéraires et du « goût troubadour », de Clotilde de Surville,
poète supposée du XVe siècle. Une édition de ses poésies paraît en 1803 51
qui connaît le succès avec une deuxième et une troisième édition en 1804.
Ses œuvres sont à nouveau publiées en 1824, puis « augmentées » en 1827
avec la parution de poésies inédites. Dans une anthologie de 1824, Les
Poètes françois depuis le XIIe siècle jusqu’à Malherbe 52, cette femme
occupe plus de place que Christine de Pizan. Cette Clotilde inventée
correspond bien sûr aux goûts de l’époque. C’est une mère qui se présente
penchée sur un berceau. La première pièce du recueil s’intitule « Verselets à
mon premier né ». L’éditeur a de plus ouvert le volume sur une histoire de
la poésie française écrite par des femmes. L’étude se serait trouvée dans les
papiers laissés par Monsieur de Surville, le descendant et découvreur des
poésies de son aïeule. Cette histoire part d’Héloïse et égrène un chapelet de
noms féminins trouvés pour certains chez les érudits des siècles précédents,
femmes que l’on dote d’éléments biographiques et de bribes d’œuvres.
Généalogie féminine fantasmée de la poésie où, à côté d’une Marie de
France dont est récrit l’épilogue des Fables, on trouve une Barbe de Verrue
dont on se demande si le nom, étonnant, est là pour signer la supercherie.
Certes, Barbe est un prénom féminin au Moyen Âge, et on connaît une
comtesse de Verrue, bibliophile au XVIIIe siècle, mais Barbe de Verrue sonne
étrangement comme un signal : poil au menton, nous dit le faussaire. Jean
Larnac, pourtant, auteur en 1929 d’une Histoire de la littérature féminine en
France 53, prend pour argent comptant l’existence de cette troubadouresse,
comme il la nomme. Il y reconnaît, sans peine pourrait-on dire, « une
malicieuse coquetterie » (p. 16) et cite quatre vers où cette poétesse peint
(comme par hasard) son sein :

Por mon seyn (ne soict blan de neix),


Qui n’arsit, rien qu’à sa peincture ?
Donc est biau ? non, maiz comm’ phéneix,
*6
Croy n’ha sien pair en la nature .
(Qui ne brûlerait à la seule peinture de mon sein (ne serait-il pas blanc comme neige) ?
Il est donc beau ? Non, mais semblable en cela au phénix, il n’a pas d’égal en la
nature.)

On invente également des femmes fondatrices d’institutions littéraires.


C’est le cas de Clémence Isaure, figure de légende à qui l’on attribue au
e
XV siècle la restauration des Jeux floraux de Toulouse. Elle est souvent
citée au XVIe siècle et Jean Dupré la fait figurer dans son Palais des nobles
dames de 1534. Elle aurait fait un legs afin de permettre de distinguer par
une fleur — violette, églantine ou souci — le meilleur poète dans les
concours de poésie à Toulouse. La femme est rêvée en muse hors du
pouvoir que pourrait lui conférer réellement l’écriture.
Poétesses en excès donc. Mais aussi, dans un mouvement contraire,
femmes auteurs retranchées. On refuse à des femmes des pièces lyriques
que certaines rubriques de manuscrits leur attribuent ou, plus globalement,
dans une suspicion généralisée qui a la vie dure, on cherche la main de
l’homme derrière toute femme qui écrit 54. Comme le note Jacques Roubaud
dans son anthologie Les Troubadours 55 : « L’existence des trobairitz a
longtemps été considérée comme un phénomène anecdotique, marginal et
presque scandaleux ; on a même supposé que les auteurs réels des cansos
qui leur sont attribuées étaient des hommes ; supposition particulièrement
défendue dans le cas de Bieiris de Romans, bien entendu (on l’a
transformée en “Alberico da Romano” !). Personne, à ma connaissance, n’a
encore soutenu la position inverse, aussi vraisemblable, à savoir que les
troubadours étaient des femmes. » Christine de Pizan de son temps, comme
beaucoup d’autres après elle, a vécu ce déni. Elle en fait état dans son
Advision 56 et des témoignages extérieurs en attestent. Le traducteur de la
Cité des Dames en flamand pour le bourgmestre Jan III de Baenst indique
que pour certains — mais tel n’est pas son avis pour un livre aussi favorable
aux femmes — Christine de Pizan serait un nom d’emprunt qu’un clerc
aurait utilisé par modestie 57. Par ailleurs, dans toute une branche de la
tradition manuscrite du Livre des fais d’armes et de chevalerie, livre sur
l’art de la guerre, le nom de Christine est supprimé et le je féminin remplacé
par un énonciateur masculin plus approprié pour le scribe, et sans doute
pour le destinataire de la copie, au sujet qu’il traite. Mais la résistance à la
possibilité d’une écriture par une femme ne se limite pas au Moyen Âge.
On lit encore en 2007 sous la plume d’un historien universitaire 58 maniant
allègrement, et sans notes justificatives, l’art de la modalisation : « de plus,
les “lais” de Marie de France ne sont probablement pas d’elle, et c’est sans
doute Abélard qui a écrit les lettres d’Héloïse » et vingt pages plus loin :
« La comtesse de Die ou Marie de France et ses “lais” (si elles ont existé)
… ». Vous avez dit déni ?
C’est à l’analyse de textes écrits par des femmes historiquement
attestées que nous nous consacrons, non à ces « ombres flottantes » à la
recherche desquelles Georges Duby est parti dans le dernier de ses
ouvrages 59. Notre étude porte sur la femme auteur en tant que telle, sur les
contextes de son apparition, sur sa production. Si nous mentionnons parfois
des figures d’écrivaines représentées, inscrites dans les textes, c’est à titre
de comparaison, mais en distinguant toujours soigneusement ces mises en
abyme des manifestations directes. Les femmes que nous étudions ont écrit
en français, ou plus exactement dans une des variétés du français que
connaît le territoire que nous désignons du nom de France, et ceci du XIIe au
e
XV siècle. Cette écriture dans ce que l’on appelle la langue maternelle est
essentielle. Nous évoquons bien sûr aussi les femmes ayant écrit en latin,
mais elles ne constituent pas le fond de l’enquête. Cette focalisation a une
raison théorique. Nous examinons les femmes qui écrivent d’une position
qui est la plus éloignée de ce que les Anglo-Saxons appellent la « literacy »,
l’accès aux lettres. Nous voulons peser le rôle de la langue vernaculaire
dans l’écriture des femmes, de cette langue qui fait passer aux yeux des
clercs celles qui l’utilisent pour « illettrées ».
Nous abordons l’écriture en français des femmes au Moyen Âge de
deux manières : dans un parcours historique et descriptif, d’une part ; dans
un parcours d’interrogation, de l’autre, par rapport à la doxa sur la femme
écrivain, sur les genres qu’elle pratique ou ne pratique pas, sur les sujets
qu’elle traite, les images qu’elle emploie.
o
2. Claricia, Psautier, Baltimore, Walters Art Gallery, W. 26, f 64.
Mais sur l’échiquier des lettres, nous l’avons dit, la femme joue aussi un
rôle à d’autres places. Elle peut être à l’origine de l’œuvre, par sa
commande, ou par une action plus diffuse d’inspiratrice. Elle agit dans la
réception de celle-ci — c’est la figure majeure de la lectrice — et dans sa
diffusion. La femme intervient enfin dans la production matérielle des
livres. Elle peut être copiste, enlumineresse (ill. 2). Ces femmes copistes
— ce sont souvent des religieuses — signent parfois leur travail, indice de
la valeur qu’elles y accordent. C’est le cas de Marguerite de Chauvigny à la
fin du XVe siècle, qui signe par deux fois sa copie des œuvres de Gautier de
Coinci (manuscrit BnF, f. fr. 817), au folio 170, à la fin de sa retranscription
des Miracles et sur la dernière page du volume. Certaines terminent leur
copie par une prière. C’est le cas de la scribe à la fin du manuscrit BnF,
fr. 23112, qui s’achève sur deux vies de saintes : La Vie de sainte Catherine,
par Clémence de Barking, et La Vie de sainte Marie l’Egyptienne, Vie
anonyme du XIIe siècle. Elle adresse sa prière à Marie-Madeleine et à travers
elle à la Vierge 60 :

Ma douce Dame Marie, le barnesse,


Veés con m’ame est orde et pecerresse.
Por ce ai fait de toi avoerresse,
Que tu me soies vers Dieu rapelerresse.
(v. 55-58)
(Ma douce Dame Marie, la noble, / Vois comme mon âme est pleine d’ordure et de
péchés. / C’est pourquoi j’ai fait de toi ma représentante, / pour intercéder pour moi
auprès de Dieu.)

Les métiers du livre ne sont pas interdits aux femmes laïques. Au


tome II de leur ouvrage monumental Manuscripts and their Makers 61,
Richard et Mary Rouse ont rassemblé plus de 1 300 noms d’artisans du
livre à Paris pour la période de 1200 à 1500. Parmi eux, on compte 38 noms
de femmes. Ces femmes sont épouses ou veuves d’artisans de la même
profession. Elles apparaissent quand elles signent en nom propre le serment
qui les lie à l’Université, quand elles figurent dans les rôles d’impôts ou sur
une quittance de payement. Leurs métiers, différenciés, sont ainsi désignés :
libraire (on rencontre une fois l’expression « marcheande de livres » pour
Marguerite de Sens en 1292), parcheminière, enlumineresse, escrivaine
(c’est-à-dire scribe), relieuse. L’une, dans un travail plus spécialisé, est citée
en 1388 pour avoir recouvert de soie des livres appartenant à Charles VI et
à son frère Louis d’Orléans : Katherine la Bourcière. Une enlumineresse est
particulièrement célèbre car Christine de Pizan la mentionne avec un éloge
appuyé dans son Livre de la Cité des Dames 62 : Anastaise. Christine analyse
son travail et appuie sa louange sur son expérience personnelle : « car pour
moy mesmes a ouvré d’aucunes choses qui sont tenues singulières entre les
vignetes des autres grans ouvriers » (car elle a fait pour moi certaines
choses qui sont tenues pour uniques parmi les motifs des autres grands
ouvriers). Solidarité féminine. De même, dans les guildes de libraires à
Bruges à la fin du XVe siècle, on rencontre des femmes copistes,
parcheminières et miniaturistes 63. Le rapport de la femme au livre a des
formes et des fonctions diverses. Il nous faut tenir compte, dans notre
réflexion sur la femme écrivain au Moyen Âge, en amont, de la figure de la
commanditaire, de la mécène ; en aval, de la lectrice.

*1. Jean Le Fèvre suit là l’enseignement des théologiens, d’Hugues de Saint-Victor à


Pierre Lombard et à Thomas d’Aquin.
*2. On peut citer, entre beaucoup d’autres, une miniature d’un texte de Jean Miélot dans le
manuscrit BnF, fr. 17001.
e e
*3. Voir ici même. Du XIII au début du XVI siècle, on voit le terme « s’apprivoiser » en
quelque sorte et quitter le champ du savoir pour celui de la ruse, plus compatible avec la vision
traditionnelle de la femme. Eloy d’Amerval écrit ainsi dans son Livre de la Deablerie à propos
des femmes qui réussissent toujours à se procurer des tenues nouvelles : « Elles qui sont tant
grans clergesses / Treuvent façon par leur sagesses / Et maniere aussi d’en avoir » (v. 6703-
7605), éd. Robert Deschaux et Bernard Charrier, Genève, Droz, 1991. Il serait intéressant
d’étudier la concurrence du suffixe étoffé – esse par rapport au suffixe simple – e pour former le
féminin et de voir de quand date l’apparition du sens péjoratif, voire burlesque pour certains, du
suffixe – esse.
*4. Non enregistré par le Dictionnaire du moyen français (1330-1500) de l’ATILF (CNRS
et Université de Lorraine, 2015, www.atilf.fr/dmf).
*5. Concernant le recours à la langue étrangère pour parler de ce qui gêne dans la femme,
ou dans ce qui a rapport à elle, on peut penser à Baudelaire et à son essai « Réflexions sur
quelques-uns de mes contemporains : Marceline Desbordes-Valmore », in Œuvres complètes,
Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, t. II, p. 149, avec, en anglais, la mention le
concernant, « hysterical tears ».
*6. J’ai rétabli la graphie imaginée par le faussaire et sa ponctuation. Larnac, croyant la
simplifier, la rend tout simplement incohérente. Il n’est pas sûr qu’il ait compris le texte qu’il
cite.
Chapitre II
EN AMONT : COMMANDITAIRES

La figure des femmes mécènes se dessine à travers les dédicaces des


livres qu’on leur offre. Elles sont reines, dames nobles animant une cour,
abbesses. La littérature anglo-normande, c’est-à-dire la littérature en
français écrite en Angleterre, nous présente des témoignages dès le début du
e 1
XII siècle. Ce sont les premiers. Le Voyage de saint Brendan est
commandé à Benoît, « li apostoiles danz Benedeiz » ainsi qu’il se désigne,
par une femme nommée dans certains manuscrits Mahalt (il s’agit alors de
la première femme du roi Henri Ier d’Angleterre, Maud ou Mathilde) ou
appelée selon d’autres Aaliz ou Adeliza (il s’agit alors de la seconde femme
de ce même roi, Adélaïde de Louvain). Philippe de Thaon 2 dédie à cette
dernière son Bestiaire et en fait l’éloge dans des termes que l’on retrouve
chez Chrétien de Troyes louant Marie de Champagne. La dame est
comparée à une pierre précieuse, une gemme. La comparaison est portée
par la rime geme / feme ou dame / jame chez Chrétien. Philippe de Thaon la
décrit ainsi :

E est curteise et sage,


De bones murs e large :
Aaliz est numee ;
Reïne est corunee,
Reïne est d’Engleterre.
(Elle est courtoise et sage, de bonnes mœurs et généreuse. Elle s’appelle Aaliz. Elle est
reine couronnée, reine d’Angleterre.)

Entre 1135 et 1138, Geffrey Gaimar, dans son Estoire des Engleis 3,
présente sa commanditaire : « Dame Custance, la gentil » (v. 6430), c’est-à-
dire la noble, épouse d’un membre d’une vieille famille du Lincolnshire,
Ralf Fitz Gilbert. Cette dame est lettrée. Il précise qu’elle s’est fait copier le
livre de David (elle désigne sans doute de cette manière le Livre des
Psaumes) : « Dame Custance en ad l’escrit, / En sa chambre sovent le lit / E
ad pour l’escrire doné / Un marc d’argent ars e pesé » (Dame Constance en
possède le texte. Elle le lit souvent dans sa chambre et pour la copie en a
donné un marc d’argent pur et bien pesé ; v. 6489-6492). Samson de
Nanteuil 4 traduit les Proverbes de Salomon à la demande d’Aeliz
(Adélaïde) de Condet et de son fils Roger. On offre donc à ces grandes
dames aussi bien un livre de voyage vers l’au-delà, Saint Brendan, de la
littérature scientifique moralisée (un bestiaire), un livre historique ou une
traduction de la Bible. Si sous-jacente soit-elle, la portée religieuse est
toujours présente.
La figure qui domine tout le XIIe siècle est celle d’Aliénor d’Aquitaine
(c. 1122-1204). Petite-fille du premier troubadour connu, Guillaume IX,
elle joue, par ses deux mariages, avec Louis VII, roi de France, puis avec
Henri Plantagenêt qui devient roi d’Angleterre sous le nom d’Henri II, un
rôle éminent dans la promotion des lettres en langue d’oc et en langue d’oïl.
Pour la littérature d’oc, la Vida de Bernard de Ventadour qu’écrit Uc de
Saint-Circ le présente à la cour d’Aliénor, ayant composé pour elle de
nombreuses chansons jusqu’au départ de cette dernière, qu’il donne comme
duchesse de Normandie, pour l’Angleterre. En langue d’oïl, le chroniqueur
Wace, né à Jersey, auteur du Roman de Brut, traduction de l’Historia
Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, trace le portrait d’Aliénor
5
dans son Roman de Rou de 1160 (il s’agit d’une histoire des Normands et
de leur chef Rollon) :
Du roi Henri voil faire ceste premier page,
Qui prist Alianor, dame de haut parage,
(…)
France est Alienor et debonnaire et sage ;
Roÿne fu de France en son premier aage
(v. 17-18 et 24-25)
(Je veux consacrer cette première page au roi Henri qui a épousé Aliénor, dame de
haut rang (…) Aliénor est noble, bienveillante et sage. Elle fut d’abord reine de
France.)

Il déroule ensuite la vie de la reine, son premier mariage, le « pelerinage » à


Jérusalem, c’est-à-dire la deuxième croisade où Aliénor accompagne son
mari Louis VII, son retrait dans son domaine à Poitiers, son mariage avec
Henri II. Un autre chroniqueur de l’époque, Benoît de Sainte-Maure,
semble faire allusion à elle dans son Roman de Troie 6, qui date des années
1165, en l’appelant « Riche dame de riche roi » (v. 13468) (Dame puissante
d’un roi puissant). Il vient d’évoquer les amours de Troïlus et Briséida,
critiquant le peu de constance de la femme. Comme pour se faire pardonner,
il se livre alors à un éloge hyperbolique de celle de qui il craint d’être
blâmé, « Que hautece a, pris e valor, / Honesté e sen e honor / Bien e
mesure e sainteé, / E noble largece e beauté » (car elle a grandeur, prix et
valeur, loyauté et sens et honneur, bien et mesure et sainteté et noble
générosité et beauté ; v. 13459-13462). Il achève son portrait sur un éloge
de la femme forte selon Salomon : « Qui fort femme porreit trover / Le
Criator devreit loër » (Celui qui pourrait trouver une femme forte devrait
louer le Créateur ; v. 13473-13474).
Femme de pouvoir, Aliénor règne encore sur le monde des lettres après
sa mort par sa descendance. Des deux filles qu’elle a eues de Louis VII,
Marie de Champagne (1145-1198) est la plus influente dans le domaine des
lettres (ill. 3). Chrétien de Troyes dit lui devoir « la matiere et le sen », à
savoir le sujet et le sens, du Chevalier de la Charrette, lui n’y mettant que
« sa painne et s’antancion », son travail et son application. Dans le fameux
manuscrit dû au scribe Guiot, au XIIIe siècle, des œuvres de Chrétien de
Troyes (Paris, BnF, fr. 794, fo 27), Marie de Champagne est représentée
dans le ventre du P qui ouvre le texte : « Puisque ma dame de
Champaigne ». Gace Brulé 7, trouvère originaire de la Brie, témoigne de son
goût également pour la poésie. Marie lui commande de chanter :

Bien cuidai toute ma vie


Joie et chançons oblïer,
Mais la contesse de Brie,
Cui comant je n’os veer,
M’a commandé a chanter
(Pièce LXV, v. 1-5)
(Je pensais bien de toute ma vie oublier joie et chansons, mais la comtesse de Brie
[c’est un des titres de Marie de Champagne] dont je n’ose enfreindre le
commandement, m’a commandé de chanter.)
o
3. Marie de Champagne, Paris, BnF, ms fr. 794, f 27.

Marie joue aussi un rôle dans la traduction en français de textes


religieux. À la mort de son mari, Henri le Libéral, en 1181, elle commande
une paraphrase du psaume 44, Eructavit cor meum (Mon cœur bouillonne).
L’œuvre est anonyme mais on pense pouvoir l’attribuer au chapelain de
Marie, Adam de Perseigne. L’ouvrage révèle en effet un auteur d’origine
champenoise qui connaît personnellement Marie et les mœurs de sa cour.
Vers 1192, celle-ci demande à un poète du nom d’Everat (Evrat) une
traduction en vers de l’Ancien Testament. À la mort de Marie, Evrat n’a pas
terminé la Genèse et s’arrêtera à la fin de ce livre. Il ne donne pas une
simple traduction mais un commentaire, dans lequel il intercale des
louanges du comte et de la comtesse de Champagne. À la cour de la sœur
de Marie, Alis de Blois, figure Gautier d’Arras, l’auteur d’Eracle et d’Ille et
Galeron, l’histoire du mari entre deux femmes, qu’a traitée Marie de
France, la poétesse, dans un de ses Lais, comme nous le verrons. Le rôle
d’Alis de Blois dans la promotion des œuvres et leur transmission est mis
en évidence par un des Miracles de Notre-Dame de Chartres que rapporte
Jean le Marchant 8 au XIIIe siècle. Le roi Richard Cœur de Lion entend le
récit d’un miracle au sujet d’un clerc anglais qui a offert à la Vierge un
fermail d’or qu’il destinait à son amie, appelée elle aussi Marie. Il raconte
ce miracle à sa sœur Alis, comtesse de Blois :

Et la dame de grant noblais


Par sa contree le conta,
Si que le contes tant monta
Qu’il fu mis en autorité
A Chartres, la bonne cité.
(Miracle XXIII, v. 449-454)
(Et la dame de grande noblesse le raconta dans sa région. Le conte en prit de
l’importance de telle sorte qu’il fut reconnu comme authentique à Chartres, la bonne
ville.)

Deux enfants d’Aliénor d’Aquitaine, Alis et Richard, garantissent l’autorité


d’un miracle et assurent la promotion du récit qui le rapporte.
Les traditions familiales jouent un rôle dans le rapport de la femme au
livre et dans son goût de la littérature. Le phénomène est frappant dans le
cas précisément d’Aliénor d’Aquitaine, petite-fille de troubadour, et se
retrouve dans le cas de Marie de Brabant, fille du duc de Brabant, Henri III,
musicien et poète. Le duc Henri est protecteur d’Adenet le Roi qui se
déclare son ménestrel. Or c’est pour Marie de Brabant qu’a été réalisée
l’anthologie de textes contenue dans le manuscrit de l’Arsenal 3142 qui
s’ouvre sur les œuvres d’Adenet le Roi. Cette anthologie contient par
ailleurs les Fables de Marie la poétesse. Le premier texte de ce manuscrit-
recueil est le roman Cléomadés dont Adenet 9 expose la composition. Le
sujet lui en a été donné par « deus dames en cui maint la flour / de sens, de
biauté, de valour » (deux dames en qui repose la fleur de sens, de beauté, de
valeur ; v. 23-24). Ces deux dames sont représentées dans la miniature
initiale (ill. 4). Il s’agit de la reine Marie, c’est-à-dire Marie de Brabant, qui
a épousé Philippe III de France, fils de Saint Louis, et de Blanche, fille de
Saint Louis et veuve de l’infant de Castille. Leurs noms sont révélés en
acrostiche à la fin de l’œuvre. La reine, allongée sur un lit, la couronne sur
la tête, est accompagnée d’un jeune homme appuyé sur le lit, Jean II de
Brabant, et, au pied du lit, d’Adenet, sa vielle à la main et coiffé de la
couronne de roi des ménestrels. Ils écoutent Blanche raconter l’histoire de
Cléomadés, histoire merveilleuse du cheval de bois volant tirée des Mille et
Une Nuits. Le geste de la main de Blanche est éloquent pour montrer
qu’elle raconte. Deux femmes commandent : l’une donne au poète l’ordre
de composer l’histoire que l’autre rapporte. Ces deux commanditaires ne
sont pas les dédicataires du roman. Adenet offre l’œuvre à un homme, le
comte d’Artois. La position des femmes dans la création littéraire est
complexe. La grande dame peut commander une œuvre dans un geste
volontaire, affichant ses goûts (c’est le cas ici avec Cléomadés), ses buts
politiques ou religieux, ou une dévotion particulière. C’est ainsi qu’une
« dame de Valois », sans doute Éléonore de Vermandois, morte en 1214,
demande à un clerc du nom de Renaut une traduction française de la Vie de
sainte Geneviève. Une traduction de la Legenda aurea, La Légende dorée
de Jacques de Voragine, l’une des premières réalisées, est produite, ainsi
que l’indique le prologue du traducteur, « a l’instance de tresnoble dame
madame Beatris de Bourgongne, comtesse de La Marche et
d’Angoulesme » (ms Paris, BnF, fr. 23114, fo 1r). Il s’agit de l’épouse
d’Hugues XIII de Lusignan. Elle meurt en 1328 après vingt-cinq ans de
veuvage. Comme on l’a justement remarqué 10, ces demandes de traduction
de la part de dames de la noblesse correspondent très souvent au moment de
leur veuvage, qui va de pair avec une certaine indépendance et un
approfondissement de leur vie religieuse. D’autres cas de figure sont
possibles. Blanche de France, fille de Saint Louis, demande à son
confesseur, le franciscain Guillaume de Saint Pathus, de rassembler et
mettre par écrit les témoignages produits lors de la seconde enquête de
canonisation de Saint Louis, son père. Le livre produit à sa demande est La
Vie et les Miracles de Saint Louis, qui date des années 1302-1303.
Parallèlement, la reine de France, Jeanne de Navarre (1273-1305), qui
fonde à Paris le Collège de Navarre, épouse de Philippe IV le Bel, prie
Joinville d’écrire un livre des « saintes paroles et bons faits » de Saint
Louis. Elle destine le livre à l’éducation de son fils, mais meurt en 1305
avant son achèvement. Le livre est offert au futur Louis X en 1309. Philippa
de Hainaut, l’épouse du roi d’Angleterre Édouard III, et fille du comte de
Hainaut, commande à son compatriote Jean de le Mote une lamentation sur
la mort de son père, disparu en 1337. Ce dernier écrit Li regret Guillaume,
comte de Hainaut 11, qu’il achève en 1339 et où il mentionne la commande
de la reine (v. 4564-4569). Philippa protège de même Jean Froissart, un
autre compatriote. Froissart lui rend hommage en ouvrant sur son nom,
suivi de celui de la femme de son fils Jean de Gand, Blanche de Lancastre,
et de sa fille Isabelle d’Angleterre, dame de Couci, la liste de la trentaine de
mécènes qu’il nomme dans Le Joli Buisson de Jonece. Isabeau de Bavière,
épouse de Charles VI, fait traduire en français en 1398 la séquence de la
Passion consacrée aux événements de la Semaine sainte tirée des
Meditationes Vitae Christi. Le texte, incitation à la méditation, a eu du
succès. Il est attribué par certains manuscrits à Jean Gerson pour en
rehausser encore la notoriété. Il figure aux folios 1-94v du Livre de prières
de Marie de Clèves, l’épouse de Charles d’Orléans, avec une peinture au
folio 1 qui représente le duc et la duchesse en prière au pied du Crucifié,
accompagnés de la Vierge et de saint Jean. Un autre manuscrit (Besançon,
bibliothèque municipale 257) porte le nom d’Henry de Baulme, le
confesseur de sainte Colette qui l’a sans doute copié pour elle. Il offre la
date de 1418. D’autres manuscrits contiennent des marques de religieuses
qui ont fait écrire le texte ou l’ont copié elles-mêmes.

o o
4. Blanche raconte, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 3142, f 1r .

Le plus souvent, la femme est dédicataire d’œuvres. Le geste renseigne


alors plus sur celui qui offre, sur le bénéfice qu’il recherche — récompense
ou protection — et ne dessine qu’en creux le portrait de la dédicataire. On
offre aux dames des ouvrages d’éducation morale sur des sujets qui
touchent différents aspects de leur vie. Le franciscain Durand de
Champagne offre à Jeanne de Navarre dont il est le confesseur un Speculum
dominarum que la reine fait traduire. Ce Miroir des dames qui expose
l’idéal de la perfection féminine connaît un large succès. On le trouve dans
toutes les bibliothèques princières de la fin du Moyen Âge et au début du
e
XVI siècle ; une seconde traduction est même entamée à l’intention de

Marguerite de Navarre. Le même milieu franciscain produit dans la seconde


moitié du XIIIe siècle un Miroir des bonnes femmes qui est, lui, un recueil
d’exempla sur les bonnes et mauvaises femmes. Vincent de Beauvais
présente son traité sur l’éducation des enfants nobles, De Eruditione
Filiorum Nobilium, à Marguerite, la femme de Saint Louis. Les neuf
derniers chapitres sont consacrés à l’éducation des filles. L’aumônier de
Marie de Berry, la fille du duc de Berry, le franciscain Simon de Courcy,
réalise pour elle en 1406 une compilation d’œuvres morales et politiques,
traduisant en particulier l’Aiguillon d’amour attribué à saint Bonaventure,
œuvre à succès parmi les lectures de femmes.
Des pères destinent à leurs filles des traités d’éducation. Saint Louis
offre à sa fille des Enseignements, comme il le fait par ailleurs à l’égard de
son fils. Le chevalier Geoffroi de La Tour Landry rédige en 1371 un Livre
pour l’enseignement de ses filles, reprenant des exempla du Miroir des
bonnes femmes. Des maris proposent à leur femme des conseils quant à la
tenue d’un ménage, tant sur le plan moral que sur le plan pratique. C’est ce
que fait vers 1393 l’auteur du Mesnagier de Paris à l’intention de sa jeune
femme. Il puise non seulement dans des traités édifiants comme Le Livre de
Mélibée et Prudence de Renaut de Louhans, mais aussi dans un livre de
cuisine célèbre, le Viandier, attribué à Guillaume Tirel dit Taillevent. Les
ouvrages de consolation, sur la perte d’un enfant par exemple, font partie
des œuvres dédiées à des femmes. Le Reconfort de madame de Fresne
d’Antoine de la Sale (1457) s’adresse à Catherine de Neufville qui vient de
perdre son premier enfant. Un remaniement de ce texte figure à la suite des
Enseignements qu’Anne de France adresse à sa fille Suzanne de Bourbon au
moment de son mariage en 1505. On peut enfin offrir une œuvre à une
dame par amour, en lui faisant entendre qu’elle en est l’inspiratrice et
qu’elle peut à tout moment, par l’acceptation ou le refus de l’amour que
l’auteur lui propose, infléchir le cours de l’histoire racontée. C’est le jeu
que joue Renaut de Beaujeu dans son Bel Inconnu, inventant en quelque
sorte le « livre dont vous êtes l’héroïne ».
La dame fait écrire, mais ceux qu’elle incite à l’écriture sont des
hommes : le chevalier par amour, le clerc par la commande. Cette dernière
peut avoir pour objet des traités pratiques. Une dame noble de l’Essex,
Dionysia de Munchensy (Denyse de Monchensy) demande à Walter de
Bibbesworth un traité pour l’enseignement de la langue française (vers
1280-1290) qu’elle destine à sa fille : L’Aprise de français. Ce traité appelé
communément Femina (son premier mot est femme et dans un manuscrit il
s’achève sur : Explicit femme) commence par des conseils sur la manière de
soigner les jeunes enfants, énumère les parties du corps, puis traite du
vocabulaire rural. Il a été adapté au début du XVe siècle (un peu après 1415)
sous le titre de Femina nova. L’auteur y explique en latin le fonctionnement
de son manuel. Comme une mère enseigne à son enfant la langue
maternelle, son livre enseignera aux jeunes à parler élégamment le français,
« rethorice loqui gallicum ». Paradoxe du français en Angleterre. Ce
dernier, par rapport au latin, est une langue maternelle apprise par
l’intermédiaire d’un livre. Ces manuels, par l’image qu’ils emploient,
soulignent le rôle essentiel de la femme dans l’apprentissage de la langue
maternelle, Dante l’indiquait dans sa définition de la langue vulgaire (De
vulgari eloquentia, I, I, 2-3). La demande des femmes peut être aussi celle
de traités d’économie domestique. Pour qu’apparaisse une commande d’une
femme à une autre femme, il faut qu’existe la figure de la clergesse, c’est-à-
dire celle d’une femme écrivant professionnellement. C’est la stature de
Christine de Pizan au XIVe siècle. Les commandes qui lui sont adressées
viennent d’hommes, comme c’est le cas pour Le Livre des fais et bonnes
meurs du sage roi Charles V que lui demande d’écrire Philippe le Hardi, le
duc de Bourgogne. Christine de son côté offre des œuvres à des femmes.
Elle dédie en 1405 son Livre des Trois Vertus à Marguerite de Bourgogne,
âgée de douze ans, épouse du dauphin Louis de Guyenne, et en 1418 son
Epistre de la Prison de vie humaine à Marie de Berry, fille de Jean de Berry.
Elle offre le manuscrit de ses œuvres complètes (Londres, British Library,
Harley 4431) à Isabeau de Bavière. Avant l’apparition d’une femme
clergesse laïque, l’ordre d’écrire ne pouvait venir que de Dieu, comme dans
l’écriture des religieuses, ou de la femme elle-même, de son désir de
répondre à l’amour ou du fait de sa volonté.
Chapitre III
ÉCRIRE EN LANGUE
VERNACULAIRE

Le choix d’écrire dans sa langue maternelle est-il une décision par


défaut pour les femmes que nous étudions ? Ces femmes ne savaient-elles
pas le latin ? C’est sans doute vrai pour beaucoup d’entre elles, mais
certaines le lisaient, voire le maîtrisaient. Marie de France écrit son
Purgatoire de saint Patrick à partir d’une œuvre en latin qu’elle traduit.
Christine de Pizan lit en latin saint Thomas et des recueils de Flores. La
formule pourtant « La femme ne sait pas le latin » fonctionne pour les
clercs comme un dogme avec des conséquences de poids. Dante affirme
dans la Vita nova 1 que « le premier qui commença à rimer comme poète
vulgaire prit ce parti parce qu’il voulut faire entendre ses paroles à une
dame, à qui il n’était mie aisé d’entendre les vers latins » (section XXV).
Chanter d’amour est si intimement lié à chanter en vernaculaire qu’amour
devient synonyme de poésie. En témoigne au XIVe siècle un traité intitulé
Les Leys d’Amor qui donne des règles de poésie. La dame, si elle veut
écrire, est vouée à l’amour, et elle le fera dans sa langue maternelle comme
le font les trobairitz. Chanter l’amour des hommes comme l’amour de Dieu,
mais aussi raconter des histoires de tous les types d’amour, histoires non
encore entendues et qui viennent d’autres langues pour Marie de France.
Prier en témoignant de ses visions, enseigner son expérience, sa croyance.
Jouer. Toutes ces fonctions se trouvent réunies dans l’écriture de Christine
de Pizan qui écrit en français venant d’une autre langue, l’italien. À toutes
ces fonctions, Christine en ajoute une autre, lutter, dans la conscience
qu’elle a qu’une place est à conquérir, celle du clerc, de l’intellectuelle, car
c’est ainsi nous semble-t-il qu’il faut traduire le statut de clergesse qu’elle
revendique. La Querelle des femmes qu’elle initie est un moment important
de l’histoire littéraire et de l’histoire des femmes en général, débat qui naît
avec elle dans la querelle du Roman de la Rose et se développe au
e
XVI siècle.

CHANTER
(LES TROBAIRITZ)

Entre le milieu du XIIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle, de


grandes dames ont, en langue d’oc, chanté et composé des poèmes. On a
pris l’habitude de leur donner le nom générique de trobairitz dans la volonté
de faire un pendant au groupe masculin des troubadours, qui eux se
désignent bien de cette manière. Même si le mot existe au Moyen Âge et
qu’on le voit qualifier l’habileté langagière des deux suivantes de Flamenca
dans le roman éponyme, jamais ni ces femmes ni les traités sur le trobar
n’emploient ce mot. Pourtant certains manuscrits qui ont conservé leurs
pièces les regroupent dans une section autonome, comme si le genre sexuel
(être homme ou femme) était un moyen possible de classement. C’est le cas
de manuscrits copiés en Italie et en Catalogne, tous postérieurs d’une
centaine d’années environ aux textes eux-mêmes. Tel est le cas en
particulier du manuscrit H (Rome, Vatican, lat. 3207) qui contient en outre,
et pour cette section uniquement, des enluminures les figurant. Toutes sont
présentées, par leur vêtement, comme de grandes dames, mais sans aucun
attribut propre à l’art du chant ou à l’écriture. Est-ce que leur faire tenir un
instrument les aurait trop assimilées au statut de jongleresses ?

o
5. La Comtesse de Die, BnF, fr. 12473, f 126v.

Que sait-on de ces femmes ? Leur nom pour certaines d’entre elles, leur
statut social, élevé le plus souvent, leur culture. Comme pour les
troubadours, nous disposons en effet, dans les manuscrits qui ont conservé
leurs textes, d’une courte vie (Vida) et d’une razo (un commentaire)
généralement tirée, comme la vida très souvent, des textes eux-mêmes. Une
vingtaine de noms de poétesses nous sont parvenus 2, certains peut-être
inventés, pour une vingtaine de pièces en regard des 460 noms de
troubadours pour un corpus d’environ 2 500 pièces. Dans le manuscrit qui
offre des vignettes des trobairitz (le manuscrit H), huit sont représentées :
Almucs de Castelnou, Azalaïs de Porcairagues, la Comtesse de Die, Iseut
de Capion, Marie de Ventadour, Na (c’est-à-dire Dame) Castelloza, Na
Lombarda, Na Tibors de Sarenom, plus une anonyme. Il ne s’agit pas de
portraits mais de silhouettes de femmes. Nous avons conservé une canso
d’Azalaïs de Porcairagues, quatre de Castelloza, quatre de la Comtesse de
Die avec, pour l’une des pièces de cette dernière, la mélodie (ill. 5). Quatre
cansos constituent les corpus les plus grands, alors que nous savons par la
vida de la Comtesse de Die que cette dernière composa « mantas bonas
canços » (maintes bonnes chansons). Une telle dissymétrie par rapport aux
troubadours est frappante. Pourquoi les chansons des femmes poètes n’ont-
elles pas été notées 3 ? Ces femmes n’étaient sans doute pas perçues comme
exerçant un métier, remplissant une fonction, alors que les vidas précisent
qu’elles connaissaient bien « l’art de trouver » et qu’elles étaient « mout
ensenhadas », très cultivées, parfois même « fort maïstra », très savantes.
C’est ce que nous dit la vida de Tibors de Sarenom : « Cortesa fo et
ensenhada, avinenz e fort maïstra ; et saup trobar » (Elle était courtoise et
cultivée, avenante et fort savante et elle savait « trouver »). Castelloza est
ainsi présentée : « Et era domna mout gaia et mout enseignada e mout
bella » (Et c’était une dame très gaie, très cultivée et très belle). Toujours
sont liés gaieté, beauté et savoir. Certes, gaieté et beauté peuvent aussi être
attribuées aux hommes, mais avec une insistance mise sur le fait qu’il s’agit
de qualités acquises. La vida de Bernard de Ventadour dit que bien qu’il fût
né pauvre, il « devint bel homme », celle de Peire Cardenal qu’arrivé à
l’âge d’homme, « il se sentit joyeux, beau et jeune ». Toutes ces qualités,
des hommes comme des femmes, relèvent du joy, notion complexe qui ne
s’égale pas uniquement à la joie (gaudium) mais aussi au jeu (jocus), à une
joie agissante 4. Le joy est une des valeurs essentielles de la culture du Midi.
La culture des trobairitz apparaît dans les allusions littéraires que l’on
rencontre dans leurs poèmes. Par deux fois, la Comtesse de Die affirme son
amour grâce à une comparaison avec un personnage de roman : « je vous
aime plus que Seguin n’aima Valense » dans la pièce « Il me faut chanter ce
que je ne voudrais point chanter », et « je suis plus éprise de lui que Floire
ne le fut de Blanchefleur » dans la canso « J’ai été en grand souci ». Dans
les deux cas, elle occupe la place de l’homme, c’est-à-dire du sujet agissant,
car c’est bien là une des caractéristiques de la poésie des trobairitz :
affirmer leur amour en je. Dans une troisième pièce enfin, la Comtesse
désigne par le senhal (le nom dissimulé) Floris le nom de son amant. Le
personnage de Seguin est celui d’un héros de roman que l’on ne connaît
aujourd’hui que par une autre mention d’un troubadour : Arnaut de Mareuil.
L’autre référence est au roman idyllique anonyme des années 1150-1160
Floire et Blancheflor, qui semble avoir eu beaucoup de succès dans le Midi.
Dans le roman de Flamenca, l’héroïne répète la scène qu’elle doit
interpréter à l’église pour pouvoir glisser un mot à Guillaume, son ami, en
faisant jouer au livre de Floire et Blancheflor, qu’elle possède donc, le rôle
du psautier. La provocation par rapport à la religion ne peut être plus
patente. On est aux limites du sacrilège. Le rôle des cours du Midi, de la
souveraineté des femmes dans ces cours, est essentiel. Azalaïs de
Porcairagues envoie sa chanson « Ar em al freg temps vengut » (Nous voici
à la saison froide) « Ves Narbona » (vers Narbonne ; v. 50), c’est-à-dire à
Ermengarde de Narbonne 5, celle qui, dit-elle, est le modèle des deux
valeurs essentielles de cette poésie, « Joiz et Jovenz », joie et jeunesse. La
conscience de leur art qu’ont ces poétesses se marque avec acuité dans leur
maniement de la versification. La Comtesse de Die joue ainsi dans une
pièce avec des rimes dérivatives, faisant entendre en alternance terminaison
masculine et féminine pour un même mot : « Ab Joi et ab Joven
m’apais / Et Jois et Jovenz m’apaia, / Que mos amics es li plus gais / Per
qu’ieu sui coindet’ e gaia » (De Joie et de Jeunesse, je me repais, / et Joie et
Jeunesse me repaissent / car mon ami est le plus gai / Ce qui fait que je suis
aimable et gaie). Le jeu se poursuit sur les quatre strophes et l’envoi,
conjoignant virtuosité technique et jeu avec les genres grammaticaux. La
mise en regard du masculin et du féminin par le biais de la grammaire
s’observe aussi dans l’échange de strophes entre Bernard Arnaud et
Lombarda : « Je voudrais être Lombard pour Dame Lombarde » dit le
poète, ce à quoi la dame répond « Je voudrais avoir pour Bernard le nom de
Bernarde / Et pour Arnaut être appelée Arnaude ». Dans un senhal, le poète
appelait la dame « Miral de Pres » (Miroir de Prix, Miroir de la valeur), la
dame lui renvoie l’image dans un jeu à l’infini.
Dans la poésie courtoise, le troubadour prie une dame d’un rang social
supérieur. Il la désigne au masculin, du terme de midons, « mon seigneur ».
La dame se refuse ou met des conditions pour accorder son amour. La
poésie est tendue vers un futur qui se réalisera ou non. Une inversion des
rôles est-elle possible ? Non. Qui est celui que prie la dame ? Il est toujours
désigné du terme de chevalier, et Azalaïs de Porcairagues précise qu’il ne
doit pas être d’un rang supérieur à celui de petit vassal, car il ne faut pas
aimer pour la richesse, dit-elle. Tout se joue autour d’une foi engagée, d’un
pacte, d’un serment que le chevalier, très souvent, est accusé d’enfreindre :
« E membre-vos de nostres covinenz » (Qu’il vous souvienne de notre
accord), rappelle la Comtesse de Die dans « Il me faut chanter ce que je ne
voudrais pas ». L’aveu du désir est direct : « Ben volria mon cavalier / Tener
un ser en mos bratz nut » (Je voudrais bien tenir un soir mon chevalier nu
dans mes bras) et lui servir de coussin, dit la Comtesse de Die dans la canso
« J’ai été en grand souci ». La poésie des femmes poètes d’Occitanie n’est
pas le miroir de celle des hommes. En assumant la position de sujet, la
femme change la donne. Elle chante la trahison, l’abandon, comme dans les
Héroïdes, et la douleur d’aimer qui succède à la joie. À l’inverse de celle
des hommes, la poésie des femmes troubadours est tournée vers le passé.
Quels rapports entretiennent la femme et l’homme qui composent ? La
dame peut déclarer à l’homme son amour, comme le fait Azalaïs de
Porcairagues à l’endroit de Raimbaut d’Orange. Elle peut provoquer un
poète à chanter. C’est le rôle que joue Marie de Ventadour à l’égard de Gui
d’Ussel en lui proposant une tenson sur le sujet de la parité en amour :
« Gui d’Uissel, be’m pesa de vos / Car vos ètz laissatz de chantar » (Gui
d’Ussel, j’ai grande peine à cause de vous car vous avez cessé de chanter).
Elle y affirme avec force que « la dame doit fait honneur à son
amant / comme à un ami non comme à un seigneur ». Marie de Ventadour,
Marie de Turenne, est la femme d’Eble V, l’une de ces tres de Torena, les
trois de Turenne, trois sœurs qui, selon Bertrand de Born, ont pris à elles
trois toute la beauté du monde. Elle règne sur la cour de Ventadour de 1186
à 1222 environ. Elle est l’inspiratrice de plusieurs poètes, Gaulcem Faidit
en particulier, qui la chante sous son nom et peut-être aussi sous le senhal
de Bos Espers (Bon Espoir). Elle intervient comme juge dans des débats
conjuguant les figures de mécène et de poète. On rencontre aussi le cas
étonnant d’un couple de troubadours. Les razos des pièces de Raimon de
Miraval expliquent qu’il avait une femme « Belle et gracieuse et qui savait
bien “trouver” couplets et danses ». Raimon la répudie, croyant épouser son
amie, sous le prétexte « qe non covenian dui trobador en un alberc » (qu’il
ne peut y avoir deux troubadours sous un même toit). Cerner la place de la
trobairitz dans cette infinité de jeux relève de la gageure. Le miroir est
déformant.
Un mythe apparaît au XVIe siècle, à la vie tenace, celui des cours
d’amour, lancé par Jean de Nostredame, le frère de Michel, Nostradamus,
l’astrologue. Jean de Nostredame, dans sa Vie des plus célèbres et anciens
poètes provençaux de 1575, est un grand pourvoyeur de mythes et un grand
inventeur de femmes écrivains. C’est lui qui « invente » Clémence Isaure,
qui passe pour être la fondatrice des Jeux floraux de Toulouse, que nous
avons évoquée. Que seraient les cours d’amour ? Des tribunaux où des
dames rassemblées jugeraient de points de casuistique amoureuse. On
appuie cette théorie au début du XIXe siècle, grande période du « goût
troubadour », sur la découverte d’un manuscrit d’André le Chapelain, le De
arte amandi (L’Art d’aimer), qui enregistre dans sa deuxième partie une
série de « jugements d’amour » rendus par de grandes dames de la fin du
e
XII siècle. C’est François Raynouard qui en 1817, dans son édition d’un

Choix de poésies originales des troubadours, fait connaître ce texte, et l’on


trouve un écho de cette théorie des cours d’amour chez Stendhal, dans un
appendice à son De l’amour en 1822. Mais a-t-on compris alors ce traité ? Il
se présente sur le modèle d’Ovide, combinant l’Ars amatoria et les
Remedia amoris. Écrite par un clerc en latin, l’œuvre dit pouvoir enseigner
l’amour comme un art et se révèle dans sa troisième partie, « De la
condamnation de l’amour », radicalement antiféministe. C’est d’ailleurs
dans les milieux cléricaux que le texte a d’abord circulé et été lu. Ce qu’il
atteste dans sa deuxième partie est du rôle des dames dans les cours
princières et de leur rôle comme animatrices d’une vie littéraire. Le point
focal est Marie de Champagne, à qui sont attribués sept jugements. Trois
jugements reviennent à sa mère Aliénor d’Aquitaine, trois à Alix de
Champagne, troisième femme du roi Louis VII et sœur d’Henri Ier le
Libéral, le mari de Marie de Champagne ; deux à Élisabeth de Vermandois,
comtesse de Flandre et cousine de Marie ; cinq à Ermengarde de Narbonne ;
un enfin à une assemblée de dames en Gascogne. Si les jugements au sein
d’un vrai tribunal sont une invention, le rôle des femmes dans la culture de
cour, comme mécène et comme public, pour la littérature et les arts est bien
attesté.
Des pièces de femmes troubadours portent-elles sur un sujet autre que
l’amour ? On en connaît au moins une où Amor est remplacé, dans un jeu
apprécié avec les lettres, par son envers Roma. Dans le contexte de la
croisade des Albigeois, Gormonde de Montpellier répond à une violente
attaque de Rome par le troubadour toulousain Guillem de Figueira. Dans
son sirventès « Greu m’es a dura » (Il m’est dur de vivre) 6, elle conteste la
diatribe de ce dernier, faisant résonner le mot Roma à presque toutes les
strophes de sa pièce, le plus souvent à l’attaque de celles-ci. Elle se fait le
porte-parole anticathare de l’Église romaine. Qui était-elle ? L’origine que
son nom indique, « de Montpellier », correspond aux orientations de la ville
pendant la croisade contre les Albigeois. La pièce est conservée dans deux
manuscrits languedociens du XIVe siècle. Nous possédons également trois
tensons, c’est-à-dire débats, entre femmes : l’une incomplète entre deux
trobairitz connues, Almucs de Castelnou et Iseut de Capion, les deux autres
anonymes, mais à énonciatrices féminines. Dans les deux premières une
dame intervient, jouant le rôle de médiatrice, pour obtenir la réconciliation
des amants ou l’acceptation par la dame de l’amour de celui qui la prie. Le
sujet du troisième débat et surtout les arguments avancés sont plus
surprenants. Une jeune fille interroge une dame du nom de Carenza pour
savoir si elle doit se marier. Le mariage plairait à la jeune fille (le mot en
langue d’oc est agensar) mais les conséquences du mariage, les maternités,
lui apparaissent comme désastreuses : seins pendants, « que las tetinas
pendon aval jos », et ventre ridé, « lo ventrilh es rüat ». Que conseille la
dame ? Épouser un mari « couronné de science » pour engendrer « un fils
glorieux ». L’interprétation de la pièce est délicate. Doit-on y voir un rejet
de la maternité sous l’influence des théories cathares, le conseil par la dame
de se faire nonne et d’épouser le Christ, ou une pièce moqueuse à l’égard
des débats de casuistique amoureuse proposés par les hommes ?
L’écriture des femmes dans le Midi a été conditionnée par différents
facteurs sociaux et politiques : une indépendance plus grande de la femme
noble qui en général peut hériter et devenir seigneur, non sans débats. Le
cas de Marie de Montpellier est de ce point de vue exemplaire. L’existence
de cours tenues par des femmes de pouvoir comme Ermengarde de
Narbonne a joué un rôle. Les événements majeurs, religieux et historiques,
enfin : hérésie cathare, croisade des Albigeois ont entraîné le fleurissement
d’une littérature politique où les hommes, mais aussi les femmes, ont pris
leur part. Un incident survenu à Pamiers en 1207 au cours d’une conférence
contradictoire entre partisans du catharisme et envoyés catholiques illustre
bien les conceptions différentes sur la place de la femme entre Nord et
Midi. À cette conférence où l’on doit discuter de théologie, des femmes non
seulement participent, mais prennent la parole. Ce qui vaut à l’une d’entre
elles, Esclarmonde de Foix, sœur du comte Raymond-Roger, la réponse
agacée de frère Étienne de la Miséricorde, moine cistercien : « Madame,
allez filer votre quenouille. Il ne vous convient pas d’argumenter dans de
tels débats. » Pour le moine, la parole de la femme est forclose ; quel que
soit son rang, la femme s’égale à sa quenouille. La formule est passée en
proverbe. L’Adversaire dans Le Champion des Dames de Martin Le Franc
l’assène contre les dames qui sortent de leur office : « Or dit on par tout le
lendit : “Filez vos quelongnes, filez / Entre vous, femmes” car l’on
dit / Qu’a aultre chose ne valez » (On dit bien dans toute la foire du Lendit :
« Filez vos quenouilles, filez entre vous, femmes », car on dit que vous
n’êtes bonnes à rien d’autre ; tome IV, v. 16645-16648). De manière plus
surprenante peut-être, dans le Roman de Troyle 7, traduction du Filostrato de
Boccace, œuvre sans doute de Louis de Beauvau, serviteur du roi René,
Troyle reproche à sa sœur Cassandre ses prédictions sinistres avec
l’injonction « alléz prendre vostre quenoille et alléz filler ». La formule a
une longue vie. On la trouve dans le Dictionnaire des proverbes français de
1748 d’André Joseph Panckoucke. Le Larousse du XXe siècle de 1932, sous
la direction de Paul Augé, l’enregistre encore sous la rubrique « locutions
anciennes » du vocable « Quenouille ». Le commentaire est le suivant : « se
disait à une femme qui voulait se mêler de choses passant sa capacité ». On
apprécie l’emploi de l’imparfait.

CONTER
(MARIE DE FRANCE)
Trois œuvres de la fin du XIIe siècle sont signées du nom d’une femme :
Marie. Ce sont les Lais, les Fables et L’Espurgatoire Seint Patriz 8. « Oëz,
seignurs, ke dit Marie », dit le prologue de Guigemar, « Marie ai num, si sui
de France », lit-on à l’épilogue des Fables, et « Jo, Marie, ai mis en
memoire / Le livre de l’Espurgatoire / En romanz, k’il seit entendables / a
laie genz e covenables » (Moi, Marie, j’ai préservé de l’oubli le livre du
Purgatoire, en le mettant en langue romane pour qu’il soit compréhensible
et accessible aux laïcs ; v. 2297-2300) dans le troisième texte. S’agit-il de la
même Marie ? La plupart des critiques s’accordent à le penser mais c’est au
président Fauchet, au XVIe siècle, dans son Recueil de l’origine de la langue
et poésie française de 1581, que l’on doit la « construction » du nom Marie
de France à partir de la mention qu’il lit dans l’épilogue des Fables. On
ajoute parfois à la production de Marie, essentiellement depuis les travaux
de June Hall McCash de 2002 9, La Vie de seinte Audrée, elle aussi signée
Marie et en des termes voisins à ceux rencontrés pour les trois autres
textes : « Mut par est fol ki se oblie. / Ici escris mon nom Marie, / Pur ce ke
soie remembrée » (Il est bien fou qui ne pense pas à lui-même. J’écris ici
mon nom Marie, pour que l’on se souvienne de moi ; v. 4618-4620). Mais il
faut remarquer que la formule « Il est bien fou qui s’oublie » est un
proverbe 10 qui renvoie à l’idée qu’il faut penser à son salut 11. Par ailleurs,
d’autres critiques, Françoise Laurent pour la France, Sharon Kinoshita et
Peggy McCracken 12 pour les États-Unis, ont montré que l’orientation
anglo-saxonne des goûts de la personne qui signe Marie la Vie de seinte
Audrée éloigne d’une attribution à Marie de France. Pour la Marie des Lais,
diverses identités ont été proposées, notamment : fille naturelle de Geoffroi
Plantagenêt, ce qui en ferait la demi-sœur d’Henri II, et abbesse de
Shaftesbury, sœur de Thomas Becket et abbesse de Barking. Toutes ou
presque situent Marie comme vivant en Angleterre dans l’entourage
d’Henri II. Mais ce qui importe est : pourquoi Marie de France signe-t-
elle ? Elle le dit dans l’épilogue des Fables. Pour que d’autres, les clercs, ne
s’approprient pas son travail, son labur. « Cil uevre mal ki sei ublie » (Il
agit mal qui s’oublie), précise-t-elle. À la différence de Christine de Pizan,
deux siècles plus tard, elle ne renvoie pas de l’un de ses ouvrages à l’autre,
des Fables par exemple aux Lais, ce qui entretient chez les critiques une
interrogation : est-ce bien la même femme ? En fait, la conscience de faire
œuvre pour un sujet, homme ou femme, s’apprend ou se développe. Notre
enquête sur la femme écrivain permet de mesurer ce point.
Qu’est-ce qui fait écrire Marie ? La réponse donnée par les auteurs
masculins à cette question tient à leur statut social. Si l’auteur n’est pas
dépendant économiquement, la formule est : « Talent m’est pris de
chanter » (J’ai le désir de chanter). Le mot talent en ancien français désigne
le désir. S’il s’agit d’écrivains commandités, le poète indique d’où vient
l’ordre, à la demande de qui il écrit. Marie est noble. Son contemporain
Denis Piramus, qui a vécu comme elle pendant un temps à la cour
d’Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine, l’appelle « Dame
Marie ». Cette dernière invoque donc son désir. C’est ainsi qu’elle
commence le Lai du Chaitivel : « Talent me prist de remembrer / Un lai
dunt jo oï parler » (J’ai le désir de rappeler un lai dont j’ai entendu parler).
Marie de France n’écrit pas sur commande, même si, dans un deuxième
temps, elle dédie ses œuvres à des personnages particuliers. Elle rend
compte de ce désir d’écrire dans le prologue général de ses lais en utilisant
différents ordres d’arguments. Une justification d’ordre général, d’abord :
l’utilité. C’est un topos d’exorde. Il faut faire fructifier ses dons : « Ki Deus
a duné escïence / Et de parler bone eloquence / Ne s’en deit taisir ne
celer, / Ainz se deit voluntiers mustrer. » (Celui à qui Dieu a donné le savoir
et le don de bien parler, il ne doit pas se taire ni cacher ces dons mais
s’empresser de les rendre manifestes.) Ce prologue montre une conscience
littéraire très vive. Ce texte qu’elle écrit après l’ensemble des douze lais se
présente comme un art poétique. Elle y mentionne sa connaissance des
Anciens — elle cite Priscien —, leur théorie de l’écriture obscure qui
permet la glose, l’utilité d’un travail littéraire difficile qui éloigne du vice,
le choix enfin d’une matière. Diverses options s’offraient à elle : traduire de
« latin en romaunz » — elle sait donc le latin — mais d’autres l’ont fait.
Elle choisit une matière neuve : composer des lais à partir des récits bretons
qu’elle a entendu raconter et ainsi les sauver de l’oubli. Ce rôle accordé à la
mémoire, aussi bien à l’égard des récits des anciens Bretons que de son
propre nom, constitue une sorte de signature. Pour accomplir ce programme
poétique, Marie souligne la peine qu’elle a prise dans ce travail : « Soventes
fiez en ai veillié » (Souvent, j’en ai veillé). Elle vit donc celui-ci non
comme un divertissement, mais comme une mission : « Ki de bone mateire
traite, / Mult li peise si bien n’est faite » (Qui traite d’une bonne matière
souffre beaucoup si elle n’est bien menée), affirme-t-elle à l’ouverture de
Guigemar. Mais elle pointe aussi le plaisir qu’elle prend à rapporter ces
récits et à les mettre par écrit : « Al recunter mut me delit » (À le raconter,
je prends un grand plaisir ; v. 534), dit-elle dans l’épilogue de Milun et à
l’ouverture du Lai du Chèvrefeuille : « Asez me plest e bien le voil » (Tel
est mon grand plaisir et ma volonté). L’écriture a des vertus curatives : elle
éloigne de la douleur, « de grant dolur delivrer » (v. 27). Elle dédie son
œuvre au roi, « En l’honur de vus, nobles reis, / Ki tant estes pruez e
curteis » (En votre honneur, noble roi, qui êtes si vaillant et si courtois)
— on s’accorde à y voir Henri II d’Angleterre —, mais la volonté d’écrire
est venue d’elle : « En mon quoer pensoe e diseie, / Sire, jes vos
presentereie » (Je pensais et disais en mon cœur, Seigneur, que je vous les
offrirais ; v. 49-50). Elle esquisse donc à peine en conclusion, signe de son
rang élevé, un topos d’humilité : « Ne me tenez a surquidiee » (Ne me jugez
pas outrecuidante ; v. 54).
Les sujets abordés par Marie dans ses Lais offrent toute la gamme
possible des rapports de l’homme et de la femme : unions déséquilibrées
d’un vieil homme et d’une jeune femme qui aboutit à la mort de l’amant,
symbolique dans le Laustic, sous les espèces du rossignol, effective dans
Yonec ; naissance d’un enfant hors mariage qui tue le mari officiel (Yonec)
ou qui marie à la fin ses parents (Milun). Quatre en effet des douze lais de
Marie offrent une figure de mal mariée : Guigemar, Yonec, Milun, le
Laustic. D’autres situations se présentent : mariage pour convenance de
lignage (Fresne) avec une jeune fille qui est en fait la sœur jumelle de celle
qu’aime le héros, mariage aussitôt annulé une fois l’identité noble de la
jeune fille aimée reconnue ; mari entre deux femmes (Eliduc) où l’épouse
s’efface en se faisant religieuse, mais où les deux membres du nouveau
couple finissent, au bout d’un temps, par entrer également en religion ; père
qui aime trop sa fille pour accepter qu’elle se marie (Deus Amanz) ;
retrouvailles pour le couple de Tristan et Yseut, désignée seulement par son
titre : « la reine », dans le Lai du Chèvrefeuille. Marie explore la liberté
d’aimer pour l’homme comme pour la femme. Lanval refuse l’amour de la
reine Guenièvre pour celui de la fée ; la dame du Lai des Quatre Deuls ou
Lai du Chaitivel ne veut pas choisir entre ses quatre chevaliers servants et
leur accorde à tous des faveurs, ce qui conduit trois d’entre eux à la mort ;
Guigemar au début de son aventure est incapable d’aimer : « De tant i out
mespris nature / Ke unc de nule amur n’out cure » (En cela Nature s’était
trompée / Car il était insensible à l’amour ; v. 57-58). La dame souvent se
déclare la première, comme Guilliadon dans Eliduc. Marie ne se pose aucun
interdit dans l’exposition de la complexité des rapports humains, dans
l’imbroglio des naissances et des filiations, dans l’obscurité des désirs.
Ainsi que l’affirme le Lai d’Equitan : « Tels est la mesure d’amer / Que nuls
n’i deit reisun garder » (Telle est la mesure en amour que nul n’y peut
garder mesure ; v. 19-20).
Marie met parfois en abyme son écriture par le biais d’un de ses
personnages. Il en va ainsi dans le Lai du Chaitivel où la dame décide
d’écrire un lai de l’aventure :

Pur ceo que tant vus ai amez,


Voil que mis doels seit remembrez ;
De vus quatre ferai un lai
E Quatre Dols le numerai.
(v. 201-204)
(Parce que je vous ai tant aimés, je veux qu’il soit mémoire de ma douleur ; je ferai un
lai à propos de vous quatre et l’appellerai Les Quatre Malheureux.)

Un débat s’engage alors entre la dame et l’amant survivant sur le titre à


donner à l’œuvre. Avec une conscience littéraire qu’on retrouve au
e
XIV siècle chez un auteur comme Guillaume de Machaut, Marie de France

réfléchit sur l’impact du titre quant à la focalisation de l’œuvre. Elle insiste


de plus sur la vie autonome des textes, sur leur diffusion, leur survie, hors
de la volonté de l’auteur ou de l’inspirateur de l’œuvre : « Icil kil porterent
avant, / Quatre Dols l’apelent alquant » (Certains de ceux qui le diffusent
l’appellent Les Quatre Malheureux ; v. 233-234), « Le Chaitivel ad nun en
us » (Il est d’usage de l’appeler Le Malheureux ; v. 237). Par le biais des
titres également et du jeu avec les langues, Marie de France montre la
diffusion de ces histoires et son propre rayonnement entre Angleterre,
Normandie et France. Pour le Bisclavret, elle précise : « Bisclavret a nun en
bretan, / Garwalf l’apelent li Norman » (Il s’appelle Bisclavret en breton,
les Normands l’appellent Loup Garou ; v. 3-4). Pour le Lai du
Chèvrefeuille, « Gotelef l’apelent Engleis, / Chievrefoil le nument
Franceis » (Les Anglais l’appellent Goatleaf, les Français le nomment
Chèvrefeuille ; v. 115-116).
L’étonnante liberté de Marie de France a plu, fasciné même. Le succès
de ses Lais est attesté par le témoignage d’un contemporain Denis Piramus
dans le prologue de sa Vie seint Edmund Le Rei 13. Il analyse d’abord le
roman anonyme de Partenopeus de Blois auquel il reproche son sujet « La
matire ressemble sunge » (La matière ressemble à un songe ; v. 30),
reproche qui s’applique selon lui aussi à Marie qui « compassa les vers de
lais / Ke ne sunt pas de tut verais » (qui fit les vers de lais qui ne sont pas du
tout vrais, v. 38-39). Il prend ainsi de manière très tranchée le contre-pied
de ce que Marie affirme au début du Lai de Guigemar : « Les contes ke jo
sai verrais, / Dunt li Bretun unt fait les lais, / Vos conterai assez briefment »
(Je vais vous raconter de manière très succincte les contes que je sais vrais à
partir desquels les Bretons ont composé leurs lais ; v. 19-21). C’est ce
qu’elle répète dans tous ses lais : à la fin de Bisclavret : « L’aventure k’avez
oïe / Veraie fu, n’en dutez mie » (L’aventure que vous avez entendue fut
véridique, n’en doutez pas ; v. 315-316) ; à la fin des Deus Amanz : « issi
avint cum dit vus ai » (cela arriva comme je vous l’ai raconté ; v. 253) ; à
l’ouverture d’Eliduc : « D’un mut ancïen lai bretun / Le cunte e tute la
reisun / Vus dirai, ci cum jeo entent / La verité, mun escïent » (Je vous ferai
d’un très ancien lai breton le récit et l’exposition et vous dirai, comme je
l’entends, la vérité à ce que j’en sais ; v. 1-4). Qu’est-ce que Marie entend
par cette formule ? Elle désigne des récits qu’elle a réellement entendu
conter, d’une part, et de l’autre des récits qui disent la vérité du désir et en
particulier du désir de la femme. On est frappé à lire les douze lais de la
position de l’auteure quant au mariage et de sa liberté par rapport à la
morale chrétienne à ce sujet. Des enfants naissent hors mariage : Yonec,
Milun. Dans le cas de Yonec, l’enfant de l’adultère hérite du mari de sa
mère qui n’est pas son père et qu’il tue. Le merveilleux a une fonction
libératrice. Il délivre les mal mariées (la dame de Guigemar, la mère de
Yonec) de la prison où les tenaient enfermées leurs maris, vieux et jaloux.
Denis Piramus a de toute évidence une autre conception de la vérité que
celle de Marie. Il la comprend non comme vérité humaine, mais dans une
opposition simple avec le merveilleux, la vérité pour lui relève du réel et
non de l’imaginaire. Fait-il partie de ces envieux que la poétesse évoque au
début de Guigemar, de ceux qui ont dit « vileinie » d’« Hummë u femme de
grant pris » (v. 8) ? Il est frappé en tout cas par l’engouement que suscitent
les lais (et en est peut-être jaloux) — le verbe aimer et ses synonymes avoir
chier reviennent avec insistance —, engouement qui se marque aussi bien
chez les hommes — « cunte, barun, e chevalier » — que chez les dames.
Tous se les font lire ou réciter et y prennent du plaisir. Les hommes « i unt
delit » (v. 45), les dames « les oient de joie e de gré / Qu’il sunt sulum lur
volenté » (les entendent avec joie et plaisir car ils sont selon leur
inclination ; v. 48-49). Ce succès a suscité chez les clercs émulation et
rivalité.
Une réaction est radicale par sa violence. Elle tourne en dérision
l’entreprise de Marie, sentie comme une provocation. Elle répond au
scandale de l’écriture d’une femme par la grossièreté et le rire. L’auteur
anonyme est habile. Il récrit tout d’abord le prologue général des lais de
Marie de France, en substituant à sa réflexion théorique une explication
historique qui rend compte de l’écriture des lais. Ces compositions ont lieu
au jour d’une fête, la saint Pantaléon. On se réunit pour raconter des
aventures chevaleresques et amoureuses. La meilleure histoire est retenue
pour en faire, en commun, un lai auquel on donne le nom du héros de
l’aventure. Le lai est ensuite mis en musique et largement diffusé. Plus
d’écriture individuelle, plus de travail et de peine poétique, les lais
s’écrivent dans l’amusement. Il passe alors à l’écriture particulière de son
lai, le Lai du lecheor 14 (le Lai du débauché). Il est le fait d’un groupe de
dames qui ont répondu à la question de l’une d’entre elles : quel est le
moteur de l’action chevaleresque ? Mise dans la bouche des dames, la
réponse est crue, le con : « Faisons du con le lai nouvel » (v. 97). Les dames
mettent ce récit en chant et tous, hommes comme femmes, élisent ce lai
comme le meilleur. L’auteur parachève alors sa parodie en donnant à
l’œuvre, comme le fait souvent Marie de France, un double titre, révélant et
cachant le titre obscène : « D’icest lai dïent li plusor / Que c’est le lai du
Lechëor ; / Ne voil pas dire le droit non / C’on nu me tort a mesprison »
(Beaucoup disent que ce lai / est celui du Débauché ; / je ne veux pas dire
son juste nom / Qu’on ne m’impute cette nomination comme une faute ;
v. 117-120).
La critique peut être plus ponctuelle et ne porter que sur un point,
mettant en valeur ce qu’un auteur homme estime devoir être corrigé. Ainsi,
quelques années après Marie, Gautier d’Arras 15 écrit un roman, Ille et
Galeron, sur le thème du mari entre deux femmes. C’est le thème du Lai
d’Eliduc dont Gautier transporte pour une part l’histoire à Rome. Certes, le
schéma du mari entre deux femmes est un thème folklorique, mais que
Gautier d’Arras ait en ligne de mire le texte de Marie est patent. Ille est le
fils d’Eliduc, un petit seigneur breton, Galeron la sœur du duc de Bretagne.
L’auteur affirme vouloir écrire un lai en honneur de sa dédicataire, Béatrix
de Bourgogne, impératrice du Saint-Empire : « car a s’onor voel faire.
I lai / de Galeron, seror le duc, / et d’Ille, le fils Eliduc » (car en son
honneur je veux composer un lai au sujet de Galeron, la sœur du duc, et
d’Ille le fils d’Eliduc ; v. 131-133). Un lai, comme Marie, alors que de par
sa longueur son œuvre est un roman. Un lai parce que le genre du lai est
apprécié du public de cour grâce à la diversité de ses thèmes amoureux :
« Car en amor a maint degré » (car en amour il y a bien des degrés ; v. 921).
Il précise : « mes s’autrement n’alast l’amors, / li lais ne fust pas si en
cours / nel prisaissent tot li baron » (mais si l’amour en allait autrement, le
lai ne serait pas si à la mode et les seigneurs ne l’apprécieraient pas tant ;
v. 928-930). Que reproche-t-il à l’œuvre de sa prédécesseure et que corrige-
t-il ? Comme Denis Piramus, le manque de vérité, l’atmosphère de féerie et
de rêve : « Tex lais i a, qui les entent, / se li sanlent tot ensement / com
s’eüst dormi et songié » (De tels lais apparaissent, à celui qui les entend,
exactement comme s’il avait dormi et rêvé ; v. 934-936). Dans son roman à
lui, au contraire, « n’i a fantome ne alonge / ne ja n’i troverés mençonge »
(il n’y a ni illusion ni ajout. Vous n’y trouverez pas un mensonge ; v. 932-
933). Il réprouve donc le merveilleux qui enveloppe l’œuvre de Marie et sa
conception de l’amour. Alors que la jeune fille du Lai d’Eliduc, Guilliadon,
se déclarait la première dans une liberté semblable à celle des femmes
troubadours, Galeron, qui deviendra l’épouse d’Ille et qui lui est d’un rang
supérieur, lui répond en quelque sorte : « qu’il n’afiert pas que feme
die : / “Je voel devenir vostre amie” » (car il ne sied pas qu’une femme
dise : « Je veux être votre amie » ; v. 1223-1224). L’analyse de Gautier est
uniformément morale et chrétienne. Alors qu’Eliduc est partagé entre la
fidélité due à son épouse et l’amour qui le pousse vers la jeune fille de terre
étrangère qui s’offre à lui, Ille reste immuablement fidèle à son épouse
Galeron. Le titre adopté par Gautier dit le changement de perspective. C’est
celui du couple premier Ille et Galeron, alors que Marie unit dans l’un des
titres de son lai les deux femmes qui se partagent l’amour d’Eliduc :
Guildeoëc et Gualadun (v. 22), l’épouse et la jeune fille.
D’autres réactions masculines se manifestent au cours des siècles face
aux lais de Marie de France. Au début du XIVe siècle, deux de ses lais sont
récrits par le Clerc de Troyes dans son Renart le Contrefait 16 comme
arguments misogynes, de la part de Renart, contre le mariage : le Lai du
Laustic et le Lai du Bisclavret. La conclusion qui vaut pour l’une comme
pour l’autre de ces récritures se résume dans le vers « Trop est cilz fox qui
se marie » (Il est bien fou celui qui se marie). Il faut dire que ce clerc a été
déchu de son statut pour cause de bigamie, à savoir pour le Moyen Âge
avoir épousé une veuve. Pour lui, la femme est toujours trompeuse,
forcément trompeuse. Il ne renvoie jamais à Marie et il n’est pas exclu qu’il
ait eu directement recours aux légendes à la base de ces deux lais. Il dit
ainsi avoir trouvé le Lai du Rossignol dans une « vielle estoire » (il ne
prononce pas le nom breton de Laüstic qu’emploie Marie), mais on
rencontre dans son texte un vers, « Cilz [il s’agit de l’ami de la dame] ne l’a
pas an obli mis » (p. 234), qui rappelle des formulations de Marie. Pour le
Lai du Bisclavret, la technique de dissimulation est plus nette encore
puisqu’il avoue une source, « le livre dou grael », en disant à son lecteur, en
quelque sorte, « bien malin si tu trouves ce lai dans ce livre » :

Ge te conte tout verité,


Et certain conme autorité
Ou livre dou grael est mis ;
La l’orras, se tu tout le lis.
(Je te raconte toute la vérite ; assurée comme une autorité elle se trouve dans le livre
du graal ; là tu l’entendras si tu le lis en entier.)

Ces réactions de démarquage et de correction montrent bien que Marie a été


reconnue comme une auteure d’une stature telle qu’il faut pour les auteurs
masculins rivaliser avec elle sans avouer qu’ils s’en inspirent.
La copie de certaines de ses œuvres apporte plus uniment preuve de son
statut, de l’autorité qu’elle a acquise. Il en va ainsi du manuscrit 3142
conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, manuscrit du XIIIe siècle qui
contient l’œuvre d’Adenet le Roi, commandée par deux femmes, la reine de
France Marie de Brabant, deuxième épouse de Philippe III le Hardi, et la
fille de Saint Louis, Blanche 17. Il comporte en dehors d’Adenet un
ensemble d’œuvres à visée morale et didactique et parmi elles les Fables de
Marie de France. Cette section est encadrée de deux portraits de l’auteur
(ill. 6 et 6 bis). Dans le premier (fo 256), Marie est assise face à un pupitre,
en train d’écrire, le calame dans la main droite, le canivet (le petit couteau
qui sert de grattoir) dans la gauche. Dans la miniature qui clôt la copie des
Fables (fo 273), Marie, assise, a un volume à moitié ouvert entre les mains
et à ses pieds un coffre renfermant d’autres livres.
6. Marie de France, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal,
o
ms 3142, f 256 r.
o
6 bis. Marie de France, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 3142, f 273 r.

Marie avait choisi de transcrire des contes oraux bretons dans les Lais.
Avec les Fables, elle dit traduire de l’anglais du roi Alfred des fables
d’origine antique. Dans Le Purgatoire de saint Patrick, elle adapte le récit
latin d’un moine anglais, Henry de Saltrey. Cette traversée des langues est
un excellent témoin de l’ampleur de sa culture et de la diversité de ses
intérêts. Si l’on en juge par le nombre de manuscrits conservés — vingt-
cinq à l’heure actuelle —, son recueil de cent deux fables a eu du succès, et
davantage que les lais dont on ne compte que six manuscrits. Un recueil de
fables répondait plus sans doute à ce que l’on attend de l’écriture d’une
femme au Moyen Âge. L’auteur de l’Isopet I ne dit-il pas qu’il a écrit son
recueil tout particulièrement pour les dames ? Même si Marie de France ne
dédie pas son recueil à une femme, mais à un « cunte Willame / le plus
vaillant de nul realme » (un comte Guillaume, le plus valeureux de tout
royaume ; Épilogue, v. 9-10) — on pense soit à Guillaume de Mandeville,
comte d’Essex de 1167 à 1189, soit à Guillaume le Maréchal, comte de
Pembroke en 1199 —, même si elle ne le concevait pas comme un miroir
pour les dames mais bien, comme on a pu le montrer, comme un miroir des
princes, ses fables, avec d’autres recueils de fables ou avec des écrits de
type didactique, se trouvent dans des bibliothèques de femmes. Marie de
Brabant, deuxième femme de Philippe III de France, dit le Hardi, possède le
manuscrit de l’Arsenal 3142.
La stature de Marie de France au XIIe siècle est exceptionnelle par sa
culture, latine, celtique et française. Elle cite Priscien dans son Prologue
général (v. 10), Ovide dans le Lai de Guigemar (v. 239), elle connaît la
légende arthurienne, les histoires de Tristan et d’Iseut comme en témoigne
son Lai du Chèvrefeuille : « Plusur le m’unt cunté e dit / E jeo l’ai trouvé en
escrit / De Tristam e de la reïne » (Plusieurs me l’ont racontée et dite et je
l’ai trouvée écrite, l’histoire de Tristan et de la reine ; v. 5-7). Elle est
volontairement originale par ses choix d’écriture : écrire à partir de récits
oraux celtes plutôt que de traduire du latin. Elle est exceptionnelle enfin par
la conscience de son art qui implique un travail et n’est pas pensé comme
un pur divertissement. On ne rencontre pas une femme de son envergure
écrivant en français au XIIIe siècle. Christine de Pizan, qui ne la connaît sans
doute pas, ne la cite pas.

ÉCRIRE DE L’INTÉRIEUR D’UN COUVENT


Le cas de la religieuse est particulier. On l’a vu avec Philippe de
Novarre, c’est à elle qu’il est licite d’apprendre à lire et à écrire et, par les
fonctions spécialisées qui régissent un couvent, elle peut, si on le lui
permet, disposer des conditions matérielles pour écrire. Elle est déchargée
des tâches qui s’imposent à la femme mariée qui, si elle n’est pas noble,
n’aura ni le temps, ni la possibilité d’écrire, ni la culture nécessaire pour le
faire. Une figure tout à fait exceptionnelle domine le XIIe siècle, celle
d’Hildegarde de Bingen (1098-1179). Elle écrit en latin.
D’une famille noble, de langue maternelle allemande, elle entre à l’âge
de huit ans au monastère bénédictin du Disibodenberg dans la vallée du
Rhin, où elle reçoit son éducation de sa magistra, sa « maistre », Jutta von
Spanheim. À la mort de celle-ci, en 1136, elle devient la supérieure du
couvent. Depuis l’enfance elle connaît des visions que Dieu lui enjoint à
partir de 1141 — elle a passé quarante ans — de mettre par écrit : « Écris ce
que tu vois et ce que tu entends ! », rapporte-t-elle dans le Prologue de son
premier ouvrage. Ses visions, qui correspondent à trois moments de son
expérience, sont consignées dans trois livres : le Scivias (« Connais les
voies ») écrit entre 1141 et 1150, le Liber vitae meritorum (Livre des
mérites) écrit entre 1158 et 1163 et le Liber divinorum operum (Livre des
Œuvres divines) commencé en 1163. Les manuscrits, magnifiquement
enluminés, rendent compte par les images de cette transmission de la voix
divine. Elles montrent Hildegarde, la tête frappée de langues de feu rouges,
notant sur des tablettes, alors que dans la pièce voisine son secrétaire
Vollmar, qui l’aide à mettre en forme ses visions, écrit dans un livre 18. Le
don de visionnaire d’Hildegarde a été reconnu par le pape Eugène III lors
d’un synode qu’il préside à Trèves à la fin de l’année 1147. En de véritables
tournées qui la mènent en Lorraine, en Westphalie, en Souabe, Hildegarde
prend la parole en public — chose étonnante pour une femme — afin
d’exhorter le clergé à une réforme de l’Église. Elle entretient une vaste
correspondance avec les figures marquantes de son temps : plus de trois
cents lettres sont conservées. Elle écrit ainsi à Bernard de Clairvaux, à
Aliénor d’Aquitaine ou encore à Élisabeth de Schönau, autre visionnaire et
mystique de son époque. Hildegarde a aussi écrit des œuvres lyriques : une
Symphonia harmoniae celestium revelationum (Symphonie de l’harmonie
des révélations célestes), saluée par le maître parisien Eudes de Soissons
pour la nouveauté de ses chants, et un traité de médecine, Causae et curae
(Les Causes et les remèdes). Elle forge dans son latin un terme qui a une
importance capitale dans sa pensée : la viriditas, la verdeur, l’humidité, qui
caractérise l’imprégnation de la grâce, mais mot où l’on entend aussi, par la
magie des sonorités et par le pouvoir de l’analogie, vis, la force, et vir,
l’homme. La viridité instaure une métaphysique des fluides qui unit théorie
des humeurs, infusion de l’Esprit Saint, fécondité. Hildegarde pense
l’homme et le cosmos par ce concept. La lettre qu’elle adresse à Bernard de
Clairvaux témoigne de son inquiétude face à ses visions. La distorsion entre
ce qu’elle voit et comprend à l’intérieur de l’âme et ce qu’elle est,
« misérable, et plus que misérable dans [s]a condition de femme », fait
naître en elle doute et souffrance : « En effet, dans le texte du Psautier, de
l’Évangile et des autres volumes qui me sont montrés dans cette vision, je
connais le sens intérieur qui touche mon cœur et mon âme comme une
flamme brûlante, m’enseignant les profondeurs de l’explication, sans
pourtant m’enseigner la maîtrise littéraire en langue teutonique, dont je suis
dépourvue, car je ne sais lire que de façon simple, non en analysant le
texte » 19. Doit-elle parler ? Ce sentiment de déchirement est celui de toutes
les femmes visionnaires. La réponse de Bernard est succincte. Il s’excuse de
cette brièveté en invoquant ses obligations. La différence de sensibilité
entre ces deux grandes figures de l’Église en ce milieu du XIIe siècle est
patente. Est-ce la distance de statut entre un homme et une femme ?
Une écriture féminine à l’intérieur d’un couvent, en langue
vernaculaire, est documentée dans l’Angleterre anglo-normande, à l’abbaye
bénédictine de Barking dans l’Essex, à la fin du XIIe siècle. Cette abbaye,
« fondation ancienne dont les abbesses furent presque toujours de la famille
royale », fut, ainsi que l’écrit Mary Dominica Legge 20, « un foyer
littéraire ». Une religieuse y compose une Vie de sainte Catherine 21 en vers
à partir d’un texte latin antérieur qu’elle adapte et remanie en direction d’un
public qui connaît et apprécie la littérature courtoise. Elle se désigne et
signe : « Jo ki sa vie ai translatee / Par nun suis Clemence numee / De
Berkinge sui nunain / Por s’amor pris ceste oeuvre en main » (Moi qui ai
traduit sa vie / M’appelle Clémence / Je suis nonne à Barking / Pour son
amour je me suis attelée à cette œuvre ; v. 2677-2689). À l’ouverture de son
texte, elle recourt à une justification morale que l’on trouve également dans
le prologue de Marie de France, épandre le bien :

Cil ki le bien set et entent


Demustrer le deit sagement,
Ke par le fruit de sa bunté
Seient li autre amonesté
De bien faire et de bien valoir
Selon chou qu’il ont le pooir.
(Celui qui connaît le bien et le comprend doit le montrer avec sagesse afin que grâce
au fruit de sa bonté les autres soient incités à faire le bien et à bien valoir à la mesure
de leur pouvoir.)

À la même époque est produit à Barking un autre texte hagiographique :


22
La Vie d’Edouard le Confesseur par une nonne qui, elle, refuse de se faire
connaître en arguant — forme que prend chez elle le topos d’humilité — de
sa mauvaise connaissance du français : « Un faus franceis sai
d’Angleterre / Ke ne l’alai ailurs quere. / Mais vu ki ailurs apris l’avez, / La
u mester iert, l’amendez » (Je connais un français maladroit
d’Angleterre / Je ne suis pas allée le chercher ailleurs. / Mais vous, qui
l’avez appris ailleurs / Là où il en est besoin, amendez-le ; v. 7-10). Cette
nonne s’appuie sur la Vita écrite en 1163 par Aelred de Rievaulx pour
commémorer la translation des reliques du roi. Est-ce la même religieuse
qui a écrit les deux textes ? La Vie d’Edouard le Confesseur serait alors le
premier essai de Clémence, écrit à un moment où elle n’est pas encore sûre
de sa maîtrise du français. On lit dans la rédaction en prose 23 de cette Vie :
« Ceste livre fu translatee en l’abeïe de Berkinges. Une des anceles
Jhesucrist le translata, mais ses nons n’est mie noumés, quar ele n’est
encore pas digne, selon s’entente, que ses nons soit leüs en la vie si grant
home come fu li sains roys Edouart » (Ce livre a été traduit à l’abbaye de
Barking. Une servante de Jésus-Christ le traduisit mais son nom n’est pas
nommé car elle n’est pas encore digne, à son avis, que son nom figure dans
la vie d’un homme si important comme fut le saint roi Édouard.) Ce qui
frappe est le choix des saints ou saintes retenus par cette ou ces
religieuse(s) : un saint, Édouard, dont l’utilisation politique par Henri II est
manifeste — le texte de la traduction est d’ailleurs dédié au roi et à la reine
Aliénor ; une sainte intellectuelle, Catherine, connue pour sa lutte
victorieuse face aux docteurs. Barking, qui a accueilli en son sein à partir de
1173 la sœur cadette de Thomas Becket, Marie, comme abbesse, est bien un
centre intellectuel.
L’écriture de vies de saints, et tout particulièrement de saintes, est bien
attestée pour les religieuses d’un bout à l’autre du Moyen Âge. Baudonivie,
au début du VIIe siècle (entre 609 et 614), écrit en latin une Vie de sainte
Radegonde qui suit, dans le manuscrit qui la conserve daté de vers 1100, la
vie de la sainte par l’évêque Venance Fortunat (c. 530-609). Il s’agit du
manuscrit 250 de la médiathèque de Poitiers 24 qui offre au folio 43v un
portrait de la moniale Baudonivie. Elle écrit son texte sur des tablettes de
cire et tient dans la main droite un stylet, alors que Venance Fortunat,
représenté au folio 21v, écrit sur une feuille de parchemin avec plume, encre
et canivet. Cette différence de support a-t-elle un sens à mettre en rapport
avec le genre des deux écrivains ? Nous le pensons. À la femme est attribué
le support d’écriture éphémère, ce qui implique que le texte qui y figure
peut être repris dans un livre. C’est ce que nous observons dans la
représentation des scènes d’inspiration d’Hildegarde de Bingen par les
miniaturistes des XIIe et XIIIe siècles. À la femme le support transitoire, les
tablettes, à l’homme le support pérenne. Mais peut-être les tablettes
attribuées à la femme ont-elles une autre valeur. Une enquête serait à mener
mais la répartition est incontestablement genrée.
En langue vernaculaire, d’autres religieuses écrivent des vies de saintes.
Agnès d’Harcourt (elle meurt en 1291), clarisse, écrit la vie d’Isabelle de
France (1225-1270), la sœur de Saint Louis, à la demande d’un autre frère
d’Isabelle, Charles d’Anjou, en vue de la béatification de celle-ci. Le texte
relate donc sa vie et ses miracles, en prose. Agnès a été la compagne
d’Isabelle de France dans le couvent de Longchamp qu’Isabelle avait fondé
en 1255 et où elle s’était retirée. Dans le même temps, Philippa Porcelet
(morte en 1316) écrit en provençal et en prose une vie de Douceline de
Digne 25, née en 1214 et qui meurt en 1274, sa compagne de béguinage.
Philippa, arlésienne, d’une famille de la noblesse provençale, avait suivi
Douceline à la suite de son veuvage, dans ses établissements des Dames de
Roubaud, du nom de la rivière qui arrose Hyères, à Hyères et à Marseille.
Elle calque sa Vie sur la Vita de saint François, présentant un dossier des
paroles et des actes de Douceline en vue d’obtenir une reconnaissance
officielle de cette dernière par l’église. Philippa ne signe pas l’œuvre et
parle d’elle à la troisième personne, renvoyant à Dieu, « le Maître de
vérité », les mérites de l’ouvrage, Dieu, « principals fazeires e maistre » de
l’ouvrage. Seuls les défauts proviennent de la rudesse et de l’ignorance de
la personne qui l’a écrit, « la grosseza e’l non saber de la persona » (fin du
chapitre XV). Marguerite d’Oingt écrit en franco-provençal une Vie de
sainte Béatrix d’Ornacieux, chartreuse comme elle ; Perrine de la Roche et
de Baume donne, non pas une vie de sainte Colette (1381-1447), mais un
recueil d’anecdotes et de miracles dont elle a été le témoin direct, elle qui
pendant trente ans a été compagne de Colette. La Vie de sainte Colette, elle,
est rédigée juste après sa mort par son confesseur, le franciscain Pierre de
Reims ou de Vaux. Toutes ces religieuses livrent une écriture de
témoignage, rendant compte des femmes saintes qu’elles ont côtoyées, dans
le but souvent de faire reconnaître par l’Église leur sainteté. Parallèlement,
les religieuses continuent à écrire des vies de saints soit comme copistes,
soit comme rédactrices de vies nouvelles. En 1477, une religieuse
bénédictine de Wallonie achève une Legent doré qui suit essentiellement la
traduction de Jean de Vignay de la Legenda aurea de Jacques de Voragine,
mais qu’elle enrichit de vies puisées dans le Myreur des histors de Jean
d’Outremeuse. Certaines de ces femmes, enfin, laissent un témoignage sur
leur vie spirituelle. C’est le cas, en franco-provençal, de Marguerite
d’Oingt.
Née autour de 1240, d’une famille du Beaujolais, elle entre à la
chartreuse de Poleteins dans les Dombes dont elle devient la prieure. Elle
meurt en 1310. Ses œuvres 26 ont été conservées dans un manuscrit du
milieu du XIVe siècle ayant appartenu à la Grande Chartreuse. Elles
comportent, en dehors de la Vie de sainte Béatrix d’Ornacieux, un texte en
latin, son premier texte, qui date de 1286, intitulé Pagina meditationum, un
texte en franco-provençal désigné sous le nom de Speculum (Miroir) par le
copiste, et un ensemble de lettres. À l’ouverture de ses Méditations,
Marguerite se présente en je : « ego Margareta, ancilla Christi » (§ 1), alors
que dans le Miroir, où elle retrace ses visions, la présentation est indirecte :
la « persona que jo conoisso » (§ 1), « citi (cette) creatura ». Cette
modulation dans la désignation pointe la nature différente des deux textes :
méditations d’un côté, assumées en première personne, visions de l’autre,
vécues comme une grâce de Dieu et qui, distinguant Marguerite, exigent
d’autant plus d’humilité en retour. Elles sont énoncées à la troisième
personne. Marguerite appelle cette grâce de Dieu qui se manifeste dans
toute son activité une « grant cortesi(e) » (Miroir, § 1, Lettres, § 147),
vocabulaire du monde pour dire l’ineffable. Dieu lui fournit l’exemplaire
original de ce qu’elle écrit, l’exemplar (Pagina, § 4), selon le vocabulaire
même qu’utilisent les copistes. Elle se pense comme scribe d’un Dieu qui
écrit dans son cœur. Aussi l’image du livre est-elle intensément présente
dans ses écrits. Une de ses visions consiste en l’apparition du Christ tenant
un livre fermé, écrit à l’extérieur en lettres de trois couleurs, blanches,
noires et vermeilles, avec des fermoirs portant des inscriptions latines en
lettres d’or : « Deus erit omnia in omnibus » (Dieu sera tout pour tous)
(saint Paul) sur l’un et « Mirabilis Deus in sanctis suis » (Dieu admirable
dans ses saints) (les Psaumes) sur l’autre (Miroir, § 2, 3, 4, 5). Elle
commente ces couleurs. En lettres blanches est écrite la vie du Christ,
« toute blanche par sa très grande innocence », en lettres noires les coups
portés par les Juifs, en lettres vermeilles les plaies. Ce symbolisme des
lettres de couleur est très souvent utilisé par les auteurs médiévaux *1, avec
des interprétations parfois légèrement différentes mais où les polarisations
restent les mêmes. Le blanc, positif, s’oppose au noir, négatif (souvent ce
sont les péchés ou le passé qui s’écrivent en cette couleur), le rouge
renvoyant au sang, à la Passion du Christ. Puis, dans une seconde vision, ce
livre qui rappelle celui de l’Apocalypse, écrit comme lui en dehors et clos
de fermoirs d’or, s’ouvre. Il n’a que deux pages et s’offre comme un miroir
dans lequel apparaît un lieu merveilleux, inondé de lumière, d’une douceur
infinie et répandant une odeur suave. Dans une autre vision (Lettres, § 145),
c’est un arbre qui porte écrit sur ses feuilles, en latin, le nom des cinq sens :
visu, auditu, gustu, odoratu, tactu, qui lui apparaît. Écrit et image portant à
la méditation sont étroitement liés. Un autre réseau d’associations parcourt
ses réflexions, celui du Christ comme mère et du Christ en gésine sur la
croix. « N’es-tu pas ma mère et plus que ma mère ? », s’écrie-t-elle à son
adresse dans ses Méditations (§ 33), et elle offre un tableau de la crucifixion
comme d’un accouchement, évoquant la douleur de Jésus qui permet
l’engendrement d’un monde nouveau. L’image du Christ comme mère,
ainsi que Caroline Bynum l’a noté 27, n’est pas propre à l’écriture des
femmes mystiques et apparaît d’abord dans les discours religieux
masculins, celui de saint Anselme en premier, semble-t-il, mais l’inflexion
que lui fait subir Marguerite d’Oingt mérite d’être relevée. Ce n’est pas
l’aspect nourricier de la fonction maternelle qui est souligné mais son
aspect, pourrait-on dire, sacrificiel dans l’accouchement sur la croix. Ce que
revendique Marguerite en proclamant que le Christ est sa mère et plus que
sa mère, c’est l’inscription dans une généalogie, être né du Christ et
appartenir donc à sa famille. Elle se félicite de n’être attachée qu’au
Seigneur et non « in servitute et subiectione hominis » (§ 102), dans la
servitude et la sujétion à l’homme.
Pourquoi Marguerite écrit-elle, ce qui n’est pas l’usage chez les
moniales chartreuses ? Non pour le monde : « quar jo ne sui pas persona
que doie escrire chosa durable ne que doyent estre misse avant » (car je ne
suis pas une personne destinée à écrire des choses durables ni qui doivent
être mises en avant) 28, affirme-t-elle aux religieux visiteurs de son couvent
qui, eux, jugeront ses écrits dignes d’être conservés et l’encourageront à
l’écriture. Ses écrits sont pour elle un support à la méditation et un remède
pour décharger son cœur trop empli après une vision. Marguerite se montre
envahie, comme subjuguée par certaines paroles ou certains mots. Ainsi du
mot vehemens. Il déclenche chez elle la vision de l’arbre sec dans un désert
(c’est l’arbre aux branches portant l’inscription des cinq sens), abattu puis
arraché par un ruisseau dévalant de la montagne. Ses racines se dressent
alors vers le ciel et il reverdit. Pas d’explication, mais la juxtaposition d’une
interrogation linguistique et d’une vision. Dans un raccourci saisissant,
l’image du ruisseau dévalant permet de comprendre la force de la grâce et la
signification du mot « véhément ».

HORS DU COUVENT :
L’ÉCRITURE DES BÉGUINES
Le mouvement des béguines joue un rôle important dans la conscience
que prend la femme d’une possible autonomie matérielle et intellectuelle.
Qui sont ces femmes ? Des célibataires ou des veuves pieuses qui se
regroupent en communautés laïques, sans règle. Le mouvement apparaît à
la fin du XIIe siècle dans le diocèse de Liège, s’étend dans la région rhénane
puis plus largement en Europe. Il suscite des réactions violentes au sein de
l’Église. Au second concile de Lyon, en 1274, Gilbert de Tournai, frère
mineur, intitule le rapport qu’il y présente De scandalis ecclesiae (Des
scandales de l’Église). Il mentionne en particulier les béguines, femmes
illettrées selon lui. Il veut dire par là : femmes ne sachant pas le latin. Que
leur reproche Gilbert de Tournai ? D’usurper la position du clerc en
enseignant et en transmettant tout particulièrement ce qu’il disqualifie des
termes de « subtilitates » (des subtilités au sens qu’il donne à ce terme, à
savoir des hérésies) et de « novitates », des nouveautés. L’utilisation du
vernaculaire fait partie de ces nouveautés. La vocation enseignante des
béguines 29 est sentie comme un danger par les clercs, qu’elle se déploie au
niveau élémentaire de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à des
enfants, filles et garçons, ou qu’elle s’étende à la diffusion d’une pensée
élaborée hors du contrôle unique de l’Église. Les béguines ont écrit, ou fait
écrire, en français, ou plus exactement en picard pour Marguerite Porete, en
flamand pour Hadewijch d’Anvers, en allemand pour Mechtild (Mathilde)
de Magdeburg, en provençal pour Philippa Porcelet. Douceline de Digne
dont elle rapporte la vie fonde, ainsi qu’elle le retrace au deuxième chapitre
de cette Vie, les béguines de Provence avec l’aide de son frère, Hugues de
Digne, prédicateur franciscain célèbre.
Marguerite Porete meurt la même année que Marguerite d’Oingt.
Béguine, originaire du Hainaut — on pense à la ville de Valenciennes — où
son livre est brûlé une première fois en 1306, elle est brûlée vive à Paris,
place de Grève, en 1310, comme hérétique et relapse. Son livre, Le Mirouer
des simples ames anienties et qui seulement demourent en vouloir et desir
d’amour 30, n’a été conservé que dans un manuscrit en français, une copie
rajeunie du XVe siècle, et deux en latin, mais il a connu une diffusion dans
les langues de l’Europe, en Italie en particulier. On compte deux traductions
italiennes, une traduction anglaise et peut-être une traduction allemande.
C’est une spéculation sur l’amour mystique qui fait dialoguer, pour
l’essentiel, Âme, Amour et Raison. La Trinité de Marguerite Porete se
compose d’essences féminines, Amour et Âme, mais aussi d’une entité
désignée au masculin, le Loingprés qui représente Dieu en ses paradoxes,
tout à la fois éloigné et proche. Le texte unit poèmes — certains à forme
fixe, comme un rondeau — et chapitres en prose au nombre de 139 ou 140.
Le texte en effet n’a pas été rédigé d’une seule traite, mais recueille au fil
des années, selon les spécialistes, l’enseignement qu’elle dispensait à ses
compagnes de béguinage. Il s’ouvre sur une pièce lyrique en quatre
strophes de sept octosyllabes : « Vous qui en ce livre lirez » qui dénie aux
théologiens et aux clercs la compréhension du livre s’ils n’abandonnent,
avec humilité, Raison au profit d’Amour et de Foi : « Humiliez dont voz
sciences / Qui sont de Raison fondees », enseigne la dernière strophe.
Raison est sans cesse prise en défaut, marquant son ébahissement (c’est le
titre du chapitre 8) par des formules du type « Hee, pour Dieu ! dit Raison,
qu’esse a dire ? » (chapitre 9), formule qui ponctue tout le chapitre 11, ou
« He Dieux ! he Dieux ! he Dieux ! dit Raison, que dit ceste creature ? C’est
maintenant pour tout esbahir ! » (chapitre 86), ou encore « Hay Dieux, dit
Raison, comment ose l’en ce dire ? » (chapitre 87). Le langage de
Marguerite Porete, très imagé, animé par des proverbes, vigoureux
— « asnes » sont ceux d’après elle qui vivent du conseil de Raison
(chapitre 68) —, s’adresse d’abord à des auditeurs : « Or oyez et entendez
bien, auditeurs de ce livre ! » (chapitre 12), « Entendez ces motz
divinement, par amour, auditeurs de ce livre » (chapitre 58), « Entendez la
glose, auditeurs de ce livre » (chapitre 82). Cette volonté d’enseigner, voire
cette posture du prêche — interdit aux femmes —, cette position d’autorité,
cette assurance et cette détermination n’ont pas paru admissibles à
l’inquisiteur Guillaume de Paris, dominicain, confesseur du roi Philippe le
Bel, et aux vingt et un théologiens de la Sorbonne qui condamnèrent
Marguerite Porete. Elle fut brûlée avec son livre. Des exemplaires pourtant
ont subsisté. Marguerite de Navarre au XVIe siècle en a lu un (notre actuel
manuscrit de Chantilly), sans doute dans la bibliothèque du couvent de
Madeleine-lès-Orléans que la reine de Navarre fréquentait. Ce couvent
dépendait de l’ordre de Fontevrault. Elle parle longuement dans ses
Prisons 31 de Marguerite Porete et de son livre :

Mais entre tous, j’en viz ung d’une femme,


Depuys cent ans escript, remply de flamme
De charité si treardentement,
Que rien qu’amour n’estoit son argument,
Commancement et fin de son parler.
(Livre III, v. 1315-1319)

Elle se présente en lectrice fervente de Marguerite Porete « tournant ces


livres et virant » (v. 1423), apprécie sa désignation de Dieu, « Gentil Loing
Près », qu’elle commente : « Et que ce nom est beau ! » (v. 1371), et
s’émerveille de celle « Dont je n’ay veu escripture pareille, / Et qui n’a eu
pour maistre et precepteur / Qu’Amour tout seul de soymesme inventeur »
(v. 1420-1422). Le rédacteur des Grandes Chroniques de France qui
rapporte la constance et la dignité de Marguerite Porete lors de son supplice
la qualifie de « béguine clergesse ». C’est à ma connaissance une des
premières occurrences du mot pour qualifier une femme qui écrit, une
femme savante. Les femmes sont en train de conquérir les territoires du
clerc. Elles interprètent le texte sacré, elles enseignent ou veulent enseigner
des vérités de la religion, et cela en langue vernaculaire.

L’ÉCRITURE DE L’INTÉRIEUR DES COURS


Écrire pour une femme peut être aussi, de manière plus attendue, un
divertissement mondain. On perçoit la voix des femmes dans les cours
généralement de manière indirecte, dans les genres qui impliquent le
dialogue comme les jeux-partis. Les femmes qui prennent part à ces joutes
verbales sont-elles ce que l’on pourrait appeler des « positions femmes » ou
correspondent-elles à des femmes réelles dont les textes nous donnent
parfois le nom ? Qui sont Sainte des Prez *2 et la dame de la Chaussie qui
débattent dans un jeu-parti 32 sur le sujet suivant : « Dois-je écouter un
soupirant me prier d’amour ou l’éconduire avant qu’il ait parlé ? », telle est
la question de Sainte des Prez. L’avis de la dame de la Chaussie est qu’il
faut le laisser parler pour savoir s’il est sage ou fou. Qui est Maroie de
Diergnau, de Lille, dont on a conservé un fragment de chanson et qui est la
destinataire d’une des chansons d’Andrieu Contredit, poète arrageois du
e
XIII siècle ? Qui est la duchesse de Lorraine à laquelle un rubricateur

médiéval attribue deux pièces, une chanson d’aube et la plainte d’une


femme qui veut mourir comme Didon parce qu’elle a été abandonnée par
celui qu’elle aimait ? Qui sont toutes ces femmes dont les noms
apparaissent comme juges dans certains jeux-partis : la damoisele Oede
juge dans six pièces d’après certains manuscrits, Maheut de Commercy et
sa sœur la comtesse de Linaige qui apparaissent dans deux pièces (no CLVI
et CLVII) ? La mise en abyme de ces jeux poétiques, reflets de la vie des
cours, trouve une place dans les romans. En 1340, dans son Parfait du
paon, suite et conclusion de deux récits précédents d’auteurs différents, Les
Vœux du paon et Le Restor du paon, Jean de le Mote 33 propose un échange
de jeux-partis entre les filles du roi de Mélide et des chevaliers grecs
prisonniers, puis un concours de ballades entre les mêmes, auxquels s’est
ajouté le roi Alexandre. La compétition a lieu devant un parterre de jeunes
gens et de jeunes filles : « et la bachelerie / S’assist malle et femelle » (et la
jeunesse s’assit, aussi bien hommes que femmes ; v. 1037-1038). C’est la
ballade de Clarete, l’une des quatre filles du roi de Mélide, qui remporte le
premier prix, la couronne d’or ; Alexandre remporte le second prix, « le vert
chapel ». Les ballades sont jugées de différents points de vue : leur sujet,
mais aussi leurs qualités et défauts techniques : « faus ronmant » (v. 1412),
« redicte en sens » (v. 1414), « genoul *3 » (v. 1415). Le vocabulaire a la
précision d’un traité de versification. Ces poètes amateurs ont dû faire le
serment qu’ils étaient bien les auteurs de la pièce qu’ils présentaient et que
celle-ci était nouvelle : « Et qu’aillieurs autres fois ne fu dicte n’oÿe »
(v. 1049). Ils prononcent ce serment « sus le dieu des auctours » (v. 1274).
Étonnante présentation de ces joutes poétiques dans la chambre des dames
en contrepoint des joutes guerrières, sanglantes, qui vont avoir lieu.
Mais qu’en est-il dans la société du temps ? En 1401 est fondée à Paris,
par Charles VI mais à l’initiative du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, la
Cour amoureuse qui se donne pour but l’organisation de jeux et de
festivités et la composition en particulier de ballades sur un refrain donné,
« à l’honneur, louange, recommandacion et service de toutes dames et
damoiselles ». On connaît le nom de ses sept cents membres. Parmi eux,
aucune femme. Des femmes poètes s’appréhendent pourtant dans quelques
cours au XVe siècle. Le premier cercle est celui de la cour de Blois que tient
Charles d’Orléans à son retour de captivité anglaise. La troisième épouse de
Charles, Marie de Clèves (1426-1487), y joue un rôle, participant aux
divertissements de cette société. Deux rondeaux en portent témoignage dans
l’album du duc, le manuscrit français 25458 de la Bibliothèque nationale de
France. Ils prennent place dans la série de pièces sur des incipit proposés
par le duc : « En la forest de longue actente » et « L’abit le moine ne fait
pas », introduits par la rubrique « madame d’Orléans ». Poèmes d’amour
insatisfait, de « grant langueur », ils se retrouvent dans plusieurs recueils du
e
XV siècle. La participation de Marie de Clèves à la vie poétique de son

temps se marque de diverses manières. Elle fait copier l’album de son mari
enrichi par des poètes de son entourage, Guillaume de Thignonville, son
écuyer panetier, Jean de Lorraine, Jean de Calabre, le fils de René d’Anjou.
C’est le manuscrit conservé actuellement à la Bibliothèque inguimbertine
de Carpentras, manuscrit 375. Un manuscrit qui porte sa devise, « Rien ne
m’est plus », devise reprise à la mère de son mari, Valentine Visconti,
témoigne de l’activité de son cercle poétique. Il s’agit d’un manuscrit
d’Alain Chartier (BnF fr. 20026) qui s’ouvre sur La Belle Dame sans mercy.
Il porte sur la première page la signature de ses familiers, qui, comme elle,
appréciaient la poésie lyrique, Liber amicorum selon la formule de Pierre
Champion 34. Parmi eux, six noms de femmes. Des recueils et des livres lui
sont dédiés. Il en va ainsi d’un recueil de ballades et de rondeaux,
aujourd’hui perdus, que lui offrent en 1470 Robert du Herlin, secrétaire du
roi Louis XI, et Regnault le Queux 35. Elle figure enfin comme juge en
compagnie d’une autre princesse, l’épouse du frère de son mari, la comtesse
d’Angoulême, Marguerite de Rohan (morte en 1496), épouse de Jean
d’Orléans. Le débat à juger est celui de Deux demoiselles, l’une nommée la
Noire et l’autre la Tannée 36 sur la question de savoir quelle est la plus
malheureuse. Les deux dames sont poètes et exposent leur malheur dans des
rondeaux. Celle vêtue de noir voit celui qu’elle aime chaque jour mais sans
pouvoir lui faire part de sa douleur, celle vêtue d’une robe couleur tannée,
c’est-à-dire d’un brun roux, n’a plus de nouvelles de son ami. Passent dans
leur dialogue, retranscrit par un narrateur caché derrière une treille — c’est
la mise en scène de La Belle Dame sans mercy d’Alain Chartier —, des vers
de chansons à la mode et des motifs de la poésie de la cour de Blois : « Et
meurs de soyf emprès le puys » (p. 292), dit la Noire, écho au « Je meurs de
soif auprés de la fontaine » du prince. « Riens ne m’est plus » (p. 282)
affirme la Tannée, s’appropriant la devise mélancolique de Marie de Clèves.
Comme toujours dans ce genre de débat, la question n’est pas énoncée pour
être tranchée, mais l’œuvre a fait entendre une poésie de l’amour insatisfait
dans la tonalité des deux pièces de Marie à qui on soumet l’œuvre et à qui
on rend ainsi hommage.
Un autre cercle de femmes poètes se constitue autour de Marguerite
d’Écosse (1424-1445), jeune épouse du futur Louis XI. Fille du roi-poète
Jacques Ier d’Écosse, Marguerite est mariée en 1436 — elle a douze ans —
au dauphin Louis âgé de treize ans. Elle vient alors vivre en France auprès
de Marie d’Anjou, la mère de son mari, femme de Charles VII. Il se déploie
autour d’elle une intense activité poétique sur laquelle nous avons un
témoignage surprenant. Dans l’enquête commandée par Charles VII sur les
circonstances de sa mort, Jamet de Tillay, écuyer, déclare que ses dames
d’honneur, Marguerite de Salignac, Jeanne Filleul et Prégente de Melun, en
étaient responsables « pour ce qu’il avoit oy dire que c’estoient elles qui la
faisoient trop veiller a faire rondeaux et ballades (…) et aucunesfois se
occupoit a faire rondeaux tellement qu’elle en faisoit douze pour un jour qui
luy estoit choses bien contraire 37 » (parce qu’il avait entendu dire que
c’étaient elles qui la faisaient trop veiller à faire rondeaux et ballades (…) et
que parfois elle se consacrait tant à faire des rondeaux qu’elle en faisait
douze en un jour, ce qui lui nuisait beaucoup). Mourir de poésie. Nous
n’avons gardé aucune composition de Marguerite d’Écosse, nous en avons
une de Jeanne Filleul 38 (ms. BnF, fr. 9223) sur la douleur d’être abandonnée
que l’on rencontre dans plusieurs recueils : « A l’eure que m’eustes
laissée / Seulle esgarée, / Tout mon plaisir se trespassa » (Du moment où
vous me laissâtes, seule, égarée, tout mon plaisir mourut). La tonalité est
sombre. Une légende court à partir du XVIe siècle mettant en scène le goût
de Marguerite d’Écosse pour la poésie et son admiration en particulier pour
Alain Chartier. L’anecdote est rapportée par Jean Bouchet dans ses Annalles
d’Aquitaine. À son entourage lui faisant reproche d’avoir donné un baiser à
Alain Chartier endormi, grand poète mais fort laid, elle aurait répondu : « Je
n’ai pas baisé l’homme, mais la precieuse bouche de laquelle sont yssuz et
sortis tant de bons motz et vertueuses parolles ». Anecdote controuvée
— Alain Chartier meurt à Avignon en 1430, Marguerite d’Écosse arrive en
France en 1436 —, mais qui traverse les siècles et les genres. Marie de
Gournay la rapporte dans ses Advis de 1641, Théodore Chassériau lui
consacre un dessin à la plume en 1840 et on la retrouve dans La Poupée
sanglante de Gaston Leroux, roman paru en 1923. À sa mort en 1445, le
poète Blosseville lui consacre une ballade : « Vous qui parlés de la beaulté
d’Eslaine ». C’est la pièce 99 du recueil de poésies lyriques contenues dans
le manuscrit Nouvelles acquisitions françaises 15771 de la BnF. Cette
ballade est fondée sur une énumération de femmes célèbres empruntées à la
mythologie, à la Bible, à l’Antiquité : Hélène, Judith, Polyxène, Elisa
(c’est-à-dire Didon), Lucresse et Esther que surpassait la Dauphine. Cette
énumération de femmes célèbres donne une bonne idée des qualités prisées
alors chez la femme : beauté, force, amour, fidélité, chasteté, courage.
D’autres noms de femmes poètes se rencontrent dans les recueils du
e
XV siècle. Mademoiselle de Beauchastel, selon la rubrique du recueil

ms. BnF, fr. 9223, Jammette de Nesson, nièce de Pierre de Nesson, l’auteur
d’un Lai de Guerre en réponse au Lai de Paix d’Alain Chartier. Dans le
Champion des Dames de Martin Le Franc, alors que le Champion vient de
se livrer à un long éloge de Christine de Pizan, l’Adversaire s’étonne que ce
dernier n’ait pas cité « la belle Jamette, / Niepce de Pierre de Nesson »
(v. 18986-18987). « Et l’appell’ on l’aultre Minerve » (v. 18990), ajoute-t-il.
Dans la bouche du détracteur des femmes, est-ce ironique ? On ne connaît
qu’une pièce de Jammette de Nesson qui apparaît dans le manuscrit BnF,
Nouvelles acquisitions françaises 15771, pièce LXXV, sous une rubrique
qui dissimule en partie le nom : De Nesson a Ja. Ce rondeau, « C’est pour
me receller les biens » (C’est pour me cacher les biens), est adressé au poète
Taneguy du Chatel qui répond par un rondeau sur les mêmes mots rimes.
Cet échange est présent également dans le manuscrit BnF, fr. 9223 sous le
numéro LXVII, pour la pièce de Jammette. La rubrique donne là son nom
en clair : Jammette de Nesson. Ce rondeau se trouve aussi dans le manuscrit
BnF, fr. 1719.
Sur la foi des signatures codées et en anagramme que l’on trouve dans
deux pièces, il semble que l’on puisse considérer Jacqueline de
Hacqueville, que l’on rencontre dans l’entourage de Marguerite d’Écosse
puis dans celui de la reine Marie d’Anjou, comme l’auteure de ces deux
pièces, dans un échange avec le poète compositeur Antoine Busnoys. « Ja
que lui ne si actende » (variante : « Je que li ne ») est l’incipit de la
première pièce, « Pour les biens qu’en vous j’aperçoy » celui de la seconde.
Les lettres redistribuées de cet incipit donnent : « Ces vers pour Busnoy
Jaqueline ». Busnoys lui avait de son côté adressé deux rondeaux, avec son
nom en acrostiche. Dans le rondeau « A vous sans autre me viens rendre »,
on lit « A Jaqueline » ; dans le rondeau « Je ne puis vivre ainsi tousjours »,
son nom en entier, « Jaqueline d’Aqueville ». L’activité des poétesses du
e
XV siècle n’est conservée que dans le cadre de recueils collectifs, comme

témoignage de jeux qui plaisent mais non comme signe d’une œuvre.
Le XVe siècle offre également des livres de femmes qui relèvent de
genres mixtes. Ainsi du témoignage d’une dame de cour, Éléonore de
Poitiers (née entre 1444 et 1446, morte le 14 mars 1509), qui nous livre ses
souvenirs de la cour de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire,
et ceux de sa mère. L’ouvrage rend compte à travers une mémoire familiale
des usages, du cérémonial de la cour que les deux femmes ont fréquentée.
Éléonore traite de points d’étiquette : comment l’on salue, par quel geste et
par quel titre, comment on se place selon son rang, comment l’on porte le
deuil, livrant en quelque sorte pour le domaine féminin le pendant du travail
qui est celui, pour les hommes, des hérauts d’armes. Elle évoque quelques
événements marquants : la naissance et le baptême de Marie de Bourgogne,
le baptême de son fils, Philippe d’Autriche, la réception du Dauphin, le
futur Louis XI. L’ouvrage est connu sous le titre Les Honneurs de la Cour,
ou, dans l’édition la plus récente, Les Etats de France 39.
Les femmes que nous avons évoquées, du XIIe au XVe siècle, ont eu des
obstacles à vaincre pour écrire, obstacles moraux, sociaux, juridiques,
culturels. Pourquoi la femme écrit-elle ? Rien ne l’exige, rien ne l’y pousse.
N’assisterait-on pas, de la part de ces femmes, si timide soit-elle, à une
invention de soi ? Elle se manifeste au travers des formules où elles
revendiquent leur nom : « Jo, Marie » pour Marie de France, « Ego
Margareta ancilla Christi » chez Marguerite d’Oingt, invention et
revendication qui culminent dans le je triomphant d’une femme du
e
XIV siècle, Christine de Pizan : « Je, Christine », non plus « ancilla

Christi » (servante du Christ) comme Marguerite d’Oingt, mais « ancelle de


Science » 40, servante du savoir, de la connaissance. Telle est la signature
qu’utilise Christine dans la lettre qu’elle adresse à son « chier maistre et
amis » (v. 6), « son chier frere et amy » (v. 163) Eustache Deschamps dans
un appel véhément à une reconnaissance. Mais l’amitié intellectuelle entre
hommes et femmes est-elle possible ?

*1. On peut citer par exemple le livre du poète italien Bonvesin de la Riva, contemporain
de Marguerite, Il libro delle tre scritture, qui date d’un peu avant 1274. Chez Bonvesin de la
Riva, l’écriture noire peint les tourments de l’Enfer, la rouge renvoie à la Passion, la dorée au
Paradis. On trouve également des lettres de couleur et leur symbolisme dans les Gesta
e
romanorum et des chansons du XIII siècle.
*2. Un trouvère du nom de Gui des Prés apparaît dans l’envoi d’une pièce attribuée à
Perrin d’Angicourt, « Je ne chant pas por verdor ». Sainte appartient-elle à cette famille ?
*3. Le sens d’erreur en poésie n’est pas relevé par le Dictionnaire du moyen français de
l’ATILF. Si l’on fait fond sur la métaphore avec la partie du corps, le genou, il doit s’agir d’une
faute d’articulation, d’enchaînement des idées ou des mots.
Chapitre IV
ÉCRIRE : CHRISTINE DE PIZAN
(1365-VERS 1430)

Christine de Pizan est « nompareille ». « Seule en tes faiz ou royaume


de France », lui écrit Eustache Deschamps 1 dans sa ballade de réponse à la
lettre qu’elle lui a envoyée. Contrairement à ce qui se passe pour nombre
d’écrivains au Moyen Âge, hommes comme femmes, nous connaissons
beaucoup de choses de notre auteure et de sa formation intellectuelle. Ces
renseignements, c’est Christine elle-même qui nous les livre,
essentiellement dans trois de ses ouvrages : le Chemin de Long Estude 2
(1402-1403), la Mutacion de Fortune 3 (1403) et l’Advision Cristine 4
(1405).
Christine de Pizan naît à Venise en 1365 d’une famille originaire de
Pizzano, près de Bologne (d’où son nom qu’elle graphie toujours avec
un z *1). À l’âge de quatre ans environ, elle rejoint à Paris son père dont la
renommée de savant lui a valu la charge d’astrologue-astronome, médecin
auprès de Charles V. Christine de Pizan vit cette transplantation comme
l’incarnation dans sa biographie du concept fondamental de la translatio
studii, le transfert du savoir (mais aussi du pouvoir) de Grèce à Rome puis
de Rome au royaume de France. Son passage de l’Italie à la France illustre
pour elle le dernier segment de cette histoire mondiale, faisant d’un
déracinement circonstanciel un enracinement culturel et idéologique. Pour
elle, Paris est la « seconde Athenes » (Advision, Livre I, chap. IV, p. 15). Le
deuxième événement qui bouleverse sa vie est la disparition en 1390 de son
mari, Estienne Castel. Elle avait été mariée dix ans plus tôt par son père à ce
gentilhomme picard, notaire et secrétaire du roi. Ce mariage, qui voit naître
trois enfants, est heureux. Christine célèbre même l’amour conjugal,
nouveauté notable par rapport aux conceptions de l’amour courtois que
chante d’ordinaire la poésie. Il faut mesurer la transgression qu’impliquent
une telle décision d’écriture et l’affirmation par Christine de sa personne.
Elle juge digne d’évoquer des moments intimes de sa vie, jusqu’à sa nuit de
noces : « Doulce chose est que mariage, / Je le puis bien par moy prouver »
(Mariage est une douce chose, mon expérience en est la preuve ; Autres
Balades 5, XXVI, v. 1-2). Mais, avec la mort en septembre 1380 de
Charles V, le protecteur de son père Thomas, la période commence à
s’assombrir pour la famille. Thomas lui-même, dont la position avait reculé
à la cour de Charles VI, disparaît dans l’année 1387. Estienne Castel, enfin,
est emporté par une épidémie en 1390. Christine reste « seulette », elle a
vingt-cinq ans. Seulette devient son indicatif, sa signature emblématique
pour le reste de son existence.

LES CHAUSSETTES DE CHRISTINE :


APOLOGUE

En 1892 paraît aux éditions Desclée de Brouwer une édition en


orthographe modernisée du Livre des fais et bonnes meurs du sage roi
Charles V, un des livres de Christine les plus cités à l’époque en ce que sa
matière est historique. Le texte est précédé d’une notice dans laquelle le
présentateur s’attache, entre autres, aux difficultés financières qu’a connues
Christine à la mort de son mari. Nous donnons le passage sur lequel le
critique anonyme appuie ses affirmations, passage tiré de l’Advision : « Et
Dieux scet comment mon cuer tourmenté estoit quant execucions par
sergens sur moy estoient faictes et mes chosetes m’estoient levees » (Et
Dieu sait comment mon cœur était tourmenté quand des saisies étaient
faites chez moi par des sergents et que mes petites affaires étaient
emportées ; III, VI). Sous sa plume, cette phrase devient le roman suivant :
« Bientôt les créanciers parurent, puis, arrivèrent les sergents “qui lui
prirent jusqu’à ses chaussettes” (ces guillemets sont du commentateur). Et il
lui fallait aller, nu-pieds, emprunter à des amis qui feignaient de ne la plus
connaître. » Admirable mécanisme de l’imagination à partir d’une erreur de
lecture. Là où Christine écrit chosetes, mes petites choses, mes biens
menus, mes petites affaires, le critique lit chaussettes, entend chaussettes.
Antiféminisme ordinaire. Christine de Pizan est moins pour lui une auteure
qu’une femme sur laquelle on peut s’apitoyer et inconsciemment ridiculiser.
Mais l’erreur se transporte d’un critique à l’autre. Elle devient l’opinion
commune. Alfred Coville 6, dans la grande Histoire de France depuis les
origines jusqu’à la Révolution sous la direction d’Ernest Lavisse, manuel
qui a fait autorité, reprend la légende et la pérennise. Il écrit : « Elle vit
venir chez elle les sergents : “et Dieu sait combien mon cœur tourmenté
était, quand exécutions sur moi étaient faites et que mes chaussettes
m’étaient levées par sergents” ».
Les chaussettes de Christine ou comment lire un texte écrit par une
femme. Le vêtement tient un rôle dans cette histoire. Le « bas-bleu » par
lequel Gustave Lanson la stigmatise a fait florès.

CHRISTINE DE PIZAN OU LA VENUE À L’ÉCRITURE

Christine de Pizan écrit au XIVe siècle d’une place très singulière. Elle
n’est ni noble ni religieuse. Mariée, elle a des enfants et un ménage. La
mort de son mari va orienter son destin. À sa disparition, elle choisit de se
consacrer à l’étude, à l’écriture, et, chose inouïe pour une femme, d’en
vivre (ill. 7). Laïque, elle se fait pourtant clergesse. Comment cette
mutation est-elle possible ? Christine de Pizan analyse avec lucidité les
conditions nécessaires pour qu’une femme parvienne à écrire. Pour cela elle
fait de son histoire personnelle un exemple.
Christine de Pizan est née dans un milieu lettré. Elle a vécu parmi les
livres. Son père, Thomas, est un savant et un érudit. Mais en raison des
préjugés courants sur l’éducation des filles, que Christine résume en la
personne de sa mère qui la veut occuper de « fillaces 7 » (le mot n’est pas
forcément péjoratif au Moyen Âge), du travail du fil et, de manière
allégorique, dans la figure de Dame Opinion, elle n’a pas été incitée à
l’étude. Dame Opinion représente le poids de la coutume, cet us, cet usage,
mis en avant déjà par le Roman de Silence. Christine dénonce dans toute
son œuvre cette inégalité qui n’est pas d’essence mais d’éducation, non pas
de
nature mais de nourreture, selon les termes médiévaux. Pour elle, sa
naissance comme fille n’est pas un fait du hasard. Elle la représente comme
la lutte grandiose entre son père : Thomas de Pizan, et sa mère : Nature.
Débat entre un père de chair et une mère allégorique, mise en scène du
combat de la nature et de la culture dans la formation de l’humain. Le père
veut un garçon pour en faire le droit héritier de sa sagesse, la mère une fille
comme elle-même. Entre le père de chair et la mère allégorique, c’est cette
dernière qui gagne, mais Christine malgré tout se désigne dans Le Livre de
la Mutacion de Fortune comme « filz » — c’est la leçon de tous les
manuscrits — « de noble homme et renommé / (…) qui philosophe ert
nommé » (fils d’un homme noble et renommé, appelé philosophe ; v. 171-
172). Le sexe de Christine dépend de la volonté de la puissance supérieure,
de la mère, Nature. Dans le processus de la génération, ce sexe féminin ne
tient pas au « moule », c’est-à-dire à la forme qui est le fait de l’homme,
mais à la « détrempe », c’est-à-dire à la matière composée des quatre
éléments par Nature (Advision, p. 14). Cette mise en scène relève d’une
stratégie. Christine s’instaure en autorité en transcendant les détails de sa
vie par l’écriture. Dans l’Advision Cristine, sorte d’autobiographie
allégorique, elle analyse avec une précision implacable ce qui, alors qu’elle
en avait le goût, « naturellement et de nativité », l’a éloignée de l’étude :
« l’occupacion des affaires que ont communement les mariees et aussi la
charge de souvent porter enfans » (p. 108). Elle ne passe pas sous silence sa
part de responsabilité due à sa très grande jeunesse. Enfant, elle a parfois
préféré s’amuser plutôt qu’apprendre. La mort de son mari change son
destin. De ce moment, elle s’emploie à « recouvrer » ce qu’elle appelle
« ses pertes passees » (Advision, p. 110) : mort du roi protecteur, Charles V,
mort du père savant, Thomas, mort du mari aimé, Estienne Castel. Elle se
met sur le chemin de longue étude, titre qu’elle donne à l’un de ses
ouvrages.
7. Christine de Pizan dans son étude. Début des Cent balades,
o
Paris, BnF, ms fr. 835, f 1.

Les figures tutélaires de Christine dans la vie (il n’en va pas de même
dans l’œuvre) sont des figures d’hommes. Sa mère biologique, qui incarne
pour elle le parfait visage d’Opinion, cherche à la maintenir dans le rôle
imparti à son sexe, la voulant occuper aux travaux du fil, de l’aiguille, de la
quenouille qui définissent alors la femme, réprimant ses « impatiences ».
Elle intervient toujours dans l’œuvre de sa fille pour interrompre sa lecture
ou son écriture. À la fin du Chemin de Long Estude, elle frappe à la porte et
réveille Christine : « Qu’a l’uys de ma chambre hurta, / Qui de tant gesir
s’esmerveille » (car elle frappa à ma porte, s’étonnant de me voir tant rester
au lit ; v. 6396-6397). Elle met ainsi un terme au songe, et partant à l’œuvre.
Au début de la Cité des Dames, elle appelle Christine à table, interrompant
la lecture que cette dernière se proposait de faire des Lamentations de
Matheolus, livre qu’on lui avait prêté et qui parlait, croyait-elle, « a la
reverence des femmes » (p. 40). Et l’interruption s’effectue toujours pour
des activités quotidiennes, domestiques, mais essentielles : se lever, manger.
Car c’est aussi la « bonne mère » d’une bonne fille, « la charge
agreable (…) envieillie sus les bras de sa seule fille qui n’est oublieuse des
grans maternelz benefices d’elle receuz » (Advision, p. 116). La position de
Christine par rapport à Opinion est nuancée. Elle fait de l’allégorie dans
l’Advision la fille d’Ignorance et de Désir de savoir (II, III, p. 54),
combinant ainsi le défaut de connaissance, négatif, et l’envie d’apprendre,
positive. De même, si Christine admire son père dont elle loue le « trésor »,
c’est-à-dire le savoir, dont elle n’a pu ne retenir pour elle-même que « des
racleures et des paillettes » (Mutacion de Fortune, v. 453), l’ironie avec
laquelle elle parle de l’activité vaine des alchimistes rejaillit indirectement
sur lui, eux qui « toute jour et nuit font feu contemplant ung fournel. Mau
peus et mau vestus, se paissent de vent et la font chastiaulx en Espagne »
(qui jour et nuit font du feu, contemplant un four. Mal nourris et mal vêtus,
ils se repaissent de vent et font là des châteaux en Espagne ; Advision,
p. 82-83). Certes, elle le présente toujours comme philosophe et
mathématicien, mais elle ne peut ignorer les jugements que des
contemporains qu’elle connaît, Philippe de Mézières 8 en particulier, portent
sur lui. Elle ne dissimule pas enfin que son mari l’a tenue à l’écart des
affaires financières du ménage et qu’elle a dû à sa mort lutter pour tenter de
rétablir la situation. Dans un siècle où se pose la question de l’héritage en
termes politiques — un royaume peut-il se transmettre par les femmes *2,
« tomber en quenouille », selon la formule consacrée —, il est significatif
de voir Christine traiter le problème dans le domaine intellectuel. Une fille
peut-elle hériter du « trésor » de son père, de sa science ? Non, semble-t-il.
C’est contre cette « opinion » que Christine va lutter. Elle s’emploie donc
dans son œuvre à construire des figures d’autorité qui sont des mères :
Raison et Philosophie. Cette dernière s’adresse à Boèce en l’appelant son
fils : « a mon chier amé filz Bouece le tres souffisant philosophe »
(Advision, III, I) ; de même, elle s’adresse à Christine en termes de « fille ».
Le père de chair de Christine, Thomas, avait voulu « un filz masle, qui fust
son hoir » (un fils mâle qui fût son héritier ; Mutacion, v. 382), Nature lui
donne une fille, semblable à elle, mais qui est aussi un fils en esprit.
Christine se constitue par cette naissance paradoxale en figure d’autorité.

L’ÉCRITURE POLÉMIQUE

L’entrée de Christine dans l’écriture s’est faite par la poésie lyrique.


C’est le talent que lui reconnaît la cour : « Et de dittier dient que j’ay la
grace » (et ils disent que j’ai la grâce de composer ; ballade I des Cent
Balades 9). Ce sont des écrits d’amour et de pleurs, « ditz amoureux et gays
d’autrui sentement » et « complaintes plourables, regrettant mon ami mort
et le bon temps passé » (Advision, p. 107), sujets conformes à ce que le
public peut attendre de l’écriture d’une femme, de sa plainte, plutôt. Mais
dès 1399, elle inaugure avec L’Epistre au dieu d’Amours, c’est-à-dire selon
la syntaxe de l’époque — souvent mal perçue par les commentateurs —
l’épître du dieu d’Amour, qui rapporte les plaintes qu’il reçoit, un autre type
d’écriture, la dénonciation de la déloyauté des hommes et des calomnies
qu’ils répandent sur les femmes, qu’ils soient hommes de la cour ou clercs.
Deux auteurs qui alimentent la culture des clercs sont particulièrement
visés : Ovide, son Remede d’Amours et son Art d’amour, qui serait plus
justement appelé « Art de grant decevance » (v. 377), et Jean de Meun et
son Roman de la Rose (v. 389). L’Epistre au dieu d’Amours inaugure une
veine que Christine poursuit avec des épîtres d’une autre nature, épîtres
qu’elle assume en son nom propre, en prose et non plus en vers, et qu’elle
adresse à des clercs, ses contemporains : Jean de Montreuil et les frères Col,
anciens collègues de son mari. Avec une audace incroyable et dont ils ne
reviennent pas, elle discute avec eux d’un livre qui relève de leur culture, Le
Roman de la Rose. Leur surprise est si grande que leur première réaction est
de nier que l’attaque d’une auctoritas telle que Jean de Meun puisse venir
d’une femme. Gontier Col dans sa première lettre sous-entend que
quelqu’un tient la main de Christine : un homme, voire des hommes. Il lui
parle de ses « satellites » qui, parce qu’ils n’osent attaquer directement Jean
de Meun, la transforment en « chappe a pluie 10 » (manteau de pluie).
L’image est habile. C’est celle qu’emploie Jean de Meun dans Le Roman de
la Rose pour parler du mari trompé transformé en « chappe a pluie » par sa
femme qui veut dissimuler son inconduite (éd. Lecoy, v. 8481). Gontier Col
ridiculise ainsi Christine avec les termes mêmes de Jean de Meun. La
réaction et l’hypothèse formulées sont typiques. Pour un clerc, une femme
ne peut écrire, dans le domaine intellectuel, que par procuration ou sous
contrôle. Elle ne peut être qu’un prête-nom. Christine rappelle d’ailleurs
dans l’Advision les rumeurs qui ont couru sur ses livres : « car les aucuns
dient que clers ou religieux les te forgent, et que de sentement de femme
venir ne puissent » (car certains disent que des clercs ou des religieux te les
forgent et qu’ils ne pourraient sortir de l’esprit d’une femme ; II, 22, p. 88).
C’est encore l’argument qu’avance l’Adversaire des femmes dans Le
Champion des Dames de Martin Le Franc 11. Cette fois-ci, c’est le fils de
Christine, Jean Castel, qui lui aurait écrit ses livres ou ses dits (t. IV,
v. 18977-18980). Ce type de suspicion a la vie longue. C’est celle que
marque Sainte-Beuve à l’égard de Marguerite de Navarre : « Cherchez
l’homme », et celle de nombreux critiques par rapport à Louise Labé.
Que reproche Christine au Roman de la Rose, qu’elle connaît bien et
dont elle apprécie certains développements ? Tout d’abord ses accusations
contre les femmes, et en particulier l’assertion, promise à une belle
postérité : « Toutes estes, serez et fustent, / de fet ou de volenté, pustes »
(Toutes, vous êtes, vous serez ou vous avez été, en fait ou en intention,
putains ; éd. Lecoy, v. 9125-9126). Le langage grossier, ensuite, qu’il fait
tenir à Raison. C’est toute la discussion autour du mot « couille », du nom
et de la chose (v. 7076-7122). Jean de Meun affirmait la notion d’arbitraire
du signe, soutenant que Raison aurait aussi bien pu désigner les organes
sexuels masculins du nom de « reliques », aggravant ainsi son cas d’une
impertinence, voire d’une provocation religieuse. Christine de Pizan, elle,
soutient l’intentionnalité malhonnête, moralement, de son énonciation. De
manière très habile, elle rassemble cet échange de lettres dans un livre
qu’elle soumet, le 1er février 1402, au jugement d’une femme, la reine
Isabeau de Bavière, et à quelques membres éminents de la société comme le
futur prévôt de Paris, Guillaume de Tignonville, chambellan de Charles VI.
Elle reçoit l’appui de Jean Gerson, le chancelier de l’Université de Paris,
qui fait paraître le 18 mai 1402 son Traictié d’une vision faite contre Le
Rommant de la rose 12. Il y crée une allégorie du nom d’Éloquence
théologienne, de genre grammatical féminin donc. Mais — on note les
limites de la bonne volonté du théologien — il y fait référence dans tout le
traité avec le pronom personnel il. Éloquence théologienne ne peut être
qu’un homme, lui en l’occurrence sans doute.
L’écriture de Christine est partie d’une vocation. Elle la fait servir à la
provocation. Christine de Pizan est célèbre et engagée. Elle s’est constituée
en clergesse. L’écriture devient pour elle une fonction. Elle répond à des
commandes. Ainsi celle que lui confie le duc de Bourgogne, Philippe le
Hardi : écrire la vie de Charles V qu’elle a connu (il meurt en 1380) et dont
son père a été un des familiers. C’est le Livre des fais et bonnes meurs du
sage roi Charles V 13 de 1404, en prose. Elle a écrit auparavant une histoire
universelle en vers, qu’elle dit lire aux murs du château de Fortune,
transformant des images en texte, jeu avec l’ekphrasis, dans Le Livre de la
Mutacion de Fortune de 1403.
Comment devient-on écrivain quand on est femme au XIVe siècle ?
Christine de Pizan propose deux hypothèses : se transformer en homme,
c’est le parti qu’elle retient dans Le Livre de la Mutacion de Fortune et que
Philosophie lui rappelle indirectement dans l’Advision : « Et fust mesmes
converti ton corps foible et femmenin en homme pour estre transmuee de
condicion » (et ton corps faible et féminin fut même converti en homme
pour que ta condition soit changée ; III, XXI, p. 129) ; se faire femme
superlativement en défendant et illustrant cette condition, c’est la solution
qu’elle privilégie à partir du Livre de la Cité des Dames en empruntant
l’outil de pouvoir de l’homme qu’est la plume. Dans les deux cas, il en va
d’une action, d’une volonté, d’un choix, mais aussi d’une élection. Élection
négative par Fortune qui oblige Christine à se faire « cuer d’homme » et à
se substituer à ses père et modèles. Élection positive par Dieu qui la choisit
et la met à part pour défendre la valeur de la femme.

SE FAIRE HOMME

Dans la première partie du Livre de la Mutacion de Fortune, Christine


expose de manière allégorique la mort de son mari et les transformations
sociales qui s’en sont suivies pour elle. Mort d’une épidémie (une maladie
infectieuse) à Beauvais — Christine donne ces précisions dans l’Advision
(III, VI, p. 100) —, le mari est représenté comme périssant dans un
naufrage, mise en scène de la navigation périlleuse qu’est la vie. Christine
doit prendre en main le gouvernail, réparer la nef : « a clous et a
martel / Rejoing les ais et fort martel » (avec clous et marteau, je rassemble
les planches et martèle fort ; v. 1377-1378). Prendre le gouvernement des
affaires de son ménage en nom propre, sans se remarier, c’est pour elle se
faire homme socialement. C’est ce devenir-homme social qu’elle dit
métaphoriquement par une mutation de sexe, une métamorphose. Fortune la
transforme en homme. La connaissance de la mythologie, la lecture des
Métamorphoses d’Ovide et de leur mise en français au XIVe siècle, l’Ovide
moralisé qui « convertit » ces récits, les commentant et les christianisant,
permet le recours à une telle figure. Christine évoque dans la Mutacion de
Fortune, parmi d’autres métamorphoses, deux transformations d’homme en
femme ou de femme en homme : celle de Tirésias qui est changé en femme
pendant sept ans puis reprend son sexe d’homme (v. 1057-1093) 14 et celle
d’Yplis (Yphis chez Ovide), fille élevée comme fils par sa mère, le père ne
voulant pas de fille (v. 1094-1158). L’exemple d’Yplis ressemble à celui de
Silence 15, et comme dans cet autre cas la mère choisit volontairement un
nom épicène qui ménage le sexe d’origine et le genre social exigé par le
père : « Belles façons de corps, de vis / Avoit la fille a droit devis, / Qui
Yplis ot nom, et ycilz / Nom servoit a fille et a filz » (Beau corps et beau
visage avait parfaitement la jeune fille qui s’appelait Yplis et ce nom
convenait à fille ou à garçon ; v. 1113-1116). La remarque se trouve déjà
dans l’Ovide moralisé 16 qui sert de modèle à Christine (t. III, livre IX,
v. 2879-2880). Nomination et grammaire ont à voir avec la question du
genre, nous l’avons vu. Il faut l’intervention d’une déesse, Vestis, c’est-à-
dire Vesta dans la religion romaine, pour dénouer la situation au moment du
mariage. Cette déesse était déjà parue dans l’œuvre de Christine à la fin de
L’Epistre au dieu d’Amours 17 (v. 818), convoquée au milieu d’autres dieux
et déesses. Il est significatif que Christine ait recours à elle et s’éloigne par
là de l’Ovide moralisé qui faisait intervenir Isis (Ovide moralisé, t. III,
livre IX, v. 3045). Déesse de la chasteté, Vesta accomplit le miracle et évite
le scandale d’un mariage « contre nature ». « La soubtille / Deesse Vestis,
(…) deffit / Son corps de femme et filz le fit » (v. 1156-1158). À quels
signes se marque cette transformation ? À la marche — Yplis marche à plus
grands pas —, au visage — elle a le teint moins blanc —, à ses cheveux
— raccourcis. Seul signe intérieur : « Force et fierté li est creüe » (v. 3086).
Pour Christine, les éléments qu’elle retient quant à sa propre mutation sont :
« Mes membres senti trop plus fors » (v. 1337), « Ma voix forment
engrossie (était) » (v. 1350) et, enfin, trait qui la caractérise dans toute sa
détermination nouvelle : « Plus ne me tins en la parece / De plour »
(v. 1357-1358). Pourquoi dire une transformation sociale (être veuve) en
termes de changement physique ? Si pour Christine de Pizan certains traits
physiques, la force, voire certains traits de caractère (passer de passif à
actif) semblent définir l’homme, le fait qu’une femme puisse les acquérir
sous la pression des circonstances les relativise. Ils ne sont plus seulement
masculins. Une veuve peut être héroïque. La place et le traitement que
Christine réserve à Sémiramis dans son œuvre est exemplaire. Une femme
peut se faire « cuer d’homme » (Le Livre des Trois Vertus 18, III, IV, p. 191).
Christine sonne pour elle-même, et pour les femmes en général, l’adieu aux
larmes.

METTRE LA MAIN À LA PLUME

Se faire homme est l’image par laquelle Christine de Pizan a dit sa prise
en main des choses de sa maison, la charge des procès qu’elle a entrepris
pour récupérer ses biens, où elle se défend elle-même face aux moqueries
des autres avocats et à des juges « remplis de vin et graisse d’aise »
(Advision, p. 105). Pour dire sa conquête de l’écriture, elle emploie une
autre métaphore : « mettre la main à la plume ».
« Mettre la main à la plume », pour la femme, est un acte transgressif
sur deux plans. Sur le plan concret du contrôle de son propre texte, le geste
signe une émancipation de la tutelle masculine, une prise directe de la
femme sur son propre discours. Nul besoin désormais de manière obligée
d’un copiste ou d’un intermédiaire, tels ces clercs donnant à entendre la
parole des mystiques qui souvent transcrivent une voix qu’en fait ils
contrôlent. Nul besoin de stratégie du désespoir comme celle qu’évoquent
ces textes qui montrent la femme convertissant la broderie, leur domaine, en
écriture imagée. C’est ce que fait Philomena chez Chrétien de Troyes, qui
révèle par ce biais le viol dont elle a été l’objet après que Térée, son beau-
frère et son violeur, lui a coupé la langue. Sur le plan symbolique, la femme
remplace la quenouille par la plume, elle substitue à l’emblème féminin par
excellence l’outil masculin de la domination intellectuelle. La plume, en
effet, est pensée par les auteurs mâles comme un attribut masculin qu’ils
égalent par métaphore au phallus. La femme, elle, est semblable au support,
au parchemin, au papier. Cette métaphore sexuelle de l’écriture est présente
chez Jean de Meun, chez Eustache Deschamps, chez Jean Regnier 19 :
« Pour escriprë ont bonne plume / Qui n’est refoulée ne tendre, / Il ne leur
faut que beau volume » (Pour écrire ils ont bonne plume / Qui n’est ni
fatiguée ni fragile, / Il ne leur manque qu’un beau volume ; v. 110-112).
S’emparer de la plume n’est donc pas un acte anodin. Voulant promouvoir
une écriture en faveur des femmes, Christine déroule son action en deux
temps : excaver et bâtir, dans le langage de la construction qui est le sien
(ill. 8). Elle réfute les écrits misogynes ou licencieux et en particulier Le
Roman de la Rose, comme elle l’a fait dans Le Livre des epistres du debat
sus le Rommant de la Rose, et construit une cité en l’honneur des dames,
cité qui les accueille et les protège. Déblaiement des erreurs et édification,
au sens architectural et moral, tels sont les deux mouvements de la
fondation de la Cité des Dames. Il faut détruire pour rebâtir, montrer
l’inanité du proverbe, voix de la doxa, que répètent les misogynes :
« pleurer, parler, filer, mit Dieu en femme ». Christine précise même qu’il
s’agit d’« un proverbe en latin ». Le détail a son importance. Le latin reste
et restera pour longtemps le signe du pouvoir des clercs — et des hommes.
Faut-il rappeler que la loi de Camille Sée qui institue l’enseignement
secondaire pour les jeunes filles en 1880 exclut pour elles les langues
mortes ? Cette croyance qu’« une femme ne sait pas le latin » est si bien
ancrée chez les clercs qu’elle peut entraîner des affirmations aberrantes.
Pierre Col répond ainsi à Christine en défendant Ovide : « Ovide, quant il
escript l’Art d’amours, il escript en latin, le quel n’entendent fammes » (éd.
Hicks, p. 105 ; éd. Valentini, p. 341), sans prendre conscience que le latin
était la langue des Romains et des Romaines. À la différence d’un esprit
comme Nicole Oresme, il ne pense pas historiquement le latin ; celui-ci est
une langue sacrée hors de la portée des femmes.

8. Construction de la Cité des Dames. Le Livre de la Cité des Dames, Paris,


o
BnF, ms fr. 607, f 2.

Dame Raison, dans la Cité des Dames 20, si elle concède que le proverbe
est vrai en un certain sens, démontre qu’il ne doit pas être utilisé comme un
reproche à l’encontre des femmes. Pleurer : il y a une valeur positive des
larmes, et le Christ lui-même a pleuré avec Marie-Madeleine et Marthe la
mort de leur frère Lazare. Christine montre en outre par ses choix d’écriture
qu’une femme n’est pas confinée au lyrisme des pleurs. Elle peut atteindre
tous les territoires du clerc : l’histoire, la philosophie, la stratégie. Parler :
pour réfuter ce point, Christine a recours à l’ironie. Si Dieu n’avait pas
donné la parole aux femmes, elles seraient muettes. Elle affirme plus
sérieusement que Dieu « a mis lengage en femme pour en estre servy ».
Quant à filer, c’est une tâche noble et Christine, si elle ne souhaite pas que
les femmes soient définies par cette seule activité, ne la dévalorise pas. Elle
montre donc dans la Cité des Dames qu’il y a des femmes célèbres dans
tous les domaines : la guerre, les arts, la morale, la sainteté. Les femmes ont
illustré des arts existants : la poésie avec Sapho, la peinture avec les
grecques Thamar et Yrane, la romaine Marcia, célèbre pour son autoportrait
et cette Parisienne, contemporaine de Christine, Anastaise, à laquelle la
poétesse confie l’illustration des marges de ses manuscrits pour y faire
« vigneteures d’enluminures et champaignes d’istoires » (I, 41, p. 192), à
savoir des bordures décorées et des fonds. De plus, des femmes ont inventé
des sciences et des arts nouveaux, telle Carmenta à qui l’on doit l’invention
de l’alphabet latin, ou Sapho, celle de formes poétiques nouvelles, les vers
saphiques. La façon dont Christine de Pizan traite Sapho est significative de
sa méthode par rapport à ce que propose Boccace dans son De mulieribus
claris des années 1361-1362, traduit en français en 1401 sous le titre Des
cleres et nobles femmes 21. Christine de Pizan en effet poursuit deux buts :
exalter les pouvoirs intellectuels de la femme, minimiser sa dépendance à
l’homme à laquelle l’assujettit l’amour. Dans Le Livre de la Cité des
Dames, Christine indique donc que Sapho a écrit « chançons et dictiez, lais
et plaintes plourables et lamentacions estranges d’amour » et elle ajoute, ce
qu’elle ne trouve pas chez Boccace, « et d’autre sentement » (I, 30, p. 160).
Elle complète l’histoire de Sapho d’une anecdote qui provient d’une erreur
dans la traduction que Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse — ce dernier
est un exact contemporain de Christine — ont donné de Valère Maxime. On
trouve chez Valère Maxime qu’à sa mort Platon avait à son chevet les
mimes de Sophron (« sub capite Sophronis mimos »). Les deux traducteurs
ne connaissent pas Sophron et traduisent : « eust dessoubz son chief les
menestres Sapho ». L’anecdote plaît à Christine en ce qu’elle apporte une
caution scientifique par la garantie d’une autorité, Platon, aux écrits de la
poétesse grecque. Elle la rapporte dans Le Livre de la Cité des Dames (I,
30, p. 160) et la reprend dans Le Livre du Corps de Policie 22 où, parlant de
la mort de Platon, elle écrit : « Si parut bien meismes a sa mort l’amour que
il avoit tousjours a toutes manieres de livres, car on trouva coste lui les
livres d’une femme pouete qui avoit nom Sapho, qui escripsoit d’amours en
vers joyeux et gracieux, ce dit Orace » (L’amour qu’il portait toujours à
différentes sortes de livres parut bien même à sa mort car on trouva à côté
de lui les livres d’une femme poète qui s’appelait Sapho, qui écrivait sur
l’amour en vers joyeux et gracieux, selon Horace ; III, 4, p. 97, lignes 34-
37). Christine use d’une double stratégie. Pour elle, Sapho a écrit non
seulement d’amour mais aussi « d’autre sentement » et si elle a bien écrit
« des plaintes plourables et des lamentacions d’amour », la « manière du
faire », selon une distinction que fait Guillaume de Machaut, était joyeuse.
Elle a écrit d’amour « en vers joyeux et gracieux ». La femme ne doit plus
être confinée à un seul type d’écriture et à une seule expérience : la douleur.
Christine s’emploie donc à estomper le lien de l’écriture féminine à l’amour
et à mettre en évidence au contraire le lien de cette écriture au savoir. Elle
intitule le chapitre qu’elle consacre à Sapho « Ci dit de Sapho, la tres
soubtille femme, poete et philosophe ». Le titre dans la traduction de
Boccace de 1401 est « De Saphe Lesbie grande clergesse » et l’incipit « Cy
après s’ensuit de Saphe Lesbie, poeterresse et grant clergesse. La
XLVIIe rubriche » (t. I, p. 155). Le titre de « philosophe » est le compliment
suprême pour Christine, supérieur à la désignation de « clergesse », laudatif
néanmoins, qui s’applique dans la Cité des Dames à Carmentis (I, XXXIII,
p. 166), Cassandre (II, V, p. 232) et sainte Catherine (III, III, p. 436),
comme nous l’avons noté. Christine conclut le chapitre qui porte sur Sapho
par l’exemple de Léonce qu’elle trouve également chez Boccace. Elle écrit :
« Leonce, qui fu femme grecque, fu autresi si tres grant philosophe que elle
osa par pures et vrayes raisons reprendre et redarguer le philosophe
Teophraste qui en son temps tant estoit renommez » (Léonce, femme
grecque, était aussi une si grande philosophe qu’elle osa avec de pures et
vraies raisons reprendre et contredire le philosophe Theophraste qui en son
temps était si renommé ; I, 30, p. 160). Theophraste passait au Moyen Âge
pour avoir écrit un ouvrage contre le mariage intitulé L’Aureole (Le Livre
d’or), perdu. Jean de Meun le cite dans Le Roman de la Rose par la bouche
du Jaloux (éd. Lecoy, v. 8531-8536). Ce que Christine fait disparaître de
l’exemple de Boccace est que, selon ce dernier, Leuntium était certes une
grande philosophe, mais aussi une prostituée. Les adversaires de Christine
dans le Débat sur le Roman de la Rose n’ont pas laissé passer un tel point.
Jean de Montreuil assimile Christine à Léonce et Jean de Meun à
Theophraste. Il dit de Christine : « Encore qu’elle ne manque pas tout à fait
d’esprit — pour autant qu’une femme puisse en avoir — il me semblait
entendre “la courtisane grecque Leuntion, qui, ainsi que nous le rappelle
Cicéron, osa écrire contre le grand philosophe Theophraste” » (traduction
par Eric Hicks de la lettre « Ut sunt mores », in Le Livre des epistres du
debat sus le Rommant de la Rose, p. 43). La disqualification de l’écriture
féminine passe par une mise en cause des mœurs de la femme qui écrit. Là
encore, ce sont des accusations de cet ordre que l’on retrouve au XVIe siècle
à l’encontre de Louise Labé.
La femme écrit de la marge, marge due à son sexe, mais aussi à sa
langue : langue d’oc, franco-provençal ou « faux français d’Angleterre »,
ainsi que le nomme la nonne qui rédige La Vie d’Edouard le Confesseur.
Ces origines disent quelque chose des sociétés et des systèmes politiques
dont ces femmes sont issues. Les sociétés du Midi en effet ont octroyé à la
femme un statut plus libéral que la France du Nord et le cas des religieuses
est à considérer à part. Christine de Pizan, elle, vient d’Italie. Elle arrive très
jeune à Paris, à l’âge de cinq ans, mais garde un lien fort avec sa langue et
son pays d’origine, et avec ses écrivains : Dante, Pétrarque, Boccace. « Je
suis comme toy femme ytalienne », s’écrie-t-elle en s’adressant à Minerve à
l’ouverture du Livre des fais d’armes et de chevalerie. Minerve passe en
effet pour être née en Italie, dans l’interprétation évhémériste des dieux qui
fait d’eux des rois et princes célèbres des temps anciens. La place que
l’Université accorde à la femme en Italie est bien différente de celle qui lui
est faite en France où la femme n’y est pas admise. Christine se plaît à le
rappeler dans Le Livre de la Cité des Dames à travers un exemple
contemporain, « n’a mie LX ans », celui de Novella (p. 316). Celle-ci est la
fille d’un grand légiste de Bologne, Jean André, qui l’a instruite et qui lui
délègue son enseignement quand il est empêché. Elle fait alors cours à ses
étudiants, le visage caché par un petit rideau pour que sa beauté ne trouble
pas ses auditeurs, clercs masculins. Christine de Pizan arrive d’un ailleurs :
l’Italie, et parle d’un ailleurs : son statut de femme. Elle fait de cette donnée
une position revendiquée, biographique et intellectuelle. Partie de l’écriture
lyrique, de l’écriture d’amour qui plaît à la cour, elle se déplace vers une
écriture savante, qui lui plaît parce qu’elle est pour une femme une
conquête. Elle déplace le point de gravité de ses œuvres, des « choses
legieres » au commencement aux choses de plus « greigneur estude » (de
plus grande étude). Elle a recours à cette posture chaque fois qu’elle veut
interrompre de manière volontaire une situation qui ne lui convient plus.
C’est ainsi qu’elle met fin au débat sur le Roman de la Rose qu’elle avait
initié : « mais mieulx me plaist exerciter en autre matiere mieulx a ma
plaisance » (Mais il me plaît mieux de m’exercer dans une autre matière qui
me convient mieux ; Lettre à Pierre Col, éd. Hicks, p. 150, éd. Valentini,
p. 208). Quelques jours après, elle commence Le Livre du Chemin de Long
Estude.
ÉCRIRE EN FEMME

Que change une énonciation en je venue d’un sujet féminin ? On


pourrait penser que le topos de modestie du clerc par lequel s’ouvrent bien
des prologues, « moi, indigne… », se colore sans problème au féminin :
« moy, femme, pour mon indigneté » (Le Livre du Chemin de Long Estude,
v. 28). Christine de Pizan joue en fait un jeu plus subtil. Si elle affirme bien
sa faiblesse, son éloignement de la tâche qu’elle se propose : « moy femme
ignorant non savable » (Autres Balades, éd. M. Roy, XVI, v. 21), « moy,
povre creature, / Femme ignorant de petite estature » (L’Epistre Othea 23,
v. 17-18), son affirmation insistante que cette écriture provient d’une
femme, d’une femme pour laquelle elle rappelle en abondance des données
biographiques, « Fille jadis philosophe et docteur / (…) Maistre Thomas de
Pizan » (L’Epistre Othea, v. 19 et 24), donne à ses ouvrages l’attrait de la
surprise et de la nouveauté : « comme de choses nouvelles venue de
sentement de femme » (de l’esprit d’une femme ; Advision, III, XII, p. 113).
Elle ne répugne pas à faire valoir le caractère publicitaire de cette
féminisation du topos d’humilité. Elle explique ainsi le succès de ses
premières œuvres : « Et plus comme je tiens pour la chose non usagee que
femme escripse, comme pieça ne avenist, que pour la digneté que y soit »
(plus, à ce que je crois, en raison de la chose inhabituelle qu’une femme
écrive — cela n’est pas arrivé depuis un certain temps — plus donc qu’au
fait qu’elles en soient dignes ; Advision, III, XI, p. 111). Sa mise en avant de
sa persona de femme lui permet de repenser certaines questions littéraires
discutées par ses confrères. Elle ne partage pas la conviction mélancolique
d’un Jean Le Fèvre, qui est celle de tout le XIVe siècle, que l’on ne peut
« trouver de nouvel 24 ». À la proclamation triomphante du Roman de la
Rose au XIIIe siècle qui affirme : « La matire est et bonne et nueve » (La
matière est, et bonne et neuve ; éd. Lecoy, v. 39), elle répond à l’ouverture
de L’Epistre Othea. Elle n’ose louer la qualité de son entreprise mais elle en
souligne la nouveauté : « Car moult en est la matiere nouvelle » (v. 34). Son
statut de femme lui fait reprendre et repenser l’ensemble des réseaux
d’images par lesquels les clercs envisageaient leur écriture. Le réseau
agricole, tout d’abord, de l’écriture comme travail du sol et de la semence.
Chez les clercs et chez Jean de Meun en particulier, l’écriture comme labour
renvoie à l’activité sexuelle de l’homme qui laboure le corps de la femme
comme la plume incise le parchemin, y traçant des sillons et ensemençant.
Dans l’écriture des femmes — c’est le cas de Marie de France dans son
Prologue général et c’est le cas de Christine — l’accent est mis moins sur
l’image du champ labouré et semé pour dire l’écriture que sur l’image de la
fleur, de l’œuvre comme plante qui fleurit et porte des fruits. Dans le réseau
du travail mécanique, Jean de Meun poursuivait sa comparaison entre
travail de la forge, travail de reproduction sexuelle — les marteaux sont les
testicules — et écriture. Le message est celui de Genius (éd. Lecoy,
v. 19599-19670). Christine garde l’image de la forge mais elle lui ôte son
caractère sexuel masculin. La forge de Nature devient chez elle une cuisine
où Nature est entourée d’« infinis instrument de divers coins et empraintes,
aussi comme sont a Paris molles a faire gauffres ou autres outilz
semblables » (un nombre infini d’instruments de divers poinçons et
empreintes, comme sont à Paris les moules pour faire les gaufres ou autres
outils semblables ; Advision, I, II, p. 13). Il n’est plus question du travail des
métaux mais de la pâte. L’image culinaire revient chez Christine de Pizan
pour dire différentes situations. Ainsi, dans une ballade du premier recueil :
« Que me vault donc pestrir ne cuire, / Tirer, bracier, ne peine traire, / Puis
que Fortune m’est contraire ? » (Que me vaut donc pétrir et cuire, étirer,
brasser et prendre de la peine puisque Fortune m’est contraire ; ballade X
des Cent Balades, v. 5-7). Christine garde malgré tout l’image de la forge
pour dire l’engendrement de l’œuvre mais cette forge n’est plus évoquée
dans les termes de l’activité sexuelle masculine. Elle renvoie à la maternité.
Nature lui dit : « Prens les outilz et fier sur l’enclume la matiere que je te
bailleray si durable que fer : ne fu ne autre chose ne la pourra despecier ; si
forges choses delictables. Ou temps que tu portoies les enfans en ton ventre,
grant douleur a l’enfanter sentoies. Or vueil que de toy naissent nouveaulx
volumes » (Prends les outils et frappe sur l’enclume la matière que je te
donnerai, aussi durable que le fer : ni feu ni rien d’autre ne la pourra mettre
en pièces ; forge donc des choses agréables. Au temps où tu portais les
enfants en ton ventre, tu éprouvais de grandes douleurs au moment de
l’accouchement. Je veux maintenant que de toi naissent de nouveaux
volumes ; Advision, III, X, p. 110). En plusieurs occasions, elle tire des
comparaisons de cette expérience de la maternité. C’est en ces termes que la
France expose ses souffrances : « Mais tout ainsi que la femme ençainte,
laquelle non obstant le desir de veoir le fruit de son ventre hors de soy a
sauveté, ressongne la douleur du temps de l’enfantement, pareillement, non
obstant la joye de l’esperance du bon repareur a venir que Dieu m’a promis,
je ressongne le mal par ou convient que je passe ains que g’y aviengne »
(Mais comme la femme enceinte qui, bien qu’elle désire voir le fruit de son
ventre sortir d’elle sain et sauf, craint la douleur de l’accouchement, de
même malgré l’espérance joyeuse de la venue du bon restaurateur que Dieu
m’a promis, je crains le mal par où il convient que je passe avant d’y
parvenir ; Advision, I, XXII, p. 40). L’expérience personnelle de Christine
rejoint là un énoncé que Jean dans son Évangile met dans la bouche du
Christ (16, 21). Christine enfin a recours à une comparaison tirée de l’état
de la femme enceinte pour dénoncer le discours de Raison chez Jean de
Meun : « ainsi comme se je parloie a une femme grosse ou a un malade et
que lui ramentevoie pommes aigres ou poires nouvelles ou autre fruit qui
lui feust bien appetissant et contraire, et que je lui disoie que, se il mengioit,
ce lui nuiroit moult » (comme si je parlais à une femme enceinte ou à un
malade et que je lui évoquais des pommes sauvages ou des poires nouvelles
ou un autre fruit qui lui fasse envie mais qui lui soit contraire et que je lui
disais que, s’il en mangeait, cela lui serait bien dommageable ; Epître à
Pierre Col, éd. Hicks, p. 125, éd. Valentini, p. 184).
Écrire en femme, c’est laisser transparaître ou revendiquer au détour de
comparaisons un champ d’expérience qui est celui de la femme. Marguerite
Porete, à la fin de son Miroir des simples ames, dans un passage ardu,
utilise une comparaison venant du travail de la lessive et de son séchage au
soleil : « car ainsi soubtilment comme le soleil tire l’eau hors du drap, dont
nul ne se apparçoit, pousé qu’il le regarde, pareillement se deçoit Nature
sans son sceu, se elle n’est sur sa garde par tres grant esprouve » (car de
même que subtilement le soleil retire l’eau du drap, ce dont personne ne
s’aperçoit à supposer qu’il regarde, de même Nature s’égare sans le savoir
si elle n’est sur ses gardes par une très grande attention ; § 138, p. 113).
L’expérience de la femme est mise au service de l’exposé philosophique.
Christine parle en femme à travers des images, des comparaisons, des
gestes, bouleversant des topoi bien établis. Elle adapte la formule du « rude
bœuf » qui définit le clerc, en une formule d’auto-dénigrement amusé, non
plus le « rude bœuf » mais la « vache de Barbarie » : « Suis je fole ? Sainte
Marie / Des vaches suis de Barbarie / Qui ne recongnoit ses vëaulx ! »
(Suis-je folle ? Par Sainte Marie, je suis comme la vache de Barbarie qui ne
reconnaît pas ses veaux ! ; Le Chemin de Long Estude, v. 1119-1121). Elle
féminise des expressions toutes faites, du type « ne pas valoir une pomme »
qui devient chez elle « Et qui n’ont pas vaillant ma coiffe » (et qui n’ont pas
la valeur de ma coiffe ; Une Epistre a Eustace Mourel, v. 153). De manière
plus transgressive, elle applique des images maternelles, celle par exemple
de la poule prenant sous ses ailes ses poussins, à des hommes, des hommes
de guerre même. L’image vient de la Bible (Matthieu 23, 27) : « Jérusalem,
Jérusalem, (…) combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme
une poule rassemble ses poussins sous ses ailes. » Elle décrit ainsi Hector
jeté dans la bataille au moment de la guerre de Troie dans Le Livre de la
Mutacion de Fortune : « Troyens entour lui s’atroupellent, / En tel maintien,
com faire seulent / Li poucin environ la mere » (Les Troyens s’attroupent
autour de lui comme le font d’ordinaire les poussins autour de leur mère ;
v. 16387-16389). La même image revient pour décrire les nobles de
Bretagne se rassemblant autour de Duguesclin pour l’« avironner tout ainsi
que la geline les poscins » (et l’entourent comme les poussins autour de la
poule ; Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roi Charles V, tome I,
IIe partie, XX, p. 188). L’image est positive, c’est l’image de la Vierge de
miséricorde prenant dans les plis de son manteau l’humanité, image de
force et de protection. Christine peut l’appliquer à un homme sans le
rabaisser — la valeur n’a pas de sexe —, tout comme elle peut moquer un
clerc avec lequel elle débat en le comparant à une femme avec laquelle elle
est en désaccord : « Tu ressambles Helouye du Paraclit qui dist que mieux
ameroit estre meretrix appellee de maistre Pierre Abalart qu’estre royne
couronnée : si appert bien que les voulantés qui mieux plaisent ne sont pas
toutes raisonnables » (Tu ressembles à Héloïse du Paraclet qui dit qu’elle
aimerait mieux être appelée la prostituée de maître Pierre Abélard qu’être
reine couronnée : cela montre bien que les désirs qui plaisent le plus ne sont
pas tous raisonnables ; Lettre à Maistre Pierre Col, éd. Hicks, p. 146).
L’expérience charnelle de l’enfantement que souligne Christine permet
de comprendre son optimisme quant à la création littéraire. Comme un
enfant, un livre est « édité » au sens étymologique, c’est-à-dire mis au
monde, selon une image qui lui confère une sorte de naturalité. De plus, le
paradoxe social inscrit dans la position de Christine, femme écrivain, trouve
un garant, un répondant dans le paradoxe religieux d’une vierge-mère.
Christine peut écrire dans la mesure où une vierge a pu enfanter. Christine
revendique cette place qui fait à la fois son altérité et sa force. Elle l’appuie
en faisant de tous les envoyés de Dieu qui lui sont adressés des femmes.
C’est une femme, dame Loyauté, qui apparaît dans Le Dit de la Rose 25 ;
c’est par une femme, la Sibylle de Cumes, et non par un prophète, que
passent les révélations dans Le Livre du Chemin de Long Estude ; c’est une
trinité de femmes, enfin, et non un ange, qui prononce l’annonce faite à
Christine dans Le Livre de la Cité des Dames. Il y a un imaginaire femme
de la création littéraire chez Christine de Pizan qui, comme toujours chez
elle, allie douceur et provocation.
Vocation, provocation, fonction, l’écriture est pour Christine de Pizan
une mission. Elle a été choisie par Dieu, son écriture est inspirée. Elle
représente son élection à l’ouverture de nombre de ses textes, avec l’image
si forte de son entrée en écriture comme d’une Annonciation. C’est le rayon
de lumière qui frappe son giron à l’ouverture de la Cité des Dames, c’est
l’apparition à nouveau des trois Dames, Raison, Droiture et Justice, au seuil
du Livre des Trois Vertus, qui en est la suite. Christine est vouée à l’écriture,
elle se doit d’écrire, d’écrire sans cesse : se lever sus, mettre la main à la
plume, à l’œuvre. Ces gestes sont récurrents. Il ne lui faut pas rester
accroupie dans la poussière, tapie dans un coin comme un petit chien ainsi
que l’enseigne le Livre des Trois Vertus. La mission de Christine a trois
orientations : défendre et promouvoir la femme, c’est l’enjeu constant de
son entreprise ; participer à l’éducation des princes et des princesses, ce
qu’elle réalise dans des livres comme L’Epistre Othea (1400), Le Livre des
Trois Vertus (1405) dédié à Marguerite de Bourgogne ou Le Livre du Corps
de Policie (1406-1407) écrit pour le dauphin Louis de Guyenne, son époux ;
défendre la paix. Christine s’y emploie à travers des exhortations comme
L’Epistre a la Reine de 1405, La Lamentacion sur les Maux de la France de
1410 et des livres comme Le Livre de la Paix de 1412-1413, dont le
destinataire est toujours le dauphin Louis de Guyenne, espoir de la royauté
française ; il devait assurer la relève de son père, Charles VI, devenu fou,
mais meurt en 1415 à l’âge de dix-huit ans. L’écriture chez Christine est
toujours éthique et politique. Quelle vision de la femme ? Elle est d’abord
concrète, tirée de son expérience personnelle, à la fois expérience intime et
observation de la vie d’une cour et d’une ville comme Paris. Christine croit
à la valeur de l’expérience. Raison lui rappelle au début de la Cité des
Dames qu’elle n’a pas à se laisser troubler par les écrits misogynes. Ovide,
Matheolus, Jean de Meun ne sont que « pluralité d’oppinions estranges 26 »
(multitude d’opinions différentes). Elle sait par elle-même que les femmes
ne sont pas telles que les décrivent ces auteurs. Christine rapporte des
scènes qui l’ont marquée. Elles ont trait aux violences des hommes : mari
jaloux battant sa femme tout en lisant le Roman de la Rose, « Et a chascun
mot qu’il treuve a son propos il fiert ung coup ou deux du pié ou de la
paume 27 » (Et à chaque mot qu’il trouve à son goût, il frappe un coup ou
deux du pied ou de la main), noble frappant une femme sur un pont à Paris
parce qu’elle lui refuse une faveur 28. Christine sait élever le fait divers à la
hauteur d’un exemplum moderne. Elle rappelle à son fils dans ses
Enseignemens moraux 29 qu’il ne doit point battre sa femme. La violence
contre les femmes fait partie de l’horizon possible de la vie de son temps,
quel que soit le milieu. Christine crée de petites scènes de théâtre. Dans Le
Livre de la Cité des Dames (I, 10), elle se montre, un jour de fête, causant
sur le pas de sa porte avec une voisine. Un homme sort d’une taverne, se
vantant que dorénavant sa femme ne boira plus de vin. Christine l’interpelle
et lui demande pourquoi. La femme compensera par son abstinence les
excès avinés du mari. De la scène parisienne évoquée avec vivacité, elle tire
un enseignement moral.
Christine consacre un livre à un exposé détaillé d’instructions pour les
femmes : Le Livre des Trois Vertus 30, appelé parfois Trésor de la Cité des
Dames. C’est le titre qu’adoptent les trois imprimés d’Antoine Vérard
(1497), de Michel Lenoir (1503) et de Jehan André et Denis Janot (1536).
Le traité se déploie selon l’ordre hiérarchique du statut des femmes. La
première partie s’adresse aux princesses, la seconde aux dames nobles, la
troisième aux femmes d’état, aux bourgeoises et femmes du commun
peuple. Christine consacre même un chapitre de cette troisième partie à la
prostituée, « la femme de fole vie » et à sa réhabilitation. Elle croise aussi
des critères d’âge et de condition, jeune ou vieille, mariée, veuve, vierge.
Pour chacun de ces états, elle fait la démonstration du rôle social de la
femme et s’attache à décrire la vie quotidienne de chacune de ces
catégories. Elle évoque ainsi la journée d’une princesse, d’une femme qui
vit sur ses terres et de la femme d’un marchand ou d’un laboureur. Le
conseil général est que lorsque l’on a choisi la vie active, et non la vie
contemplative, il ne faut jamais demeurer oisif. Le tableau de la princesse
paresseuse est éloquent. « Couchiee en son lit entre souefs draps »
(Couchée dans son lit entre de doux draps ; p. 12), ses dames et ses
demoiselles aux petits soins, « genoulx flechis », elle se laisse aller à des
pensées d’orgueil et de jouissances matérielles. Christine lui rappelle
l’enseignement chrétien. Quel que soit son rang, elle n’est que « viande aux
vers » (nourriture pour les vers ; p. 14). Couvert d’un drap d’apparat ou
d’une pauvre couverture, un tas de terre est un tas de terre. L’enseignement
porte à la fois sur le comportement personnel et moral de ces femmes et sur
leur activité au sein du ménage. Christine reprend l’allure des femmes qui
vont « la teste levee comme cers ramages » (la tête dressée comme un cerf
aux bois branchus ; p. 73), leur habillement, leur diète. Toujours la
modération et l’adéquation au statut social et à l’âge sont conseillées. Les
remarques sur la mode sont les plus nombreuses. Deux chapitres y sont
consacrés, le chapitre XI de la deuxième partie et le chapitre II de la
troisième partie. Christine y dénonce les « outrageux attours et abiz »
(p. 157) pris par les femmes qui ne respectent plus dans leur mise la
hiérarchie de leur rang. Elle reprend le mimétisme qui fait que tous et toutes
s’envient et se copient, dépensant plus en ces vanités que leurs revenus ne
le permettent. Elle condamne de manière très pratique le gaspillage du tissu
qu’impliquent les longues traînes, « les manches a bombardes qui vont
jusques aux piez » (p. 159), les « haultes cornes » des coiffures, et ceci tout
particulièrement « quant aux dames de France » qui « changent d’an en
an ». Ces tenues extravagantes, ces « desguiseures » selon les termes de
Christine (p. 179), font suspecter l’honnêteté de ces femmes. Christine enfin
donne des conseils quant à la tenue d’un ménage : il faut surveiller sa
maisonnée. Et Christine de présenter le tableau haut en couleur des
chambrières qui font danser l’anse du panier (p. 209). Ce que l’on retient de
tous ces conseils est le pragmatisme de Christine qui analyse chaque
situation et va jusqu’à conseiller à la princesse « la juste yprocrisie » (p. 68)
nécessaire pour se faire apprécier, comme elle le doit, de tous.
« Mettre la main à la plume » pour la femme écrivain, c’est transformer
la passivité ordinairement attribuée à la femme en geste volontaire. La
plume devient épée. C’est une mutation d’un ordre identique que fait subir
Jeanne d’Arc à l’image de la femme en troquant la quenouille de la bergère
pour le glaive de la combattante. On comprend l’exaltation de Christine à
l’annonce de la délivrance d’Orléans et du sacre de Charles VII à Reims.
Silencieuse depuis onze ans, retirée à l’abbaye de Poissy, elle se prend à
rire, dit-elle. Elle exulte et écrit sur-le-champ, dans l’éclat d’une lumière
retrouvée, son Ditié de Jehanne d’Arc. Elle date le texte du 31 juillet 1429,
la libération d’Orléans a eu lieu le 8 mai.
Il y a chez Christine de Pizan un optimisme fondamental. « À quelque
chose malheur est bon » est sa devise. Le proverbe figure à l’ouverture du
Livre de la Mutacion de Fortune (v. 44-45) où elle retrace de manière
allégorique — le chavirement d’une nef — la mort de son mari. Elle sait
transformer le négatif en positif, la mort en une vie nouvelle. Elle croit au
progrès. On ne trouve pas chez elle d’éloge de l’âge d’or, à la différence de
Jean de Meun et d’autres grands auteurs comme Boccace qu’elle cite, pour
s’en démarquer, à la fin de l’exemple d’Arachné dans la Cité des Dames.
Elle croit à l’éducation qui vaut autant pour les filles que pour les garçons et
qui doit intervenir le plus tôt possible, car « toujours detient le pot le flair
qu’il prend quant il est neuf 31 » (Le pot garde toujours l’odeur qu’il a prise
quand il était neuf). Elle fait confiance à la femme, à ce qu’est une femme,
et lui apprend à ne pas se laisser atteindre par les écrits misogynes, en lui
révélant l’art de lire de tels écrits. La méthode ? User d’une figure de style
bien connue des clercs puisque les manuels de grammaire les plus célèbres
au Moyen Âge l’enseignent, ainsi Matthieu de Vendôme dans son Ars
versificatoria au XIIe siècle, Alexandre de Villedieu dans son Doctrinale au
e
début du XIII siècle : l’antiphrase. C’est la leçon de Raison au début du
Livre de la Cité des Dames : « Et les peut on prendre par une figure de
grammaire qui se nomme antifrasis qui s’entent, si comme tu scez, si
comme on diroit tel est mauvais, c’est-à-dire que il est bon, aussi a
l’opposite » (On peut les comprendre par une figure de grammaire qui se
nomme antiphrase, ainsi qu’on dirait, tu le sais, tel est mauvais c’est-à-dire
qu’il est bon, et vice versa ; I, II, p. 48). On trouve à nouveau ce conseil
dans la glose qui précède le Livre de l’advision Cristine (p. 10). Christine
sape l’autorité livresque au profit de l’expérience. Audace tranquille qui
colore toute son écriture d’une ironie efficace.
Comment être libre quand on dépend pour écrire et vivre de la volonté
d’autrui ? Christine de Pizan a conjugué trois stratégies : écrire pour plus
d’un mécène en multipliant les dédicaces ; écrire non seulement pour le
présent mais encore pour le futur — c’est son thème du temps à venir où les
sciences seront mieux reconnues — ; ériger enfin derrière la figure du
prince celle de Dieu. Christine fait confiance à ses œuvres, à leur succès
« au temps à venir », thème puissant — la formule est omniprésente — qui
marque peut-être chez elle l’empreinte de son père astrologue. Elle croit à la
force de l’exemple et au pouvoir d’ensemencement des livres. Christine de
Pizan est la première figure d’une intellectuelle écrivant en français.

*1. La graphie Pisan ou Pizan est un marqueur de l’évolution des connaissances


concernant Christine. Dans la bibliographie générale, nous avons choisi d’unifier les éditions
sous le nom CHRISTINE DE PIZAN, ce qui implique une modification pour les œuvres éditées par
Maurice Roy (qui s’échelonnent de 1886 à 1896) et pour celles éditées par Suzanne Solente, qui
utilisent la graphie Pisan. Dans les notes, nous respectons les graphies utilisées par les auteurs.
*2. C’est la question qui se pose dans le cadre de la succession de Louis X le Hutin, qui
meurt en 1316 sans héritier mâle.
Chapitre V
QUELS GENRES D’ÉCRITURE
POUR LA FEMME ?

Le corpus que nous avons constitué, le plus complet possible pour le


français et qui s’étend sur plusieurs siècles, est forcément hétérogène. Cela
a-t-il un sens de faire émerger l’écriture de ces femmes, de mettre en valeur
leur place dans le champ culturel ? Le statut de la femme qui écrit au
Moyen Âge peut-il servir de pierre de touche quant aux idées reçues sur la
femme écrivain ? L’opinion commune veut qu’il y ait des genres plus
spécifiquement féminins. Ce sentiment, cette impression, tiennent aux
présupposés que l’opinion véhicule. Premier préjugé : la femme est avant
tout une mère. Même pour des auteurs bien intentionnés, le premier titre de
gloire de l’écrivaine reste la maternité. Dans son Panegyric du chevallier
sans reproche de 1528, Jean Bouchet loue Christine de Pizan, certes d’avoir
su, d’après lui, la langue grecque et latine, mais surtout d’avoir été la
« mere de Castel homme de parfaite eloquence ». La femme est admirable
non en ce qu’elle crée des œuvres d’esprit mais des œuvres de chair. La
femme va donc en priorité s’adresser aux enfants, à ses propres enfants et
plus largement à de jeunes garçons ou filles à éduquer. La femme serait
prédestinée à l’écriture de traités d’éducation. On voit au XIXe siècle des
hommes prendre des pseudonymes féminins lorsqu’ils publient des traités
d’instruction élémentaire. C’est le cas de Theodore Lefèvre qui en 1863
signe sous le pseudonyme de Madame Doudet (l’indication du statut marital
est importante) son Nouvel Alphabet des premières connaissances. Le
deuxième a priori est que la femme, n’étant pas formée à l’écriture, ne va
pratiquer que des genres relevant de la vie courante, et au premier chef la
lettre, de quelque ordre qu’elle soit. Ces impressions résistent-elles à
l’épreuve des faits ?
Des femmes au Moyen Âge ont écrit des traités d’éducation, non en tant
que genre mais pour des raisons éminemment personnelles, en tant que
mères. Entre 841 et 843, la princesse Dhuoda, épouse de Bernard, duc de
Septimanie, mais qui vit séparée de lui, rédige en latin un traité pour son
fils, requis par son père : le Liber manualis 1. Il s’agit d’un miroir des
princes mais aussi pour Dhuoda d’un livre de consolation. Il doit la
représenter auprès de ce fils et être pour lui un miroir grâce auquel il
apprendra à se conduire. Le jeune homme a seize ans. L’entrée en texte,
avec sa multiplication des commencements : « Incipit textus », « Incipit
liber », « Incipit prologus », « Praefatio », dit avec éloquence la difficulté
pour une femme de se mettre à écrire. Certes, à la même époque, Otfried de
Wissembourg offre le même procédé de préfaces multiples à l’ouverture de
son Livre des Evangiles. C’est qu’il s’essaie à un autre type de
commencement, l’écriture non plus en latin mais en vernaculaire, le vieux
haut-allemand en l’occurrence. Dhuoda écrit en latin mais il y a bien une
barrière à franchir pour une femme qui veut accéder à une parole
personnelle 2.
Christine de Pizan au XVe siècle se livre à ce genre de deux manières,
directe et indirecte. Directement, elle écrit un traité intitulé dans les
manuscrits « Les Enseignemens que je Cristine donne a Jehan de Castel,
mon filz » ; il figure aussi dans d’autres manuscrits, sous le titre « Les
enseignemens moraux ». L’œuvre est très répandue. Il s’agit de
113 quatrains d’octosyllabes rimant aabb qui donnent des conseils de
conduite selon les différents choix de carrière envisagés pour le jeune
homme, mais insistent toujours sur l’importance de l’éducation et de la
lecture. Indirectement, elle écrit un traité d’éducation pour un jeune prince à
travers l’allégorie de la déesse Othéa, déesse de sapience, qui envoie une
lettre au jeune Hector de Troye, « quant il estoit en l’aage de quinze ans »
(ill. 9). Cette Epistre Othea a connu un immense succès. On l’a conservée
dans une cinquantaine de manuscrits. Elle écrit aussi un traité d’éducation
pour les dames, selon leur état, Le Livre des Trois Vertus. Dans sa
mouvance, une dame laisse à la fin du XVe siècle des Enseignemens à ses
deux filz en forme de testament. On lit ce texte en prose qui ne s’adresse en
fait qu’à l’un des fils de la dame dans le manuscrit 19919 de la Bibliothèque
nationale de France, folio 1-27 3. Cette dernière déplore qu’à la cour des
gens trouvent honorable d’attaquer les femmes qui ne peuvent se défendre
ni avec l’épée, ni par la parole, « car a l’escolle femmes ne vont ». Elle
donne des conseils à son fils, en particulier quant à l’enseignement de ses
propres filles : « fais lez lire et escripre. Supposé que aulcuns ne veuillent
que femmes sachent lectre, qui m’est advis abus, car plus l’en scet et plus
l’on vault » (fais-les lire et écrire. Même si certains ne veulent pas que les
femmes soient alphabétisées — ce qui est à mon avis un abus — car plus
l’on sait plus l’on vaut.) Elle a bien retenu la leçon de Christine de Pizan sur
l’éloge de laquelle elle termine son texte.
Quant à la lettre, pour avoir été conservée elle doit faire partie d’un
ensemble, d’une correspondance, ou avoir été insérée dans des documents
officiels, des chartes. Dans ses recherches du français parlé en Angleterre
aux XIIIe et XIVe siècles, Frédéric-Joseph Tanquerey 4 a publié un recueil de
164 lettres anglo-françaises qu’il a tirées des archives anglaises pour les
années 1265-1399. Parmi elles, quelques lettres de femmes, des demandes,
surtout au roi ou à son trésorier, mais peu de lettres privées. Une malgré
tout : Blanche, duchesse de Bretagne, informe le roi d’Angleterre Henri III
de la santé de ses enfants : « Sachiez, sire, que ma dame Beatrix, vostre
chiere file et la nostre est encor deheité de sa feivre, meis el en est mout
amendé » (Sachez, Sire, que ma dame Béatrice votre chère fille et la nôtre
et encore malade de sa fièvre, mais sa santé s’améliore ; p. 4). La lettre de
femme, en fait, nous est surtout connue par la littérature. Le modèle de la
lettre d’amour au Moyen Âge est constitué par les Héroïdes d’Ovide, lettres
fictives de femmes ou d’hommes écrites par des personnages de l’histoire
ou de la légende : lettre de Pénélope à Ulysse ou de Sapho à Phaon, lettre de
Pâris à Hélène et d’Hélène à Pâris, par exemple. Treize d’entre elles sont
traduites en français au XIVe siècle et intercalées dans la mise en prose du
Roman de Troie. Nombre de romans par ailleurs, à partir du XIIIe siècle,
offrent des exemples de lettres écrites par un personnage féminin, lettre
d’Iseut dans le Tristan en prose, lettre de la Dame d’Escalot dans la Mort le
roi Artu. Christine de Pizan écrit quelques lettres d’amour en nom féminin
dans son dit Le Livre du duc des vrais amans, écrit « en la personne » du
duc, c’est-à-dire en je masculin ; elle y écrit aussi une lettre
d’enseignement, une lettre de conduite, au nom de Sibille de la Tour, lettre
qu’elle reprend dans Le Livre des Trois Vertus. Les lettres émanant de
femmes que nous connaissons dans l’histoire sont des lettres en latin de
religieuses savantes qui soit s’inscrivent dans la tradition de ce que l’on
peut appeler l’amitié spirituelle, soit sont des correspondances doctrinales,
comme les réponses de Hildegarde de Bingen aux lettres de Guibert de
Gembloux qui a été pendant quelque temps son secrétaire. Une exception,
les lettres d’Héloïse à Abélard. On connaît le débat qu’a suscité leur
authenticité et le soupçon qui flotte encore dans l’étude de Georges Duby de
1995 5. Mais ce n’est pas parce que cette correspondance est « littéraire »
qu’elle est inauthentique. Jean-Yves Tilliette a fait à ce sujet et de manière
plus générale sur l’authenticité de la correspondance Héloise-Abélard un
point lumineux dans l’introduction qu’il donne à l’édition de ce texte en
2007 6. Cette correspondance, signe de l’intérêt qu’elle a suscité, a été
traduite en français par Jean de Meun au XIIIe siècle sous le titre La Vie et les
Epistres Pierres Abaelart et Heloys sa fame 7. La question des lettres en
nom de femme reste pourtant matière à débat quand des attestations
extérieures ne soutiennent pas l’attribution. Constance, la religieuse qui
répond à une lettre de Baudri de Bourgueil au XIe siècle, a-t-elle écrit cette
missive, ou Baudri, sur le modèle des Héroïdes d’Ovide, lui prête-t-il sa
voix ? Guillaume de Machaut fait-il de même avec Peronne dans le Voir
Dit ? Nous le pensons. Le modèle d’Ovide est fort.

o
9. Othéa envoyant son épître à Hector, Paris, BnF, ms fr. 606, f 1v.
Un cas exceptionnel est celui de Catherine de Sienne (1347-1380),
tertiaire dominicaine, qui, alors qu’elle est illettrée, c’est-à-dire ne sachant
pas le latin, a laissé un corpus de 383 lettres en langue vernaculaire, en
italien. Dictant ses lettres, elle s’adresse aux princes, aux cardinaux, prônant
le retour de la papauté d’Avignon à Rome. Elle a écrit ainsi à Charles V, le
roi de France, au pape de Rome Urbain VI et à la reine de Naples Jeanne Ire
qui soutient son adversaire Clément VI, le pape d’Avignon. Dans une lettre
d’octobre 1377 qu’elle adresse à son directeur de conscience Raymond de
Capoue, elle précise : « Cette lettre, et une autre que je vous ai envoyée, je
les ai écrites de ma main. (…) [Dieu] m’avait fait ce don et pourvue de ce
soulagement en me donnant la faculté d’écrire, afin que, descendant des
hauteurs, je puisse un peu soulager mon cœur auprès de quelqu’un pour
qu’il n’éclate pas 8 ». L’écriture, pour Catherine, tant faculté spirituelle que
capacité matérielle, est un don de Dieu. Écrire pour alléger son cœur après
une vision est une motivation que l’on rencontre chez d’autres femmes
mystiques. Marguerite d’Oingt écrit ainsi à son confesseur : « Ainsi com
Nostri Sires li mit au cuer, elle se pensa que s’ela metoyt en escrit ces
choses que sos cuers en seroyt plus alegiez. Se comença a escrire tot co qui
est ou livre, tot per ordre aussi come illi les avoyt ou cuer (…) Et quant illi
ot tot escrit, illi fu tote garie » (Elle pensa que si elle mettait ces choses en
écrit, comme Notre-Seigneur les lui avait mises dans le cœur, son cœur en
serait plus allégé. Elle commença à écrire tout ce qui est dans le livre, tout
en ordre comme elle l’avait dans le cœur (…) Et quand elle eut tout écrit,
elle fut toute guérie ; Lettre, § 138, p. 142). L’écriture pour ces femmes est
pensée comme une cure, une médecine. Elle est voulue par Dieu : « Et por
co je croy que ce fut escrit per la volunta de Nostre Segnour ». Que le
public, par ailleurs, soit en manque de lettres privées écrites par des
femmes, les inventions d’attribution le montrent. On donne ainsi à Anne de
Bretagne des Epîtres en vers qu’elle serait censée avoir écrites pendant la
campagne en Italie de son époux, Louis XII. On offre à Louise de Savoie un
manuscrit illustré des XXI Epistres d’Ovide (manuscrit BnF, fr. 875) de la
traduction par Octovien de Saint-Gelais des Héroïdes. L’enlumineur
Robinet Testard y met en valeur le geste d’écrire une lettre en présentant ces
héroïnes à mi-buste se livrant à cette activité.
Autre idée ayant cours rétrospectivement : la femme médiévale serait
attachée à son foyer, régnant sur l’intérieur de sa maison, immobile. Un
reproche pourtant que les clercs lui adressent est qu’elle « trotte », courant
aux pèlerinages, aux églises, se distrayant à tous les sens du terme, sortant
du droit chemin et s’amusant. Trottaconventos (Trottecouvents) est le nom
significatif que Juan Ruiz, au XIVe siècle, donne à son entremetteuse dans Le
Libro de Buen amor. Existe-t-il des récits de voyage écrits par des femmes ?
On a au IVe siècle le récit en latin d’un pèlerinage qu’une grande dame, une
religieuse, Égérie (ou Éthérie), accomplit des confins de l’Occident, sans
doute la Galice, à Jérusalem. Elle retrace en je son pèlerinage, s’adressant à
des dames. Son voyage se fait selon la Bible. On visite les lieux qui y sont
mentionnés, on communie dans le souvenir des événements qui s’y sont
passés. À l’autre bout du Moyen Âge, au XVe siècle, en Angleterre, une
bourgeoise, mariée, mère de quatorze enfants, dicte en moyen anglais le
récit de ses expériences mystiques et de ses voyages : Margery Kempe
(c. 1373-c. 1440). Elle s’est rendue en Terre sainte en 1413 après avoir pris
congé de son mari et de son confesseur. À chaque lieu, elle a écouté les
religieux franciscains dire ce que Notre Seigneur y a souffert. Là, le Christ
lui a ordonné d’entreprendre deux autres pèlerinages à Rome et à Saint-
Jacques, ce qu’elle fait. À la fin de sa vie, devenue veuve, elle effectue un
voyage de Lynn, sa résidence, à Dantzig pour raccompagner sa belle-fille
devenue veuve également. Le voyage à l’aller se fait essentiellement par
mer avec une escale en Norvège. Mais Margery Kempe accomplit seule le
retour, en chariot ou le plus souvent à pied, à travers toute l’Allemagne
jusqu’à Calais où elle embarque pour l’Angleterre. Ce qu’elle dicte,
longtemps après les faits rapportés, est, plus qu’un récit de voyage, un récit
de vie, le récit de ses tribulations. Le mot revient avec une grande
fréquence. On rencontre aussi le terme chez Christine de Pizan dans ses
écrits autobiographiques. Margery Kempe fait continûment son récit à la
troisième personne, se désignant comme « cette créature ». On se rappelle
que c’est la façon qu’a Marguerite d’Oingt de se désigner quand elle
rapporte ses visions. Margery Kempe nous montre comment elle, qui ne sait
ni lire ni écrire, a acquis sa culture théologique : par l’écoute des sermons et
en se faisant lire par un prêtre, qu’elle défraie, les livres qu’elle souhaite
connaître et dont elle nous donne la liste : la Bible avec des commentaires
des docteurs, les Révélations de sainte Brigitte, le livre The Prick of Love
attribué à Walter Hilton, le Stimulus Amoris (L’aiguillon d’Amour) attribué
à saint Bonaventure, l’Incendium Amoris de Richard Rolle de Hampole.
Inquiétante par ses comportements excessifs, pleurs abondants, cris,
évanouissements, accusée de lollardisme, elle est examinée plusieurs fois
par les autorités ecclésiastiques mais chaque fois lavée du soupçon
d’hérésie. Elle a du mal à faire transcrire son livre, mal copié une première
fois, mal écrit, et que le prêtre à qui elle confie cette version n’arrive pas à
lire. Avec une grande minutie, elle fait retracer dans un « Proème », un
prologue, les péripéties de cette écriture qui n’aboutit que grâce à une
intervention divine : le prêtre perd la vue puis la recouvre. Le livre est
achevé en 1436. Ce proème peut se lire comme une allégorie des difficultés
d’accès à l’écriture pour une femme.
Certains genres sont-ils « interdits » aux femmes ? Des femmes ont-
elles écrit des épopées ou du théâtre ? Oui, en latin. Hrotsvita (c. 935-
c. 973), chanoinesse au couvent de Gandersheim, une abbaye de dames
nobles de Saxe, a écrit une épopée sur le règne d’Otton Ier, commandée par
l’abbesse de Gandersheim, Gerberge, nièce d’Otton : les Gesta Oddonis
(967-968). Elle est aussi l’auteure de six « comédies » religieuses,
composées à l’imitation de Térence qu’elle connaît bien. Plus que de théâtre
à proprement parler, il s’agit de dialogues hagiographiques en prose rimée
sur des sujets chrétiens. Dans la préface de ses Drames 9, Hrotsvita se
désigne elle-même, glosant en latin, par une étymologie symbolique, son
nom allemand : « Ego, clamor (Hrôt) validus (swîth) Gandeshemensis ».
Elle souligne par là sa mission de type prophétique, ou à tout le moins
didactique. La formule renvoie à l’expression de saint Jean-Baptiste : « Ego
vox clamantis in deserto 10 ». Son œuvre, redécouverte à la fin du Moyen
Âge, en 1493, par l’humaniste Conrad Celtis, a été publiée par ce dernier à
Nuremberg en 1501. Selon une suspicion que l’on voit souvent à l’œuvre à
propos de l’écriture de femmes 11, l’érudit Joseph Aschbach dans sa thèse de
1867 prétend qu’il s’agit d’un faux, c’est-à-dire d’une création de Celtis lui-
même. Le débat a agité les milieux savants, et jusqu’aux journaux, dans
l’Europe de la seconde moitié du XIXe siècle, époque où les pastiches
fleurissent. Pensons à Clotilde de Surville. La découverte de nouveaux
témoins a fait litière de cette hypothèse. Pour ce qui est du théâtre, toujours,
la bénédictine Hildegarde de Bingen, dans son œuvre abondante et variée, a
composé autour de 1151 un Ordo virtutum, chanté. Il s’agit d’une moralité
mettant en scène dix-sept vertus, toutes femmes qui viennent en aide à
l’Âme que dispute le diable. Les vertus, sous la gouverne de leur reine
Humilité, triomphent ; le diable est enchaîné et l’Âme est portée en
procession hors de scène. Si les femmes font bien partie du public du
théâtre au Moyen Âge, si elles font partie des troupes, on ne connaît pas en
revanche d’ouvrage dramatique en français composé par une femme qui se
désigne en tant que telle avant Marguerite de Navarre.
Plus surprenant d’un point de vue moderne, on ne rencontre pas de
noms de femmes ayant écrit ce que l’on appelle déjà au XIIe siècle des
romans, c’est-à-dire des textes longs de fiction. Marie de France écrit des
Lais dont le plus long, Eliduc, ne dépasse pas 1184 vers, Christine de Pizan,
pour l’aspect fictionnel de son œuvre, des dits. Comment comprendre le
phénomène ? La femme qui écrit se trouve majoritairement dans un couvent
et l’écriture de divertissement, de « vanité », selon le terme employé par les
hommes de religion, ne lui convient pas. En outre la femme mystique pense
l’écriture brève comme un signe d’élection. Le Livre qui apparaît à
Marguerite d’Oingt dans l’expérience qu’elle rapporte dans son Miroir ne
comporte que deux pages. Chez Marguerite Porete, la longueur est le propre
des disciples de Raison. Elle est porteuse d’ennui alors que la concision est
la marque de l’intelligence d’Amour. Pour les femmes dans le siècle, la
pression sociale — poids des convenances, rôle des confesseurs — voue la
femme à une écriture morale. De plus, quant à la longueur, peut-on
imaginer qu’indirectement, de manière ironique, ces écrivaines répondent,
inconsciemment peut-être, à l’accusation de loquacité portée contre la
femme par les misogynes ? Ce type d’ironie ne messiérait pas à Christine de
Pizan. Les conventions s’inscrivent dans la longue durée. En 1967, Louis
Aragon dans son roman Blanche ou l’Oubli prête à son narrateur les mots
suivants : il admettait de penser que Blanche « écrivît, au sens inférieur de
ce mot, des lettres à une amie en France, les comptes de son ménage, un
journal comme une jeune fille, que sais-je ? mais non pas qu’elle se fût mise
à écrire, ce qui s’appelle écrire, c’est-à-dire à se servir de l’écriture comme
d’une machine à inventer, à imaginer » 12. La lectrice par ses choix rétablit-
elle l’équilibre ?
Chapitre VI
EN AVAL : LECTRICES

Comment appréhender les lectures des femmes au Moyen Âge ? On les


saisit à travers les conseils que leur adressent des hommes, confesseur ou
mari. Il s’agit alors de lectures religieuses ou morales qui peuvent se réduire
au psautier. L’auteur du Mesnagier de Paris, écrit vers 1393, rappelle à sa
jeune femme des exempla édifiants. Il retranscrit pour elle en français
l’histoire de Grisélidis d’après Pétrarque, l’histoire de Mélibée de Renaut de
Louhans et Le Chemin de Povreté et de Richesse de Jacques Bruyant,
apologie du travail. La femme doit être guidée dans ses lectures. La
traduction-commentaire du Cantique des Cantiques 1 de la fin du XIIe siècle,
dédiée à une femme, rappelle que la lettre mal comprise est un couteau dans
la main d’un enfant (v. 1871). Les fonctions de la lecture ou de l’écoute
d’œuvres pour une femme sont l’enseignement moral mais aussi le
divertissement. Pour les textes religieux, une lecture méditative est même
prônée, qui est une forme de prière. Un manuscrit du XVe siècle (BnF,
fr. 22542) offre une préface explicative au Songe du Vieil Pelerin de 1389
de Philippe de Mézières 2. Ce préambule explique que le livre « peut se lire
par troys manieres d’entendements selon la capacité et entendement des
liseurs et auditeurs ». Le premier public est celui de « ceulx qui ne sont pas
clercs comme dames et damoiselles », le deuxième celui des clercs, le
troisième celui de « ceulx qui entendent la sainte escripture ». Pour le
premier public, les dames — qui constituent donc bien une catégorie —, le
livre sera un passe-temps. L’auteur du préambule pense que le livre leur
plaira parce qu’il met en scène des dames, « roynes, dames et damoiselles et
chambrieres procedant en maniere de court royalle », en fait toute une série
d’allégories comme Providence divine, Vérité et ses dames d’honneur,
superbement représentées dans les miniatures qui illustrent ce texte
explicatif. Pour les clercs, le livre sera à la fois « plaisant et prouffitable »,
mettant en œuvre pleinement le précepte d’Horace : « delectare et
prodesse ». Il leur apprend à parler selon les enseignements de rhétorique et
les instruit. Le troisième type de lecteurs, ceux qui « scevent reduire le sen
literal au sen mistic et moral », c’est-à-dire ceux qui savent lire à plus haut
sens « le doivent exposer aux autres qui ne l’entendent pas ».
Une source de renseignements quant aux lectures des femmes est
constituée par leur testament ou l’inventaire de leur bibliothèque, à
commencer par la façon dont elles disposent de leurs livres après leur mort.
Ces bibliothèques sont le fait de grandes dames, reines et princesses, et
peuvent provenir pour une part d’un héritage, de leur père en particulier.
C’est le cas de Marie de Berry 3, fille de Jean de Berry, éminent bibliophile.
Marie récupère une partie de sa dot, non payée par son père, en livres à la
mort de ce dernier. Le reste des livres vient de commandes personnelles, de
dons ou d’emprunts. De quel ordre de grandeur est le volume de ces
bibliothèques ? Il est difficile de l’évaluer de manière générale, mais l’on
peut citer quelques exemples. L’inventaire des biens de Clémence de
Hongrie, veuve de Louis X, fait état de 21 manuscrits en français à sa mort
en 1328. On compte 43 manuscrits pour Isabeau de Bavière qui possédait
une véritable bibliothèque avec une personne en charge des livres,
Catherine de Villiers, l’une de ses dames d’honneur. Marguerite de
Bavière 4, épouse de Jean Sans Peur, laisse à sa mort 53 manuscrits,
Gabrielle de Bourbon-Montpensier, vicomtesse de Thouars, à sa mort en
1516, 70 volumes dont 18 livres imprimés. Dans ce nombre figurent six
petits traités de morale ou de dévotion dont elle est l’auteure. Le coffre aux
livres de Marie de Bretagne, abbesse de Fontevraud, inventorié à sa mort en
1477, compte 103 articles 5. Que penser de la bibliothèque de Jeanne Ire de
Naples qui envoie en 1348, par l’intermédiaire de son sénéchal, quatre
caisses contenant presque 100 livres comme cadeau à Clément VI dont elle
recherche l’aide ? On peut supposer que sa bibliothèque était considérable
pour qu’elle puisse se permettre un tel cadeau.
Comment se répartissent les sujets au sein de ces ensembles ? Toujours,
pour presque la moitié ou plus, il s’agit de livres religieux, bibles, psautiers,
livres d’heures, vies de saints. Viennent ensuite en ordre décroissant les
livres édifiants, et parmi eux des livres de consolation, de réconfort, tout
particulièrement La Consolation de Philosophie de Boèce, mais aussi un
livre comme Le Confort d’ami de Guillaume de Machaut qui se trouve avec
Boèce dans la bibliothèque de Marie de Bretagne, par exemple. On
rencontre ensuite des livres historiques : Le Miroir historial de Vincent de
Beauvais en français, Les Grandes Chroniques de France et les livres de
divertissement. Parmi ces derniers, les titres qui reviennent le plus souvent
sont Le Roman de Renart (un exemplaire chez Mahaut d’Artois, deux
exemplaires chez Marguerite de Bavière), L’Istoire de Lancelot, le Saint
Graal, Tristan (présent dans l’inventaire de Mahaut d’Artois et chez
Marguerite de Bavière), Galaad, Guiron le Courtois, Les Vœux du paon
chez Mahaut d’Artois qui le fait acheter auprès du libraire Thomas de
Maubeuge et chez Marguerite de Bavière qui l’emprunte au duc son mari et
ne lui rend pas. Le Roman de la Rose est chez Clémence de Hongrie, Marie
de Berry, Jeanne d’Artois, « la damoiselle de Dreux » restée veuve le jour
de ses noces, à douze ans. Le Roman de la Violette est chez Mahaut d’Artois
et Marie de Berry (il est relié au Roman de la Rose), Cléomadés, des
Enfances Ogier se trouvent chez Mahaut d’Artois et Clémence de Hongrie.
Ces deux ouvrages sont d’Adenet le Roi. On note aussi la présence de livres
d’un intérêt particulier pour les femmes comme Le Livre des femmes nobles
et renommées de Boccace chez Marie de Berry (il vient de son père), des
œuvres de Christine de Pizan. Il est intéressant de suivre la circulation de
ces livres. Dans leur testament, les femmes précisent en effet souvent le
légataire pour tel ou tel ouvrage. Cécile de la Voute, béguine de Roubaud,
lègue la Vie de sainte Douceline qu’elle possède, le « librum sanctae matris
nostrae » (le livre de notre sainte mère), ainsi qu’elle le désigne à deux de
ses compagnes. Elle précise que le livre passera successivement à chacune
de ses deux légataires, puis à la mère de l’une d’elles, et après la mort de
celle-ci fera retour à la communauté. Marguerite de Bécourt, dame de
Santes, dans son testament du 14 juin 1460 qu’a étudié Bertrand Schnerb 6,
destine son Livre de la Cité des Dames à l’une de ses deux commères. Une
femme peut aussi acheter une partie de la bibliothèque d’une autre femme,
telle Jeanne d’Evreux, veuve de Charles IV le Bel, qui achète 13 livres de la
succession de Clémence de Hongrie. À sa mort, elle lègue sa bibliothèque à
sa fille, malheureusement pour nous sans inventaire. Dans son étude
« L’essor des bibliothèques privées aux XIVe et XVe siècles » 7, Geneviève
e
Hasenohr remarque que Christine de Pizan est l’auteure du XV siècle la
mieux représentée dans les bibliothèques féminines de la fin du Moyen
Âge. On trouve la Cité des Dames, Le Livre des Trois Vertus et L’Epistre
Othea dans l’inventaire des biens de Charlotte de Savoie 8, l’épouse de
Louis XI ; une quinzaine de volumes de Christine dans la bibliothèque de
leur fille Anne de France 9. Les manuscrits de la Querelle du Roman de la
Rose figurent dans les bibliothèques de Valentine Visconti et de Marie de
Clèves.
Quel goût de la lectrice voit-on se dessiner, que ce goût soit celui qu’on
lui impose, ainsi de la lecture de livres consacrés à l’obéissance due au
mari, telle l’histoire de Grisélidis, que ce soit celui qu’on lui suppose et que
l’on peut évaluer par les livres qu’on lui offre, des vies de saints souvent *1,
ou que ce soient des goûts qui semblent correspondre à ses aspirations ? La
figure de la lectrice dans les romans peut nous donner des indications 10.
Dans le roman de Flamenca, l’héroïne répète son stratagème de
communication avec son ami en s’entraînant sur un livre qu’elle possède,
Floire et Blancheflor, roman que cite également, nous l’avons vu, la
Comtesse de Die. Chez Dante, au chant V de l’Enfer, Paolo et Francesca
deviennent amoureux en lisant le Roman de Lancelot. Jean Froissart, dans
son Espinette amoureuse, nous présente une jeune fille en train de lire le
roman de Cléomadés d’Adenet le Roi. C’est le roman qu’a commandé au
trouvère la reine de France Marie de Brabant sur une histoire rapportée
d’Espagne par Blanche, fille de Saint Louis, veuve de l’infant de Castille 11.
Dans le même dit, le narrateur prête à la jeune fille qui lui a demandé un
livre Le Baillieu d’Amours ou Court d’Amours de Mahieu le Poirier.
Boccace, dans son Elegia di Madonna Fiametta 12 de 1343, fait dire à son
héroïne : « Je me souviens de mes lectures de romans français. S’ils ont
quelque crédit, Tristan et Iseut se sont certainement aimés plus que tous les
autres amants, et, très jeunes, ils ont connu joies et épreuves » (p. 167). Le
récit d’amour, ses joies et ses peines, plaît aux dames selon les auteurs
masculins. La bibliothèque de Marie de Clèves, épouse de Charles
d’Orléans, affiche les goûts d’une femme elle-même écrivain. Elle aime la
poésie et les nouveautés. Elle possède le manuscrit BnF, f. fr. 20026,
manuscrit anthologique qui contient en particulier les œuvres d’Alain
Chartier et qui s’ouvre sur La Belle Dame sans mercy. Il contient aussi de
manière plus surprenante le Jugement du Roy de Bohème de Guillaume de
Machaut, mais sans que le nom du poète soit mentionné. Le texte, de plus,
est appelé à l’explicit Jugement d’Amours, ce qui explique peut-être sa
présence dans ce recueil consacré à la question du débat autour de l’amour.
Marie de Clèves s’est servie de ce manuscrit comme d’un Liber amicorum
et l’on trouve sur les feuillets de garde la signature de ses amis des deux
sexes. Elle possède aussi Le Chevalier au cygne, texte de la fin du
e
XIV siècle, et des romans contemporains : Cleriadus et Meliadice, roman

des années 1435-1440, le Roman de Troyle et Criseida de Louis de Beauvau


— il s’agit de la traduction française du Filostrato de Boccace (c’est le
manuscrit BnF, fr. 25528 de 1455 qu’a transcrit pour elle Pierre
d’Amboise) —, le Petit Jehan de Saintré d’Antoine de la Sale qui date de
1456. Dans un rondeau 13, le duc d’Orléans se moque gentiment de la lecture
par sa femme du Roman de Troyle un jour de Vendredi saint : « Lire vous
voy fais merencolieux / De Troïlus (…) Laissez l’en paix, il n’en est plus de
tieux ! » (Je vous vois lire les faits mélancoliques de Troïlus (…) Laissez-le
en paix, il n’en est plus de tel !). Dans la bibliothèque de Marie de Clèves
figurent enfin des textes d’un intérêt tout particulier pour les femmes : Le
Livre du Chevalier de La Tour Landry pour l’enseignement de ses filles et
les Epistres sur le Roman de la Rose. La bibliothèque de Marie de Bretagne
affiche la forme de sa spiritualité, elle qui a résidé avec sa mère, Marguerite
d’Orléans, pendant un temps chez les Clarisses de Longchamp. Sa
bibliothèque contient la Vie d’Isabelle de France rédigée à Longchamp par
l’abbesse Agnès d’Harcourt et des ouvrages d’inspiration franciscaine, La
Vie seur Collette (Colette de Corbie) et une Vie de saint François. On y
trouve également, signe de la renommée de cet auteur et des intérêts
politiques de Marie, le Quadrilogue invectif d’Alain Chartier.
Y a-t-il un mode de lecture propre aux femmes ? Christine de Pizan en
conseille un pour les écrits antiféministes : la lecture par antiphrase. Elle
fait dire à Raison dans Le Livre de la Cité des Dames : « Si te conseille que
tu faces ton prouffit de leurs dis et que l’entendes ainsi, quelque fust leur
entente, es lieux ou ilz blasment les femmes » (Je te conseille de faire ton
profit de leurs paroles et de le comprendre de cette manière [l’antiphrase]
quelle que soit leur intention dans les passages où ils blâment les femmes ;
Livre I, chap. II, p. 48). Comment les femmes ont-elles lu Les Lamentations
de Matheolus, texte violemment antiféministe dont on trouve un exemplaire
dans la bibliothèque de Marie de Bretagne ? Comment ont-elles lu Le
Roman de la Rose, que l’on rencontre assez fréquemment dans leurs
bibliothèques ? Comme un art d’amour, comme l’enjoignait Guillaume de
Lorris, comme un traité misogyne ou contre le mariage pour la partie que
revendique Jean de Meun ? Une farce du début du XVIe siècle 14 met en
scène un vendeur de livres qui crie sa marchandise, en tout une vingtaine de
livres, des nouveautés, devant un public d’acheteuses. Une d’elles
l’interroge : « Av’ous le Roman de la Rose ? L’Homme : Ouy, ma dame. La
première femme : Montrés le nous. L’Homme : Y est enfermé tout
dessoublz, / Pas ne l’erés sy promptement. » Le Roman de la Rose est au
fond de la hotte du colporteur. Ce n’est pas une nouveauté. L’auteur de la
farce se moque-t-il du goût retardataire de sa potentielle cliente ? Ironise-t-il
plus radicalement sur le fait que ce soit une femme qui demande un livre
contenant des diatribes antiféministes ? La mention témoigne en tout cas du
succès du roman, puisqu’il présente cette demande comme possible. Le
succès du Roman de la Rose a opéré auprès de tous les publics, de tous
milieux et de tout sexe. Seules les grandes dames lisent-elles ? Il semble
que ce ne soit plus le cas à la fin du Moyen Âge, si l’on se fie à ce
témoignage et à celui de testaments. En 1432 on voit un prêtre, John
Ravensthorpe, léguer un livre de contes en anglais à sa servante Agnès
Celayne.
Les femmes lisent-elles prioritairement des textes de femmes ? C’est ce
que semblent penser les hommes, montrant que pour eux la littérature écrite
par des femmes est bien une catégorie. Denis Piramus divise le public des
Lais de Marie de France en hommes et femmes. Tous y prennent du plaisir
(« i unt delit ») mais les dames en particulier « les oient de joie e de
gré / Qu’il sunt sulum lur volenté 15 » (les entendent en joie et volontiers car
ils sont selon leur désir). Le traducteur flamand de la Cité des Dames,
évoquant l’attribution controversée du texte à Christine, pense que le texte
est bien d’elle car seule une femme pouvait écrire aussi favorablement au
sujet des femmes 16. Le commanditaire de la traduction, Jan III de Baenst,
quant à lui, espère que grâce à elle de nombreuses femmes seront édifiées
(fo 331r). Au XVIe siècle, Pierre de Lesnauderie 17 recommande aux dames la
lecture de l’ouvrage de Christine en argumentant de la manière suivante :
« lequel livre est tres beau et bon a veoir et estudier pour les dames, attendu
qu’il est composé par une femme » (f. XVIII r). Le cloisonnement des sexes
est une protection pour l’homme. Celui-ci construit un horizon de lecture
restreint pour l’autre sexe : des livres de femmes ou mettant en scène
prioritairement des femmes. Le préambule ajouté au Songe du Vieil Pelerin
est éloquent. Il suggère de plus par sa constitution qui enclôt des miniatures
un élément incitateur pour la lecture féminine : le rôle de l’image.

*1. Erart de Lezinnes commandite La Vie de sainte Elizabel (Élisabeth) de Hongrie de


Rutebeuf pour Isabelle de Navarre, la fille de Saint Louis.
Chapitre VII
CIRCULATION DE LA PAROLE
ET DE L’ÉCRITURE DES FEMMES

Comment la femme écrivain vit-elle l’écriture ? Comme un travail et


non comme un passe-temps. Le point va à l’encontre de ce que la tradition
misogyne a coutume d’appeler « ouvrage de dame », elle qui ne veut voir
dans l’écriture de la femme que futilité ou au mieux spontanéité (cri, pleur),
rien en tout cas qui relève d’un art conscient. Marie de France dit pourtant
« Souventes fiez en ai veillié » et Christine de Pizan parle de son « labour et
lonc travail » (v. 73) à propos du recueil de ses œuvres complètes, qu’elle
offre à Isabeau de Bavière, « qui contient grant euvre et penible » (v. 75) 1.
Ces allusions faites à des nuits de veille, non pour des raisons amoureuses,
comme c’est souvent le cas dans la poésie des troubadours et des
trouvères 2, mais pour des raisons liées à la composition littéraire, au
« métier », signent pour la femme écrivain la prise en main de son destin.
Elle n’est plus seulement objet d’amour mais sujet écrivant. À l’insomnie
amoureuse de l’héroïne du Lai de Laustic, au prétexte d’écouter le chant du
rossignol, « Et le plus de la nuit veillot » (et elle veillait la plus grande
partie de la nuit ; v. 76), répond l’insomnie studieuse de l’auteure, Marie.
Christine de Pizan, elle, signale à « un noble seigneur » à qui elle envoie
une copie de son Epistre a la Reine 3 (manuscrit BnF, fr. 580 ; l’Epistre est
datée du 5 octobre 1405) que le manuscrit qu’elle lui fait tenir a été écrit de
sa main, à une heure avancée de la nuit : « De ma main fait apres mienuit
une heure, Mais n’avoye nul autre clerc a l’heure » (Fait de ma main à une
heure du matin mais je n’avais pas d’autre clerc alors). Ce travail conscient,
revendiqué, procure aux femmes écrivains du plaisir. Marie de France
l’affirme 4. Christine de Pizan le confirme. Dans un rondeau 5 qu’elle adresse
au duc Jean Ier de Bourbon pour le féliciter de composer de la poésie, elle
parle « des gracieux esbanoiz / Qui sont en dicter compris » (des plaisirs
gracieux venant de composer ; v. 3-4). Et elle ajoute dans une incise portant
sur l’art de la poésie : « se m’y congnoiz » (je m’y connais). De manière
plus générale, passant de l’écriture à la connaissance, elle assure Isabeau de
Bavière du plaisir inhérent à l’étude : « il n’est si beaulx mestiers » que
d’apprendre (Il n’est pas de plus belle tâche que d’apprendre ; v. 46 de sa
dédicace).
La femme quand elle écrit a-t-elle le sentiment de faire œuvre ? On voit
Marie de France se préoccuper de préserver par ses écrits les récits qu’elle
rapporte, de même que de sauver la mémoire de son nom. Elle ne dit pas
s’intéresser directement à la diffusion de ses œuvres mais elle évoque
indirectement la manière dont les récits se répandent. À la fin du Lai du
Chaitivel, elle énonce l’achèvement du lai « et puis parfaiz e anunciez » (et
puis achevé et rendu public ; v. 232). « Icil kil porterent avant, / Quatre
Dols l’apelent alquant » (Ceux qui le répandirent l’appellent parfois Les
Quatre Malheureux ; v. 233-234).
Christine, elle, a le sentiment de bâtir une œuvre, au sens moderne, une
œuvre globale. Elle communique ce sentiment au lecteur par des renvois
incessants qui ne sont pas à seules fins publicitaires, même s’ils jouent aussi
ce rôle. Un nouveau livre est toujours mis en perspective par rapport aux
précédents. Elle dessine ainsi des réseaux dans sa production, suggère des
regroupements, des lectures conjointes pour les sujets qui lui tiennent à
cœur. Autour de la question de la défense de la femme, elle renvoie dans la
Cité des Dames à L’Epistre au dieu d’Amours : « Et de ce as tu assez
souffisamment parlé en ton Epistre du Dieu d’Amours » (et de cette
question tu as fort bien parlé dans ton Épître du dieu d’Amour ; II, 47,
p. 336). Elle réitère le renvoi et le complète quelques chapitres plus loin :
« car toy mesmes as assez souffisamment traictié la matiere tant contre
cellui Ovide, comme contre autres, en ton Epistre du dieu d’amours et es
Epistres sus le “Rommant de la Rose” » (car toi-même en as bien traité la
matière aussi bien contre Ovide que contre d’autres, dans ton Épître du dieu
d’amour et dans les Épîtres sur le Roman de la Rose ; II, 54, p. 376). Elle
mentionne, par la voix des allégories qui la dédoublent, qu’elle a déjà étudié
et présenté certaines figures féminines fondamentales, aussi bien à
l’intérieur d’une même œuvre que d’une œuvre à l’autre. Il en va ainsi de
Didon dans la Cité des Dames. Au chapitre 46 de la première partie, elle
apparaît comme bâtisseuse de ville, Carthage. Au chapitre 55 de la
deuxième partie, elle est convoquée pour la fermeté de l’amour qu’elle
porte à Énée. Loyauté précise même, sans donner les références *1, que
Christine en a aussi parlé ailleurs. On assiste à un même jeu de renvois pour
Thamaris, la reine des Amazones (Livre I, chap. 17). Raison rappelle à
Christine qu’elle a parlé de cette dernière dans Le Livre de la Mutacion de
Fortune et dans L’Epistre Othea (p. 114). Elle fait de même pour Ysis, pour
laquelle Dame Raison précise : « si que toy meimes as touchié en ton livre
de Othea » (I, 36, p. 176).
Pour les livres à sujet politique, elle renvoie dans l’Advision à la
Mutacion de Fortune, dans Le Livre du Corps de Policie à La Preudommie
de l’omme, dans Le Livre de la Paix au Livre du Corps de Policie et ainsi de
suite, créant des réseaux denses et précis. Certains renvois en effet rentrent
dans le détail des parties et des chapitres, Christine créant la figure d’un
lecteur attentif et qui cherche à s’instruire. Dans Le Livre du Corps de
Policie, elle reporte son lecteur à son Charles V en ces termes : « ainsi
comme je mis au lonc ou livre que de ses fais et bonnes meurs je compilay
si que je sos en la troisieme partie qui est vers la fin du dit livre » (comme
je l’ai rapporté à plein au livre que j’ai compilé de ses faits et bonnes
mœurs, tel que je le savais, dans la troisième partie qui est vers la fin de ce
livre ; I, 27, p. 46). Elle signale aussi ses propres reprises textuelles, invitant
le lecteur à passer outre s’il a déjà lu le morceau dans une œuvre
précédente. Tel est le cas de la lettre de Sibylle de Monthault qui paraît dans
Le Livre du duc des vrais amans et qui est reprise dans Le Livre des Trois
Vertus avec cette mention : « Pour ce que [cette épître] puet servir au propos
que ou chapitre cy aprés ensuit, sera de rechief recordee. Si la peut passer
oultre qui veult, se au lire lui anuye ou se autre foiz l’a veue » (Parce que
cette épître peut servir au propos du chapitre qui suit, elle sera rappelée. Qui
veut peut la sauter, si sa lecture l’ennuie ou s’il l’a déjà vue ; I, XXVI,
p. 109). Cette idée du choix laissé au lecteur, qui présuppose une lecture
individuelle, se rencontre déjà chez Guillaume de Machaut pour ce qui est
des lettres insérées dans le Voir Dit, et chez Oton de Grandson dans son
Livre Messire Ode. Mais pour ces auteurs il n’est question que du goût du
lecteur. Christine de Pizan reprend le procédé dans cette pensée globale
qu’elle a de son œuvre.
Christine de Pizan se présente organisant la diffusion de sa production,
étant son propre agent. Elle propose la lecture de ses textes à Eustache
Deschamps dans sa lettre : « Et se de veoir apetis / Combien qu’en moy
scens a petis, / De mes dittiez » (Et si tu as le désir de voir de mes
compositions, bien que je n’aie que peu d’esprit ; v. 33-35). Elle les offre
aux grands. Elle multiplie ainsi les copies de ses œuvres : « me pensay que
ceste noble œuvre [il s’agit du Livre des Trois Vertus] multiplieroye par le
monde en pluseurs copies, quel qu’en fust le coust » (fin du livre, p. 225) et
les « ventile » : « Et ainsi furent en pou d’eure ventillez et portez mes dis
livres en plusieurs pars et pays divers » (Et ainsi en peu de temps mes livres
furent diffusés et répandus en plusieurs lieux et pays divers), indique-t-elle
dans l’Advision Cristine (Livre III, chap. XI, p. 111). Elle contrôle
soigneusement cette diffusion et ce n’est, semble-t-il, qu’après sa mort que
ses œuvres se sont répandues en dehors du cercle des dédicataires.
Des lieux sont liés dans l’imaginaire à la parole de la femme ou à son
chant : la fontaine où un troubadour comme Giraut de Borneilh, qui se
réclame du trobar lei (de la composition claire), aimerait entendre ses
chansons dans la bouche des porteuses d’eau ; l’ouvroir, à l’intérieur de la
maison, où l’on file ou tisse ; les chansons de toile garderaient la mémoire
réelle ou fantasmée de ce chant féminin. Pour les récits, la chambre des
dames semble cristalliser ces moments de convivialité. Les hommes s’y
vantent de leurs exploits à la guerre, comme dans le témoignage que
rapporte Joinville 6, au tournoi comme dans le Roman de Gligois 7, dans une
joute oratoire comme dans le Jugement dou Roy de Navarre de Guillaume
de Machaut 8 où dame Raison se moque du poète : « Vous n’avez ci dit que
paroles / Qui sont aussi comme frivoles. / Belles sont a conter en chambre »
(Vous n’avez dit jusqu’à présent que des paroles qui sont comme du vent.
Elles sont bonnes à conter dans la chambre des dames ; v. 3989-3991). Les
circuits de la parole conteuse sont parfois compliqués. Ainsi dans Le Conte
de Floire et de Blancheflor 9. L’auteur dit rapporter le récit fait par une dame
à sa sœur. Le sujet vient des Mille et Une Nuits, dont les histoires semblent
plaire tout particulièrement aux dames si l’on en juge par la mise en scène
du Cléomadés, le récit du cheval de bois volant 10. Mais, précise le texte de
Floire et Blancheflor, la sœur qui raconte ne connaît le récit que grâce à un
bon clerc « qui l’avoit leü en escrit » (qui l’avait lu dans un livre ; v. 54). La
dame n’est pas directement à l’origine des récits. Elle peut, au mieux, être
un maillon de leur transmission. Existe-t-il d’autres circuits de la parole
féminine ? Les femmes ne semblent pas être présentes dans les puys
d’amours *2 où l’on chante les vertus des dames, mais en leur absence ou
face à leur présence muette. On ne rapporte pas les « bons mots » de la
femme, mots de poids ou reparties vives, comme on le fait pour les hommes
et en particulier pour les Grands. Joinville se livre à l’exercice pour Saint
Louis dans son livre qu’il appelle dans son prologue « livre des saintes
paroles et des bons faiz nostre saint roy Looÿs ». Christine de Pizan
enregistre sur ce modèle les « moz substancieulx » de Charles V dans la
troisième partie de son Livre des fais et bonnes meurs du sage roy
Charles V. Elle note même parfois en ce qui la concerne, au détour d’une
phrase, sans rien de systématique, un de ses propres mots, trace d’un
humour mordant. Ainsi dans l’Advision Cristine à propos du désir de savoir
chez la femme, scandaleux aux yeux des hommes : « Si comme une fois
respondis a ung homme qui reprouvoit mon desir de savoir, disant qu’il
n’appertenoit point a femme avoir science, comme il en soit pou, lui dis que
moins appartenoit a homme avoir ignorance, comme il en soit beaucoup »
(Ainsi qu’une fois je répondis à un homme qui critiquait mon désir de
savoir, disant qu’il ne convenait pas à une femme d’être savante — encore
qu’il en soit peu, je lui dis qu’il convenait moins à un homme d’être
ignorant — encore qu’il en soit beaucoup ; III, 9, p. 109). Le parallélisme
est efficace. Où peut-on entendre la parole de la femme ?
o
10. Les Évangiles des Quenouilles, Chantilly, Bibliothèque du musée Condé, ms 654, f 1r.

e
Un texte de la deuxième moitié du XV siècle prétend enregistrer des
paroles de femmes. Il est le fait d’un homme, un clerc, qui dit s’être vu
confier cette tâche par un groupe de femmes pour tenir une minute de leurs
veillées qui ont lieu entre Noël et la Chandeleur, moment du Carnaval. Le
ton satirique est donné d’emblée par le titre : Les Evangiles des Quenouilles
(ill. 10) 11. Les six femmes conteuses correspondent pour l’auteur, de
manière amusée, aux quatre Évangélistes chrétiens, selon la proportion bien
connue « qu’en tout tesmoignage de verité, il convient trois femmes pour
deux hommes » (p. 78). Le nom des dames les désigne de plus comme
d’anciennes prostituées et vraies sorcières : dame Ysengrine du Glay, dame
Transeline du Croq, dame Abonde du Four, dame Sebile des Mares, dame
Gomberde la Faee, dame Berthe de Corne. Le texte n’en enregistre pas
moins un savoir de la femme qui circonscrit son espace et ses champs
d’action : le corps, la sexualité, la santé et une forme de connaissance de la
marche du monde à travers des notions portant sur la météorologie, les
astres et l’interprétation des présages. Les six femmes des Evangiles des
Quenouilles sont vieilles et ont eu de nombreux maris, « sans les acointes
de coste » (p. 82) comme précise le clerc (sans les à-côtés). En fait, quel
que soit le type de son savoir, qu’il naisse de l’expérience ou des livres, la
femme savante fait peur. Se profile toujours à l’arrière-plan la figure de la
sorcière. Les stratégies pour la disqualifier sont toujours les mêmes : elle ne
peut être que vieille et luxurieuse ou prostituée. Parce qu’elle échappe par
ce dernier trait à son rôle de mère ? Parce qu’elle existe aussi par elle-
même.
Les auteurs masculins médiévaux perçoivent-ils linguistiquement une
parole propre de la femme, des traits de son langage ? Pour le traité Femina,
manuel d’apprentissage du français en Angleterre 12, il y aurait une manière
de parler affectée des femmes qui privilégieraient le bégaiement ou une
façon de parler du nez pour séduire 13. La notation, de l’ordre de la
prononciation, est-elle ironique ? On rencontre des notations semblables de
saint Jérôme dans ses lettres. Parlant de celles qu’il appelle d’un diminutif
des mulierculae, des donzelles, il écrit : « elles jugent “rustique” de
prononcer les mots entiers : elles les laissent couler de leurs lèvres ou les
font siffler à travers leurs dents comme s’ils étaient invertébrés »
(lettre XXII, 29). Et dans une autre lettre à Furia (54, 5) : « J’en sais une
aux épaules entourées d’une écharpe couleur d’hyacinthe, qui bégaie en
nasillant on ne sait quels propos infects ; elle fait du vacarme, mais son
palais ramolli estropie les mots 14 ». Il n’y a sans doute pas d’influence
directe de ces notations du Ve siècle sur la prononciation du latin aux
e
remarques d’un traité du XV siècle pour l’apprentissage du français en
Angleterre mais une même attention, quasi anthropologique, à la femme et
à son parler, et une même volonté satirique.
Dans le sentiment moderne, on associerait volontiers un trait de
vocabulaire, l’abondance du diminutif, au parler féminin. Le soubassement
idéologique de cette impression est évident, mais peut-être Christine de
Pizan a-t-elle donné des gages à cette idée par le mot-définition dont elle se
qualifie : seulette. En fait, le diminutif n’est pas caractéristique de la langue
de la femme. Il n’indexe pas un sexe mais un ton, celui de l’humilité, de la
fragilité, du quotidien. Dante distingue ainsi « per diminutionem » ton
tragique et ton comique dans le De vulgari eloquentia (II, VIII). La langue
de la femme écrivain ne marque pas, semble-t-il, un goût plus prononcé que
celle de l’homme pour le diminutif — Jean Lemaire de Belges à la fin du
Moyen Âge est un exemple éclatant d’un tel goût 15. En revanche, l’homme
emploie volontiers ce trait de langue pour parler de la femme et connoter sa
faiblesse. Christine de Pizan reprend un tel usage quand elle veut parler de
la fragilité de la femme. Dans son écriture, elle utilise aussi abondamment
une formule de protection du type « sauve soit la grace des diseurs 16 » (sous
réserve de la grâce de ceux qui disent) ou « sauve leur reverence 17 » (sauf le
respect que je leur dois) qui, tout en affichant une certaine prudence, lui
permet d’affirmer avec force ses opinions. Marguerite Porete use une fois
d’une telle formule pour parler de ses opposants : « Non fais, sauve leur
Raison, qui leur fait a moy ce dire » (Non, pardon pour leur Raison, qui leur
fait dire cela en ce qui me concerne ; p. 98). D’autres traits de langue
caractérisent-ils la parole des femmes ? Les défenseurs de cette dernière la
félicitent de ne pas blasphémer comme les hommes qui mettent en pièces le
corps du Christ, jurant « par ses dens, sa teste, / Son corps, son ventre,
barbe et yeulx », ainsi que le déplorent Eloy d’Amerval dans Le Livre de la
deablerie (v. 3390-3391) et avant lui Eustache Deschamps, Christine de
Pizan et tous les moralistes et prédicateurs. Pour le héros de Martin Le
Franc, le Champion des Dames, la parole de la femme est « doulcette »
(v. 20012). Il développe pour en parler un emploi intensif des
hypocoristiques :

De leurs filz ou de leurs fillettes


Ou de leur mainage caquettent,
Ou de telz menues chosettes.
Du fait de la guerre n’enquettent.
(v. 20013-20016)
(Elles causent de leurs fils ou de leurs fillettes, de leur ménage ou de telles petites
choses. Elles ne parlent pas de la guerre.)

D’autres auteurs croient pouvoir saisir un emploi particulier de certaines


interjections par la femme, ainsi de la particule interro-négative Enné,
« n’est-ce pas ? ». François Villon la place dans la bouche d’une des
pauvres filles qu’il évoque dans le Testament : « Et Ysabeau qui dit :
“Enné” ! » (v. 1580). Clément Marot commentant le vers dans son édition
note : « juron de fille ».
La femme est-elle toujours en quête d’assentiment (Enné) et par ailleurs
est-elle toujours dans la réponse ? Le mythe d’Écho et son traitement au
Moyen Âge offrent quelques pistes. On le trouve dans les Métamorphoses
d’Ovide, au livre III (v. 339-401) et la fin du Moyen Âge le lit très souvent
dans l’Ovide moralisé (v. 1292-1964). Il comporte deux aspects : une face
étiologique, la particularité de langage d’Écho, due à une punition de Junon
— elle ne peut parler la première et ne fait que répéter la fin des paroles
entendues, c’est le phénomène physique de l’écho —, et une face
amoureuse : l’amour pour Narcisse, l’orgueilleux, amour sans issue dont
elle meurt. Elle se transforme alors en une pure voix. Rares sont les auteurs
au Moyen Âge qui ont gardé les deux aspects de la légende, rares sont ceux,
en fait, qui se sont intéressés à Écho pour elle-même. Dans l’histoire de ce
faux couple, c’est l’aventure de Narcisse qui passe au premier plan. Sur ce
fond de silence quant au personnage d’Écho, il est donc notable que
Christine de Pizan, dans L’Epistre Othea 18, lui consacre une de ses
« histoires », la quatre-vingt-sixième :

Gardes qu’Echo tu n’escondises


Ne ses piteus plains ne desprises,
Se son vueil tu peus soustenir ;
Tu ne scez qu’il t’est a venir.
(p. 321)
(Garde-toi d’éconduire Écho ou de mépriser ses plaintes touchantes, si tu peux
soutenir sa volonté ; tu ne sais ce qu’il peut t’arriver.) [Nous modifions la ponctuation
de l’éditrice.]

Proche de l’Ovide moralisé pour ce qui est du récit de la légende, elle


résume dans sa glose les deux aspects de cette dernière : la vengeance de
Junon à l’encontre d’une Écho qui, par ses bavardages, détournait
l’attention de l’épouse des amours coupables de Jupiter, d’une part, et de
l’autre son amour malheureux. Alors que le mythe d’Écho aurait pu
fonctionner comme une allégorie du statut de la femme, Écho ne pouvant
*3
que répéter les paroles d’autrui et ne les répétant que tronquées, position
subalterne, Christine de Pizan ne propose pas une telle interprétation. Elle
fait de la voix d’Écho la voix des malheureux qui, comme Écho pour parler,
ont besoin de l’aide d’autrui pour vivre. Est-ce parce que le texte s’adresse
à un jeune homme et qu’y allégoriser le statut de la femme aurait été
déplacé ? N’est-ce pas plutôt que telle n’est pas la vision qu’a Christine de
la femme, pas celle qu’elle illustre en effet par son action ? Aux attaques
antiféministes dont elle est l’objet, non seulement elle répond, mais elle
réplique en termes juridiques, contre-argumentant. Elle écrit ainsi à Pierre
Col, lors du Débat sur le Roman de la Rose : « tu l’entens et le prens d’une
manière, et moy tout au rebours ; tu recites, je replique » (tu l’entends et le
prends d’une manière et moi tout à l’inverse ; tu parles, je réplique ; p. 126).
Christine de Pizan non seulement sait marquer les obstacles — son emploi
de la préposition et adverbe nonobstant est frappant —, mais elle sait dire
non. Face aux idées reçues sur la femme qu’elle doit affronter, elle a tout à
la fois la force intellectuelle et la volonté de les démonter et de les nier.
Christine de Pizan en sa personne n’est pas une figure d’Écho. Elle ne
répète pas. Elle a de la repartie — son humour en est une marque des plus
évidentes.
D’autres voix de femmes mythiques offrent des caractéristiques qui
dessinent un statut de la femme. Telle celle de Cassandre. Aimée d’Apollon,
Cassandre a reçu le don de prophétie. Mais parce qu’elle s’est refusée au
dieu, ses prédictions, justes, ne sont jamais crues. Christine de Pizan
l’assimile à la figure de la Dame couronnée à l’ouverture du Livre de
l’advision Cristine, figure qui représente tout à la fois Nature et France.
Cette dernière s’exclame : « Helas ! j’ay grant paour que semblable je soie a
Cassandra, la saige fille du roy Priant » (Hélas ! j’ai grande peur de
ressembler à Cassandre, la sage fille du roi Priam ; I, XXVIII, p. 48).
Christine, elle, pour parler de son action politique n’a pas recours à une
formule empruntée à la mythologie mais à la Bible. Elle termine sa
Lamentacion sur les Maux de la France 19, adressée en 1410 aux Princes du
royaume, en signant : « moy, povre voix criant en ce royaume, desireuse de
paix et du bien de vous touz, vostre servante Christine » (moi, pauvre voix
criant dans ce royaume, désirant la paix et le bien de vous tous, votre
servante Christine ; p. 185). Vox clamantis in deserto.
Mais pour les femmes, que la voix soit celle d’Écho, de Cassandre ou
des prophétesses en général, cette voix n’est pas leur voix mais celle de
l’autre, celui qui a parlé avant dans le cas d’Écho, ou la voix du grand
Autre, Dieu, qui délègue son autorité, dans le cas des prophétesses. Dans
ces récits, la question de la voix est toujours liée à celle de l’amour et de la
sexualité. Écho est refusée par Narcisse, l’amoureux de son reflet, et sa voix
n’est que le reflet d’une voix antécédente, parallélisme entre ces deux
figures emblématiques d’un amour impossible ; Cassandre n’est pas crue
parce qu’elle s’est refusée à Apollon ; les prophétesses sont vierges ou
veuves. Les femmes n’ont une voix qu’au prix de leur sexualité. Tel est bien
le cas des femmes qui écrivent, les veuves ou celles qui écrivent de
l’intérieur des couvents.
Dans la réalité de la vie politique du Moyen Âge, les rois se sont
intéressés aux prédictions des astrologues et des prophétesses. Dans la
grande entreprise de traductions qu’il commissionne, Charles V demande
qu’on traduise parmi d’autres textes majeurs, telle La Cité de Dieu de saint
Augustin, le Livre des Voies de Dieu (Liber viarum Dei) d’Élisabeth de
Schönau, livre de 1156 qui est traduit par Jacques Bauchant vers 1372. Les
visions d’Élisabeth de Schönau sur l’Assomption de Marie (Visiones de
resurrectione beatae Mariae Virginis) avaient déjà été traduites, une fois en
anglo-normand, une fois en franco-provençal. Ici c’est la commande royale
qui donne au geste toute son importance. Charles V s’intéresse aussi aux
prophétesses contemporaines, issues de milieux plus humbles. Il fait venir à
Paris Guillemete de la Rochelle dont on disait « que mout avoit de belles
revelacions de Nostre-Seigneur », écrit Christine de Pizan dans son
Charles V 20. Pour justifier cet intérêt, Christine rappelle « que à sainte Pole,
une dame de Romme moult esleue, escripst saint Jerosme maintes belles
escriptures, et à sa fille nommée Eustoche » (qu’à sainte Paule, une dame de
Rome, choisie entre toutes, saint Jérôme écrivit de très belles lettres ainsi
qu’à sa fille nommée Eustoche ; p. 67). En ces temps de schisme, les
prophétesses jouent un rôle important. Que l’on pense au cas de Constance
de Rabastens et à son rôle auprès de Gaston Phebus, ou à Marie Robine et à
sa défense du pape d’Avignon. En fait ce n’est pas la voix de ces femmes en
tant que telles qui retient les souverains, mais celle de Dieu qu’ils pensent
entendre à travers le témoignage de leurs visions ou qu’ils essaient de
manipuler. La femme n’est qu’un moyen.
Plus encore, hors de sa fonction reproductrice, de sa force de travail, de
son rôle de consolation et d’intercession par la prière, la femme aux yeux de
l’homme existe-t-elle, existe-t-elle dans une individualité ? Guigemar, le
héros du lai de Marie de France, qui retrouve son amie — le texte ne lui
donne pas de nom — après une séparation, alors qu’elle est pour lui, selon
ses propres termes, son espérance, son cœur, sa vie (v. 774), hésite à la
reconnaître et prononce ces mots étonnants : « Femmes se resemblent
asez » (Les femmes se ressemblent beaucoup ; v. 779). Ses propres yeux,
son propre cœur ne suffisent pas. Il lui faut un signe extérieur, un artefact
— qu’elle soit capable de défaire le nœud par elle nouée dans le pan de sa
chemise —, qu’il puisse, lui, ouvrir la boucle de la ceinture qu’il lui a ceinte
au moment de leur séparation pour que la reconnaissance soit totale. Le
chemin est long pour la femme avant qu’elle ne puisse s’affirmer comme
sujet. La femme est un fantasme.

*1. Christine de Pizan a parlé de Didon avant la Cité des Dames, dans L’Epistre au dieu
d’Amours, v. 445-460, et dans le Debat de deux amans, v. 1481-1491.
*2. Martin Le Franc consacre un débat important entre le Champion et l’Adversaire à ces
puys dans son Champion des Dames, éd. Robert Deschaux, Paris, Champion, 1999, t. I, p. 157-
162, où il n’est question que de l’activité de composition des hommes, « clercs et lais »
(v. 3987-3988).
*3. « D’ores en avant plus ne parlera premiere se aprés autrui non » (L’Epistre Othea,
p. 321) (dorénavant tu ne parleras plus la première, sinon après autrui) ainsi que l’annonce
Junon à Écho chez Christine.
Chapitre VIII
DE LA FEMME, DE L’AMOUR
ET DE LA LANGUE

Au XVIIIe siècle, au moment où l’on se tourne, avec un intérêt nouveau,


vers le Moyen Âge, republiant des auteurs et des œuvres *1, une femme,
Louise de Keralio (1756-1822), entreprend de donner en « environ
36 volumes » un ouvrage qu’elle intitule Collection des meilleurs ouvrages
françois composés par des femmes, dédiée aux femmes françoises 1. Seuls
douze volumes paraîtront entre 1786 et 1789 : les tomes I à VI et IX à XIV,
Louise de Keralio sautant les tomes VII et VIII qui auraient dû être
consacrés à des femmes entre Madame de Scudéry et Madame de Sévigné.
Elle retient deux noms pour le Moyen Âge : Héloïse, à qui elle consacre une
centaine de pages dans le tome I, et Christine de Pizan qui occupe les
pages 109-467 du tome II et les pages 1-132 du tome III, pour un total de
485 pages. Elle y présente les œuvres principales accompagnées d’extraits.
Louise de Keralio juge Héloïse infiniment supérieure à Christine de Pizan
qui ne possède pas selon elle « ce degré d’éloquence mâle et sublime que
l’énergie d’une violente passion avoit fait atteindre à Héloïse » (t. II,
p. 127). Par ailleurs Christine pâtirait des infirmités qui sont celles de la
langue du XVe siècle. Louise de Keralio écrit : « combien une femme douée
d’un pareil esprit, eût-elle trouvé dans notre langue d’autres manières de
revêtir ses pensées d’un style plus agréable, si elle eût écrit au siècle de
Louis XIV » (t. II, p. 319). C’est un jugement semblable qu’émet Clément
Marot à l’égard de François Villon, parlant pour Villon de la cour de
François Ier *2. Le double biais idéologique du jugement de Madame de
Keralio est frappant : c’est l’amour éprouvé qui fait la femme auteur ; par
ailleurs, pas de « beau style » avant le XVIIe siècle. Il n’est pas surprenant
que l’une des œuvres de Christine que Louise de Keralio préfère soit Le
Chemin de Longue Étude qu’elle lit en fait dans la traduction en prose et la
modernisation due à Jean Chaperon 2 de 1549.
Notre parcours à travers les œuvres des écrivaines du Moyen Âge nous
renseigne sur ces deux points. Les femmes auteurs ne se sont pas coulées
dans un modèle d’amour, amour dit courtois, qui n’a pas été pensé par elles.
Aux préceptes qu’énoncent ces traités dus à des clercs, elles résistent. Les
femmes qu’elles mettent en scène peuvent oser déclarer leur amour les
premières, comme c’est le cas chez Marie de France de Guilliadon dans
Eliduc ou de la fée dans Lanval. Mais c’est une fée, dirait Denis Piramus !
Au siècle suivant, Maroie de Diergnau conclut le jeu-parti qui l’oppose à
Margot en affirmant :

Mieux vieut en joie manoir


Par proier q’adès langir
Par trop taire et puis morir.
(Pièce CXLIV, v. 82-84,
t. II, p. 174)
(Il vaut mieux vivre en joie s’étant déclarée que toujours languir en silence et puis
mourir.)

Christine de Pizan, par ailleurs, défend l’amour au sein du mariage,


point sur lequel elle s’oppose à Héloïse. Elle chante l’amour pour son mari,
« cil qui [la] tenoit en vie 3 ». Des femmes troubadours à Christine de Pizan,
il y a une pensée propre de l’amour par la femme et pour la femme. Quant à
la langue, la promotion de la femme auteur va de pair avec une
reconnaissance du vernaculaire et de la dignité de ce dernier. La femme et
la langue française mènent un même combat de l’indignité à l’affirmation.
La disparité entre noms d’auteurs masculins conservés et noms
d’auteurs féminins est frappante (ce nombre a été calculé pour les
troubadours) mais, pour les raisons analysées par les historiens — obstacles
représentés par la religion, le droit, l’opinion —, il n’est pas étonnant. Peu
de noms d’auteurs femmes au Moyen Âge, peu de textes conservés. La
théologienne norvégienne Kari Børresen 4 remarque justement que, alors
qu’il reste environ cent lettres adressées à des femmes par Jean
Chrysostome, Jérôme et Augustin, « aucune lettre de leurs correspondantes
n’a été jugée digne d’être conservée pour la postérité ». La femme écrivain
au Moyen Âge est seule à tous les sens du terme, seule dans sa rareté, seule
dans son isolement, seule dans son excellence, unique. Parler des trobairitz
comme d’un groupe est une construction a posteriori, erronée. La formule
de Juvénal dans sa Satire VI contre le mariage, « Rara avis in terris
nigroque simillima cycno » (oiseau rare sur terre et semblable au cygne
noir ; v. 145), est reprise pendant tout le Moyen Âge. Elle est chez saint
Jérôme dans son Adversus Jovinianum I, 47 (Contre Jovinien), chez Jean de
Salisbury, au XIIe siècle, dans son Policraticus 5 (8.11), en français enfin
chez Jean de Meun dans son discours du Jaloux : « c’est oiseaus cler semez
en terre, / qu’il est au cine noir semblables » (c’est un oiseau clairsemé sur
la terre, semblable au cygne noir ; v. 8674 et 8676). Énoncée pour parler de
la femme bonne, la formule vaut pour la femme écrivain : c’est un oiseau
rare. On désigne ainsi Hrotsvita, « Rara avis in Saxonia ». Marguerite
Porete emploie l’image du phénix pour parler de l’Âme anéantie en Dieu :
« Telle Ame ne mendie, ne ne demande rien a creature. C’est le fenix, qui
est seul ; car ceste Ame est seule en amour, qui d’elle mesmes se assovist »
(Une telle âme ne mendie pas ni ne demande rien à personne. C’est le
phénix qui est solitaire ; car cette âme est seule en amour, qui d’elle-même
se rassasie ; XIe chap., p. 20). Christine de Pizan enfin est seule, singulière
et unique : seule pour des raisons biographiques, le veuvage, elle est alors
comme la tourterelle, sanz per (sans compagnon ; ballade XIV des Cent
Balades) ; seule pour des raisons intellectuelles, l’étude. Elle passe d’une
solitude imposée à une solitude choisie :

J’ay choisie pour toute joye


Quelqu’aultre l’ait, telle est la moye,
Paix, solitude volumtaire,
Et vie astracte, solitaire
(Le Livre de la Mutacion de Fortune,
t. IV, v. 23633-23636)
(J’ai choisi pour toute joie, / Qu’il en existe une autre, telle est la mienne / Paix,
solitude volontaire, et vie retirée, solitaire.)

Cette solitude l’isole et la désigne comme exceptionnelle : « Seule en


tez faiz ou royaume de France » (Seule en tes actes au royaume de France),
selon la formule d’Eustache Deschamps. La femme écrivain au Moyen Âge
ne fait pas partie de mouvements, d’associations, elle n’a pas de consœur.
Elle ne juge pas les femmes qui ont écrit avant elle, qui lui sont inconnues.
Ni à l’égard des femmes ni à celui des hommes, on ne rencontre chez elle
d’anxiété de l’influence. Quelle est alors son écriture ? Une écriture de
vérité : vérité de l’amour pour les femmes troubadours, qui oblige à chanter
ce que l’on ne voudrait pas, vérité du conte que revendique Marie de
France, et que comprend mal, volontairement ou non, Denis Piramus, qui
est une vérité du désir, vérité des visions et de l’expérience mystique chez
les religieuses, vérité du moi, de l’action intérieure et de l’action politique
chez Christine de Pizan. Seule, mais combattante. Elle assure le scandale de
sa prise de parole et de plume, comme Marguerite Porete, jusqu’à la mort.

*1. Le catalogue de l’imprimeur Antoine-Urbain Coustelier (il meurt en 1724) est


significatif. Il publie en dix volumes une collection d’anciens poètes français qui comprend
François Villon, Jean Marot, La Farce de Maître Pathelin, entre autres.
*2. « Et ne fay doubte qu’il n’eust emporté le chappeau de laurier devant tous les poetes de
son temps s’il eust esté nourry en la court des Roys et des Princes, là où les jugemens se
amendent et les langages se pollissent ». Voir « Lectures de François Villon » dans Œuvres
complètes, éd. et trad. Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la
Pléiade, 2014, p. 427.
Liste chronologique des auteures

Ce tableau répertoire les auteures ayant écrit dans toutes les formes du
français (oc, oïl, anglo-normand) du XIIe siècle (date des premières
attestations) jusqu’à la fin du XVe siècle. Pour une mise en perspective, il
s’ouvre, de manière non exhaustive, sur des auteures ayant écrit en latin
(dès le IIe siècle) et sur des femmes ayant écrit dans d’autres langues
vernaculaires européennes. Il précise pour chacune le titre des œuvres, la
date, le statut social de la femme et la lanqué utilisée.
STATU
NOM TITRE DATE LANGUE
SOCIAL

Perpetua L’auteur de la ca 181-203 de bonne famille latin


Passio dit qu’il a mariée
préservé dans son
récit ses écrits
« sicut conscriptum
manu sua et suo
sensu reliquit »
(comme ils avaient
été écrits de sa main
et qu’il en a laissé le
sens)

Proba Falconia Cento Vergilianus e latin


IV siècle

Égérie (Éthérie) Journal de Voyage autour de 400 une grande latin


dame
religieuse

Baudonivie Vita Radegundis e religieuse latin


VII siècle

Dhuoda Liber manualis ca 803-morte aristocrate latin (sa langue


après 843 épouse de maternelle était
Bernard de l’allemand)
Septimanie

Hrotsvita de entre autres œuvres, Xe siècle noble latin


Gandersheim six pièces de théâtre (entre 930 et 975) religieuse
inspirées de Térence

Héloïse Lettres ca 1100-1163 noble latin

Herrade de Hortus deliciarum 1125-1195 abbesse de latin


Lansberg (1159-1175) Hohenburg, au
sommet du mont
Sainte-Odile

Hildegarde de œuvres nombreuses 1098-1179 noble latin


Bingen et diverses dont Le abbesse
bénédictine
Livre des œuvres
divines

Élisabeth de Liber visionum 1129-1164 noble latin


Schönau (Visions) religieuse
Liber viarum Dei bénédictine
Liber revelationum
de sacro exercitu
virginum
Coloniensium
(légende de sainte
Ursule et des onze
mille vierges)

Azalaïs de une canso seconde moitié « gentils oc


Porcairagues e domna »
du XII siècle

Clémence de Vie Sainte Katerine entre 1153 moniale de français (anglo-


Barking et 1175 l’abbaye normand)
bénédictine de
Barking (Essex)

Nonne de La Vie d’Edouard le entre 1163 moniale de français (anglo-


Barking Confesseur et 1189 (date de l’abbaye normand)
la mort bénédictine de
d’Henri II) Barking

Comtesse de quatre cansos + une troisième quart noble oc


Die mélodie e
du XII siècle

Marie de France Lais 1154-1189 noble français (anglo-


Fables peut-être normand)
L’Espurgatoire de abbesse
saint Patrice

Bieiris de une canso début du noble oc


Romans e
XIII siècle

Castelloza quatre chansons premier tiers du « gentils oc


conservées dont une XIIIe siècle domna »
d’attribution
douteuse
Clara d’Anduza une canso première moitié noble oc
e
du XIII siècle

Tibors de une cobla d’une fin e noble oc


XII -début
Sarenom chanson e
XIII siècle

Gormonde de un sirventès début du noble oc


Montpellier e
XIII siècle

Marie de tenson avec Gui meurt peu noble oc


Ventadour d’Ussel après 1225 seconde femme
du vicomte
Eble V

Garsenda de une strophe de à la tête du comté comtesse de oc


Forcalquier tenson avec Gui de de Provence dans Provence
Cavalhon les années 1213-
1220

Béatrice de récit de ses visions naît vers 1205 à moniale flamand


Nazareth Vita de son père Tirlemont dans le cistercienne latin
Les Sept Manières duché de puis, à partir de
d’amour ou Sept Brabant, meurt en 1236, prieure de
degrés du Saint 1268 l’abbaye Notre-
Amour (selon les Dame-de-
traductions) Nazareth près de
Lierre

Hadewijch des poésies première moitié hypothèse : langue


d’Anvers 31 lettres e aurait appartenu brabançonne
du XIII siècle
13 visions à la classe
augmentées d’une aristocratique
Liste des parfaits
amants qui compte
107 noms, dont 57
contemporains

Mechtild de Ein fliessendes Licht vers 1207-1282 noble allemand


Magdeburg der Gottheit (Une se fait béguine
lumière émanant de
la Divinité)
Duchesse de deux pièces lyriques e noble oïl
XIII siècle
Lorraine attribuées dans un
manuscrit

Maroie de une chanson dont il e ? oïl


XIII siècle
Diergnau ne reste qu’une
strophe
un jeu-parti

Angèle de le Memoriale e après la mort de parle dans le


milieu XIII -1309
Foligno son mari, entre patois de
en 1291 dans le Foligno de ses
tiers-ordre expériences à
franciscain Frère Arnaud qui

les traduit dans


un latin très
simple

Agnès Vie d’Isabelle de meurt en 1291 clarisse oïl


d’Harcourt France

Marguerite Vie de sainte Béatrix autour de 1240- prieure de la latin et franco-


d’Oingt d’Ornacieux 1310 chartreuse de provençal
Pagina Poleteins
meditationum
Miroir
Lettres

Marguerite Le Miroir des meurt sur le béguine oïl


Porete simples âmes bûcher en 1310

Philippa Vie de Douceline de morte en 1316 noble oc


Porcelet Digne béguine

Julienne de Showings 1342-après 1416 recluse anglais


Norwich (récit de 16 visions
apparues à Julienne
au cours d’une grave
maladie en 1373)

Catherine de Lettres 1347-1380 bourgeoise toscan


Sienne (meurt à 33 ans)
Le Dialogue (écrit laïque,
entre 1377 et 1378) adhérente à une
confrérie de
pénitentes
dominicaines,
les Mantellate
statut de laïque
consacrée

Constance de Révélations on perd sa trace bourgeoise dicte en gascon


Rabastens après 1386

Marie Robine Le Livre des meurt en 1399 d’une famille dicte en gascon
Révélations pauvre

Christine de œuvre abondante et 1365-vers 1430 bourgeoise oïl


Pizan variée en vers et en
prose

Perrine de la Anecdotes et vers 408-dicte noble oïl


Roche et de miracles sur sainte son témoignage
Baume Colette vers 1471

Louise de un rondeau meurt en 1424 noble oïl


Beauchâtel

Margery Kempe dicte son livre, récit vers 1373-vers bourgeoise anglais
de sa vision, de sa 1436-1438
vie, de ses voyages

Marguerite aucune œuvre 1424-1445 noble


d’Écosse conservée

Marie de Clèves deux rondeaux 1426-1487 noble oïl

Jeanne Filleul une pièce vers 1426-vers noble oïl


1498

Jammette de un rondeau se marie en 1431- noble oïl


Nesson meurt entre 1467
et 1476

Jacqueline de deux rondeaux deuxième moitié noble oïl


Hacqueville e
du XV siècle
Helene Mémoires 1400-après 1470 noble allemand
Kottanner

Éléonore de Les Honneurs de la vers 1444-1509 noble oïl


Poitiers Cour ou les Etats de
France

Sœur Bertken poèmes 1427-1514 recluse : se fait flamand


emmurer vive, à
sa demande, à
30 ans, près de
la cathédrale
d’Utrecht ;
demeure
claustrée
jusqu’à sa mort,
57 ans plus tard

Religieuse de Legent doré texte achevé en bénédictine oïl


Wallonie 1477

Dame anonyme Enseignemens a ses fin XVe siècle noble oïl


deux filz
Bibliographie

ANTHOLOGIES, RECUEILS

Proverbes français antérieurs au XVe siècle, éd. Joseph Morawski,


Paris, Champion, coll. CFMA 47, 1925, retirage, 2007.
Recueil de lettres anglo-françaises (1265-1399), éd. Frédéric-Joseph
Tanquerey, Paris, Champion, 1916.

e
TEXTES ET AUTEURS JUSQU’AU XII SIÈCLE

DHUODA, Manuel pour mon fils, introduction, texte critique, notes par
Pierre Riché ; traduction de Bernard de Vregeville et Claude
Mondésert, Paris, Éditions du Cerf, coll. Sources chrétiennes, 1975.
ÉTHÉRIE, Journal de voyage, éd. et trad. Hélène Pétré, Paris, Éditions
du Cerf, coll. Sources chrétiennes, 1948, nouveau tirage, 1971.
HROTSVITA, Théâtre (Dramata), éd. et trad. Monique Goullet, Paris,
Les Belles Lettres, 1999.

e
TEXTES ET AUTEURS DU XII SIÈCLE

[ABÉLARD et HÉLOÏSE] Lettres d’Abélard et Héloïse, éd. et trad. Eric


Hicks et Thérèse Moreau, Paris, Librairie générale française,
coll. Lettres gothiques, 2007.
Aucassin et Nicolette, éd. et trad. Jean Dufournet, Paris, Flammarion,
coll. GF, 2e édition, 1984.
BENEDEIT (BENOÎT), Le Voyage de saint Brendan, édition bilingue Ian
Short et Brian Merrilees, Paris, Champion, coll. Champion
classiques, 2006.
BENOÎT DE SAINTE-MAURE, Le Roman de Troie, éd. Léopold Constans,
6 vol., Paris, Firmin Didot, 1904-1912.
[Le Cantique des Cantiques] The Song of Songs. A Twelfth-Century
French Version, éd. Cedric E. Pickford, Londres, Oxford
University Press, 1974.
Chants d’amour des femmes-troubadours. Trobairitz et « chansons de
femme », éd. et trad. Pierre Bec, Paris, Stock, coll. Stock Moyen
Âge, 1995.
CLÉMENCE DE BARKING, Vie de sainte Katerine, éd. William MacBain,
Oxford, Blackwell, Anglo-Norman Text Society 18, 1964.
DENIS PIRAMUS, La Vie seint Edmund Le Rei, éd. Delbert Wayne
Russell, Oxford, Anglo-Norman Text Society, 2014.
ÉLISABETH DE SCHÖNAU, Visions, introduction de Laurence Moulinier-
Brogi, traduction de Jean-Pierre Troadec d’après le texte latin
établi par Ferdinand W. E. Roth, Paris, Éditions du Cerf, 2009.
ÉTIENNE DE FOUGÈRES, Le Livre des Manières, éd. R. Anthony Lodge,
Genève, Droz, 1979.
GACE BRULÉ, Chansons, éd. Holger Petersen Dyggve, Helsinki,
Société néophilologique, Mémoires de la Société néophilologique
de Helsinki (Helsingfors), XVI, 1951.
GAUTIER D’ARRAS, Ille et Galeron, éd. Yves Lefèvre, Paris, Champion,
1988.
GEFFREY GAIMAR, L’Estoire des Engleis, éd. Alexander Bell, Oxford,
Blackwell, Anglo-Norman Text Society, 1960.
HILDEGARDE DE BINGEN, Le Livre des œuvres divines. Visions,
présentation et traduction Bernard Gorceix, Paris, Albin Michel,
1982.
HILDEGARDE DE BINGEN, Louanges, poésies complètes traduites du
latin et présentées par Laurence Moulinier, Paris, La Différence,
coll. Orphée, 1990.
HILDEGARDE DE BINGEN, Scivias. « Sache les voies » ou Livre des
visions, présentation et traduction Pierre Monat, Paris, Éditions du
Cerf, 1996.
MARIE DE FRANCE, L’Espurgatoire Seint Patriz, éd. et trad. Yolande de
Pontfarcy, Paris-Louvain, Peeters, 1995.
MARIE DE FRANCE, Les Fables, éd. et trad. Charles Brucker, Paris-
Louvain, Peeters, 2e édition revue, 1998.
MARIE DE FRANCE, Les Lais, éd. Jean Rychner, Paris, Champion, 1971.
PHILIPPE DE THAON, Le Bestiaire, éd. Emmanuel Walberg, Lünd,
H. Möller ; Paris, H. Welter, 1900.
RENCLUS DE MOILIENS, Li Romans de Carité et Miserere. Poèmes de la
fin du XIIe siècle, 2 vol., éd. Anton Gerard Van Hamel, Paris,
F. Vieweg, 1885.
Romances et pastourelles françaises des XIIe et XIIIe siècles, éd. Karl
Bartsch, Leipzig, F.C.W. Fogel, 1870, réimpression Darmstadt,
Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1975.
SANSON DE NANTEUIL, Les Proverbes de Salemon, éd. C. Claire Isoz,
3 vol., Londres, Birkbeck College / Anglo-Norman Text Society,
coll. Anglo-Norman texts 44, 45, 50, 1988-1994.
Les Troubadours. Anthologie bilingue, introduction, choix et version
française par Jacques Roubaud, Paris, Seghers, 1971.
La Vie d’Édouard le Confesseur (par une nonne anonyme du couvent
de Barking), éd. Östen Södergård, Upsal, Almqvist & Wiksells,
1948.
WACE, Le Roman de Rou, éd. Anthony J. Holden, 3 vol., Paris, Picard,
coll. SATF, 1970-1973.

e
TEXTES ET AUTEURS DU XIII SIÈCLE

ADENET LE ROI, Cléomadés, tome V des Œuvres d’Adenet le Roi, éd.


Albert Henry, 2 vol., Bruxelles, Éditions de l’université de
Bruxelles, 1971.
DANTE, Œuvres complètes, traduction et commentaires par André
Pézard, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1965.
Galeran de Bretagne, éd. Lucien Foulet, qui attribue le texte à Jean
Renart (attribution non retenue à l’heure actuelle), Paris,
Champion, coll. CFMA 37, 1925.
GAUTIER DE COINCI, Les Miracles de Nostre Dame, éd. Victor Frederic
Koenig, t. IV, Genève, Droz, 1970.
Gligois (Le Roman de), éd. Marie-Luce Chênerie, Paris, Champion,
2003.
GUILLAUME DE LORRIS et JEAN DE MEUN, Le Roman de la Rose, éd.
Félix Lecoy, 3 vol., Paris, Champion, coll. CFMA 92, 95 et 98,
1965-1970.
HELDRIS DE CORNUÄLLE, Le Roman de Silence, éd. Lewis Thorpe,
Cambridge, Heffer & Sons, 1972.
[Isopets] Recueil général des Isopets, éd. Julia Bastin, 2 vol., Paris,
Champion, coll. SATF, 1929 et 1930.
JEAN DE JOINVILLE, Vie de saint Louis, éd. Jacques Monfrin, Paris,
Dunod, coll. Classiques Garnier, 1995 ; retirage, Librairie générale
française, coll. Lettres gothiques no 4565, 2002.
JEAN DE MEUN (traduction attribuée à), La Vie et les Epistres Pierres
Abaelart et Heloys sa fame, éd. Eric Hicks, Paris, Champion, 1991.
JEAN LE MARCHANT, Miracles de Notre-Dame de Chartres, éd. Pierre
Kunstmann, Chartres, Société archéologique d’Eure-et-Loir ;
Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1973.
Le Lai du lecheor, dans Les Lais anonymes des XIIe et XIIIe siècles, éd.
Prudence Mary O’Hara Tobin, Genève, Droz, 1976, p. 347-358.
[Jeux-partis] Recueil général des jeux-partis français, éd. Arthur
Långfors, Paris, Librairie Édouard Champion, 1926.
MARGUERITE D’OINGT, Les Œuvres de Marguerite d’Oingt, éd. Antonin
Duraffour, Pierre Gardette et Paulette Durdilly, Paris, Les Belles
Lettres, 1965.
MARGUERITE PORETE, Le Mirouer des simples ames anienties et qui
seulement demourent en vouloir et desir d’amour, éd. Romana
Guarnieri, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 1961.
PHILIPPE MOUSKES, Chronique rimée, éd. Frédéric Auguste de
Reiffenberg, 3 vol., Bruxelles, Hayez, 1836-1845.
PHILIPPE DE NOVARRE [sous le nom erroné de Philippe de Navarre], Les
Quatre Ages de l’homme. Traité moral, éd. Marcel de Fréville,
Paris, Librairie Firmin Didot, coll. SATF, 1888.
Placides et Timeo ou li Secrés as philosophes, éd. Claude Thomasset,
Genève, Droz, 1980.
ROBERT DE BLOIS, Floris et Lyriopé, éd. Paul E. Barrette, Berkeley,
University of California Press, 1968.
e
TEXTES ET AUTEURS DU XIV SIÈCLE

CHRISTINE DE PIZAN, Cent ballades d’amant et de dame, éd. et trad.


Jacqueline Cerquiglini-Toulet, édition bilingue, Paris, Gallimard,
coll. Poésie, 2019.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Chemin de Longue Étude (Le Livre du Chemin
de Long Estude), éd. et trad. Andrea Tarnowski, Paris, Librairie
générale française, coll. Lettres gothiques no 4558, 2000.
CHRISTINE DE PIZAN, La Città delle dame (Le Livre de la Cité des
Dames), texte en moyen français édité par Earl Jeffrey Richards,
traduction en italien Patrizia Caraffi, Milan, Luni Editrice,
2e édition, 1998.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Debat de deux amans, in Œuvres poétiques,
éd. Maurice Roy, t. II, Paris, Librairie Firmin Didot, 1891, p. 49-
109.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Dit de la Rose, in Œuvres poétiques, éd.
Maurice Roy, t. II, Paris, Librairie Firmin Didot, 1891, p. 29-48.
CHRISTINE DE PIZAN, Ditié de Jehanne d’Arc, éd. Angus J. Kennedy et
Kenneth Varty, Oxford, The Society for the Study of Medieval
Languages and Literature, Medium ævum monographs new
series IX, 1977.
CHRISTINE DE PIZAN, Les Enseignemens que je Cristine donne a Jehan
de Castel, mon filz, in Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, t. III,
Paris, Librairie Firmin Didot, 1896.
CHRISTINE DE PIZAN, L’Epistre au dieu d’Amours, in Œuvres poétiques,
éd. Maurice Roy, t. II, Paris, Librairie Firmin Didot, 1891.
CHRISTINE DE PIZAN, Epistre a Eustache Mourel, in Œuvres poétiques,
éd. Maurice Roy, t. II, Paris, Librairie Firmin Didot, 1891.
CHRISTINE DE PIZAN, L’Epistre Othea, éd. Gabriella Parussa, Genève,
Droz, coll. TLF no 517, 1999.
CHRISTINE DE PIZAN, Epistre de la Prison de vie humaine, éd.
Angus J. Kennedy, Glasgow, French Department of the University,
1984.
CHRISTINE DE PIZAN, Epistre a la Reine, éd. Angus J. Kennedy, Revue
des Langues romanes, 92, 1988, p. 253-264.
CHRISTINE DE PIZAN, La Lamentacion sur les Maux de la France,
éd. Angus J. Kennedy, in Mélanges de langue et littérature
françaises du Moyen Âge et de la Renaissance offerts à Charles
Foulon, t. I, Rennes, Institut de Français, Université de Haute-
Bretagne, 1980, p. 177-185.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre de l’advision Cristine, éd. Christine
Reno et Liliane Dulac, Paris, Champion, coll. Études
christiniennes 4, 2001.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre du Corps de Policie, éd. Angus
J. Kennedy, Paris, Champion, coll. Études christiniennes 1, 1998.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre du duc des vrais amans, éd. bilingue
Dominique Demartini et Didier Lechat, Paris, Champion, 2013.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre des epistres du debat sus le Rommant de
la Rose, éd. Andrea Valentini, Paris, Classiques Garnier, 2014.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre des fais d’armes et de chevalerie, éd. du
manuscrit Paris, BnF, fr. 603, par Christine Moneera Laennec,
thèse de l’université Yale, New Haven, 1988.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roi
Charles V, éd. Suzanne Solente, 2 vol., Paris, Honoré Champion,
Société de l’Histoire de France no 437 et 444, 1936-1941.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre de la Mutacion de Fortune, éd. Suzanne
Solente, 4 vol., Paris, Picard, 1959-1966.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre de la Paix, éd. Charity Cannon Willard,
’s-Gravenhage, Mouton, 1958.
CHRISTINE DE PIZAN, Le Livre des Trois Vertus, éd. Charity Cannon
Willard et Eric Hicks, Paris, Champion, 1989.
CHRISTINE DE PIZAN, Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, 3 vol., Paris,
Librairie Firmin Didot, 1886-1896.
CHRISTINE DE PIZAN, JEAN GERSON, JEAN DE MONTREUIL, GONTIER et
PIERRE COL, Le Débat sur le Roman de la Rose, éd. Eric Hicks,
Paris, Champion, 1977.
EUSTACHE DESCHAMPS, Œuvres complètes, éd. Auguste de Queux de
Saint-Hilaire et Gaston Raynaud, 11 vol., Paris, Firmin Didot,
1878-1903.
GEOFFROI DE LA TOUR LANDRY, Le Livre du Chevalier de La Tour
Landry pour l’enseignement de ses filles, éd. Anatole de
Montaiglon, Paris, P. Jannet, 1854.
GUILLAUME DE MACHAUT, Le Jugement dou Roy de Navarre, in
Œuvres de Guillaume de Machaut, t. I, éd. Ernest Hoeppfner, Paris,
Librairie Firmin Didot, 1908.
GUILLAUME DE MACHAUT, Le Livre du Voir Dit, éd. et trad. Paul Imbs,
introduction et révision Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Paris,
Librairie générale française, coll. Lettres gothiques no 4557, 1999.
JEAN BOCCACE, Des cleres et nobles femmes. Ms. Bibl. nat. 12420, éd.
Jeanne Baroin et Josiane Haffen, 2 vol., Paris, Les Belles Lettres,
coll. Annales littéraires de l’université de Besançon 498 et 556,
1993 et 1995.
JEAN BOCCACE, Fiametta, traduit de l’italien et présenté par Serge
Stolf, Paris, Arléa, 2003.
JEAN GERSON, Onze Ordonnances, éd. Edmond Vansteenberghe,
« Quelques écrits de Jean Gerson, textes inédits et études », Revue
des Sciences religieuses, 14, 1934, p. 191-218 et 392-395.
JEAN LE FÈVRE, Les Lamentations de Matheolus et Le Livre de Leesce
de Jehan Le Fèvre de Resson, éd. Anton Gerard Van Hamel, t. I,
textes français et latin des Lamentations, Bibliothèque de l’École
des hautes études, 95e fascicule, Paris, Émile Bouillon, 1892 ; t. II,
Le Livre de Leesce, Bibliothèque de l’École des hautes études,
96e fascicule, Paris, Émile Bouillon, 1895.
JEAN LE FÈVRE, Le Respit de la Mort, éd. Geneviève Hasenohr-Esnos,
Paris, Picard, 1969.
JEAN LE FÈVRE, La Vieille. Traduction du De Vetula, éd. Marie-
Madeleine Huchet, Paris, Société des anciens textes français, 2018.
JEAN DE LE MOTE, Li regret Guillaume, comte de Hainaut, éd. Auguste
Scheler, Louvain, J. Lefever, 1882.
JEAN DE LE MOTE, Le Parfait du paon, éd. Richard J. Carey, Chapel
Hill, The University of North Carolina Press, 1972.
Le Mesnagier de Paris, texte édité par Georgina E. Brereton et
Janet M. Ferrier, traduction et notes par Karin Ueltschi, Paris,
Librairie générale française, coll. Lettres gothiques, 1994.
Ovide moralisé, éd. Cornelis De Boer, 5 vol., Amsterdam, J. Müller,
puis N.V. Noord-Hollandsche Uitgevers-Maatschappij, 1915-1938.
PHILIPPA PORCELET, La Vie de sainte Douceline, éd. Raoul Gout (texte
provençal et traduction), Paris, Librairie Bloud et Gay, 1927.
PHILIPPE DE MÉZIÈRES, Epistre au Roi Richart, éd.
George W. Coopland, Liverpool, Liverpool University Press, 1975.
PHILIPPE DE MÉZIÈRES, Le Songe du Vieil Pelerin, éd.
George W. Coopland, 2 vol., Cambridge, Cambridge University
Press, 1969.
Renart le Contrefait (Le Roman de), éd. Gaston Raynaud et Henri
Lemaître, Paris, Champion, 1914 ; réimpression Genève, Slatkine,
1975.
Le Songe du Vergier, éd. Marion Schnerb-Lièvre, 2 vol., Paris, Éditions
du CNRS, 1982.
Tombel de Chartrose, éd. Audrey Sulpice, Paris, Champion, 2014.
Tristan de Nanteuil, éd. Keith V. Sinclair, Assen, Van Gorcum &
Comp., 1971.

e
TEXTES ET AUTEURS DU XV SIÈCLE

CHARLES D’ORLÉANS, Poésies, éd. Pierre Champion, t. II, Paris, Honoré


Champion, coll. CFMA 56, 1927.
[ÉLÉONORE DE POITIERS] « Éléonore de Poitiers, Les Etats de France
(Les Honneurs de la Cour) », éd. Jacques Paviot, Annuaire-Bulletin
de la Société de l’Histoire de France, année 1996, Paris,
Champion, 1998, p. 75-137.
ELOY D’AMERVAL, Livre de la Deablerie, éd. Robert Deschaux et
Bernard Charrier, Genève, Droz, 1991.
Les Evangiles des Quenouilles, éd. Madeleine Jeay, Paris, Vrin ;
Montréal, Les Presses de l’université de Montréal, 1985.
Femina (Trinity College, Cambridge Ms B. 14.40), éd. William
Rothwell, The Anglo-Norman Online Hub, 2005,
http://www.anglo-norman.net/texts/femina.pdf
FRANÇOIS VILLON, Œuvres complètes, éd. et trad. Jacqueline
Cerquiglini-Toulet, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la
Pléiade, 2014.
Le Jardin de Plaisance et Fleur de Rethorique, 2 vol., t. I,
reproduction en fac-similé de l’édition publiée par Antoine Vérard
vers 1501, Paris, Firmin Didot, 1910 ; t. II, introduction et notes
par Eugénie Droz et Arthur Piaget, Paris, Édouard Champion,
1925.
JEAN REGNIER, Les Fortunes et Adversitez, éd. Eugénie Droz, Paris,
Champion, 1923.
JOHANNES VON TEPL, Le Laboureur de Bohême. Dialogue avec La
Mort, traduction et commentaire Florence Bayard, Paris, Presses de
l’université Paris-Sorbonne, 2013.
LOUIS DE BEAUVAU, Le Roman de Troyle, éd. Gabriel Bianciotto,
2 vol., Rouen, Publications de l’université de Rouen, 1994.
[MARGERY KEMPE] The Book of Margery Kempe, éd. Barry Windeatt,
Harlow, Pearson, 2000.
Le Manuscrit B.N. nouv. acq. fr. 15771. Une nouvelle collection de
poésies lyriques et courtoises du XVe siècle, éd. Barbara L. S. Inglis,
Paris, Champion, 1985.
MARTIN LE FRANC, Le Champion des Dames, éd. Robert Deschaux,
5 vol., Paris, Champion, coll. CFMA 127 à 131, 1999.
MARTIN LE FRANC, L’Estrif de Fortune et Vertu, éd. Peter
F. Dembowski, Genève, Droz, 1999.
Le Pastoralet, éd. Joël Blanchard, Paris, Presses universitaires de
France, coll. Publications de l’université de Rouen, 1983.
Rondeaux et autres poésies du XVe siècle, éd. Gaston Raynaud, Paris,
Librairie Firmin Didot, 1889.
Le Songe doré de la pucelle, éd. Anatole de Montaiglon, in Recueil de
poésies françaises des XVe et XVIe siècles, t. III, Paris, Jannet, 1856,
p. 204-231.

e
TEXTES ET AUTEURS DU XVI SIÈCLE

FAUCHET, Claude, Recueil de l’origine de la langue et poésie


française, ryme et romans, plus les noms et sommaires des œuvres
de CXXVII poetes vivans avant l’an MCCC, Paris, Mamert
Patisson chez Robert Estienne, 1581.
LESNAUDERIE, Pierre de, La Louenge de mariage et recueil des
hystoires des bonnes, vertueuses et illustres femmes, Paris,
F. Regnault, 1523.
MARGUERITE DE NAVARRE, Les Prisons, éd. Simone Glasson, Genève,
Droz, 1978.
Le Vendeur de livres, dans Six farces normandes du recueil La Vallière,
éd. Emmanuel Philipot, Rennes, Librairie Plihon, coll. Recherches
sur l’ancien théâtre français, 1939, p. 11-41.
SÉLECTION D’OUVRAGES CRITIQUES

BASCHET, Jérôme, Corps et âmes. Une histoire de la personne au


Moyen Âge, Paris, Flammarion, 2016.
BØRRESEN, Kari Elisabeth, « Théologiennes au Moyen Âge », Revue
théologique de Louvain, 20e année, fasc. 1, 1989, p. 67-71.
BYNUM, Caroline Walker, Jesus as Mother. Studies in the Spirituality
of the High Middle Ages, Berkeley, University of Carolina Press,
1982.
CAMPROUX, Charles, Le Joy d’Amor des Troubadours. Jeu et joie
d’amour, Montpellier, Causse et Castelnau, 1965.
CERQUIGLINI-TOULET, Jacqueline, « La scène de lecture dans l’œuvre
littéraire au Moyen Âge », in Le Goût du lecteur à la fin du Moyen
Âge, études réunies par Danielle Bohler, Paris, Le Léopard d’Or,
2006, p. 13-26.
CERQUIGLINI-TOULET, Jacqueline, « La femme au livre dans la
littérature médiévale », in Livres et lectures de femmes en Europe
entre Moyen Âge et Renaissance, textes réunis par Anne-Marie
Legaré, Turnhout, Brepols, 2007, p. 29-34.
CHAMPION, Pierre, Histoire poétique du quinzième siècle, 2 vol., Paris,
Honoré Champion, 1923.
CHAMPION, Pierre, « Un Liber Amicorum du XVe siècle », Revue des
bibliothèques, XX, 1910, p. 320-336.
CHEYETTE, Fredric L., Ermengard of Narbonne and the World of the
Troubadours, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2001.
COLOMBO TIMELLI, Maria et IAMARTINO, Giovanni, « Liber iste vocatur
femina… Le français et les dames dans l’Angleterre du
e
XV siècle », Documents pour l’histoire du français langue
étrangère ou seconde, 47-48, 2012, mis en ligne le 1er janvier 2015,
http:// dhfles.revues.org/3136
CONTAMINE, Philippe, « Un préambule explicatif inédit dans un
manuscrit (milieu XVe s.) du Songe du Vieil Pelerin de Philippe de
Mézières : le texte et l’image », Comptes rendus de l’Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 2007, vol. 151, 4, p. 1901-1923.
COVILLE, Alfred, Les Premiers Valois et les débuts de la guerre de
Cent Ans. 1328-1422, réimpression Paris, Tallandier, 1982.
DELSAUX, Olivier, « La traduction en moyen français chez les dames
de la haute noblesse à la fin du Moyen Âge : entre outil de savoir et
instrument de pouvoir », in La Traduction vers le moyen français,
éd. Claudio Galderisi et Cinzia Pignatelli, Turnhout, Brepols, 2007,
p. 395-410.
DOUTREPONT, Georges, La Littérature française à la cour des ducs de
Bourgogne, Paris, Honoré Champion, 1909.
DOUTREPONT, Georges, Jean Lemaire de Belges et la Renaissance,
Bruxelles, Maurice Lamertin libraire-éditeur, 1934.
DRONKE, Peter, Women Writers of the Middle Ages. A Critical Study of
Texts from Perpetua ( † 203) to Marguerite Porete ( † 1310),
Cambridge, Cambridge University Press, 1984.
DUBY, Georges, Dames du XIIe siècle, t. I, Héloïse, Aliénor, Iseut et
quelques autres, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires,
1995.
FOSSIER, Robert, Ces gens du Moyen Âge, Paris, Fayard, 2007.
GRAF, Katrin, Bildnisse schreibender Frauen im Mittelalter, 9. bis
Anfang 13. Jahrhundert, Bâle, Schwabe & Co, 2002.
HASENOHR, Geneviève, « L’essor des bibliothèques privées aux XIVe et
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XV siècles », in Histoire des bibliothèques françaises. Les
bibliothèques médiévales du VIe siècle à 1530, dir. André Vernet,
Paris, Promodis, 1989, p. 214-263.
HICKS, Eric, « A Mirror for Misogynists : John of Salisbury’s
Policraticus (8.11) in the Translation of Denis Foulechat (1372) »,
in Reinterpreting Christine de Pizan, dir. Earl Jeffrey Richards
avec Joan Williamson, Nadia Margolis et Christine Reno, Athens et
Londres, The University of Georgia Press, 1992, p. 77-107.
KINOSHITA, Sharon et MCCRACKEN, Peggy, Marie de France. A
Critical Companion, Suffolk-Rochester (NY), Boydell & Brewer,
2012.
LARNAC, Jean, Histoire de la littérature féminine en France, Paris,
Éditions Kra, 1929.
LEGARÉ, Anne-Marie (textes réunis par), Livres et lectures de femmes
en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, Turnhout, Brepols,
2007 (Colette Beaune et Élodie Lequain, « Marie de Berry et les
livres », p. 49-65 ; Marie-Françoise Damongeot-Bourdat, « Le
coffre aux livres de Marie de Bretagne (1424-1477), abbesse de
Fontevraud », p. 81-99 ; Delphine Jeannot, « Les bibliothèques de
princesses en France au temps de Charles VI : l’exemple de
Marguerite de Bavière », p. 191-210 ; Bertrand Schnerb, « Les
livres de Marguerite de Bécourt, dame de Santes », p. 211-220).
LEGGE, Mary Dominica, « La précocité de la littérature anglo-
normande », Cahiers de civilisation médiévale, VIII, juillet-
décembre 1965, p. 327-349.
MAREMBON, John, « Philosopha », in Mots médiévaux offerts à Ruedi
Imbach, éd. Inigo Atucha et alii, Porto, Fédération internationale
des Instituts d’études médiévales, 2011, p. 547-552.
MCCASH, June Hall, « La vie seinte Audree : A Fourth Text by Marie
de France ? », Speculum, vol. 77, no 3, juillet 2002, p. 744-777.
PADEN, William D. (dir.), The Voice of the Trobairitz. Perspectives on
the Women Troubadours, Philadelphia, University of Pennsylvania
Press, 1989 (William Paden, « Introduction », p. 1-28 ; François
Zufferey, « Toward a delineation of the trobairitz corpus », p. 31-
43 ; Frank M. Chambers, « Las trobairitz soiseubudas », p. 45-60).
Portraits d’écrivains. La représentation de l’auteur dans les
manuscrits et les imprimés du Moyen Âge et de la première
Renaissance, Poitiers, Médiathèque François-Mitterand et Centre
d’études supérieures de civilisation médiévale, catalogue de
l’exposition « Images du Moyen Âge » tenue du 23 juillet au
26 octobre 2002, Paris, FFCB, 2002.
RÉGNIER-BOHLER, Danielle (dir.), Voix de femmes au Moyen Âge.
Savoir, mystique, poésie, amour, sorcellerie XIIe-XVe siècle, Paris,
Laffont, 2006.
RIEGER, Angelica, « Un sirventes féminin — la trobairitz Gormonda
de Monpeslier », in Actes du premier Congrès international de
l’Association internationale d’Études occitanes, éd.
Peter T. Ricketts, Londres, AIEO, Westfield College, 1987, p. 423-
455.
ROBERTSON, Duncan, The Medieval Saints’ Lives. Spiritual Renewal
and Old French Literature, Lexington, Kentucky, French Forum
Publishers, 1995.
ROUSE, Richard H. et ROUSE, Mary A., Illiterati et uxorati.
Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in
Medieval Paris, 1200~1500, 2 vol., Turnhout, Harvey Miller
Publishers, 2000.
SCHMITT, Jean-Claude, Les Rythmes au Moyen Âge, Paris, Gallimard,
coll. Bibliothèque illustrée des Histoires, 2016.
SIMONS, Walter, Cities of Ladies. Beguine Communities in the
Medieval Low Countries, 1200-1565, Philadelphie, University of
Pennsylvania Press, 2001.
SOLENTE, Suzanne, « Deux chapitres de l’influence littéraire de
Christine de Pisan », Bibliothèque de l’École des Chartes, 94,
1933, p. 27-45.
TURCAN, Marie, « Saint Jérôme et les femmes », Bulletin de
l’Association Guillaume Budé, vol. 1, no 2, 1968, p. 259-272.
Notes

I
PENSER LA FEMME QUI ÉCRIT

1. La Vieille Traduction du De Vetula, par Jean Le Fèvre, éd. Marie-Madeleine


Huchet, Paris, Société des anciens textes français, 2018.
e
2. Le Livre de Leesce est la réfutation par Jean Le Fèvre au XIV siècle des
e
Lamentations de Matheolus, texte latin du XIII siècle, qu’il vient de traduire ; éd. Anton
e
Gerard Van Hamel, Bibliothèque de l’École des hautes études, 96 fascicule, Paris,
Librairie Émile Bouillon, 1895.
3. Gautier de Coinci, Les Miracles de Nostre Dame, éd. V. Frederic Koenig, t. IV,
Genève, Droz, 1970. Voir Li salu Nostre Dame, p. 565, v. 467-468.
4. Lettres d’Abélard et Héloïse, éd. et trad. Eric Hicks et Thérèse Moreau, Paris,
Librairie générale française, coll. Lettres gothiques, 2007, lettre VI, p. 231.
5. Christine de Pizan, Jean Gerson, Jean de Montreuil, Gontier et Pierre Col, Le
Débat sur le Roman de la Rose, éd. Eric Hicks, Paris, Champion, 1977.
6. Les Lamentations de Matheolus et Le Livre de Leesce de Jehan Le Fèvre de
Resson, éd. Anton Gerard Van Hamel, textes français et latin des Lamentations,
e
Bibliothèque de l’École des hautes études, 95 fascicule, Paris, Librairie Émile Bouillon,
1892.
7. Christine de Pizan, La Città delle dame (Le Livre de la Cité des Dames), texte en
moyen français édité par Earl Jeffrey Richards, traduction en italien Patrizia Caraffi,
e
Milan, Luni Editrice, 2 édition, 1998, p. 78 pour la citation. Toutes les références
ultérieures sont à cette édition.
8. Jérôme Baschet, Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, Paris,
Flammarion, 2016. Voir p. 100.
e
9. Voir par exemple le dialogue Placides et Timeo du XIII siècle, éd. Claude
Thomasset, Genève, Droz, 1980, § 231, p. 102.
10. Johannes von Tepl, Le Laboureur de Bohême. Dialogue avec La Mort, traduction
et commentaire de Florence Bayard, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2013.
11. Martin Le Franc, Le Champion des Dames, éd. Robert Deschaux, 5 vol., Paris,
Champion, 1999.
12. Isidorus Hispalensis (Isidore de Séville), Etymologiae (Étymologies), livre IX,
éd. et trad. Marc Reydellet, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 187 pour la citation.
13. Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. Félix Lecoy,
3 vol., Paris, Champion, 1965, 1966 et 1970.
14. Le Songe du Vergier, éd. Marion Schnerb-Lièvre, 2 vol., Paris, Éditions du
CNRS, 1982.
e
15. Li Romans de Carité et Miserere. Poèmes de la fin du XII siècle, du Renclus de
Moiliens, éd. Anton Gerard Van Hamel, 2 vol., Paris, Vieweg, 1885. Voir t. II, Miserere,
strophe CCLX, p. 277.
16. Étienne de Fougères, Le Livre des Manières, éd. R. Anthony Lodge, Genève,
Droz, 1979.
17. Heldris de Cornuälle, Le Roman de Silence, éd. Lewis Thorpe, Cambridge,
Heffer & Sons, 1972.
18. Aucassin et Nicolette, éd. et trad. Jean Dufournet, Paris, Flammarion, coll. GF,
e
2 édition, 1984.
19. Le Livre de la Cité des Dames, éd. cit., p. 46-48.
20. Édition sous le nom erroné de Philippe de Navarre, Les Quatre Ages de l’homme,
éd. Marcel de Fréville, Paris, Librairie Firmin Didot, 1888. Voir § 25, p. 16.
21. Le Roman de la Rose, éd. cit., t. II, v. 8729-8802.
22. Le Débat sur le Roman de la Rose, éd. cit., p. 146.
23. Le Mesnagier de Paris, texte édité par Georgina E. Brereton et Janet M. Ferrier,
traduction et notes par Karin Ueltschi, Paris, Librairie générale française, coll. Lettres
gothiques, 1994.
24. Le Livre du Chevalier de La Tour Landry pour l’enseignement de ses filles, éd.
Anatole de Montaiglon, Paris, P. Jannet, 1854.
25. François Villon, Œuvres complètes, éd. et trad. Jacqueline Cerquiglini-Toulet,
Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2014.
26. Robert de Blois, Floris et Lyriopé, éd. Paul E. Barrette, Berkeley, University of
California Press, 1968.
27. Galeran de Bretagne, éd. Lucien Foulet, qui attribue le texte à Jean Renart
(attribution non retenue à l’heure actuelle), Paris, Champion, 1925.
28. Les Lais de Marie de France, éd. Jean Rychner, Paris, Champion, 1971.
29. Philippe Mouskes, Chronique rimée, éd. Frédéric Auguste de Reiffenberg, t. I,
Bruxelles, Hayez, 1836.
30. Jean Gerson, Onze Ordonnances, éd. Edmond Vansteenberghe, « Quelques écrits
de Jean Gerson, textes inédits et études », Revue des Sciences religieuses, 14, 1934,
p. 191-218 et 392-395. Il s’agit de la cinquième ordonnance, voir p. 217.
31. Guillaume de Machaut, Le Livre du Voir Dit, éd. et trad. Paul Imbs, introduction
et révision Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Paris, Librairie générale française, coll. Lettres
gothiques, 1999.
32. Voir Le Songe doré de la pucelle, éd. Anatole de Montaiglon, in Recueil de
e e
poésies françaises des XV et XVI siècles, Paris, Jannet, t. III, 1856, p. 204-231, ou
l’édition par Paul Aebischer, Vallesia, t. 16, 1961, p. 225-241.
33. Évangile selon saint Luc.
34. Christine de Pizan, Le Livre de la Cité des Dames, éd. cit., p. 436.
35. Christine de Pizan, Le Livre des Trois Vertus, éd. Charity Cannon Willard et Eric
Hicks, Paris, Champion, 1989, p. 196 pour la citation. Toutes nos citations renvoient à
cette édition.
36. Recueil général des Isopets, éd. Julia Bastin, t. II, Paris, Champion, coll. SATF,
1930.
37. Voir John Marembon, « Philosopha », in Mots médiévaux offerts à Ruedi
Imbach, éd. Inigo Atucha et alii, Porto, Fédération internationale des Instituts d’études
médiévales, 2011, p. 547-552.
38. Jean Boccace, Des cleres et nobles femmes. Ms. Bibl. nat. 12420, éd. Jeanne
Baroin et Josiane Haffen, 2 vol., Paris, Les Belles Lettres, coll. Annales littéraires de
l’université de Besançon 498 et 556, 1993 et 1995.
39. Le Pastoralet, éd. Joël Blanchard, Paris, Presses universitaires de France,
coll. Publications de l’université de Rouen, 1983.
40. Pierre Borel, Trésor de recherches et antiquités gauloises et françaises, Augustin
Courbé, 1655.
41. Le Jardin de Plaisance et Fleur de Rethorique, 2 vol., t. I, reproduction en fac-
similé de l’édition publiée par Antoine Vérard vers 1501, Paris, Firmin Didot, 1910 ; t. II,
introduction et notes par Eugénie Droz et Arthur Piaget, Paris, Édouard Champion, 1925.
42. Georges Doutrepont, La Littérature française à la cour des ducs de Bourgogne,
Paris, Honoré Champion, 1909.
43. Georges Doutrepont, Jean Lemaire de Belges et la Renaissance, Bruxelles,
Maurice Lamertin libraire-éditeur, 1934.
44. Pierre Champion, Histoire poétique du quinzième siècle, t. I, Paris, Édouard
Champion, 1923, p. VII.
45. Voir ici même.
46. La page est reproduite dans le livre de Jean-Claude Schmitt, Les Rythmes au
Moyen Âge, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque illustrée des Histoires, 2016, p. 170,
illustration 20.
e e
47. Romances et pastourelles françaises des XII et XIII siècles, éd. Karl Bartsch,
réimpression Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1975, I, pièce 28, v. 31-32
et 33-34, p. 24. On peut lire le texte également dans l’Anthologie poétique française.
Moyen Âge d’André Mary, t. I, De Thibaut de Vernon à Jean de Braine, Paris, Garnier-
Flammarion, 1967, p. 292.
48. Tristan de Nanteuil, éd. Keith V. Sinclair, Assen, Van Gorcum & Comp., 1971.
49. Philippe de Mézières, Epistre au Roi Richart, éd. George W. Coopland,
Liverpool, Liverpool University Press, 1975, p. 133 pour la citation.
50. Martin Le Franc, L’Estrif de Fortune et Vertu, éd. Peter F. Dembowski, Genève,
Droz, 1999, p. 123.
51. Poésies de Marguerite-Eléonore Clotilde de Vallon-Chalys, depuis Madame de
e
Surville, poète français du XV siècle, publiées par Charles Vanderbourg, Paris, Henrichs,
an XI (1803).
e
52. Les Poètes françois depuis le XII siècle jusqu’à Malherbe, avec une notice
historique et littéraire sur chaque poète, éd. Pierre-René Auguis, 6 vol., Paris, Imprimerie
de Crapelet, 1824. Pour Christine de Pizan, t. II, p. 165-176. Pour Clotilde de Surville,
p. 200-230.
53. Jean Larnac, Histoire de la littérature féminine en France, Paris, Éditions Kra,
1929, qui indique curieusement sur la couverture une mention « Sixième édition ». Cette
publication donne lieu à une entrée de la New History of French Literature, sous la
direction de Denis Hollier, Cambridge, Mass, Harvard University Press, 1989 : « 1929 :
Odor di Femina [sic] » sous la plume d’Elaine Marks (p. 887-889).
54. On peut même ôter complètement à la femme son œuvre en y voyant un faux.
Cf. infra le cas de Hrotsvita de Gandersheim.
55. Les Troubadours. Anthologie bilingue, Paris, Seghers, 1971, p. 303.
56. Voir ici même chap. IV.
57. Voir Orlanda S. H. Lie et al., Christine de Pizan in Bruges. The « Livre de la Cité
des Dames » as « Het Bouc van de Stede der Vrauwen », Hilversum, Verloren, 2015.
58. Robert Fossier, Ces gens du Moyen Âge, Paris, Fayard, 2007, p. 336 et 356.
e
59. Georges Duby, Dames du XII siècle, t. I, Héloïse, Aliénor, Iseut et quelques
autres, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des Histoires, 1995.
60. La pièce de 117 vers est éditée par Duncan Robertson en appendice de son livre
The Medieval Saints’ Lives. Spiritual Renewal and Old French Literature, Lexington,
Kentucky, French Forum Publishers, 1995, p. 262-268.
61. Richard H. Rouse and Mary A. Rouse, Illiterati et uxorati. Manuscripts and their
Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200~1500, 2 vol., Turnhout,
Harvey Miller Publishers, 2000.
62. Le Livre de la Cité des Dames, éd. cit., livre I, chap. 41, p. 192.
63. Thérèse de Hemptinne, « Lire et écrire, c’est prier un peu. Culture écrite et
pratiques féminines de dévotion aux Pays-Bas à la fin du Moyen Âge », in Livres et
lectures de femmes en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, textes réunis par Anne-
Marie Legaré, Turnhout, Brepols, 2007, p. 151-162.

II
EN AMONT : COMMANDITAIRES
1. Benedeit, Le Voyage de saint Brendan, édition bilingue Ian Short et Brian
Merrilees, Paris, Champion, coll. Champion classiques, 2006.
2. Philippe de Thaon, Le Bestiaire, éd. Emmanuel Walberg, Lünd, H. Möller ; Paris,
H. Welter, 1900.
3. Geffrey Gaimar, L’Estoire des Engleis, éd. Alexander Bell, Oxford, Anglo-
Norman Text Society / Blackwell, 1960.
4. Les Proverbes de Salemon by Sanson de Nanteuil, éd. C. Claire Isoz, 3 vol.,
Londres, Birkbeck College / Anglo-Norman Text Society, coll. Anglo-Norman texts 44,
45, 50, 1988-1994.
5. Wace, Le Roman de Rou, éd. Anthony J. Holden, t. I, Paris, Picard, coll. SATF,
1970.
6. Benoit de Sainte-Maure, Le Roman de Troie, éd. Léopold Constans, 6 vol., Paris,
Firmin Didot, 1904-1912 ; voir t. II, 1906.
7. Gace Brulé, Chansons, éd. Holger Petersen Dyggve, Helsinki, Société
néophilologique, Mémoires de la Société néophilologique de Helsinki (Helsingfors), XVI,
1951.
8. Jean le Marchant, Miracles de Notre-Dame de Chartres, éd. Pierre Kunstmann,
Chartres, Société archéologique d’Eure-et-Loir ; Ottawa, Éditions de l’Université
d’Ottawa, 1973.
9. Adenet le Roi, Cléomadés, t. V des Œuvres d’Adenet le Roi, éd. Albert Henry,
2 vol., Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1971.
10. Olivier Delsaux, « La traduction en moyen français chez les dames de la haute
noblesse à la fin du Moyen Âge : entre outil de savoir et instrument de pouvoir », in La
Traduction vers le moyen français, dir. Claudio Galderisi et Cinzia Pignatelli, Turnhout,
Brepols, 2007, p. 395-410.
11. Jean de le Mote, Li regret Guillaume, comte de Hainaut, éd. Auguste Scheler,
Louvain, J. Lefever, 1882.

III
ÉCRIRE EN LANGUE VERNACULAIRE

1. Dante, Œuvres complètes, traduction et commentaires par André Pézard, Paris,


Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1965, p. 54.
2. Pour la délimitation du corpus, voir dans le recueil d’articles réunis par William
D. Paden, The Voice of the Trobairitz. Perspectives on the Women Troubadours,
Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1989, les articles de François Zufferey
(« Toward a delineation of the trobairitz corpus », p. 31-43), de Frank M. Chambers
(« Las trobairitz soiseubudas », p. 45-60) et l’introduction de William Paden lui-même
(p. 1-28).
3. On peut lire l’ensemble des pièces des femmes-troubadours dans Chants d’amour
des femmes-troubadours. Trobairitz et « chansons de femme », éd. et trad. Pierre Bec,
Paris, Stock, coll. Stock Moyen Âge, 1995.
4. Charles Camproux, Le Joy d’Amor des Troubadours. Jeu et joie d’amour,
Montpellier, Causse et Castelnau, 1965.
5. Sur le rôle fondamental d’Ermengarde de Narbonne dans la culture du Midi, voir
Fredric L. Cheyette, Ermengard of Narbonne and the World of the Troubadours, Ithaca et
Londres, Cornell University Press, 2001.
6. La pièce est éditée, traduite et commentée par Angelica Rieger dans son article
« Un sirventes féminin — la trobairitz Gormonda de Monpeslier », in Actes du premier
Congrès international de l’Association internationale d’Études occitanes, éd.
Peter T. Ricketts, AIEO, Westfield College, Londres, 1987, p. 423-455.
7. Louis de Beauvau, Le Roman de Troyle, éd. Gabriel Bianciotto, 2 vol., Rouen,
Publications de l’université de Rouen, 1994, t. II, p. 641.
8. Les éditions de référence dans notre étude sont les suivantes : Les Lais de Marie
de France, éd. cit. ; Les Fables, éd. et trad. Charles Brucker, Paris-Louvain, Peeters,
e
2 éd. revue, 1998 ; L’Espurgatoire Seint Patriz, éd. et trad. Yolande de Pontfarcy, Paris-
Louvain, Peeters, 1995.
9. June Hall McCash, « La vie seinte Audree : A Fourth Text by Marie de France ? »,
o
Speculum, vol. 77, n 3, juillet 2002, p. 744-777.
o
10. C’est le n 780 du recueil de Joseph Morawski, Proverbes français antérieurs au
e
XV siècle, Paris, Champion, coll. CFMA 47, 1925, retirage, 2007.
11. Ce sens est bien éclairé par l’emploi du proverbe à l’ouverture du conte XXXI du
Tombel de Chartrose, « De Origenés qui meserra en sa doctrine », éd. Audrey Sulpice,
Paris, Champion, 2014 ; voir p. 641.
12. Sharon Kinoshita et Peggy McCracken, Marie de France. A Critical Companion,
Suffolk-Rochester (NY), Boydell & Brewer, 2012.
13. Denis Piramus, La Vie seint Edmund Le Rei, éd. Delbert Wayne Russell, Oxford,
Anglo-Norman Text Society, 2014.
e e
14. Le Lai du lecheor, dans Les Lais anonymes des XII et XIII siècles, éd. Prudence
Mary O’Hara Tobin, Genève, Droz, 1976, p. 347-358.
15. Gautier d’Arras, Ille et Galeron, éd. Yves Lefèvre, Paris, Champion, 1988.
16. Le Roman de Renart le Contrefait, éd. Gaston Raynaud et Henri Lemaître, Paris,
Champion, 1914 ; réimpression Genève, Slatkine, 1975.
17. Voir ici même.
18. Voir par exemple les illustrations 40 et 46 dans le livre de Katrin Graf, Bildnisse
schreibender Frauen im Mittelalter, 9. bis Anfang 13. Jahrhundert, Bâle, Schwabe & Co,
2002.
19. Lettre d’Hildegarde à Bernard de Clairvaux et réponse de Bernard à Hildegarde
dans Hildegarde de Bingen, Louanges, poésies complètes traduites du latin et présentées
par Laurence Moulinier, Paris, La Différence, coll. Orphée, 1990, p. 119-121.
20. Mary Dominica Legge, « La précocité de la littérature anglo-normande »,
Cahiers de civilisation médiévale, VIII, juillet-décembre 1965, p. 327-349. Voir p. 348.
21. Clémence de Barking, Vie de sainte Katerine, éd. William MacBain, Londres-
Oxford, Blackwell, Anglo-Norman Text Society 18, 1964.
22. La Vie d’Edouard le Confesseur, éd. Östen Södergård, Upsal, Almqvist &
Wiksells, 1948.
23. Voir les extraits édités par Paul Meyer, « Notice du ms. Egerton 745 du Musée
e
britannique », 2 article, Romania, t. 49, 1911, p. 41-64.
24. Voir Portraits d’écrivains. La représentation de l’auteur dans les manuscrits et
les imprimés du Moyen Âge et de la première Renaissance, Poitiers, Médiathèque
François-Mitterand et Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, catalogue de
l’exposition « Images du Moyen Âge » tenue du 23 juillet au 26 octobre 2002, Paris,
FFCB, 2002. Voir les reproductions des miniatures, p. 74 pour Venance Fortunat, p. 81
pour Baudonivie.
25. Philippa Porcelet, La Vie de sainte Douceline, éd. Raoul Gout (texte provençal et
traduction), Paris, Librairie Bloud et Gay, 1927. Pour une traduction seule, voir
Geneviève Brunel-Lobrichon dans Voix de femmes au Moyen Âge. Savoir, mystique,
e e
poésie, amour, sorcellerie XII -XV siècle, dir. Danielle Régnier-Bohler, Paris, Laffont,
2006, p. 283-370.
26. Les Œuvres de Marguerite d’Oingt, éd. Antonin Duraffour, Pierre Gardette et
Paulette Durdilly, Paris, Les Belles Lettres, 1965.
27. Caroline Walker Bynum, Jesus as Mother. Studies in the Spirituality of the High
Middle Ages, Berkeley, University of Carolina Press, 1982 (voir sur ce point p. 140).
28. Item ex alia epistola (D’une autre lettre) dans Œuvres, op. cit., § 136, p. 142.
29. Walter Simons, Cities of Ladies. Beguine Communities in the Medieval Low
Countries, 1200-1565, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2001. Voir p. 80-
85.
30. Marguerite Porete, Le Mirouer des simples ames anienties et qui seulement
demourent en vouloir et desir d’amour, éd. Romana Guarnieri, Rome, Edizioni di storia e
letteratura, 1961.
31. Marguerite de Navarre, Les Prisons, éd. Simone Glasson, Genève, Droz, 1978.
o
32. Pièce n CXLIII du Recueil général des jeux-partis français, éd. Arthur
Långfors, Paris, Librairie Édouard Champion, 1926, t. II, p. 169-170.
33. Jean de le Mote, Le Parfait du paon, éd. Richard J. Carey, Chapel Hill, The
University of North Carolina Press, 1972.
e
34. Pierre Champion, « Un Liber amicorum du XV siècle », Revue des
bibliothèques, XX, 1910, p. 320-336.
35. Voir la quittance de la somme donnée en retour par la duchesse dans Le Jardin de
Plaisance et Fleur de Rethorique, t. II, introduction et notes par Eugénie Droz et Arthur
Piaget, op. cit., p. 67, note 3.
e e
36. Éd. Anatole de Montaiglon, Recueil de poésies françoises des XV et XVI siècles,
op. cit., t. V, p. 258-304.
o
37. Paris, BnF. Ms Dupuy 762, f 45v et 46.
e
38. Pièce LXXXVII des Rondeaux et autres poésies du XV siècle, éd. Gaston
Raynaud, Paris, Librairie Firmin Didot, 1889, p. 76-77. La pièce se trouve également dans
le manuscrit BnF fr. 15771, voir Le Manuscrit B.N. nouv. acq. fr. 15771. Une nouvelle
e
collection de poésies lyriques et courtoises du XV siècle, éd. Barbara L. S. Inglis, Paris,
o
Champion, 1985, p. 146, et dans le manuscrit BnF fr. 1719, f 121.
39. « Éléonore de Poitiers, Les Etats de France (Les Honneurs de la Cour) », éd.
Jacques Paviot, Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, année 1996,
Paris, Champion, 1998, p. 75-137.
40. Christine de Pizan, Epistre a Eustache Mourel, in Œuvres poétiques, éd. Maurice
Roy, t. II, Paris, Librairie Firmin Didot, 1891, p. 301, v. 209-210.

IV
ÉCRIRE : CHRISTINE DE PIZAN
(1365-VERS 1430)

1. Eustache Deschamps, Œuvres complètes, éd. Auguste de Queux de Saint-Hilaire,


t. VI, Paris, Librairie Firmin Didot, 1889, p. 251-252.
2. Christine de Pizan, Le Chemin de Longue Étude, éd. et trad. Andrea Tarnowski,
Paris, Librairie générale française, coll. Lettres gothiques, 2000.
3. Christine de Pizan, Le Livre de la Mutacion de Fortune, éd. Suzanne Solente,
4 vol., Paris, Picard, 1959-1966.
4. Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Cristine, éd. Christine Reno et Liliane
Dulac, Paris, Champion, 2001. Pour ces trois textes, toutes les références ultérieures sont
à ces éditions.
5. Christine de Pizan, Œuvres poétiques, éd. cit., t. I, p. 237.
6. Alfred Coville, Les Premiers Valois et les débuts de la guerre de Cent Ans. 1328-
1422, réimpression Paris, Tallandier, 1982, p. 441.
7. Le Livre de la Cité des Dames, éd. Earl Jeffrey Richards, Milan, Luni Editrice,
e
2 édition, 1998, II, 36, p. 316.
8. Philippe de Mézières, Le Songe du Vieil Pelerin, éd. George W. Coopland, 2 vol.,
Cambridge, Cambridge University Press, 1969. Voir livre II, § 156 : « O quantes fois
Thomas de Bouloigne a cestui petit jugement failly et fu deceu », t. I, p. 614 (Ô combien
de fois, Thomas de Bologne, tu manquas ce petit jugement [d’astrologie] et fus trompé).
9. Christine de Pizan, Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, t. I, Paris, Librairie
Firmin Didot, 1886.
10. Le Débat sur le Roman de la Rose, éd. cit., p. 10 pour la citation. On peut se
reporter également à l’édition d’Andrea Valentini, Le Livre des epistres du debat sus le
Rommant de la Rose, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 153 pour notre citation.
11. Martin Le Franc, Le Champion des Dames, éd. cit.
12. Le Traité figure dans l’édition du Débat par Eric Hicks aux pages 58-87.
13. Christine de Pizan, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roi Charles V, éd.
Suzanne Solente, 2 vol., Paris, Champion, Société de l’Histoire de France, 1936-1941.
14. L’exemple se lit dans les Métamorphoses d’Ovide au livre III, v. 316-338, et
dans l’Ovide moralisé, t. I, livre III, v. 999-1106.
15. Voir ici.
16. Ovide moralisé, éd. Cornelis De Boer, 5 vol., Amsterdam, J. Müller, puis
N.V. Noord-Hollandsche Uitgevers-Maatschappij, 1915-1938.
17. Christine de Pizan, Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, t. II, op. cit., p. 1-27.
18. Christine de Pizan, Le Livre des Trois Vertus, éd. cit.
19. Lettre a Monbleru, dans Les Fortunes et Adversitez de Jean Regnier, éd. Eugénie
Droz, Paris, Édouard Champion, 1923, p. 218-222.
20. Christine de Pizan, Le Livre de la Cité des Dames, éd. cit., I, 10, p. 84.
21. Jean Boccace, Des cleres et nobles femmes. Ms. Bibl. nat. 12420, éd. cit.
22. Christine de Pizan, Le Livre du Corps de Policie, éd. Angus J. Kennedy, Paris,
Champion, 1998.
23. Christine de Pizan, L’Epistre Othea, éd. Gabriella Parussa, Genève, Droz, 1999.
24. Jean Le Fèvre, Le Respit de la Mort, éd. Geneviève Hasenohr-Esnos, Paris,
Picard, 1969, v. 11.
25. Dans Œuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. Maurice Roy, t. II, op. cit.,
p. 29-48.
26. Christine de Pizan, Le Livre de la Cité des Dames, éd. cit., p. 46.
27. Le Débat sur le Roman de la Rose, éd. cit., p. 140.
28. Christine de Pizan, Le Livre de la Mutacion de Fortune, éd. cit., t. II, 1959,
v. 5360-5364.
29. Les Enseignemens que je Cristine donne a Jehan de Castel, mon filz, in Christine
de Pisan, Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, t. III, Paris, Librairie Firmin Didot, 1896,
quatrain 94.
30. Christine de Pizan, Le Livre des Trois Vertus, éd. cit.
31. Christine de Pizan, Le Livre de la Paix, éd. Charity Cannon Willard, ’s-
Gravenhage, Mouton, 1958, I, 9, p. 75.

V
QUELS GENRES D’ÉCRITURE POUR LA FEMME ?

1. Dhuoda, Manuel pour mon fils, introduction, texte critique, notes par Pierre
Riché ; traduction de Bernard de Vregeville et Claude Mondésert, Paris, Éditions du Cerf,
coll. Sources chrétiennes, 1975.
2. Ce début est remarquablement analysé par Peter Dronke au chapitre « Dhuoda »
de son Women Writers of the Middle Ages, Cambridge, Cambridge University Press,
1984, p. 39-40. Dronke suggère une comparaison éclairante avec l’entrée en texte d’Anna
Akhmatova dans son Poème sans héros.
3. Voir Suzanne Solente, « Deux chapitres de l’influence littéraire de Christine de
Pisan », Bibliothèque de l’École des Chartes, 94, 1933, p. 27-45. Suzanne Solente analyse
les Enseignemens de la dame anonyme aux pages 30-38 de son article. La suite de son
étude porte sur La Louenge de mariage et recueil des hystoires des bonnes, vertueuses et
illustres femmes de Pierre de Lesnauderie paru en 1523.
4. Recueil de lettres anglo-françaises (1265-1399), éd. Frédéric-Joseph Tanquerey,
Paris, Champion, 1916.
5. Voir ici même.
6. Lettres d’Abélard et Héloïse, éd. cit.
7. Jean de Meun, La Vie et les Epistres Pierres Abaelart et Heloys sa fame, éd. Eric
Hicks, Paris, Champion, 1991.
8. Lettre 272, trad. Étienne Cartier, Lettres de sainte Catherine de Sienne, t. II, Paris,
Poussielgue Frères, 1886, p. 404.
9. Hrotsvita, Théâtre (Dramata), éd. et trad. Monique Goullet, Paris, Les Belles
Lettres, 1999.
10. Jean, 1, 23.
11. Voir ici même.
o
12. Aragon, Blanche ou l’Oubli, Paris, Éditions Gallimard, coll. Folio n 792, 1972,
p. 365.

VI
EN AVAL : LECTRICES

1. The Song of Songs. A Twelfth-Century French Version, éd. Cedric E. Pickford,


Londres, Oxford University Press, 1974.
2. Philippe Contamine, « Un préambule explicatif inédit dans un manuscrit (milieu
e
XV s.) du Songe du Vieil Pelerin de Philippe de Mézières : le texte et l’image », Comptes
rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2007, vol. 151, 4, p. 1901-1923.
3. Colette Beaune et Élodie Lequain, « Marie de Berry et les livres », in Livres et
lectures de femmes en Europe entre Moyen Âge et Renaissance, textes réunis par Anne-
Marie Legaré, op. cit., p. 49-65.
4. Delphine Jeannot, « Les bibliothèques de princesses en France au temps de
Charles VI : l’exemple de Marguerite de Bavière », ibid., p. 191-210.
5. Marie-Françoise Damongeot-Bourdat, « Le coffre aux livres de Marie de Bretagne
(1424-1477), abbesse de Fontevraud », ibid., p. 81-99.
6. Bertrand Schnerb, « Les livres de Marguerite de Bécourt, dame de Santes », ibid.,
p. 211-220 ; voir p. 215 pour la liste des femmes auxquelles sont légués des livres.
7. Dans Histoire des bibliothèques françaises. Les bibliothèques médiévales du
e
VI siècle à 1530, dir. André Vernet, Paris, Promodis, 1989, p. 214-263 ; voir p. 252 pour
Christine de Pizan.
8. Alexandre Tuetey, « Inventaire des biens de Charlotte de Savoie », Bibliothèque
de l’École des Chartes, t. XXVI, 1865, p. 358-366 et p. 423-442. Voir aux pages 359
et 362 du premier article.
9. Voir l’« Inventaire des Livres qui sont en la librairie du chasteau de Molins »
(inventaire de 1523) dans Les enseignements d’Anne de France, duchesse de Bourbonnais
et d’Auvergne, à sa fille Suzanne de Bourbon, éd. Alphonse-Martial Chazaud, Moulins,
C. Desrosiers, imprimeur-éditeur, 1878 ; réimpression : Marseille, Lafitte Reprints, 1978,
p. 231-258.
10. Voir nos deux études : « La scène de lecture dans l’œuvre littéraire au Moyen
Âge », in Le Goût du lecteur à la fin du Moyen Âge, études réunies par Danielle Bohler,
Paris, Le Léopard d’Or, 2006, p. 13-26, et « La femme au livre dans la littérature
médiévale », in Livres et lectures de femmes en Europe entre Moyen Âge et Renaissance,
textes réunis par Anne-Marie Legaré, op. cit., p. 29-34.
11. Voir ici même.
12. Boccace, Fiametta, traduit de l’italien et présenté par Serge Stolf, Paris, Arléa,
2003.
13. Charles d’Orléans, Poésies, éd. Pierre Champion, t. II, Paris, Honoré Champion,
1927, rondeau CCII.
14. Le Vendeur de livres, dans Six farces normandes du recueil La Vallière, éd.
Emmanuel Philipot, Rennes, Librairie Plihon, coll. Recherches sur l’ancien théâtre
français, 1939, p. 11-41.
15. Voir supra.
16. Voir supra chap. IV.
17. Pierre de Lesnauderie, La Louenge de mariage et recueil des hystoires des
bonnes, vertueuses et illustres femmes, Paris, F. Regnault, 1523.

VII
CIRCULATION DE LA PAROLE
ET DE L’ÉCRITURE DES FEMMES

1. Dédicace à Isabeau de Bavière de son manuscrit Harley 4431, Christine de Pisan,


Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, t. I, op. cit., p. XIV-XVII.
2. Ainsi du refrain de la chanson « Bonne Amour conseilliez moi » de Perrin
d’Angicourt : « et me fet la nuit penser / et plorer et sospirer et veillier ».
3. Christine de Pizan, Epistre a la Reine, éd. Angus J. Kennedy, Revue des Langues
romanes, 92, 1988, p. 253-264.
4. Voir ici-même.
5. Christine de Pizan, Œuvres poétiques, éd. Maurice Roy, t. I, op. cit., p. 277, dans
la section « Encore aultres balades », pièce VII.
6. Jean de Joinville, Vie de saint Louis, éd. Jacques Monfrin, Paris, Dunod, coll.
Classiques Garnier, 1995 ; retirage, Librairie générale française, coll. Lettres
o
gothiques n 4565, 2002, § 242.
7. Le Roman de Gligois, éd. Marie-Luce Chênerie, Paris, Champion, 2003 : « Qui le
pris en porra avoir / Bien s’en pora tous jours vanter / Et en cambres a dames entrer »
(v. 878-880) (Qui pourra en remporter le prix, il pourra toujours s’en vanter et entrer dans
les chambres des dames).
8. Guillaume de Machaut, Le Jugement dou Roy de Navarre, in Œuvres de
Guillaume de Machaut, t. I, éd. Ernest Hoeppfner, Paris, Librairie Firmin Didot, 1908.
9. Le Conte de Floire et de Blancheflor, éd. Jean-Luc Leclanche, Paris, Champion,
1983.
10. Voir ici-même.
11. Les Evangiles des Quenouilles, éd. Madeleine Jeay, Paris, Vrin ; Montréal, Les
Presses de l’université de Montréal, 1985.
12. Sur ce traité, voir ici.
13. Femina (Trinity College, Cambridge Ms B. 14.40), éd. William Rothwell, The
Anglo-Norman Online Hub, 2005 (http://www.anglo-norman.net/texts/femina.pdf), et
Maria Colombo Timelli et Giovanni Iamartino, « Liber iste vocatur femina… Le français
e
et les dames dans l’Angleterre du XV siècle », Documents pour l’histoire du français
er
langue étrangère ou seconde, 47-48, 2012, mis en ligne le 1 janvier 2015, http://
dhfles.revues.org/3136
14. Voir Marie Turcan, « Saint Jérôme et les femmes », Bulletin de l’Association
o
Guillaume Budé, 1968, vol. 1, n 2, p. 259-272.
15. Georges Doutrepont, Jean Lemaire de Belges et la Renaissance, op. cit, p. 294-
296, qui cite de nombreux exemples.
16. Un exemple entre mille : « Mais, sauve soit la grace des diseurs, / Je m’en raport
a tous sages ditteurs » (Mais, pardon pour ceux qui parlent, je m’en remets à ceux qui
sagement composent), ballade L des Cent Balades, v. 7-8.
17. Exemple : « je l’ose dire, a qui qu’il en desplaise, sauve leur reverence, que… »,
Le Livre du Corps de Policie, éd. cit., I, 11, p. 17.
18. Christine de Pizan, L’Epistre Othea, éd. cit.
19. Christine de Pizan, La Lamentacion sur les Maux de la France, éd. Angus
J. Kennedy, in Mélanges de langue et littérature françaises du Moyen Âge et de la
Renaissance offerts à Charles Foulon, t. I, Rennes, Institut de Français, Université de
Haute-Bretagne, 1980, p. 177-185.
20. Christine de Pizan, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, éd.
cit. Voir t. II, III, XXIII, p. 66.

VIII
DE LA FEMME, DE L’AMOUR ET DE LA LANGUE

1. Louise de Keralio, Collection des meilleurs ouvrages françois composés par des
femmes, dédiée aux femmes françoises, Paris, Lagrange, 1786-1789. Voir infra,
e e
XVIII siècle, chap. 3 et XIX siècle, chap. 1.
2. Jean Chaperon, Le Chemin de long estude de Dame Cristine de Pise, 1549, éd.
Claire Le Brun-Gouanvic, Paris, Honoré Champion, 2008.
3. Refrain de la ballade V des Cent Balades, Christine de Pizan, Œuvres poétiques,
éd. Maurice Roy, t. I, op. cit.
4. Kari Elisabeth Børresen, « Théologiennes au Moyen Âge », Revue théologique de
e
Louvain, 20 année, fasc. 1, 1989, p. 67-71. Voir p. 67.
5. À la demande de Charles V, le texte est traduit en français par Denis Foulechat en
1372. Voir Eric Hicks, « A Mirror for Misogynists : John of Salisbury’s Policraticus
(8.11) in the Translation of Denis Foulechat (1372) », in Reinterpreting Christine de
Pizan, dir. Earl Jeffrey Richards avec Joan Williamson, Nadia Margolis et Christine Reno,
Athens et Londres, The University of Georgia Press, 1992, p. 77-107.
DEUXIÈME PARTIE

LA FIN DE LA RENAISSANCE *1
1475-1615

ÉLIANE VIENNOT

*1. Comme bien d’autres spécialistes de la Renaissance, je considère que cette période
e
commence avec Pétrarque, vers le milieu du XIV siècle.
Dans les dernières décennies du XVe siècle, des innovations
technologiques majeures et l’ouverture d’un moment politique très
particulier ont été à l’origine de ce que deux universitaires ont récemment
appelé « un développement exponentiel du nombre de femmes ayant
cherché à accéder au statut d’auteur », dessinant « une époque fondatrice
pour l’écriture au féminin 1 ».
Les obstacles à la réalisation de cette éclosion étaient pourtant
immenses, et ils le sont restés jusqu’aux premières décennies du XVIIe siècle.
Ces obstacles, fondés sur le refus des lettrés de renoncer à leur monopole de
la parole publique et des grandes charges administratives, se sont même vus
consolidés par un accroissement sans précédent des discours misogynes et
antiféministes. « Did women have a Renaissance ? » demandait en 1977
l’historienne états-unienne Joan Kelly 2, afin de mettre en évidence la
nécessité de réexaminer, dans la perspective du genre, les connotations
positives si souvent attachées à cette période. Tout nous pousse en effet à
identifier la Renaissance à un temps de progrès et d’ouverture : artistes
géniaux, humanistes de haute volée, rois « éclairés », grandes découvertes
géographiques et scientifiques, retrouvailles avec la culture antique,
splendides réalisations architecturales… C’est bien ce que cherchaient les
hommes qui, au XIXe siècle, ont donné ce nom à cette période, en noircissant
au passage la précédente (simple « âge intermédiaire » pour Pétrarque 3),
tant était grand leur désir de croire que l’histoire de l’humanité se
caractérise par un mouvement général de progrès. D’où leurs invitations à
tout considérer sous cet angle, y compris l’histoire des femmes de cette
époque, comme en témoigne le titre de l’étude fondatrice de René de
Maulde La Clavière : Vers le bonheur ! Les femmes de la Renaissance
(1898).
Or cette vision ne jette pas seulement un voile pudique sur les
nombreux conflits que ce temps a vus fleurir (guerres civiles, guerres
d’Italie, conquête du Pérou, reconquista espagnole, guerres de religion,
guerres de succession…), de même que sur les régressions de la rationalité
qui l’ont affecté (goût pour la magie, recul de la pensée d’Aristote, croyance
au Diable, progrès de l’Inquisition…). Elle empêche surtout de voir
l’accentuation systématique de l’écart entre les sexes qui la caractérise, et
que pilotèrent les hommes que l’école nous a appris à révérer le plus : les
savants, les intellectuels, les hommes de culture. Elle nous empêche même
de considérer les pires extrémités de cette offensive : la fameuse chasse aux
sorcières, que la plupart des gens croient pouvoir attribuer à
l’obscurantisme prétendu du Moyen Âge, alors que la fin de cette épidémie
se situe, pour la France, sous le règne de Louis XIII, et qu’elle continua de
sévir encore un bon siècle dans d’autres pays d’Europe.
Dans le même temps, et en raison même de sa brutalité, l’offensive
visant à restreindre les pouvoirs des femmes a rencontré des oppositions
vigoureuses, de la part de femmes et d’hommes convaincus de l’égale
valeur des deux sexes, et déterminés à rééquilibrer le rapport des forces
entre eux. Ce sont leurs efforts, paradoxalement secondés par des
contradictions internes au camp des lettrés, qui ont abouti, dès les années
1530, à l’éclosion d’un bouquet d’écrivaines lui aussi sans précédent, et,
dès la fin du XVIe siècle, à la levée partielle des empêchements pesant sur
l’instruction des filles. Les trois chapitres consacrés à cette période
examineront donc successivement l’ensemble des empêchements mis sur la
route des femmes, puis l’ensemble des facteurs positifs qui ont
contrebalancé ces obstacles, et enfin cette floraison inattendue, puisque près
de cent-quarante autrices *1 ont pu y être repérées, là où les dix siècles
précédents en avaient laissé émerger à peine une cinquantaine.

*1. J’utilise ce terme introduit à la Renaissance par les lettrés latinistes avec bien d’autres
féminins en -trice ; frère jumeau d’actrice (tous deux viennent d’auctrix, comme auteur et
acteur viennent d’auctor), il a alors un sens large (autrice d’un crime, d’une lettre…). Il
e
régressera à partir du milieu du XVII siècle, condamné par les grammairiens et lexicographes
masculinistes avec d’autres substantifs désignant des activités prestigieuses relevant du savoir et
de la création : médecine, peintresse, philosophesse, poétesse…
Chapitre premier
DES HÉRITAGES LOURDS

Plusieurs facteurs expliquent les grandes difficultés que les femmes


rencontrèrent pour s’inscrire dans l’intense mouvement intellectuel salué
par les humanistes, à l’instar de Rabelais lorsqu’il fait dire à Gargantua,
dans la fameuse lettre à son fils Pantagruel :

Maintenant, toutes disciplines sont restituées, les langues [anciennes]


instaurées […]. Tout le monde est plein de gens savants, de précepteurs très doctes, de
librairies très amples […]. Je vois les brigands, les bourreaux, les aventuriers, les
palefreniers de maintenant, plus doctes que les docteurs et prêcheurs de mon temps.

Cette dernière remarque ne lui paraissant pas encore assez paradoxale ni


assez drôle, Rabelais en fait ajouter une autre à son bon géant : « Que dirai-
je ? Les femmes et filles [même] ont aspiré à cette louange et manne céleste
de bonne doctrine 1. » C’est que personne n’empêche les hommes de faire
des études secondaires ou supérieures, pour autant qu’ils en aient le désir et
les moyens. Les femmes, elles, ne peuvent pas, aussi riches et ambitieuses
soient-elles. Le simple fait qu’elles aspirent au savoir relève donc des
prodiges de cette époque.
L’impossibilité de fréquenter un établissement d’enseignement
supérieur ni l’une des structures qui y préparent constitue certainement l’un
des grands handicaps des femmes cherchant alors à faire une carrière dans
les lettres. Mais c’est loin d’être le seul ou le plus important. La fermeture
des métiers fondés sur le savoir, qui donnent à tant d’hommes l’occasion de
s’exprimer publiquement, en est un autre de taille. Et le pire est encore
ailleurs : dans la série de dégradations affectant les conditions de vie des
femmes, qui ne cessent de voir se restreindre leurs droits et leurs marges de
liberté ; sans parler de la masse encore jamais vue de livres qui justifient
l’ensemble du dispositif mis en place pour creuser, au profit des hommes,
l’écart entre les sexes.

L’EXCLUSION DES FEMMES DES LIEUX


D’ÉDUCATION SECONDAIRE ET SUPÉRIEURE

L’histoire de l’éducation des filles en France est souvent présentée


comme une très longue marche à travers les temps obscurs. Hormis
quelques princesses et filles d’érudits chanceuses, le gros du troupeau aurait
été abandonné à son sort ou réduit à apprendre des bribes de savoirs
domestiques et religieux, jusqu’à ce que la modernité finisse par arriver
pour elles : au XIXe siècle, grâce à des politiques courageuses que
l’imaginaire national identifie généralement à la IIIe République. Si l’on
veut bien mettre les mythologies de côté, c’est une tout autre histoire qui se
laisse observer. D’une part, les femmes ont sans doute toujours été
davantage instruites qu’on ne se l’imagine. D’autre part, si cette marche a
été si longue, ce n’est pas dû à la dureté des temps ou à l’arriération des
mentalités. Bien au contraire. C’est sur la base d’une claire compréhension
des formidables opportunités qui s’offraient alors à toute tête capable de
penser qu’un système a été mis en place pour limiter la concurrence entre
ceux — et celles — qui pouvaient y prétendre.
Ce système, c’est d’une part la restriction aux seuls hommes chrétiens
de la capacité à passer les diplômes des universités (créations du XIIIe siècle,
pilotées par les savants de l’Église), et d’autre part la restriction aux seuls
titulaires de diplômes des emplois prestigieux liés au savoir, qui se
multiplient dans toute la société européenne. Les « grades » étaient en effet,
comme le rappelle Jacques Verger, « conférés au nom du souverain pontife,
garantis par lui, et par conséquent valables dans toute l’étendue de la
Chrétienté 2 ». Les femmes et les juifs allaient demeurer exclus de cette
« manne céleste de bonne doctrine », les seconds jusqu’à la Révolution, les
premières jusqu’à la fin du XIXe siècle 3. Les protestants (dissidence
chrétienne surgie au XVIe siècle) allaient subir le même sort, excepté dans
les États ou les villes passées à la Réforme 4.

Le milieu universitaire :
un monde en plein essor

À la fin du XVe siècle, la France possède une quinzaine d’universités.


Les plus anciennes sont celles de Paris, Toulouse, Montpellier (XIIIe siècle),
Avignon, Orléans, Cahors, Perpignan, Angers, Orange (XIVe). Les plus
récentes sont celles d’Aix, Dole, Poitiers, Caen, Bordeaux, Valence, Nantes
et Bourges. Le XVIe siècle ne verra que deux fondations : à Pau et à Reims.
Quelques-unes ont vu ou voient le jour sur des terres encore indépendantes
du royaume : Grenoble (duché de Savoie), Douai (Pays-Bas espagnols),
Pont-à-Mousson (duché de Lorraine), Strasbourg (terre du Saint-Empire).
Toutes ces universités ne sont pas comparables. « Onze mille étudiants
peut-être à Paris vers 1500 », note Verger, parmi lesquels beaucoup
d’étrangers. D’autres végètent, comme Avignon et Cahors. La même
diversité caractérise la soixantaine d’universités que compte alors l’Europe.
Un modèle prévaut toutefois partout : la faculté des arts, équivalent des
grands lycées d’aujourd’hui (classes préparatoires comprises) forme les
garçons aux « arts libéraux » (grammaire, dialectique, rhétorique,
arithmétique, géométrie, astronomie, musique). Elle prépare aussi aux
facultés supérieures (décret ou droit canon, droit civil, médecine, théologie),
quoique les étudiants puissent s’y présenter directement. Chaque faculté
impose en effet à ses candidats un baccalauréat, et chacune délivre des
grades : la licence (licencia docendi, autorisation d’enseigner), la maîtrise,
et pour les facultés supérieures, le doctorat. Tous les enseignements se font
en latin, ce qui permet à tous les étudiants de se comprendre.
Les études durant longtemps et coûtant cher, des « maisons
d’étudiants » ont été ouvertes autour des écoles : les collèges. Financées par
de riches donateurs ou donatrices laïques, par des ecclésiastiques, par des
ordres religieux, ces petites structures destinées à héberger les garçons
pauvres repérés pour leurs dons se sont peu à peu dotées de bibliothèques et
de salles de répétition, elles ont embauché des maîtres, développé des
enseignements de qualité, innové en termes de pédagogie. Elles ont donc
attiré des étudiants riches comme externes, et même, au XVIe siècle, des
garçons de la grande noblesse. Près de cinquante collèges sont répertoriés
en 1532 dans le « quartier latin » de la capitale, auxquels s’ajoutent bientôt
quelques créations prestigieuses, dont le Collège royal, futur collège de
France (fondé sous François Ier), et le collège de Clermont, futur lycée
Louis-le-Grand (premier collège de Jésuites de la capitale) 5. La plupart des
villes universitaires ouvrent de même des collèges. Et beaucoup de villes
qui n’abritent pas d’universités se dotent d’un collège, afin de former sur
place leur jeunesse masculine, attirant pour ce faire les maîtres et docteurs
issus des universités.
Le tout concourt à un accroissement sans précédent de l’instruction des
garçons, qui favorise à son tour la multiplication des emplois liés au savoir.
Et bien au-delà de leurs titulaires, c’est tout un monde qui vit désormais de
la croissance des activités nécessaires à leur formation et à leurs charges :
imprimeurs-libraires, ouvriers des presses, professeurs, répétiteurs,
secrétaires… D’où l’intérêt des familles à fournir des efforts conséquents,
pour permettre à leurs garçons de bénéficier de cette « poule aux œufs
d’or ». Le XVIe siècle s’ouvre ainsi sur un déséquilibre manifeste, déjà vieux
de deux ou trois siècles mais qui ne fait que se creuser, entre les femmes et
les hommes. Tandis que les garçons accèdent de plus en plus nombreux à
des enseignements de plus en plus poussés et de mieux en mieux considérés
— eux sont « entrés dans la modernité » —, les filles sont sommées de
demeurer « au Moyen Âge », parce qu’il n’est pas question qu’elles leur
fassent de l’ombre.

L’éducation des filles :


des savoirs réduits à l’utilité sociale

On sait encore peu de choses sur l’éducation des filles avant le temps de
l’instruction obligatoire. Plusieurs études ont pourtant vu le jour depuis
l’Histoire de l’éducation des femmes en France de Paul Rousselot (1884),
et surtout depuis une quarantaine d’années. Les enquêtes sont cependant
rendues difficiles par le peu d’archives permettant de reconstituer les
enseignements dispensés, par l’absence de sources sur l’évaluation du
niveau des élèves scolarisées, par la nécessité pour leurs responsables de
mentir sur leurs objectifs (produire de bonnes épouses et de bonnes
chrétiennes, surtout pas des savantes !), afin de plaire aux parents, de ne pas
déclencher les foudres des opposants à l’instruction des filles, ou les
reproches de leurs hiérarchies…
Pendant la guerre de Cent Ans, les monastères féminins qui abritaient
des savantes et formaient des jeunes des deux sexes sont entrés dans une
phase de régression ; nombreux sont ceux qui ont fermé leurs portes, et
ceux qui ont survécu ont souvent vu leurs activités éducatives péricliter. Les
écoles professionnelles, qui avaient pu être fréquentées par des femmes au
Moyen Âge, en sont devenues des déserts, tant en raison de l’impossibilité
pour elles de capitaliser leur savoir en termes de carrières, qu’à cause des
méthodes violentes par lesquelles les clercs défendent leur monopole sur le
système scolaire et ses bienfaits. Aucun autre type d’établissement n’a pris
le relais. Les filles appartenant au monde de l’artisanat et de la boutique
fréquentent parfois les écoles municipales, qui reçoivent les enfants des
deux sexes dans des classes mixtes ou non ; on n’y enseigne que des savoirs
sommaires, et les élèves les quittent vers douze ans. Les autres, si elles sont
instruites, le sont à la maison, soit par l’un ou l’autre de leurs parents, soit
par des précepteurs. Lorsqu’il ne s’agit pas de princesses, sur lesquelles des
archives ou des témoignages ont pu être retrouvés, on ne sait rien de ces
détails, car aucune de celles qui ont laissé des traces dans la littérature n’en
parle dans ses œuvres. Et on en sait bien peu pour les plus grandes elles-
mêmes.
On peut néanmoins déduire d’autres sources, et surtout du
fonctionnement de la société, que l’éducation des filles était loin d’être
négligée. Toutes les familles qui ont « du bien » se doivent d’apprendre à
leurs enfants à le conserver, voire à l’accroître. Cela implique de savoir lire
des contrats, des quittances, des mémoires, rédiger des billets, des lettres,
mobiliser des connaissances pour vivre selon son « état », tenir son rang,
élever ses enfants, servir les autorités dont on dépend. Tout le monde sait
que « tout peut arriver », que la fortune est changeante, que le veuvage peut
survenir très vite, qu’il faudra porter la génération suivante à l’âge adulte et
l’« établir » au mieux, que les relations peuvent se tendre entre parents…
Des milliers de missives conservées dans les bibliothèques et les centres
d’archives témoignent de la familiarité des femmes avec l’écrit, voire avec
les bases de la rhétorique, sans parler de l’art de la diplomatie ni de celui de
la dissimulation. L’étendue et la maîtrise de ces savoirs ont été récemment
mises en lumière par Eugénie Pascal, qui a étudié sous cet angle une
cinquantaine de femmes de l’aristocratie princière, à partir d’environ
1 500 lettres rédigées entre les années 1560 et les années 1620 6. Or presque
aucune d’elles n’a laissé une « œuvre ». Une autre étude, réalisée par Nicole
Dufournaud dans différents milieux de la France de l’Ouest (de la noblesse
terrienne au grand négoce, en passant par les « petits métiers » urbains) a
montré les connaissances, les capacités et les savoirs de ces femmes. Mais
là encore, aucune n’a songé à écrire autre chose que ce qui était utile à ses
activités 7.
La multiplication de ces explorations prouverait certainement que, loin
d’être laissée à l’abandon, l’instruction des filles est un souci permanent des
familles. Mais aussi que leur instruction ne vise jamais à former des
« lettrées ». Elle ne leur donne que très exceptionnellement accès au
« savoir savant », à la culture ancienne, à ces litterae humaniores (ces
« lettres qui rendent plus humain ») que dispensent les facultés des arts, et
que vantent les anciens écoliers lorsque, devenus des intellectuels patentés,
ils jouissent pleinement des fruits que leur savoir leur a permis d’acquérir.

LE MONOPOLE DES HOMMES


SUR LA « FONCTION PUBLIQUE »
ET LES MÉTIERS LIÉS AU SAVOIR

Au-delà de l’enrichissement intellectuel que confèrent les études, le seul


fait d’avoir fréquenté une université se traduit en avantages concrets. Ceux
qui sont parvenus à décrocher un doctorat forment une élite dont les
membres les plus fortunés ont bien des chances de parvenir aux meilleures
positions dans leur région, dans l’État, dans ces cours de justice de plus en
plus puissantes que sont les Parlements. Les autres peuvent se prévaloir de
leurs grades de licenciés ou de maîtres, voire de leur simple fréquentation
d’une école universitaire ou d’un collège, pour postuler à des emplois
spécialisés et rémunérateurs. C’est l’ensemble de cette population, formée à
l’art oratoire, bien insérée dans les réseaux naissants de l’industrie du livre,
désireuse de montrer son savoir et pourvue d’emplois permettant de
s’adonner à des loisirs, qui fournit alors l’essentiel des « auteurs ».
Le développement de la haute administration

La création des universités répondait aux besoins croissants des


structures dirigeantes européennes, en plein essor après la période de la
féodalité, et de plus en plus désireuses d’étendre leur puissance. De fait,
c’est un développement exponentiel des emplois et des fonctions d’experts
qui caractérise la période allant de la fin du Moyen Âge à… nos jours.
Les plus visibles et les plus puissantes de ces structures sont les États.
Leur fonctionnement exige d’abord ce qu’on appelle une « administration
centrale ». C’est ainsi que sont nés, en France, le Parlement de Paris, la
Chancellerie, le Trésor des chartes, la Chambre des comptes, la Chambre du
Trésor, la Cour des Aides, la Chambre des monnaies… où les « gradués »
sont vite devenus majoritaires. Leur compétence et leur fidélité s’avérant
fort utiles aux souverains, ils ont obtenu bien des améliorations de leur
statut : inamovibilité dans la fonction, immunité, accès par cooptation,
transmission des charges à l’homme de son choix, exemption fiscale,
costumes spécifiques, place dans le cérémonial… et anoblissements 8.
Cette administration-là n’est toutefois faite que pour superviser ce qui
se passe plus loin, dans les provinces. Des centaines, puis des milliers
d’offices royaux sont donc créés dans ces dernières, qui permettent à des
hommes ayant reçu une délégation de pouvoir officielle de rendre la justice,
de représenter le roi dans les procès, de vérifier les comptes, de prélever les
impôts, de régler les contentieux… Ces offices, initialement « confiés » par
la puissance royale à leurs administrateurs, sont tout simplement vendus à
partir du règne de Louis XII ( † 1515) — moyen de renflouer le trésor
royal — et assortis d’une « carotte » qui fait monter leur prix :
l’anoblissement attaché à beaucoup d’entre eux, au bout de trois générations
d’exercice. Les familles riches ont donc tout intérêt à investir dans les
études… des garçons. Et là aussi, les malheurs du temps ont fait le bonheur
des ambitieux : pendant le « royaume de Bourges », le Parlement de Paris
étant passé à l’ennemi, des Parlements ont été créés à Toulouse, Bordeaux,
Grenoble et Dijon, avec la double fonction de cour d’appel et de chambre
d’enregistrement des édits royaux qu’avait celui de la capitale. Parlements
qui non seulement n’ont pas été dissous après la fin de la guerre, mais qui
se sont vus renforcés, au XVIe siècle, par la création de ceux de Rouen, Aix
et Rennes.
Une « aristocratie savante » s’est ainsi développée au cours de la
période qui précède le XVIe siècle, et qui continue de croître pendant ce
siècle, comme elle le fera après. Une aristocratie entièrement masculine, qui
tend à copier les usages de la vieille noblesse, qui met au point des
stratégies matrimoniales destinées à capter ses terres et ses titres (les
femmes de la noblesse les transmettant), mais dont les sources de pouvoir
— l’office, la compétence, la clientèle et la notoriété — sont réservées aux
seuls hommes.

La multiplication des emplois intellectuels

Les officiers d’État sont l’arbre qui cache la forêt. Des milliers d’autres
emplois se créent durant cette période, en aval de ceux de l’administration
royale ou à côté. Partout, des escouades de diplômés trouvent à s’employer
dans les secteurs du droit, de la médecine, de l’enseignement, du
« conseil », de l’écriture mercenaire, et le plus souvent dans plusieurs de ces
activités à la fois.
En province, c’est le domaine juridique qui offre les meilleures carrières
et les meilleures chances de promotion, au sein des tribunaux civils ou
ecclésiastiques, dans les nombreuses activités privées d’avocats, de
procureurs, de conseillers… L’enseignement est aussi un débouché naturel
des anciens universitaires, qui travaillent au service de l’Église, des villes,
de particuliers, et bien entendu dans les collèges et les universités elles-
mêmes. Les autres trouvent des emplois dans les échelons les plus modestes
de l’administration des municipalités, des juridictions de sénéchaussées ou
de bailliage, et encore chez les particuliers qui, de plus en plus, ont recours
à des « employés aux écritures », des procureurs, des secrétaires… Si les
diplômés en médecine ne constituent pas encore une caste de notables, ils
trouvent aisément du travail au service des bourgeois, des grands et des
princes, qui apprécient hautement leur polyvalence.
La fabrique des idées et des divertissements intellectuels fonctionne
aussi à plein dans les grandes villes du royaume. Tout homme qui sait
tourner des vers ou a appris la rhétorique de l’éloge et du blâme peut se voir
rémunéré pour ses talents, qu’il s’agisse d’animer une cérémonie, de faire la
propagande d’un puissant, d’un clan ou d’un courant religieux, ou encore de
dénigrer des personnes ou des groupes 9.

L’ACCROISSEMENT
DE LA SUPRÉMATIE MASCULINE

Où qu’ils travaillent, les plus ambitieux de ces hommes trouvent le


chemin du pouvoir. Partout, les « gradués » dominent, sauf encore dans le
conseil du roi — mais c’est à eux qu’il confie l’éducation de ses enfants.
Partout, donc, ils sont en mesure d’influer sur les politiques mises en œuvre
ou d’en suggérer de nouvelles, tant par leur présence dans les instances
décisionnelles que par leurs capacités à défendre ou à faire défendre les
idées qui leur sont chères. Et partout, ils le font.
On sait depuis longtemps que l’activité et la compétence de la clergie
sont à la base des transferts de pouvoirs qui ont abouti à la construction de
la monarchie absolue, le roi contrôlant de plus en plus, par leur
intermédiaire, ce qui auparavant était contrôlé par la noblesse. On sait aussi
que la montée en puissance continue des villes est en grande partie
redevable à cette classe. Mais si le service des puissants est la première
préoccupation de ces hommes, si c’est là que leur efficacité doit être la plus
patente, l’amélioration de leur propre sort est souvent le but ultime auquel
ils tendent. Or cette amélioration ne passe pas seulement par
l’enrichissement, l’ascension sociale, la considération publique, l’accès aux
positions de pouvoir. Elle passe aussi par la consolidation des privilèges peu
à peu arrachés, ce qui implique l’accroissement des handicaps pesant sur les
concurrents et la construction d’un consensus autour de leur mise à l’écart.
Et elle passe encore, pour la clergie laïque, par le renforcement de la
suprématie masculine dans les familles que fondent, après leurs études, vers
trente ou trente-cinq ans, ces diplômés pour lesquels le mariage n’est qu’un
moyen de parvenir ou de conforter leur position sociale. Si le début des
temps modernes, en Occident, est manifestement celui où les souverains ont
gagné du pouvoir sur les nobles, où les villes ont commencé à prendre le
pas sur les campagnes, c’est aussi celui où les hommes ont accru leur
puissance sur les femmes.

La dégradation du statut juridique des femmes

Entamé dès le XIIIe siècle, le travail visant à faire régresser le droit des
femmes se poursuit. Dans les couches aisées, la vieille pratique du douaire a
quasiment disparu ; il s’agissait d’un don fait par le mari à son épouse pour
le cas où il mourrait avant elle, le reste des biens communs allant à leurs
enfants. C’est à présent la famille de l’épouse qui pourvoit à ce risque avec
une dot, mais celle-ci est désormais considérée comme sa part d’héritage :
la femme n’aura rien d’autre à la mort de ses parents. Quant au mari, il
considère de plus en plus cette dot comme un bien commun au couple, qu’il
gère en tant que chef de famille, et qu’il pourra bientôt vendre sans l’accord
de son épouse. Au XVIe siècle, en effet, on n’a quasiment plus besoin de la
signature des femmes dans les actes juridiques, même quand il s’agit de
leurs propres biens. D’où l’augmentation des conflits entre familles, la
multiplication des recours en justice — et l’essor du monde qui en vit !
L’accroissement de « puissance paternelle », vieux concept issu du droit
romain, est également au cœur des modifications du droit et de la
jurisprudence. L’âge de la majorité s’est considérablement élevé : vingt-
cinq ans pour les femmes, trente pour les hommes. Leur liberté dans le
choix de leur conjoint (toute relative dans cette société) est en outre
d’autant plus mince que le bras de fer entamé depuis le XIIe siècle entre
l’Église et les chefs des familles possédantes à propos du mariage est en
passe d’être gagné par ces derniers. Là où la puissance spirituelle, pour
imposer l’indissolubilité des unions, avait établi que seul le « oui » des
contractants en faisait la validité, les familles possédantes obtiennent au
e
XVI siècle que l’engagement se fasse en public. Ce recul, acté lors du

Concile de Trente (1545-1563), entre dans le droit français par


l’intermédiaire de plusieurs décrets : en 1556 et 1560 contre les « mariages
clandestins » (ainsi appellera-t-on désormais les unions réalisées sans
l’autorisation de personne, et qui sont de plus en plus assimilées à des
rapts) ; en 1579 contre les « secondes noces », qui étaient encore davantage
soumises à la seule volonté des contractant·es.
La « puissance maritale » — concept né à la fin du Moyen Âge — a
également abouti à l’incapacité juridique des femmes. Sauf autorisation
écrite, elles ne peuvent plus remplacer le chef de famille en cas de
nécessité. Elles ne peuvent plus entamer d’action en justice, et la validité
des engagements qu’elles auraient contractés seules est suspendue tant que
leur époux est vivant. L’adultère est réprimé au gré de son humeur, il peut
aller jusqu’à faire enfermer l’infidèle — certains couvents servant à cet
effet. Le « droit de correction » du mari fait partie de cette nouvelle
puissance, et les hommes ne se privent pas de l’exercer ; seuls les cas les
plus graves parviennent en justice, à condition que la famille de l’épouse
battue ou décédée estime la chose utile. Et à moins qu’elle soit très
puissante, l’action risque de ne pas aboutir. Remplis d’hommes, en effet, les
tribunaux sont généralement forts cléments pour leur sexe.
Quant aux femmes « non protégées » par la tutelle paternelle ou
maritale, leur position face aux juges est d’une extrême fragilité. À partir de
1557, toute maternité intervenue hors mariage doit être déclarée ; en cas de
« recel de grossesse » suivi de décès du nouveau-né, c’est la mort qui attend
la mère ; pour les juges, il s’agit forcément d’un infanticide programmé. Le
viol, théoriquement passible de mort, n’est que très rarement poursuivi,
puisque la victime est dépendante d’hommes de sa famille pour le dépôt de
la plainte et que des témoignages sont nécessaires pour établir la réalité des
faits ; qui ne sauraient l’être si elle n’a pas crié et tenté de se débattre, et si
le tout n’a pas été vu. Même les viols collectifs commis par des bandes de
célibataires sont rarement punis. De même, la fréquentation de prostituées
est considérée comme une activité tout à fait normale pour les hommes (y
compris notables, y compris mariés ou ecclésiastiques) depuis que, au
e
XV siècle, les autorités municipales se sont mises à l’organiser. Mais la vie
d’une prostituée ne vaut rien, et elle n’a pas d’honneur. On peut donc la
violer ou la tuer sans encourir le moindre risque. Les doléances des victimes
sont d’ailleurs souvent matière à rire. Comme le rappelle Michel Rouche,
« combien de clercs facétieux, de procureurs égrillards, de greffiers curieux
s’esbaudissent à la lecture des plaintes pour viols 10 ! »

La dégradation du marché du travail féminin

Une autre conséquence de la détérioration du statut juridique des


femmes est la baisse continue de leurs positions dans la vie professionnelle.
Devenues incapables de porter les conflits du travail en justice (à moins que
l’intérêt d’hommes soit en jeu), elles sont jugées à leur désavantage quand
elles y parviennent. Elles sont donc victimes des empiétements de leurs
concurrents — qui, dès qu’ils le peuvent, obtiennent de la part des villes ou
des corporations des règlements sécurisant leurs nouveaux avantages.
Certaines activités ne sont plus permises aux femmes que lorsque leur mari
est absent, d’autres plus du tout. À Strasbourg, par exemple, on ne trouve
plus trace d’aucune femme exerçant une activité dans l’industrie de la laine
après 1500. Même les métiers où les femmes bénéficiaient d’une
compétence reconnue sont menacés. La guerre menée contre les matrones
exerçant sans titre ni autorisation prend une nouvelle ampleur, tandis qu’on
impose aux autres de suivre les cours des chirurgiens patentés — et de
dénoncer les femmes cachant leur grossesse, ou les sages-femmes les aidant
à se débarrasser de leur fruit.
Ce n’est évidemment pas la suppression du travail féminin qui est
visée : dans cette société en pleine croissance, rappelle Natalie Davis,
« d’une manière ou d’une autre presque toutes les femmes en ville prennent
part à la vie économique ». Ce sont les positions de pouvoir et le travail
indépendant qui le sont. Au XVIe siècle, « les corporations féminines
accentuent leur déclin ; les femmes ont une part moindre dans la direction
des boutiques et des fermes de taille moyenne ; la différence s’aggrave entre
les salaires masculins et féminins 11 ». L’accès des femmes à la maîtrise est
restreint quand il n’est pas bloqué, les embauches d’apprenties cèdent la
place à des embauches de salariées. Le veuvage n’entraîne plus, dans
certains métiers, la capacité de la veuve à diriger l’atelier : elle doit épouser
rapidement l’un des compagnons si elle veut continuer à exercer son
activité — bon moyen d’assurer la promotion de l’un d’eux. Les béguines,
ces célibataires ou veuves vivant en communautés semi-religieuses qui
exerçaient souvent des activités artisanales sont l’objet d’intimidations, de
procès, de règlements municipaux ; de plus en plus, elles sont affectées
d’office aux hôpitaux en tant que personnel soignant — fort peu payé.
Le marché du travail féminin continue donc d’être caractérisé par une
perte d’autonomie, une paupérisation, une prolétarisation croissante, qui ont
pour corollaire l’accroissement de la domesticité féminine et celui de la
prostitution.
Une police des mœurs
au service des hommes

Le nouvel ordre sexuel qui s’ancre chaque jour davantage dans le droit,
les règlements et les pratiques sociales est également imposé dans les
mœurs, notamment, dans les villes, par des groupes d’hommes organisés en
confréries. « Dénommées Principautés d’amour, Royaume des aubes, de la
jeunesse, de l’infanterie ou encore, dans le Midi, Abbayes de jovens
[jeunes], elles étaient composées de jeunes célibataires et de garçons mariés
âgés de dix-huit à trente-six ans. Ils élisaient un ancien, comme roi ou
abbé. […] Il exerçait sa juridiction après un défilé public, une “montre” de
toute la bande, plus ou moins déguisée ou armée, en froc, en cotte d’armes
ou en pourpoint 12. » Ces fraternités font payer aux nouveaux époux une
sorte d’impôt qui alimente leurs caisses et permet d’organiser les « fêtes ».
Mais si les sommes réclamées sont dérisoires lorsqu’il s’agit de premières
noces entre jeunes, elles sont plus lourdes dans le cas (fréquent) où le marié
est plus âgé que la mariée, et elles se muent en véritables amendes dans le
cas inverse. Si les époux refusent de payer, la fête se mue en charivari,
chahut visant à l’humiliation du « contrevenant », qui se voit promené dans
le quartier assis à l’envers sur un âne, sous les quolibets de la troupe. Et si
le couple bénéficie de soutiens dans son voisinage, de véritables rixes
éclatent avec les hommes de « l’abbaye ». Celle-ci s’occupe en outre de
faire régner l’ordre des mâles, en appelant à se moquer des femmes jugées
dominatrices, en dénonçant les épouses infidèles et les cocus complaisants,
en désignant à la vindicte populaire les jeunes célibataires soupçonnées
d’avoir des relations sexuelles, « quitte, explique Jacques Rossiaud, à en
faire de futures victimes des agressions collectives 13 ».
Loin de n’être que le produit d’anciens « rites de passage » villageois, et
loin de ne bénéficier que d’une simple complaisance de la part des autorités
municipales, cette police des mœurs s’inscrit pour elles dans une politique
de gestion des pouvoirs. Les abbayes sont « des institutions reconnues,
intégrées au corps de ville. L’abbé, son trésorier, ses prieurs sont bien
souvent élus en présence des magistrats urbains ; les litiges internes au
groupe sont arbitrés par le Conseil de ville. » Par ailleurs, « l’abbaye n’est
presque jamais une formation spontanée, elle est suscitée ou contrôlée par
la collectivité urbaine 14 ». Bien des échevins, des consuls, des magistrats,
des officiers qui jouent un rôle public dans les municipalités, qui siègent
dans les tribunaux, ont fait partie de ces joyeuses bandes au temps où ils
faisaient leurs études, et ce sont d’ailleurs bien souvent de jeunes robins qui
les entraînent — d’où l’impunité des viols collectifs.
Quoique cette institution soit reprise en main à partir de la fin du
e
XV siècle, parallèlement à l’accession de la haute clergie à la noblesse, elle

se maintient souvent telle quelle. Dans le Lyon des années 1560, par
exemple, on trouve « une vingtaine d’abbayes, avec toute une série d’abbés,
barons, capitaines, amiraux, princes, comtes, princesses [hommes travestis],
juges et patriarches de Maugouvert [mal gouverné] à leur tête. Elles
forment des associations distinctes, mais s’adressent de mutuelles
convocations et défilent ensemble les jours de fête. » Lors de l’une d’entre
elles, en 1566, « sept chars portent des maris dont l’identité est précisée par
le nom de leur rue et par leur métier ; divers instruments servent à les
battre : des tripes, des bâtons, des couteaux, des fourchettes, des cuillères,
des pelles, des tranchoirs et des cruches ; on leur lance des pierres, on leur
tire la barbe, on les frappe au sexe ». Et pour ceux qui n’auraient pas assisté
à la fête, on en publie aussitôt les couplets moqueurs, afin que la honte des
stigmatisés soit bien connue, de même que les mots dont il convient de les
accabler. Les charivaris sont pourtant officiellement interdits dans cette
ville, excepté lorsqu’ils s’en prennent aux femmes « coupables » d’avoir
des relations avec des prêtres 15.

La progression de l’illégitimité politique


Ces différentes régressions sont confortées, en France, par les coups
portés au niveau le plus visible et le plus symbolique de l’édifice social. À
la fin du XVe siècle, en effet, il se dit dans les milieux autorisés qu’aucune
femme n’a jamais régné légalement dans ce pays, en vertu d’une loi datant
des origines du royaume, alors que des filles de rois montent sur le trône
dans pratiquement toutes les monarchies européennes (en général quand
elles n’ont pas de frère) et qu’elles l’ont parfois fait en France même (y
compris au détriment de leur frère, comme la tante d’Hugues Capet,
Emma Ire).
À l’origine du processus : la mise à l’écart de Jeanne de France (1309-
1349), fille restée unique de Louis X, d’abord par les deux frères de celui-ci
(Philippe V, Charles IV), puis par le fils d’un de ses grands-oncles paternels
(Philippe VI de Valois), le tout en quelques années (1317, 1322, 1328). Le
troisième homme étant moins bien placé dans la ligne successorale que
Charles de Navarre (fils de Jeanne) et Édouard d’Angleterre (fils d’Isabelle,
sœur aînée des deux premiers usurpateurs), ils se sont alliés, et la guerre de
Cent Ans a commencé (1338). Les armes sont venues à bout du conflit en
1453, mais chemin faisant, pour tenter de fonder en droit l’arrivée des
Valois sur le trône de France, quelques membres de la haute clergie ont mis
au point une théorie dynastique bâtie sur un récit historique fallacieux :
dans ce pays, en vertu d’une loi datant des Francs Saliens et toujours
respectée depuis, les rois ne peuvent pas transmettre leur couronne à leurs
filles ; en cas d’absence de fils, c’est leur plus proche parent mâle en ligne
masculine qui leur succède. Les femmes ne peuvent donc ni hériter du
pouvoir suprême (Jeanne) ni le transmettre (Isabelle). Quant à dire pourquoi
les fondateurs de ce royaume se seraient dotés d’une telle loi et pas leurs
cousins européens, c’est une tâche délicate à laquelle les inventeurs de la
« loi salique » n’ont trouvé qu’une explication : le royaume des lis est « trop
noble pour être gouverné par femmes 16 ». La démonstration est courte, et
leurs successeurs du XVIe siècle ne trouvent pas mieux ; ils mettent donc
l’accent sur la « mauvaiseté des reines » parvenues au pouvoir. Et
l’« explication » fait tache d’huile dans tous les autres domaines, en altérant
la légitimité des femmes à occuper des positions d’autorité.
D’autres régressions sont à l’œuvre grâce à des clauses inscrites dans
les contrats de mariage de cadets royaux ou d’autres types de traités :
quelques grands duchés (l’Orléanais, l’Anjou, le Berry…) ne sont plus
transmissibles aux filles en cas d’absence d’héritier mâle, alors que c’était
la règle depuis les débuts de la féodalité. En vertu de quoi, si leurs
possesseurs meurent sans laisser de fils, la terre « revient à la couronne ».
Cette éventualité se produisant régulièrement, le roi de France dispose à
présent de quelques grandes terres qu’on appelle des « apanages » et qu’il
attribue à ses enfants pour leur entretien. Même s’il arrive à quelques filles
d’en bénéficier (le roi faisant ce qu’il veut, au grand dam de son
administration), leur statut n’est généralement pas comparable à celui de
leurs frères : le duché leur échappera à leur mariage, ou il leur sera laissé en
viager mais sans qu’elles puissent le transmettre à leurs enfants.
Le fossé se creuse également en matière de protocole. Les sacres des
rois et ceux des reines, longtemps fonction des enjeux politiques immédiats
et des possibilités de l’heure, se différencient en fonction du sexe depuis la
fin du XIVe siècle. Cent ans plus tard, la liste des différences est fixée. Les
lieux, les objets, les pouvoirs, les symboles, tout est moindre ou plus petit
pour la reine 17. Et le même syndrome commence à affecter le Saint-
Empire 18. Les évolutions en cours en France séduisent en effet bien au-delà
de ses frontières. En témoigne également la difficulté de certaines reines à
se maintenir au pouvoir, à l’image de la Française Jeanne Ire de Naples,
menacée durant des années et finalement étranglée en 1382 par le candidat
qu’elle avait accepté comme son successeur, ou d’Élisabeth de Bosnie,
assassinée trois ans plus tard par les partisans d’un prétendant à la couronne
de Hongrie qu’elle avait réussi à écarter.
LA CHASSE AUX SORCIÈRES

Souvent identifiée au Moyen Âge, cette folie meurtrière a en réalité


affecté la Renaissance et elle s’est prolongée longtemps après dans les
contrées du nord et de l’est de l’Europe. L’ampleur de cette épidémie, sa
longueur, la rapidité de sa diffusion, son irrationalité (des milliers de
personnes ont été mises à mort pour un crime que personne n’a jamais pu
prouver : la signature d’un pacte avec le Diable), ont longtemps conduit les
spécialistes à se perdre en conjectures ou à avancer des explications
improbables (intempéries, mauvaises récoltes, guerres, superstitions
populaires…). Or le mystère s’éclaircit si l’on considère que cette
hécatombe est exactement contemporaine de l’offensive tous azimuts
menée par le groupe d’hommes qui a mis la main sur les positions de
pouvoir à partir de la fin du Moyen Âge, et qui travaille activement à la
domestication des femmes.

La sorcellerie diabolique :
une activité essentiellement féminine

Connue depuis la haute Antiquité, souvent confondue avec la magie, la


sorcellerie traditionnelle consistait en guérisons prodigieuses,
pronostications, sorts jetés ou levés, contacts avec les défunts, etc. Ces
activités étaient généralement mal vues des autorités, mais tolérées tant
qu’il n’y avait pas délit patent. Tout autre est la sorcellerie qui déferle sur
l’Europe du début des Temps modernes. Celle-là suppose des assemblées de
« conjurés » qui ont signé un pacte avec le Diable, qui veulent détruire le
monde, qui se retrouvent pour mettre au point leurs méfaits lors de
cérémonies secrètes, durant lesquelles ils se livrent à des actes atroces,
comme manger des nouveau-nés et s’accoupler avec le Diable.
Cette « nouvelle sorcellerie » s’appuie sur la montée en puissance d’une
croyance présente dans l’Église depuis l’origine, quoique activement
combattue jusqu’alors : celle des capacités du Diable à intervenir
effectivement dans le monde, et pas seulement à tromper les esprits faibles.
Une croyance à laquelle des théologiens de haute volée, comme Thomas
d’Aquin, ont donné ses lettres de noblesse, et que des papes ont confortée
en chargeant les tribunaux de l’Inquisition (créés au XIIIe siècle pour
poursuivre les hérétiques) de s’occuper aussi des sorciers. Cette sorcellerie-
là se nourrit aussi très visiblement de la lutte des clercs contre leurs
concurrents, puisque, d’après les traités des « démonologues », les
cérémonies secrètes où se retrouvent sorcières et sorciers sont des sabbats,
que leurs lieux de réunions sont des synagogues, que leurs nez sont crochus,
et que les meurtres rituels qu’on leur reproche sont l’un des forfaits dont on
accuse les juifs depuis des siècles.
La féminisation du crime est toutefois le trait le plus remarquable de
cette évolution. Elle est repérable dans les premiers traités d’« experts », qui
ont fleuri à partir de 1380 19. Elle s’est accentuée après le procès de Jeanne
d’Arc, instruit par l’Université de Paris en 1431, puis longuement
commenté au concile rassemblé la même année à Bâle, et qui allait durer
six ans. Elle est devenue un fait dans la décennie suivante, où le nombre de
condamnées a commencé à dépasser celui des condamnés. Et elle s’est
transformée en théorie dans les traités de la fin du siècle, où l’on ne parle
plus des sorciers mais des sorcières — ou plus exactement des maleficae,
puisque la plupart de ces textes sont en latin —, raison de la vitesse avec
laquelle l’épidémie se répand d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre.
L’un des plus nocifs est un manuel destiné aux juges chargés d’instruire
les procès. Paru en 1486, il est présenté par ses auteurs comme une arme
fatale contre la nouvelle secte : le Malleus maleficarum, littéralement « le
marteau des sorcières » (l’instrument capable de les écraser). Les
signataires, deux dominicains allemands professeurs de théologie et
inquisiteurs, y enseignent, sur fond de haine de toutes les femmes, la
méthode à suivre pour faire avouer celles qui sont tombées dans leurs
mains 20. Leurs thèses resteront en vigueur (et leurs conseils suivis) durant
près de deux siècles, grâce aux trente-quatre rééditions que connaîtra le
livre jusqu’en 1669.

La répression de la sorcellerie

La féminisation de la sorcellerie est parallèle à sa criminalisation


progressive. Alors qu’autrefois, celles et ceux qui avaient été convaincus de
sorcellerie étaient excommuniés ou privés de certains exercices du culte (à
condition que des meurtres ou d’autres méfaits patents n’y aient pas été
mêlés), c’est à présent la torture, la prison à vie, voire le bûcher qui
attendent le peuple essentiellement féminin accusé de complicité avec le
Diable. C’est aussi des exécutions de plus en plus nombreuses. Dans
certaines villes, on les brûle par dizaines ou centaines d’un coup. Au final,
on estime aujourd’hui que les femmes ont fourni 80 à 90 % des 50 000 à
100 000 victimes légalement torturées et exécutées (pour 100 000 à
200 000 procès), sans parler des lynchages et autres persécutions
évidemment non comptabilisées que semblaient autoriser la répression
officielle et les discours haineux.
La rivalité entre justice ecclésiastique et justice civile est au cœur de
cette inflation. Le désir des juges laïcs d’intervenir sur ce terrain les a
poussés à enquêter sur le volet « droit commun » des dossiers, qui étaient de
leur ressort, et à forcer la note ; d’où les infanticides, actes de cannibalisme,
fabrications d’onguents et de breuvages à partir de cadavres… qui sont
devenus le lot des accusations. Pour rester dans la course, les juges
religieux se sont mis à imputer systématiquement aux sorciers les crimes
d’hérésie, qui demeuraient leur prérogative ; d’où les reniements de Dieu et
les serments d’allégeance au Diable… qui sont devenus l’autre noyau dur
des procès. L’ensemble du système judiciaire s’est ainsi emballé, avec
d’autant plus de facilité que le combustible était essentiellement composé
de femmes, cette engeance liée à Satan depuis l’origine de l’humanité. Les
sorcières n’avouent-elles pas qu’elles volent sur des balais pour se rendre à
leurs sabbats afin d’y copuler avec le Diable et y recevoir ses ordres ?
Quant à mettre en doute ces fantasmagories, il n’en est plus question :
toute personne qui s’avère sceptique envers la puissance du Diable, ou qui
suggérerait que ces femmes sont mentalement dérangées, ou qu’elles ont
avoué pour que cesse la torture, est considérée comme agissant elle aussi
sur ordre de Satan ; elle tombe à son tour dans les mailles du filet. Rares
furent donc les courageux qui défendirent des sorcières, soit devant la
justice, comme le grand savant Corneille Agrippa, qui dut quitter Metz
après un procès où il sauva une vieille femme du bûcher en plaidant la
sénilité, soit devant l’opinion publique, comme son élève le médecin Jean
Wier, qui fut la cible de violentes critiques après la parution de son De
Praestigiis daemonum (1563, trad. fr. 1567, De l’imposture et tromperie des
diables).
Ce climat de terreur contribua ainsi puissamment à modérer l’esprit
critique des hommes eux-mêmes, tout en préservant leurs vies au maximum
puisqu’ils n’étaient que peu inquiétés. Chemin faisant, les tribunaux civils
prirent le pas sur les tribunaux ecclésiastiques : alors que la première grande
tuerie, entre 1480 et 1520, est majoritairement assurée par les religieux,
celle qui se déclenche dans les années 1560 revient pour l’essentiel aux
laïcs. Là est la modernité. Quant au creux de la vague, il s’explique par le
développement de la Réforme, c’est-à-dire d’une vraie dissidence
religieuse, qui détourne longuement des sorcières l’attention des autorités,
de l’Église, des intellectuels et du public alerté par les procès ou la
littérature démonologique.
Une épée de Damoclès suspendue
sur la tête de toutes les femmes

La dégradation de la situation des femmes est évidemment au cœur du


soupçon qui pèse sur elles. Toute femme ne cherche-t-elle pas à se venger
des hommes ? Un mari devenu impuissant n’est-il pas victime d’un
« nouement d’aiguillette » que son épouse aurait obtenu du Diable ? Celles
pour qui l’on passe du soupçon à l’accusation sont néanmoins, la plupart du
temps, des femmes mal ou non protégées. Les victimes sont surtout des
veuves, des célibataires jeunes, des prostituées, des femmes prises à
« contrefaire l’office du mari » (homosexuelles), voire simplement
travesties en hommes. Elles sont généralement pauvres et campagnardes,
mais il y en a de toutes les professions, avec une surreprésentation notable
des sages-femmes ; la connaissance du latin, chez elles comme chez les
autres guérisseuses, paraît du reste une preuve que Satan est passé par là :
qui d’autre aurait pu leur apprendre cette langue ?
Dès la fin du XVe siècle, cependant, le statut des accusées s’élève dans
l’échelle sociale. Ce sont parfois des épouses de responsables municipaux
victimes de délation suite à des aveux en chaîne obtenus sous la torture, et
peut-être aussi habilement dirigés pour nuire à telle ou telle famille. Celles-
là peuvent espérer s’en sortir dans les pays dotés, comme la France, d’une
justice d’appel (c’est-à-dire de cours devant lesquelles on peut contester les
jugements rendus en première instance), puisqu’il se trouve souvent des
hommes prêts à soutenir leur cause par intérêt. C’est du reste dans les
milieux les plus favorisés que se développe, dans la seconde moitié du
e
XVI siècle, l’idée que les « petits juges » sont peu éclairés — mouvement

qui conduira les Parlements à annuler de plus en plus de condamnations,


puis à la fin de la chasse aux sorcières.
Les plus hauts degrés de la pyramide ne sont pas pour autant épargnés,
en raison de l’usage politique du crime de sorcellerie. La chose n’est pas
neuve : l’entourage de Philippe le Bel y avait eu recours pour se débarrasser
des Templiers. Simplement, elle se féminise. Jacquette de Luxembourg
(v. 1415-1472), duchesse de Bedford, est à diverses reprises accusée de
sorcellerie pendant la guerre des Deux Roses. Le même forfait apparaît
dans la liste des crimes imputés à la deuxième épouse d’Henri VIII, Anne
Boleyn (1501-1536), qui la conduisent sur le billot. Ce sera bientôt, en
France, le tour de la première dame de Marie de Médicis, Leonora Galigaï,
brûlée en 1617.
La menace pesant sur les femmes, voire sur toute personne se
prononçant publiquement sur le sujet, explique sans doute que pas une de
nos écrivaines ne l’aborde. Ce silence donne d’autant plus de prix à une
petite phrase des Mémoires de Marguerite de Valois (1553-1615) relatant
l’arrestation « sans sujet ni raison » de son frère François, dans le contexte
survolté de la « guerre des mignons », en 1578. Alors qu’elle est allée le
rejoindre dans la pièce où les gardes le confinent, ils se voient tous deux
pressés de questions par le maître d’hôtel du roi, alors qu’ils ignorent ce
qu’on leur reproche : « Nous lui répondîmes que nous n’étions pas
personnes pour être tenues comme ceux que l’on met à l’inquisition, et que
l’on leur fait deviner ce qu’ils ont fait 21 », écrit-elle.

LA « VITUPÉRATION DES FEMMES »

Toutes ces régressions s’accompagnent de discours cherchant à les


justifier, ou simplement à diffuser l’idée que le mépris des femmes est
légitime, comme est légitime l’accaparement des positions de pouvoir par
les hommes. De rigueur dans les quartiers latins depuis la fin du Moyen
Âge, la « vitupération des femmes » change d’échelle avec l’imprimerie. En
français ou en latin, en vers ou en prose, de la dissertation savante à la
pochade en vers en passant par la littérature narrative, des centaines de
livres se chargent de conforter la suprématie masculine et de convier
chacun, chacune, à respecter le nouvel ordre du genre.

Une masse jamais vue de textes misogynes

Peu ou pas évoquée par les histoires littéraires, la littérature misogyne


est une denrée on ne peut plus commune au XVIe siècle. Pour une part, elle
n’est que l’un des produits nauséabonds de l’imprimerie, qui permet
désormais de fabriquer plusieurs centaines de livres en quelques jours et de
publier les pires en toute impunité : il suffit de n’inscrire aucun nom sur la
couverture ou d’y mettre une fausse adresse à l’étranger, et le tour est joué.
Ainsi se multiplient les libelles haineux contre les personnalités au pouvoir,
contre les groupes combattus (réformés, papistes, sorcières…), contre les
« autres » (femmes, juifs, homosexuels, étrangers…), mais aussi les livres
pornographiques et les « canards », ces ancêtres des journaux à scandale.
Pour une autre part, cependant, la littérature misogyne occupe une place
tout à fait particulière dans cette production, en raison de sa très longue
tradition et du nombre de grands auteurs qui ont mis leur talent au service
de cette cause. Dès que les premières presses sont installées en France, soit
dès les années 1470 à Lyon, Paris, Rouen et Troyes (sans parler de
Strasbourg, qui n’est pas encore française), elles déversent sur le marché un
nombre incalculable de livres misogynes et misogames, c’est-à-dire
appelant à mépriser les femmes et le mariage : les femmes parce qu’elles
sont femmes, le mariage parce qu’il consiste à s’encombrer d’une femme.
Les œuvres qui avaient ravi les clercs du bas Moyen Âge sont diffusées
à grande échelle. Le Roman de la Rose de Jean de Meun et les
Lamentations de Matheolus, dont Christine de Pizan avait dénoncé le
succès auprès des intellectuels *1, sont réimprimés jusque dans les
années 1540 : on connaît vingt et une éditions du premier et neuf du second,
auxquelles s’ajoute une kyrielle de versions raccourcies intitulées La Malice
des femmes, La Grant Malice des femmes, La Malice des femmes, recueillie
de Matheolus, et autres [auteurs] qui ont pris plaisir a en medire. Tous ceux
qui veulent savoir ce qu’est une véritable bonne épouse trouvent réponse
dans La Patience de Griselidis : jusque dans les années 1520, une vingtaine
d’éditions diffusent cette histoire extraite du Decameron de Boccace (c’est
la dernière du recueil), que Pétrarque avait réécrite en latin, et que diverses
traductions en langues vernaculaires avaient déjà fait connaître. Mais alors
que son auteur l’avait intitulée la « nouvelle du marquis de Saluces » et
qu’il y stigmatisait le sadisme de ce personnage, c’est à présent la femme
capable de tout supporter de son mari qui est mise en avant. Les éditions
titrent sur elle et sa patience, voire sa grande et merveilleuse patience, et
certains intitulés soulignent en rouge le message à faire passer : Singulier et
Proufitable Exemple pour toutes femmes mariees qui veullent faire leur
devoir en mariage envers Dieu et leurs marys et avoir louenge du monde :
l’ystoire de dame Grisilidis, jadis marquise de Saluces. Ou encore : Histoire
memorable et delectable à lire à toutes personnes en laquelle est contenu la
patience de Gryselydis femme du marquis de Saluces. Ensemble
l’obeissance que doivent avoir les femmes envers leurs mariz… De même,
sont imprimées les œuvres qui avaient tant amusé certains hommes depuis
le début du XVe siècle, comme Les Evangiles des Quenouilles et Les Quinze
Joies de mariage : les premières sont rééditées à satiété jusque dans les
années 1530, les secondes jusqu’à la fin du siècle 22.
Peu à peu sont aussi traduites et mises sur le marché une bonne partie
des œuvres prestigieuses connues de longue date pour inviter les hommes à
rester célibataires, ou à exercer sans faillir leur puissance paternelle et
maritale, ou à contrôler la sagesse du contingent féminin destiné à être
respecté : épouses, veuves, filles mises en religion. Ainsi peut-on prendre
connaissance des Œconomiques d’Aristote, c’est-à-dire la manière de bien
gouverner une famille, et des Deux Traitez de Florent Tertullian
[Tertullien], l’un, des parures et ornemens, l’autre, des habits et
accoustrements des femmes chrestiennes. On voit que les imprimeurs
donnent des sous-titres à ces œuvres afin de rendre leur contenu manifeste
pour le public désormais plus large qu’ils visent. Il leur arrive même de
retitrer certaines, comme Le Laberinthe d’amour de M. Jean Boccace,
autrement Invective contre une mauvaise femme, récit de rêve par lequel le
Toscan se vengeait d’une femme qui avait repoussé ses avances et fait
circuler ses lettres, dont le titre originel était simplement Il Corbaccio (Le
corbeau).
Les contemporains travaillent eux aussi à alimenter cette littérature — y
compris quand ils font semblant de prendre le contre-pied de ses best-
sellers. Guillaume Alexis, par exemple, remporte un fabuleux succès avec
son Blason des faulses amours, imprimé trente-deux fois jusqu’en 1584. Il
s’agit d’un dialogue entre un religieux et un jeune noble, tous deux bien
d’accord pour repousser la morale cynique du Roman de la Rose de Jean de
Meun. Mais tandis que le noble vante l’idéal courtois et explique que
l’amour pousse les hommes à développer leurs qualités de bravoure et de
fidélité, l’autre récite la longue liste des défauts des femmes, dresse le
portrait de l’homme victime de leurs maléfices… et finit par convaincre son
interlocuteur. Des auteurs font semblant de mettre ennemis et partisans des
femmes dos à dos. En 1534, par exemple, le lieutenant général de la
sénéchaussée de Toulouse Gratien du Pont, seigneur de Drusac, publie des
Controverses des sexes Masculin et Femenin (ill. 1 et 1bis). Le texte ne
présente pourtant qu’un point de vue, ainsi résumé par Michael Screech :
« La femme est une bête traîtresse, libidineuse jusqu’au fanatisme, cupide,
cruelle, immonde et puante qu’un homme sage évite et avec laquelle un fou
s’acoquine pour son plus grand regret 23. » Venant d’un membre de
l’Académie des Jeux floraux de Toulouse (vieille institution qui organise
chaque année des concours de poésie), le propos est si excessif qu’il suscite
immédiatement une querelle dans la ville ; mais les imprimeurs lyonnais et
parisiens s’en emparent, et il pourrait avoir connu une quinzaine d’éditions
jusqu’en 1584 *2.

1. Première de couverture de Controverses des sexes Masculin et Femenin, MDXXXVIII.


1 bis. Livre premier du sexe Masculin. Le sexe Masculin.

Des dizaines de folliculaires y vont de même de leurs diatribes, bien


souvent publiées sans nom d’auteur, à l’instar du Sermon joyeulx de la
patience des femmes obstinees contre leurs maris, fort joyeulx et recreatif à
toutes gens (vers 1510, au moins dix éditions jusqu’en 1600) ou Les
Ténèbres de mariage (idem). Les théologiens ne sont pas en reste, comme
l’obscur catholique Antoine Estienne avec sa Remonstrance charitable aux
dames et damoyselles de France, sur leurs ornemens dissolus, pour les
induire à laisser l’habit du paganisme, & prendre celuy de la femme
pudique & chrestienne. Avec une elegie de la France se complaignant de la
dissolution desdictes damoyselles (1570) ; ou comme le célèbre protestant
Théodore de Bèze, avec son traité sur Les Conditions et Vertus requises en
la femme fidèle et bonne mesnagère […] plus un sermon de la modestie des
femmes en leur habillemens par M. Jean Calvin (1561). D’autres ne font
sans doute qu’exploiter un filon vendeur en le mêlant à l’actualité du
moment. Ainsi Eloy d’Amerval rédige-t-il un Livre de la deablerie où il
met en scène Satan dialoguant avec son disciple Lucifer. Ce dernier passe
en revue la société de son temps, et il n’oublie pas de s’en prendre durement
aux femmes qui osent « s’élever au dessus de leur état » ; l’œuvre fait
recette à partir de 1508, avec une dizaine de rééditions, en entier ou en
fragments.
Au bout du compte, ce sont des milliers de livres qui, sur un ton ou un
autre, en plaquettes à deux sous ou en beaux livres reliés, auront diffusé
l’idée que les femmes sont une espèce à mépriser, à moquer, à craindre pour
ses désirs d’émancipation, à dresser autant que faire se peut, et sinon à
mater.

Un jeu sérieux

e
Des commentateurs du XX siècle ont voulu inscrire cette production
sous le signe du jeu rhétorique sans rapport avec la réalité, et donc sans
gravité. Selon Émile Telle, l’un des promoteurs de cette thèse, qui regarda
sous cet angle L’Œuvre de Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre, et la
querelle des femmes, « le féminisme est né d’un antiféminisme littéraire et
fictif 24 ». Il est vrai que beaucoup de titres dénotent l’amusement de leurs
auteurs, à l’image des nombreux Sermon joyeux (qui prouvent qu’on se
moque aussi des ordres prêcheurs), ou encore des intitulés fondés sur
l’antiphrase, comme les Quinze Joies de mariage (qui décrivent les
souffrances des maris) ou La Louenge des femmes (que signe en 1551 un
certain André Misogyne). Il est vrai aussi que certains auteurs répondent à
d’autres, à l’image de celui qui réplique au Purgatoire des mauvais marys
(v. 1480) par L’Enfer des mauvaises femmes (v. 1500), dont il calque
jusqu’à la forme ; deux textes que les éditeurs se plaisent ensuite à imprimer
ensemble. Il est vrai encore qu’il arrive aux mêmes auteurs de défendre une
position et son contraire, soit à peu de temps d’intervalle, soit dans la même
œuvre, tel Jean de Marconville avec son De la bonté et mauvaiseté des
femmes (1563) et son De l’heur et malheur de mariage (1564). Et il est un
fait que les étudiants étaient entraînés à soutenir n’importe quelle thèse et
son contraire, d’où procédait pour la plupart d’entre eux un goût aigu de la
dérision.
Aucun de ces faits, cependant, ne peut conduire à penser que cette
production était sans conséquence dans la réalité, et encore moins que tout
cela était « pour rire ». Du reste, comme le remarquait Joan Kelly dans un
autre article fameux, « les hommes penseraient-ils que c’est juste un sujet
“littéraire” si les femmes avaient produit un tel corpus de textes exprimant
le dégoût des hommes et du mariage pendant plusieurs siècles […] ? 25 »
C’est plutôt la poursuite de cette attitude de dérision qui a conduit les
lettrés, jusqu’à la fin du XXe siècle, à minimiser l’importance de ce flot
ininterrompu d’ouvrages mis au service de l’approfondissement de la
domination masculine, à l’époque où « le monde [se remplissait] de gens
savants, de précepteurs très doctes, de librairies très amples ».
Il convient au contraire de comprendre l’utilité de cette production dans
le contexte du renforcement de la puissance masculine. Pour une part,
l’incessant bavardage sur les femmes, le mariage et l’amour auquel se
livrent les lettrés depuis déjà une bonne centaine d’années (et auquel leurs
descendants se livreront jusqu’au début du XXe siècle) est un exutoire. Il
traduit le traumatisme d’une classe d’hommes qui se pense toujours vouée
par essence au célibat (celui des êtres supérieurs, prêtres ou philosophes)
mais que les nécessités de l’époque incitent à se marier 26. Traumatisme
d’autant plus grand qu’ils ont été gavés de textes misogynes pendant leurs
études : se marier, c’est livrer son corps, sa santé, sa vie, à une créature du
Diable. En témoigne la peur de la nuit de noces que Montaigne décrit chez
ses collègues, au point que certains, tout bardés de diplômes qu’ils soient,
recourent à des amulettes 27 ; et en témoigne aussi le Tiers Livre de Rabelais,
entièrement consacré à cette question : Panurge doit-il se marier ?
Ce bavardage compulsif trahit aussi la mauvaise conscience de gens qui
savent ce qu’ils doivent à l’enseignement, à la culture, aux dispositifs mis
au point pour favoriser leur groupe, toutes choses dont sont privées leurs
mères, sœurs, filles et « belles amies », alors qu’ils sont à même de mesurer
leur intelligence et de constater leur frustration, voire leurs efforts pour
sortir de l’ignorance. Le même Montaigne décrit par exemple des femmes
de son milieu cherchant désespérément à s’instruire dans les domaines
forclos. Il ne peut s’empêcher de gronder, et contre elles, et contre les
hommes qui leur viennent en aide, qu’il accuse de volonté de pouvoir avec
une perversité consommée :

Quand je les vois attachées à la rhétorique, à la judiciaire [le droit], à la logique


[la philosophie], et semblables drogueries si vaines et inutiles à leur besoin, j’entre en
crainte que les hommes qui le leur conseillent le fassent pour avoir loi de les régenter.

Molière reprendra cette accusation dans les Femmes savantes, à travers le


personnage de Trissotin. Avec la même idée derrière la tête : les femmes en
savent toujours assez quand elles sont capables de comprendre qu’on
cherche à leur plaire, et d’adapter « la grâce de leurs yeux à la gaieté, à la
sévérité et à la douceur ». « Avec cette science, profère Montaigne, elles
commandent à baguette et régentent les régents et l’école. » Autrement dit,
pour ce qui est de la séduction, elles sont naturellement plus fortes que
nous ; leur permettre d’accéder au savoir serait signer notre perte. Quant à
ce qu’elles exercent leurs talents sur d’autres objets, c’est impensable :
« Que leur faut-il [d’autre], que vivre aimées et honorées ? 28 »
Ce tir nourri de propos sur l’indignité des femmes et l’illégitimité de
leurs désirs a donc une fonction psychologique : il rassure les hommes qui
les tiennent. Mais il a aussi une fonction sociale : il banalise les attaques
concrètes perpétrées contre elles, quand il n’y appelle pas. La manière dont
Panurge « se venge » d’une femme qui a osé lui résister est à cet égard
exemplaire. L’épisode se situe dans le Pantagruel, à l’époque où les deux
amis font leurs études : Panurge ayant montré sa supériorité dans les joutes
oratoires du Quartier latin, les dames ont tenu à le récompenser, et il a pu se
vanter « d’en avoir embourré quatre cent dix-sept » en neuf jours. Mais cela
ne lui a pas suffi : il a cherché la reconnaissance « d’une des grandes dames
de la ville », qui l’a éconduit. Panurge a alors tué une chienne en chaleur,
prélevé sur son cadavre les substances qui attirent les mâles, puis (un jour
de fête, afin que l’affront soit public), il en a aspergé la dame, qui s’est vue
aussitôt assaillie par une meute de chiens. Les rieurs sont évidemment du
côté du « vengé ».
Ce tir nourri sert donc aussi, in fine, à faire savoir qui sont les maîtres
du jeu, et de quelle manière seraient accueillies les contestations de
l’offensive menée contre les femmes. De même qu’il faut y réfléchir à deux
fois avant de défendre une sorcière, il faut être prêt à subir les quolibets ou
les insultes de ses collègues avant de manifester une dissidence sur cette
matière. De quoi mieux mesurer le courage de celles et ceux qui bravèrent
ce terrorisme factuel et intellectuel.

L’envahissement des genres nobles


Si la misogynie mobilise suffisamment de plumes pour constituer une
production spécifique et identifiable par les titres des ouvrages, elle irrigue
aussi tous les genres sérieux, soit qu’elle s’invite dans les textes au hasard
d’une digression, soit qu’elle les vertèbre tout entiers. Montaigne est un bon
exemple du premier cas. Les propos qu’on vient de lire surgissent dans
l’essai intitulé « De trois commerces », a priori consacré aux trois
fréquentations qu’il préfère : les hommes estimables, les femmes belles et
honorables, les livres. Dissertant sur les premiers, des contre-exemples se
présentent à son esprit, dont celui de ces hommes si entichés de leur savoir
qu’ils en viennent à vouloir les transmettre aux femmes ! C’est l’occasion
d’une diatribe contre celles qui « allèguent Platon et saint Thomas » hors de
propos (évidemment), puis d’un rappel des pouvoirs naturels dont les
femmes devraient se contenter, et enfin d’un mini-programme de lecture,
pour les irréductibles à qui il « fâche de nous céder en quoi que ce soit, et
veulent par curiosité avoir part aux livres ». Qu’elles lisent donc de la
poésie ! C’est « un amusement propre à leur besoin : […] un art folâtre et
subtil, déguisé, parlier, tout en plaisir, tout en montre [apparence], comme
elles ». Elles peuvent aussi étudier l’histoire — jamais inutile. Et la
philosophie ? Certes, un peu, pourquoi pas ? Mais alors, juste de quoi les
aider à « juger de nos humeurs et conditions, à se défendre de nos trahisons,
à ménager leur liberté, à allonger les plaisirs de la vie, et à [sup]porter
humainement l’inconstance d’un serviteur [d’un amoureux], la rudesse d’un
mari et l’importunité des ans et des rides 29. »
C’est à ses homologues, on le voit, que Montaigne s’adresse. Et il parle
sur un autre ton que les auteurs de Sermons joyeux et autres Ténèbres de
mariage. Mais il dit la même chose : que les femmes qui ne se contentent
pas d’être au service des hommes sont casse-pieds. Quant à critiquer « la
rudesse du mari », le philosophe (qui est aussi un mari) n’y songe pas. Il la
justifie même dans l’essai « Sur des vers de Virgile », où il se propose de
réfléchir — lui aussi — aux rapports entre le mariage et l’amour. À côté de
quelques propos étonnamment lucides sur les bonnes raisons qu’ont les
femmes de contester l’ordre établi, on trouve ce genre de sentence :

Ce n’est pas proprement à elles de vouloir et désirer ; leur rôle est souffrir, obéir,
consentir ; c’est pourquoi Nature leur a donné une perpétuelle capacité [à l’activité
sexuelle] ; à nous, rare et incertaine ; elles ont toujours leur heure, afin qu’elles soient
30
toujours prêtes à la nôtre .

Si personne n’ouvre les Essais pour y apprendre ce qu’il en est De l’heur et


malheur de mariage, c’est toutefois ce genre d’idées que l’on trouve au
passage — venues de l’un des esprits les plus fins de son temps.
D’autres traités sont entièrement dédiés à l’affaiblissement de la
position des femmes. Outre les manuels de démonologie, c’est le cas de
livres de droit imprimés en latin, ce qui n’empêche pas leur succès éditorial.
Le De legibus conubialibus d’André Tiraqueau (Des lois matrimoniales,
1513) propose, à grand renfort de diatribes sur la « mauvaiseté des
femmes », de renforcer la sujétion des épouses. Le texte a beau soulever
l’indignation, il connaît une dizaine d’éditions jusqu’en 1586. La Sylva
nuptialis de Jean Nevizan (La forêt de mariage, 1521) est de même remplie
de considérations haineuses et d’incitations à renforcer la domination
maritale. Il est réédité cinq fois au cours de la même période.
En 1576 paraît — en français — un autre traité fort important, les Six
Livres de la république de Jean Bodin. Le troisième chapitre est intitulé
« De la puissance maritale, et s’il est expédient [opportun] [de] renouveler
la loi de répudiation ». Bodin y fait le tour de toutes les restrictions de
pouvoir imposées aux femmes, en les présentant comme le résultat d’une
longue évolution positive :

Toutes les lois et coutumes ont fait le mari maître des actions de la femme, et de
l’usufruit de tous les biens qui lui échoient, et ne permettent que la femme puisse être
en jugement [ait accès à la justice], […] sans l’autorité du mari ou du juge.
Ces restrictions, explique le juriste, ont une utilité sociale et politique : elles
sont destinées à « montrer l’autorité, puissance et commandement que le
mari a sur la femme, de droit divin et humain, et la subjection, révérence et
obéissance que doit la femme au mari en tout honneur et chose licite ».
Quant à la répudiation, il ne va pas jusqu’à la remettre en selle, mais il ne
cache pas que, là où elle était pratiquée, c’était un bon « moyen pour tenir
en cervelle les femmes superbes 31 ».
Comme son titre l’indique, l’ouvrage où paraissent ces lignes traite de la
chose publique. Pour ce partisan de la monarchie absolue, en effet, tout se
tient. Si le monarque est obéi, c’est parce que toute personne a appris, dans
sa famille, la nécessité de la subordination à un maître unique. Et ce
système politique est le meilleur, parce qu’il est fondé sur le droit naturel.
C’est donc à tous les étages de la société que les femmes doivent être
sujettes à des hommes — y compris au plus élevé, où aucune ne devrait être
admise :

La gynécocratie est droitement contre les lois de Nature, qui a donné aux hommes
la force, la prudence, les armes, le commandement, et l’a ôté aux femmes ; et la loi de
Dieu a disertement [sagement] ordonné que la femme fût sujette à l’homme, non
seulement au gouvernement des royaumes et empires, [mais] aussi en la famille de
32
chacun en particulier .

Si l’on se souvient qu’à l’heure où paraît ce traité, Henri III est roi de
France depuis un an, on comprend que c’est un véritable avertissement qui
lui est lancé : s’il ne met pas au rancart sa mère Catherine de Médicis
(1519-1589), qui gouverne depuis 1560, seule ou avec l’un de ses fils, il ne
devra pas s’étonner de n’être pas obéi. Mais c’est aussi un appel à ne pas
lui obéir, car tous les hommes doivent craindre un roi qui gouverne avec
des femmes : n’est-ce pas la porte ouverte à ce que toute épouse exige de
partager l’autorité ? D’ailleurs, tous les royaumes « tombés en quenouille »
souffrent de graves troubles, que Bodin rappelle à l’envi. Heureusement que
la France possède la loi salique ! conclut-il, comme si elle n’avait pas
provoqué la guerre de Cent Ans.
Rapidement réédité en français, vite mis en latin par son auteur lui-
même, traduit en italien et en espagnol avant la fin du siècle, le succès de ce
livre bénéficie à l’évidence du long conflit intervenu entre les reines
Élisabeth Ire d’Angleterre (1533-1603) et sa cousine Marie Stuart d’Écosse
(1542-1587), dont l’issue fut l’exécution de la seconde sur ordre de la
première. Un conflit que d’autres intellectuels avaient alimenté de l’autre
côté de la Manche avec les mêmes arguments, comme en témoigne le
pamphlet rédigé contre Marie par le pasteur John Knox à l’heure où elle
était devenue reine : The First Blast of the Trumpet Against the Monstruous
Regiment of Women (Le premier coup de trompette contre le monstrueux
gouvernement des femmes, 1558, ill. 2, 2bis).
2. The First Blast of the Trumpet Against the Monstruous Regiment of Women. Veritas
temporis filia. MDLVIII.
2 bis. Première page de The First Blast, To Awake Women Degenerate (Le premier coup
de trompette pour réveiller les femmes dégénérées).

La nocivité des gouvernantes est aussi l’argument préféré des rédacteurs


d’Histoires de France. Il est en effet beaucoup plus simple, pour eux, de
broder sur le thème rebattu de la « mauvaiseté des femmes », que de se
lancer dans des explications improbables sur l’origine de la loi salique, puis
dans des contrevérités manifestes sur son application intangible depuis
l’origine du royaume (alors que chaque dynastie s’y est imposée par la
force). Le nouveau « roman national » se diffuse donc — grâce à
l’imprimerie — à travers une double stratégie d’écriture : donner le moins
possible de détails sur la loi elle-même, et dire le plus possible d’horreurs
sur les reines qui ont gouverné. À cet effet, les nouvelles Histoires de
France commencent toutes par le récit, fort bref, de l’établissement de la loi
par Pharamond (personnage plus ou moins inventé) et se poursuivent par
celui, fort long, des crimes des reines Frédégonde (545-597) et Brunehaut
(Brunehilde, v. 542-613). Ces récits sont d’autant plus hauts en couleur que
les deux femmes s’étaient affrontées, et que la seconde avait été exécutée
sur l’ordre du fils de la première — régulièrement salué pour avoir ainsi
rétabli « l’ordre naturel ». La plupart des gouvernantes suivantes sont en
revanche passées sous silence, donnant l’impression que l’histoire de
France est un long fleuve masculin (si ce n’est tranquille), exceptée la mère
de Saint Louis, Blanche de Castille (1188-1252), régente pendant les
absences de son fils, et dont le goût du pouvoir est aigrement souligné. Puis
les diatribes reprennent en force à propos d’Isabeau de Bavière (1371-
1435), régente aux pires moments de la guerre de Cent Ans.
En quelques décennies, l’histoire de la France devient donc celle d’un
pays où le pouvoir s’est toujours transmis d’homme à homme grâce à une
loi originelle, et où les rares femmes qui ont laissé des traces s’étaient
introduites par effraction dans le cercle dirigeant, pour n’y commettre que
des méfaits. Servie comme sur un plateau par les historiens, cette petite
phalange de criminelles désormais connues comme le loup blanc est
systématiquement convoquée dans tous les pamphlets contre les régentes du
e
XVI siècle, chacune étant présentée comme un nouvel avatar de cette figure

haïssable qu’est la femme de pouvoir.


La fin de la Renaissance apparaît ainsi, pour les Françaises, comme un
temps où la dégradation de leur situation s’approfondit, parce qu’elle
s’inscrit dans un mouvement de fond : l’accroissement, en nombre et en
puissance, des hommes qui travaillent au service des États modernes, et qui
veillent à ce que la poule aux œufs d’or ne leur échappe pas. Loin d’être
continue, cependant, cette dégradation s’est accélérée vertigineusement
grâce à l’imprimerie, cet autre produit de la montée en puissance de la
clergie. Grâce aux livres, à présent diffusés par milliers, de nouveaux
savoirs ont pu être mis en circulation, qui confortent les nouveaux maîtres
du jeu ; et d’anciennes haines ont pu être infusées dans la culture commune,
qui n’avaient jusqu’alors mobilisé que de petites franges de la population.
Ce cadre général va se maintenir longtemps : les diplômes supérieurs ne
s’ouvriront aux femmes que dans la dernière moitié du XIXe siècle, la haute
fonction publique qu’à partir de 1944, et la « vitupération des femmes » ne
commencera à céder du terrain qu’à cette même époque. Pourtant, dès la fin
du XVe siècle, ce mouvement entre en contradiction avec des éléments
nouveaux, dont certains semblent dus au hasard (par exemple le retour des
femmes au pouvoir en France) et dont d’autres sont intrinsèquement liés à
la « modernité » (notamment l’accès aux livres imprimés). Ce sont ces
éléments contradictoires — et hautement explosifs — qu’il convient
d’examiner à présent.

*1. Voir Moyen Âge, chap. III.


*2. Si nombre de vieux succès de librairie terminent leur carrière à cette date, c’est que
commence la dernière guerre civile du siècle, qui débouchera, avec l’arrivée au pouvoir
d’Henri IV, sur un autre horizon.
Chapitre II
UNE PÉRIODE FAVORABLE
À L’EXPRESSION DES FEMMES

Les histoires littéraires sont généralement muettes sur la Querelle des


femmes, qui concerne pourtant la littérature au premier chef puisque des
centaines d’auteurs et d’autrices l’ont alimentée, dont les plus grand·es.
Lorsque des spécialistes s’y intéressent, on la trouve souvent décrite comme
un simple « jeu littéraire », et aussi comme une polémique relativement
courte : émergeant à l’orée du XVe siècle avec Christine de Pizan,
ressurgissant dans les années 1530 autour de Marguerite de Navarre (1492-
1549), et brillant de ses derniers feux dans les années 1620 1. En réalité,
cette controverse est un peu plus ancienne et surtout elle est bien loin de
s’éteindre 2. La focalisation sur le XVIe siècle paraît néanmoins pouvoir
s’expliquer par la très forte contestation que rencontre alors le discours
misogyne, par le rôle qu’y jouent les personnes les plus puissantes, et par
l’arrivée en nombre des écrivaines dans l’arène publique, dont les plus
importantes le critiquent frontalement.
Cette montée des tensions est indissociable du retour au pouvoir de
gouvernantes. Dans un pays où les élites masculines croyaient le
phénomène éteint, leurs actions pour conforter leur pouvoir et imposer
autour d’elles des aréopages féminins puissants ne passent pas inaperçues.
L’accord manifeste des rois non plus. Mais ces impulsions venues du haut
de la pyramide sociale ne sont pas les seules à entraver le processus de
domestication des femmes et à agacer ceux qui y travaillent. L’engagement
de grands humanistes dans le camp des « champions des dames » lui
apporte un coup sévère — d’où les raidissements qu’on vient de voir. La
Réforme protestante et la contre-offensive catholique qui s’ensuit
introduisent aussi des failles majeures dans le consensus masculin, en
remettant au premier plan des intérêts qui dépassent les frontières de sexe.
Quant à l’acclimatation rapide de l’imprimerie, elle change profondément la
donne. Non seulement elle permet aux féministes et aux philogynes *1 de
diffuser des argumentaires contrant les idées de leurs adversaires, mais elle
est un formidable outil d’alphabétisation et d’expression dont s’emparent
les femmes interdites d’éducation secondaire et supérieure.

L’INVENTION DE L’IMPRIMERIE

Mise au point à Mayence (Allemagne) au milieu du XVe siècle,


introduite dans plusieurs grands centres universitaires dès les années 1470
(Strasbourg, Cologne, Rome, Venise, Paris, Milan, Utrecht, Lyon, Londres,
Valence, Anvers, Oxford…), la technologie permettant de produire des
livres par l’usage de caractères mobiles modifia très vite le rapport à l’écrit
et à la culture des populations européennes, des intellectuels jusqu’aux
illettrés, en passant par tout un public urbain « moyen », plus ou moins
initié à la lecture et avide de savoirs souvent plus concrets qu’érudits.

La révolution gutembergienne

Le produit lui-même connut des évolutions rapides. Fort proche, au


départ, des manuscrits dont on cherchait à reproduire les caractéristiques
(notamment les enluminures), fort dépendant, aussi, de l’aire géographique
où il était né (c’est l’alphabet gothique, en usage en Allemagne, qu’on
utilisa partout), le livre ne mit que deux ou trois décennies avant de
ressembler peu ou prou à ce qu’il est aujourd’hui. Dès les années 1510, les
« incunables *2 » sont remisés au magasin des antiquités : l’alphabet latin a
été adopté, la pagination, les titres courants, les tables des matières ont fait
leur apparition, les langues vernaculaires ont commencé de dominer la
production. Le procédé de la gravure a également été élaboré, qui permet
d’illustrer certains livres et de les rendre plus attractifs. Des formats plus
petits, plus maniables, moins onéreux, ont été mis sur le marché. Des sujets
« vendeurs » ont été recherchés — dont, hélas, ceux qui attisent les
divisions sociales.
Le milieu qui produit les livres s’est rapidement organisé. Les activités
aujourd’hui différentes de l’édition, de l’impression et de la vente de livres
sont alors regroupées. Des ateliers joints à des boutiques s’implantent là où
se concentrent les acheteurs potentiels : quartiers latins, rues adjacentes aux
Palais de justice… Les imprimeurs-libraires travaillent étroitement avec des
érudits capables d’établir les textes quand ils envisagent de publier une
autorité ancienne, un livre en latin ou en langue étrangère, un dictionnaire
(latin-grec, français-anglais…). Ils travaillent également avec des cohortes
de lettrés, qui suggèrent des œuvres, traduisent, apportent leurs propres
ouvrages, sans parler des artistes qui s’activent aux illustrations. Très vite,
aussi, ils établissent des réseaux d’une ville à l’autre, afin d’écouler leur
production. Et ils font pression sur les autorités pour obtenir la limitation de
la concurrence.
L’État met donc son nez dans cette industrie florissante, non seulement
à la demande du milieu, mais pour son propre intérêt, car il craint les livres
qui pourraient diffuser de « mauvaises idées » — c’est-à-dire saper son
autorité. Ainsi naît le « privilège d’imprimer » dont s’orne tout ouvrage
ayant reçu l’aval de l’administration royale, et où est indiqué qui peut faire
quoi et pendant combien de temps. D’autres puissances cherchent à se
protéger. Les Parlements ne parviendront guère qu’à user de leur influence
pour entraver l’octroi des privilèges ou la condamnation des auteurs jugés
dangereux. L’Église fera de même, mais elle ira un peu plus loin, en
publiant chaque année une liste des livres « à ne pas lire » si on est un bon
chrétien, l’Index. La mesure finira un jour par se retourner contre elle : un
livre interdit par le pape n’est-il pas forcément intéressant ?
Ainsi, en quelques décennies, une révolution a eu lieu : autrefois objets
de luxe réalisés pour la grande noblesse et les princes de l’Église, confinés
dans les « librairies » d’abbayes ou de châteaux, illisibles à tout un chacun,
ou alors matériel médiocre et quasi indéchiffrable fabriqué pour les
étudiants, les livres sont devenus un produit de consommation relativement
courante, dont le prix ne cesse de baisser, dont l’accès est facile et la lecture
aisée. Des « produits dérivés » ont aussi vu le jour : affiches, plaquettes à
trois sous, canards… Comme le souligne Frédéric Barbier, « l’écrit tend peu
à peu à se banaliser : même dans le monde, majoritaire, de ceux qui ne
lisent pas, l’écrit n’est plus aussi radicalement absent et un très lent et
progressif processus d’acculturation peut s’engager 3. »

L’apparition des lettrées

Si les populations illettrées s’habituent à voir des livres et des canards,


leur mode de vie ne change pas pour autant. En revanche, les femmes
appartenant aux milieux urbains aisés, celles dont les pères, les frères, les
époux ont fait des études, profitent au maximum des activités générées par
la nouvelle industrie.
L’étude des inventaires après décès en donne une idée. Parmi les
185 Parisiens propriétaires de bibliothèques entre 1500 et 1560 identifiés
par Roger Doucet, on trouve 38,1 % de magistrats, 18 % d’avocats, 15 %
d’ecclésiastiques, 8,2 % de bourgeois et marchands, 5,5 % de
gentilshommes et 15,2 % de « divers » 4. Les laïcs dominant largement dans
cette population, cela implique que les femmes qui vivaient sous leur toit
avaient accès à des livres. Une autre étude laisse voir ces dernières : celle
réalisée par Albert Labarre sur les inventaires retrouvés à Amiens pour les
années 1503-1576. Aux nombreux nobles, robins, médecins, marchands et
artisans propriétaires de livres s’ajoutent quarante « divers », au sein
desquels figurent « des femmes, filles ou veuves dont certaines sont nobles
et d’autres appartiennent au milieu de la robe ou au monde médical 5 ».
Quant aux livres eux-mêmes, ils sont de toutes sortes, et il faut encore y
ajouter les opuscules sans grande valeur qu’il semblait inutile de consigner
sur les inventaires. Ainsi s’explique la grande culture de celles qui ont
publié leurs œuvres, mais aussi les savoirs relativement étendus de celles
dont on n’a conservé que des lettres. Les loisirs n’étant pas légion, la lecture
devait constituer un passe-temps privilégié pour ces femmes souvent
confinées à l’espace domestique, sans parler de l’instruction des jeunes dont
elles avaient la responsabilité.
Des femmes, par ailleurs, travaillent dans le milieu qui vit de la
fabrication et de la diffusion des produits imprimés, car c’est un artisanat
familial. Certes, le poids des hommes savants employés dans les ateliers
entretient une sourde hostilité à l’égard de l’acculturation des filles, et
conduit à l’établissement de monopoles masculins sur les métiers
techniques du livre. Mais si toutes celles qui vivent dans des familles
d’imprimeurs ne sont pas lettrées 6, les épouses d’imprimeurs-libraires sont
souvent des piliers de l’entreprise, et nombreuses sont celles qui exercent
l’activité une fois devenues veuves et maîtresses des lieux — seul statut où
elles sont acceptées officiellement. Roméo Arbour en a dénombré 2 au
e e
XV siècle et 117 au XVI siècle (dont une grosse moitié à Paris), avant
e
les 647 du XVII siècle et les 966 du suivant 7. Il leur arrive de s’associer à
l’un de leurs fils, ou de se remarier avec l’un des compagnons — bien
content de prendre la place de son ancien patron. Quant aux filles, elles
deviennent souvent épouses d’imprimeur. Ainsi, l’un des grands spécialistes
de l’édition humaniste lyonnaise puis parisienne, Josse Bade, qui avait lui-
même épousé une fille d’imprimeur, maria-t-il ses quatre filles à des
hommes du métier. Bien qu’aucune n’ait laissé son nom sur un livre,
plusieurs durent mettre la main à la pâte dans des traductions, vu leur
niveau de maîtrise des langues anciennes, attesté par des documents et des
témoignages.
Ce bouillonnement intellectuel touche aussi des femmes de la ville :
certaines s’investissent dans la traduction des textes destinés à l’impression,
activité à la fois érudite et modeste qu’elles exerceront très vite de manière
spécifique 8. En atteste la remarque mi-figue mi-raisin d’Henri Estienne,
connu pour sa maîtrise des langues anciennes, à propos du latin : « N’est-il
pas jusqu’aux femmes qui ne se veulent mêler de l’égratigner 9 » ? Propos
étrange, de la part d’un homme qui allait vanter les connaissances de sa
mère et sa sœur en la matière 10, mais bien révélateur de l’émulation qui
devait agiter les milieux lettrés — et de l’inquiétude qu’y faisait naître la
démonstration de la capacité des femmes.

Des livres de toutes sortes,


du moment qu’ils se vendent

La crainte de certains hommes se heurte toutefois à l’intérêt d’autres


hommes. Si dans les ateliers les ouvriers s’organisent pour ne pas souffrir
de la concurrence féminine, les entrepreneurs voient peu d’inconvénients à
ce que leurs auteurs soient des autrices, et encore moins à ce que leurs
traducteurs soient des traductrices. L’essentiel est l’attractivité des livres
mis sur le marché : si le public est prêt à débourser de l’argent pour des
ouvrages de femmes, eux sont prêts à en fabriquer. Et si l’on considère que
ce sont eux qui rémunèrent les uns et les autres, au cas par cas (les droits
d’auteur n’existant pas encore 11), il est à parier qu’ils ne sont pas
mécontents d’avoir affaire à des femmes, puisque l’incongruité de celles-ci
dans ce secteur d’activité les empêche de réclamer grand-chose.
On verra que pratiquement aucune, dans les cinquante premières années
d’existence du nouveau média, n’ose pousser la porte d’une librairie pour y
proposer des écrits signés. Des œuvres de femmes sont pourtant données au
public : celles d’écrivaines décédées, comme la poétesse de l’Antiquité
tardive Proba Falconia, les saintes médiévales Hildegarde de Bingen et
Brigitte de Suède, ou la moins lointaine Christine de Pizan. Par la suite,
cependant, quelques princesses pugnaces ayant franchi le pas, la recherche
de nouveaux titres et de nouveaux auteurs pousse à l’audace, et ce seront
parfois des femmes totalement inconnues qui auront l’honneur de leurs
presses.
De la même façon, les imprimeurs-libraires semblent avoir accueilli
sans difficulté les textes des « champions des dames », comme on les
appelle depuis que Le Franc, au début des années 1440, a intitulé de la sorte
un livre prenant leur parti. Le Triumphe des dames de Rodriguez de La
Camara, originellement écrit en espagnol et traduit pour la cour de
Bourgogne dans les années 1450, est imprimé deux fois à Paris dans les
années 1480. Le Champion des dames lui-même est publié deux fois à Lyon
vers 1485, avant d’être republié à Paris en 1530, accompagné d’un sous-
titre éclairant (à l’époque où le Roman de la Rose de Meun trône dans
toutes les bibliothèques) : livre plaisant copieux & habondant en sentences.
Contenant la defense des dames, contre Malbouche, & ses consors, &
victoires d’icelles. De même, le vieux Livre de Leesce (v. 1373) de Le Fèvre
de Ressons, l’un des premiers à signaler le mécontentement des femmes
face à l’inflation des discours misogynes, et à entamer une défense en
bonne et due forme de leur sexe, est publié dès le début du XVIe siècle, avant
d’être astucieusement redonné sous le titre Le Rebours de Mathéolus
(1507), en écho aux vieilles Lamentations de Matheolus imprimées
quelques années auparavant… dans la traduction du même auteur !
Des stratégies commerciales pourraient ainsi avoir joué un rôle moteur
dans l’entretien de la Querelle, qui certes n’avait pas besoin des livres pour
exister, mais à laquelle les imprimés fournirent un écho considérable, en
faisant connaître les arguments de chaque camp, en permettant à de
nouveaux publics de s’en saisir, en donnant envie à de nouvelles personnes
de descendre dans l’arène.

DES FEMMES AU POUVOIR

Parmi les raisons qui poussèrent les imprimeurs-libraires à adopter une


attitude pragmatique, figure la présence, parmi les plus riches
commanditaires de livres, des princesses arrivées au pouvoir à partir de la
fin du XVe siècle. Demandeuses d’ouvrages susceptibles de soutenir la
dignité de leur sexe, elles influencent notablement la production, qu’il
s’agisse de textes anciens qu’elles font remettre en circulation ou de
nouveaux qu’elles font écrire ou traduire. Elles favorisent ainsi l’émergence
d’un puissant courant philogyne et féministe, que plusieurs d’entre elles
renforcent encore par la publication de leurs propres écrits. Mais leur action
ne s’arrête pas là. Elles s’attachent aussi à consolider la position des
femmes à la Cour, lieu qui concentre alors tous les regards.

La succession des dirigeantes

Éliminées de la succession à la couronne française au début du


e
XIV siècle, les « filles de France » font un retour spectaculaire dans les

équipes dirigeantes à la fin du suivant, voire s’approchent du trône ou y


montent, tandis qu’une mère et une épouse de rois gouvernent de longues
années, seules ou avec eux. Ce rétablissement est d’autant plus remarqué
qu’aucune femme n’avait occupé l’une de ces places depuis des siècles
(hormis Isabeau de Bavière, régente pendant la guerre de Cent Ans), et que
les cours régionales où des princesses avaient encore joué un rôle de
premier plan au XVe siècle 12 ont disparu.
La première grande dirigeante est la plus inattendue. Anne de France
(1461-1522) a vingt-deux ans en 1483, à la mort de Louis XI, dont elle est
l’aînée. Elle est mariée à Pierre de Beaujeu, cadet des Bourbons, qui servait
son père depuis longtemps. Le vieux roi leur a confié la tutelle de son fils
unique, Charles, leur garantissant ainsi de siéger dans le conseil royal au cas
où il mourrait précocement. Anne et Charles ont pourtant une mère,
Charlotte de Savoie (1445-1483), que les traditions désignaient pour la
fonction de régente. N’assiste-t-on pas là à une restitution magistrale du
« droit des filles » ? D’où une première agitation autour de la veuve, mais
elle meurt rapidement. Quelques mois plus tard, Anne et Pierre ayant réuni
les États généraux et manœuvré pour qu’ils les confirment à la direction du
royaume, une coalition d’une tout autre envergure se met en place : la
« guerre folle », dont les Beaujeu sortent victorieux en 1491. Devenus
entre-temps duc et duchesse de Bourbon, ils restent au pouvoir durant tout
le règne de Charles VIII. Lorsque celui-ci inaugure en personne les
« guerres d’Italie », en 1495, Pierre est investi de la régence ; « Madame la
Grande », dont l’influence est aussi connue que sa discrétion, demeure donc
au poste de commande. Elle joue encore un rôle majeur à la mort de son
frère, décédé sans héritier en 1498, en facilitant le remariage de sa veuve,
Anne de Bretagne (1476-1514), avec son cousin et beau-frère, Louis
d’Orléans, qui devient alors Louis XII 13. Puis elle s’illustre une dernière
fois comme douairière de Bourbon (Pierre étant décédé en 1503), en
veillant sur les destinées d’un duché dont devrait hériter sa fille unique,
mais sur lequel la monarchie veut mettre la main. On verra que la
publication de ses Enseignements à sa fille s’inscrit dans ce contexte
hautement conflictuel.
La deuxième à gouverner est Louise de Savoie (1476-1531), comtesse
d’Angoulême. Celle-là est bien mère de roi (François Ier), mais elle n’est
pas reine. Un nouveau décrochage dans la ligne successorale française a en
effet eu lieu à la mort de Louis XII, qui n’a eu que deux filles d’Anne de
Bretagne, et qui a marié l’aînée (Claude, 1499-1524) à François, afin que
tous deux puissent lui succéder. Louise, devenue veuve à dix-neuf ans, a
élevé son fils dans cette perspective — et aussi sa fille Marguerite, future
reine de Navarre et la plus grande autrice de son siècle. Louise prend donc
les commandes avec eux en 1515, devenant régente l’année même, tandis
que François part en campagne à Marignan. Elle reprend ce titre en 1523
lors des préparatifs à une seconde expédition en Italie, mais cette fois-ci
l’absence du roi se prolonge, car les troupes françaises ont été défaites à
Pavie et il est tombé aux mains de l’armée impériale. Après de longues
négociations, dont l’une conduit Marguerite jusqu’à Madrid, François est
finalement échangé contre ses deux fils au printemps 1526. Louise et sa
fille demeurent néanmoins en charge de ce dossier, et ce sont elles qui vont
à Cambrai en août 1529 signer la « Paix des dames » (ill. 3), l’Espagne
étant représentée par Marguerite d’Autriche (1480-1530), tante de Charles
Quint et gouvernante des Pays-Bas. Il reste à Louise deux ans à vivre,
qu’elle passe aux côtés de son fils et de sa fille, à la tête du royaume.
3. Première de couverture de La Triumphe de la paix celebree en Cambray […]. Madame
Marguerite. La Regente. La Royne de Navarre.

La troisième gouvernante est Catherine de Médicis (1519-1589). Mariée


er
au deuxième fils de François I , Henri, elle est devenue dauphine à la mort
de l’aîné, en 1536, et reine à la mort du roi, en 1547. Écartée du pouvoir
durant le règne de son époux ( † 1559), puis celui de son premier fils,
François II († 1560), elle s’impose comme régente pendant la minorité du
suivant, Charles IX, qui n’a que dix ans. Elle reste à ses côtés lorsqu’il
devient adulte, puis redevient régente durant quelques mois à sa mort
(1574), avant de gouverner avec son fils suivant, Henri III. Catherine est
donc au pouvoir durant les trois quarts de la période dite des « troubles
civils et religieux » (1560-1598), période scandée par huit guerres et
quelques massacres de sinistre mémoire, dont celui de la Saint-Barthélemy
(1572). Ces troubles, Catherine s’active à les réduire en adoptant une
politique de tolérance envers les adeptes de la Réforme, en rassemblant les
théologiens des deux bords pour les inciter à s’accorder (colloque de Poissy,
1561), en mariant sa fille Marguerite, catholique, avec le roi de Navarre,
protestant (1572), en sillonnant la France inlassablement pour discuter avec
les chefs de l’un et l’autre camp, signer des paix, régler des différends…
Elle agit ainsi jusqu’à la veille de sa mort, intervenue quelques jours après
la fin des États généraux de Blois (décembre 1588), durant lesquels
Henri III, chassé de la capitale par la faction catholique, fit exécuter ses
chefs le duc de Guise et son frère.
La quatrième gouvernante, Marie de Médicis (1575-1642), s’installe au
pouvoir en 1610, après l’assassinat d’Henri IV, dont elle est la seconde
épouse — leur fils ainé, Louis XIII, n’ayant pas encore dix ans. Très bien
formée aux arts en Italie, mais non initiée aux affaires publiques, elle jouera
un rôle considérable dans la vie artistique tout en étant confrontée à
d’innombrables difficultés en raison de ses mésententes avec son fils, puis
surtout avec Richelieu, qui parviendra à l’écarter définitivement du pouvoir
après la Journée des Dupes (1630).

Le renforcement de la position des femmes à la Cour

Fragilisées par la théorie politique française, par la dégradation générale


du statut des femmes, par l’avalanche de textes misogynes mis sur le
marché, par les manœuvres des « princes du sang » cherchant à les pousser
dehors, les dirigeantes n’ont eu de cesse de renforcer leur propre pouvoir et
celui des femmes autour d’elles. Cet objectif revêt des aspects matériels,
objectifs, fondés sur le poids de leur « maison », mais aussi des aspects
symboliques et culturels.
L’accroissement de leur fortune est connu, d’autant que c’est un lieu
commun de la contestation politique depuis Blanche de Castille. Le
renforcement de leur entourage l’est moins, alors qu’il est bien plus
systématique. L’idée paraît remonter au temps d’Isabeau de Bavière, dont
l’hôtel fut puissamment doté de personnel masculin et féminin, et qui confia
de hautes responsabilités à certaines femmes. C’est toutefois Anne de
France qui, dès les années 1480, en réunissant autour d’elle des femmes et
des jeunes filles de la noblesse, inaugure ce que Brantôme appellera la
« grand cour des dames » — en attribuant sa création à sa belle-sœur Anne
de Bretagne, tant celle-ci optimisa ce dispositif durant son second
mariage 14. Louise de Savoie le porte ensuite à une échelle inédite, en
subdivisant la maison des enfants royaux, jusqu’alors commune, en autant
de maisons qu’il y a de filles et de fils, et en augmentant les effectifs de
celles des femmes. Ceux de sa propre maison passent de 150 personnes en
1517 à 250 en 1531, parmi lesquelles le nombre de « dames et
demoiselles » s’élève de 19 à 33, alors qu’elles n’étaient que 5 ou 6 avant
l’accès au trône de François. Leurs émoluments doublent par ailleurs dès
cette année-là 15. Et l’autonomie des femmes concernées croît en proportion,
y compris lorsqu’elles sont mariées, car leurs époux sont occupés dans une
autre « administration ». Sous Catherine de Médicis, elles sont plusieurs
centaines à travailler ainsi dans une maison ou l’autre — et à servir la reine
mère en priorité quand il le faut.
Le pouvoir de certaines est notable. Quelques-unes se voient décerner
des titres jusqu’alors strictement masculins, comme celui de secrétaire (sous
Anne de Bretagne) et celui de premier chambellan (sous Marguerite de
Navarre). D’autres se voient confier des tâches d’une importance
symbolique considérable. Anne de Graville (v. 1480-ap. 1540) est la
poétesse officielle de la reine Claude. Charlotte Gouffier de Boissy
(1480- ?) est nommée gouvernante du fils aîné de François Ier, et Diane de
Poitiers (1499-1566) celle de son cadet, futur Henri II — origine de
l’influence qui demeurera la sienne jusqu’à la mort du roi. Marie-Catherine
de Pierrevive, dame du Perron ( † 1570), épouse du banquier florentin
Antoine Gondi, qui était devenue l’amie de Catherine de Médicis au temps
où elle la recevait dans son salon lyonnais, se voit chargée par elle de la
direction du chantier des Tuileries.
Le personnel féminin a aussi pour tâche d’animer la Cour et d’y faire
régner la concorde. Car ce milieu n’a plus rien à voir avec les cours du
Moyen Âge, sur lesquelles veillaient l’épouse toute-puissante du seigneur
avec quelques parentes. Ayant éclipsé toutes les autres, la Cour du roi de
France va jusqu’à abriter près de 8 000 personnes au début des années
1580 16. Elle est le lieu de résidence semi-permanent des grands seigneurs
que les souverains cherchent à fidéliser en leur confiant de grandes charges,
et qui s’y entassent avec une partie de leur maison, ou qui se font bâtir des
hôtels particuliers près du Louvre afin de pouvoir passer leurs journées près
du roi — ou de la reine. D’autres seigneurs de plus petite noblesse y
accourent aussi, en quête de faveurs. Les puissances étrangères y fixent des
ambassadeurs, des voyageurs et des artistes y affluent, attirés par une
renommée qui dépasse les frontières.
Occuper, durant de longues plages horaires et dans la bonne humeur,
des centaines de personnes souvent rivales, dont une grosse proportion
d’hommes d’épée prompts à se quereller, n’est pas une mince affaire. Si des
poètes, dramaturges, acteurs, horticulteurs, animateurs de jeux d’eau… s’y
activent, les femmes au service des reines et princesses ne sont pas en reste.
La réputation de la Cour, siège du pouvoir royal, et son aptitude à faire
converger vers le souverain ou la souveraine tous les regards et tous les
désirs, dépendent en grande partie de leur capacité à entraîner les hommes
dans les activités ludiques et culturelles sans que leur honneur soit mis en
cause, ni que des rixes éclatent entre eux. L’entreprise est d’autant plus
délicate que les femmes sont toujours minoritaires en nombre (la proportion
est d’environ une pour cinq hommes dans la noblesse, une pour vingt dans
l’ensemble du personnel), et qu’elles constituent l’élément principal de
l’attractivité de ce lieu pour bien des hommes (les uns contraints au célibat,
les autres mariés sans amour). Elles ont donc aussi en charge le « maintien
de l’ordre sexuel », selon les impératifs théorisés par Anne de France dans
ses Enseignements, et que chaque reine s’attache à faire respecter par « ses
femmes » : pas question de céder, mais pas question non plus de jouer les
dragons de vertu ! Autant de responsabilités qui, même si elles sont
enserrées dans un mélange complexe de « surveillance » hiérarchique
(féminine) et d’autocensure, ne font que renforcer leur pouvoir.

Cercles, salons et cours de femmes

Pour pouvoir assumer ces différentes responsabilités, les princesses et


les femmes qui les entourent doivent être formées. Acquise pour une part
« sur le tas », cette formation est également assurée par des lectures, des
enseignements, des réflexions collectives. Les maîtres sollicités pour
instruire les filles de rois dispensent bien souvent leur savoir à d’autres
jeunes filles en même temps, et les femmes qui les encadrent profitent des
leçons. Les autres sont invitées à lire les ouvrages d’histoire, de littérature,
de philosophie, de théologie… conservés dans les bibliothèques des
princesses. Les érudits, poètes et artistes qui recherchent la protection de
leurs maîtresses les font aussi bénéficier de leurs connaissances. Les plus
intelligentes sont associées aux entretiens, au mécénat, à l’action politique
des princesses, dont les entourages s’avèrent ainsi de véritables pépinières
de futures collaboratrices, voire de futures dirigeantes. Marguerite
d’Autriche, Louise de Savoie, Diane de Poitiers ont été « nourries » par
Anne de France. De même, l’aréopage de femmes sur lequel Catherine de
Médicis s’appuie pour gouverner a pour beaucoup été formé — comme
elle-même — dans le cercle de Marguerite de Navarre 17. Et ce modèle est
exporté par celles qui en ont bénéficié, à l’image de Renée de France (1510-
1570), fille cadette d’Anne de Bretagne, nourrie par Marguerite de
Navarre : une fois mariée et installée à Ferrare, elle rassemble autour d’elle
un groupe de femmes avec lesquelles sont instruites ses filles.
Dans les années 1530, 1540 et 1550 se repèrent également à Lyon des
salons plus cosmopolites, où l’amour des arts, des lettres et de l’Italie
rassemble des femmes et des hommes de l’aristocratie et de la bourgeoisie
locale, mais aussi commerçants, financiers, imprimeurs, exilés de la
Péninsule. Plusieurs animatrices de ces cercles jouent un rôle décisif dans la
production et la diffusion d’ouvrages favorables aux femmes. Maria Albizzi
commande des traductions en italien des essais de Plutarque (Delle virtù
delle donne, 1542) et de Boccace (Delle donne illustri, 1543), que
l’imprimeur Guillaume Roville fait traduire en français (Petits Opuscules de
Plutarque, 1546 ; Des Dames de renom, 1551). Marguerite de Bourg se voit
adresser nombre de dédicaces d’écrivains et d’imprimeurs locaux. Elle est
l’inspiratrice du personnage de Pasithée dans les ouvrages de vulgarisation
philosophique de Pontus de Tyard (Solitaire premier en 1552, Solitaire
second en 1555) et de l’héroïne de l’Aretefila de Ridolfi (1560), autre
dialogue sur l’amour inspiré des travaux des néoplatoniciens de Florence *3.
Clémence de Bourges, dédicataire des Euvres de Louise Labé (1555),
pourrait aussi avoir joué un rôle important dans la vie littéraire lyonnaise,
même si elle mourut jeune, vers 1560 18.
C’est l’époque où naissent deux salons parisiens qui mêlent à la fois des
gens de la Cour et une bonne partie des écrivains et écrivaines du règne des
derniers Valois. Le premier semble celui de Madeleine de L’Aubépine
(1546-1596), dame d’honneur de Catherine de Médicis, fille d’un secrétaire
d’État et épouse de son successeur à cette charge, Nicolas de Villeroy. Du
début des années 1560 à la fin des années 1570, elle et son mari reçoivent à
Paris, à Mennecy ou à Conflans la fleur des poètes de la capitale, parmi
lesquels « une majorité de secrétaires du roi et de secrétaires de la chambre
du roi 19 », c’est-à-dire des bourgeois, comme Philippe Desportes et Jacques
(de) Romieu. Les débats de ce cénacle semblent avoir beaucoup porté sur
l’expression poétique de l’amour, du mariage et de l’adultère. L’autre salon,
d’essence plus aristocratique, est celui de Claude-Catherine de Clermont
(1543-1603), comtesse de Retz, qui ouvre le sien une fois remariée à Albert
de Gondi (1565), fils de Marie-Catherine de Pierrevive. Celle que ses
invité·es surnomment « Dictynne » (nymphe crétoise suivante de la déesse
Diane) ou Pasithée (l’une des Charites grecques, ou Grâces romaines) est
connue pour étudier dans son « cabinet vert » de l’hôtel de Dampierre, situé
près du Louvre. C’est là qu’elle reçoit, ou au château de Noisy-le-Roi
pendant les beaux jours. À ses côtés brillent ses deux meilleures amies : la
fille cadette de la reine, Marguerite de Valois, bientôt reine de Navarre
(1553-1615, ill. 4), alias « Diane », « Callipante » ou « Éryce » ; et
Henriette de Clèves, duchesse de Nevers (1542-1601), alias « Pistère » (en
grec : réservoir). Se retrouvent là, non loin du fameux cabinet qu’il leur
arrive de célébrer (comme en témoigne l’Album de poésies 20 élaboré par ce
cercle), des musiciens, des peintres et des poètes de la Cour, ainsi que ses
femmes les plus érudites — dont Hélène de Surgères, que chantera (entre
autres) Ronsard.
C’est ce type de société que recrée Marguerite de Valois une fois
installée en Gascogne, quoique les personnes rassemblées autour d’elle
soient moins nombreuses et les femmes lettrées plutôt rares, au-delà de la
sœur du roi, Catherine de Bourbon (1559-1604). La reine parvient malgré
tout à maintenir une activité culturelle soutenue, en attirant les poètes de la
région (qui participeront à leur tour à la confection d’un Album 21), et aussi
des musiciens et des comédiens. Elle fait de même une fois séparée de son
époux, durant les longues années qu’elle passe en Auvergne, au château
d’Usson, où les candidats à la « protection » recommencent à se presser au
fur et à mesure que se dessine le projet d’annulation de son mariage avec
Henri IV. La reine y entretient une « musique », elle y fait construire un
théâtre, elle y rassemble une bibliothèque, elle y reçoit ses voisins
(Brantôme, les d’Urfé…), et elle y écrit ses Mémoires. D’où le nom de
Parnasse que donnent à ce cercle ses dédicataires 22.
4. Portrait de Marguerite de France [de Valois, reine de Navarre], vers 1574, Paris,
BnF, Département des estampes.

Plusieurs la suivent à Paris lorsqu’elle y revient, en 1605, cinq ans après


son « démariage ». Celle qu’on appelle désormais la reine Marguerite
réorganise alors une véritable cour, d’abord dans l’hôtel des archevêques de
Sens, près de l’Arsenal où s’est installé Sully, ensuite dans celui qu’elle fait
construire sur la rive gauche de la Seine, immédiatement baptisé « Parnasse
royal » 23. S’y pressent en effet poètes, traducteurs, philosophes, savants,
artistes et étrangers de passage, mais aussi femmes de lettres, comme Marie
de Beaulieu (av. 1564-ap. 1603) et Marie de Gournay (1566-1645), toutes
deux très engagées en faveur de leur sexe. Cette cour est du reste identifiée
par les contemporains comme un foyer de promotion de l’excellence des
femmes. L’historien Pierre Matthieu rapporte ainsi :

Les communs exercices de leur sexe sont tenus pour profanes, Elle [la reine]
renvoie aux dames de ville les ouvrages et veut que leurs esprits s’élèvent plus haut,
qu’ils courent dans les bons livres, s’arrêtent sur les bons exemples, et fassent passer
heureusement le génie et les grâces d’une langue en une autre. La musique, la
peinture, la poésie et les mathématiques ne permettent qu’une heure de temps leur
24
échappe sans plaisir ou profit .

La mise en valeur des femmes fortes

Si l’élévation de la position des femmes nobles est acceptée par la


plupart des courtisans, qui trouvent leur compte à les fréquenter, elle est
néanmoins ressentie comme contre-nature par beaucoup d’observateurs
extérieurs, voire contestée de l’intérieur par les opposants, et brocardée à la
moindre occasion. Les dirigeantes travaillent donc non seulement à
renforcer le pouvoir féminin, mais à le légitimer. Elles s’y emploient dans le
cadre de leur mécénat — activité de rigueur pour elles, vers qui convergent
d’emblée les candidats à la « protection » 25. Bien plus que leurs
prédécesseuses, qui fondaient volontiers des couvents et des hôpitaux,
celles de la Renaissance favorisent la production d’œuvres qui contribuent à
restaurer la position de leur sexe.
L’histoire des femmes célèbres est privilégiée. Ces héroïnes n’ont-elles
pas prouvé que, contrairement à ce que soutiennent les misogynes, les
femmes peuvent gouverner, faire la guerre, enseigner, créer, prêcher,
entraîner les foules ? L’idée est sans doute née dans l’entourage de la
malmenée Jeanne Ire de Naples : c’est l’une de ses proches qui a commandé
à Boccace son De claris mulieribus (v. 1360). Cette œuvre qui rassemblait
une grosse centaine de notices sur des femmes « extraordinaires » (de la
mythologie païenne ou biblique, de l’histoire antique ou plus récente) a fait
le tour de l’Europe, où elle a été massivement traduite, imitée, voire
détournée — la liste d’héroïnes évoluant d’un livre à l’autre en fonction de
la démonstration souhaitée et de l’apparition de nouvelles figures.
C’est dans cette optique que, dès 1500, Louise de Savoie fait traduire
les Héroïdes d’Ovide : des lettres d’amour blessé de dix-huit héroïnes (et
trois héros) de la mythologie antique, occasion de dénoncer les défauts des
hommes, mais aussi de rappeler leurs propres exploits. L’ouvrage connaît
vingt-cinq rééditions jusqu’en 1580. Au même moment, Anne de France
commande une Fleur des dames (une « sélection des meilleures »), qui
paraît en 1503 avec trois autres traités dans un recueil intitulé La Nef des
dames vertueuses. Sa belle-sœur Anne de Bretagne fait réaliser l’année
suivante des Vies des femmes célèbres. Lors de sa seconde régence, Louise
fait rédiger les Gestes de Blanche de Castille, reine par deux fois chargée du
gouvernement par son fils Saint Louis — comme elle-même par François ;
et elle se fait représenter, sur l’enluminure qui ouvre le livre, tenant le
gouvernail de la France. Elle commande des traités sur sainte Anne (dont le
culte est récent) et sainte Marie-Madeleine (qu’un érudit vient juste de
dissocier de la « pécheresse » des Évangiles 26). Sa fille fait traduire en 1538
les Mérites des femmes de Plutarque, et l’année suivante l’Hécube
d’Euripide. Sa petite-fille Marguerite de France (1523-1574) fait retraduire
vers 1559 le texte de Plutarque, et Catherine de Médicis en redemandera
une nouvelle traduction au grand helléniste Jacques Amyot (Les Vertueux
Faits des femmes, 1572) 27. La reine mère est également à l’origine des
Mémoires et recherches de la dévotion, piété et charité des illustres roynes
de France, ensemble les églises, monastères, hospitaux et collèges qu’elles
ont fondez et édifiez en divers endroits de ce royaume (1586), livre publié
par l’apothicaire et humaniste Nicolas Houel.
Les arts sont eux aussi mis à contribution pour faire voir à tout un
chacun la grandeur des reines, des saintes, des sibylles… et des
gouvernantes. Les beaux manuscrits n’atteignent pas le grand public, mais
leurs enluminures sont admirées des gens qui comptent à la Cour et
montrées aux visiteurs influents. Or les princesses ne manquent jamais de
s’y faire représenter entourées de « leurs femmes » et de grands dignitaires,
dans une pièce luxueuse, sous un dais royal ou assises sur leur trône, se
faisant remettre l’ouvrage par son auteur à genoux… Elles suggèrent aussi
des comparaisons, comme Catherine de Médicis avec la série de tapisseries
monumentales célébrant Artémise II d’Halicarnasse, célèbre pour sa fidélité
à son défunt mari. Les jeux de société eux-mêmes sont enrôlés dans la
démonstration. À la fin du XVe siècle, alors que la « dame » des échecs
acquiert la capacité de circuler verticalement, horizontalement et en
diagonale sur l’échiquier, devenant ainsi la pièce la plus mobile et l’une des
plus puissantes de toutes, on invente le jeu de dames. Qui est vite investi de
connotations politiques : des jeux fabriqués pour Anne de Bretagne,
Marguerite d’Autriche, Louise de Savoie, Marguerite de Navarre, Claude de
France, Éléonore d’Autriche, Marie de Hongrie… présentent des pièces
figurant, pour une moitié du damier, des femmes d’État contemporaines
(dont elles-mêmes), et pour l’autre moitié, leurs homologues masculins ;
comme si chaque camp, numériquement égal à l’autre, s’apprêtait à lui
livrer bataille 28.
Plus visible et plus impressionnant, le vitrail est utilisé pour montrer des
femmes fortes, à l’instar des magnifiques séries de sibylles et de dames qui
ornent la cathédrale d’Auch, réalisées au temps où Marguerite de Navarre
résidait chez elle 29. La sculpture sert aussi : ce sont encore des sibylles qui
accueillent Catherine de Médicis et Henri II lors de leur « entrée royale » à
Amboise, en avril 1551 : elles sont dix juchées sur une colonne, à la vue de
tous les habitants 30. Ces cérémonies somptueuses organisées par les villes
lorsque y vient le souverain ou la souveraine sont en effet l’occasion de
mettre en scène la puissance des reines — d’autant que, comme les sacres,
ce sont souvent les reines mères qui s’en occupent. À plus forte raison les
dirigeantes soignent-elles leurs propres apparitions publiques. Voir la reine,
c’est alors bien souvent voir d’abord une escouade de femmes toutes plus
parées les unes que les autres. Ces mises en scène, faites pour
impressionner, ne sont pas sans susciter des fantasmes autour des plus
puissantes, comme en témoigne l’« escadron volant » de Catherine de
Médicis, groupe de femmes soupçonné de servir leur maîtresse jusque dans
le lit des hommes à gagner à sa cause.

Néoplatonisme, pétrarquisme :
le soutien apporté aux idéologies philogynes

À côté de la démonstration par l’exemple, les dirigeantes s’efforcent de


légitimer le pouvoir des femmes en soutenant des courants de pensée qui
leur sont favorables. C’est le cas du néoplatonisme. Cette philosophie
résulte des réflexions de l’Académie rassemblée à Florence autour de
Marsile Ficin dans les dernières décennies du XVe siècle, et désireuse de
revaloriser Platon — délaissé depuis plusieurs siècles au profit d’Aristote.
Dans leur volonté d’adapter sa pensée au monde chrétien, ces humanistes
ont appelé à reconsidérer l’amour humain, y compris entre individus non
mariés. Ce qui depuis des siècles était associé au Mal est ici rapporté à
Dieu, au nom de l’ordre profond qui, selon Platon, caractérise le monde par-
delà son chaos apparent. Ainsi, l’homme amoureux d’une femme qui ne lui
est pas destinée apprend, dans la souffrance, à respecter l’autre, à discerner
l’essentiel de l’accessoire, à saisir ce qu’est le véritable amour, et donc celui
de son créateur ; en bref, il travaille à son salut (il sort de la caverne). Quant
à la femme, elle n’est plus la créature manipulée par Satan, mais au
contraire la médiatrice que Dieu a placée sur le chemin de l’homme pour
l’attirer à Lui. Bien entendu, les lois civiles doivent être respectées : il faut
se contenter de mots, de regards, de sentiments… restrictions que désigne
l’expression demeurée célèbre depuis cette époque : « l’amour platonique ».
Cette philosophie est exposée dans le Commentaire sur le Banquet de
Platon de Marsile Ficin, rédigé en 1469.
L’un des premiers ouvrages à l’introduire en France est la Nef des
dames vertueuses, recueil de traités rédigés pour Anne de France en 1503.
À la génération suivante, c’est autour de Marguerite de Navarre que ces
idées se diffusent : l’un de ses poètes, Antoine Héroët, propose une
traduction en vers du Banquet (L’Androgyne de Platon, 1542), qui sera
réimprimée une dizaine de fois ; et un autre de ses proches, Jean de
La Haye, réalise la traduction du traité de Ficin en 1547. Puis sa petite-nièce
Marguerite de Valois reprend le flambeau : en 1578 paraît une nouvelle
traduction de ce bréviaire, demandée à Guy Le Fèvre de la Boderie, tandis
qu’elle-même s’affiche adepte de cette philosophie.
Le néoplatonisme se diffuse également par l’intermédiaire d’autres
écrits. Le Livre du courtisan de Baldassare Castiglione (1528) est publié en
France en 1537, avec la protection de François Ier, lit-on en ouverture de
l’ouvrage, mais très probablement à l’initiative de sa sœur Marguerite. Le
traducteur, Jacques Colin, est entré au service du roi à l’initiative de Louise,
et c’est un grand ami de Marot, l’un des hommes les plus proches de sa
fille. L’ouvrage est un traité de civilité, dont les enseignements sont distillés
à travers les propos échangés à la cour d’Urbino, quatre soirs de suite, entre
la maîtresse des lieux (la duchesse Élisabeth de Gonzague) et quelques-uns
de ses familiers (sa dame de compagnie Emilia Pia, le futur duc de Florence
Julien de Médicis, les écrivains Pietro Bembo et L’Arétin…). Leurs propos
dessinent ce que doivent être les rapports entre femmes et hommes dans une
cour : la dame doit animer la vie sociale et mener la conversation, briller par
sa finesse, sa mesure et sa grâce, se moquer des misogynes. L’homme doit
se mettre à l’école des dames, se rendre agréable par ses bonnes manières,
prendre leur défense et montrer l’absence de fondement des idées reçues à
leur égard. Le Courtisan constitue donc un manuel de bonne conduite pour
la masse des hommes qui, tout en ayant affaire à la Cour, n’ont pas été
initiés à ses codes par des proches : il les aide à comprendre les usages de
ce monde, à admettre le rôle dominant des femmes, à intégrer le système
des injonctions et des interdits qui en régulent la vie quotidienne, à
apprécier ce système. Devenu la bible de la Cour, l’ouvrage le restera
jusque tard dans le XVIIe siècle.
Dans le même ordre d’idées, les princesses font un triomphe à la poésie
« pétrarquiste », c’est-à-dire inspirée par le Canzoniere (« chansonnier ») où
le grand humaniste italien (prêtre de son état) avait consigné les affres de
son amour pour Laure, depuis leur rencontre jusqu’après le décès de la
jeune femme. Découvert plusieurs décennies après sa mort, publié dès les
premiers temps de l’imprimerie, ce recueil est devenu un modèle pour de
nombreux poètes, notamment les néoplatoniciens, car le rôle que Pétrarque
accordait à Laure dans son propre cheminement spirituel rejoignait leur
conception de l’amour. D’autres reconnaissent la tradition courtoise dans
cette manière de placer la femme aimée sur un piédestal et de lui
reconnaître le pouvoir de tenir dans ses mains le bonheur ou le malheur de
son « serviteur ». En France, c’est d’abord le Lyonnais Maurice Scève qui
se fait le disciple de Pétrarque, en publiant sa très ardente et très ésotérique
Délie (1544). Mais cette « manière » se répand surtout à l’initiative de la
sœur d’Henri II, Marguerite de France, qui enjoint les poètes de la future
« Pléiade » à s’engager dans cette voie — d’où l’Olive de Du Bellay (1549),
les Erreurs amoureuses de Tyard (idem), les Amours de Ronsard (1552), les
Amours de Magny (1553), la Clarté amoureuse de Le Caron (1554). Vingt
ans plus tard, c’est Catherine de Médicis qui invite Ronsard à renouer avec
cette veine, d’où les Sonnets pour Hélène (1578). Quant à l’Album de
poésies 31 rassemblé pour Marguerite de Valois à partir de la même époque,
il révèle à quel point cette poétique était conforme aux idéaux de son
inspiratrice.
Même si, à l’image de Ronsard, tous les poètes ne sont pas convaincus
par la dimension mystique du néoplatonisme, ni par ses implications en
termes de renversement des rôles de sexe, tous ceux qui veulent plaire à la
Cour — c’est-à-dire aux dames — devront « pétrarquiser » jusqu’à la fin
des années 1580, c’est-à-dire jusqu’à la mort de la reine mère 32.

La promotion du théâtre moderne —


c’est-à-dire profane et mixte

Les dirigeantes jouent également un rôle prépondérant dans les


mutations que connaît le théâtre au XVIe siècle, en travaillant à renforcer le
poids des femmes, à la fois comme personnages et comme actrices.
Jusqu’aux années 1530, en effet, le théâtre est un phénomène
essentiellement urbain et masculin. Financé par les municipalités, il est joué
sur les places publiques lors des grandes fêtes annuelles, ou pour des
occasions spéciales. Le gros des spectacles est constitué de pièces qui
enseignent l’histoire sainte (mystères, miracles, passions), mais on y voit
aussi des moralités, qui apprennent à reconnaître le bien du mal, et encore
des farces et des sotties, qui détendent. Les premières recyclent pour la
scène les intrigues des fabliaux (histoires d’arroseurs arrosés motivés par
divers désirs — argent, sexe, nourriture, vengeance…), les secondes
commentent l’actualité de manière drolatique, voire ordurière. La plupart
des personnages sont interprétés par des étudiants et artisans réunis en
confréries, pour lesquels le théâtre est un hobby (en général viril : certaines
confréries se donnent le nom de conards, et on retrouve leurs membres
menant les charivaris ou festoyant dans les bordels municipaux). Il arrive
cependant que les bourgeois de la ville jouent des rôles prestigieux dans les
pièces religieuses (qui demandent peu d’adresse). C’est dans ce cadre qu’il
arrive à des femmes de monter sur les planches. Sauf très rares exceptions,
les autres rôles féminins sont joués par les confrères. Rôles peu diversifiés,
du reste, et souvent grossièrement comiques : vieilles nourrices, viragos,
« Mères Sottes », etc.
Pour l’essentiel, ce théâtre ne survit pas à la naissance de la Réforme,
qui divise donneurs d’ordre et exécutants sur le contenu des pièces, voire
provoque des rixes au sein du public. Les villes cessent d’elles-mêmes de
financer les spectacles, ou elles se plient aux édits les interdisant, comme
celui du Parlement de Paris qui, en 1548, n’autorise plus qu’une troupe à
représenter des passions dans la capitale, en milieu fermé. Seul le théâtre
« apolitique » se maintient, celui des farces, quoiqu’au prix de mutations
importantes : des troupes itinérantes le prennent en charge et l’adaptent à
elles, pour donner du travail à tous les membres de ces petits groupes
mixtes de gens de tout âge : les personnages se diversifient, les intrigues se
complexifient. Ce théâtre-là, provincial, campagnard, n’a aucune influence
sur les élites. En revanche, deux autres, très nouveaux, en ont une fort
grande : d’une part celui qui émerge dans les collèges, à l’initiative de
professeurs qui font jouer à leurs étudiants des pièces de l’Antiquité ou
imitées des originales (en latin ou en français) ; d’autre part celui qui se
développe à la Cour, à l’initiative des reines et princesses.
Les premières dirigeantes semblent avoir tenté d’infléchir le théâtre
traditionnel. Ainsi, Anne de France est certainement à l’origine du Mystère
des Sibylles représenté en décembre 1491 devant le château du Plessis à
Tours, à l’occasion de l’entrée solennelle dans cette ville de la jeune Anne
de Bretagne, tout juste mariée à Charles VIII. Quoique les archives de la
ville ne disent rien du sexe des « 17 personnages » pour lesquels il fallut
acheter « 35 aunes de taffetas » et « 17 paires de gants », on peut faire
l’hypothèse que les douze sibylles étaient jouées par des femmes de la
bonne bourgeoisie locale 33. Une autre pièce est dédiée à Louise de Savoie
dans les premières années de sa présence au pouvoir : le Dict des Sibylles.
La régente appuie également le montage du Mystère des trois martyrs à
Valence, en 1525, où l’épouse d’un consul de la ville joue le rôle de la
Vierge 34. Sa fille fait de même retravailler et jouer le vieux Mystère des
Apôtres. Mais surtout, elle poursuit l’acclimatation du théâtre de Cour. Peu
à peu, on s’habitue à y voir des comédies, des moralités, des pastorales, des
momeries, des mascarades… parmi lesquelles ses propres pièces. Et ce sont
désormais ses proches qui interprètent les rôles, voire les plus grandes
dames de la Cour. Ainsi la distribution de l’une de ses farces, en 1542, est
assurée par trois de ses amies : Anne d’Heilly, duchesse d’Étampes,
maîtresse de son frère (1508-1580), Marguerite de Bourbon-Vendôme,
duchesse de Nevers (1516-1559), Louise de Clermont-Tallard, duchesse
d’Uzès (1504-1596), et aussi sa nièce Marguerite de France.
Contemporaine de la génération de lettrés qui renouent avec le théâtre
antique dans les collèges, celle-ci commande à George Buchanan, Écossais
considéré comme le premier auteur de tragédies classiques, une traduction
d’Alceste (héroïne d’Euripide) qu’il réalise en latin et lui offre en 1556.
Avec sa belle-sœur Catherine de Médicis, elle convainc l’un des membres
de la Pléiade, Étienne Jodelle, d’écrire plusieurs comédies et tragédies
d’inspiration antique, d’où provient vraisemblablement sa Didon se
sacrifiant. Il collabore également à la Pastorale sur les mariages, à
l’occasion de ceux de Marguerite et de sa nièce Élisabeth, en 1559, pièce
que publiera son principal auteur, Jacques Grévin, tandis que d’autres
poètes de la Pléiade, dont Du Bellay, mettent au point pour cette occasion
plusieurs divertissements à représenter.
Catherine induit d’autres changements. Sa culture initiale et les
nombreux Italiens qui la suivent à la Cour l’ont mise au contact des genres
expérimentés dans la Péninsule. Lors de son premier séjour à Lyon, en
1548, la ville fait représenter pour elle une comédie italienne, la Calandra,
que les contemporains identifient immédiatement comme relevant d’un
« nouveau théâtre », et qui est jouée par une troupe professionnelle mixte.
Elle poursuit en faisant adapter par Mellin de Saint-Gelais une tragédie
« classique », la Sophonisbe du Trissin, qui est interprétée en 1556 par son
amie la duchesse d’Uzès, sa bru la dauphine Marie Stuart (1542-1587), ses
filles Élisabeth (1545-1568) et Claude (1547-1575), ainsi que la fille
naturelle de son époux, Diane (1538-1619). Peut-être rejouée en 1559 à
l’occasion des mariages royaux, la Sophonisbe est la dernière tragédie jouée
à la Cour au XVIe siècle.
Il n’est pas sûr que le funeste souvenir attaché à cette pièce (la mort
d’Henri II) soit à l’origine de ce changement de cap. Le théâtre humaniste
est trop didactique, trop historique, trop « romain » (c’est-à-dire trop viril)
pour plaire à la Cour. Dès lors, en tout cas, la reine mère favorise des genres
plus légers et plus sentimentaux. Les pastorales, par exemple, qui font
parler d’amour bergers et bergères, à l’image de la Bergerie *4 qu’écrit
Ronsard pour les enfants de France à l’occasion des fêtes données à
Fontainebleau en 1564. Les tragi-comédies, également, dont les intrigues
mettent en scène de grands personnages mais dont les fins sont heureuses,
comme la Belle Genièvre, jouée pour la même occasion et interprétée par
les princesses et les princes de la Cour. C’est la première fois qu’une pièce
est tirée d’un épisode du Roland furieux de l’Arioste, grand poème narratif
datant du début du siècle et situé au temps des croisades. Cette œuvre qui
fourmille d’histoires d’amour fabuleuses entre héros et héroïnes (dont
quelques magnifiques guerrières) inspirera des dizaines d’auteurs et
compositeurs jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. La reine mère accueille aussi
des troupes mixtes qui jouent la commedia dell’arte, dont l’une des plus
fameuses, celle des Gelosi, finira par s’installer à Paris. Tout ce nouveau
théâtre est marqué par des intrigues où l’amour peut tenir une grande part
(voire toute la part) et où des jeunes gens triomphent de l’adversité. Il est à
l’origine de celui qui, résolument mixte et professionnel, explosera bientôt
dans des salles parisiennes, pour le plus grand plaisir d’un public de plus en
plus large. La reine mère fait par ailleurs jouer en 1581 dans son hôtel
parisien les Enchantements de Circé, sans doute la première de ces
comédies-ballets qui feront les beaux jours de Versailles sous le règne de
Louis XIV.
De la même manière, la fille de Marguerite de Navarre, Jeanne d’Albret
(1528-1572) et sa petite-fille Catherine de Bourbon promeuvent le théâtre à
Pau. Marguerite de Valois en fait autant à Nérac, où elle fait venir des
troupes professionnelles mixtes. « Ils jouèrent hier la tragédie d’Iphigénie
extrêmement bien, écrit-elle en juin 1581 à son époux, le futur Henri IV, et
demain je leur ferai jouer, dans un fort beau pré où il y a des arbres, lieu fort
propre, Aminte 35 » ; c’est-à-dire une pièce du Tasse dont son amie Henriette
de Nevers avait donné l’une des premières traductions, et qui promouvait
un idéal de paix entre les sexes. On ne sait ce qu’elle fit jouer à Usson, mais
sans doute beaucoup de pièces puisqu’elle y avait fait aménager un théâtre.

LE TEMPS DES ROIS FAVORABLES


À LA PUISSANCE DES FEMMES

Si des femmes parviennent à occuper cette place à la tête de l’État et à


la Cour, c’est que les rois sont d’accord. Et s’ils sont d’accord, ce n’est pas
par complaisance envers leurs parentes et leurs maîtresses. Dans un régime
qui leur donne tout pouvoir de s’entourer de qui ils veulent, et dans un
contexte où tant de livres de tous les temps affirment qu’il faut se méfier
des femmes, on pourrait même plutôt s’attendre à ce qu’ils leur réservent
des rôles strictement décoratifs. Or ils vont dans le sens inverse. C’est qu’ils
ont intérêt à s’appuyer sur celles qui les entourent, et même à ce que tout le
monde le sache. Ce faisant, ils manifestent leur désaccord avec les théories
dont la France est inondée, et ils les mettent partiellement en échec.
Des intérêts personnels et politiques

Deux raisons particulières conduisent les Valois à s’engager dans ce


sens. La première est conjoncturelle. Elle réside dans l’inquiétante baisse de
valeur des princesses royales consécutive au changement de mode
successoral français, et aux théorisations avancées pour le justifier. La « loi
salique *5 », en effet, ne sape pas seulement la légitimité du pouvoir des
filles de rois ou de leurs parentes appelées à gouverner en cas de minorité
royale. Elle atteint les monarques « de droit divin » eux-mêmes : et dans
leur personne, puisqu’une partie de leur « sang » est décrétée sans valeur, et
dans leur pouvoir concret, puisqu’ils ne peuvent pas toucher à cette loi
prétendument aussi ancienne que le pays. Pire : dès les années 1480, elle est
chantée par ses partisans comme la « première loi des Français », ce qui
signifie qu’on pense à d’autres. Et effectivement, moins d’un siècle plus
tard, la France est dotée de « lois fondamentales du royaume », que chaque
théoricien voit certes à sa manière mais qui forment l’amorce d’une
constitution — autant dire un corset limitant l’action des monarques 36.
L’autre grande raison qui pousse les rois à donner du pouvoir à des
femmes est structurelle. Elle est liée aux progrès de l’absolutisme. La
puissance de la monarchie s’accroissant aux dépens des grands féodaux,
ceux-ci cherchent à entraver ce mouvement : ils exigent d’être associés au
pouvoir à chaque minorité royale, et ils se liguent contre lui chaque fois
qu’il est en difficulté. La Praguerie (1440), la Ligue du Bien public (1465),
la Guerre folle (1485-1488), les différentes ligues catholiques du temps des
guerres de religion (1568, 1576, 1585), la Fronde (1648-1652) sont les
moments les plus visibles de cette confrontation 37. Les rois s’entourent
donc de plus en plus, pour gouverner, de gens qui ne risquent pas de les
trahir : des hommes de la petite et moyenne noblesse dont ils assurent
l’ascension par des faveurs (ceux qu’on appelle très vite des favoris) ; des
femmes de la famille royale, qui leur sont d’autant plus fidèles que la route
du trône leur est barrée, et qui sont elles-mêmes entourées de femmes
compétentes à qui la société n’offre que bien peu d’autres moyens de
réaliser leurs ambitions.
Quant aux favorites, qu’elles soient issues de ces aréopages ou des
familles de petite et moyenne noblesse qui se pressent à la Cour, elles
deviennent elles aussi une institution de la monarchie absolue (la première
apparaît avec Charles VII, les dernières disparaissent avec Louis XV). Bien
plus que simples maîtresses, ces femmes que tout le monde peut et doit
admirer sont des compagnes de vie pour certains rois (qui n’ont
généralement pas choisi leur épouse), voire des compagnes de
gouvernement, à l’image d’Anne d’Heilly pour François Ier et de Diane de
Poitiers pour Henri II. Si elles attirent les foudres des censeurs, et si les rois
ne sont pas épargnés par les critiques, elles délivrent à tout un chacun des
messages dont l’intérêt dépasse de loin ces inconvénients : le monarque
français est « viril » ; ce n’est pas le sexe qu’il partage avec ses favoris ; il
est au-dessus des règles (y compris celles de l’Église) ; il fait ce qu’il veut.

La délégation des « affaires culturelles » aux femmes

On a vu que les femmes rassemblées autour des princesses étaient


chargées d’animer la Cour, et que des moyens matériels, idéologiques et
intellectuels leur étaient donnés pour accomplir cette mission. De fait, cette
tâche est globalement supervisée par les épouses et les parentes du roi, voire
leurs maîtresses.
Charles VIII a pu mesurer l’intérêt de la chose, ayant vu sa sœur faire
travailler des artistes, des historiens, des écrivains, faire bâtir ou restaurer
des châteaux ou des chapelles, s’occuper des spectacles donnés lors des
grandes cérémonies de son règne 38. Il laisse donc son épouse Anne de
Bretagne reprendre ce flambeau dans ses terres et autour de lui — d’autant
qu’il rêve de conquête et quitte le territoire national. Louis XII en fait
autant. Ayant laissé la pleine jouissance de ses moyens à la « deux fois
reine », il se satisfait de la voir déployer une activité culturelle considérable,
tant en France qu’en Bretagne, et développer cette « cour des dames » qui
lui tenait à cœur 39.
François Ier tranche quelque peu avec ses prédécesseurs et ses
successeurs. Grand amateur d’art et de littérature, il assume
personnellement une bonne partie de la politique culturelle de son règne,
surtout en matière architecturale et picturale. Mais c’est de sa mère qu’il
tient son goût pour les arts, et c’est elle qui prend en charge l’essentiel des
relations avec les auteurs, les imprimeurs, les enlumineurs, les traducteurs
de livres imprimés ou manuscrits 40. Plus lettrée que lui, sa sœur investit les
mêmes territoires durant la vingtaine d’années qu’elle passe à la Cour de
France. Il la laisse infléchir les us et coutumes en matière de festivités,
protéger des intellectuels, soutenir le développement des universités de
Bourges et de Nîmes. De sorte qu’on recherche autant la protection de l’un
que de l’autre 41. Dans la seconde partie du règne, la duchesse d’Étampes
reprend dans une moindre mesure ce rôle d’organisatrice des loisirs de la
Cour, et elle s’investit fortement dans la transformation du château de
Fontainebleau, dont elle fait le lieu de son triomphe.
Henri II fournit de même à Diane de Poitiers les moyens de faire
construire Anet, où elle fait travailler les principaux artistes de son temps
(Jean Cousin, Philibert Delorme, Jean Goujon, Primatice) et où elle fait
mettre en scène sa puissance, en recourant elle aussi aux femmes célèbres
(la déesse Diane, bien sûr, mais également Artémise et Minerve). Le roi se
réjouit de voir les poètes lui dédier leurs œuvres, lui offrir des compliments,
et broder d’innombrables métaphores sur le soleil, la lune et les figures
divines qu’on leur associe. L’autre femme qui domine la vie culturelle est sa
sœur Marguerite, qu’il ne marie qu’à trente-six ans, l’année même où il
décède. La « deuxième perle de France » demeure donc durant tout son
règne la grande patronne des lettres françaises, non seulement comme
figure tutélaire occupant une place forgée par sa tante, mais par sa capacité
à soutenir les ambitions des créateurs les plus innovants et à les mettre au
service du roi et de la Cour.
Une fois au pouvoir, Catherine domine la scène culturelle aussi
naturellement que la scène politique. Régente au moment où se déclenchent
les premières guerres civiles et religieuses, elle supervise la propagande
d’État, quel que soit le support emprunté (poésie, histoire, littérature
polémique…). Devenus adultes, ses fils laissent faire une femme qui a
acquis une telle expérience, et qui s’intéresse en outre à tous les arts
susceptibles de montrer la grandeur de leur action. Peinture, architecture,
horticulture, sculpture, orfèvrerie, théâtre, poésie…, elle est présente sur
tous les fronts, à Paris comme dans les châteaux que possède la
monarchie 42.
Enfin, le futur Henri IV laisse son épouse animer la cour de Nérac et
réaménager le château et son parc entre 1579 et 1582. Il agit de même à
partir de 1605, après le retour à Paris de celle dont il s’est séparé. Loin de
trouver qu’elle lui fait de l’ombre, il l’autorise à faire construire un
magnifique palais juste en face du Louvre, de l’autre côté de la Seine, où
elle reçoit poètes, traducteurs, philosophes, savants, musiciens, théologiens,
magistrats français, visiteurs étrangers… qui se mettent aussitôt à chanter
les louanges du Parnasse royal. Pour lui comme pour bien d’autres
observateurs, il est clair que la « dernière des Valois » détient en la matière
le savoir-faire de cette dynastie ; or la chose est aussi utile pour son pouvoir
que la fidélité politique affichée par cette proximité.

L’Académie du Palais,
ou les premières académiciennes

Les fils de Catherine de Médicis sont connus pour avoir favorisé la


création des premières académies françaises. À la fin des années 1560, le
poète Jean-Antoine de Baïf avait fondé un cercle destiné à populariser les
« vers mesurés », c’est-à-dire la poésie chantée, et Charles IX s’en était fait
le protecteur. Ayant officialisé son existence par des lettres patentes, mais
voyant la reconnaissance de celles-ci ralentie par le Parlement et
l’Université de Paris, il était intervenu pour mettre un terme à ces
tergiversations, et il avait enjoint à plusieurs de ses ministres d’assister,
comme lui, à ses séances. Henri III reprend l’idée en 1576, mais il la
transforme : c’est au Louvre (au « Palais ») qu’il appelle à de savants
colloques, dont il attend qu’ils alimentent sa réflexion et celle de son
entourage. Agrippa d’Aubigné, qui en était, précisera dans son Histoire
universelle :

C’était une assemblée qu’il faisait deux fois la semaine en son cabinet, pour ouïr
les plus doctes hommes qu’il pouvait, et même quelques dames qui avaient étudié, sur
43
un problème toujours proposé par celui qui avait le mieux fait à la dernière dispute .

Comme l’expliquera l’un des historiens de ce cénacle, « tous les grands


dignitaires de l’État, tous ceux qui avaient quelque intérêt à plaire au roi et à
aller au-devant de ses vœux, s’empressaient de se faire admettre à
l’Académie et s’engageaient à verser tous les six mois de riches
gratifications ». Les femmes ne sont pas les dernières. Grâce au fils de l’un
de ses membres, on sait que « Catherine de Médicis apposa sa signature sur
le registre de Desportes et qu’à son exemple les dames de sa suite y
inscrivirent leur nom et le chiffre de la somme “qu’elles avaient promis de
donner pour l’établissement et pour l’entretien de l’académie” 44. » Ce
registre ayant disparu, et seuls quelques-uns des discours prononcés là ayant
été conservés, on ne peut que faire des hypothèses sur l’identité des femmes
qui ont pu y briller, au-delà des deux que nomme Aubigné dans sa lettre À
mes filles touchant les femmes doctes de nostre siecle : la maréchale de Retz
et Madame de Lignerolles. « Me souvient qu’un jour entre autres, écrit-il, le
problème était sur l’excellence des vertus morales et intellectuelles ; elles
furent antagonistes, et se firent admirer 45. »
Parmi les autres érudites qui durent participer activement à cette
académie figure au premier chef la sœur du roi, qu’Aubigné fait sans doute
exprès de ne pas nommer. Elle n’en dit rien dans ses Mémoires, mais elle ne
parle pas davantage du salon de son amie la maréchale, dont elle était l’une
des vedettes. On voit mal à quoi d’autre Brantôme pourrait faire allusion
lorsque, après avoir rappelé qu’en août 1573 elle répondit brillamment aux
ambassadeurs polonais (qui s’étaient exprimés en latin), il affirme que si
quelqu’un pouvait « faire un recueil, et [de ses lettres] et de ses discours, ce
serait autant d’école et d’apprentissage pour tout le monde 46. » De même, la
troisième grande officiante du « salon vert », Henriette de Clèves, peut
difficilement n’avoir pas fréquenté l’Académie, elle qui traduisait des
pièces de théâtre italiennes et se passionnait pour la dramaturgie, au point
que Jean de La Taille lui avait dédié son Discours sur l’art de la Tragédie
(1572). Madeleine de l’Aubépine (1546-1596), qui tenait également salon,
eut certainement l’occasion de défendre là quelques thèses qu’elle allait
faire publier, de même que Jeanne de Laval, alias Madame de Sennetaire,
dont un magistrat parisien très au courant de la vie culturelle de son temps
nous apprend qu’Henri III « faisait grand état de ses discours, jusqu’à
l’entretenir en toutes les compagnies où il la rencontrait, laissant là toutes
les autres pour deviser avec cette dame 47 ». Quant à l’auditoire de
l’Académie, il devait être composé d’autant de femmes que d’hommes, vu
l’exemple montré par la reine mère et le niveau intellectuel de son
entourage féminin.
Postérieure aux salons des Retz et des Villeroy, où le futur Henri III n’a
aucune raison de n’être pas allé, l’académie qu’il installe au Palais une fois
devenu roi semble ainsi s’en inspirer sensiblement, peut-être même
davantage que de l’académie soutenue par son frère aîné, plus ambitieuse et
plus spécialisée. En tout cas, il lui donne un lustre et un sens tout à fait
particulier, puisque les savantes et les savants de la Cour sont appelés à
contribuer, sans distinction de statut, d’ordre ni de sexe, à l’accroissement
de la culture de l’élite, et que chacun·e est invité·e à profiter des savoirs
qu’elle répand (tout en contribuant matériellement à ses activités). Sans
doute aucun roi n’a-t-il jamais pris parti aussi clairement pour l’égalité des
sexes, et peut-être cette initiative a-t-elle pesé d’un poids décisif dans le
tournant que prend alors la Querelle des femmes, où l’accent va désormais
être mis sur le sujet que résumera bientôt Artus Thomas : Qu’il est bien
séant que les filles soient sçavantes (1600).

LE TEMPS DES INTELLECTUELS ENGAGÉS


EN FAVEUR DES FEMMES

La présence de femmes au pouvoir et de rois favorables à la puissance


de leur entourage féminin conduit évidemment les lettrés désireux de se
faire bien voir à « brosser dans le sens du poil ». Il est indéniable qu’une
partie de la littérature chantant les mérites des femmes en général, et de
certaines en particulier, relève de cet opportunisme. Une autre s’inscrit non
moins évidemment dans le plaisir de soutenir une thèse osée, en s’appuyant
sur l’art de la rhétorique auquel tous les lettrés sont entraînés, à l’image de
la dissertation « Que l’excellence de la femme est plus grande que celle de
l’homme » insérée par Charles Estienne dans son recueil de Paradoxes, ou
propos contre la commune opinion […] pour exerciter les jeunes avocats en
causes difficiles (1553). Bien des textes, néanmoins, témoignent d’un
engagement sincère, fondé sur la croyance profonde en l’égalité des sexes,
et aiguillonné par la colère face aux « collègues » qui défendent sans
vergogne leurs privilèges. Les savantes dont s’enorgueillit la Renaissance
ne doivent du reste leur existence qu’au zèle des professeurs qui ont
activement travaillé à les former et à leur donner le goût d’exercer leurs
talents.
Une poussière de lettrés « querelleurs »

e
Si c’est une femme qui, à l’orée du XV siècle, a donné le coup d’envoi
public d’une Querelle qui couvait déjà, ce sont longtemps des hommes qui
relèvent le gant : ils se font ainsi les « champions » que Christine se désolait
de ne pas voir entrer en lice pour défendre son sexe. Le mot féministe
n’existant pas encore, c’est alors ce terme qui, à la suite du Champion des
dames de Le Franc, tend à s’imposer pour désigner ceux qui s’engagent
dans ce combat, à côté d’autres termes empruntés au même champ lexical
venu du Moyen Âge mais toujours très présent dans l’imaginaire de
l’époque. Ainsi l’auteur signant « le Dolent fortuné » propose-t-il, vers
1470, un Chevalier des dames qui sera imprimé deux fois avant de recevoir
un titre plus agressif : Le Garant des dames contre les calomniateurs de la
noblesse féminine. Ces champions combattent ceux de l’autre camp,
notamment les « méchants » du Roman de la Rose — du moins tant que
dure le succès éditorial de ce texte. Le Chevalier des dames met ainsi en
scène Noble Cœur, qui, ayant entendu les plaintes de Noblesse féminine et
l’appel de Nature à la défendre, entre en joute — verbalement puis
physiquement — contre Cœur Vilain (Jean de Meun) et Male Bouche (son
héros)… qu’il finit par abattre tous les deux. D’autres titres mettent en
valeur la seule joute oratoire, comme L’Avocat des dames ou le Procès
d’honneur féminin de Pierre Michaut (vers 1460) et même, sous la plume de
Jean Marot (père de Clément), La Vray-disant Advocate des dames (vers
1506), un plaidoyer mis dans la bouche d’une femme et dédié à la reine
Anne de Bretagne 48.
Cette littérature se renouvelle et s’intensifie dans les années 1530, sans
doute en raison de l’entrée en scène de la sœur du roi comme autrice
imprimée. La princesse compte en effet des partisans aussi déterminés
qu’elle à combattre la misogynie ambiante. Jean Du Pré lui dédie Le Palais
des nobles dames en 1534. La même année, Clément Marot écrit pour le
mariage de sa belle-sœur une Épître présentée à la reine de Navarre par
Madame Ysabeau [la mariée] et deux autres demoiselles habillées en
Amazone, pour féliciter Marguerite de sa victoire sur les théologiens de la
Sorbonne ; et il traduit dans la foulée L’Abbé et la Femme savante
d’Érasme (Abbatis et eruditae), où la seconde se moquait du premier. Jean
Bouchet chante la grandeur de feue Louise de Savoie dans Le Jugement
poetic de l’honneur femenin (1537). Héroët défend l’idéal féminin proposé
par Castiglione dans Le Courtisan en publiant La Parfaicte Amye de cour
(1542), riposte à L’Amye de cour de Bertrand de la Borderie, qui soutenait
que les femmes de ce milieu étaient bien plus intéressées et cyniques que
vertueuses. Après la mort de Marguerite, le poète et savant Charles de
Sainte-Marthe rend hommage à sa protectrice : il compose et publie, en
latin puis en français, une Oraison funèbre de l’incomparable Marguerite
(1550), dans laquelle il érige sa culture en modèle de l’éducation à donner
aux femmes.
D’autres écrivains travaillent dans le même sens. Ce sont parfois des
anonymes, comme celui qui publie à Paris La Grant Triumphe et honneur
des dames et bourgeoises de Paris et de tout le royaulme de France (1531),
ou celui qui fait paraître une Epistre à la louange des dames, addressante à
une dame tholosaine (1545) — riposte à peine voilée aux très misogynes
Controverses des sexes Masculin et Femenin du sieur de Drusac. Le plus
souvent, toutefois, ces hommes s’engagent à découvert dans le débat,
cherchant à convaincre leurs contemporains de l’injustice qui accable les
femmes. François Habert publie un Jardin de foelicité, avec la louenge et
haultesse du sexe femenin, en ryme françoyse (1541), qu’il dédie
partiellement à la duchesse d’Étampes. Le Lyonnais Claude de Taillemont
affiche ses convictions platonisantes et sa confiance en l’excellence des
femmes dans un Discours des Champs faez [fées] à l’honneur et exaltation
de l’Amour et des dames (1553). Le secrétaire du cardinal Jean du Bellay,
François de Billon, compose Le Fort inexpugnable de l’honneur du Sexe
Femenin (1555), qu’il dédie collectivement à Catherine de Médicis,
Marguerite de France, Jeanne d’Albret, Marguerite de Bourbon-Vendôme
(1516-1559) et Anne d’Este (1531-1607). Un chanoine de Périgueux,
François Arnault de La Borie, entre en guerre lui aussi contre la Bible des
misogynes de la région avec son Anti-Drusac, ou Livret contre Drusac, faict
à l’honneur des femmes nobles, bonnes & honnestes (1564). Alexandre Van
den Bussche dédie à une certaine Madame de La Chastre un Recueil des
Dames illustres en vertu (1576). Le calviniste Alexandre de Pontaymeri
offre à la maréchale de Retz un Paradoxe apologetique où il est fidellement
demonstré que la femme est beaucoup plus parfaicte que l’homme en toute
action de vertu (1594).
On voit que la tendance est à la spécialisation : au sein de cette
production qui est en train de devenir un genre littéraire en soi, les ouvrages
sur les femmes « excellentes » en général commencent à côtoyer des livres
qui s’intéressent à des séries particulières : ici les vertueuses, mais ce sera
bientôt le tour des « femmes fortes » et des savantes, sans parler des
déclinaisons plus spécifiques encore auxquelles se livrera le XVIIe siècle : les
impératrices, les muses, les femmes illustres par leurs écrits, les précieuses,
les Amazones, etc. 49

Des humanistes « champions des dames »

Parmi tous ces « faux-frères » prêts à mettre en péril quelques-unes des


prérogatives de la clergie au nom de l’égalité des sexes, ceux qui se situent
dans ses franges les plus hautes sont les plus redoutables. Ils mettent dans
cette affaire leur immense savoir, leur maîtrise de plusieurs langues, leur
réputation — sans parler de leur mépris pour le lettré ordinaire. Leur
expérience, aussi, car ces « aristocrates du savoir » travaillent souvent au
service des puissants et des puissantes, quand ils ne se voient pas confier
l’instruction de leurs enfants. Occasions de vérifier sur pièce que « l’esprit
n’a pas de sexe », comme allait le dire un jour Poullain de La Barre *6.
Nombre d’ouvrages confectionnés à la demande des princesses ont ainsi
pour auteurs des hommes de très grand savoir. Les Héroïdes d’Ovide sont
données en français par Octavien de Saint-Gelais, un théologien qui allait
également traduire en vers l’Énéide de Virgile et des comédies de Térence.
Les quatre traités de La Nef des dames vertueuses sont l’œuvre de
Symphorien Champier, un docteur en médecine de l’université de
Montpellier déjà connu, à l’époque où Anne de France s’adresse à lui, pour
des travaux en philosophie et en histoire. Les Vies des femmes célèbres
voulues par Anne de Bretagne sont rédigées par Antoine Dufour, un
théologien dominicain apprécié pour son érudition et son éloquence, qui
allait aussi traduire la Bible et d’autres textes pour cette reine. Le traducteur
du Courtisan, Jacques Colin, devait mettre en français les Métamorphoses
d’Ovide et se voir chargé d’éditions de travaux d’histoire. La traduction la
plus célèbre des Mérites des femmes de Plutarque est due à Jacques Amyot,
l’un des meilleurs connaisseurs des lettres grecques de sa génération : un
homme repéré par Marguerite de Navarre depuis ses débuts de professeur
de latin et de grec à l’université de Bourges, à qui fut confié le transfert de
la Bibliothèque royale de Fontainebleau à Paris, puis l’instruction des
derniers Valois.
Le plus engagé dans cette voie est Henri Corneille-Agrippa, astronome,
médecin, juriste, féru en lettres latines, grecques et hébraïques, spécialiste
de l’occultisme et de la Kabbale. Sa Declamatio de nobilitate et
preaecellentia foeminei sexus (Déclamation de la noblesse et précellence
du sexe féminin) est offerte à Marguerite d’Autriche en 1509, publiée en
latin en 1529, traduite en français en 1530. L’universitaire y exprime sa
colère envers ceux qui se sont accaparé tous les pouvoirs et voudraient
borner les femmes aux travaux de la maison, alors que Dieu, défend-il, a
créé les deux sexes égaux, et qu’il les a destinés à répandre le bien autour
d’eux. En 1541, ce texte est adapté en vers (Le Jardin de fœlicité, avec la
louenge et haultesse du sexe feminin) et offert à Marguerite de Navarre par
François Habert, un ancien juriste devenu poète de Cour, qui s’attacha aussi
à traduire Caton, Horace et Ovide. Un autre très grand savant, Guillaume
Postel, repéré de longue date par la princesse et devenu « lecteur royal pour
les langues orientales », dédicace à Marguerite de France Les Très-
Merveilleuses Victoires des femmes du nouveau monde, & comment elles
doivent à tout le monde par raison commander (1553).
D’autres humanistes, enfin, descendent dans l’arène sans répondre à des
sollicitations féminines (repérables). Jean Tixier de Ravisi, qui signe
Ravisus Textor, publie un De memorabilibus et claris mulieribus aliquot
diversorum scriptorum opera (« Des femmes célèbres et dignes de mémoire
d’après les œuvres de divers auteurs ») en 1521, soit un an après être
devenu recteur — c’est-à-dire président — de l’université de Paris. L’année
suivante, Amaury Bouchard fait paraître une Fœmini sexus Apologia […]
adversus Andream Tiraquellum (« Apologie du sexe féminin, contre André
Tiraqueau ») qui dénonce haut et fort le succès du livre de son confrère *7. À
la demande de Charles de France, troisième fils de François Ier, le grand
spécialiste de l’humanisme italien Jean Martin traduit les Azolains de
Bembo, des dialogues sur l’amour que ce disciple de Ficin avait écrits vers
1500 pour Lucrèce Borgia. L’œuvre avait déjà inspiré Castiglione, qui avait
mis en scène Bembo dans son Courtisan et donné un large écho à ses
opinions. Martin éclaire donc le titre pour le lectorat français, en faisant
comprendre ses liens avec le traité et la philosophie néoplatonicienne : Les
Azolains de Monseigneur Bembo, De la nature d’amour (1545). De la
même manière, Pontus de Tyard attire l’attention sur cette philosophie en
traduisant les Dialoghi d’amore du médecin et philosophe juif Léon
l’Hébreu (1535), dont il simplifie le titre : Léon Hebrieu, De l’amour
(1551). Avant de diffuser cette pensée dans son Solitaire premier, où il s’en
prend violemment aux « ténébreux misogynes » qui, « pour couvrir la vile
impudence de leurs cruels outrages », imputent aux femmes « la faiblesse
pusillanime, l’ignorance, l’inconstance, le défaut d’amitié, l’impromptitude
de conseil, la lubricité, et tels vices mensongers que l’horreur ne me
permettrait de réciter si je n’avais raison et exemples pour les dédire 50. »

Former des savantes et les fréquenter :


cercles d’humanistes et salons de robins

D’autres érudits progressistes agissent à un niveau plus modeste en


faisant de leurs filles des savantes, et en donnant autour d’eux envie d’en
faire autant. On a vu que la mère et la sœur d’Henri Estienne étaient
latinistes. De fait, son grand-père Josse Bade et son épouse (fille
d’imprimeur elle-même) avaient enseigné cette langue à leurs quatre filles,
et l’une d’elles, Perette Bade (v. 1504-1550) avait fait de même avec son
époux Robert Estienne pour les trois leurs ; d’où le prix que ces filles
« valaient » sur le marché de l’imprimerie parisienne, où la plupart allaient
exercer. Certes, le latin était la langue commune dans les ateliers où
s’activaient des correcteurs de nationalités différentes, mais c’était aussi, de
manière délibérée, la langue parlée à la maison. On le sait notamment pour
Robert et Perette, qui recevaient chez eux les hommes les plus doctes de la
capitale, comme Adrien Turnèbe, Lefèvre d’Étaples et Jean Dorat, dont
plusieurs témoignèrent avec admiration des mœurs de cette dynastie
d’imprimeurs.
C’est également dans l’entourage des humanistes qu’on trouve les plus
grandes savantes de ce temps. En Angleterre, Thomas More donne la
meilleure éducation à « toutes ses filles » : les trois qu’il a eues de sa
première femme, celle qu’avait déjà la seconde quand il l’épousa, celle dont
il était le tuteur légal (qui deviendra sa bru), et même celle qu’il adopte
après la mort d’une femme qui travaillait dans sa maison ! L’aînée,
Margaret (1505-1544), latiniste et helléniste, sera aussi philosophe et
théologienne ; traductrice d’un traité latin d’Érasme, grand ami de son père,
c’est elle qui inspirera au Hollandais son colloque sur « L’abbé et la femme
savante ». L’adoptée, Margaret Giggs (1508-1570) sera mathématicienne.
En Italie, le professeur qu’Ercole d’Este et Renée de Ferrare choisissent
pour instruire leurs enfants est le père d’une fille aussi savante en grec
qu’en latin, qui deviendra l’une des plus grandes érudites de son pays,
Olympia Fulvia Morata (1526-1555) ; elle est aussitôt insérée dans le cercle
de la duchesse, où elle entraîne ses filles aux langues anciennes 51.
En France, l’élève d’Érasme Jean de Morel et son épouse Antoinette de
Loynes (1505-1567), tous deux issus du milieu parlementaire, tous deux
latinistes réputés, confient l’instruction de leur fils et de leurs trois filles au
savant flamand Charles Utenhove, qui leur enseigne non seulement le latin
et le grec, mais l’hébreu. Camille (1547-v. 1611), Lucrèce (1548-1580) et
Diane († 1581), qu’on retrouvera dans le chapitre suivant comme autrices,
sont les muses de ce premier salon de la capitale. Les Morel reçoivent en
effet chez eux Salmon Macrin, Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard,
George Buchanan, Michel de L’Hospital, Scévole de Sainte-Marthe,
Nicolas Denisot… qui font ainsi connaissance avec ces prodiges et les
chantent à l’occasion 52. La province n’est pas en reste. À Lyon, le juge-
mage Maurice Scève père fait donner une excellente instruction à son fils
Maurice, qui deviendra un poète célèbre, mais aussi à ses trois filles,
Claudine (v. 1510- ?), Sibille et Jeanne, dont deux s’illustreront par des
écrits ; et le riche cordier Pierre Charly, alias Pierre Labé, fait de même
avec sa fille Louise (v. 1524-1566). Ces personnes éduquées se reçoivent
mutuellement, accueillant aussi chez elles des lettrés de passage ou le beau
monde de la Cour lorsqu’elle séjourne dans la ville. À Poitiers, deux
femmes de la robe tiennent salon durant une vingtaine d’années : Madeleine
Neveu (1520-1587) et sa fille Catherine Fradonnet (1542-1587). Elles sont
connues sous le nom de « Dames des Roches », du nom du second époux de
Madeleine, et elles s’illustrent aussi comme autrices. Là encore, des parents
lettrés sont à l’origine de l’ampleur de leurs connaissances, appréciées et
soulignées par les familiers de leur cercle — dont la fréquentation dépasse
largement les limites de la région 53.

LE TEMPS DE LA DISSIDENCE RELIGIEUSE,


OU L’ÉTERNEL BESOIN DE L’AIDE
DES FEMMES

Un dernier facteur favorise l’expression des femmes de ce temps : la


naissance de la Réforme dans la société européenne des années 1520, et ses
longues répercussions culturelles, politiques et militaires jusqu’à la
signature de l’Édit de Nantes (1598). Alors que les conflits qui secouent
l’Église chrétienne depuis le début du XIVe siècle étaient restés confinés
dans le petit monde de ses dignitaires et des conseils princiers 54,
l’imprimerie permet tout à coup à des milliers de gens d’avoir accès aux
controverses et d’y participer d’une manière ou d’une autre. Les femmes
sont éminemment présentes dans ce mouvement, y compris en opposition à
leur famille ou à leurs époux. Non seulement elles y voient un moyen
d’affirmation personnelle, mais elles bénéficient du soutien des théologiens
des deux bords, aussi intéressés par le grossissement de leurs troupes que
par l’aide concrète qu’elles peuvent apporter à leur camp, et par l’influence
qu’elles exercent sur leurs enfants et leur entourage.

La réforme protestante et les femmes

Avant de constituer une nouvelle religion, ou plutôt un ensemble de


nouvelles Églises, la Réforme a été un mouvement interne à l’Église
chrétienne : une demande de transformation — de réforme — portée par
des personnes généralement éduquées, préoccupées par les dérives morales
de l’institution (enrichissement, luxure, inculture du bas clergé). Les
contestataires ont vite été excommuniés (Martin Luther l’est en 1521,
Zwingli en 1526). Fondant de nouveaux groupes, ils ont entre autres promu
le retour aux textes sacrés, afin de montrer que bien des dogmes et des
pratiques de l’Église étaient des inventions postérieures au Ve siècle. Ils ont
donc encouragé le mouvement de traduction de la Bible en langues
vernaculaires que les humanistes avaient amorcé, afin que tout·e croyant·e
soit en capacité de lire ces textes, alors que la papauté recommandait la
lecture de la Vulgate en latin. Ils ont également promu le commentaire
personnel et domestique de ces textes, là où Rome exigeait qu’il soit confié
aux seuls religieux. Ils ont donc accrédité la légitimité de l’accès des
femmes à la lecture, et même celle de l’exégèse — comme on peut le voir
dans l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, où les journées commencent
systématiquement par une lecture commentée de quelques pages de la Bible
par la plus âgée des femmes, et où les discussions du groupe montrent sa
familiarité avec les textes sacrés.
La sœur de François Ier est ici régulièrement convoquée pour attester
l’attrait exercé par la Réforme sur les femmes. Elle est en effet connue pour
avoir entretenu des relations approfondies avec le « cénacle de Meaux »,
animé par son confesseur Guillaume Briçonnet, évêque de cette ville, cercle
à la fois engagé dans une nouvelle traduction de la Bible et une réflexion
sur les réformes nécessaires à l’Église ; des réformes que la reine allait
mener dans ses terres. Elle est aussi connue pour avoir protégé les membres
de ce groupe vite inquiété par les autorités religieuses, ainsi que d’autres
intellectuels favorables à la Réforme ; pour avoir appuyé la fondation du
Collège royal, où plusieurs d’entre eux purent s’exprimer et poursuivre
leurs travaux sans craindre les foudres de la Sorbonne ; pour avoir pris
position à diverses reprises contre les tenants de l’orthodoxie, et affiché ses
opinions dans ses écrits. Mais Marguerite de Navarre n’est pas une
exception. En Allemagne, Sibylle de Clèves (1512-1554) est l’amie de
Luther et la protectrice de Lucas Cranach l’Ancien, peintre qui mit son
talent au service de la nouvelle foi ; elle joue un rôle décisif pour la
légitimation et l’implantation des nouvelles Églises en Saxe, État qu’elle
dirige avec son mari (ou sans lui quand il est prisonnier).
Les générations suivantes sont marquées par un prosélytisme encore
plus grand. La jeune sœur de la reine Claude, Renée de Ferrare, fort active
en faveur de la nouvelle religion, accueille nombre d’adeptes ou de
sympathisants de la Réforme inquiétés en France, notamment Marot.
Subissant pressions et gardes à vue, elle est finalement renvoyée en France
en 1559. Elle s’installe dans son fief de Montargis, s’y déclare huguenote et
continue à protéger des persécutés. Son ancienne gouvernante, Michelle de
Saubonne, dame de Soubise (v. 1480-1549), elle aussi chassée d’Italie,
s’installe en Saintonge, où elle diffuse le protestantisme avec ses filles. On
verra que l’une de ses petites-filles, Catherine de Parthenay (1554-1631),
maintint ce cap avec panache. Autre grande militante maniant aussi la
plume, Jeanne d’Albret se tourne vers la nouvelle religion peu après son
accession au trône de Navarre (1555), impose le calvinisme à son royaume
une fois devenue veuve (1562), et devient l’une des dirigeantes du parti
protestant.
Comme pour Jeanne, la conversion de l’épouse avant celle du mari ou
en dépit de ses convictions, suivie de l’éducation de leurs enfants dans la
nouvelle foi, sont des phénomènes fréquents, qui montrent que beaucoup de
femmes y ont trouvé la force de s’imposer dans leur couple — et aux yeux
du monde, puisque ces dissensions sont visibles et qu’elles ont des
conséquences. Ces faits ont été repérés dans les grandes familles dont on
connaît l’histoire, mais il n’y a aucune raison de penser qu’ils ne sont pas
également à l’origine de la progression de la Réforme en France — estimée
au quart du royaume à la veille des guerres de religion (1560). Beaucoup de
femmes s’engagent en effet avec la même énergie, à des niveaux moindres
et avec des moyens d’action plus limités. Prenant au sérieux les invitations
des pasteurs à lire et commenter la Bible, à chanter les psaumes, à participer
à la régénération du monde et à lutter contre les « papistes », certaines vont
jusqu’à se lancer dans le prêche public et la polémique théologique. C’est
notamment le cas de la nonne défroquée Marie d’Ennetières, dite Marie
Dentière (1495-1561), qui appelle les religieuses à en faire autant, poursuit
de ses invectives les pasteurs de Genève — pas assez orthodoxes à son
gré — et publie ses opinions. Dans le Bordelais, si l’on en croit le conseiller
au Parlement Florimond de Raymond (ex-protestant lui-même), des
huguenotes montent en chaire jusque dans les années 1570 pour animer les
réunions clandestines ou régulières de l’Église réformée 55.

Une reprise en main délibérée

e
L’attrait de la Réforme pour les femmes du XVI siècle pourrait bien
n’avoir rien qui lui soit propre, au-delà de la volonté des réformateurs de
faciliter l’accès aux textes pour le plus grand nombre, dont elles font partie.
Leur enthousiasme a sans doute surtout à voir avec la phase de flottement
institutionnel qui caractérise toutes les religions nouvelles, quand l’objectif
principal est de « gagner des parts de marché » et que les décideurs sont
prêts à faire feu de tout bois pour y parvenir — y compris s’appuyer sur des
êtres ordinairement tenus pour seconds, voire négligeables, voire
nécessairement soumis. C’est peu dire, en tout cas, que l’émancipation des
femmes n’était pas au programme des réformateurs. Le malentendu est ici
aussi grand que celui qui concerne l’émancipation des pauvres, qui crurent
par centaines l’heure du partage arrivée en entendant Luther appeler à la
dissidence vis-à-vis des autorités, et dont les révoltes furent écrasées dans le
sang, avec l’accord du réformateur.
Concernant les relations entre les sexes, les idées des chefs des
nouvelles Églises n’ont rien de progressistes. Toute femme doit être une
épouse et vivre sous l’autorité de son mari. Tout homme doit être un chef de
famille. C’est à cet objectif que répond l’abolition de la vie conventuelle et
du célibat des prêtres. Aucune femme n’est donc plus appelée à vivre dans
l’indépendance physique, morale et matérielle des hommes, au seul service
de Dieu, et encore moins à faire une carrière religieuse aux pouvoirs
étendus (quoique sous la tutelle de l’institution). Les deux époux doivent
prendre en charge l’instruction religieuse quotidienne de leurs enfants, ce
qui travaille au resserrement de leurs liens et au polissage des mœurs des
hommes. Le divorce est théoriquement possible, mais dans les faits il
demeure rare, et il n’est guère revendiqué que par des hommes se plaignant
d’épouses adultères. Par ailleurs, les familles sont placées sous l’autorité du
consistoire, assemblée locale composée du pasteur, de diacres et
« d’anciens » — uniquement des hommes — qui veille au respect des règles
édictées par les synodes, c’est-à-dire exerce un contrôle moral sur la
communauté.
Les recherches de Raymond A. Mentzer, « qui ont porté sur un grand
nombre de registres de consistoires des Églises locales, conduisent à penser
que [leurs] efforts […] pour placer la femme sous l’autorité masculine
furent largement suivis d’effets 56 ». S’il paraît indéniable que les
protestantes ont bénéficié de l’importance donnée à la lecture par leurs
autorités, il semble bien que la Réforme ait plutôt accentué leur
domestication. La situation française ne peut pas, en tout cas, être
généralisée. Si tant de liberté s’observe longtemps dans ce pays, c’est
d’abord que la Réforme s’y implanta sous la direction de Calvin, qui se mit
au travail plus tard que ses homologues (il était plus jeune), et qu’il la pilota
depuis Genève (ayant dû quitter la France après l’affaire des Placards, en
1534). C’est aussi que cette phase d’implantation fut suivie de quarante ans
de guerres, qui favorisèrent les prises d’initiative des femmes, sans que les
dirigeants aient les moyens ni l’envie de les entraver. C’est enfin que ce
contexte empêcha la multiplication des sectes réformées qui allaient se
multiplier en Europe du Nord et du Centre, et surtout sur le continent nord-
américain, où l’idéal patriarcal de bien des fondateurs allait s’épanouir en
toute liberté. En France même, il est patent que les protestantes ne firent
plus guère parler d’elles après la fin des guerres, et qu’à de rares exceptions
près, elles étaient alors déjà rentrées dans le rang pour ce qui est de la prise
de parole publique.

La réforme catholique :
une véritable ouverture pour les femmes

Longtemps murée dans une attitude de refus, et d’autant moins capable


de réagir à la progression de la Réforme que nombre de ses cadres avaient
rejoint celle-ci, l’Église de Rome (désormais « catholique ») finit par
comprendre qu’elle devait changer d’attitude. Entre 1545 et 1563 elle réunit
un concile à Trente, en Italie, pour examiner les critiques qui lui étaient
adressées et mettre en place sa riposte. Pour l’essentiel, elle y réaffirme ses
croyances (égale valeur de la Bible et de la tradition, nécessité des
sacrements pour le Salut, réalité de la transsubstantiation…), ses cultes (de
la Vierge, des saints, des reliques, des images…) et ses pratiques
(organisation hiérarchique sous l’autorité du pape, seule compétence du
clergé pour l’interprétation des textes, célibat des prêtres, existence d’un
clergé régulier, indulgences, confession…). Le concile met cependant en
route de véritables changements. Pour le clergé : obligation de porter l’habit
et de résider dans son lieu d’affectation, création de séminaires de
formation, révision de la Vulgate, élaboration de bréviaires et de
catéchismes. Pour les fidèles : élaboration de missels, fondation de
congrégations destinées à les encadrer, à les instruire. L’Église de Rome se
dote ainsi d’une ambitieuse politique de reconquête du terrain, et même
d’une conquête planétaire des esprits.
Ce mouvement est porté par des ordres enseignants, créés pour certains
dès les années 1530. L’instruction des garçons est prise en charge par les
Jésuites, les Barnabites, les Somasques, celle des filles par les Ursulines, les
Filles de Notre-Dame, la Visitation. Certes, ce n’est pas « comme un seul
homme » que les religieux se convertissent à l’instruction des femmes. Le
fondateur des jésuites, Ignace de Loyola, s’oppose tenacement à la création
d’une branche féminine de la Compagnie de Jésus, pourtant demandée par
Paul III : les rares Jésuitesses qui s’étaient formées ne seront jamais
reconnues. La liberté des premières Ursulines est pour sa part sérieusement
revue à la baisse avant que l’ordre soit accepté par Grégoire XIII.
Les guerres de religion entraînent toutefois ici et là, et notamment en
France, la régression de ces partis pris. Des collaborations entre des
hommes d’Église progressistes et des femmes libres de leurs mouvements
sont à l’origine de nouveaux ordres spécialisés dans l’instruction des filles,
ou de la multiplication des maisons qui s’y consacrent. Les unes fournissent
les terrains, font jouer leurs relations dans les élites politiques, voire se font
elles-mêmes religieuses, les autres accordent leur appui, facilitent la
reconnaissance des fondations. Les Ursulines s’installent à Avignon en
1573, à Paris en 1608. En Lorraine, Alix Le Clerc (1576-1622) et Pierre
Fourier instituent la congrégation Notre-Dame, qui ouvre sa première école
en 1597. À Bordeaux, Jeanne de Lestonnac (1556-1640) et François de
Sourdis fondent en 1607 l’ordre des Filles de Notre-Dame, qui commence
dès lors à ouvrir des instituts féminins. À Annecy, c’est avec le soutien de
François de Sales que la baronne Jeanne de Chantal (1572-1541) fonde la
Visitation, en 1610. La plupart de ces ordres auront une expansion
internationale.
La dernière guerre civile et religieuse ouvre par ailleurs d’autres brèches
dans la forteresse masculine. Comme toute époque troublée, elle autorise
les femmes à sortir des rôles qu’on leur assigne ordinairement. À Paris, la
Journée des barricades (12 mai 1588), qui en chasse Henri III et livre la
ville aux Ligueurs, fait des princesses de la famille Guise les figures de
proue de la résistance au roi de Navarre, surtout après l’exécution, en
décembre, des deux dirigeants du clan, le duc et le cardinal ; les autres
hommes sont trop occupés à guerroyer au loin. La mère des « martyrs »,
Anne d’Este, petite-fille de Louis XII, fille de Renée de Ferrare, seconde
duchesse de Guise et pour lors duchesse de Nemours, est surnommée « la
reine mère » durant les six années suivantes (il faut dire que Catherine n’a
pas survécu à cet épisode). Sa bru Catherine de Clèves (1548-1633), veuve
du troisième duc de Guise et mère du suivant, mène de nombreuses actions
publiques au nom des siens ; on verra que les deux femmes n’hésitent pas à
publier leurs protestations. Sa fille Catherine de Lorraine (1552-1596),
duchesse douairière de Montpensier, dirige la propagande du clan. Les
opposants iront jusqu’à mettre à leur actif le meurtre d’Henri III par un
moine fanatique, en août 1589 57. Dans la population, les femmes participent
massivement aux manifestations qui ponctuent les deux premières années
de cette « commune ». Certaines lèvent des fonds pour la Ligue et
deviennent la cible des attaques des Politiques *8, quand d’autres, à
l’inverse, sont dénoncées en chaire par les curés ligueurs comme partisanes
du Béarnais 58. Autant de phénomènes qui s’observent dans d’autres villes
où la Ligue a pris les commandes jusqu’à la fin de l’année 1593 — sans
parler de la Bretagne, qui ne se rend qu’en 1598.
On ne saurait négliger la composante genrée de cette opposition. Autant
que contre un protestant, les femmes catholiques se mobilisent contre un
homme qui prétend au trône au nom de la loi salique *9, et dont les partisans
en profitent pour chanter la supériorité masculine sur tous les tons. Si
certains catholiques en font autant pour soutenir d’autres candidats, les
Guise marquent leur différence : ils font savoir que, contrairement aux
Valois et aux Bourbons (qui se disputent sur le nombre de degrés séparant
leurs champions de Saint Louis), leur famille descend de Charlemagne
— quoique « par les femmes ». À partir de mai 1590, date de la mort du
principal concurrent du roi de Navarre, son oncle le cardinal de Bourbon, le
camp catholique se trouve face à un choix cornélien. L’Espagne entre en
effet dans la danse, revendiquant le trône pour Claire-Eugénie, la fille que
Philippe II a eue d’une fille de Catherine de Médicis, et ses propagandistes
dénoncent ouvertement la loi salique comme un faux. Certains catholiques
rejoignent alors le camp du Béarnais, préférant un protestant français à une
catholique espagnole. D’autres font le choix inverse, faisant allégeance à
l’Espagne. Quant aux Guise et à leurs partisans, ils rêvent d’un mariage
entre le jeune duc et l’Infante…
C’est ainsi que les milieux catholiques les plus « zélés » se radicalisent,
par-delà les frontières de sexe, et que l’activisme féminin continue de s’y
renforcer. En témoigne notamment le cercle de Barbe Acarie (1565-1618).
Cette militante, qui est aussi une visionnaire, organise dans son hôtel
parisien à partir de 1597 un salon fréquenté par des laïcs dévots des deux
sexes et des religieux fervents, dont les deux plus grands réformateurs des
décennies à venir : son cousin Pierre de Bérulle et le Savoyard François de
Sales. Tous deux sont plus jeunes qu’elle de dix ans, et elle exerce sur eux
une influence considérable. Ce cercle porte au pinacle la dévotion à la
Vierge. Il fait également la promotion des grandes mystiques du siècle
précédent, l’Italienne Catherine de Gênes, l’Espagnole Thérèse d’Avila, la
Hollandaise Reinalda van Eymeren, dont plusieurs écrits majeurs paraissent
alors en traduction. François de Sales y ajoute son Introduction à la vie
dévote, publiée en 1604, qui va devenir l’un des best-sellers du nouveau
siècle. La même année, Madame Acarie fonde le premier couvent français
de Carmélites. On en comptera près de trente à son décès, elle-même s’étant
retirée dans celui d’Amiens après la mort de son mari, sous le nom de
« Marie de l’Incarnation ».

Beaucoup de facteurs favorables à l’acculturation des femmes, à leur


émancipation, à leur expression, se sont ainsi conjugués dans la dernière
période de la Renaissance pour contrarier les plans de ceux qui entendaient
garder pour eux les fruits du progrès, gouverner des familles dociles, régner
seuls dans les champs de compétence pensés comme les leurs. Certes, les
principales barrières n’ont pas cédé, et le temps est encore loin avant
qu’elles tombent ; mais le mouvement d’ouverture des établissements
dédiés à l’instruction féminine qui s’engage à la fin du XVIe siècle est
irréversible. Il bénéficiera à des milliers de femmes de toutes sortes
— jusqu’aux petites Algonkines du Québec. Certes, les hommes qui se sont
engagés pour l’égalité des sexes n’étaient pas tous des féministes
convaincus ; il n’empêche qu’ils ont mis du sable dans la mécanique, et que
certains ont ouvert des portes que les masculinistes ne parviendront pas à
refermer, ou semé des graines qui ne cesseront plus d’être cultivées. Et
certes, les voies de l’émancipation qui se sont ouvertes à la Cour et à
l’occasion des conflits religieux sont étroites et remplies d’embûches ; il
n’empêche que de splendides métaphores de la réussite féminine n’ont
cessé d’éclore au grand jour tout au long de la période. Elles confirment ce
que disent les recueils de femmes célèbres, et pourquoi ces discours
peuvent être crus : l’ordre masculin qui s’exerce avec férocité dans tant de
secteurs de la société, et que tant d’autorités disent juste et naturel, n’est ni
universel ni omnipotent ; certains lieux l’ignorent, certaines femmes y
échappent, certains hommes, même, le récusent.

*1. J’appelle féministes et masculinistes les personnes favorables ou défavorables à


l’égalité (de valeur, de droits, de pouvoirs, d’accès aux biens…) des sexes ; philogynes et
misogynes les personnes qui éprouvent de l’amour ou de l’aversion pour les femmes. Les
notions se recouvrent souvent par deux (féminisme et philogynie, masculinisme et misogynie),
mais pas nécessairement. Elles n’entretiennent pas non plus un rapport simple au
différentialisme (le fait de penser que les femmes et les hommes sont foncièrement différents),
e
qui ne s’oppose pas à l’égalitarisme mais à l’indifférentialisme. Jusqu’à la fin du XIX siècle (et
encore bien souvent de nos jours), les féministes sont à la fois égalitaristes et différentialistes.
*2. Littéralement, les livres « dans les langes » ; ce nom est donné à toute la production
imprimée européenne antérieure à 1501. La date de fabrication étant souvent omise sur les
incunables (ce détail fait partie des normes peu à peu adoptées), c’est une indication imprécise
qui est fournie lorsqu’il est question de l’un d’eux (« vers 14** »).
*3. Voir, plus bas, « Néoplatonisme, pétrarquisme : le soutien apporté aux idéologies
philogynes ».
*4. Courte pièce relevant du genre pastoral fort à la mode depuis les années 1550 dans les
milieux mondains, parce que ces pièces étaient jouables dans de petits cercles mixtes, qu’elles
portaient sur l’amour et qu’elles étaient propices aux sous-entendus amusants — notamment
quand deux personnages amoureux étaient joués par de vrais amoureux.
*5. Voir chap. I, « La progression de l’illégitimité politique ».
e
*6. Voir XVII siècle, chap. I.
*7. Voir chapitre précédent.
*8. Les Politiques, dits aussi « moyenneurs », sont des catholiques partisans du roi de
Navarre par « raison d’État », c’est-à-dire favorables à la relégation de la religion dans le
domaine de la vie privée. Il y en a beaucoup dans la haute robe.
*9. Voir chap. I, « La progression de l’illégitimité politique ».
Chapitre III
UN MONDE NOUVEAU :
LES FEMMES ET LEURS ÉCRITS

Si l’offensive contre l’accès des femmes aux bénéfices des « temps


modernes » parvient à maintenir la plus grande partie d’entre elles dans des
positions subalternes, les éléments qui vont dans le sens opposé sont
suffisamment forts pour provoquer, dès les années 1530, la naissance d’une
espèce nouvelle : celle des femmes qui écrivent et qui publient leurs
œuvres. Profitant de la nouveauté, n’ayant à affronter qu’une hostilité
globale, celles qui se lancent n’ont peur de rien, d’autant que les plus
grandes donnent le ton. Sujets, postures, genres littéraires, tout leur semble
traitable ou empruntable, et bien rares sont celles qui s’avancent à couvert
de l’anonymat ou du pseudonymat. Davantage : ayant sans doute vaincu
bien des difficultés et des oppositions pour parvenir là où elles sont, la
nécessité de défendre leur sexe est une évidence pour la plupart. Les
autrices sont en outre soutenues, voire encouragées par des hommes
enthousiastes, qui comprennent de plus en plus que, si les « exploits »
vantés dans les recueils de femmes célèbres ne sont pas à la portée de
toutes, l’écriture pourrait bien fournir à un nombre croissant de femmes le
moyen de montrer leur « excellence ».
LA PROGRESSION DES FEMMES
DANS LE MONDE DE L’IMPRIMÉ

La naissance de cette espèce nouvelle doit évidemment tout à


l’imprimerie. Non seulement cette technologie permet aux livres d’entrer
dans les maisons, mais elle fait de ses maîtres d’œuvre leurs alliés
objectifs *1. L’arrivée des femmes à l’imprimé ne se fait toutefois pas en un
jour. Toutes n’y parviennent d’ailleurs pas, soit que les pressions sociales
s’exercent avec trop de force sur elles, soit que l’intérêt de l’imprimé leur
échappe encore, comme c’est d’ailleurs le cas de tant d’auteurs.

Les pionnières

Jusqu’en 1530, on l’a dit, seules des autrices décédées de longue date
sont proposées au public francophone amateur de livres. Deux princesses
font toutefois exception. La première est la jeune Marguerite d’Autriche,
dont une Complainte déplorant la rupture de ses fiançailles avec
Charles VIII est publiée en 1492 à Anvers. Sans doute la diplomatie
autrichienne n’est-elle pas étrangère à cette opération, mais les strophes
sont en rapport avec l’âge (douze ans) et la forte personnalité de la future
gouvernante des Pays-Bas. La seconde est la femme qui l’avait élevée,
Anne de France. L’ancienne régente publie à Lyon, en 1520
vraisemblablement, le texte qu’on appellera ses Enseignements à sa fille.
Tout autre est l’ambition de Marguerite de Navarre. L’année où meurt sa
mère (n’aurait-elle pas osé avant ?), elle publie sa première œuvre, le Miroir
de l’âme pécheresse. On est en 1531, elle a trente-neuf ans, il y a déjà
plusieurs années qu’elle écrit, elle sait ce qu’elle fait. Deux ans plus tard,
elle republie l’œuvre en la faisant suivre de pièces rendues « sensibles » par
le contexte religieux, dont la traduction d’un psaume de David par Marot.
La Sorbonne met le livre à l’Index en attendant un examen plus approfondi,
mais la menace ne conduit qu’à l’intervention protectrice de François Ier.
Marguerite fait imprimer aussitôt une deuxième œuvre, le Dialogue en
forme de vision nocturne. Ensuite, elle n’arrête plus. Alors que les
rééditions du Miroir s’enchaînent, elle s’attelle à de nouveaux textes.
Plusieurs pièces de théâtre sont données au public à partir de 1545. Deux
ans plus tard, les Marguerites de la Marguerite des Princesses rassemblent
des œuvres de différents genres. La même année, la mort de son frère lui
inspire également La Navire, ou Consolation du roi François Ier à sa sœur.
Ses dernières œuvres — pièces et poésies — ne sont pas publiées de son
vivant, et elle laisse à sa mort, inachevé, le nouveau Decameron, auquel elle
travaillait depuis longtemps : l’Heptaméron, qui sera imprimé une dizaine
d’années plus tard.
Ainsi, pour la seconde fois après Christine de Pizan *2, une femme fait la
démonstration que son sexe est capable de produire une œuvre étendue,
ambitieuse et plaisante. Mais le geste de Marguerite est encore plus
transgressif que celui de Christine. Si elle aussi s’installe dans un champ
identifié comme le monopole des hommes de savoir, elle le fait à une
époque où l’imprimerie a permis à des centaines d’entre eux de s’affirmer.
D’autre part, elle le fait comme membre d’une classe qui ordinairement ne
se « commet » pas dans cette activité : tourner des vers est bien vu dans la
haute aristocratie, mais porter ses écrits chez l’imprimeur est l’affaire de
ceux qui n’ont pas d’autres sources de valeur que leur cerveau, pas d’autres
moyens pour se faire remarquer que la production de ces biens matériels
que sont les livres. Si l’on ajoute à cela que la reine de Navarre est
ouvertement féministe, on comprend qu’elle ait joué dans l’arrivée des
femmes sur la scène littéraire un rôle absolument déterminant.
Quelques années après sa première publication, en effet, d’autres lui
emboîtent le pas. Elles sont pourtant issues de milieux bien différents. La
Lyonnaise Claudine Scève (v. 1510- ?) fait paraître en 1532 ou 1533 la
traduction d’un roman italien. La Picarde Marguerite Briet (v. 1510-
ap. 1552) publie quatre œuvres entre 1538 et 1543, sous le nom
d’Hélisenne, dame de Crenne. La Flamande Marie Dentière fait connaître
ses opinions réformées dans un bref ouvrage publié à Genève en 1539. Une
autre Lyonnaise, Pernette du Guillet (v. 1520-1545), est révélée au public
comme poétesse l’année même de sa mort.

Une floraison de nouvelles œuvres


à la fin de la Renaissance

De la mort de Marguerite de Navarre, en 1549, à celle de Marguerite de


Valois, en 1615, les œuvres d’une cinquantaine de nouvelles femmes sont
imprimées. C’est à nouveau le groupe des princesses qui est le plus actif.
Les plus prolixes sont des reines (Catherine de Médicis, Jeanne d’Albret,
Élisabeth Tudor, Marie Stuart, Marguerite de Valois) et des dirigeantes du
clan Guise (Anne d’Este, Catherine de Clèves). La plupart des autres ne
signent qu’un seul texte destiné à l’impression. Ce sont les sœurs Seymour,
Anne (1538-1588), Margaret (1540- ?) et Jane (1541-1561), Marguerite
d’Autriche-Parme (1522-1586), Anne Somerset Percy (1536-1596),
Élisabeth d’Autriche (1554-1592), Louise de Coligny (1555-1620), Louise
de Lorraine (1553-1601), Marie de Portugal (1538-1577), Catherine de
Bourbon.
À côté de ces femmes célébrissimes, six seulement appartiennent à une
famille bien identifiée ou connue pour sa contribution à la vie des lettres :
Nicole Estienne (v. 1542-ap. 1588), née dans la fameuse dynastie
d’imprimeurs ; Marie de Romieu (v. 1545-v. 1590), dont le frère Jacques
était secrétaire ordinaire de la chambre du roi et poète ; Madeleine de
L’Aubépine, animatrice d’un salon parisien avec son époux *3 ; Catherine de
Parthenay, petite-fille de Michelle de Saubonne, vicomtesse de Rohan ;
Isabella Andreini (1562-1604), qui dirigea la troupe des Gelosi avec son
mari, lui aussi acteur et dramaturge ; et Denise de Vigny († 1615), veuve du
Président au Parlement de Paris assassiné par les Ligueurs, Barnabé
Brisson.
Les autres se sont illustrées seules ou ont dépassé en notoriété les autres
membres de leur famille. Il s’agit, par ordre chronologique de publication
de leur première œuvre, de Louise Labé, Marguerite de Cambis, Anne de
Marquets (v. 1533-1588), Marie de Cotteblanche (v. 1520-v. 1580),
Georgette de Montenay (v. 1540-v. 1606), Madeleine Neveu, Catherine
Fradonnet, Gabrielle de Coignard (v. 1550-1586), Marie de Gournay (1566-
1645), Marie Le Gendre, Marie de Brames (v. 1550-ap. 1597), Jacqueline
de Miremont, Marie de Beaulieu, Charlotte de Brachart, ou plutôt Jeanne-
Charlotte de Bréchard (1580-1637), Didière Gillet, Louise Bourgeois
(1563-1636), Jeanne de Jussie, aujourd’hui Jussy (1503-1561). Une œuvre
est due à un collectif féminin, les « Dames des Cordelières » du faubourg
Saint-Marcel à Paris. Deux sont signées par des initiales, sans que rien dans
le corps du livre ne permette d’en savoir plus — si ce n’est que le sujet qui
parle est féminin : « P.D.B. », « I.D.V. ». Pour quelques œuvres, enfin, seule
est fournie une périphrase (« une damoiselle françoise », « une servante de
Dieu », « une femme de Cahors »), voire un simple « nous » féminin :
impossible de savoir s’il s’agit ou non de l’une des autrices identifiées.

Les écrivaines des marges

Sans publier de livres de leur plume (pour ce qu’on sait), d’autres


femmes parviennent à faire imprimer quelques textes. Les imprimeuses
fournissent un premier groupe. Charlotte Guillard, deux fois veuve
d’imprimeur et à la tête d’une des plus grandes librairies parisiennes, prend
la parole dans l’« Avis au lecteur » introduisant le Lexicon graecolatinum de
Jacques Toussaint (1552). Antoinette Peronnet, veuve de l’imprimeur
lyonnais Gabriel Cottier, dédicace un recueil de traités antiques au
lieutenant général du Lyonnais et du Beaujolais (1570). Une autre veuve
d’imprimeur lyonnais, Claudine de Combes, adresse à l’un des consuls de la
ville un Traicté de la Marchandise, et du parfaict marchant (1582). Deux
héritières d’imprimeurs lyonnais, Jeanne Giunta et Sibille de La Porte,
prennent de même la parole en ouverture de livres qu’elles publient, l’une
pour dédier les œuvres du juriste italien Giulio Claro à Pierre d’Ausserre,
avocat du roi à la sénéchaussée de Lyon (1579), l’autre pour préparer le
« bienveillant lecteur » à lire de savants commentaires d’un livre d’Aristote
(1591).
D’autres femmes, sans être du métier, font éditer les œuvres de l’un de
leurs proches et en profitent pour y insérer des textes de leur cru. Camille de
Morel joint plusieurs de ses poèmes au Tumulus (1583) qu’elle bâtit pour
déplorer la mort de son père. Charlotte de Minut fait paraître en 1587 deux
volumes de traités de son frère Gabriel récemment décédé, et adresse
chacun d’eux à des personnages célèbres. Claude de Chateaubriant dédicace
Les Œuvres de Pierre de Brichanteau (1613), son défunt mari. D’autres
éditent des femmes. Les Œuvres chrestiennes de feu Gabrielle de Coignard
(1594) sont rassemblées par ses deux filles, qui les dédicacent et y
adjoignent un poème de leur cru. Plusieurs écrits de Marguerite de Navarre
sont réédités en 1602 par Marie de Brabant, qui les accompagne d’une
traduction et d’une préface de sa plume. Les Sonets spirituels de feuë tres-
vertueuse et tres-devote Dame Sr Anne de Marquets, religieuse à Poissy
(1605) sont publiés par une autre nonne de son couvent, Marie de Fortia,
qui s’en explique. Une anonyme reproduit en 1618 le Docte et Subtil
Discours de la feu reyne Marguerite, paru quatre ans plus tôt, en appui à
son propre traité, L’Excellence des femmes.
Le plus gros contingent de ces « écrivaines des marges » est toutefois
constitué de celles dont on connaît quelques textes grâce à leur présence
dans des volumes d’autres auteurs ou dans des recueils collectifs. Parmi les
mieux représentées figurent Antoinette de Loynes et sa fille Camille, qui
contribuent à plusieurs ouvrages et se retrouvent en compagnie de Lucrèce
(† 1580) dans le Tumulus de Jean de Morel. Claude de Bectoz († 1547) voit
l’un de ses poèmes orner le Recueil des œuvres de feu Bonaventure des
Periers (1544), et peut-être quelques autres dans des recueils collectifs de la
même époque 1. Catherine de Mallessec participe à deux volumes d’Œuvres
poétiques : celles d’Amadis Jamyn et celles de Clovis Hesteau. Françoise
de La Rochefoucaut fournit également un sonnet pour ce dernier (ill. 5 et
5bis), et il semble qu’elle en avait publié un autre dans un recueil d’Antoine
Mathé de Laval. Marie de Villecoq signe deux poèmes dans les Œuvres
poetiques faits sur la Main de Estienne Pasquier. Gaspar de Saillans fournit
dans le Premier livre qu’il donne au public, en 1569, quelques lettres d’une
correspondance entre son épouse, Françoise de Mornay, et une autre
femme, Louise de Bourges, dont il reproduit aussi un quatrain. Robert
Garnier donne à voir deux poèmes de son épouse, Françoise Hubert, dans le
volume de Tragédies qu’il publie en 1580. Béroalde de Verville semble
avoir mis « plusieurs pièces de poésies » d’Esther de Beauvais dans un
recueil paru en 1583 — c’est du moins ce qu’on lit au XVIIIe siècle dans
l’Histoire littéraire des femmes françoises.
5. Première de couverture des Œuvres poetiques de Clovis Hesteau sieur de Nuysement,
Secretaire de la chambre du Roy, & de Monsieur, dediees a Monsieur, Paris, Abel
L’Angelier, 1578.
o
5 bis. Sonnet de Françoise de La Rochefoucaut, p. 31v .

Les autres sont réduites à un texte unique, généralement un court


poème. C’est le cas de Jeanne Gaillarde (dont on devait retrouver quelques
autres textes au XXe siècle 2), Marguerite Dauvrelat, Marie du Moncel,
Catherine Laillet, Madeleine et Marie du Val, Jacqueline de Stuard, Marie
de La Haye, Janne de Faulquier, Marguerite de Gourdon, Marie Yver, « la
Présidente du Gast 3 », Mademoiselle du Thier, Madeleine de Saint-Gelais,
Catherine de Cailly, Élisabeth du Monin, Chrestienne Bernard, Marguerite
Decousun, Catherine Guillard, Dauphine Desjardins, Catherine de La
Moyssie. Philiberte de Feurs a plus de chance : environ soixante vers de ses
Souspirs de Viduité sont reproduits par Antoine Du Verdier dans sa
Bibliothèque (1585). Sont également fournies par divers auteurs quelques
lettres jugées dignes de mémoire de Marguerite Perrin, Mademoiselle de
Cherué, Geneviève de Boislevesque et Claude de Chateaubriant. À quoi
s’ajoutent les textes des princesses protestantes Charlotte de Laval,
Charlotte de Roye et Guillamette de Louvain, insérés dans les Discours
consolatoires envoyez à madame de Soubize [Antoinette de Parthenay-
Larchevêque] par plusieurs Princes, Seigneurs, Gentilz hommes et autres,
sur le decez de Monsieur de Soubize son mari, l’an 1566 (1578) 4.
Enfin, le nom de quelques autrices demeure inconnu ou objet de
conjectures, sans que leur existence soit pour autant à mettre en doute. C’est
le cas des quatre femmes auxquelles des poèmes sont attribués sous des
cryptonymes par les auteurs qui les accueillent : « Valentine Alsinois » dans
l’édition (réalisée par Nicolas Denisot, alias le Comte d’Alsinois) des
distiques latins des trois princesses anglaises sur le trépas de Marguerite de
Navarre (1550) ; « la Castianire d’Olivier de Magny », présente dans ses
Amours (1553) et dans Les Unzieme et Douzieme Livres de l’Iliade
d’Homère traduictz de grec en françois par feu Hugues Salel (1554) ; « la
sainte » de Guillaume Des Autelz (sans doute Denise Lhoste), accompagnée
de son portrait dans son Amoureux Repos (1553) ; « la Claire » de Louis Le
Caron, qui s’était vu dédier un livre portant son nom (La Claire, ou De la
prudence de droit…, 1554) et qui s’adresse à lui dans un recueil de la même
année, intitulé La Poésie. C’est aussi le cas de celles qui signent par des
initiales ou une périphrase, à l’image des cinq femmes que le même Le
Caron invite à s’exprimer dans La Claire (« Une damoiselle Parisienne »,
« Damoiselle M.E. » et « Damoiselle I.V. ») et dans son Commentaire […]
sus l’Edict des secondes noces de 1560 (« Damoiselle M.D.L. Parisienne »,
« I.F. Parisienne »). Ou encore de celles qui contribuent aux Comptes du
monde aventureux par A.D.S.D. (1555) : une « demoiselle favorable » et
« M.I. » (peut-être Marie Jaille).

Les autrices non imprimées

Bien des œuvres demeurent manuscrites au XVIe siècle. Diverses raisons


y contribuent, comme le prestige longtemps attaché au livre écrit et
enluminé à la main, l’incrédulité face au nouveau média, l’absence d’intérêt
matériel (si ce n’est pour l’éditeur), l’indifférence envers le grand public, la
peur de déroger (pour la haute noblesse) ou de sortir de son rôle (pour les
femmes)… Causes qui peuvent évidemment s’additionner pour une même
personne.
Pour certaines autrices qui n’avaient rien publié de leur vivant, leur
statut social ou la notoriété qu’elles avaient acquise a parfois conduit leur
entourage et leur descendance à conserver des œuvres qui ont pu être mises
au jour par la suite. C’est le cas d’Anne de Graville, protégée de la reine
Claude de France, dont les œuvres étaient connues de la Cour et dont il
reste plusieurs manuscrits ; de Louise de Savoie, dont on allait un jour
imprimer des poèmes et un étrange almanach ; de Gabrielle de Bourbon-
Montpensier (v. 1460-1516) et Catherine d’Amboise (1482-1550), deux très
grandes dames dont les traités et les poésies avaient circulé de leur vivant ;
de Charlotte Arbaleste de Mornay (1548-1606), dont le témoignage était
précieux pour la communauté protestante ; de Suzanne Habert (1559-1633),
dont deux textes allaient être recopiés par le père Hilarion de Coste dans ses
Eloges et les Vies des reynes, des princesses, et des dames illustres…
(1647). Tallemant des Réaux devait pour sa part recopier dans ses
Historiettes une spirituelle réponse de Louise de L’Hospital / Mademoiselle
de Vitry / Madame de Simiers († 1608), soit… quatre vers.
Les œuvres demeurées manuscrites ont en effet disparu en grand
nombre. Toutes les écrivaines dont on ne connaît que quelques vers en ont
forcément écrit bien d’autres, voire des œuvres entières. Tallemant indique
que Simiers avait écrit une Magdelaine, traduction-adaptation d’œuvres
italiennes rédigée en trois parties, dont la première fut grandement louée de
Desportes… qu’elle appelait son « rimeur », précise-t-il, parce qu’elle avait
l’habitude de lui envoyer ses pensées pour qu’il les mette en vers. On ne
possède qu’un sonnet de La Moyssie, alors que La Pujade voue un poème à
ses « œuvres poétiques, / Élégies, sonnets, chansons et vers lyriques / Que
la muse par vous sème par l’univers 5 ». Seules trois poésies de Françoise de
Terissan, une ode et deux sonnets écrits pour l’ouverture du « Tombeau
d’Aymée » de Pierre de Brach (1576), ont été retrouvées dans un manuscrit
de ce dernier. Les pertes sont également sévères pour les autrices patentées.
Un traité de Bourbon-Montpensier, dûment inscrit dans son inventaire après
décès et loué par un contemporain, ne nous est pas parvenu. L’Aubépine est
signalée par plusieurs sources comme ayant traduit des épîtres d’Ovide,
qu’on n’a pas retrouvées. Coste recopie une œuvre d’Habert mais il en cite
d’autres : un Catéchisme (qui aurait été imprimé anonymement), une Solide
et Theologique Explication du symbole de s. Athanase, des Traitez sur les
sacremens et un de l’Oraison (qui auraient été confiés à son neveu). Deux
œuvres d’Estienne et des pièces de théâtre de Parthenay, mentionnées par
La Croix du Maine, ont disparu. La soixantaine de vers de Feurs sauvée par
Du Verdier n’est qu’une petite partie des cinq cents que comportait son
poème — selon son témoignage. Toute la fin des Mémoires de Marguerite
de Valois a disparu, de même que quelques pages du texte conservé, et l’on
n’a guère retrouvé d’elle qu’une dizaine de poésies.
Pour d’autres autrices, enfin, la perte est à ce jour totale. C’est le cas de
deux des animatrices du « salon vert » de la maréchale de Retz, alors
qu’Henriette de Clèves est connue pour avoir réalisé la première traduction
française de l’Aminte du Tasse, et qu’elle n’a aucune raison de s’en être
tenue là ; la maréchale elle-même avait prononcé des discours à l’Académie
du Palais, et Agrippa d’Aubigné parle du « grand œuvre de sa façon » qu’il
dit avoir eu envie d’« arracher au secret du public 6 ». De même, Jeanne de
La Font (v. 1500-1532) est louée par le poète Jean Second, qui l’a
certainement connue : il étudiait à Bourges au temps où son mari occupait
de hautes fonctions dans le duché du Berry. La Croix du Maine mentionne,
outre quelques-unes des plumes déjà citées, Esther de Beauvais, Madeleine
Chemeraut, Madeleine Deschamps, Anne de Lautier, Diane de Morel (sœur
de Camille et Lucrèce), Claude Peronne, Anne du Prat et sa mère Anne
Séguier, Sibille Scève (sœur de Claudine et Maurice), Diane Symon, Anne
Tulonne, Isabeau de Vaumeny (ou Vaux-menil), Artuse de Vernon.
Certaines semblent avoir eu une production non négligeable, à l’image de
Séguier, dame de La Vergne, qu’il dit bien connue pour ses « doctes
discours, témoins de l’exacte connaissance qu’elle a de l’histoire et de la
poésie française », pour ses vers chrétiens et pour un « Dialogue en prose,
de Vertu, Honneur, Plaisir, Fortune et la Mort » 7. Du Verdier cite comme
autrice Clémence de Bourges, qu’on ne connaît que comme dédicataire des
Euvres de Labé. Le Poulchre évoque dans son Passe-temps « Urbane de
Laire, dame du Chesne [pour] les stances *4 qu’elle a écrites en
recommandation de mes livres 8 ». La Pujade parle dans ses Œuvres
chrétiennes de deux poétesses, Forçay et Terissan, dont il dit qu’elles furent
« l’honneur du Condomois 9 », et dont la première semble à tout jamais
condamnée au mutisme. Des auteurs de catalogues de femmes célèbres plus
tardifs citent encore, sans fournir leurs sources, Modeste Dupuis et Anne
Bins.
Vingt et une autrices dont on ne connaît pas une ligne semblent ainsi
devoir être ajoutées aux cent dix-neuf (un peu plus si l’on retient les
damoiselles françoises et consorts qui sont peut-être d’autres femmes) dont
l’un ou l’autre des écrits a été publié, de leur temps ou plus tard. À vrai dire,
il est probable qu’un nombre bien plus important d’écrivaines qui ont
« fleuri » à la Renaissance resteront à jamais inconnues, faute d’avoir été
assez soutenues pour passer la barrière des interdits, ou assez chanceuses
pour avoir trouvé, de leur vivant ou post mortem, un écrivain désireux
d’orner l’un de ses livres par quelques lignes de leur plume.

LA PALETTE DES GENRES EMPRUNTÉS

Le survol qui précède laisse comprendre l’ampleur des champs couverts


par les autrices de cette époque. Contrairement à ce qui leur sera imposé
dans les siècles suivants, elles ne s’expriment pas prioritairement par la
fiction, et encore moins par la fiction romanesque — qu’elles empruntent
même fort peu. Tous les genres prisés dans les sphères curiales et
intellectuelles les attirent, et elles s’y mesurent. Rares sont les types d’écrits
qui demeurent hors de leur portée, ou exclus de leurs objectifs.

La poésie

La poésie (on entend par là les textes en vers, à l’exclusion du théâtre et


des textes démonstratifs ou narratifs versifiés, qui seront traités plus loin)
paraît d’emblée le genre le plus usité par les écrivaines de cette période. Il
faut dire qu’elle s’insinue alors partout, qu’elle est la voie royale pour se
faire remarquer du grand public et des mécènes, qu’elle ne nécessite pas
d’avoir fait de savantes études. Les poèmes sont aussi, pour les femmes, ce
qu’il y a de plus légitime à montrer en public, et de plus facile à « glisser »
dans le livre d’un homme — surtout pour le louer ! Presque toutes les
grandes autrices ont écrit des poésies, presque toutes les grandes actrices de
la politique en ont laissé, et les écrivaines qu’on connaît le moins sont
généralement louées pour cette activité.
Certaines ont cependant fait œuvre de poétesses accomplies. Graville,
issue d’une grande famille étroitement liée à la royauté, était certainement
déjà une écrivaine expérimentée lorsqu’elle rédigea, vers 1515, un
remaniement de La Belle Dame sans mercy d’Alain Chartier, transformant
les huitains d’octosyllabes en rondeaux *5. Ce dialogue entre un amoureux
revendicatif et une belle indifférente donnait matière à débats et à
réécritures dans les milieux curiaux depuis sa création, en 1424, en raison
de la tournure fort aigre de l’échange entre les deux personnages, et surtout
de sa fin ambiguë — l’auteur ne prenant finalement parti ni pour l’un ni
pour l’autre 10. Graville est également connue pour un autre long texte
versifié, dont il sera question dans les fictions narratives. Sans doute
produisit-elle bien d’autres pièces poétiques, notamment des pièces de
circonstances, dans le cadre de ses liens avec la reine Claude puis avec sa
belle-sœur Marguerite de Navarre.
Cette dernière est assurément la plus grande poétesse de sa génération.
Elle a en effet pratiqué ce genre toute sa vie, du Dialogue en forme de
vision nocturne (v. 1524) aux Prisons (1547-1549), en passant par le Miroir
de l’âme pécheresse (1530-1531), Le Triomphe de l’agneau (ap. 1531), La
Coche (1541), les Chansons spirituelles (av. 1547) et La Navire ou
Consolation du roi François Ier à sa sœur (1547), sans parler des
nombreuses épîtres et autres pièces en vers publiées dans Les Marguerites
de la Marguerite des Princesses (1547) ou laissées manuscrites. La plupart
de ces poésies n’appartiennent à aucun genre particulier : leurs vers sont
disposés l’un après l’autre, en décasyllabes à rimes suivies, alors que les
pièces de théâtre en vers de la reine déploient une incroyable diversité
formelle. Moins prolixe, sa contemporaine Catherine d’Amboise a composé
des épîtres « qui puisent dans la tradition profane et religieuse, révèlent une
influence conjuguée de la canso courtoise, de la mystique nuptiale, de la
poésie mariale et du dialogue allégorique 11 », résume Catherine Müller.
Trois lettres (au Christ, à la Vierge, du Christ) occupent 670 vers en
décasyllabes à rimes plates, au sein desquels se déploie un chant royal (cinq
strophes de onze vers suivies d’un envoi de cinq), genre destiné à célébrer
la Vierge et qui donnait lieu à des concours poétiques ; elle est la seule
femme connue à s’y être illustrée. Du Guillet montre dans ses Rymes
qu’elle appréciait toutes sortes de genres poétiques : l’épigramme de dix ou
huit vers y domine (respectivement trente et vingt poèmes), mais on y
trouve également dix chansons *6, cinq élégies *7, deux épîtres, une
« mômerie » à cinq personnages, et quelques poèmes entre quatre et douze
vers. Une autre variété se repère dans les mètres : le plus employé est le
décasyllabe (le « vers noble » de l’époque), mais Du Guillet use aussi des
octosyllabes et des alexandrins, qu’elle alterne dans ses chansons 12.
Dans la seconde partie du siècle brille d’abord Labé, dont les Euvres
(1555) contiennent (entre autres) trois élégies et vingt-quatre sonnets *8, les
unes et les autres en décasyllabes. L’Aubépine est également une poétesse
accomplie, dont on mesure encore mal toute l’importance parce qu’elle n’a
presque pas publié de poèmes de son vivant et que son œuvre, très variée,
vient tout juste d’être rassemblée 13 ; elle comprend des « sonnets et autres
pièces lyriques dans la tradition pétrarquiste mais aussi chansons,
villanelles, épigrammes et dialogues satiriques qui traitent, pour la plupart,
de sujets légers 14 », résume l’une des chercheuses à l’origine de sa
résurrection. Marquets se fait d’abord connaître par des Sonets, Prieres et
Devises en forme de pasquins (1562), puis par les nombreuses pièces qui
suivent sa traduction des Divines Poesies de Marc Antoine Flaminius
(1568), sans parler des épîtres, élégies, énigmes, sonnets… qu’elle sème
dans les recueils d’autres auteurs. Elle travaille enfin à un grand œuvre qui
ne paraîtra qu’après sa mort : les 480 pièces de ses Sonets spirituels (1605),
« véritable canzoniere divino, estime son récent éditeur, d’une ampleur et
d’une conception d’ensemble remarquables 15 ». Montenay publie des
Emblemes ou Devises chrestiennes (1571), genre fait d’une gravure
précédée d’une maxime et suivie d’un poème, généralement utilisé pour
soutenir un propos moral, qu’elle est la première à mettre au service de la
foi. Sous sa plume, des huitains de décasyllabes explicitent une citation en
latin, généralement tirée de la Vulgate, et une image gravée par un artiste
célèbre, Pierre Woeiriot. Au nombre de cent, les emblèmes sont suivis
d’autres pièces versifiées (huit sonnets et un quatrain en décasyllabes, une
épître et une énigme en alexandrins à rimes plates). Romieu publie en 1581
ses Premieres Œuvres poétiques, où figurent, outre un discours à rimes
plates, des sonnets, des hymnes, des odes, une églogue, des étrennes, des
élégies, des stances, une énigme… le tout en alexandrins, décasyllabes et
octosyllabes. Coignard semble avant tout amatrice de sonnets : on en trouve
cent trente (et rien d’autre de sa plume) dans les Œuvres chrestiennes
données par ses filles huit ans après sa mort, en 1594.
Trois femmes occupent dans cet ensemble une place à part. Camille de
Morel n’écrit qu’en langues mortes, la plupart de ses textes n’ont fait que
circuler parmi les amis de ses parents, et ils ont été perdus. Pour ceux qui
ont paru, l’un de ses grands connaisseurs écrivait : « Ses poèmes
ressemblent tout à fait aux vers latins composés par ses contemporains
masculins, si ce n’est qu’elle se limite à des pièces de circonstance et à des
éloges. Le style et les sentiments qu’elle exprime sont directs, parfois
péremptoires dans le Tumulus, ce qui ne manque pas de surprendre, étant
donné les contraintes auxquelles les écrivaines sont sujettes à cette
époque 16. » Quant aux Dames des Roches, elles surprennent par leur
détermination et leur productivité. Ensemble, entre 1578 et 1586, la mère
(Madeleine Neveu) et la fille (Catherine Fradonnet) font paraître trois
volumes où la poésie a la plus large part, et elles ne se seraient sans doute
pas arrêtées là si la peste ne les avait emportées toutes deux. Comme le
rappelle leur récente éditrice, « les Dames des Roches s’essaient à tous les
genres poétiques […]. Les genres favoris de Madeleine sont l’ode en hexa-,
hepta- ou octosyllabes, et le sonnet en décasyllabes ou en alexandrins ; la
sobriété et la régularité de la forme distinguent ses vers. Ceux de Catherine
révèlent une grande variété de genres où figurent surtout le sonnet, la
chanson, le dialogue et le poème narratif 17. »
Notons enfin que la plupart des autrices fournissent des poèmes destinés
à chanter un auteur et ses œuvres. Leurs quatrains, dizains, odes, épitaphes,
sonnets surtout, se retrouvent dans un grand nombre de livres, quoique
presque toujours à l’unité et perdus au milieu de quantité de pièces, souvent
plus longues, d’autres auteurs. Même les auteurs les plus ouverts ne
dérogent pas à cette norme. Ainsi les Œuvres chrestiennes d’Antoine La
Pujade, quoique fortement marquées par la présence de la reine Marguerite,
à qui l’auteur cherche à plaire, ne contiennent que deux sonnets de femmes
(l’un de la reine, l’autre de Catherine de La Moyssie), alors qu’on y trouve
six autres contributeurs, qui fournissent huit poèmes.

Les écrits philosophiques

Nombre d’autrices du XVIe siècle s’adonnent à des œuvres de réflexion.


Bourbon-Montpensier laisse un triptyque allégorique composé du Petit
Traicté sur les doulleurs de la passion, du Voyage espirituel entreprins par
l’ame devote et du Fort chasteau pour la retraicte de toutes bonnes ames.
Elle y développe des idées inspirées par d’anciennes autorités, mais aussi
par des œuvres que lui avaient dédiées ses contemporains : le Livre de
meditation sur la reparation de nature humaine de Jehan Henry (avant
1484) et les Epistres familières de Jean Bouchet (1510). D’Amboise
réfléchit aux destinées des grands personnages dans son Livre des prudens
et imprudens des siecles passés (1509), comme l’avait fait Boccace dans le
De casibus virorum illustrium ; soixante-douze histoires tirées de sources
bibliques, historiques, narratives…, réparties en douze livres, lui permettent
de mettre en évidence les pouvoirs de Prudence — et les ornières où
conduit son mépris, le plus souvent sous l’influence du vice. Par la suite,
l’autrice se montre de plus en plus influencée par Boèce, dont la
Consolation de philosophie est fort lue depuis deux siècles. Dans sa
Complaincte de la dame pasmée contre Fortune, elle se voit secourue et
conseillée par Raison, qui finit par la détourner de ses souffrances et
l’ouvrir à celles du Christ.
Chez Marguerite de Navarre, la réflexion philosophique et religieuse
sous-tend toutes les œuvres, mais le travail formel qu’elle s’impose leur
donne d’autres dimensions, plus ludiques dans l’Heptaméron ou les
comédies, plus mystiques dans le théâtre religieux, plus existentielles dans
certaines « ruminations poétiques » comme Le Miroir de l’âme pécheresse
ou Les Prisons. Cependant quelques textes s’offrent un peu plus aisément à
des réflexions partageables, à l’image du Dialogue en forme de vision
nocturne, qui confronte deux points de vue, ou du texte intitulé Le Discord
estant en l’homme par la contrariété de l’Esprit et de la Chair, et paix par
vie spirituelle. Qui est annotation sur la fin du septiesme chapitre, et
commencement du huict. de l’espistre sainct Paul aux Romains (1533).
Hélisenne de Crenne est une autre sorte de raisonneuse. Bien des passages
de ses œuvres relèvent de la réflexion, mais c’est dans Le Songe de
Madame Hélisenne (1540) qu’elle s’y livre le plus philosophiquement.
Comme le rappelle Jean-Philippe Beaulieu, cette « forme narrative très
pratiquée à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance […] permet
à un être humain d’accéder à des vérités supérieures par le contact avec des
entités allégoriques qu’autorise le rêve. […] En tant que témoin de trois
débats successifs et emboîtés portant sur la question de l’amour, elle
consigne les paroles de la dame amoureuse et de l’amant, puis ceux de
Vénus et Pallas, et finalement de Sensualité et Raison 18. »
Dans les années suivantes, les rééditions rapprochées de ce texte et son
insertion dans les six éditions des Œuvres de ma Dame Helisenne (entre
1543 et 1560), la traduction d’un traité d’Isabella Sforza, De la vraie
tranquilité de l’esprit (1546), la première édition du Chemin de Longue
Estude de Christine de Pizan (1549) montrent que l’exercice de la
philosophie paraît encore tout à fait compatible avec la nature féminine.
D’où le Débat de Folie et d’Amour de Labé, controverse menée « thèse
contre thèse » par leurs deux avocats, Mercure et Apollon, devant
l’assemblée des dieux présidée par Jupiter ; une joute verbale qui permet,
sur un ton drolatique, de soumettre l’idéal néoplatonicien à une critique
matérialiste.
Les guerres civiles, enfin, débouchent dans les années 1590 sur une
nouvelle floraison de textes philosophiques, avec la parution d’œuvres qui
s’inscrivent résolument dans la lignée des discours à thème prononcés à
l’Académie du Palais, mais aussi des Essais de Montaigne (dont la première
édition date de 1580). L’Aubépine en publie anonymement dix-huit, réunis
sous l’intitulé Des saines affections (v. 1591). Comme l’annoncent leurs
titres, le propos est délibérément moraliste : Comme il faut se préparer
contre les passions (I), De la prévoyance (III), Du choix des amis (VII), De
la prospérité (X), De la mort (XVIII). Le Gendre, qui pourrait également
avoir fréquenté l’Académie, s’inscrit dans ce sillon avec douze discours :
De la raison (I), De la réputation (III), De l’ambition (VIII), Du vrai
honneur (XII)… D’abord publiés à la suite de ceux de L’Aubépine dans
l’anonyme Cabinet des saines affections (1595) 19, ces textes sont ensuite
édités sans eux et accompagnés d’autres de la même autrice, sous le titre
L’Exercice de l’âme vertueuse.
Enfin, ces années sont celles où éclôt Marie de Gournay, sous l’égide du
grand philosophe décédé en 1592 et dont elle fera vivre la pensée tout au
long de sa vie. Après Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne (1594),
elle fournit la première édition post mortem des Essais (1595). Le texte est
établi à partir de l’édition de 1588 augmentée des nouveaux « allongeails »
de son maître, et précédé d’une grande préface qui sera reproduite dans les
éditions 1617, 1625 et 1635 des Essais, ainsi que dans les éditions de 1599
et 1607 du Proumenoir.

Les écrits politiques

Ils sont rares avant le milieu du siècle. Ici, en effet, le modèle


Marguerite de Navarre ne fonctionne pas : en dépit de quelques Epistres au
roy son frère, elle s’était soigneusement cantonnée au champ littéraire et
religieux. Par la suite au contraire, nombre de femmes se lancent dans le
débat public. Il est vrai qu’alors les dirigeantes se bousculent sur la scène
politique, que les conflits sont nombreux, et que le recours à l’imprimé s’est
banalisé.
Les textes publiés par les princesses relèvent pour une part de la
propagande. Il s’agit souvent de pièces destinées à une personne
particulière, mais rendues publiques pour faire connaître les intentions de la
signataire, dénoncer ses opposant·es, armer ses partisan·es. C’est le cas du
Contract d’alliance entre la Royne d’Angleterre et le prince de Condé
(1562), de la Harangue de […] Madame Marie d’Estuart, […] faite en
l’assemblée des Estast de son Royaulme, tenuz au moys de may dernier
passé (1563), des Lettres de […] Jane Royne de Navarre, au Roy, à la
Royne Mere, à Monsieur frere du Roy, à Monsieur le Cardinal de Bourbon
son beau frere, & à la Royne d’Angleterre. Contenant les justes occasions
de son partement [son départ de Pau], avec Monseigneur le Prince &
Madame Catherine ses enfans, pour se venir [à La Rochelle] joindre à la
cause generale, avec Monseigneur le Prince de Condé son [beau-]frere
(1568)… D’autres pièces sont au contraire produites d’emblée pour
l’opinion publique, comme La Verité des honnestes offres que la royne mere
du roy a faict a ceulx qui se sont retirez a Orleans (autour de Condé), ou la
Protestation faicte et publiee de par la Roine d’Angleterre, sur la resolution
qu’elle a prinse de subvenir aux troubles du royaume de France (1562).
Bien entendu, il est on ne peut plus probable que ces textes ont été pensés
avec d’autres responsables politiques, et que des secrétaires y ont mis la
main.
La chose est beaucoup moins sûre pour les textes versifiés que signent
ces femmes, le plus souvent à l’occasion d’un événement de portée
nationale qui les autorise à s’affranchir des interdits ordinaires. Ici,
l’entourage se contente certainement de « laisser faire », d’autant que toutes
les femmes qui se livrent à cette activité sont veuves — à l’exception de
Marguerite d’Autriche (qui avait ainsi dénoncé la rupture de ses fiançailles
avec Charles VIII) et des trois sœurs Seymour (qui avaient déploré en
distiques latins la mort de Marguerite de Navarre). Catherine de Médicis
pourrait bien avoir rédigé elle-même le Canticque de la royne mere louant
Dieu et les vaillans Capitaines de France, qui ont chassé l’Angloys hors
du Havre de Grace (1563), publié à Lyon l’année même de l’événement
chez Benoît Rigaud 20. Ce serait une exception chez cette autrice de milliers
de lettres, mais on sait que le démon de l’écriture « littéraire » la
démangeait *9. Plusieurs se livrent à des déplorations. Le même Rigaud
imprime Les Regrets et Complaintes de tres-illustre Princesse Elizabeth
d’Austriche, Sur le trespas et enterrement du Roy Charles neufieme de ce
nom, son espoux (1574). Louise de Coligny signe une Deploration de la
Princesse d’Orange sur le corps de son espoux, Guillaume de Nassau, tout
juste assassiné (1584). Anne d’Este proteste avec véhémence, après
l’exécution de ses deux fils sur l’ordre d’Henri III, avec Les Regrets de
Madame de Nemours sur la mort de Messeigneurs de Guyse ses enfans,
tandis que sa bru fait imprimer Les Regrets douloureux de madame la
duchesse de Guyse sur la mort et trespas de feu Monseigneur le duc de
Guyse, son espoux… textes qui reparaissent ensemble ou séparément durant
toute l’année 1589, ainsi qu’accompagnés de Remontrances, Requestes,
Chant douloureux et autres Cruautez sanguinaires reprochées au roi de
France 21.
Des textes en prose sont également dus à leur plume. Jeanne d’Albret
fait rapidement réimprimer les cinq lettres évoquées plus haut,
accompagnées d’une Ample Declaration d’icelles (1569) destinée à
développer leur propos. Ce récit mené à la première personne du singulier
est un mémoire justificatif — et non des Mémoires, titre qui lui sera donné
dans les rééditions du XIXe siècle *10. Loin d’être rédigé pour construire ou
restaurer une image après coup, avec pour horizon d’attente le jugement de
la postérité, c’est un texte fait pour peser sur le contexte politique
immédiat : je veux, dit la reine tout juste installée à La Rochelle avec
d’autres chefs huguenots et des troupes en armes, « faire entendre à un
chacun […] les occasions qui m’ont fait abandonner mes pays
souverains 22 ». Le récit de vie exemplaire est également l’approche choisie
par sa bru Marguerite de Valois et son fils Henri de Navarre (auraient-ils
exploité son procédé ?) dans le plaidoyer qu’elle écrit et qu’il signe en
avril 1574, après l’échec du complot des Malcontents, pour justifier le
prince de ses actes ; texte que les protestants feront paraître sous le titre
Déposition du roi de Navarre (1578). À l’inverse, parce que Parthenay n’est
pas une dirigeante en capacité de se déclarer « mécontente » ou de se
justifier pour des actes politiques, elle se contente de faire circuler
manuscrite l’ironique Apologie pour le Roy Henry quatre envers ceux qui le
blâment de ce qu’il gratifie plus ses ennemis que ses serviteurs (1596), deux
ans après l’arrivée au pouvoir de l’ancien chef des protestants.
Les femmes non issues de l’aristocratie princière qui s’aventurent sur le
terrain de la grande politique le font aussi souvent à l’occasion de deuils :
« I.D.V. » déplore la mort d’Éléonore de Roye, princesse de Condé, héroïne
de la cause huguenote, dans l’Epistre d’une Damoiselle françoise (1564) ;
Vigny celle de son époux, exécuté par les Ligueurs parisiens, dans son
Discours sur la mort de Monsieur le President Brisson (1595) ; Brames
celle de son père dans ses Regrets de damoiselle Marie de Brames sur
l’assassinat du sieur de Brames son père, gouverneur et commandant pour
le roy de la ville & citadelle de Cusset (1597), qui rassemblent un discours
en prose et un long poème ; Gournay celle d’Henri IV dans son Adieu de
l’ame du roy de France et de Navarre Henry Le Grand à la royne. Avec la
defence des peres Jesuistes (1610).
Beaucoup se lancent toutefois dans le débat public sans s’appuyer sur
un événement notable propre à excuser leur geste, se prononçant sur toutes
sortes de sujets. Hélisenne traite des difficultés rencontrées par les femmes
dans les premières épîtres en prose de la littérature française, imitées des
modèles cicéroniens : les Epistres familières et invectives (1539). Dentière
la talonne, mais pour parler de religion, avec son Epistre tresutile […]
Contre les Turcz, Iuifz, Infideles, faulx chrestiens, Anabaptistes, et
Lutheriens (1539). Minut évoque également les troubles religieux dans les
épîtres dédicatoires à Catherine de Médicis et au pape Sixte Quint qui
précèdent les traités de son frère. Estienne recourt aux stances, d’abord pour
défendre le mariage attaqué par Desportes en 1573 (Stanzes du mariage 23),
ensuite pour dénoncer Les Miseres de la femme mariée (entre 1584 et
1595). On sait que son Mépris d’amour était en vers (av. 1584, perdu), et en
prose son Apologie pour les femmes contre ceux qui en médisent (idem).
C’est en revanche en vers que Romieu s’exprime dans son Brief Discours,
que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme (1581) et que
Miremont compose sa propre Apologie pour les dames (1602).
Plusieurs discours en prose d’un ton véhément marquent enfin la
dernière partie du XVIe siècle et le début du suivant, comme si la bataille des
plumes prenait le relais des guerres civiles, comme si le temps n’était plus
aux savantes recherches des rythmes et des rimes. Si la Harengue faicte par
damoiselle Charlotte de Brachart […] qui s’adresse aux hommes qui
veuillent deffendre la science aux femmes (1604) ne fait que quelques
pages, Le Triomphe des dames de « P.D.B. » (1599) en fait 355, réparties
sur douze chapitres. Moins substantielle est La Premiere Atteinte contre
ceux qui accusent les Comédies de Beaulieu (1603), mais sa cinquantaine
de pages est précédée et suivie de plusieurs épîtres, stances et sonnets qui
marquent également l’ancrage de ce discours dans la vie publique de
l’époque. Quant à La Subtile et Naifve Recherche de l’heresie, qui est la
honte et confusion des Predicans, Schismatiques, & Heretiques de Gillet
(1605), c’est un traité divisé en de nombreux petits chapitres par thèmes,
qui est précédé d’une épître dédicatoire (en prose), de louanges (en vers),
d’une préface « Aux lecteurs catholiques » (en prose) et encore d’une épître
« Aux prédicants Luthériens et Calvinistes » (en prose). Dix ans plus tard, le
ton de la reine Marguerite est plus mesuré et son propos plus bref, mais il
demeure remarquablement ferme dans le Discours docte et subtil (1614), lui
aussi consacré à la contestation des thèses misogynes.

Le théâtre

Là encore, l’impulsion donnée par Marguerite de Navarre semble


déterminante. Les onze pièces qu’elle a laissées font d’elle la dramaturge la
plus importante de son siècle, devant Robert Garnier qui n’en a écrit que
huit. Ses dernières éditrices résument parfaitement son apport : « Les pièces
non bibliques sont au nombre de sept : trois satires religieuses (Le Malade,
L’Inquisiteur, Trop Prou Peu Moins), deux divertissements mondains sur la
question de l’amour (Comédie des Quatre femmes, Comédie des Parfaits
amants), et deux méditations lyriques (Comédie sur le Trépas du roi,
Comédie du Mont de Marsan). Les pièces bibliques forment une tétralogie :
la Comédie de la Nativité, la Comédie de l’Adoration des trois rois, la
Comédie des Innocents et la Comédie du Désert. Le mot “comédie”, que
l’on trouve sur les manuscrits (comme celui de “farce”), ne doit pas induire
en erreur : il a alors le sens neutre qu’il avait au Moyen Âge et peut
désigner tout type de pièce, sans distinction de genre. Le théâtre de
Marguerite de Navarre porte du reste la marque de la dramaturgie
médiévale : les pièces bibliques évoquent les mystères médiévaux ; les
pièces non bibliques relèvent de la farce, de la sotie, et surtout de la
moralité dont elles partagent le même souci de didactisme 24. » Écrites à
partir du milieu des années 1530, ces pièces ont peut-être toutes été jouées
dans le cercle de la reine, mais on n’a de témoignages que pour certaines.
Par ailleurs, quelques-unes ont été publiées dans les Marguerites de la
Marguerite des princesses.
À ces pièces faites pour être jouées, dans lesquelles la complexité de la
métrique assure des effets de variété constants, il conviendrait d’ajouter les
différents dialogues que l’on trouve dans l’œuvre de la reine de Navarre,
sans forcément que le terme apparaisse dans leur titre. La Coche, par
exemple, est une discussion sur l’amour entre trois femmes, et
l’Heptaméron présente soixante-douze débats en bonne et due forme au
terme de chaque histoire narrée, dialogues où la plupart des dix personnages
prennent la parole, et où le récit fournit souvent des formes de didascalies, à
propos de leurs gestes, de leurs mines ou de leur ton.
Le Débat de Folie et d’Amour de Labé est quant à lui entièrement
dialogué. Chacun des cinq discours qui le composent représente un acte
selon la division déjà en usage dans le théâtre humaniste, même si le dernier
(la plaidoirie entre les avocats des deux adversaires) est beaucoup plus
ample que les autres. Chaque personnage a sa personnalité propre, des
didascalies sont fournies, et le comique est présent d’un bout à l’autre de
cette « pièce » que des troupes commencent du reste à monter.
Très intéressée par le théâtre, la jeune des Roches expérimente plusieurs
pistes. Le premier volume publié avec sa mère, en 1578, contient deux
poèmes destinés à une mascarade d’Amazones et six dialogues en prose
mêlée de vers. Quatre relèvent de la tradition allégorique : de Vieillesse et
Jeunesse ; de Pauvreté et de Fortune ; de la Main, du Pied et de la Bouche ;
de la Pauvreté et de la Faim. Deux s’en écartent : le Dialogue d’Amour, de
Beauté et de Physis, inspiré du Phèdre de Platon et du Commentaire sur le
Banquet de Ficin ; et le Dialogue de Sincero et de Charite, qui poursuit la
discussion sur l’amour en la plaçant cette fois dans la bouche de deux
amoureux. La Seconde Édition du livre, parue l’année suivante, est
augmentee de la Tragi-comedie de Tobie, réécriture d’un récit de la Bible
aboutissant à une véritable pièce en plusieurs actes. Les Secondes Œuvres
(1583) proposent, outre quarante-six « réponses » (poèmes de circonstances
répliquant à d’autres), des textes ouvertement destinés à la représentation :
d’abord une bergerie ; ensuite deux dialogues complémentaires, l’un entre
deux pères, l’autre entre leurs deux filles. Enfin, les Missives (1586)
contiennent vingt-quatre nouvelles « réponses » de Catherine.
Les pièces perdues de la duchesse de Nevers et de la vicomtesse de
Rohan exploraient sans doute d’autres territoires. Si la traduction de
l’Aminte du Tasse par la première s’inscrivait dans le goût pour la pastorale
(que ce texte allait incarner jusqu’au XVIIIe siècle), la connexion d’Henriette
avec le duché de Mantoue, grâce à son mariage avec Ludovic de Gonzague,
laisse supposer qu’elle a dû s’intéresser aussi aux tragi-comédies, dont la
mode avait débuté en Italie. Parthenay quant à elle semble avoir été la seule
à suivre les humanistes sur leur terrain. La Croix du Maine dit en effet
qu’elle écrivit « plusieurs tragédies et comédies françaises, et entre autres la
tragédie d’Holopherne, laquelle fut représentée en public à la Rochelle, l’an
1574 ou environ », soit une vingtaine d’années après que les théologiens
protestants eurent décidé de tourner le dos à cet art, jugé trop profane pour
traiter de sujets bibliques. Telle n’était pas l’avis de cette lettrée, comme en
témoignent les seuls textes dramaturgiques conservés d’elle, car publiés
aussitôt : les Baletz representez devant le roy à la venue de Madame à Tours
en 1593, écrits en l’honneur de sa grande amie la princesse de Navarre ;
trois mini-pièces qu’interprétèrent l’autrice, ses filles, ses fils, la sœur du roi
elle-même, et deux proches serviteurs de ce dernier.
À la fin de la période, Le Gendre reprend la discussion sur l’amour dans
son Dialogue des chastes amours d’Eros et de Kalisti (1596), échange en
prose qui fait aussi parler un troisième personnage, Sophie ; l’œuvre
s’inspire à la fois du Débat de Folie et d’Amour de Labé et du Dialogue
d’Amour, de Beauté et de Physis de Catherine des Roches. Et le nouveau
siècle s’ouvre avec la traduction d’une pièce déjà publiée en italien en
1588 : Myrtille, bergerie d’Isabelle Andreini comediante des Jaloux (1602)
— c’est-à-dire des Gelosi, la troupe étant alors installée à Paris. C’est en
faveur de ce nouveau théâtre que Beaulieu rédige l’année suivante son
pamphlet contre ceux qui accusent les Comédies, volume qu’elle clôt en
donnant la parole, en français et en italien, à la « comica Gelosa ».

Les fictions narratives

Ces genres auxquels on cherchera un jour à circonscrire les femmes,


notamment le roman, sont alors peu empruntés par elles, si ce n’est par le
biais de traductions ou d’adaptations. Anne de France rédige à l’intention
de sa fille une courte nouvelle, l’Histoire du siège de Brest, à partir de trois
textes d’Antoine de la Sale qui dataient des années 1450 (une lettre de
consolation et deux exempla). Ce texte en prose, rédigé vers 1504, copié
sans titre 25 ni commentaire dans le manuscrit offert à Suzanne pour son
mariage, était destiné à fournir une illustration à la fois narrative et
iconographique aux graves Enseignements de l’ancienne régente. Graville
rédige vers 1521 le Beau Romant des deus amans Palamon et Arcita et de
la belle et saige Emilia. Cette réécriture en vers du roman épique de
Boccace, Teseida delle nozze d’Emilia (v. 1340), lui-même inspiré du
Roman de Thèbes (XIIe siècle), s’inscrit dans le mouvement d’adaptation de
la « vieille matière » romanesque au public des cours, qui caractérise toute
la Renaissance. C’est également à la traduction de ce texte que La Font
s’attaque dans ces mêmes années, mais rien ne nous en est parvenu 26. Scève
atteste le goût du milieu lettré lyonnais pour les narrations italiennes. Elle
publie en effet la première traduction d’un texte apparu à la fin du XVe siècle
et généralement attribué au Toscan : Urbain le mescongneu filz de
l’empereur Fédéric Barberousse, qui par la finesse de certains Florentins
surprist la fille du Souldan, histoire de Jehan Boccace, non moins
adventureuse que délectable, translatée nouvellement d’italien en françoys
(1532 ou 1533).
Hélisenne de Crenne affiche des ambitions beaucoup plus grandes. Les
Angoysses douloureuses qui procedent d’amours, contenantz troys parties
composées par Dame Helisenne, Laquelle exhorte toute personne a ne
suyvre fol amour (1538, ill. 6) sont un grandiose roman, qui combine
diverses traditions en multipliant les changements de points de vue. La
première partie, narrée à la première personne par Hélisenne et centrée sur
son histoire d’amour avec Guénélic, s’inspire du « roman sentimental »
italien et espagnol, mais l’autrice y jette aussi les bases du roman
psychologique qu’on dit à tort inventé par Lafayette. La deuxième partie
relève du roman héroïque et chevaleresque : l’amant retrace les aventures
qu’il a connues avec son compagnon Quézinstra pour retrouver et libérer
Hélisenne, enlevée et séquestrée par son mari. La troisième mélange le
pathétique et le symbolique, au prix d’une triple prise en charge de la
narration : d’abord par Guénélic, qui explique les retrouvailles des amants,
puis par son ami, qui rapporte leur mort, leur traversée des Enfers et leur
arrivée aux Champs Élysées avec Mercure, enfin par Hélisenne, dont on
comprend alors qu’elle n’avait jamais lâché la plume. La dame de Crenne
s’intéresse également à l’histoire de Didon, comme l’atteste sa traduction
des Quatre Premiers Livres des Eneydes du treselegant poete Virgile
(1542).
6. Première de couverture des Angoysses douloureuses qui procedent d’amours, première
édition, Denis Janot, 1538.

La sœur de François Ier s’attaque pour sa part à une autre tradition, celle
du recueil de contes dont Boccace avait lancé la vogue avec son Decameron
(v. 1350). Bâti sur une structure simple (dix personnages immobilisés pour
une raison indépendante de leur volonté racontent chacun une histoire par
jour durant dix jours), et facilement imitable (moyennant modifications de
« l’histoire cadre » et des récits des personnages), ce livre avait déjà inspiré
plusieurs auteurs. Marguerite reprend ce dispositif en vue d’une œuvre plus
complexe, tant pour les caractères des « devisant·es » et la variété de leurs
récits que pour l’ampleur et la profondeur de leurs débats. L’œuvre n’est
pas terminée à la mort de la reine. Les soixante-douze histoires écrites
paraissent d’abord en 1558 sous le nom d’Histoire des Amans fortunez, puis
dès l’année suivante sous le nom d’Heptaméron, avant de constituer le
premier best-seller féminin (une vingtaine d’éditions jusqu’en 1615). C’est
sur ce texte que reposera la réputation littéraire de la reine de Navarre,
jusqu’au XXe siècle où l’on redécouvrira le reste de son œuvre.
La fiction narrative est peu représentée chez les autrices de la fin de la
Renaissance, si ce n’est — à nouveau — par le biais de la traduction. On ne
peut évidemment rien dire de celle, perdue, des Héroïdes d’Ovide par
L’Aubépine, si ce n’est qu’elle témoigne du goût persistant des femmes
pour ces épîtres véhémentes des grandes héroïnes de l’Antiquité. On peut
en revanche observer que Gournay publie dans le même ouvrage sa
traduction du deuxième livre de l’Énéide (toujours les malheurs de Didon)
et le récit du Proumenoir (dont l’héroïne est également bien malheureuse).
À lire l’épître à Montaigne qui ouvre le volume, Gournay lui aurait d’abord
raconté cette histoire un jour qu’ils se promenaient ensemble (d’où le titre),
puis elle l’aurait mise noir sur blanc et la lui aurait envoyée avec l’épître, et
le tout aurait été retrouvé dans les papiers de Montaigne après sa mort. On
doute aujourd’hui de cette mise en scène. Quant au texte, c’est une nouvelle
inspirée des Discours des Champs faez de Taillemont (1553), qui s’inscrit
dans la vogue naissante des « histoires tragiques » : la princesse Alinda va
d’un malheur à l’autre, affligée par son père, roi de Perse, qui veut la marier
dans un pays ennemi, puis par l’homme qui propose de l’aider à échapper à
ce sort, et enfin par l’hôte qui abrite leur fuite. Le récit est fait par la
princesse elle-même, à la première personne du singulier, mais Gournay
l’entrelarde de ses propres réflexions. C’est l’unique texte de cette veine
qu’elle produira 27. Enfin, Beaulieu propose, quatre ans avant la parution des
premières parties de l’Astrée, un bref roman sentimental en prose rempli de
discussions philosophiques : L’Histoire de la Chiaramonte (1603). Ici, c’est
un creuset commun qu’on peut soupçonner, sachant que la jeune femme
était liée, comme d’Urfé, à la reine Marguerite.

L’histoire

Aucune autrice de ce temps ne se voit confier la tâche d’écrire la vie


d’un roi, comme Christine de Pizan l’avait été pour celle de Charles V.
Plusieurs traitent néanmoins de la grande histoire ou d’événements
importants. Leurs objectifs peuvent être multiples. Ceux de Louise de
Savoie sont obscurs dans la sorte de journal que l’on publiera au XIXe siècle
sous le nom de Mémoires en remettant ses notes dans l’ordre
chronologique. La régente les a au contraire classées par mois, sans doute
dans douze cahiers différents, avant de faire procéder à leur assemblage et à
leur recopiage. Sont ainsi enregistrés des faits qui lui tenaient à cœur
— jusqu’à l’heure précise pour certains — peut-être avec une
préoccupation astrologique 28.
La religieuse Jeanne de Jussie retrace les violences subies par les
couvents de femmes à l’époque où le protestantisme progresse dans le
Genevois, que sa communauté finit par quitter en 1535 pour se réfugier à
Annecy. On ne sait si cette chronique entrait dans les attributions de la
secrétaire du couvent (qui allait devenir son abbesse), ou si les religieuses
l’ont chargée de l’écrire pour laisser une trace de ces événements
mémorables, ou encore si le duc et la duchesse de Savoie, qui les avaient
accueillies à Annecy, ont sollicité ce récit. Ce sont en effet leurs
descendants qui firent paraître le texte, sous le titre Le Levain du
calvinisme, ou Commencement de l’heresie de Geneve (v. 1611) 29.
Les événements que Jeanne d’Albret tient à développer dans son Ample
Déclaration de 1569 relèvent eux aussi de l’histoire des progrès du
protestantisme, mais vus du côté des familles royales de France et de
Navarre. Elle se concentre sur les années qui suivirent son accès au trône :
sur les persécutions qui accablèrent son mari et elle après leur conversion à
la Réforme, puis elle seule comme épouse (Antoine étant retourné au
catholicisme), et enfin comme veuve imposant la nouvelle religion à ses
États, prenant la tête du camp réformé et devenant la bête noire des Guise.
C’est encore l’histoire du protestantisme que tient à consigner Charlotte
Arbaleste, dame de Mornay, dans un texte qui, comme celui de Jeanne, sera
publié au XIXe siècle sous le nom de Mémoires. C’est en réalité une « Vie de
Duplessis », son mari, bras droit d’Henri de Navarre jusqu’à la conversion
du roi, ensuite principal défenseur de la communauté huguenote auprès de
lui. Elle veut raconter ce qu’il a fait, explique-t-elle, « pour servir après
nous à notre postérité », ou plus exactement pour que leur fils n’ait « faute
de guide 30 » dans sa propre vie. Écrite entre 1584 et 1604, cette relation
rapporte les activités de son mari dès avant leur mariage, en fournissant
beaucoup de renseignements sur ses négociations, ses déplacements, ses
écrits, sa pensée.
Tout autre est la posture de Marguerite de Valois, qui prend la plume
après avoir reçu le Discours sur la reine de France et de Navarre de son
ami Brantôme — œuvre qu’elle lui avait jadis commandée et où elle a noté
« de l’erreur ». On est à la fin de l’année 1593 ou au début de la suivante, la
guerre est finie, son mari est devenu roi de France, il lui a envoyé des
émissaires en vue de l’annulation de leur mariage ; elle pense que l’exil en
Auvergne touche à sa fin et que les « mémoires » qu’elle va « tracer » pour
que Brantôme puisse revoir son texte ne l’occuperont que quelques jours.
En réalité, la négociation du démariage va durer jusqu’à la fin du siècle, et
il lui faudra encore patienter cinq ans avant de pouvoir revenir à Paris. On
ne sait sur combien de temps s’est étalée la rédaction du texte, dont toute la
fin a été perdue. On observe seulement que le ton change rapidement : les
explications initiales laissent place, après quelques hésitations sur la
conduite du récit, à une narration chronologique menée à la première
personne, sur le ton de la conversation amicale. On sait aussi qu’elle
n’envoya jamais son œuvre à son « historien ».
Délivrant des informations de premier plan pour la connaissance de
l’histoire de l’Europe, la reine s’attarde aussi sur des péripéties
personnelles, parce qu’un souvenir en éveille un autre, ou parce que la
pensée de son destinataire oriente son récit (elle passe rapidement sur ce
qu’il a connu et développe le reste). Chemin faisant, le désir de rectification
s’efface au profit de celui de prouver qu’elle méritait la confiance de ses
alliés, voire qu’elle était digne d’être reine de France. Le texte s’avère
cependant un véritable espace de liberté. Il accueille des plaisanteries avec
Brantôme, des réflexions sur le moi, l’amour, l’amitié, et même un petit
récit sur l’une de ses suivantes, dont un lecteur fera un roman
(Mademoiselle de Tournon, 1678). Le succès de cette œuvre, qui deviendra
un best-seller dès sa parution, en 1628, en fera l’ouvrage fondateur du genre
des Mémoires *11. Nombre de vaincu·es de la Fronde, notamment, verront
dans cette manière de raconter sa vie un moyen de supporter l’oisiveté
imposée par l’exil ou la prison, et surtout celui de laisser un témoignage de
première main sur son action, face à l’histoire officielle — nécessairement
hostile — produite par la monarchie.

Les écrits didactiques

Les autrices de ce temps n’hésitent pas non plus à donner des conseils
ou à délivrer des savoirs. Plusieurs suivent une voie ouverte par Christine
de Pizan, dont le Tresor de la Cité des Dames *12 a été imprimé trois fois
entre 1497 et 1536. Anne de France, qui possédait l’ouvrage, s’inspire aussi
des Enseignements de Saint Louis à sa fille Isabelle. Le traité d’éducation
féminine qu’elle rédige vers 1503 s’adresse à sa fille unique, qui n’a alors
qu’une douzaine d’années mais qui pourrait bien être mariée rapidement à
un prince de la famille royale vu l’intérêt qu’elle représente en tant
qu’héritière du duché de Bourbon ; l’ouvrage est donc spécifiquement
conçu pour une princesse de son rang, et rempli de conseils vers lesquels
elle pourra revenir plus tard. Il lui est finalement offert en 1505, à
l’occasion de son mariage avec l’homme qu’Anne a choisi, Charles de
Montpensier. Les trente développements qui le composent se fondent sur
l’expérience de l’ancienne régente, sa connaissance de la Cour et de la
politique, sa compréhension des conditions auxquelles les femmes peuvent
s’y maintenir et s’y imposer. C’est ce que comprit Marguerite de Navarre,
qui fit rééditer le texte à Toulouse en 1535, sans doute à l’intention de sa
propre fille, peut-être aussi avec l’idée d’un public plus large (de femmes,
de pédagogues).
Entre les deux dates, Bourbon-Montpensier avait rédigé une Instruction
des jeunes filles, mais on ignore son contenu. Bien plus tard dans le siècle,
Romieu publie son Instruction pour les jeunes dames (1572), adaptation du
Dialogo de la bella creanza de le donne d’Alessandro Piccolomini (1539),
qu’elle remanie pour en faire disparaître les aspects satiriques :
remplacement du préambule paradoxal par « une épître liminaire à visée
univoque et strictement didactique », remplacement de la maquerelle-
conseillère en « mère d’élection » honorable, omission des passages
graveleux ou simplement comiques, mise en valeur de l’enseignement
délivré 31. C’est au contraire avec une grande fidélité que Cambis traduit
l’Epitre du Seigneur Jean George Tryssin, de la vie que doit tenir une Dame
veuve (1554), dont l’original avait paru pour la première fois en 1524 à
Rome.
Une poussière d’autres textes pédagogiques s’inscrivent dans une veine
religieuse. Des modèles de prières parsèment l’œuvre de Marguerite de
Navarre, dès la réédition du Miroir de l’âme pécheresse, en 1533. Peut-être
sous son influence paraissent les Quinze Oraisons attribuées à Brigitte de
Suède (1531, 1532, 1537). Ce mouvement reprend un demi-siècle plus tard,
sous l’influence cette fois de la réforme catholique. En 1580 est traduit en
français Le Dialogue et Oraisons de l’excellente Vierge saincte Catherine
de Sienne, religieuse du tiers ordre S. Dominique… En 1584, les conseils
d’une nonne italienne sont publiés à Louvain sous le titre Practique
Spirituelle d’une servante de Dieu, à l’exemple de laquelle se peut exercer
toute Religieuse ou personne spirituelle. Fort utile pour vivre
spirituellement dedans les Monasteres, et hors d’iceux ; l’autrice est sans
doute Angelica Paola Antonia de’ Negri (1508-1555), connue pour d’autres
ouvrages encore en Italie. En 1588, c’est une œuvre de la princesse de
Parme, Marie de Portugal, qui est imprimée à Anvers, à l’initiative de son
époux retourné vivre en Flandre après sa mort : La Practique Spirituelle de
la devote et religieuse Princesse de Parma […] avec les Litanies de la
Sacree Vierge Marie, comme les disent ceux qui sont de la Congregation de
la dicte Vierge, et un Catalogue des livres Spirituels tant pour se convertir à
Dieu, que pour faire progres aux sainctes vertus.
Enfin, deux écrivaines délivrent de vrais savoirs (de leur époque). C’est
comme traductrice que Marie de Cotteblanche tente de faire progresser
l’astronomie, avec les Trois Dialogues de Pierre de Messie [Pero Mexia, ou
Mejía], touchant la nature du soleil, de la terre et des meteores, et de toutes
les choses qui se font et apparoissent en l’air (1566). C’est comme sage-
femme expérimentée que Louise Bourgeois, épouse d’un chirurgien et
accoucheuse de plusieurs très grandes dames et de la reine Marie de
Médicis, propose en 1609 le premier traité d’obstétrique d’une Française.
Ses Observations diverses sur la sterilité, perte de fruict, fœcondité,
accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz… sont
fondées sur des connaissances d’anatomie relativement approfondies. Cet
ouvrage n’est que le premier de ceux que Bourgeois livrera au public.

STRATÉGIES AUCTORIALES :
L’EXHIBITION DU SUJET FÉMININ

Nouvelles venues dans le champ de la parole publique, inattendues dans


celui de l’imprimé, dépourvues des diplômes légitimant le désir d’y
accéder, les autrices de ce temps s’imposent à visage découvert, mais elles
sont loin de le faire naïvement ou isolément. Multipliant les gestes propres à
asseoir leur autorité, exploitant au mieux les attentes des imprimeurs et les
espaces ouverts par les pionnières, elles s’attachent à mettre en lumière le
sujet féminin, qu’il soit auteur, dédicataire, lecteur, personnage ou objet de
discours.

Signer ses œuvres

Les grandes dames qui ne publient pas ne se cachent pas pour autant.
Leurs manuscrits portent toutes sortes de traces d’elles : noms, armoiries,
enluminures, allusions biographiques, voire inscriptions au fil des textes.
« Souvent oraison / Te présente Catherine d’Amboise 32 », écrit par exemple
dans son épître au Christ celle qui termine ses autres compositions
poétiques par la phrase « Fin par moi, K. d’Amboise ».
Les autrices imprimées font de même savoir qui elles sont d’une
manière ou d’une autre, du moins dans leur immense majorité. Là encore,
l’exemple des princesses a dû jouer un rôle majeur. Toutes affichent leur
nom et leur principal titre, voire plusieurs, en couverture des plaquettes ou
des ouvrages publiés : Harangue de tres noble et tres vertueuse dame
Madame Marie d’Estuart, Royne d’Escosse, Douairiere de France…, Les
Regrets et Complaintes de tres-illustre Princesse Elizabeth d’Austriche…,
Le Chant douloureux de Madame la duchesse de Guyse, etc. Celles qui
n’ont pas de titres aussi prestigieux en arborent d’autres : l’Epistre
consolatoire de Messire Iean Boccace est présentée comme traduicte
d’Italien en Françoys par Damoiselle Marguerite de Cambis, Baronne
d’Aigremont et Lieutenante de Nismes. L’autrice des Sonets, Prieres et
Devises en forme de pasquins signale son statut de religieuse : par Sr [sœur]
Anne de Marquets. La Subtile et Naifve Recherche de l’heresie est
revendiquée par Didiere Gillet, simple femme de village. Les Observations
de l’accoucheuse royale sont non moins fièrement affichées comme
amplement traictees et heureusement praticquees par L. Bourgeois dite
Boursier sage femme de la Roine.
Certaines préfèrent laisser découvrir leur nom à l’intérieur du livre.
Gournay signe sa première œuvre par une périphrase désignant sa relation
avec l’homme qui lui sert d’égide : Le Proumenoir de Monsieur de
Montaigne, par sa fille d’alliance. L’expression est répétée dans le mot de
« L’imprimeur au lecteur » (« Il y a quelques années que ce livret fut
envoyé à Monseigneur de Montaigne par sa fille d’alliance… ») ; l’énigme
est résolue à la fin de l’épître au grand homme qui suit, écrite « À Gournay
le 26e de novembre 1588 ». Elle signe de même sa « Preface sur les Essais
de Michel seigneur de Montaigne. Par sa fille d’alliance ». Beaulieu use
d’une périphrase plus neutre dans les deux ouvrages qu’elle donne en
1603 : par une demoiselle françoise. Mais dans la Chiaramonte, les épîtres
dédicatoires sont signées M.D.B., et dans La Premiere Atteinte contre ceux
qui accusent les Comédies, deux sonnets d’Isabella Andreini sont adressés
« À Mademoiselle de Beau-lieu ». Brabant n’inscrit pas son nom sur la
couverture des Annonces de l’esprit et de l’âme fidèle, contenant le
Cantique des Cantiques de Salomon en ryme françoise, avec le triomphe de
l’agneau, par très illustre princesse Marguerite, royne de Navarre, plus
autres œuvres de mesme sujet, la plus part encores de la mesme princesse
(1602) : c’est en feuilletant le livre qu’on découvre que « Damoiselle Marie
de Brabant, femme du seigneur de Blacy » est à la fois l’éditrice du volume,
la rimeuse du Cantique et l’autrice de plusieurs pièces.
Les textes insérés dans les ouvrages d’une tierce personne révèlent
également le nom de leurs autrices. Le Recueil des œuvres de feu
Bonaventure des Periers (1544) fait place à un « Envoi. Par Jacqueline de
Stuard, Lyonnaise », auquel répond l’auteur, puis à une « Chanson. A
Claude Bectone, Dauphinoise », suivie de sa « Réponse ». Les
Epigrammaton ad principes et magnates Galliae de La Jessée (1574)
abritent un poème intitulé « Ad J. Gesseum Camillae Morellae ». Le Passe-
Temps de Monsieur de la Motte-Messemé (1595) contient un « Sonnet à
Monsieur de la Motte-Messamé, fait par Madame de Rivery », suivi des
initiales M.L.G. (Marie Le Gendre). Plus curieux, c’est en ouvrant Les
Fleurs des Secrets moraux sur les passions du cœur humain du père Loryot
(1614, ill. 7) qu’on découvre — en première position — le discours de
Marguerite de Valois sur l’excellence des femmes ; la couverture annonçait
seulement que les écrits du Jésuite étaient dediez a la Royne Marguerite,
duchesse de Valois, et imprimez par le commandement de sa Majesté. Cette
dernière précision montre toutefois que l’initiative lui revenait.
D’autres préfèrent s’identifier par des initiales. Cette pratique est alors
relativement répandue chez les hommes aussi. Plus que d’un désir de
dissimulation, elle semble relever d’un code permettant à des milieux de se
reconnaître, à une époque où le public visé est mince et sait de quoi il
retourne. Il est peu probable, par exemple, que l’imprimeur des Amours
pastoralles de Daphnis et Chloé […]. Ensemble Un debat Indiciel de Folie,
et d’Amour, fait par Dame L.L.L. Plus quelques vers François […]
P[ar] M.D.R. Poetevine (1578) ait cherché à dissimuler les noms de Labé et
de des Roches. On n’imagine pas non plus que Marie Dentière ait pensé
tromper qui que ce soit en signant M.D. l’Epistre tresutile faicte et
composée par une femme chrestienne de Tornay ; cette chrétienne-là était
depuis plusieurs années déjà une activiste bien connue dans le microcosme
protestant suisse.

7. Première de couverture des Fleurs des secretz moraux.


Le phénomène paraît encore plus courant dans les cercles du pouvoir.
Antoinette de Loynes fait suivre ses poèmes d’un simple
« Damoiselle A.D.L. » ou « Dam. A.D.L. ». Madeleine de L’Aubépine
signe énigmatiquement C.M. le sonnet « Sur les Amours de Philippe
Desportes » dans les Premieres Œuvres de cet auteur (1573), mais elle est
identifiable par sa devise, Et florida pungunt (« même couverts de fleurs, ils
piquent »). Sa signature devient moins obscure dans l’édition de 1582 :
C.M.D.L. À quoi correspond donc le C ? Certainement au nom de
Callianthe, dont signe celle qui répond au sonnet de Ronsard commençant
ainsi :

Madeleine ôtez-moi ce nom de l’Aubespine,


Et prenez en sa place et Palmes et Lauriers,
Qui croissent sur Parnasse en verdeur les premiers,
33
Dignes de prendre en vous et tiges et racine .

Autrement dit, si rien ne permet de l’identifier dans le volume de


discours philosophiques paru dix ans plus tard, c’est peut-être qu’elle
jugeait la chose complètement inutile. Heureusement que Le Poulchre en
certifie l’attribution, en parlant de « cette De L’Aubespine qui par modestie
ne voulut mettre son nom aux Saines Affections qu’elle avait composées, et
qui étaient estimées même de Ronsard 34 ».
On se félicite aussi que La Croix Du Maine ait attribué l’Instruction
pour les jeunes dames à Romieu : on aurait sans doute mis du temps à
comprendre à qui revenait ce texte, même si les initiales M.D.L. signant sa
dédicace se retrouvent à l’identique — mais neuf ans plus tard — à la fin de
l’« Épître à mon frère » qui ouvre Les Premieres Œuvres poetiques de Ma
Damoiselle Marie de Romieu, Vivaroise. On doit aussi à cet érudit le
rapprochement entre Cotteblanche et la traduction des Trois Dialogues de
Pierre de Messie. Mais l’inscription M.D.C. qui suit la dédicace à la
maréchale de Termes devait suffire, dans le Paris des lettres des
années 1560, à identifier l’autrice. Pour Anne de Marquets, qui ne signe
qu’A.M. ou A.D.M. les pièces qu’elle insère dans les œuvres du théologien
Claude d’Espence, c’est aussi une dédicataire commune qui laisse
comprendre ce que recouvrent ces initiales.
Il est donc bien possible que les quelques femmes signant d’initiales
devenues indéchiffrables aient été, de la même façon, parfaitement
reconnaissables par leur entourage, voire par les curieux s’intéressant à la
vie culturelle de leur temps. Celle qui signe « P.D.B. » trois de ses pièces
liminaires (dont celles qui s’adressent ou se réfèrent à la duchesse de
Montpensier) et « La Chaste Driarée » le poème « Sur le triomphe des
dames », était à l’évidence identifiée par les élites 35. Il en va certainement
de même des cinq « Damoiselles » ou « Parisiennes » qui contribuent aux
ouvrages du célèbre juriste Louis Le Caron. Quant aux liens entre les
éditions lyonnaises en italien et en français d’Urbain le mescongneu qui
permirent à Verdun-Louis Saulnier de comprendre que la traduction
revenait à Claudine Scève 36, ils fournissent assurément une énigme plus
complexe ; mais qui pouvait ne pas la comprendre à Lyon, dans le milieu
lettré des années 1530, à l’heure où Maurice travaillait à la traduction de la
Fiametta de Boccace — l’auteur prétendu d’Urbain ?
Est-ce alors le manque de noblesse, de réseau, de notoriété, qui pousse
Briet à opter pour le pseudonyme ? Première femme à adopter un « nom de
plume », elle ne s’en sert pourtant pas pour se cacher — et surtout pas pour
cacher son sexe. Ayant choisi le nom d’un personnage féminin d’Amadis de
Gaule (le plus fameux roman espagnol de l’époque, en traduction chez son
éditeur au moment où elle publie ses premières œuvres), « Hélisenne » le
fait systématiquement précéder du mot Dame, assorti ou non du
déterminant « ma », détaché ou attaché. Elle indique de même
systématiquement le nom de la terre de son époux, Crenne, se disant ainsi
fréquemment « dame de Crenne ». Elle ne signe cependant jamais
« Hélisenne de Crenne » : ce sont les éditeurs qui, à partir de 1560 (elle est
sans doute décédée), appliqueront à son cas l’ancien usage des intellectuels
identifiés par leur prénom et leur ville d’origine (Thomas d’Aquin,
Christine de Pizan…).

Se positionner dans le champ des lettres

Beaucoup d’autrices ne se contentent pas de revendiquer leurs œuvres.


Elles veulent être prises au sérieux. Si Marguerite de Navarre l’est
d’emblée, vue la nature du personnage et de ses publications, les princesses
qui n’ont qu’une activité littéraire marginale redoutent de passer pour des
prête-noms. Jeanne d’Albret fait ainsi préciser, en couverture du premier
livre qui renferme plusieurs de ses sonnets, qu’ils sont bien de sa plume :
Ode sur la naissance du petit duc de Beaumont, fils de Monseign. de
Vandosme roy de Navarre, par I.D.B.A. [Joachim Du Bellay Angevin]
Ensemble [avec] certains sonnets du mesme auteur à la royne de Navarre,
ausquels ladicte Dame fait elle-mesme response (1561). Réalisée peu après
la mort du poète, cette édition fait d’une pierre deux coups pour Jeanne :
l’Ode est consacrée à la naissance de son premier fils (Henri, 1551-1553),
et les pièces qui suivent sont pour l’essentiel un échange de vers entre elle
et l’un des plus grands noms de la poésie française de l’époque 37. La seule
œuvre publiée par Marguerite de Valois sous son nom est pour sa part
« authentifiée » par son éditeur, Loryot. On apprend en effet dans
l’Avertissement comment est né le Discours docte et subtil : la reine a
contesté de vive voix, en public, devant sa cour, les thèses que le jésuite
avait défendues dans un ouvrage précédent ; puis il a reçu le discours où
elle résumait ses idées sur l’un des points en débat. Il écrit : « La pensée me
vint (il faut que je le confesse), que c’était un des plus doctes de ses savants
qui avait fait voir la fécondité de son esprit […] jusqu’à ce qu’étant allé
remercier sa majesté […] toute la cour me tira d’erreur 38… ».
Les autrices sans diadème redoutent quant à elles qu’on les taxe
d’amateurisme. Elles multiplient donc les preuves de leurs savoirs.
Plusieurs publient des traductions en parallèle de leurs propres œuvres, en
affichant leur « professionnalisme » : Les Quatre Premiers Livres des
Eneydes du treselegant poete Virgile, Traduictz de Latin en prose
Françoise, par ma dame Helisenne, A la traduction desquelz y a pluralite
de propos, qui par maniere de phrase y sont adjoustez, ce que beaucoup
sert à l’elucidation et decoration desdictz livres… (1542). Marquets traduit
Les Divines Poesies de Marc Antoine Flaminius, contenantes diverses
prieres, meditations, hymnes et actions de graces à Dieu : mises en
françoys, avec le latin respondant l’un à l’autre (1568). Les Dames des
Roches annoncent que leurs Missives contiennent Le Ravissement de
Proserpine prins du latin de Clodian. Gournay fait suivre Le Proumenoir de
Monsieur de Montaigne d’une Version du second livre de l’Æneïde. Si
Cotteblanche n’écrit rien — que l’on sache — à côté de sa traduction des
Dialogues de Pierre de Messie, elle montre qu’elle maîtrise plusieurs
langues. S’attaquant à la version originale, en castillan, elle s’appuie sur
l’italienne, comme en témoignent les « manchettes comparant les deux
langues 39 » qui ornent le livre. Brabant montre l’ampleur de ses savoirs et
de ses savoir-faire en proposant le Cantique des Cantiques de Salomon en
ryme françoise.
Plus modestement, le recueil de poèmes de Du Guillet présente « deux
épigrammes italiennes ainsi que deux longues pièces traduites “du parangon
italien” 40 » ; et celui de Labé affiche, en ouverture de la section des sonnets,
un poème dans cette langue, qui fait allusion à Pétrarque. Les deux
Lyonnaises montrent ainsi à peu de frais qu’elles maîtrisent à la fois la
grande langue de culture de l’époque et les techniques de versification qui
lui sont propres. De Loynes entre sur la scène de l’imprimé en 1550 en
participant à deux volumes où le latin domine ; puis l’année suivante
comme traductrice de plusieurs distiques latins des sœurs Seymour. Sa fille
Camille donne à voir ses vers grecs et latins. Romieu propose dans ses
Premières Œuvres poétiques une « imitation d’un sonnet de Pétrarque », et
elle glisse dans Les Melanges de son frère (1584) la traduction d’un dizain
latin.
D’autres signes d’excellence sont affichés. Hélisenne est la première à
intituler « œuvres » un volume en prose : avant elle, ce terme n’avait été
employé que pour des auteurs morts considérés comme des classiques, et
par Marot pour des mélanges de vers et de prose. Son titre insiste en outre
sur l’apport de cette édition : Les Œuvres de ma Dame Helisenne, qu’elle a
puis nagueres [récemment] recognues & mises en leur entier. Cest ascavoir
les Angoisses douloureuses qui procedent d’amours, Les Epistres familieres
et invectives, Le Songe de ladicte dame, le tout mieulx que par cy devant
redigées au vray, et imprimées nouvellement par le commandement de
ladicte Dame (1543). Douze ans plus tard, alors que le recours à ce terme
demeure rare 41, les Euvres de Louïse Labé Lionnoize sont d’emblée
publiées sous ce titre. Les Dames des Roches doublent la mise avec Les
Œuvres et Les Secondes Œuvres. Pour le troisième volume, elles
abandonnent ce terme, mais affichent la diversité de leur production : Les
Missives de Mesdames Desroches, de Poitiers, mere et fille. Avec le
Ravissement de Proserpine prins [pris] du latin de Clodian, Et autres
imitations et meslanges poëtiques. Ce type de programme, fréquent dans les
titres d’ouvrages signés par des hommes, est ensuite imité par d’autres, à
l’image de la Harengue de Brachart aux hommes qui veuillent deffendre la
science aux femmes. Avec quelques poësies faictes par ladite damoiselle,
sur la blessure, mort et tombeau du Baron de Chantal. Ensemble une elegie
sur la mort de madamoiselle de Montaignerat.
Autre manière de se positionner dans le champ des lettres : la devise
valant signature, une pratique médiévale au croisement de la poétique, de
l’héraldique et de l’éthique que bien des poètes adoptent. On a vu que
L’Aubépine en avait une, en latin. Graville en a trois, qu’on retrouve « sur
plusieurs de ses manuscrits : musas natura, lacrymas fortuna [la nature m’a
donné les muses, la fortune les larmes], “J’en garde un leal” et “Garni d’un
leal”, ces deux dernières étant des anagrammes de son nom *13 42 ». La devise
de Mallessec est Nec spes, nec metus, c’est-à-dire « ni espoir ni crainte 43 ».
Celle d’Estienne est I’ESTONNE LE CIEL, soit l’anagramme de son
prénom et de son nom ; signature qui faisait d’ailleurs objet de discours,
comme en témoignent les deux sonnets « sur l’anagramme de
Madame Liébaut », suivis de nouveaux sonnets en « réponses » de
l’intéressée 44. Quatre des cinq anonymes contribuant aux œuvres de Le
Caron arborent aussi une devise : dans La Claire, la première signe
« D’honneur, bonheur », la deuxième « Faveur ne fraude » et la troisième
« I’attends mon bien ». Dans son Commentaire sur l’édit des secondes
noces, la « Damoiselle I.F. Parisienne » signe son sonnet « Loyale en Foy ».
Participer au volume d’un auteur, même avec un seul texte, est une autre
manière de signaler son appartenance à la communauté des écrivains ; et
plus l’auteur accueillant est célèbre, plus insigne est la valeur attestée. Les
princesses elles-mêmes s’adonnent à ce rituel si pratiqué à la Renaissance.
Jeanne d’Albret mène de cette manière deux carrières, pourrait-on dire, en
publiant d’un côté des textes politiques et d’un autre côté des poèmes dans
les livres de Du Bellay. Marguerite de Valois glisse des poèmes dans les
recueils de ses protégés. À d’autres niveaux sociaux, les Dames des Roches,
Romieu et Estienne pratiquent parallèlement les deux types de publication.
Trois autrices, enfin, laissent voir leur nom dans le « privilège » de leur
ouvrage, cet encart qui, en début ou en fin de livre, précise les conditions de
son exploitation. Cela signifie qu’elles sont à l’origine de sa demande aux
autorités (chose qui revient en général aux imprimeurs) et qu’elles sont
maîtresses de confier leur œuvre à l’imprimeur de leur choix. Il s’agit de
Labé, de Gillet et de Gournay (qui commence en 1618, et qui rééditera
l’opération quatre fois). La sœur de François Ier a également voulu obtenir le
privilège des Marguerites de la Marguerite des Princesses, mais c’est le
nom de son secrétaire, Symon Sylvius, qu’on peut lire sur le privilège.
Georgette de Montenay, elle, semble avoir délégué l’un de ses commis,
Philippe de Castelas, pour négocier celui de ses Emblemes ou Devises
chrestiennes 45.

S’adresser aux femmes ?

Par la force des choses, les signataires de pièces liminaires s’adressent à


l’homme qui leur a proposé de collaborer à son recueil, et celles qui
publient des textes politiques à tout un chacun sans précision, voire
prioritairement à des hommes, majoritaires parmi les « décideurs ». Les
autrices d’œuvres moins contraintes manifestent parfois leur désir de parler
aux deux sexes, en équilibrant le nombre de femmes et d’hommes qu’elles
interpellent ou qu’elles chantent, à l’image de Montenay, Marquets,
Romieu, Beaulieu. Néanmoins, elles sont nombreuses à vouloir parler
spécifiquement à des femmes, en général ou en particulier.
La marque la plus visible de ce tropisme est la dédicace, pratique très
courante à une époque où les auteurs cherchent à se faire remarquer, pour
améliorer leur situation matérielle ou bénéficier de l’entregent d’un·e
puissant·e. Pour les autrices qui n’évoluent pas dans les plus hautes sphères
de la société, c’est surtout la protection qui semble visée, d’autant qu’il
paraît impossible que des œuvres soient dédiées à des personnes qui
n’auraient pas donné leur aval pour ce patronage. L’audace de la femme qui
publie est ainsi partagée avec celle de la femme qui accepte des dédicaces.
Au début, elles sont rares. Graville affiche évidemment le nom de sa
patronne dans le titre de son Beau Romant […], du commandement de la
Royne ; mais c’est un manuscrit. La première œuvre de femme imprimée
dédiée à une femme est l’Epistre tresutile faicte et composée par une femme
chrestienne de Tornay, envoyee a la Royne de Navarre seur du Roy de
France. Cette dernière se place aussi sous le patronage d’une autre femme
— le geste est unique pour une reine — tout en se désignant par une
périphrase euphémisante : La Fable du faulx cuyder contenant l’Histoire
des Nymphes de Diane transmuées en saules, par une notable dame de la
court, envoyée à Madame Marguerite fille unique du Roy de France (1543).
Au temps des guerres de religion et de leurs très acides lendemains,
Montenay dédie ses Emblemes ou Devises chrestiennes à Jeanne d’Albret,
Marquets ses Divines Poesies de Marc Antoine Flaminius à Marguerite de
Valois, Minut les premières œuvres de son frère à Catherine de Médicis,
Beaulieu son Histoire de la Chiaramonte à la reine Marguerite, Bourgeois
ses Observations à la nouvelle reine. Le cercle des dédicataires s’élargit
cependant au tournant du siècle : Le Gendre offre son Exercice de l’âme
vertueuse à la princesse de Conty, « P.D.B. » son Triomphe des dames à la
duchesse de Montpensier, Miremont son Apologie pour les dames à la
comtesse de Montgommery, Gillet sa Subtile et Naifve Recherche de
l’heresie à la duchesse de Guise, l’éditrice des Sonets spirituels de feuë […]
Anne de Marquets à la dame de Fresnes (épouse d’un secrétaire d’État). Au
cours du demi-siècle précédent, seule Cotteblanche avait dédié son travail à
une grande dame non apparentée à la famille royale : Marguerite de
Saluces, veuve du maréchal de Termes, épouse de Roger Ier de Saint-Lary
de Bellegarde. Quant à L’Aubépine, elle avait dédié ses Saines Affections à
une femme forcément très haut placée dans la hiérarchie sociale, mais sans
dévoiler son identité.
En fin de compte, à part les princesses, peu d’écrivaines s’aventurent à
découvert dans le monde de l’imprimé sans patronage féminin prestigieux.
Parmi celles qui s’en passent, plusieurs désignent comme leur lectorat
privilégié des femmes particulières, voire les femmes en général. La dame
de Crenne a beau répéter que ses livres s’adressent à « toute personne 46 »,
elle ouvre ses Angoysses douloureuses avec une « épître dédicative de dame
Hélisenne à toutes honnêtes dames », et dans une réédition elle la fait
précéder d’un dizain intitulé « Hélisenne aux lisantes ». Labé dédie ses
Euvres à Clémence de Bourges, une jeune femme de la noblesse de robe de
Lyon, et elle interpelle à plusieurs reprises les « dames lyonnaises » dans
ses poèmes. Marquets publie une « Épître aux dames et religieuses de
Poissy » dans un volume du théologien D’Espence. « I.D.V. » adresse son
Epistre d’une Damoiselle françoise à une sienne amie dame estrangere.
Romieu dédie « Aux jeunes dames » l’Instruction qu’elle a réorientée pour
elles (ses Premieres Œuvres poetiques sont dédiées à la sœur de la reine
Louise, mais c’est son frère qui signe la dédicace). Les trois livres des
Dames des Roches présentent les œuvres de la mère avant celles de la fille,
chacune commençant par une dédicace de l’une à l’autre (« À ma fille »,
« À ma mère ») ; et Catherine réitère le geste à l’intérieur du volume, par
exemple avec la lettre « À ma mère » qu’elle place en ouverture de sa
Tragi-comedie de Tobie. Le premier s’ouvre en outre sur une « Épître aux
dames ». Les filles de Coignard adressent l’ouvrage de leur mère « Aux
dames dévotieuses ». Même la « Damoiselle I.V. » qui prend la parole en
clôture de La Claire de Le Caron adresse son sonnet « Aux dames
françoises »… qu’elle appelle à apprécier l’auteur.
Restent donc de rares autrices à faire d’autres choix. Certaines se
placent sous la protection d’hommes actifs : Marquets dédie ses Sonets,
Prieres et Devises au cardinal de Lorraine, Cambis sa traduction de
l’Epistre consolatoire de Messire Iean Boccace, envoyee au Signeur Pino
de Rossi (1556) à son père, Vigny son Discours aux parlementaires
parisiens. D’autres préfèrent des morts : Gournay son « père d’alliance »,
Brames son vrai père. Les imprimeuses, enfin, qui ne présentent pas leurs
propres écrits, s’adressent « Au lecteur », comme cela se fait dans leur
profession (Guillard, La Porte), ou à un potentat local (Giunta, Peronnet,
Combes).

Parler de soi
e
Aucun écrivain du XVI siècle n’entreprend d’écrire sur soi afin de
mieux comprendre les ressorts intimes de sa vie, en tablant sur la curiosité
du public pour cette exploration. Montaigne lui-même, qui pousse le plus
loin cet exercice, cherche à « connaître l’homme » — le mâle humain. S’il
s’explore, c’est qu’il en est un, et qu’il n’a pas meilleur matériau sous la
main. Mais ses auteurs préférés sont des candidats tout aussi valables pour
cette étude, et il se perd régulièrement de vue, ou il s’englobe dans un nous
aux contours mouvants. Les philosophes et moralistes évoquées plus haut
ne s’aventurent pas sur ces terres : l’investigation du « nous, les femmes »
et de « moi d’abord, qui suis la mieux placée » n’est pas à la portée de ces
intellectuelles sur le fil du rasoir, qui défient le monde en se hissant sur la
plus haute marche de la parole publique, alors qu’elles ne sont attendues sur
aucune.
L’expression du je est néanmoins fréquente dans les genres qui
l’autorisent ou la requièrent, comme certaines poésies, les lettres, les
fictions où un personnage prend en charge la narration, les textes politiques
où un·e dirigeant·e doit s’exprimer en son nom, les déplorations… Ces
genres sont toutefois hautement dominés par des conventions qui imposent
des formes et des topoi. Faute d’admettre que les femmes sont aussi habiles
que les hommes à les manier, on a souvent pris pour des confessions des
propos dont rien ne permet de savoir s’ils ont un fondement de réalité.
Hélisenne et Labé ont longtemps été victimes de ces lectures simplistes, qui
faisaient de l’une une épouse persécutée et de l’autre une aventurière
intrépide. De même, les je qui s’expriment dans les Missives des Dames des
Roches mettent en scène des sujets féminins qui évoquent leur vie, leurs
sentiments, leurs réflexions, et il fait peu de doute qu’elles ont mis
beaucoup de leur expérience personnelle dans ces textes. Mais il est tout
aussi certain qu’elles ont soigneusement choisi les sujets mis en avant, et
écarté ceux qu’elles estimaient propres à les mettre en difficulté.
Un autre type de prudence est à observer dans le cas des lettres
familières publiées par des hommes. Celles qui sont signées Bourges et
Mornay dans le Premier Livre de Gaspard de Saillans (1569), Perrin et
Cherué dans les Lettres missives et familières d’Estienne du Tronchet
(1583), Boislevesque dans les Lettres d’Estienne Pasquier (1586) peuvent
avoir été retouchées (voire écrites) par ces auteurs. Qui peuvent en outre
avoir été influencés par le gros recueil de missives de « femmes
exemplaires » publié en 1548 par Ortensio Lando (Lettere di molte valorose
donne), véritable réservoir de lettres modèles proposées à l’admiration des
hommes — et à l’imitation des femmes. On aura davantage accès à leur
intimité en lisant des correspondances jamais considérées comme
publiables par leurs contemporains, quoique les usages y dictent également
leurs impératifs 47.
Les récits de vies présentent d’autres biais. Certaines autrices sont fort
discrètes. Jeanne de Jussie ne parle d’elle qu’à deux reprises, à propos de
lettres que les religieuses lui ont demandé de rédiger. Encore ne le fait-elle
qu’une fois à la première personne (une lettre « écrite par moi »), se
contentant pour l’autre de cette simple notation : « Sœur Jeanne de Jussie
l’écrivit, qui toutefois était fort malade 48 ». On n’en saura pas plus sur la
secrétaire du couvent. Mornay s’évoque davantage dans le livre qu’elle
consacre à son mari, mais elle ne donne de sa vie personnelle « qu’un récit
très partiel et limité à l’histoire de l’engagement de sa famille à la
Réforme 49 ». Jeanne d’Albret est au contraire au centre de son Ample
Déclaration, et les notations intimes affleurent à l’occasion. Mentionnant
par exemple le moment houleux où son mari revint à la religion catholique,
elle commente sobrement : « Chacun sait, et me sied mieux de le taire que
d’en dire davantage, que les faveurs ou rigueurs ne m’ont fait aller ni d’un
côté ni d’autre 50 ». Une figure à la fois héroïque et tragique se dégage ainsi
du texte, mais il faut se souvenir qu’il a été pensé pour convaincre ses
contemporain·es du bien-fondé de ses choix. N’ayant pas ce souci,
Marguerite de Valois se laisse davantage aller à parler d’elle. Cherchant
souvent à mettre en évidence les torts de ses ennemis, elle ne craint pas
d’évoquer les affronts qu’elle a subis, les difficultés que lui créa son mari,
la peur que lui inspirait sa mère. Chemin faisant, il lui arrive de s’aventurer
sur les voies de l’auto-analyse. Elle s’interroge par exemple sur les
« puissances » inconnues que son frère aîné éveilla en elle quand il l’invita
à prendre son parti, alors qu’elle n’avait que seize ans, l’ouvrant à la vie
politique ; ou sur les bienfaits qu’elle tira de la lecture durant les quelques
mois où elle fut gardée à vue au Louvre.
Enfin, les femmes n’hésitent pas à parler d’elles dans les préfaces et
dédicaces qu’elles signent, car il est d’usage que les personnes présentant
l’œuvre éditée s’expliquent, à la première personne, sur ce qui les a
conduites à entreprendre son écriture, ou sa traduction, ou sa publication. Si
les textes ainsi produits se révèlent d’ordinaire de peu d’intérêt lorsqu’il
s’agit d’un homme s’adressant à un autre homme ou « au lecteur », ils
s’avèrent souvent d’une grande richesse lorsqu’un homme s’adresse à une
femme (la chose paraît toujours à justifier), et encore davantage lorsqu’une
femme s’adresse à une autre, ou à un homme, ou au public. La dédicace de
Labé à Bourges est pour l’écrivaine l’occasion de s’expliquer sur sa relation
à l’écriture. Celle de Cotteblanche à Saluces laisse comprendre qu’elle lui
devait sa connaissance de l’italien, et le texte révèle qu’il y avait « entre les
deux femmes une complicité intellectuelle et une véritable communion
sororale 51 ». Celle de Vigny « A Messieurs les présidents et conseillers de la
cour de Parlement » lui permet d’évoquer la douleur qu’elle ressent encore :
« Souvent elle monte à tel degré qu’elle ferme le passage à ma voix, et
empêche ma parole. […] le seul souvenir [du meurtre] me fait retomber en
des angoisses extrêmes 52. »
Là encore, toutefois, des topoi orientent l’expression. Le plus récurrent
est celui des limites intellectuelles de ces femmes, ou de leurs ambitions.
Graville se dit « ignorante et peu savante femme », elle s’excuse de sa
« dure tête et langue mal apprise » 53. Montenay évoque sa « faible
petitesse 54 », Peronnet son « ignorance et petitesse 55 », Beaulieu ses
« ombres 56 », Cambis « la bassesse du style [et] rudesse du langage de la
traductrice 57 », Minut son « imbécilité 58 » (c’est-à-dire sa faiblesse). Ces
formules ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Il s’agit en réalité d’une
stratégie destinée à désamorcer l’irritation des lecteurs que pourrait
offusquer l’audace de ces femmes : une captatio benevolentiae.
Même Marguerite de Valois semble s’excuser, s’adressant à Brantôme
dans l’ouverture de ses Mémoires, d’écrire « nûment et sans ornement
aucun, ne m’en estimant pas capable, et n’en ayant aussi maintenant le
loisir 59 ». Cette défausse-là ne trouve pas sa source dans la peur de choquer
mais dans le souci de se démarquer des scribes auxquels, de plus en plus, le
pouvoir a recours pour produire l’histoire officielle : mettre des ornements
dans un récit, c’est savoir mentir. Elle, elle a fait l’histoire, elle l’a vécue,
elle n’a pas besoin de perdre du temps avec la rhétorique (ce qui ne
l’empêche pas d’en user). Cet orgueil peut d’ailleurs se retrouver chez
d’autres. Ainsi la simple femme de village Gillet précise-t-elle : « Ce sont
les mots d’une femme grossière et ignorante, non point le discours poli de
quelque savant docteur 60. »

Traiter des femmes, les montrer, les éditer

Toutes les autrices dont on possède une œuvre un peu étendue


s’intéressent aux femmes et aux sujets qui les concernent. Anne de France
traite de leur éducation dans le premier texte en prose que l’on a d’elle, et le
second est centré sur une héroïne. Marguerite de Navarre se met en scène
discutant avec l’âme de sa nièce décédée dans le Dialogue en forme de
vision nocturne, avec trois de ses amies dans La Coche, elle fait parler
nombre de femmes dans son théâtre et dans ses contes. Bourbon-
Montpensier rédige une Instruction des jeunes filles. Jeanne de Jussie rédige
l’histoire de sa communauté. Hélisenne installe Hélisenne au cœur de ses
œuvres, mais aussi d’autres femmes écrivant, lisant et débattant de la vie
des femmes. De Loynes pleure la mort de la reine de Navarre et de
« Gelonis » (Guillonne Boursault, épouse de Salmon Macrin). Estienne
traite beaucoup du mariage vu du côté des femmes. Le premier livre de
Romieu est une Instruction pour les jeunes dames. Catherine des Roches
propose plusieurs poèmes consacrés à des héroïnes dans les Œuvres qu’elle
signe avec sa mère, et consacre un récit à Proserpine dans leurs Missives.
Andreini intitule sa bergerie Myrtille (1602). Beaulieu construit sa défense
du nouveau théâtre sur la célébration de cette comédienne. Bourgeois fait
connaître ses travaux et ses réflexions sur l’obstétrique et les maladies des
femmes.
Bien des ouvrages, par ailleurs, défendent ouvertement la cause des
femmes, soit que les autrices s’attachent à démontrer l’« excellence » de ce
sexe, comme Romieu (Brief Discours), Estienne (Apologie pour les
femmes), « P.D.B. » (Triomphe des dames) et Miremont (Apologie pour les
dames), soit qu’elles s’en prennent directement à l’ordre masculin, comme
Brachart (Harengue contre les hommes…), Marguerite de Valois (Discours
docte et subtil…) et Gournay (dans les deux longues digressions du
Proumenoir et de la grande préface aux Essais, dont elle tirera
respectivement L’Égalité des hommes et des femmes en 1622 et Le Grief
des dames en 1626).
Les femmes sont également montrées. Les manuscrits des œuvres de
Catherine d’Amboise la font voir dialoguant avec Boèce, se faisant ranimer
par Raison, présentant sa requête au Christ… Bien souvent, ces
enluminures sont l’occasion d’exposer deux figures féminines : l’autrice et
la dédicataire, comme Christine de Pizan l’avait fait dans plusieurs de ses
manuscrits, où on la voyait offrant ses livres à Isabeau de Bavière. Claude
de France et Graville sont toutes deux représentées au seuil du Beau
Romant des deus amans, l’une remettant le livre à l’autre (ill. 8). Marguerite
de Navarre se met en scène offrant La Coche à la duchesse d’Étampes,
message iconographique qu’elle renforce par la devise « Plus vous que
moi » ; évidemment réservé aux regards de la Cour, cet hommage équivaut
en 1541 à une véritable passation de pouvoir 61. L’imprimerie modifie
quelque peu cet usage. Montenay n’illustre pas sa dédicace à Jeanne
d’Albret, mais elle lui consacre le premier de ses Emblèmes — et donc la
première gravure du livre. Bourgeois au contraire fait placer le portrait de
Marie de Médicis en tête de ses Observations, puis son propre portrait. Les
héroïnes dont traitent les livres sont également l’objet d’illustrations.
Quatre-vingt-une enluminures ornent ainsi le manuscrit des Vies des femmes
célèbres réalisé à la demande d’Anne de Bretagne 62. De même, Louise de
Savoie fait représenter les rédactrices des lettres imaginées par l’Ovide des
Héroïdes (Pénélope, Œnone, Didon, Hypermnestre, Hélène, Hypsipyle,
Médée, Sappho, Phèdre…) dans les manuscrits qu’elle fait confectionner 63.
Dans ce domaine, les imprimeurs prendront volontiers le relais, en insérant
des gravures de femmes célèbres dans les livres qui leur sont consacrés,
inaugurant un genre d’ouvrage qui fera florès.
8. Première page illustrée du Beau Romant des deus amans.

Enfin, certaines autrices donnent la parole à d’autres. On a eu l’occasion


d’évoquer celles qui ont édité des femmes : Camille de Morel, les filles
Coignard, Marie de Brabant, Marie de Fortia, etc. À ce petit groupe s’ajoute
Jeanne d’Albret, qui s’occupa de faire publier l’œuvre majeure de sa mère,
L’Heptameron des Nouvelles de la Princesse Marguerite de Valois, royne
de Navarre, remis en son vray ordre, confus au paravant, par Claude
Gruget (1559). Est ainsi dénoncée l’édition bâclée parue l’année
précédente, dont le titre, Histoire des Amans fortunez, restera cependant
longtemps attaché à l’œuvre. Il se pourrait aussi que Catherine de Parthenay
soit, en 1578, à l’origine de la publication du volume consacré à sa mère :
les Discours consolatoires enuoyez à madame de Soubize, par plusieurs
Princes, Seigneurs, Gentilz hommes et autres, sur le decez de Monsieur de
Soubize son mari, l’an 1566. Quatre femmes font en tout cas partie de ces
« autres » : Jeanne d’Albret, Charlotte de Laval († 1568), Charlotte de Roye
(1537-1569) et Guillamette de Louvain.
DISCOURS FÉMININS,
DISCOURS FÉMINISTES

Ces femmes qui écrivent, qui publient, qui osent transgresser les
traditions et les injonctions à s’y conformer, et qui s’intéressent
passionnément à leur sexe, que disent-elles ? Pour autant qu’on le sache,
puisque leurs productions ont disparu en nombre, elles n’entendaient pas
parler pour ne rien dire. Presque toutes celles dont on a conservé les textes
dénoncent les maux dont elles souffrent, répondent aux accusations dont
elles sont victimes, travaillent à élaborer un point de vue féminin sur leur
condition, voire sur les possibilités de leur émancipation. Les plus
audacieuses n’hésitent même pas à s’aventurer sur les terrains minés
(l’amour, la sexualité), voire impraticables (la sorcellerie, le
commandement *14).

La dénonciation de la sujétion féminine

Organique dans la société d’Ancien Régime, la sujétion féminine est


une source de souffrance que beaucoup d’autrices dénoncent sous ses
espèces les plus prégnantes : le pouvoir des hommes sur leurs familles. Les
pères bien sûr. Marguerite de Navarre consacre une longue nouvelle de
l’Heptaméron à une certaine Rolandine, double victime de la négligence de
son père et de l’hostilité de la reine, qui à trente ans passés s’unit
chastement devant Dieu avec un autre laissé-pour-compte (un bâtard) et que
l’on sépare bientôt de lui (n. 21). Estienne note sobrement dans ses Misères
de la femme mariée : « Encore maintenant pour faire un mariage / On songe
seulement aux biens et au lignage / Sans connaître les mœurs et les
complexions » (str. 13). Catherine des Roches dénonce dans le Ravissement
de Proserpine « le plaisir du père 64 », au sens de bon plaisir, puisque
Jupiter cède sa fille à son frère Pluton.
La puissance paternelle débouche en effet sur celle du mari, plus
vilipendée encore en raison de son ampleur et de son poids. Les deux
mariées de la Comédie des quatre femmes de Marguerite de Navarre sont
malheureuses, l’une parce que son mari la trompe, l’autre parce que le sien
est malade de jalousie ; et les deux célibataires se bercent d’illusions.
L’Heptaméron en explore l’étendue : les maris des contes trompent leurs
épouses à qui mieux mieux, ils ont des lubies auxquelles elles doivent se
plier, ils n’hésitent ni à les persécuter ni à tuer ceux qu’ils croient leurs
amants, ils se vantent en public de leurs infidélités ou de leurs cruautés… Et
les maris de l’histoire cadre en font autant — jusqu’à celui de Parlamente,
porte-parole de l’autrice. L’Hélisenne des Angoisses est pour sa part livrée à
onze ans à un homme certes encore jeune, mais qui a tout pouvoir sur sa vie
et son corps, et qui entend se faire obéir. Catherine des Roches explique
dans Agnodice que l’Envie pousse les hommes à se faire « les tyrans de
leurs femmes / Et qui leur défendant le livre et le savoir / Leur ôteront aussi
de vivre le pouvoir 65. » Selon l’Estienne des Misères, la femme mariée n’a
comme perspective que d’être livrée à un vieillard impotent, à un jeune
séducteur, à un jaloux, à un pauvre qui la persécutera « pour un bout de
chandelle », à un riche qui la traitera « comme une chambrière »… C’est
que les hommes, stipule-t-elle, usurpent « à tort la seigneurie [le
pouvoir] / Qui de Dieu nous était en commun départie 66 ». Marguerite de
Valois se plaint dans ses Mémoires de la propension de son époux à lui
préférer ses maîtresses et des humiliations de toutes sortes qu’il lui fait
subir — tout en utilisant au maximum ses capacités.
Même la puissance des frères est dénoncée. Le même Henri IV impose
lourdement ses volontés politiques et matrimoniales à sa sœur Catherine,
qui n’est qu’un pion sur l’échiquier de sa diplomatie. Sa meilleure amie ne
se prive pas de le dire dans l’Apologie pour le Roy Henry quatre : « Il n’a
qu’une sœur ; il en a déjà fait une douzaine d’amis et en fera mille, s’il
trouve autant de princes dociles qui veulent suivre ses enseignements. […]
Ne l’a-t-il pas offerte à cinq ou six en même temps […] 67 ? » Marguerite de
Valois n’est pas tendre non plus avec son frère Henri III, dont l’irascibilité
et la paranoïa lui valent un emprisonnement de plusieurs mois, avant
l’humiliant renvoi de la Cour, en 1583, qui n’est pas rapporté dans les
Mémoires (interrompus en 1582) mais qui pèse sur chaque évocation du roi
au fur et à mesure que le récit s’approche de cet épisode cuisant.
Certaines autrices dénoncent d’autres aspects de la sujétion féminine. Si
Amboise s’excuse de son « petit savoir » dans le Livre des Prudens et
Imprudens, c’est pour mieux en dénoncer la cause réelle. « C’est œuvre de
femme », écrit-elle, donc la tolérance doit être « plus ample que d’un
homme, qui a la liberté [d’]aller ça et là aux universités et études où il peut
comprendre toutes sciences par sollicitude [parce qu’il l’a demandé], [ce]
qui n’est l’état du sexe féminin 68 ». Hélisenne décrit pour sa part la
souffrance physique de son héroïne en proie au désir sexuel inassouvi, entre
un mari qu’elle n’aime pas et un amoureux qu’elle ne fait qu’apercevoir
furtivement. Elle s’étouffe, se frappe, demande qu’on lui transperce le cœur
et tombe comme morte, « les yeux étincelants 69 ». Dentière regrette
amèrement qu’il ne soit pas permis aux femmes « de prêcher és assemblées
et églises publiques », et qu’on leur laisse seulement la possibilité de
s’« écrire et admonester l’une l’autre ». Voyant l’exemple de Marguerite de
Navarre, elle espère « que dorénavant les femmes ne seront plus tant
méprisées comme par le passé 70 ». Gournay décrypte le système des « deux
poids, deux mesures » qui préside aux destins différents des deux sexes.
S’adressant aux compagnes de saint Jérôme, Paula et Melania, elle analyse :
« Si saint Paul eût été de votre sexe, il n’eût jamais pu se maintenir dame de
réputation en établissant l’Église chrétienne. » Une telle activité exige en
effet « pérégrinations, conversations et assistances [assemblées] », qui sont
autorisées aux uns et pas aux autres. Cependant l’étude même — activité
casanière — est interdite aux femmes : c’est qu’en lisant « l’antique
philosophie », elles risqueraient de découvrir que la chasteté qu’on exige
d’elles « n’est pas commandée de la raison, [mais] de la loi civile 71 ».
Miremont dénonce de même les hommes qui « ne vous veulent capables
que du tournement d’un fuseau, nées que pour leur servir de marottes,
destinées qu’à l’exercice de leur tyrannie » : des nains « qui pour s’élever
vous abaissent 72 ». À la même époque, Brachart dénonce la « misérable
sujétion à laquelle ils nous ont tyranniquement soumises 73 ».

La dénonciation de la perversion et de la violence masculine

Loin de constituer des réconforts pour les épouses assujetties, les


amoureux sont pour elles d’autres sources de tourments. Eux aussi, en effet,
exigent ce qu’ils estiment leur dû, et ils usent de tous les arguments
possibles pour l’obtenir. Romieu et Estienne singent leurs propos mielleux,
leurs stratagèmes, leurs pratiques de harcèlement, et jusqu’à leur manière de
se peindre en victimes des femmes. Marguerite de Navarre et Hélisenne
mettent en scène leurs manigances et leurs plaidoyers. Graville montre
l’étendue de leur rhétorique et de leur lourdeur dans sa réécriture de la Belle
Dame sans mercy, qui n’est allégée que de la partition du narrateur (le début
et la fin), ce qui laisse beaucoup de place aux ratiocinations de l’amant.
Gournay affirme que les hommes, bien souvent, laissent voir « clairement
qu’ils n’ont pas tant de plaisir à posséder les femmes qu’à les trahir 74 ».
La violence physique est également dénoncée. Le mari d’Hélisenne
entend « parvenir au plaisir de Vénus » y compris lorsque les époux sont au
plus mal, et elle doit feindre « d’être grièvement atteinte de maladie » pour
y échapper. Lorsqu’il surprend des lettres, il l’agonit d’injures avant de la
frapper. Le premier livre des Angoisses donne lieu à des descriptions
précises :

En grande promptitude il me suivit, en prenant le premier bâton qu’il put trouver,


qui fut une torche, et me donna si grand coup que violentement me fit choir à terre. Et
pour cela, ne se put contenter ni refréner son ire, mais me donna derechef deux ou
trois coups si outrageux que, en plusieurs lieux de mon corps, la chair blanche, tendre
75
et délicate devint noire .

L’Heptaméron est rempli de cas de violences contre les femmes : viols


commis sur une femme blessée à mort parce qu’elle s’est défendue (n. 2) ou
sans défense à la faveur d’une méprise due à l’obscurité (n. 23),
attouchements imposés à des religieuses par un prieur visitant leurs
couvents (n. 22), séquestrations et sévices imposés par un mari sadique
(n. 32), filles enfermées par leur père (n. 21) ou leur frère (n. 40), sans
parler des tentatives de viol perpétrées par des séducteurs pressés (n. 4),
voire des amoureux (n. 10)… Dans son adaptation en français du
Ravissement de Proserpine, Catherine des Roches dénonce aussi bien la
souffrance de sa mère Cérès (qui la cherche désespérément après sa
disparition), que la violence exercée sur la jeune vierge par Pluton et sa
bande, beaucoup plus étendue d’ailleurs que dans l’original latin 76.
Toutes sortes de violences morales, enfin, sont épinglées. Plusieurs
autrices dénoncent celle qui s’exerce dans la sphère culturelle à l’encontre
de l’ensemble du sexe féminin. L’Hélisenne des Épîtres invectives reproche
à l’un de ses correspondants de condamner « les dames qui au solacieux
[distrayant] exercice littéraire se veulent occuper 77 ». Catherine des Roches
montre dans Agnodice que les hommes ne se contentent pas de condamner
les femmes à l’ignorance et aux travaux ménagers, ils s’amusent aussi à se
moquer d’elles. Gournay décrypte le double standard qui préside à l’écoute
des hommes et des femmes. Éditrice des Essais, elle sait que sa préface sera
reçue à travers un filtre dépréciatif, et elle tente d’en faire prendre
conscience le « bienheureux » lecteur auquel elle s’adresse — bienheureux,
puisqu’il n’est pas une femme. Car à l’homme qui parle, écrit-elle, on
concède d’emblée

toute action et parole juste, et le crédit d’en être cru — ou pour le moins écouté. De
*15
moi, […] eussé-je les arguments de Carnéade , il n’y a si chétif qui ne me rembarre
avec solennelle approbation de la compagnie assistante, par un sourire, un hochet [un
hochement de tête] ou quelque plaisanterie, quand il aura dit : « C’est une femme qui
78
parle » .

Plus diplomate, ou plus sûre de son fait, Bourgeois ouvre ses


Observations par une invective « Au médisant », c’est-à-dire à celui qui ne
manquera pas de critiquer la manière dont elle s’exprime : « Envieux, si tu
as l’audace / De t’attaquer à mes écrits, / Fais-moi paraître en quelle
place / Tu as mieux fait que je ne dis. » Ce personnage est soigneusement
distingué de l’« Ami lecteur » auquel elle s’adresse un peu plus loin (après
la dédicace à la reine et le portrait de chacune), mais la peur d’être critiquée
ne quitte pas la sage-femme. « Je franchis assurément les barrières de toute
appréhension et l’expose [le livre] à toutes les bourrasques que l’envie,
mère de la médisance et capitale ennemie de toutes louables actions,
pourrait souffler à l’encontre 79. »

Célébrer les femmes fortes

Repéré pour son efficacité dans la défense du sexe féminin, le recours


aux femmes célèbres *16 est un topos auquel recourent aussi de nombreuses
écrivaines. Les héroïnes alléguées sont issues des listes qui circulent, et ce
sont d’ailleurs fréquemment des groupes qui surgissent sous leur plume, en
appui à un raisonnement. Hélisenne en cite plusieurs dans sa troisième
épître invective, à propos de la prétendue lubricité féminine, tandis que
Dentière mentionne les femmes fortes de la Bible pour contrer l’accusation
d’audace et de témérité adressée à celles qui prétendent s’occuper de
religion. Romieu et Miremont remplissent leurs ouvrages de ces figures, la
seconde se limitant à la matière mythico-historique, la première élargissant
le cercle aux contemporaines dignes d’être célébrées. D’autres consacrent
un poème ou un groupe de poèmes à des figures particulières. Catherine des
Roches voue une section d’épitaphes à Médée, Clytemnestre, Lucrèce et
Niobé dans le premier volume des Œuvres, et dans le dernier elle met en
valeur Cérès et sa fille Proserpine. Certaines princesses sont également
élevées au rang de « femmes fortes » dignes d’être admirées et louées,
notamment Marguerite de Navarre dans les ouvrages qui déplorent sa mort,
et Marguerite de Valois dans la préface aux Œuvres chrétiennes de
Coignard. Et bien entendu, toutes celles qui font l’objet d’une dédicace sont
célébrées pour leurs qualités et leurs vertus.
Ces modèles de femmes ne permettent pas seulement de soutenir que le
sexe féminin est digne d’estime et innocent des défauts qu’on lui impute. Ils
autorisent également la mise en exergue de voies d’émancipation
empruntables pour les femmes. La culture des lettres est celle qui revient
avec le plus d’insistance. Le savoir est vanté chez nombre de grandes
figures politiques des temps anciens, comme s’il avait été l’un des plus sûrs
atouts de leur pouvoir. Il est aussi chanté chez les contemporaines saluées
comme exemples à suivre. Ainsi Romieu chante-t-elle les savantes de son
temps, notamment les Françaises :

Viens donc, sœur des neuf sœurs et quatrième Charite,


Ma comtesse de Retz, viens, que tu sois écrite
La première en mes vers : le grec t’est familier,
De ta bouche ressort un parler singulier
Qui contente les rois et leur cour magnifique ;
Le latin t’est commun et la langue italique.

Ce sont ensuite « Morel, Charamont [Chemeraut], Hélisenne, / Des


Roches de Poitiers »…, et bien sûr les deux Marguerite : la contemporaine
(« Vous aussi qui tenez le sceptre Navarrais ») et sa grand-tante (« La perle
de Valois, qui est au ciel déesse / Maintenant pour jamais ») 80. À la fin du
siècle, « P.D.B. » multiplie les exemples d’héroïnes dans son Triomphe des
dames, et dédie notamment son huitième chapitre aux « femmes doctes ».
Proposer des modèles d’émancipation

Des autrices font davantage que donner des exemples. Labé invite les
femmes à « mettre [leurs] conceptions par écrit, le faire soigneusement, et
non dédaigner la gloire, et s’en parer plutôt que de chaines, anneaux, et
somptueux habits », ornements qui n’appartiennent pas véritablement à la
personne qui les porte. Écrire, explique-t-elle, est le gage d’un double
plaisir : d’abord celui de la création, ensuite celui du retour aux textes,
même des années plus tard : « Nous retrouvons le plaisir passé qu’avons eu,
ou en la matière dont écrivions, ou en l’intelligence des sciences où lors
étions adonnée ». Et que dire du plaisir « de le voir [notre sexe] non en
beauté seulement mais en science et vertu [dé]passer ou égaler les
hommes » ? Labé entrevoit là une émulation bénéfique pour tout le monde :
« Les hommes mettront plus de peine et d’étude aux sciences vertueuses, de
peur qu’ils n’aient honte de voir précéder [passer devant eux] celles
desquelles ils ont prétendu être toujours supérieurs quasi en tout. » Pour la
Lyonnaise, la conclusion s’impose : « Je ne puis faire autre chose que prier
les vertueuses dames d’élever un peu leurs esprits par dessus leurs
quenouilles et fuseaux 81. »
Catherine des Roches pense pour sa part que le savoir est la source
d’émancipation la plus sûre. Elle développe d’abord ce thème dans la fable
Agnodice. Pour secourir les femmes méprisées et condamnées aux tâches
domestiques par leurs époux, cette « dame gentille / Que le Ciel avait fait
belle, sage et subtile » se déguise en homme, étudie la médecine, devient
experte en la matière, et guérit ses semblables de leur mélancolie, avant de
triompher de l’hostilité des hommes lorsqu’ils apprennent que ce joli
médecin est une femme. Elle leur fait alors promettre de laisser leurs
épouses étudier. C’est pourquoi l’Envie « A poursuivi depuis d’une haine
immortelle / Les dames qui étaient vertueuses comme elle 82. » La
démonstration se poursuit de manière plus pédagogique dans les Dialogues
de Placide et Sévère, puis d’Iris et Pasithée. Dans le premier, deux pères de
famille confrontent leurs idées — fort opposées — sur l’instruction
féminine. Dans le second, leurs deux filles laissent voir les conséquences de
ces deux options : l’illettrée est naïve, narcissique, dépendante, prête à se
laisser berner par le premier séducteur, la lettrée est spirituelle, autonome et
avisée.
D’autres écrits ouvrent des perspectives sur d’autres maux. Les
Enseignements d’Anne de France à sa fille sont, sur un ton extrêmement
austère, un manuel de survie pour grandes dames, dans un monde que
l’ancienne régente sait impitoyable pour leur espèce. Une fois devenue
adulte, Suzanne devra entretenir une compagnie de femmes, qu’elle
surveillera de près car la réputation des suivantes d’une princesse rejaillit
sur elle, mais dont elle ne fera surtout pas des dragons de vertu. Instruites,
éduquées, parées selon leur rang, elles devront tenir leur place au milieu des
hommes, et ne pas craindre même d’être courtisées — à condition de
toujours dominer la situation. Suzanne elle-même devra en faire autant, tout
en restant parfaitement fidèle à son mari : l’habile gestion des hommes qui
le servent est la meilleure façon de servir l’entreprise commune qu’est la
Maison — et de rester à sa direction. Ce dont il est question, explique Anne,
c’est de « réduire à bonne voie les fous et les désordonnés en leur
charnalité 83 ».
Marguerite de Navarre, extrêmement critique envers la violence
masculine, promeut la gestion des tensions par le dialogue, notamment à
travers les débats qui suivent la narration des nouvelles de l’Heptaméron
— dont la meneuse de jeu (en qui l’on reconnaît le double de l’autrice) est
lumineusement nommée Parlamente. L’équilibre numérique entre les sexes
fait également partie des solutions qu’entrevoit la reine, qui fait deviser cinq
femmes et cinq hommes dans cette œuvre, en s’inspirant peut-être des jeux
de dames où une équipe masculine affronte une équipe féminine, dont on a
vu qu’elle était familière *17. Mais elle suggère aussi, dans la Comédie des
quatre femmes, que de substantiels échanges entre femmes sont nécessaires
avant la confrontation avec les hommes. Dans cette pièce, en effet, deux
célibataires et deux mariées débattent en compagnie d’une plus âgée, et les
hommes — également au nombre de cinq — n’entrent en scène qu’à la fin
de la pièce.
La reine de Navarre va jusqu’à suggérer ce qu’on peut faire en cas de
(tentative de) viol dans la quatrième nouvelle de l’Heptaméron. C’est
l’histoire d’une très grande dame (qu’on soupçonne être l’autrice elle-
même) assaillie de nuit par un grand seigneur qui s’est introduit dans sa
chambre, alors qu’il recevait la Cour dans son château. L’héroïne
commence par se battre avec lui, elle le griffe au visage, puis, voyant qu’il a
l’avantage, crie suffisamment pour que sa dame de compagnie accoure,
mettant le prédateur en fuite. Commence alors un long débat — deux fois
plus long que celui qui va clore la nouvelle — entre la victime et celle qui
est venue à son secours. Car la grande dame est décidée à dénoncer le
violeur et à le faire arrêter par son frère, son supérieur hiérarchique,
également présent dans le château. La suivante la convainc de n’en rien
faire, en arguant qu’on mettra en doute son refus, que personne ne croira
qu’elle en a réchappé, que son frère ne pourra même pas sévir
discrètement, etc. La grande dame finit par être convaincue et paraît le
lendemain devant la Cour comme si de rien n’était, tandis que son assaillant
se fait porter malade. Mais l’ancienne victime, si c’est bien elle, se venge en
mettant noir sur blanc toute cette histoire. Dénonçant aussi bien l’agression
physique que le silence imposé aux victimes, elle montre que la violence
masculine est systémique et impunie dans la France de son temps.

S’engager dans la Querelle

Se faire les « championnes » de leur sexe est le moyen le plus radical


qu’envisagent certaines pour améliorer le sort des femmes. Dentière
intercale, entre sa dédicace à Marguerite de Navarre et le début de son
Epistre tresutile, une Defense pour les femmes de trois pages, où elle
démonte les arguments de ceux qui empêchent leur participation active sur
le terrain religieux. Si Dieu, avance-t-elle,

a fait grâce à certaines bonnes femmes, leur révélant par ses saintes écritures quelque
chose sainte et bonne, ne l’oseront-elles écrire […] ? Ah, ce serait trop hardiment fait
[que] les vouloir empêcher. Et à nous fait trop follement de cacher le talent que Dieu
84
nous a donné .

Hélisenne déclare dans le dizain « aux lisantes » des Angoisses : « Je


vous servirai d’avant-garde / À mes dépens, dommage et prix ». Si l’objet
du propos semble l’amour, dont il faut se méfier, cette déclaration ne peut
être que métaphorique. Racontant qu’elle s’est laissé prendre à ce sentiment
funeste pour des personnes vouées à l’obéissance et aux tâches
domestiques, elle montre aussi ce qu’elle a fait de ses déboires : elle a pris
la plume — comme son héroïne — pour témoigner du sort fait aux femmes,
en même temps que de leurs capacités. L’imprimeuse Jeanne Giunta
s’affiche également comme pionnière. En conflit ouvert avec son cousin
Philippe Tinghi pour l’usage des marques d’imprimerie de son défunt père,
elle déclare en 1579 dans sa dédicace à Pierre d’Ausserre qu’être une
femme ne l’empêche pas de faire ce métier, même s’il est surtout masculin.
La chose n’a rien de nouveau, explique-t-elle, et d’ailleurs « on peut voir
beaucoup d’entre nous exercer non seulement l’art typographique mais
d’autres arts plus difficiles encore, et qui en sont hautement louées 85 ».
Une telle fierté n’a rien de rare. Romieu, qui prend hardiment le contre-
pied des discours misogynes en annonçant dès le titre de son discours que
l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme, revient sur son audace
à la fin de sa longue évocation des femmes célèbres : « Vois ce qu’en ta
faveur, grand’reine Catherine, / J’écris pour haut tonner la race
féminine 86. » Madeleine des Roches met en scène des gens qui lui
conseillent le « silence, ornement de la femme », pour mieux rétorquer que
ce dernier « peut bien empêcher la honte [qui menace toute femme sortie de
l’ombre], mais non pas accroître l’honneur ». Sa fille surenchérit en écho :
« Il y a bien assez d’hommes qui écrivent, mais peu de filles se mêlent d’un
tel exercice, et j’ai toujours désiré d’être du nombre de peu 87. » Miremont
avoue dans la dédicace aux dames de son Apologie que ses « épaules sont
trop faibles pour le fardeau de [leurs] mérites » mais que ceux-ci plaident
pour elles : « À vous, donc, la défense de votre défense, et à moi le bonheur
que le sort m’ait éveillée des premières pour crier après l’ennemi du
Capitole 88. »
S’engager dans la défense de son sexe, c’est en effet défier les
misogynes, les désigner comme tels, les critiquer. Dentière les accuse de
« jaser des femmes » à tort, « vu que jamais femme n’a vendu ni trahi Jésus,
mais un homme nommé Judas. Qui sont ceux-là, je vous prie, qui ont tant
inventé et controuvé de cérémonies, hérésies, et fausses doctrines sur la
terre, sinon les hommes ? » Il y a certes de mauvaises femmes, mais « d’en
vouloir toujours faire une règle générale, sans nulle exception, il n’y a point
de raison 89 ». L’héroïne de la troisième invective d’Hélisenne se fait
menaçante envers son mari, qui l’injurie régulièrement. Tu devrais te
souvenir de « la punition qui fut prise de Tirésias, pour avoir fait jugement
que le sexe féminin plus que le masculin était lubrique 90 » : il fut privé de
vue ; et bien d’autres hommes ont été punis pour le même délit. Romieu se
moque des louanges qu’on décerne à la gent masculine à longueur
d’ouvrages, afin de mieux mettre en évidence la rupture qu’opère son Bref
Discours : « Qu’on ne me vante plus des hommes le combat ; / Qu’on ne
me chante plus la force de leur bras 91 », s’écrie-t-elle. « P.D.B. » convoque
les prétentieux en ouverture de son Triomphe des dames : « Approchez
d’ici, hommes qui voulez sembler sans comparaison plus dignes que les
femmes, […] et soyez juges de votre présomption : la puissance n’est-elle
pas donnée également à l’un et à l’autre ? Je ne vois point en quoi vous
vous puissiez placer au-dessus des femmes 92. » Miremont s’agace de même
d’ouïr « les chantres du sexe contraire », et elle souhaite les faire taire avec
les exemples que déploiera l’Apologie : « L’impudent soit muet, l’ignorant
soit transi », s’écrie-t-elle comme pour se donner du courage 93.
Le ton est plus analytique, plus mordant aussi, chez certaines
philosophes. Le Gendre déclare dans le discours De l’ignorance de
L’Exercice de l’âme vertueuse : « Je blâme infiniment ceux qui veulent que
l’ignorance seule soit gardienne de la réputation et honneur des dames […]
c’est mettre la chasteté à trop bas prix que de croire qu’il faille être sotte et
malhabile pour être vertueuse et honnête femme 94. » Gournay reprend
l’idée dans sa digression du Proumenoir, en accusant les misogynes d’avoir
peur, tout simplement, de la concurrence féminine : le « premier [qui] leur
défendit la science comme allumette de lasciveté, je crois que c’est pour ce
qu’il connaissait si peu les lettres qu’il craignait qu’elles l’en missent au
rouet [à filer la laine] le second jour de leur étude 95 ! » Brachart prend à
partie ceux qui disent « que la science est propre et particulière aux hommes
et non pas à ce sexe qu’ils appellent fragile », désignant l’objectif qui les
anime : « Ces messieurs nous voudraient voir des pauvres imbéciles afin de
servir comme une ombre pour donner toujours davantage de lustre à leurs
beaux esprits 96. » Marguerite de Valois répond au jésuite misogyne qui lui a
inspiré sa dernière œuvre : se disant « poussée de quelque ambition pour
l’honneur et la gloire de [s]on sexe », elle le reprend sur deux terrains qui
passent pour l’apanage des hommes. D’abord la logique. Vous voudriez,
dit-elle, que ce sexe soit

honoré de l’homme pour son infirmité et faiblesse. Vous me pardonnerez si je vous dis
que l’infirmité et faiblesse n’engendrent point l’honneur, mais le mépris et la pitié ; et
qu’il y a bien plus d’apparence que les femmes soient honorées des hommes par
[pour] leurs excellences.

Mais en alléguant à l’appui de cette thèse féministe les principales


autorités misogynes, Aristote et saint Paul, elle lui donne surtout une preuve
magistrale de sa maîtrise des techniques de l’art oratoire — que seuls,
normalement, possédaient les universitaires, puisqu’ils y avaient été
entraînés pendant leurs études. Une démonstration saluée comme il se doit
par l’autrice anonyme de L’Excellence des femmes, avec leur response à
l’autheur de l’Alphabet. Accompagnee d’un docte et subtil discours de la
feu reyne Marguerite 97.

L’amour humain, terrain glissant

Dans sa notice sur Camille de Morel, Philip Ford rapporte que cette
grande lettrée écrivait comme ses contemporains masculins sous bien des
aspects ; « mais elle évite les genres “suspects”, comme la poésie
amoureuse, ce qui lui permet de sauvegarder sa réputation de jeune fille
chaste et docte 98 ». Les mariées et les veuves n’ont a priori pas davantage
la possibilité de suivre les poètes sur ce terrain, sauf à éveiller de graves
soupçons sur leur moralité et à s’attirer les accusations les plus brutales. En
témoignent les jugements sur Labé que rappelle François Rigolot : « “Cette
impudique Louise Labé” (Claude Rubys, 1573) ; “simple courtisane”
(Pierre de Saint-Julien, 1584) ; “plebeia meretrix [putain du peuple]”
(Calvin, 1560) 99 ».
La Lyonnaise est en effet l’une des rares à déconstruire la relation entre
« l’amant » (qui courtise, parle, écrit, se plaint ou se félicite) et « l’aimée »
(courtisée, muette ou seulement répondante, voire refusante et « sans
merci »). Et elle est la seule à assumer cette posture en publiant ses écrits
sous son nom. Si elle ne va pas, dans ses sonnets, jusqu’à célébrer le corps
de l’aimé, elle chante à la première personne les souffrances et les bonheurs
de l’amour pour un homme rencontré, aimé, embrassé, enlacé, puis parti,
absent, regretté, dont elle rêve le retour. Dans ses élégies, le même
je féminin narre la manière dont l’amour est entré avec fracas dans sa vie, et
les effets que cette expérience fondamentale y a induits. Aucune culpabilité
n’émerge des deux ensembles. Si les « dames lyonnaises » y sont implorées
pour leur indulgence, c’est parce que la même chose pourrait bien leur
arriver. Mieux : la chose est souhaitable. Car sans amour, pas de vie, pas de
bonheur, pas d’intelligence, pas d’art, pas de littérature. C’est ce
qu’affirment les dieux commis d’office pour défendre Amour et Folie dans
le Débat qui les oppose. Labé fait notamment dire à Apollon cette phrase
qui apparaît comme un métadiscours sur les Euvres de L.L.L. : « Bref, le
plus grand plaisir qui soit après amour, c’est d’en parler. » Mercure renvoie
lui aussi à l’ensemble de l’œuvre en expliquant à quel point l’amour fait du
bien aux femmes :

Tout ce qu’elles craignaient, ne le [re]doutent plus. Elles laissent leurs occupations


mulièbres [féminines]. Au lieu de filer, coudre, besogner au point [faire de la
tapisserie], leur étude est se bien parer, promener aux églises, fêtes et banquets, pour
avoir toujours quelque rencontre de ce qu’elles aiment. Elles prennent la plume et, le
luth en main, écrivent et chantent leurs passions.

De fait, l’amour fait du bien à tout le monde : les hommes qui n’aiment
pas, dit Apollon, sont « gens mornes, sans esprit, qui n’ont grâce aucune à
parler, une voix rude, un aller pensif, un visage de mauvaise rencontre, un
œil baissé… craintifs, avares, impitoyables, ignorants et n’estimant
personne : loups garous 100 ! »
Ces pensées hardies ne se retrouvent pas chez les homologues de la
Lyonnaise, ni les chants d’amour à la première personne — à quelques
exceptions près qui ne sont toutefois pas comparables. Du Guillet chante
l’homme aimé, mais elle laisse comprendre que leur relation est chaste, que
seule l’imagination s’aventure au-delà de ce qui est possible entre eux. Et
elle n’a pas publié ses poèmes. Par ailleurs, elle s’y présente en général
« non pas comme une amante active, mais plutôt comme bien-aimée,
admirative devant les vertus de son amant, parfois soumise 101 ». Le Gendre
suit Labé pour le style, mais l’amour célébré est celui qu’elle éprouvait pour
son mari, dont elle pleure le décès. Coignard s’avoue franche ronsardienne,
mais c’est à Dieu qu’elle déclare son amour. Plus originale encore,
L’Aubépine s’aventure sur le terrain de la poésie érotique, mais elle ne
publie pas non plus. On sait par ailleurs que les thèmes de l’amour et de
l’adultère étaient au programme des joutes poétiques de son salon : si les
historiens du XXe siècle ont pu qualifier celui-ci de « paillard », la réputation
de son animatrice ne paraît pas en avoir jamais souffert 102.
Marguerite de Valois s’autorise quant à elle un vrai pas de côté, dans ses
dernières années, alors qu’elle est protégée par son statut de reine démariée
(ou en passe de l’être) et de pilier du régime. Encore n’est-ce que de
manière bien discrète, et à propos d’hommes décédés. Pour le premier, Jean
de Galard, exécuté sur ordre de la royauté en 1586, la reine publie
tardivement, et dans un recueil collectif où aucune pièce n’est signée (Les
Muses françoises ralliées…, 1599), une réfection lissée de stances qu’elle
avait probablement écrites peu après l’événement. Pour le second, Hector
Regnault de Durfort, baron de Bajaumont, son dernier compagnon, elle fait
paraître deux ans après sa mort de nouvelles stances, intitulées « Regrets de
Daphné sur le trépas de Daphnis », dans un recueil poétique d’un de ses
protégés (Vital d’Audiguier, Meslanges et Vers funèbres…, 1614). Seul le
Paris mondain de l’époque a pu comprendre les tenants et les aboutissants
de la dernière célébration. Elle avait aussi laissé courir des poèmes chantant
ses amours avec un jeune homme dont l’assassinat avait défrayé la
chronique quelques années auparavant, amours dont la réalité n’est pas
attestée mais dont la rumeur l’avait peut-être flattée 103.
Parmi les autres écrivaines qui traitent de l’amour, quelques-unes le font
dans des formats brefs et des cadres suffisamment contraints pour que leurs
propos ne portent pas à conséquence. Dauvrelat fournit par exemple un
dizain pour un recueil issu d’une joute poétique où étaient imposés le
premier vers du poème (« La fin d’amour n’est que mélancolie ») et le
dernier (« La fin d’espoir c’est d’avoir jouissance ») 104. C’est aussi le cas de
celles qui traitent des amours de l’auteur qui les invite à s’exprimer dans
son livre, comme le font en 1578 La Rochefoucaut et Mallessec avec deux
sonnets évoquant Clovis Hesteau 105. Terissan appelle Pierre de Brach à ne
pas se laisser aller à la douleur du deuil de son épouse, glissant un très
discret « [Moi] j’aimerait toujours, plus que le ciel, la terre 106. » D’autres
font parler une tierce personne. Marguerite de Navarre fait s’exprimer dans
Les Prisons (demeurées manuscrites) un amoureux qui pourrait bien être
l’un de ses porte-parole. Catherine des Roches publie dans les Missives des
poésies amoureuses qu’elle intitule « Imitations », comme le faisaient
d’autres poètes. Dans certaines, c’est un homme qui s’exprime. Dans
d’autres, il s’agit d’un récit à la troisième personne : amours de Damon et
de Phyllis, amours d’Orphée. Romieu livre de même une églogue où
s’exprime un amant désespéré.
Le sujet semble plus simple à traiter dans des récits fictionnels — mais
on a vu qu’elles ne sont pas nombreuses à emprunter cette voie. Hélisenne,
qui prend le double risque de mener les siens à la première personne et de
donner à leur héroïne son nom de plume, prend la précaution de souligner
qu’il s’agit de contre-exemples : voyant ce qui m’est arrivé, explique-t-elle
aux « très chères dames » dédicataires des Angoisses, « vous pourrez éviter
les dangereux lacs *18 d’amour en y résistant du commencement, sans
continuer en amoureuses pensées ». Le Songe est quant à lui présenté dès le
titre comme apte à instiguer [inviter] toutes personnes a s’alliener de
vice & s’approcher de vertu. Les autres narratrices trouvent également des
moyens de réduire les risques liés au traitement du sujet : Marguerite de
Navarre en choisissant le genre des contes ; Gournay en situant les
malheurs de la princesse Alinda dans une Perse aussi lointaine
qu’intemporelle ; Graville et Scève en traduisant des fictions masculines.
Seule Beaulieu, peut-être parce qu’elle écrit la Chiaramonte au début du
e
XVII siècle, aborde avec moins de précaution ce qu’elle décrit dans sa

dédicace à la reine Marguerite comme une « histoire véritable dont j’ai vu


la vive image à Paris ». Vous y verrez, commente-t-elle, « un dessein
louable, un amour extrême, une fortune cruelle, un désespoir violent, une
constance à l’épreuve de tous les malheurs, et de puissants traits en un
généreux courage 107 ».
Sans surprise, enfin, les autrices sont nettement plus à l’aise sur le plan
théorique. Ce peut être sous forme de traités, comme l’« Élégie de l’amour
divin et humain » de Marguerite de Navarre, ou à propos des œuvres
qu’elles saluent par des poèmes. Mais c’est le plus souvent par
l’intermédiaire de dialogues entre des personnages qui ne défendent pas les
mêmes idées. Ainsi, des couples — ou ce qui pourrait le devenir si les
malentendus n’étaient pas si grands — confrontent leurs conceptions,
comme dans la Belle Dame sans mercy réécrite par Graville, le Dialogue de
Charite et Sincero de Catherine des Roches, ou encore Le Songe
d’Hélisenne, dont les deux protagonistes sont peu à peu rejoints par des
déesses et des personnages allégoriques qui se mêlent à la discussion.
Ailleurs, des groupes débattent de « cas » arrivés à d’autres et affirment à
cette occasion leurs idéaux, comme les devisant·es de l’Heptaméron ou les
protagonistes des ballets de Parthenay. Des femmes échangent leurs points
de vue, comme celles de la Comédie des quatre femmes de la reine de
Navarre. D’autres les explicitent dans leurs missives. La jeune malmariée
de l’Instruction pour les jeunes dames de Romieu reçoit quant à elle un
enseignement de la part de la plus âgée, qu’elle interroge.
Ces dialogues sont souvent l’occasion de contester les théories les
mieux reçues. Les hommes sont accusés de défendre des thèses qui les
arrangent, ou d’interpréter à leur avantage celles qui sont censées être
favorables aux femmes. La conception dégradée de l’idéal courtois que
partagent tant d’entre eux, selon laquelle tout homme qui a « servi » une
femme dans les règles a droit à sa récompense, est régulièrement repoussée
avec les arguments de l’héroïne de Chartier : ni le service ni l’amour ne
créent d’obligation. Le débat qui suit la douzième nouvelle de
l’Heptaméron en est un bon exemple. « La Belle Dame sans merci nous a
appris à dire que si gracieuse maladie ne met guère de gens à mort »,
rappelle malicieusement Parlamente ; à quoi Dagoucin rétorque qu’il s’est
mal fait comprendre, « car celui qui aime parfaitement craindrait plus de
blesser l’honneur de sa dame qu’elle-même ». Ennasuite décrypte alors ce
que toutes les femmes du groupe entendent comme des boniments : « Si est-
ce toujours la fin de vos oraisons, qui commencent par l’honneur et
finissent par le contraire. » Catherine des Roches conteste également à
diverses reprises, et les fondements de l’insistance masculine, et les lieux
communs qui lui servent de support, y compris mâtinés de rhétorique
néoplatonicienne. « Vous dites qu’il suffit d’aimer pour être aimé, écrit-elle
dans l’une de ses missives. Dea, Monsieur, s’il était ainsi, l’amant serait
beaucoup plus libre que l’aimée, ayant choisi de loger son affection où bon
lui semblerait. Et l’aimée serait contrainte, par cette vigoureuse loi, de lui
rendre la pareille 108. »
La société de l’époque n’offrant pas aux femmes les moyens de vivre
l’amour dans la liberté, le rêve du mariage d’amour s’invite parfois sous la
plume des autrices. C’est le cas de la reine de Navarre — et surtout de son
double encore jeune et idéaliste, Parlamente. Pour les femmes de leur caste,
il n’y a rien d’autre à faire. D’autres promeuvent — et pratiquent — la seule
voie raisonnable dans un tel contexte : le célibat. « Ne désirant point de
serviteur, je ne demande non plus ni compagnon ni maître, répond
Catherine à un soupirant. Il [cela] me suffira bien, si la vertu daigne me
commander, la fortune m’accompagner, et les lettres me servir 109. »
Gournay fait le même choix, en expliquant qu’il n’implique nullement
d’accorder une valeur particulière à la chasteté : ce n’est pas être mauvaise
chrétienne que de céder à un galant, explique-t-elle, c’est juste avoir
« l’entendement mal habile ». Et quand les femmes « dédaigneraient la
continence », c’est « la prudence [qui] les défendrait de se jeter au pestilent
désastre de dépendre d’autrui » 110. Une seule de nos autrices semble
envisager sereinement de tirer profit des failles de son époque. C’est du
moins ce qu’on peut supputer de l’Instruction pour les jeunes dames de
Romieu, qui promeut une sorte de « fusion du castiglionisme et du
machiavélisme 111 ». La femme d’expérience explique en effet à la jeune
malmariée comment s’en sortir, entre simulation et dissimulation. On
connaît trop peu la vie de l’autrice pour savoir si elle mit cette théorie en
pratique.

DISCOURS CITOYENS

Si les sujets tenant à leur « condition » mobilisent fortement les


écrivaines de la Renaissance, elles sont loin de s’y restreindre. Les querelles
religieuses sont à l’origine de l’entrée en lice de plusieurs d’entre elles
— comme d’ailleurs de nombre de leurs contemporains, qui n’auraient
peut-être pas cru bon de dire leur mot dans un contexte moins conflictuel.
Les fractures politiques et la décomposition du tissu social et politique qui
en résultent les incitent également à se prononcer sur les maux qui
accablent leur pays. Enfin, ressentant le besoin de justifier le rôle qu’elles
prennent dans le concert public, elles sont conduites à réfléchir sur
l’écriture.

La religion

Les affaires religieuses sont l’un des plus puissants motifs


d’engagement de celle qui ouvre la marche. Dès le Miroir de l’âme
pécheresse, Marguerite de Navarre expose ses croyances évangéliques, sa
foi sincère et profonde en un dieu seul capable de tirer l’être humain du
néant, son désir de passer sa vie dans la quête de son salut, le bonheur
qu’elle en ressent. S’adressant bien souvent à Dieu à la première personne,
elle fait la démonstration qui est au cœur de l’attitude réformée : nul besoin
d’intermédiaire. Ses œuvres laissent également voir des critiques de la
religion romaine. Ainsi, L’Inquisiteur (v. 1535) montre un homme
manipulateur, adepte des conversions forcées, qui se perd dans ses formules
savantes, face à des enfants et à un valet beaucoup plus proches de la vraie
foi et plus capables que lui de comprendre la Bible. Le Malade (v. 1536)
montre un homme souffrant qu’inquiètent aussi bien les remèdes d’une
épouse superstitieuse que les recettes d’un médecin dogmatique, et qui se
trouve finalement guéri par l’aide toute spirituelle que lui apporte une
servante. Dans l’Heptaméron, la reine de Navarre élargit le spectre de ses
critiques, mettant en relief les mauvaises mœurs de nombreux religieux,
mais aussi la fausseté de la doctrine qu’ils enseignent 112.
L’Epistre tres utile de Dentière est consécutive à l’expulsion, en 1538,
du théologien protestant Guillaume Farel par la ville de Genève, passée à la
Réforme. Elle y fustige les « calomniateurs et adversaires de vérité », c’est-
à-dire les papistes, « mais aussi aucuns des fidèles » : son propre camp.
Pour elle, l’enseignement de la Bible est trahi par les uns et les autres
lorsqu’ils refusent aux chrétiennes, et plus généralement aux humbles, le
droit de répondre à l’appel de la divinité :

Jésus n’est-il pas aussi bien mort pour les pauvres ignorants et idiots, que pour
Messieurs les rasés, tondus et mitrés ? […] Avons-nous deux Évangiles ? L’un pour les
113
hommes et l’autre pour les femmes ? L’un pour les sages et l’autre pour les fous ?

Dentière se prononce également sur divers propos qui sont au cœur de


la dispute entre les théologiens protestants, notamment la nature et le rôle
de l’eucharistie. Son œuvre suivante, la petite lettre « Au lecteur chrétien »
qui sert de préface au Sermon de Calvin sur la modestie des femmes en
leurs habillements (1561) atteste qu’elle est alors rentrée dans le rang.
Jeanne d’Albret est en revanche l’une des rares à brandir encore
hardiment le flambeau réformé : ayant imposé le calvinisme dans ses États,
elle publie une Chanson chrétienne et nouvelle de la Royne de Navarre,
avec une autre Chanson chrestienne, d’un Gentilhomme Provençal
respondant a icelle (1564). Quatre ans plus tard, elle publie la série de
lettres ouvertes qui marque son engagement dans la troisième guerre civile,
et l’Ample déclaration qui en est le prolongement. Trois raisons, explique-t-
elle, ont motivé son engagement dans l’opposition à la couronne : « la
Religion, le service du roi Monseigneur, et le devoir au sang [dû à sa
famille] ». C’est qu’elle fait partie de celles et ceux « qu’il plut à Dieu, par
sa grâce, […] retirer de l’idolâtrie », qui ont pris en main la défense de sa
cause, et qui depuis se sont « toujours employé[s] à l’avancement
d’icelle 114 ». Montenay lui renvoie cette image en miroir dans la dédicace
de ses Emblèmes : Dieu « vous façonna pour être à tous exemple », écrit-
elle, avant de la remercier d’accueillir chez elle les persécuté·es : « C’est au
seul Christ que faites tel accueil ». S’adressant ensuite aux « damoiselles
gentilles » (valeureuses), elle les appelle à suivre l’exemple de la reine, car
« D’autre côté ne vous faut rien attendre. / Ce n’est qu’abus, mensonge,
tromperies, / Où nous avons trop nos âmes nourries 115. » Dans le corps du
livre, la mise en valeur des messages bibliques portée par les poèmes et les
gravures situe clairement leur autrice dans le camp protestant, mais aucun
ne l’inscrit particulièrement dans les polémiques du temps.
Dès cette époque, cependant, c’est surtout du côté catholique que les
femmes s’expriment. On a vu que Marquets avait saisi l’occasion du
colloque de Poissy (1561) pour entrer en scène avec les Sonets, Prieres et
Devises, qui se ressentent de la première prise d’armes des protestants. Elle
s’y adresse à tous les grands prélats, mais aussi aux « docteurs » de moindre
envergure, à « tous ceux de ladite assemblée », et même au « peuple de
France », sans oublier « ceux qui errent en la foi » ou même « qui veulent
demeurer en leurs erreurs ». Les Sonets spirituels publiés après sa mort
attestent que la religieuse ne craignait toujours pas, résume l’un de ses
exégètes, « de s’engager dans les grands débats du jour, tels la Réforme et
la querelle des femmes », quoique les poèmes demeurent « modérés,
iréniques quant à leur portée théologique et leur “féminisme”, même si ceux
qui rejettent l’orthodoxie catholique et les misogynes se trouvent parfois
vertement pris à partie 116 ».
Au plus fort des guerres civiles, Minut explique au pape qu’elle a édité
le livre de son frère parce qu’il vise « l’avancement du peuple chrétien », et
elle en profite pour rappeler ce que représente son dédicataire aux yeux des
catholiques : « O saint père très religieux : les clefs vous sont données de
Dieu, en ces terrestres lieux », preuves de « la vertu et efficace de sa sainte
parole ». Évoquant les troubles civils, l’abbesse accuse les protestants d’être
les ministres de Satan, envoyés « pour exécuter sa malice, persécutant les
enfants de Dieu en leurs biens et en leurs personnes afin de ruiner leurs
âmes s’ils pouvaient, pour les faire décliner de la foi et religion 117 ».
La période qui suit la fin des guerres voit encore quelques femmes
s’inscrire dans cette veine belliqueuse, comme Catherine de Bourbon, qui
refuse de se convertir malgré les pressions de son frère et du mari qu’il lui a
imposé. En 1600, elle fait paraître une Déclaration de Madame, sœur
unique du Roi sur la prétendue conférence entre Monsieur Couet ministre
de la Parole de Dieu et le sieur Commelet jésuite, organisée pour faire
rentrer dans le rang la princesse et ses proches. Sur l’autre rive, Gillet
poursuit en 1605 le combat contre les Predicans, Schismatiques, &
Heretiques afin de montrer que leur doctrine est du diable, faicte & forgée
par des hommes pervers & malins. Annonçant dans sa dédicace à la
douairière des Guise qu’elle y « réfute les principaux points de la fausse
religion 118 », elle le redit dans les pièces liminaires qui suivent — avant de
passer à l’acte.
D’autres autrices, enfin, considèrent l’écriture comme un moyen
privilégié d’entrer en contact avec Dieu et d’exprimer leur spiritualité. Au
temps de Marguerite de Navarre (qui s’inscrit partiellement dans cette
optique), c’est le cas de Bourbon-Montpensier. Ses trois œuvres connues,
résume Évelyne Berriot-Salvadore, se situent « dans la tradition des
Méditations sur la vie du Christ du pseudo-Bonaventure » : l’écrivaine y
exprime « la difficile conciliation entre un ordre social et une exigence
spirituelle conduisant au refus du monde 119 ». C’est aussi le cas de
Catherine d’Amboise, dont la Complaincte de la dame pasmée contre
Fortune est une pérégrination mystique, et dont les dernières œuvres
poursuivent une quête inscrite sous la double influence de la littérature
pénitentielle et de la culture antiquisante : « Pour louer la Vierge, Catherine
invoque les anges, Judith, Esther et Rachel mais aussi les Muses, Amphion,
Orphée et Apollon 120 ». Cette attitude se retrouve chez Coignard, qui écrit
pourtant pendant les guerres de religion. Ses Œuvres chrestiennes résonnent
d’un amour ardent et joyeux pour son Dieu, et elle ne consacre qu’un
sonnet aux « efforts inhumains de la guerre hérétique 121 ».
Cette dévotion semble avoir vite été repérée par les autorités romaines
en butte à la progression de la Réforme. En témoignent plusieurs textes
féminins visiblement utilisés à des fins pastorales, comme L’Exercice pour
jeunes gens lesquelz veullent parvenir en bien et perfection de leur estat.
Spécialement pour les religieuses de l’ordre de saincte Clere et pour toutes
autres. Et se peut nommer Lexercice dune jeune religieuse (1543) ; en
témoigne aussi La Practique Spirituelle de la devote et religieuse Princesse
de Parma, Marie de Portugal, publiée en 1588 avec d’autres textes pieux.
Est-ce alors parce que les œuvres d’Habert n’étaient pas assez conformes
qu’elles n’ont pas été publiées de son vivant et qu’elles ont presque toutes
disparu ?

La politique, l’état du monde

Les troubles civils et religieux que connaît le royaume de France durant


cette période sont à l’origine de jugements souvent fort négatifs sur « l’état
du monde » dans lequel vivent les auteurs et les autrices du XVIe siècle.
Anne de France situe pendant la guerre de Cent Ans la nouvelle destinée à
illustrer ses Enseignements à sa fille, et elle place son héroïne face au choix
de livrer son fils aux ennemis (qui l’exécuteront) ou de les laisser entrer
dans la forteresse que son mari commande. Plus théoriques, les conseils qui
saturent les Enseignements attestent le peu de confiance de l’ancienne
régente en l’être humain, tout particulièrement dans un temps aussi
corrompu. Bien des nobles, explique-t-elle, trouvent normal de révéler les
secrets des autres : « Et à ce faire prennent plaisir ! Et en cuident acquérir
bruit [renommée], mêmement [surtout] quand c’est le secret de gens de
bien, et en cuident être tenus à sages [ils s’imaginent qu’on va les
estimer] 122. » Dentière voit dans la corruption des élites religieuses la
source des maux qui déchirent son temps : il ne faut pas s’étonner, analyse-
t-elle,

quand on voit guerres, pestes et famines sur la terre ; nation contre nation, royaume
contre royaume, le père contre le fils, la mère contre la fille, l’un au champ pris et
123
l’autre délaissé […] et tant de sectes partout pulluler et régner .

La religieuse Jeanne de Jussie décrit de son côté les violences, les


destructions, les profanations auxquelles se livrent les nouveaux maîtres du
Genevois.
Le règne d’Henri II et les premières années des guerres civiles sont de
même relatés avec précision par Jeanne d’Albret, qui s’attache aux
embrouilles politiques qu’elle a subies, puis aux conflits militaires qu’elle a
traversés. Minut insiste, dans ses dédicaces à la reine mère et au pape, sur la
misère qui accable le Toulousain en général, et son couvent en particulier.
Dans la première, par exemple, elle fustige le « débordement si grand des
vices si exécrables » et des « cruautés plus que barbares exercées » dans la
région, regrettant que, « comme dit Cicéron, durant la guerre, les lois sont
en silence ». Elle dénonce « les guerres civiles survenues pour la religion, il
y a environ vingt-cinq ans », expliquant que le monastère de Sainte-Claire
est de ceux qui sont « réduits en extrême pauvreté par les incursions et
hostilités de la guerre », les religieuses « ne pouvant faire librement et
travailler [leurs] terres 124 ».
À l’extrême fin du siècle, alors que la paix est revenue dans le royaume,
« P.D.B. » regrette dans son Triomphe des dames que ses contemporaines ne
soient pas aussi vaillantes que celles du passé : « La mollesse de notre
siècle a, par désusage, privé les femmes du jour d’hui de cette gloire ; la
faute en est au désordre de la saison 125. » Marguerite de Valois, dont les
Mémoires couvrent vingt ans de guerres civiles, mentionne les sept
premières avec plus ou moins de détails, ainsi que les événements tragiques
intervenus entre elles, notamment le massacre de la Saint-Barthélemy, dont
elle laisse un récit aussi rare que circonstancié. Si elle évite souvent de
fournir les tenants et les aboutissants des conflits franco-français, préférant
les réduire à des querelles de famille, elle montre à propos du guêpier
flamand à quel point sa capacité d’analyse politique était aiguë. Et elle aussi
fait sien l’amer constat mis dans la bouche de sa mère : « Vous êtes née
d’un misérable temps 126. »
Des épisodes plus précis sont abordés par certaines. Peu avant le début
des guerres civiles, les deux anonymes invitées par Le Caron contribuent à
sa défense de l’Édit des secondes noces, qui visait pourtant à restreindre la
liberté des veuves à disposer de leur fortune en faveur d’un nouvel époux.
Toutes deux saluent la décision royale et le roi lui-même (François II), en
évoquant les coureurs de dot plus intéressés par l’argent que par les veuves
revenues sur le marché matrimonial. L’année suivante, l’arrivée au pouvoir
de Catherine est saluée par la « demoiselle françoise » dont le Petit Devis
sur le changement de la cour de France paraît à la suite du Monologue de
Providence divine, parlant à la France de Du Tronchet ; elle y accable les
dirigeants du régime précédent, les Guise. La Déposition du roi de Navarre
consécutive au complot des Malcontents est pour Marguerite de Valois et
son époux l’occasion de rendre palpable l’ambiance délétère de suspicion,
de peur, de trahison qui précéda et suivit le massacre de la Saint-
Barthélemy.
Les assassinats des frères Guise (1588), du Président Brisson (1591) et
du sieur de Brames (1594) sont aussi l’occasion d’évoquer les troubles
civils et de prendre position. La duchesse de Nemours appelle à la rébellion
contre Henri III dans ses Regrets sur la mort de ses fils. L’accusant d’autres
maux encore, elle le dit indigne de commander et annonce pour finir :
« Moi, tant que je vivrai, je tâcherai par tout moyen à venger leur mort 127 ».
Vigny rappelle le temps où les Ligueurs parisiens s’en prirent à son époux,
« attaché en Grève en place publique comme un malfaiteur », soumis à la
violence de la populace et finalement exécuté. « C’est vous, accuse-t-elle,
qui avez osé mettre la main sur l’oint du seigneur [Henri III], sur le roi qu’il
nous avait donné, sur les magistrats établis et ordonnés pour maintenir et
garder la justice. » Ayant obtenu la condamnation de nombreux coupables
(dont témoignent les arrêts reproduits à la suite de son Discours), elle
sermonne le « peuple aisé à séduire 128 ». Brames s’en prend de même au
« peuple séditieux, variable et insolent », sorti de toute obéissance « depuis
que cette sanglante pomme de discorde a soulevé autel contre autel,
parlement contre parlement, et que l’autorité du souverain magistrat [le roi]
a été misérablement violée ». Elle aussi raconte comment son père a été
exécuté, lorsque les villes se rendaient, après la conversion d’Henri IV.
Attendant que le Parlement lui rende justice, elle essaie de la faire avancer
en décrivant les coupables, et elle en appelle à l’intercession du roi.
C’est aussi l’après-guerre que Parthenay décrit dans son ironique
Apologie d’Henri IV, mais vue du côté de ses anciens alliés : « J’en vois qui
grondent, j’en vois qui méprisent ce valeureux prince, l’un avec risée,
l’autre avec dépit se moque de lui, chacun le dédaigne. » L’énumération des
reproches faits au nouveau roi est pour son « avocate » l’occasion de
fustiger l’opportunisme du monarque, son absence de reconnaissance
envers ceux qui l’ont aidé, sa complaisance envers ceux qui l’ont combattu.
Il ne se demande pas, raille-t-elle, « comme ces autres princes vulgaires,
“cettui-ci m’a-t-il fait service ?” mais “m’en pourra-t-il faire ?” […] N’est-
ce pas être prévoyant, et la prévoyance, n’est-ce pas l’une des principales
parties de la prudence 129 ? ». La vicomtesse de Rohan passe ainsi en revue
les qualités ordinairement requises du bon gouvernant (prudence, force,
tempérance, justice…) et montre que le roi les illustre à son seul profit.
Quant à Gournay, descendant dans l’arène politique avec L’Adieu à l’âme
du roi, elle s’adresse à la reine pour l’inciter à ne pas remettre en cause les
choix du monarque tout juste assassiné, notamment l’alliance tissée avec les
Jésuites, alors soupçonnés d’avoir influencé Ravaillac.

La littérature

Conduites à se justifier de prendre la parole publiquement, les autrices


de ce temps en viennent parfois à tenir un métadiscours sur la production
littéraire. C’est souvent dans les propos liminaires des livres que ces
considérations prennent place. Combes explique ainsi dans la dédicace du
livre qu’elle fait paraître en tant que veuve d’imprimeur : « L’intention de
ceux qui dédient livres est presque toujours fondée sur l’un de ces trois
points » ; il s’agit soit de remercier, soit instruire, soit de cautionner en
raison d’une expérience. « Je ne me peux prévaloir du second en votre
endroit, poursuit-elle, mais les deux autres me serviront toujours de légitime
excuse, et feront trouver bonne à un chacun la hardiesse que j’ai prise à
vous dédier ce Traicté de la marchandise 130. » L’identité de son
interlocuteur pourrait bien expliquer qu’elle s’avance sur ces terrains :
Roville a fait fortune comme imprimeur. Minut réfléchit également aux
pratiques de la dédicace. Le plus souvent, estime-t-elle, « les hommes
dédient le labeur de leur esprit aux princes et très illustres personnes » dans
l’espérance d’être protégés. « Autres les dédient à ceux envers lesquels de
longue main ils auraient contracté amitié 131. » L’abbesse, elle, a choisi le
pape pour le soutien qu’il pourra apporter à l’œuvre de son frère défunt.
Gillet se justifie quant à elle dans sa préface « Au lecteur catholique » en
invoquant le sujet qu’elle traite : il n’y a rien de plus simple que de
répondre aux huguenots. « Ce serait peine et temps perdu aux gens savants
de leur amuser à écrire contre ces prédicants hérétiques, il ne faut qu’un
simple maçon sans lettres, une simple femme de village 132. »
C’est encore en ouverture de son propos, mais non dans un texte à part,
que Marguerite de Valois s’explique sur le genre qu’elle va emprunter pour
répondre à Brantôme : « Je tracerai mes mémoires, à qui je ne donnerai plus
glorieux nom, bien qu’ils méritassent celui d’histoire, pour la vérité qui y
est contenue nûment et sans ornement aucun 133. » La reine ne désigne pas,
par le premier terme, le grand genre littéraire auquel nous pensons, puisque
c’est de ce texte qu’il va naître. En revanche, elle connaît bien les
caractéristiques de l’Histoire que pratique son temps, à savoir ces
compilations de documents refondues en un discours ordonné et global,
orné de périodes, de harangues, de maximes, de parallélismes, de leçons
morales… et de mensonges destinés à mettre en valeur le commanditaire du
récit.
Deux autrices, enfin, développent un propos substantiel sur la
littérature. C’est d’abord le cas de Labé dans le Débat de Folie et d’Amour.
L’avocat du jeune dieu, Apollon, explique que l’amour est la cause
première de la « venue à l’écriture ». N’est-ce pas le sujet dont « tous
poètes veulent parler ? » Car « incontinent [aussitôt] que les hommes
commencent d’aimer, ils écrivent [des] vers. » Ayant cité « Orphée, Musée,
Homère, Linos, Alcée, Sappho », Apollon note que même Platon et Socrate
ont sacrifié à ce culte. Car Cupidon « a gagné ce point : qu’il faut que
chacun chante ou ses passions ou celles d’autrui, ou couvre ses discours
d’amour, sachant qu’il n’y a rien qui le puisse faire mieux être reçu ».
Autrement dit : c’est le thème le plus payant. Apollon cite encore de grands
noms de la littérature antique, puis, sans craindre l’anachronisme, celui de
Pétrarque : ses poésies amoureuses l’ont fait approcher « de celui qui a
représenté toutes les passions, coutumes, façons et natures de tous les
hommes, qui est Homère ». Son compère Mercure insiste bien sûr sur le
rôle indispensable de Folie dans cette opération : sans elle, pas de
déclenchement du sentiment, alors que la seule lecture d’une histoire
d’amour peut faire naître une passion. « Qu’y a-t-il [de] plus dépourvu de
sens, demande-t-il, que la personne, à la moindre occasion du monde,
vienne en amour ? en recevant une pomme comme Cydippe ? en lisant un
livre comme la dame Francesca de Rimini *19 134 ? » Lui non plus ne craint
pas les anachronismes.
L’autre théoricienne est Beaulieu, qui dans La Première Atteinte contre
ceux qui accusent les Comédies prend la défense des « Comiques qu’on
accuse de faire revivre les anciennes dissolutions ». Alors que le théâtre est
en pleine restructuration et que des femmes commencent à monter sur scène
en tant que comédiennes professionnelles, des grincheux se persuadent que
parfois Dieu abandonne le monde, « comme à présent ; et qu’il s’en va périr
s’ils n’en sont les pilotes ». Incriminant un livre imprimé en Allemagne et
porteur d’accusations précises, elle vise certainement le mouvement dévot
qui progresse dans la capitale. Elle fait alors un bref historique des
condamnations des danses et autres amusements par les Pères de l’Église,
pour affirmer que les spectacles modernes ne contreviennent en rien aux
enseignements de l’Église. « La comédie représente la diversité des mœurs
vicieuses ou vertueuses, aussi a-t-elle été toujours recommandée », soutient-
elle, en citant plusieurs autorités antiques et médiévales. Elle salue la troupe
d’Isabelle, qui fait revivre cet art avec éclat, et surtout sa patronne, ce
« diamant » qui parvient à « faire couler en nos âmes, par nos oreilles, les
préceptes de science et de vertu », d’autant que l’actrice-autrice « choisit
des propos pour faire germer des fruits et des fleurs qui puissent apporter
une moisson digne de sa culture et de notre devoir 135 ».
CONTRIBUTIONS MASCULINES

On a vu dans le chapitre précédent que certains hommes avaient, pour


une raison ou pour une autre, favorisé l’accès des femmes au monde des
lettres. Il reste à observer d’un peu plus près la part que prennent les auteurs
dans la féminisation de cette séculaire chasse gardée masculine — et dans
la montée des tensions qui en résulte, dont témoigne la production
antiféministe dont il a été question en ouverture de cette section.

Faire advenir la « renaissance des Muses »

Ce sont évidemment des hommes qui travaillent à constituer le premier


stock de textes d’autrices disponible pour le public, et grâce auquel les
écrivaines de ce temps vont se sentir plus légitimes. L’intérêt pour celles de
l’Antiquité et du Moyen Âge est perceptible dès que l’imprimerie est au
point. Si Proba Falconia figure dans la plupart des listes de femmes célèbres
des XVe et XVIe siècles, c’est que des dizaines d’éditions incunables prennent
le relai des manuscrits qui avaient conservé son œuvre. Puis ce sont de
nombreuses éditions modernes et des traductions en français qui font
connaître au public son grand poème aux accents virgiliens. Si Louise Labé
est comparée à Sappho, c’est que la Grecque est au cœur de cette
« renaissance », d’autant qu’on avait longtemps cru tous ses textes perdus.
À force de recherche, infructueuse du côté des manuscrits mais couronnée
de succès du côté des sources secondaires *20, la génération humaniste née
dans les années 1520 (Henri Estienne, Marc-Antoine Muret, Fulvio Orsini,
Christophe Plantin…) parvient à reconstituer le corpus de ses œuvres
connues aujourd’hui. Mieux : ce sont neuf « femmes aux divins accents »
qu’ils parviennent à ressusciter. Elles étaient attendues depuis la
publication, en 1494, de l’Anthologie grecque réunie par Jean Lascaris,
dans laquelle un poème d’Antipater de Thessalonique parlait de
Praxilla, Moiro, l’éloquente Anytê, l’Homère des femmes, Sappho, parure des
Lesbiennes aux belles boucles, Érinna, l’illustre Télésilla et toi, Corinne, qui chantas
l’impétueux bouclier d’Athéna, Nossis aux accents de femme et Myrtis douce à
entendre, qui toutes produisirent des pages éternelles. Le grand Ouranos engendra neuf
Muses ; neuf aussi, Gaia mit ces femmes au monde, pour les mortels impérissable
136
joie .

L’aboutissement de ces recherches est fièrement affiché dans le titre de


l’ouvrage que Plantin publie à Anvers en 1568 : Carmina novem illustrium
feminarum [Poésies des neuf illustres femmes] Sapphus Erinnae Myrus
Myrtidis Corinnae Telesillae Praxillae Nossidis Anytae.
Ce sont aussi des hommes qui donnent à lire des œuvres de Christine de
Pizan entre la fin du XVe siècle et le milieu du suivant : trois éditions du
Tresor de la Cité des Dames [Livre des trois vertus], cinq des Cent Histoires
de Troye [Épître Othea], une du Contre Rommant de la Rose nommé le
Gratia Dei [Épître au Dieu d’amour], une du Chemin de Longue Estude,
sans parler de L’Art de chevalerie selon Vegece [Le Livre des Faits d’armes
et de Chevalerie], premier livre féminin imprimé en France, en 1488 *21. La
Cité des Dames restera en revanche dans les tiroirs jusqu’au XVIIIe siècle
— du moins en français, puisque l’ouvrage est traduit en anglais en 1521.
Le corpus des illustres décédées s’enrichit également, outre des quelques
œuvres des saintes médiévales déjà évoquées, du fameux traité
gynécologique attribué à Trotula 137, imprimé quatre fois en France entre
1550 et 1572.

Publier les contemporaines

On a vu que beaucoup d’écrivaines publiaient des textes dans des


recueils masculins. Le mouvement est initié par Clément Marot — soit le
cercle de Marguerite de Navarre — dans L’Adolescence clémentine (1532),
celle de ses œuvres qui connaîtra le plus de succès. Évoquant la poétesse
Jeanne Gaillarde dans un rondeau, il le termine en affichant sa
détermination à reconnaître en elle une véritable partenaire :

Donques ma main, rends-toi humble et bénigne,


En donnant lieu à la main féminine ;
N’écris plus rien en rythme mesuré,
Fors que tu es une main bienheurée
D’avoir touché celle qui est tant digne
D’avoir le prix.

Déclaration performative, puisque suivie d’une « Réponse au précédent


rondeau, par madite Dame Jeanne Gaillarde », qui prouve ce que Marot
disait de son talent, mais aussi qu’il avait raison de l’admettre dans le
cercle, puisque Gaillarde prouve de son côté, en lui renvoyant la balle,
qu’elle connaît les usages de ce milieu.
Quelques années plus tard, un certain Pierre du Val compile pour un
imprimeur rouennais un recueil collectif (Le Puy du souverain amour tenu
par la déesse Pallas…, 1543), où cinq poétesses signent une pièce :
Dauvrelat, Du Moncel, Laillet, Madeleine et Marie du Val. En 1544,
Antoine Du Moulin (autre proche de Marguerite de Navarre) glisse deux
échanges de poèmes avec « Jacqueline de Stuard, Lyonnaise » et « Claude
Bectone [de Bectoz], Dauphinoise », dans le Recueil des œuvres de feu
Bonaventure des Periers, qu’il imprime à Lyon 138. L’année suivante encore,
surtout, il édite les Rymes de Du Guillet, premier recueil de poésie d’une
contemporaine après Marguerite de Navarre. Puis la mort de celle-ci est
l’occasion d’une accentuation du phénomène : deux poètes permettent à
cinq femmes d’être publiquement associées à sa déploration : Sainte-Marthe
pour De Loynes, Denisot pour la même, les trois sœurs Seymour et
« Valentine Alsinois » — sans parler de Macrin qui invite De Loynes à
participer au recueil pleurant la disparition de son épouse. Du Bellay prend
ensuite le relais, donnant la parole à Marie de La Haye, à De Loynes et sa
fille Camille, et surtout à Jeanne d’Albret, dont plusieurs de ses recueils
contiennent des poèmes.
Dès lors se multiplient les livres où des femmes s’expriment comme
partenaires poétiques (Magny, Des Autels, Le Caron, « A.D.S.D. »,
Utenhove, D’Espence, Guersans, Yver, Desportes, Leslie, La Jessée, Mathé
de Laval, A. Jamyn, Hesteau, Garnier, Du Monin, Verville, Romieu, Du
Verdier, Binet, La Pujade), ou comme épistolières (Du Tronchet, Saillans,
Landré, Buchanan). Des compilateurs prennent aussi cette initiative :
Corrozet insère des sentences de Marguerite de Navarre dans son Parnasse
des poetes françois modernes (1572) ; l’éditeur du Courtizan amoureux…
(1582) donne des poèmes de Du Guillet et Bectoz ; celui des Œuvres de feu
Du Bellay (1575) un poème de De Loynes. Un certain Baptiste Badere,
mettant en « vers français » les Devotes Meditations chrestiennes […] par
Monsieur Dorron, Maistre des Requestes du Roy, y ajoute un sonnet
d’Estienne et quatre de Marquets — à moins que ce ne soit son éditeur,
Guyon Giffard, qui en soit responsable. Même chose pour Pierre Tamisier,
qui tourne en vers La Sacrée Poésie et Histoire évangélique de Juvencus
(1591) pour l’éditeur lyonnais Benoît Rigaud, et qui lui adjoint des poèmes
de Bernard, Decousun et Guillard.
Quelques hommes font davantage que laisser la « main féminine »
couvrir une ou deux pages. Remarquable est à cet égard La Puce de
Madame des Roches, qui est un recueil de divers poëmes Grecs, Latins et
François, composez par plusieurs doctes personnages aux Grands Jours
tenus à Poitiers l’an M.D.LXXIX (1582). L’initiative revient au
parlementaire, poète et historien Étienne Pasquier, en souvenir des
rencontres tenues dans le salon des Dames des Roches lors d’une séance du
Parlement dans leur ville. L’homme de lettres explique dans l’Avis au
lecteur la genèse du livre : l’anecdote de la puce, la proposition faite à
Catherine qu’elle et lui écrivent chacun sa version de l’affaire, la circulation
des deux textes, l’adjonction d’autres commentaires… Le résultat est un
magnifique volume à plusieurs mains, où la part féminine et la part
masculine sont à l’équilibre. De moindre envergure, le volume des
Premieres Œuvres Poetiques de Flaminio de Birague (1585) comprend six
contributions féminines : Saint-Gelais, « une honnête dame », C. des
Roches, Du Gast, Du Thier, Nemours — la dernière étant représentée par
quatre sonnets. Quant à l’éditeur du discours anonyme sur Le Desastre
merveilleux et effroyable d’un deluge advenu es faux-bourgs S. Marcel les
Paris, le 8e jour d’avril 1579, il ne craint pas de le faire suivre d’un Petit
Discours par les Dames des Cordelieres, et le moyen par lesquelles il [sic]
se sont preservez de la grande ravine.

Encourager les autrices :


incitations, célébrations

Là encore, Marot est à l’initiative. Avant de donner la parole « A dame


Jehanne Gaillarde de Lyon, femme de grand savoir », il vante sa « plume
dorée » et son « éloquence assurée / D’avoir le prix ». Il la replace
également dans une lignée d’autrices fameuses : le rondeau commence par
Christine, première digne « D’avoir le prix en science et en doctrine 139 ». À
nouveau, Du Moulin suit Marot et fait davantage. Louant le mérite de celle
dont il édite les Rymes dans une dédicace « Aux dames lyonnoises », il
invite ces dernières à

achever ce qu’elle avait si heureusement commencé, c’est à savoir de vous exerciter


comme elle à la vertu, et tellement que, si par ce sien petit passe-temps, elle vous a
montré le chemin à bien, vous la puissiez si glorieusement ensuivre, que la mémoire
de vous puisse testifier [témoigner] à la postérité de la docilité et vivacité des bons
esprits qu’en tous arts ce climat lyonnais a toujours produit en tous sexes […].

Si les Lyonnaises suivent ce modèle, poursuit-il, elles participeront « de


ce grand et immortel los [louange] que les dames d’Italie se sont acquis »,
elles dont les « divins écrits […] ternissent le lustre de maints hommes
doctes ». Du reste, « en France semblablement », beaucoup « d’honnêtes et
vertueuses dames et damoiselles s’y adonnent, avec une grande expectation
de leur perpétuelle renommée, au grand honneur et louange de tout ce
royaume 140 ». De quoi mieux comprendre l’enthousiasme avec lequel Labé
salue dans sa dédicace « le temps venu […] que les sévères lois des
hommes n’empêchent plus les femmes de s’appliquer aux sciences et
disciplines », et le constat qu’elle met dans la bouche de Mercure :
« Plusieurs femmes, pour plaire à leurs poètes amis, ont changé leurs
paniers et coutures en plumes et livres 141. » Ce climat lyonnais, produit de
la volonté délibérée de certains intellectuels et éditeurs 142, se manifeste
encore davantage par le bouquet de vingt-quatre poèmes signés ou
anonymes qui clôturent le recueil des Euvres (en écho aux vingt-quatre
sonnets qui précèdent), chacun chantant la personne et les écrits de la
Lyonnaise.
Paris semble au contraire se singulariser par sa fermeture aux progrès de
la civilisation. C’est en tout cas l’analyse de François de Billon, qui à la
même époque fournit dans son Fort inexpugnable de l’honneur du sexe
féminin (1555) l’une des premières listes de femmes savantes
contemporaines vivant ou ayant vécu dans de nombreuses régions de
France. Seule la capitale, à ses yeux, ne brille pas, « tant pour la servile
coutume qui partout s’efforce d’étendre son bras usurpatif *22, que pour le
trouble de l’hérésie » et « la continue rosée de suspicion qui tombe sur tout
ce que l’on s’efforce de mettre en lumière ». Billon félicite les femmes qui
n’acceptent pas de rester dans l’ombre, et il les encourage même à se lancer
dans la Querelle. C’est pour elles qu’il a bâti les « bastions » de son
métaphorique Fort inexpugnable, comme autant d’arguments dont il espère
qu’elles se saisiront, afin de faire « bientôt entrevoir à tous blasonneurs et
vicieux quelle fut et par raison devra être à jamais votre autorité et naturelle
excellence, sans parler de l’acquise 143 ».
Par la suite, d’autres hommes saluent le talent de leurs contemporaines,
comme La Croix du Maine, qui éclaire la vie et l’œuvre de quarante-six
femmes dans sa Bibliothèque, dont la moitié « fleurissent » toujours au
moment où il écrit, et qui parle de toutes sur un ton élogieux. Ou comme Le
Poulchre, qui d’une édition à l’autre de son Passetemps augmente le
nombre de celles qu’il salue, allant dans la seconde jusqu’à s’excuser
d’avoir pu douter que Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne fût
l’œuvre d’une femme 144. D’autres saluent des autrices particulières. C’est le
cas de Jean-Édouard Du Monin, qui vante le Discours de Romieu sur les
femmes (« Ce mâle enfant de ta vertu femelle ») dans le sonnet féminin *23
qu’il lui consacre ; il y révère son « haut style » et fait d’elle à la fois la
dixième Muse et la quatrième Grâce 145. Verville s’adresse pour sa part avec
beaucoup de respect « A tres accomplie dame Madame Liebaut Nicole
Estienne » dans la dédicace de sa Muse céleste, ou l’Amour divin (1584).
Notant son goût pour le travail intellectuel, il salue les « beaux discours par
lesquels vous démontrez la perfection de votre sexe 146 ».

Écrire à la place des femmes

En bouleversant les frontières de genre, l’arrivée des femmes sur la


scène littéraire provoque aussi des cas de ventriloquie. Certains relèvent
assurément de l’enthousiasme d’auteurs conquis par le vent nouveau qui se
lève, et qui ne cherchent d’ailleurs pas à tromper quiconque. C’est le cas de
Du Bellay dans son Epithalame sur le mariage de tresillustre prince
Emmanuel duc de Savoie et tresillustre princesse Marguerite de France,
sœur unique du roi et duchesse de Berry (1559), où il dialogue avec De
Loynes et ses trois filles, Camille, Lucrèce et Diane, respectivement mère et
sœurs de son éditeur, Fédéric de Morel. Il s’en explique franchement à
l’« ami lecteur » :
Il m’eût été malaisé, voire impossible, d’en trouver trois autres de leur âge plus
dignes d’être introduites en un si excellent sujet, et [je] crains beaucoup plus de les
avoir fait parler peu que trop doctement ; en quoi j’ai eu égard non à ce que je sais
véritablement de leur érudition, mais à ce que j’ai pensé devoir être le plus
147
vraisemblable .

Plus manipulatrices sont les entreprises visant à faire parler des femmes
politiques, incapables de se défendre pour une raison ou une autre. Ainsi,
Jacqueline de Longwy est décédée depuis trois ans lorsque paraît L’Esprit
de Madame la Duchesse de Montpensier, a la Royne Mere. Remonstrance
Chrestienne, par laquelle on congnoistra que les Roys tiennent leur autorité
de Dieu, & qu’ils florissent [en] donnant cours à l’Evangile par leur pays
(1564), dont les neufs sonnets semblent revenir à un certain « S.E.S.X. » 148.
L’aventure arrive aussi à Jeanne d’Albret, qu’un non moins énigmatique
« C.B.D.C. » fait parler, le temps d’un sonnet, dans le Brief Discours sur la
mort de la Royne de Navarre : advenue à Paris le IX. Jour de juin 1572 149.
Jean-Antoine de Baïf fournit pour sa part une « Complainte de la Reine
Marie [Stuart], à Seigneur Simon Nicolas » dans ses Euvres en rimes de
1573, alors qu’elle est aux mains de sa cousine depuis cinq ans. Des lettres
et des sonnets de la plus célèbre prisonnière d’Angleterre ont déjà paru,
outre-Manche et en France, dont il n’est pas plus sûr qu’ils soient de sa
plume.
Une autre veine se fait sentir à la fin du siècle, celle des « histoires
pitoyables » susceptibles de susciter dans le lectorat des émotions sans
enjeux politiques, inspirées par des malheurs réels advenus à des personnes
particulières. Les femmes paraissant d’emblée plus émouvantes que les
hommes dans cette situation, puisqu’elles sont a priori démunies de
puissance, on les fait témoigner en priorité. Les titres manifestent cette
emphase, comme l’anonyme Histoire sanguinaire, cruelle et emerveillable
d’une femme de Cahors en Quercy, près Montaubant, qui desesperée pour
le mauvais gouvernement et menage de son mary, et pour ne pouvoir
apaiser la famine insuportable de sa famille, massacra inhumainement ses
deux petis enffans, et consecutivement sondict mary, pour lesquelz meurdres
elle fut executée à mort par ordonance de justice le 5e jour de feburier
mil VCIIIJXX trois [1583] dernier passé. Ce récit, publié à Toulouse un an
après le fait divers, est publié Avec la remontrance qu’elle fit publiquement
au dernier suplice sur le devoir des hommes mariez envers leurs femmes et
enffans. De même, la victime prend la parole dans Les Pitoyables et
Funestes Regrets de Marguerite d’Auge sur l’assassin[nat] commis par
J. Jumeau sur Claude Antoine son mary, où repentante de son adultère,
demande pardon à Dieu, et exhorte les femmes à aymer leurs marys.
Exécutez à Paris (1600) 150.

Instrumentaliser la voix des femmes, alimenter la Querelle

D’autres cas de ventriloquie relèvent d’une intention rigolarde,


opportuniste, voire malveillante. Dès la fin du XVe siècle, des auteurs ne font
pas simplement parler des femmes, comme dans Les Evangiles des
Quenouilles (ou comme dans la querelle des Amyes des années 1540), mais
ils les font écrire. Ils ajoutent ainsi une dimension supplémentaire aux
propos égrillards ou ridicules qu’ils leur font tenir, et ils en profitent parfois
pour leur faire porter des combats qui semblent moins subversifs que s’ils
étaient portés par des hommes sur un ton sérieux. Ainsi, à l’heure où les
guerres d’Italie obligent la Cour à séjourner régulièrement dans la capitale
des Gaules, les « dames de Paris » écrivent aux « dames lyonnaises » pour
les accuser de retenir le roi et ses proches en se servant de leurs charmes. À
quoi les critiquées rétorquent qu’elles ont bien le droit de profiter de la Cour
et des occasions qu’on y trouve d’avancer ses affaires. Puis l’habitude se
prend de régler ses comptes ou d’attaquer certains groupes sociaux par
femmes interposées, la mise en cause de la vertu des unes permettant
d’attaquer leurs cocus de maris. Des dames de Rouen, de Toulouse, de
Milan… sont de la même manière enrôlées dans des querelles particulières
qui, pour viser des hommes, ne s’attachent pas moins à les salir
spécifiquement, y compris en donnant leurs noms 151. C’est conforter l’idée
que les femmes devraient se taire, que leur expression publique ne peut
qu’entraîner du scandale. C’est aussi mettre sur leur compte les lieux
communs misogynes dont ces textes sont remplis.
Ces coups de billard à plusieurs bandes s’observent dans les Élégies de
la belle fille, lamentant sa virginité perdue, avec plusieurs épistres,
épigrammes, instructions et traductions morales, composées par Ferry
Julyot (1557), qui rassemblent, outre des monologues de la pénitente, des
poèmes adressés à divers interlocuteurs (Nature, ses parents, des amants…)
et leurs réponses ; d’où il ressort que personne ne la plaint et qu’elle seule
est coupable des turpitudes qu’elle a pris le temps de décrire. Un autre bel
exemple, anonyme celui-là, est La Requeste faicte et baillée par les dames
de la ville de Tolose (1555). Une kyrielle de femmes y prennent la parole
(Gabrielle Brunete, Catherine Fontaine, Mondina de Lenvege, Johana
Perla…) pour revendiquer le droit de participer aux Jeux floraux de la ville,
c’est-à-dire ses concours poétiques. La Requête proprement dite est suivie
d’un florilège de rondeaux, ballades et triolets qui témoignent de leurs
talents. Le ton « féministe » des premières pièces cède néanmoins vite la
place à la tradition misogyne, et le français à l’occitan, ce qui permet de
poursuivre avec des ballades « del monde gastat et de la Femnas
palhardas », « contra la vieilha », etc. Quant au véritable manifeste
linguistique des auteurs, il est explicité par le dernier texte : une « épitre des
dames toulousaines responsive à celle que les dames de Paris leur avaient
envoyée » 152.
Plus difficile à décrypter, le cas le plus poussé de ventriloquie est celui
des deux ouvrages parus à Lyon vers 1540 : La Pugnition de l’amour
contempné [condamné], extraict de l’Amour fatal de Madame Jane Flore, et
les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que
faict Venus de ceulx qui contemnent & mesprisent le vray Amour. Ce qui
constitue aujourd’hui une énigme pour la recherche n’en était certainement
pas une pour le milieu des lettres de l’époque, vu qu’aucune autrice de ce
nom n’a jamais opéré à Lyon et que Maurice Scève, qui venait de traduire
un roman de l’auteur espagnol Juan de Flores, est plagié dans le huitain
liminaire. Recueils de contes à la manière du Decameron, les deux livres se
recoupent, à ceci près que le second reprend les quatre histoires du premier
et en comprend trois de plus. Outre la minceur des volumes, leurs
incohérences (qui laissent deviner leur nature de patchwork collectif), et
leur caractère savant (qui conduit tout droit à la clergie), la principale
rupture avec la tradition du genre est que le groupe devisant est
exclusivement féminin. Or ces narratrices n’ont qu’un but : convaincre celle
qui refuse de céder à l’amour — et qui n’a jamais la parole — qu’elle a tort.
Les histoires montrent en effet qu’Amour se venge lorsqu’on lui résiste,
surtout quand il a les traits d’un jeune gaillard prêt à délivrer l’héroïne d’un
mari tyrannique, laid, vieux, impuissant… En revanche, il rend heureuses
celles qui se livrent à leurs amants. Si « Jeanne Flore » rejoint partiellement
les femmes réelles qui critiquent les mariages arrangés, le point de vue
défendu ici est celui des jeunes clercs privés d’accès aux femmes « bien »,
celles qui sont captées par hommes qui ont les moyens de se marier — et de
se remarier. Là encore, cependant, il se pourrait que d’autres messages
soient diffusés par ce canal. L’innocence apparente de ces conversations
entre bourgeoises en goguette, qui se racontent des histoires en attendant
leurs galants, cache en effet une composante matérialiste qui, une fois
repérée, s’avère considérable 153.

Des alliés incertains, frileux, velléitaires

L’installation de plus en plus manifeste des femmes dans la scène


culturelle semble avoir peu à peu modéré l’enthousiasme de leurs
admirateurs, ou du moins éclairci leurs rangs. Et ces rangs mêmes ne
semblent pas avoir toujours bien résisté aux coups de boutoir des
opposants *24. Le milieu qui promeut les autrices lyonnaises et dit son
admiration pour les poétesses italiennes ne va pas jusqu’à les traduire, alors
que leurs ouvrages circulent à Lyon au moment où Labé publie, soit
« Vittoria Colonna dès 1538, Tullia d’Aragona en 1547, Laura Terracina en
1548, Isabella Di Mora en 1552, Veronica Gambara en 1553, Gaspara
Stampa en 1554, Chiara Matraini en 1555 154 ». Personne ne traduira non
plus leurs œuvres ultérieures, ni la grande plume de la seconde moitié du
siècle, Moderata Fonte (1555-1592), alors que les traductions italiennes de
cette époque sont innombrables, à Lyon et ailleurs. Le cas lyonnais, en
outre, est unique en son genre. Personne, à Paris, si ce n’est les deux
précepteurs de prodiges féminins, Nicolas Denisot et Charles Utenhove, ne
cherche à éditer des recueils de femmes, ou des volumes les accueillant
généreusement, excepté Étienne Pasquier. Personne, dans le Sud-Ouest, ne
donne la parole — ne serait-ce que pour quelques pages — à cette Forçay
dont La Pujade affirme qu’elle fut « l’honneur du Condomois ». En
Normandie, seul Pierre du Val accorde quelques lignes à cinq femmes
— dont deux sont ses parentes.
Bien ambigus sont par ailleurs certains éloges décernés par les hommes
invités à vanter des œuvres féminines. Le poème que fournit Ronsard pour
les Sonets, Prieres et Devises de Marquets est exemplaire à cet égard.
Saluant la « divine fleur » qui croît « aux jardins de Poissy », il file la
métaphore végétale de bout en bout sans dire un mot de son talent. Pour
finir, il appelle à respecter le choix de la divinité : « Ainsi Dieu pour miracle
en ce monde l’a mise, / Son printemps est le ciel, sa racine est l’Église, / Sa
foi et œuvres sont ses feuilles et son fruit 155. » On sent que le « prince des
poètes », peu enclin à vanter des collègues femmes, n’a cédé qu’aux
pressions du cardinal de Lorraine, à l’origine de la publication. De même, le
poète qui vante les Emblemes ou Devises chrestiennes, composees par
Damoiselle Georgette de Montenay, et qui signe simplement « P.D.C. », ne
salue pas le talent de « l’auteur du livre », mais la seule chrétienne. Tout le
mérite revient à L’Éternel, explique-t-il, même si ces emblèmes, « tu peux
les dire tiens » puisque « l’invention [l’idée] est tienne ». Ce qui n’est que
trop vrai, puisque c’est la première fois que ce genre est utilisé dans une
optique religieuse. Ajoutons que le privilège de cette œuvre, demandé en
1566 par l’autrice elle-même, était sur le point d’expirer lorsqu’elle a trouvé
un imprimeur, en 1571.
On remarque enfin que les textes féminins accueillis dans des recueils
masculins n’y trouvent souvent place que dans une édition, voire que les
noms des autrices disparaissent alors que leurs œuvres continuent d’être
publiées. Robert Garnier donne à lire deux poèmes de son épouse (ou future
épouse), Françoise Hubert, dans le volume de Tragédies qu’il publie en
1580 — mais non dans les éditions suivantes. Du Moulin, éditeur des
poèmes de Bectoz et de Stuard dans le Recueil des œuvres de feu
Bonaventure des Periers (1544), les reproduit l’année suivante dans deux
éditions de Saint-Gelais qu’il donne chez le même éditeur, Jean de Tournes
— mais sans nom. Une chanson de Du Guillet y subit le même sort, alors
que ses Rymes sont sous presse ou fraîchement publiées — par les deux
mêmes hommes. La dédicace à Marguerite de Saluces qui permettait
d’identifier Cotteblanche comme traductrice des Trois Dialogues de Pierre
de Messie est reproduite dans quatre éditions, mais non dans les vingt-cinq
autres — alors même que certaines sortent de la même maison.

À la question que posait Joan Kelly en 1980, « Did women have a


Renaissance ? », la réponse semble donc finalement : oui. Ou plutôt, oui
mais. Vue sous l’angle littéraire, cette période marque assurément un
tournant. L’écriture poétique, fictionnelle, historique, pédagogique… avait
certainement occupé bien d’autres femmes avant celle-ci, mais on ne peut
que le supputer. L’imprimerie a changé la donne. Même si beaucoup
d’œuvres ont disparu, même s’il ne reste que quelques vers de tant d’autres,
des dizaines ont éclos, circulé, trouvé un imprimeur, des lecteurs, des
admirateurs. Alors que les autrices connues étaient restées très rares, et
leurs œuvres fort minces à l’exception de Christine de Pizan, une bonne
vingtaine de femmes, dont cinq ou six princesses parmi les plus célèbres, se
sont fait remarquer par plusieurs textes, ou par plusieurs rééditions du
même. La seule Jeanne Gaillarde, dont on ne peut alors lire qu’un poème,
est connue comme le loup blanc grâce aux multiples rééditions de
L’Adolescence clémentine. Par ailleurs, loin d’emprunter une porte étroite,
elles se sont révélées poétesses, prosatrices, philosophes, pédagogues,
mémorialistes, pamphlétaires, traductrices, adaptatrices… Le premier best-
seller féminin a fait son apparition avec l’Heptaméron. Sappho a retrouvé sa
voix. Et si ces miracles ont eu lieu, c’est qu’il y a eu du monde pour les
rendre possibles : princesses conscientes de leurs responsabilités, rois
favorables à l’expression et au pouvoir des femmes, imprimeurs prêts à
miser sur leurs talents, intellectuels désireux de partager les fruits du
savoir…
Si ce bilan est remarquable, s’il fournit largement de quoi inscrire,
chaque année, une autrice majeure de ce temps au programme de
l’agrégation de lettres (où elles sont toujours aussi rares), il n’est en rien
comparable à celui des hommes. Ni quantitativement, puisque la troupe des
lettrés cherchant à se distinguer en publiant des livres n’a aucun équivalent
féminin, vu les empêchements mis à l’instruction et aux carrières des
femmes. Ni thématiquement, puisque les places et les rôles sociaux des uns
et des autres sont alors fort différents, et qu’un bruit de fond incessant
appelle au respect de ce partage. Raison de plus, soit dit en passant, pour les
mettre au programme dudit concours, ne serait-ce que pour nourrir la
réflexion sur les liens entre littérature et société.
Pour le reste, on voit que les femmes se prononcent sur à peu près tous
les sujets et qu’elles empruntent à peu près tous les genres, que ce soit pour
développer leur propre créativité, pour se prononcer sur leur époque, pour
témoigner de leur vie, ou en se glissant dans l’univers d’un autre à
l’occasion d’une traduction. Le temps n’est pas encore venu des
théorisations sur les genres qui conviennent ou ne conviennent pas aux
femmes. Le temps n’est pas encore venu, non plus, des attaques contre les
femmes de lettres et les femmes savantes, sans doute parce que ces espèces
sont encore trop rares pour effrayer vraiment. Sans doute aussi parce que
l’omniprésence des princesses de la famille royale dans la vie des lettres
— comme protectrices et créatrices — empêche encore de distinguer, dans
la masse des femmes qui dérangent, celles qui vont devenir de vraies
concurrentes. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, la Querelle continue de porter
pour l’essentiel sur le pouvoir des femmes en général, voire en particulier
sur leur pouvoir politique, comme en témoigne La Guerre des masles contre
les femelles du sieur de Cholières (1588), satiriquement dédiée à une reine
des Amazones bien dégradée : « A Madamoiselle Penthesilée de
Malencorne, infante d’Inebile, Dame de la Croulée, la Houssée, etc. ».
Pourtant, dès les années 1550, des auteurs ont identifié le terrain des lettres
comme l’un des plus prometteurs pour les femmes, et le sujet qui va agiter
les temps à venir a été posé en 1600 par Artus Thomas : Qu’il est bienséant
que les filles soient savantes 156. À l’heure où s’ouvrent les premiers instituts
dédiés à leur éducation, à l’heure où la reine Marguerite « renvoie aux
dames de ville les ouvrages et veut que leurs esprits […] s’arrêtent sur les
bons exemples, et fassent passer heureusement le génie et les grâces d’une
langue en une autre », à l’heure où l’une d’entre elles, inspirée par son père
d’alliance, décide de faire une vraie carrière, le temps des pionnières est
passé, celui du comblement progressif du fossé va commencer.

*1. Voir chap. II, « Des livres de toutes sortes, du moment qu’ils se vendent ».
*2. Voir Moyen Âge, chap. III.
*3. Voir infra, chap. II.
*4. Strophes régulières développant un propos sous forme de monologue.
*5. Poèmes de deux ou trois strophes dont une partie du premier vers revient en refrain à la
fin de chacune.
*6. Poésies strophiques susceptibles d’être mises en musique.
*7. Poésies de ton plaintif en rimes plates, sans longueur définie.
*8. Poèmes d’amour construits sur quatorze vers, selon le modèle rendu célèbre par
Pétrarque.
*9. Marguerite de Navarre raconte dans le prologue de l’Heptaméron que Catherine et
Marguerite de France avaient caressé le projet de participer à la rédaction d’un Décaméron
français — projet qu’elle seule finit par mettre en œuvre.
*10. Ce nom, devenu « vendeur », a été donné à un très grand nombre de narrations
historiques de l’Ancien Régime écrites par des gens d’un certain rang, en dépit des titres
qu’elles avaient pu recevoir de leur temps, et quelle qu’ait été la posture de leurs auteurs et
autrices.
*11. Ce mot désigne auparavant des comptes rendus de négociations ou des récits
historiques portant sur un événement ponctuel.
*12. Aujourd’hui Livre des Trois Vertus ; voir « Le Moyen Âge », chap. III et IV.
*13. Plus exactement : IEN GARDE VN LEAL, sachant que j et i ne sont alors pas distingués,
et que leal est une variante de loyal.
*14. Pour la sorcellerie, voir néanmoins chap. I, « Une épée de Damoclès suspendue sur la
tête de toutes les femmes ». Pour l’exercice du pouvoir, la seule (d’après mes observations) à
contester la loi salique est Miremont, dans la dédicace « Aux Dames » de son Apologie pour les
dames : « La France seulement, et quelque peuple inique / Banqueroute au devoir, ains qu’à sa
loi salique / Fraudant injustement ce sexe… » (in Protestations et revendications féminines.
e e
Textes oubliés et inédits sur l’éducation féminine, XVI -XVII siècle, éd. Colette H. Winn, Paris,
H. Champion, 2002, p. 109).
*15. Carnéade de Cyrène, fondateur d’une académie, était cité par Montaigne.
*16. Voir chap. précédent, « La mise en valeur des femmes fortes ».
*17. Voir infra, chap. II.
*18. C’est-à-dire lacets : métaphore du filet qui permet d’attraper le poisson.
*19. Cydippe est un personnage des Héroïdes d’Ovide, Francesca de Rimini de la Divine
Comédie de Dante.
*20. Les œuvres d’autres auteurs citant des passages d’elle.
*21. Mais il est alors anonyme. Le nom de l’autrice n’apparaîtra que dans l’édition de
1527.
*22. La « coutume de Paris », ou plus exactement d’Île-de-France, que les juristes du
Parlement de Paris tentaient d’imposer dans d’autres régions, était très défavorable aux
femmes ; elle inspirera de nombreuses dispositions du Code civil de 1804.
*23. On appelle ainsi un sonnet entièrement composé en rimes féminines.
*24. Voir infra, infra, chap. I.
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XVII siècles, Paris, H. Champion, 2001, p. 87-98.
VIENNOT, Éliane, « Veuves de mère en fille au XVIe siècle : le cas du
clan Guise », in Nicole Pellegrin et Colette H. Winn (dir.), Veufs,
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H. Champion, 2003 (éd. num. Classiques Garnier
Numérique / Champion Électronique, 2004).
VIENNOT, Éliane et DESROSIERS-BONIN, Diane (dir.), Actualité de
Jeanne Flore, Paris, H. Champion, 2004.
WILSON-CHEVALIER, Kathleen, « Art patronage and women (including
Habsburg) in the orbit of King Francis I », Renaissance Studies,
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WILSON-CHEVALIER, Kathleen (dir. avec la collab. d’Eugénie Pascal),
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Renaissance française », Le Moyen Âge, t. CXVII, no 3-4, 2011,
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page-577.htm).
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la cour de France. Charges et fonctions (XVe-XIXe siècle),
Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2018.
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Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire des
femmes créatrices, Paris, Des femmes /Belin, 2013.
WINN, Mary Beth, « Louise de Savoie, ses enfants et ses livres : du
pouvoir familial au pouvoir d’État », in Patronnes et mécènes en
France à la Renaissance (voir ce titre), p. 251-281.
WOOD, Diane S., « Gratien Du Pont et la Querelle des femmes, 1534 à
1541 », in Revisiter la « querelle des femmes » (voir ce titre), t. III,
p. 79-90.
YANDELL, Cathy « Nicole Estienne », in Dictionnaire des Femmes de
l’ancienne France, SIEFAR (voir ce nom), 2004
(http://siefar.org/dictionnaire/fr/Nicole_Estienne).
ZIMMERMANN, Margarete, « Le “salon” de Claude-Catherine de
Clermont, maréchale de Retz, et la Querelle des femmes au
e
XVI siècle », in Revisiter la « querelle des femmes » (voir ce titre),
t. III, p. 199-212.
ZVEREVA, Alexandra, « Catherine de Médicis et les portraitistes
français », in Patronnes et mécènes en France à la Renaissance
(voir ce titre), p. 527-543.
Notes

1. Diane Desrosiers-Bonin et Jean-Philippe Beaulieu, « Les Études sur les femmes


e o
écrivains du XVI siècle français », French Studies, vol. 65, n 3, 2011, p. 370-375.
2. Cet article souvent réédité — mais jamais traduit en français — a paru pour la
première fois dans Renate Bridenthal et Claudia Koonz (dir.), Becoming Visible. Women
in European History, Boston, Houghton Mifflin & Co, 1977.
3. Voir Jean-Michel Dufays, « Medium tempus et ses équivalents : aux origines
d’une terminologie de l’âge intermédiaire », in Vocabolario politico, Florence,
Leo S. Olschki, 1988, p. 237-249.

I
DES HÉRITAGES LOURDS

1. Rabelais, Pantagruel, in Œuvres complètes, éd. Mireille Huchon, Paris,


Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1994, p. 243-244.
e
2. Jacques Verger, « Les universités européennes à la fin du XV siècle », in Michel
Bideaux et Marie-Madeleine Fragonard (dir.), Les Échanges entre les universités
européennes à la Renaissance, Genève, Droz, 2003, p. 12.
3. Voir Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir, t. I, L’Invention de la loi
e e
salique (V -XVI siècle), Paris, Perrin, 2006, chap. 8, « L’irrésistible ascension des clercs ».
4. Pour la France, voir l’article de Marc Vénard, « Concurrentes ou
complémentaires ? Les universités du sud-est de la France », in Michel Bideaux et Marie-
Madeleine Fragonard (dir.), Les Échanges entre les universités européennes à la
Renaissance, op. cit., p. 337-348.
e
5. Voir Christian Hottin, « La constitution de l’espace universitaire parisien (XIII -
e
XVIII siècle) : jalons pour la redécouverte d’un patrimoine. Retour sur un patrimoine
parisien méconnu : les espaces de transmission du savoir », In Situ, revue des
patrimoines, 17, 2011 (http://journals.openedition.org/insitu/11310).
6. Eugénie Pascal, « Liens de famille, pratique de pouvoir, conscience de soi.
e
Princesses épistolières au tournant du XVII siècle », thèse de l’université Paris 3-
Sorbonne nouvelle, 2004.
e
7. Nicole Dufournaud, « Les rôles et les pouvoirs des femmes au XVI siècle dans la
France de l’Ouest », thèse de l’EHESS, 2007.
8. Voir notamment Françoise Autrand, Pierre Riché et Éric Bournazel, Histoire de la
fonction publique en France (sous la dir. générale de Marcel Pinet), t. I, Des origines au
e e
XV siècle, Paris, Nouvelle librairie de France, 1993, vol. 1, 3 partie.
9. Sur l’évolution du statut des clercs et leur progression sociale au cours du
e
XV siècle, voir Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir, t. I, op. cit., chap. 11,
e
« Les bases de l’offensive », p. 392 sq. ; au XVI siècle, chap. 13, « La clergie dans tous
ses états », p. 527 sq.
10. Michel Rouche, Histoire générale de l’éducation et de l’enseignement en
e e
France, t. I, Des origines à la Renaissance, V siècle av. J.-C.-XV siècle, Paris, Perrin,
2003, p. 591.
11. Natalie Zemon Davis, Les Cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au
e
XVI siècle. Paris, Aubier, 1979 [Society and Culture in Early Modern France, Stanford,
Stanford University Press, 1975], p. 118, 147.
12. Michel Rouche, Des origines à la Renaissance, op. cit., p. 590.
13. Jacques Rossiaud, La Prostitution médiévale, Paris, Flammarion, 1988, p. 240.
14. Ibid., p. 37.
15. Natalie Zemon Davis, Les Cultures du peuple, op. cit., p. 162.
16. Voir Éliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir, op. cit., chap. 11.
17. Voir Natalie Zemon Davis, « La femme “au politique” », in Georges Duby et
Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, t. III (dir. Natalie Zemon Davis et
e e
Arlette Farge), XVI -XVIII siècles, Paris, Plon, 1991, p. 179.
18. Voir Raphaela Averkorn, « Women and Power in the Middle Ages : Political
Aspects of Medieval Queenship », in Ann Katherine Isaacs, Political Systems and
Definition of Gender Roles, Pise, Università di Pisa / Edizioni Plus, 2001, p. 15.
19. Guy Bechtel, La Sorcière et l’Occident. La destruction de la sorcellerie en
Europe des origines aux grands bûchers, Paris, Plon, 1997, p. 144.
20. Henri Institoris [Heinrich Krämer] et Jacques Sprenger, Le Marteau des
sorcières. Malleus maleficarum 1486, éd. Armand Danez, Grenoble, Jérôme Millon,
1997. Pour une analyse récente des liens avec l’offensive générale contre les femmes, voir
Patrick Snyder, « Le Marteau des sorcières (1486) : pour en finir avec “le temps de la
femme” », in Armel Dubois-Nayt, Nicole Dufournaud, Anne Paupert (dir.), Revisiter la
« querelle des femmes » 3. Discours sur l’égalité / inégalité des sexes, de 1400 à 1600,
Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2013, p. 65-78.
21. Marguerite de Valois, Mémoires, in Mémoires et autres écrits, 1574-1614, éd.
Éliane Viennot, Paris, H. Champion, 1999, p. 184.
22. Ces informations ainsi que nombre de titres et de chiffres qui suivent proviennent
de la thèse de Tatiana Clavier, « La construction des identités de genre à travers les
discours didactiques, édifiants et polémiques imprimés à la Renaissance (1483-1594) »,
soutenue à l’université de Saint-Étienne en 2016.
23. Michael A. Screech, « Rabelais, De Billon and Erasmus », Bibliothèque
d’Humanisme et Renaissance, vol. 13, 1951, p. 257 ; traduction Diane S. Wood, « Gratien
Du Pont et la Querelle des femmes, 1534 à 1541 », in Armel Dubois-Nayt, Nicole
Dufournaud, Anne Paupert (dir.), Revisiter la « querelle des femmes » 3, op. cit., p. 79-90.
24. Émile Telle, L’Œuvre de Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre, et la
querelle des femmes, Toulouse, impr. de Lion & fils, 1937 [reprint Genève, Slatkine,
1969], p. 41. Voir, sur cette thèse et ses contestations, Éliane Viennot, « Revisiter la
“Querelle des femmes” : mais de quoi parle-t-on ? », in Éliane Viennot (dir. avec la
collab. de Nicole Pellegrin), Revisiter la « Querelle des femmes » 1. Discours sur
l’égalité / inégalité des sexes, de 1750 aux lendemains de la Révolution, Saint-Étienne,
Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012, p. 7-29.
25. Joan Kelly, « Early Feminist Theory and the “Querelle des Femmes”, 1400-
o
1789 », Signs, vol. 8, n 1, 1982, p. 4-28, p. 13, n. 17 (ma traduction, dans l’article cité à
la note précédente, p. 12).
26. Voir sur ce sujet l’article de Jean Batany, « Un drôle de métier : le “status
e e
conjugatorum” », in Femmes, mariages-lignages, XII -XIV siècles. Mélanges offerts à
Georges Duby, Bruxelles, De Boeck Université, 1992, p. 25-42.
27. Montaigne, Essais, éd. Pierre Villey-Saulnier, Paris, PUF, 1999, vol. I, XXI, « De
la force de l’imagination », p. 101.
28. Ibid., vol. III, III, « De trois commerces », p. 820 (orthographe modernisée).
29. Ibid., p. 820-823.
30. Ibid., V, « Sur des vers de Virgile », p. 882.
31. Bodin, Les Six Livres de la République [1576], Paris, Fayard, 1986, t. I, p. 61-62,
58.
32. Ibid., t. VI, p. 62, 232.

II
UNE PÉRIODE FAVORABLE
À L’EXPRESSION DES FEMMES

1. Cette thèse a été notamment développée par Ian McLean (The Renaissance Notion
of Woman. A Study in the Fortunes of Scholasticism and Medical Science in European
Intellectual Life, Cambridge-Londres-New York, Cambridge University Press, 1980) et
reprise par Marc Angenot, qui observe la longévité des publications pour et contre, mais
e
qui parle d’écrivains « attardés » dès la fin du XVI siècle (Les Champions des femmes.
Examen du discours sur la supériorité des femmes, 1400-1800, Montréal, Presses
universitaires du Québec, 1977).
2. Pour une vue d’ensemble de ses premiers siècles, voir les quatre volumes
Revisiter la « querelle des femmes ». Discours sur l’égalité / inégalité des sexes, de la
Renaissance aux lendemains de la Révolution, Saint-Étienne, Publications de l’Université
de Saint-Étienne, 2012-2015.
e
3. Frédéric Barbier, Histoire du livre en Occident, Paris, Armand Colin, 3 éd. 2012,
p. 141.
4. Voir Henri-Jean Martin, Roger Chartier et Jean-Pierre Vivet (dir.), Histoire de
e
l’édition française, t. I, Le Livre conquérant. Du Moyen Âge au milieu du XVII siècle,
Paris, Promodis, 1983, p. 543 (Roger Doucet, Les Bibliothèques parisiennes au
e
XVI siècle, Paris, Picard, 1956).
5. Cité par Henri-Jean Martin, Histoire et pouvoirs de l’écrit, Paris, Albin Michel,
1996 [1988], p. 323 (Albert Labarre, Le Livre dans la vie amiénoise du seizième siècle.
L’enseignement des inventaires après décès 1503-1576, Paris, Publications de la faculté
des lettres et sciences humaines de Paris-Sorbonne, 1971).
6. Voir Michel Simonin, « Trois femmes en librairie : Françoise de Louvain, Marie
Langelier, Françoise Patelé (1571-1645) », p. 149-173, et Annie Parent-Charon, « À
propos des femmes et des métiers du livre dans le Paris de la Renaissance », p. 137-148,
in Dominique de Courcelles et Carmen van Julianá (dir.), Des femmes et des livres,
e e
France et Espagne, XIV -XVII siècle, Paris, École des Chartes, 1999.
7. Sur les imprimeuses, voir Roméo Arbour, Dictionnaire des femmes libraires en
France, 1470-1870, Genève, Droz, 2003, p. 13 ; également, la thèse de Maria Grazia
e
Dalai, « Femmes imprimeuses à Lyon au XVI siècle » (université de Vérone, 2019).
8. Voir entre autres : Jean Delisle (dir.), Portraits de traductrices, Ottawa, Presses de
e
l’Université d’Ottawa, 2002 (XVII siècle et au-delà) ; Jean-Philippe Beaulieu (dir.), D’une
écriture à l’autre. Les femmes et la traduction sous l’Ancien Régime, Ottawa, Presses de
e e
l’Université d’Ottawa, 2004 (XVI -XVIII siècle) ; Andrée Lerousseau (dir.), Des femmes
e
traductrices. Entre altérité et affirmation de soi, Paris, L’Harmattan, 2013 (XIX -
e
XX siècle).
9. Henri Estienne, Traicté de la conformité du language françois avec le grec (1565),
cité par Évelyne Berriot-Salvadore, Les Femmes dans la société française de la
Renaissance, Genève, Droz, 1990, p. 343.
10. « Votre aïeule, écrit-il à son fils Paul, entendait aussi facilement que si l’on eût
parlé en français, tout ce qui se disait en latin ; et votre tante Catherine, loin d’avoir
besoin d’interprète pour comprendre cette langue, savait s’y énoncer de manière à être
parfaitement claire pour tout le monde » (Léon Feugère, Essai sur la vie et les ouvrages
d’Henri Estienne suivi d’une étude sur Scévole de Sainte-Marthe, Paris, J. Delalain, 1853,
p. 23).
11. Le système obligeant tout éditeur à signer avec l’auteur, pour chaque livre, un
contrat aux termes duquel l’auteur est rémunéré en fonction de la vente de son livre, selon
un certain pourcentage, a été mis en place à la Révolution, moment où la classe lettrée est
arrivée au pouvoir.
12. Yolande d’Aragon (1373-1442) en Anjou, Isabelle de Portugal (1398-1471) en
Bourgogne, Marie de Bourgogne (1457-1482), bru de la précédente et héritière du duché.
13. Louis avait été marié à la jeune sœur d’Anne, Jeanne de France. Leur couple
étant resté stérile (et Louis ayant fort peu fréquenté Jeanne), Anne témoigna que l’union
n’avait pas été consommée, afin de permettre son annulation, puis le remariage de Louis
avec l’héritière de Bretagne (qui aurait pu, se remariant de son côté, transmettre son
duché à une autre famille qu’à celle de France). Sacrifiée, Jeanne se fit religieuse et fonda
l’ordre de l’Annonciade (elle sera canonisée en 1950).
14. Pierre de Bourdeille, abbé de Brantôme, « Discours sur Anne de Bretagne », in
Recueil des Dames, poésies et tombeaux, éd. Étienne Vaucheret, Paris, Gallimard, coll.
Bibliothèque de la Pléiade, 1991, p. 13.
15. Voir Aubrée David-Chapy, « La “cour des dames”, d’Anne de France à Louise
de Savoie : un espace de pouvoir à la rencontre de l’éthique et du politique », in Kathleen
Wilson-Chevalier et Caroline zum Kolk (dir.), Femmes à la cour de France. Charges et
e e
fonctions (XV -XIX siècle), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion,
2018.
16. Voir Jacqueline Boucher, Société et mentalités autour de Henri III, 4 vol., Lille,
Publications de la faculté de Lille III, 1981, t. I, p. 147 sq.
17. Voir Éliane Viennot, « La transmission du savoir-faire politique entre femmes,
d’Anne de France à Marie de Médicis », in Marie Roig Miranda (dir.), La Transmission
e e
du savoir dans l’Europe des XVI et XVII siècles, Paris, H. Champion, 2001, p. 87-98.
18. Sur les salons des années 1540 et 1550, voir notamment Richard Cooper, « Le
cercle de Lucantonio Ridolfi », in Michèle Clément et Janine Incardona (dir.),
L’Émergence littéraire des femmes à Lyon à la Renaissance, 1520-1560, Saint-Étienne,
Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 33-42.
19. Claude La Charité, « Du Dialogo de la bella creanza de le donne (1539)
d’Alessandro Piccolomini à l’Instruction pour les jeunes dames (1572) de Marie de
Romieu, ou quand le paradoxe fait l’opinion », RHR [Réforme Humanisme Renaissance],
o
Lyon, n 53, décembre 2001, p. 103-112.
20. Catherine de Clermont, maréchale de Retz, Album de poésies (manuscrit
français 25455 de la BnF), éd. critique Colette H. Winn et François Rouget, Paris,
H. Champion, 2004. Voir également, sur le salon lui-même, l’article récent de Margarete
Zimmermann, « Le “salon” de Claude-Catherine de Clermont, maréchale de Retz, et la
e
Querelle des femmes au XVI siècle », in Armel Dubois-Nayt, Nicole Dufournaud et Anne
Paupert (dir.), Revisiter la « querelle des femmes » 3, op. cit., p. 199-212.
21. Marguerite de Valois, Album de poésies, éd. Colette H. Winn et François Rouget,
Paris, Éditions Classiques Garnier, 2009.
22. Voir Sophie Cinquin-Strobel, « Le mécénat de Marguerite de Valois au prisme
des épîtres dédicatoires : une mise en scène du moi au service de revendications
politiques ? », in Catherine Magnien et Éliane Viennot (dir.), Autrice, mécène,
inspiratrice : de Marguerite de Valois à la reine Margot, Rennes, Presses universitaires de
Rennes, 2019, p. 47-66.
23. L’hôtel de Sens, toujours visible, abrite aujourd’hui la bibliothèque Forney.
e
L’hôtel de la reine Marguerite a été démoli dès le XVII siècle ; il n’en reste plus que la
chapelle des Beaux-Arts.
24. Pierre Matthieu, Histoire de France soubs les regnes de François I, Henry II,
François II, Charles IX, Henry III, Henry IV, Louys XIII…, 2 vol., Paris, Veuve Nicolas
Buon, 1631, t. II, p. 40.
25. De même que les dames étaient responsables de la vie de la cour, elles avaient
davantage de temps que les seigneurs pour s’occuper des relations avec les artisans, les
artistes et les auteurs chargés de mettre en valeur le patrimoine monumental et l’histoire
de la famille ; voir entre autres June Hall McCash (dir.), The Cultural Patronage of
Medieval Women, Athens, Georgia, University of Georgia Press, 1995 ; Cynthia Miller
Lawrence (dir.), Women and Art in Early Modern Europe. Patrons, Collectors, and
Connoisseurs, University Park (Pennsylvania), Pennsylvania State University Press,
1997.
26. Grégoire le Grand (pape de 590 à 604) avait réuni sous ce nom trois femmes :
Marie de Magdala, disciple du Christ, délivrée par lui de sept démons ; Marie de
Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare, qui boit les paroles de Jésus chaque fois qu’il leur
rend visite ; et une pécheresse anonyme, que Luc décrit lavant de ses larmes les pieds du
Christ et se voyant par lui promettre le pardon. Cette figure composite rassemblait donc la
sorcellerie, la dévotion et la prostitution…
27. Voir Pauline Schmitt Pantel, « Autour du traité de Plutarque Vertus de femmes
o
(Gunaikôn Aretai) », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, n 30, 2009, p. 39-60
(http://clio.revues.org/9369).
28. Voir Kathleen Wilson-Chevalier, « Art patronage and women (including
o
Habsburg) in the orbit of King Francis I », Renaissance Studies, vol. 16, n 4,
décembre 2002, p. 476 sq.
29. Voir, à ce sujet, « Marguerite de Navarre et son influence spirituelle sur les
vitraux de la cathédrale Sainte-Marie d’Auch », in Kathleen Wilson-Chevalier (dir. avec
la collab. d’Eugénie Pascal), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-
Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. L’École du genre, 2007,
p. 321-340 ; d’autres séries de sibylles sont visibles dans les cathédrales de Beauvais et
e
d’Amiens, qui datent toutes de la première moitié du XVI siècle.
30. Voir Étienne Cartier, Essais historiques de la ville d’Amboise et de son château,
Poitiers, imprimerie de Saurin frères, 1842, p. 65, n. 4.
31. Marguerite de Valois, Album de poésies, éd. cit.
32. Sur la célébration poético-amoureuse des filles de la reine, voir Édouard Frémy,
L’Académie des derniers Valois. Académie de Poésie et de Musique, 1570-1576,
Académie du Palais, 1576-1585, d’après des documents nouveaux et inédits, Paris,
E. Leroux, 1887, p. 187 sq.
33. Voir Étienne Cartier, Essais historiques de la ville d’Amboise et de son château,
op. cit., p. 64.
34. Voir Aurore Evain, « Les reines et princesses de France, mécènes, patronnes et
e
protectrices du théâtre au XVI siècle », in Kathleen Wilson-Chevalier (dir. avec la collab.
d’Eugénie Pascal), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, op. cit., p. 63-64.
35. On ne sait dans quelles versions ces pièces ont été jouées. Voir Marguerite de
Valois, Correspondance (1569-1614), éd. Éliane Viennot, Paris, H. Champion, 1998,
lettre 114.
36. La Loi salique, première loi des Français est un traité anonyme sans titre datant
du début des années 1460 ; cette dénomination figurait dans l’ouvrage. Il paraît en 1488,
sous Anne de France ; il reparaîtra à diverses reprises dans le même contexte (sous Louise
de Savoie et Diane de Poitiers), avant d’être oublié au profit du grand pamphlet opposé à
Catherine de Médicis, le Discours merveilleux de la vie et déportements de la reine
Catherine de Médicis, reine mère (1574) ; l’expression lois fondamentales du royaume
figure pour la première fois dans le Droit des magistrats de Théodore de Bèze (1574).
37. Sa seconde phase a été bien étudiée par Arlette Jouanna dans Le Devoir de
révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne, 1559-1661, Paris,
Fayard, 1989.
38. Voir les synthèses récentes d’Elizabeth L’Estrange, « Sainte Anne et le mécénat
d’Anne de France », in Kathleen Wilson-Chevalier (dir. avec la collab. d’Eugénie Pascal),
Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, op. cit., p. 135-154 ; Élodie Lequain,
« Anne de France et les livres : la tradition et le pouvoir », ibid., p. 155-169.
39. Voir, outre la référence ci-dessus, Elizabeth L’Estrange, « Le mécénat d’Anne de
Bretagne », ibid., p. 169-193 ; Cynthia Brown, « Le mécénat d’Anne de Bretagne et la
politique du livre », ibid., p. 195-224.
40. Voir Mary Beth Winn, « Louise de Savoie, ses enfants et ses livres : du pouvoir
familial au pouvoir d’État », ibid., p. 251-281.
41. Barbara Stephenson, « “La protection de vostre faveur”. Le patronage humaniste
de Marguerite de Navarre », ibid., p. 319.
42. Voir notamment les six synthèses réunies dans Patronnes et mécènes en France à
la Renaissance (op. cit.) : Sheila ffolliott, « La reine mécène idéale de la Renaissance :
Catherine de Médicis définie par elle-même ou définie par les autres ? » (trad.
Jeffrey T. Chamberlain) ; Caroline zum Kolk, « Le mécénat de Catherine de Médicis
d’après sa correspondance » ; Laurent Odde, « Les coulisses du pouvoir : châteaux,
jardins et fêtes. Quelques aspects du mécénat (transgressif) de Catherine de Médicis » ;
Chantal Turbide, « Catherine de Médicis, mécène d’art contemporain : l’hôtel de la Reine
et ses collections » ; Alexandra Zvereva, « Catherine de Médicis et les portraitistes
français » ; Michèle Bimbenet-Privat, « Catherine et ses orfèvres : précision, exigence,
autorité ».
43. Les Histoires du sieur d’Aubigné [Histoire universelle], tome second, Maillé,
Jean Moussat, 1618, p. 184.
44. Édouard Frémy, L’Académie des derniers Valois, op. cit., chap. 5 (« L’Académie
du Palais, Académiciens et académiciennes »), p. 149 et 152 ; l’auteur cité entre
guillemets est Guillaume Colletet, dans sa Vie d’Antoine de Baïf ; Philippe Desportes, l’un
des poètes préférés d’Henri III et de sa sœur Marguerite, était le secrétaire de cette
académie.
45. Agrippa d’Aubigné, À mes filles touchant les femmes doctes de nostre siecle, in
Œuvres complètes, t. I, Lettres, éd. Eugène Réaume et François de Caussade, Paris,
Alphonse Lemerre, 1873, p. 448 (Œuvres, éd. Henri Weber, Jacques Balibé et Marguerite
Soulié, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1969, p. 853).
46. Pierre de Bourdeille, abbé de Brantôme, « Discours sur Marguerite, reine de
Navarre et de France » [1665], in Recueil des Dames, poésies et tombeaux, éd. Étienne
Vaucheret, op. cit., p. 119-158, ici p. 133.
47. Pierre de L’Estoile, Registre-Journal de Henri III, t. V, 1585-1587, éd. Madeleine
Lazard et Gilbert Schrenck, Genève, Droz, 2001, p. 246.
48. Pour plus de détails sur cette production, voir Helen J. Swift, Gender, Writing,
and Performance. Men Defending Women in Late Medieval France, 1440-1538, Oxford,
Clarendon Press, 2008.
49. Voir la liste (non exhaustive) des « Dictionnaires et recueils » sur le site de la
SIEFAR (http://siefar. org/dictionnaire-des-femmes-de-l-ancienne-france/dictionnaires-
anciens/).
50. Pontus de Tyard, Solitaire Premier [1552], éd. Silvio F. Baridon, Genève, Droz,
1950, p. xxi-xxiv.
51. Il est intéressant de noter qu’elle porte les mêmes noms — féminisés — que son
père, Fulvio Pellegrino Morato.
52. Sur ce salon, voir Philip Ford, « An Early French Renaissance Salon : the Morel
o
Household », Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, vol. 28, n 1, 2004,
p. 9-20.
e
53. Voir notamment Madeleine Lazard, « Deux féministes poitevines au XVI siècle :
o
les dames des Roches », Albineana, Cahiers d’Aubigné, 1990, vol. 3, n 1, p. 143-153.
54. Déposition de Boniface VIII par les agents de Philippe le Bel (1303), élection de
Clément V sous pression française (1304), installation de la papauté à Avignon (1309-
1418), grand schisme d’Occident (1378-1417), conciles de Pise (1409), de Constance
(1414-1418), de Pavie (1423-1424), de Bâle (1431-1449)…
55. Sur le premier point, voir Nancy Lyman Roelker, « The Role of Noblewomen in
the French Reformation », Archiv für Reformationsgeschichte / Archive for Reformation
History, vol. 63, 1972, p. 181, et Roland H. Bainton, Women of the Reformation in France
and England, Boston, Beacon Press, 1975, p. 113. Sur le second, Natalie Zemon Davis,
Les Cultures du peuple, op. cit., p. 126-134.
56. Raymond A. Mentzer, « La place et le rôle des femmes dans les Églises
o
réformées », Archives de sciences sociales des religions, n 113, janvier-mars 2001,
p. 119-132, p. 110.
e
57. Sur ces femmes, voir Éliane Viennot, « Des “femmes d’État” au XVI siècle. Les
princesses de la Ligue et l’écriture de l’Histoire », in Danielle Haase-Dubosc et Éliane
Viennot (dir.), Femmes et pouvoirs sous l’Ancien Régime, Paris, Rivages, 1991, p. 77-97 ;
e
« Veuves de mère en fille au XVI siècle : le cas du clan Guise », in Nicole Pellegrin et
Colette H. Winn (dir.), Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime, Paris,
H. Champion, 2003 (éd. num. Classiques Garnier Numérique / Champion Électronique,
2004).
58. Voir Barbara Diefendorf, « An Age of Gold ? Parisian Women, the Holy League
and the Roots of Catholic Renowal », in Michael Wolfe (dir.), Changing Identities in
Early Modern France, Durham, Duke University Press, 1997, p. 169-190.

III
UN MONDE NOUVEAU :
LES FEMMES ET LEURS ÉCRITS

1. Voir Daniel Martin, « Voix de femmes, livres d’hommes. Autour de trois


poétesses : Jeanne Gaillarde, Jacqueline de Stuard, Claude de Bectoz », in Michèle
Clément et Janine Incardona (dir.), L’Émergence littéraire des femmes à Lyon à la
Renaissance, 1520-1560, op. cit., p. 95-97. Cette femme est nommée « Claude Bectone »
dans la publication originale.
2. Ibid.
3. Marie de Baillon, épouse de René Crespin sieur du Gast, qui avait été président au
Parlement de Bretagne, belle-sœur du magistrat Pierre de L’Estoile ; elle allait être la
dédicataire des Appréhensions de Beroalde de Verville (1584).
4. Information fournie par William Kemp ; le livre est conservé à Londres, British
Library, 847. b. 2(1) ; la première est l’épouse de Coligny, la deuxième de François III de
La Rochefoucauld, la troisième de Jean du Barry.
5. Les Œuvres chrestiennes d’Anthoine La Pujade, conseiller et secrétaire des
finances de la Reine Marguerite, contenant les trois livres de la Christiade et autres
poèmes et vers chrétiens, Paris, Robert Fouët, 1604, p. 152.
6. Aubigné, Lettre à mes filles, éd. cit., p. 448.
7. Premier volume de la Bibliothèque du sieur de La Croix du Maine…, Paris, Abel
L’Angelier, 1584, p. 11.
8. Le Passe-temps de Messire François Le Poulchre, seigneur de La Motte Messemé
Chevalier des Ordres du Roy, seconde édition revuë, corrigée et augmentée…, Paris, Jean
Le Blanc, 1597, f° 32r°-v°.
9. Les Œuvres chrestiennes d’Anthoine La Pujade…, op. cit. ; La Pujade écrit
« Forcés » et « Terrissande », mais une Hillaire de Forçay et une Françoise de Terissan
sont connues dans la Gascogne. Guillaume du Sable a dédié à la première un sonnet dont
les derniers vers sont : « A plusieurs bons esprits / Qui tous m’ont dit de toi / Qu’en toute
la Guyenne il n’y a qu’une Hillaire » (voir Léonce Couture, « Deux poètes agenais du
e
XVI siècle » [l’autre étant La Pujade], Revue de Gascogne, 1868, p. 360) ; Pierre de
Brach dédia trois poèmes à la seconde, dont « A Mademoiselle Françoise de Terissan, sur
ses tablettes » (Les Amours d’Aymée, éd. Jasmine Dawkins, Genève, Droz, 1971, p. 322) ;
Sable dédiera La Muse chasseresse à Marie de Médicis (1611).
10. Pour une synthèse de cette production, voir Tatiana Clavier, « Fortune de La
Belle Dame sans mercy. Les mises en scène du débat entre les sexes dans les premiers
imprimés (env. 1475-1535) », in Armel Dubois-Nayt, Nicole Dufournaud, Anne Paupert
(dir.), Revisiter la « querelle des femmes » 3, op. cit., p. 93-120.
11. Catherine M. Müller, préface, in Catherine d’Amboise (1482-1550), Poésies,
Montréal, CERES, 2002, p. 10.
12. Cette description est fondée sur l’édition Françoise Charpentier
(coll. Poésie/Gallimard, 1983), Rymes, qui abrite aussi les Œuvres poétiques de Labé. La
dénomination de certains poèmes de Du Guillet est différente (et variable) dans les
premières éditions ; voir Philip Ford, « À propos des “élégies” de Pernette du Guillet », in
Michèle Clément et Janine Incardona (dir.), L’Émergence littéraire des femmes à Lyon à
la Renaissance, 1520-1560, op. cit., p. 165-176.
13. Madeleine de L’Aubespine, Selected Poems and Translations. A Bilingual
Edition, éd. et trad. Anna Klosowska, Chicago, University of Chicago Press, 2007.
14. Colette Winn, « Madeleine de L’Aubépine », in Béatrice Didier, Antoinette
Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire des femmes créatrices, Paris, Des
femmes / Belin, 2013.
15. Gary Ferguson, « Anne de Marquets », in Dictionnaire des Femmes de
l’ancienne France, SIEFAR [Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien
Régime], 2003 (http://siefar.org/dictionnaire/fr/Anne_de_Marquets).
16. Philip Ford, « Camille de Morel », in Dictionnaire des Femmes de l’ancienne
France, SIEFAR, 2003 (http://siefar.org/dictionnaire/fr/Camille_de_Morel).
17. Anne R. Larsen, « Des Roches, Madeleine et Catherine », in Dictionnaire des
Femmes de l’ancienne France, SIEFAR, 2004
(http://siefar.org/dictionnaire/fr/Catherine_Fradonnet).
18. Jean-Philippe Beaulieu, introduction à l’édition des Épîtres familières et
invectives ; le Songe de Madame Hélisenne d’Hélisenne de Crenne (1543), Saint-Étienne,
Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2008, p. 12.
19. Plusieurs éléments ont conduit à attribuer à Le Gendre les trente discours de cette
édition bicéphale : son sous-titre ambigu (Dernière édition augmentée de XII Discours et
quelques stances sur le mesme sujet. Par Madame de Rivery) ; le silence fait dans
l’ouvrage sur la première autrice ; l’absence d’explication dans les éditions ultérieures de
Le Gendre. L’auctorialité de L’Aubépine sur les Saines affections est établie sans doute
possible (voir ici et ci-dessous, note 34). Ces confusions ont été compliquées par une
erreur du principal imprimeur de ce traité, Abel L’Angelier, qui a inscrit 1684 au lieu de
1594 (ou 1584 ?) sur l’une de ses rééditions. Colette Winn a récemment établi pour
H. Champion l’édition critique des œuvres de Le Gendre (2001) et L’Aubépine (2002),
mais elle ignorait la rectification de date établie par Jean Balsamo et Michel Simonin
(Abel L’Angelier et Françoise de Louvain (1574-1620), suivi du catalogue des ouvrages
publiés par Abel L’Angelier (1574-1610) et la veuve L’Angelier (1610-1620), Genève,
Droz, 2002, p. 258).
20. Le texte a été mis en musique et publié avec la partition à Paris, chez Adrian le
Roy et Robert Ballard.
21. Voir, entre autres, Penelope Richards, « The Guise Women : Politics, War and
Peace », in Jessica Munns et Penny Richards (dir.), Gender, Power, and Privilege in Early
Modern Europe, Londres, Longman / Pearson, 2003, p. 159-170, et, pour les textes,
Remontrances, prophéties et confessions de femmes (1575-1650), éd. Jean-Philippe
Beaulieu avec la collaboration de Diane Desrosiers et Claude La Charité, Paris,
Classiques Garnier, 2014, p. 19-48, 241-244 ; Anne d’Este avait déjà laissé paraître,
l’année suivant la mort de son second époux, des Regrets funèbres du premier, également
assassiné, dans les Premieres Œuvres poetiques de Flaminio de Birague, Paris, Perrier,
1585, f° 140r°-141v°.
22. Mémoires et poésies de Jeanne d’Albret, publiés par le baron De Ruble, éd.
Alphonse de Ruble, Paris, Paul, Huart et Guillemin, 1893, p. 1-2.
23. Sur cette polémique, voir Hugues Vaganay (éd.), Le Mariage honni par
Desportes, louangé par Blanchon, Le Gaynard, Rouspeau, Mâcon, Protat frères, 1908 ;
sur Estienne, Cathy Yandell, « Nicole Estienne », in Dictionnaire des Femmes de
l’ancienne France, SIEFAR, 2004 (http://siefar.org/dictionnaire/fr/Nicole_Estienne). Les
Stanzes sont restées inédites jusqu’à l’édition qu’en a donnée Hélène Cazes en annexe de
son article « Nicole Estienne à ses miroirs : les « Felicitez de mariage » et les Miseres de
la femme mariée », in Jean Lecointe et al. (dir.), Devis d’amitié. Mélanges en l’honneur
de Nicole Cazauran, Paris, H. Champion, 2002, p. 747-766.
24. Nancy Erickson Bouzrara et Catherine Masson, introduction à l’édition des
pièces de Marguerite de Navarre, in Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, t. I,
e
XVI siècle, éd. Aurore Evain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn, Saint-Étienne,
Publications des Presses de Saint-Étienne, 2006.
25. Son premier éditeur, Alphonse-Martial Chazaud, l’a donnée comme extrait d’une
épistre consolatoire à Katerine de Neufville, dame de Fresne, sur la mort de son premier
et seul filz, à la suite des Enseignements d’Anne de France duchesse de Bourbonnois et
d’Auvergne à sa fille Susanne de Bourbon… (Moulins, C. Desrosiers, 1878). Ce titre est
issu de la description du manuscrit dans le catalogue de la Bibliothèque de l’Ermitage, où
e
il était conservé depuis le XVIII siècle. Le titre Histoire du siège de Brest a été proposé
dans l’édition de 2006 (Les Enseignements d’Anne de France à sa fille, éd. Tatiana
Clavier et Éliane Viennot, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne).
26. Voir Catherine Müller, « Jeanne de la Font et Anne de Graville, translatrices de
e
la Théséïde de Boccace au XVI siècle », in Jean-Philippe Beaulieu (dir.), D’une écriture à
l’autre. Les femmes et la traduction sous l’Ancien Régime, op. cit.
27. Rares sont les analyses de ce texte (édité dans les Œuvres complètes de l’autrice,
éd. sous la dir. de Jean-Claude Arnould pour H. Champion, 2002, t. II, p. 1282 sq.) ; voir
cependant Martine Debaisieux, « Marie de Gournay cont(r)e la tradition : du Proumenoir
de Monsieur de Montaigne aux versions de l’Énéide », Renaissance and
o
Reformation / Renaissance et Réforme, vol. 21, n 2, printemps 1997, p. 45-58.
28. Voir Chloé Pardanaud, « L’histoire dans le mystérieux “Journal” de Louise de
Savoie », in Jean-Claude Arnould et Sylvie Steinberg (dir.), Les Femmes et l’écriture de
l’histoire, 1400-1800, Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008.
29. Voir Albert Rilliet (Notice sur Jeanne de Jussie et sur le livre intitulé « Le Levain
du calvinisme », Genève, J. Jullien, 1866) et Liliane Mottu-Weber (« Jeanne de Jussie »,
in Erica Deuber Ziegler et Natalia Tikhonov (dir.), Les Femmes dans la mémoire de
e e
Genève, du XV au XX siècle, Genève, Suzanne Hurter, 2005).
30. Les Mémoires de Madame de Mornay, éd. Nadine Kuperty-Tsur, Paris,
H. Champion, 2010, p. 73, p. 64.
31. Sur cette réécriture, voir Claude La Charité, « Du Dialogo de la bella creanza de
le donne (1539) d’Alessandro Piccolomini à l’Instruction pour les jeunes dames (1572)
de Marie de Romieu, ou quand le paradoxe fait l’opinion », art. cit. ; les citations se
trouvent p. 106.
32. Catherine d’Amboise, Poésies, éd. citée, p. 60.
33. Ronsard, « Sonet à Madame de Villeroy », in Œuvres complètes, éd. Jean Céard,
Daniel Ménager et Michel Simonin, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade,
1993, p. 553.
34. Le Passe-temps de Messire François Le Poulchre…, op. cit., f° 33 r°. Le
Poulchre sait de quoi il parle : il est ami avec Le Gendre, dont les discours ont d’abord été
publiés avec ceux de L’Aubépine.
e
35. L’ouvrage a été attribué au XIX siècle à un auteur dramatique, Pierre de Brinon,
sans doute par manque d’attention aux marques du féminin qui y apparaissent.
36. Verdun-Louis Saulnier, « Boccace et la nouvelle française de la Renaissance.
L’Urbano traduit par Claudine Scève (Urbain le méconnu, 1533) », Revue de littérature
o
comparée, n XXI, 1947, p. 404-413.
37. L’idée de l’édition doit revenir à Fédéric Morel, éditeur attitré de Du Bellay de
son vivant, mais alors en conflit avec Charles L’Angelier pour les droits d’imprimer ses
œuvres. Montrer que la reine de Navarre est dans son camp était habile.
38. P. Loryot, Les Fleurs des Secretz moraux sur les passions du cœur humain…,
[Paris], Claude Desmarquets, second cahier c [iiij].
39. Anne R. Larsen, « Marie de Cotteblanche », in Dictionnaire des Femmes de
l’ancienne France, SIEFAR, 2005
(http://siefar.org/dictionnaire/fr/Marie_de_Cotteblanche) ; voir aussi Anne R. Larsen,
« Marie de Cotteblanche : préfacière et traductrice de trois dialogues de Pierre Messie »,
o
Études littéraires, vol. 27, n 2, 1994, p. 111-119.
40. Élise Rajchenbach, « Pernette Du Guillet », in Dictionnaire des Femmes de
l’ancienne France, SIEFAR, 2007 (http://siefar.org/dictionnaire/fr/Pernette_Du_Guillet) ;
d’après cette spécialiste, le « parangon » (ou modèle) en question n’a pas été identifié.
41. Jusqu’en 1560, précisent Christine de Buzon et Michèle Clément (« Œuvres et
collection : l’emploi du mot œuvres dans un titre français avant 1560 et l’impression des
Œuvres d’un auteur avant 1560 en France », Réforme, Humanisme, Renaissance, vol. 74,
o
n 1, 2012, p. 135-159, p. 140).
42. Mawy Bouchard, « Anne Malet de Graville », in Dictionnaire des Femmes de
l’ancienne France, SIEFAR, 2005
(http://siefar.org/dictionnaire/fr/Anne_Malet_de_Graville).
43. Les Œuvres poétiques de Clovis Hesteau, sieur de Nuysement…, Paris, Abel
o o
L’Angelier, 1578, f . 32 r .
44. Jacques Lavaud, « Quelques poésies oubliées de N. Estienne », Revue du
o
seizième siècle, n 18, 1931, p. 348-349.
45. Voir Michèle Clément, « L’auteur au miroir d’un texte juridique au début de
l’imprimerie (1505-1618) : privilèges d’auteur et institutionnalisation de la propriété
littéraire », in Grégoire Holtz (dir.), Nouveaux aspects de la culture de l’imprimé.
e e
Questions et perspectives XV -XVII siècle, Genève, Droz, 2017, p. 83-114, p. 90. La
chercheuse avait, en 2015, répertorié 45 poètes dans ce cas entre 1505 et 1604 ; Gillet a
été repérée depuis.
46. Les Angoysses douloureuses qui procedent d’amours, contenantz troys
parties / composées par Dame Helisenne, Laquelle exhorte toute personne a ne suyvre fol
amour (1538) ; Le Songe de madame Helisenne, composee par la dicte dame, la
consideration duquel, est apte à instiguer toutes personnes a s’alliener de
vice & s’approcher de vertu. De Crenne (1540).
e e
47. Voir Lettres de femmes. Textes inédits et oubliés, du XVI au XVIII siècle, éd.
Elizabeth C. Goldsmith et Colette H. Winn, Paris, H. Champion, 2005.
48. Jeanne de Jussie, Le Levain du calvinisme, ou Commencement de l’hérésie de
Genève, Genève, Jules-Guillaume Fick, 1853, reprint de l’édition de 1611 (Chambéry,
Frères Du Four), respectivement p. 12 et p. 205.
49. Les Mémoires de Madame de Mornay, éd. cit., Introduction, p. 25.
50. Jeanne d’Albret, Mémoires et poésies de Jeanne d’Albret, publiés par le baron
De Ruble, op. cit., p. 3-4.
51. Anne R. Larsen, « Marie de Cotteblanche », notice citée. La chercheuse a édité
cette dédicace.
52. Discours sur la mort de Monsieur le President Brisson, Ensemble les Arrests
donnez à l’encontre des assassinateurs, Paris, Claude de Montr’œil et Jean Richer, 1595,
f° aij, r°.
53. Dédicace, in C’est le beau romant des deus amans Palamon et Arcita…,
Bibliothèque de l’Arsenal, Ms. 5116, f° 1v°.
54. Dédicace, in Emblemes ou Devises chrestiennes, composees par Damoiselle
Georgette de Montenay [1567], Lyon, Jean Marcorelle, 1571, f° a2 r°.
55. Dédicace, in Institution de la vie humaine, dressee par Marc Antonin…, Lyon, A
l’Escu de Milan, 1570, f° 3 v°.
56. Dédicace, in L’Histoire de la Chiaramonte par une demoiselle françoise. A la
Royne Marguerite, Paris, Jean Richer, 1603.
57. Épître dédicatoire à son père, reproduite par Lionello Sozzi, Boccacio in Francia
nel Cinquecento [1971], Genève, Slatkine reprints, 1999, p. 67-68.
58. Charlotte de Minut, Dédicace « A nostre Sainct Pere le Pape Sixte cinquiesme de
ce nom », in Gabriele Minutio, Morbi Gallos infestantis salueris curatio…, Lugduni,
Bartholomæum Honoratum, 1587, p. 9.
59. Marguerite de Valois, Mémoires, in Mémoires et autres écrits, 1574-1614, éd.
cit., p. 72.
60. La Subtile et Naifve Recherche de l’heresie, qui est la honte et confusion des
Predicans, Schismatiques, & Heretiques, où est amplement monstré que leur doctrine est
du diable, faicte & forgée par des hommes peruers & malins, Composé par Didiere
Gillet, simple femme de village, Paris, François Iacquin, 1605, Dédicace, p. 6.
61. Voir Kathleen Wilson-Chevalier, « Art patronage and women (including
Habsburg) in the orbit of King Francis I », art. cité, § 6.
62. Voir Sophie Cassagnes-Brouquet, Un manuscrit d’Anne de Bretagne. Les Vies
des femmes célèbres d’Antoine Dufour, Rennes, Éditions Ouest-France, 2007.
63. Voir Kathleen Wilson-Chevalier, « Patronnes et mécènes au cœur de la
o
Renaissance française », Le Moyen Âge, t. CXVII, n 3-4, 2011, p. 577-602, § 12
(https://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2011-3-page-577.htm).
64. Catherine des Roches, Le Ravissement de Proserpine, in Les Missives, éd.
Anne R. Larsen, Genève, Droz, 1999, p. 285 (III, 551).
65. Catherine des Roches, Agnodice, in Les Œuvres, éd. Anne R. Larsen, Genève,
Droz, 1993, p. 335.
66. Nicole Estienne [Olympe Liebault], Les Misères de la Femme mariée, où se
peuvent voir les peines et tourmens qu’elle reçoit durant sa vie, mis en forme de stances
par Madame Liebault, Paris, Pierre Menier, 1587, éd. Ilana Zinguer, in Misères et
e
grandeur de la femme au XVI siècle, Genève-Paris, Slatkine, 1982, p. 32-40.
67. Catherine de Parthenay, Apologie pour le Roy Henry quatre par Madame la
Duchesse de Rohan…, in Recueil de diverses pieces servant à l’histoire de Henry III, roy
de France et de Pologne… [1666], Cologne, Pierre du Marteau, 1693, p. 588-589.
68. Catherine d’Amboise, Poésies, éd. citée, p. 22.
69. Hélisenne de Crenne, Les Angoisses douloureuses qui procèdent d’amour, éd.
Jean-Philippe Beaulieu, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne,
2005, p. 51.
70. Marie Dentière, Epistre tresutile faicte et composée par une femme chrestienne
de Tornay, Anvers, Martin l’empereur, 1539, a3 r° et v°.
71. Marie de Gournay, Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne, in Œuvres
complètes, éd. cit., t. II, p. 1358, 1356.
72. Jacqueline de Miremont, Dédicace « Aux dames » dans Apologie pour les
dames, in Protestations et revendications féminines. Textes oubliés et inédits sur
e e
l’éducation féminine, XVI -XVII siècle, éd. Colette H. Winn, Paris, H. Champion, 2002,
p. 71, 109.
73. Charlotte de Brachart, Harengue… aux hommes qui veuillent deffendre la
science aux femmes (1604), in ibid., p. 47.
74. Marie de Gournay, Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne, in Œuvres
complètes, éd. cit., t. II, p. 1356.
75. Hélisenne de Crenne, Les Angoisses douloureuses qui procèdent d’amour, éd.
cit., p. 52, 99.
76. Catherine des Roches, Le Ravissement de Proserpine, in Les Missives, éd. cit.,
p. 274 (III, 305-315).
77. Hélisenne de Crenne, Les Épîtres familières et invectives, éd. cit., quatrième
épître, p. 93.
78. Marie de Gournay, Préface aux Essais, in Œuvres complètes, éd. cit., t. I, p. 283-
284.
79. Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, fœcondité, accouchemens et
maladies des femmes et enfants nouveaux naiz… par L. Bourgeois dite Boursier sage
femme de la Roine…, Paris, Saugrain, 1609, p. ii r°, n.p.
80. Les Premieres Œuvres poetiques de Ma Damoiselle Marie de Romieu Vivaroise,
contenant un Brief Discours, que l’excellence de la femme surpasse celle de l’homme,
Paris, Lucas Breyer, 1581, f° Bvi, v°-Ci, r° (dans le premier vers cité ici, « quatrième » se
lit en deux syllabes).
81. Louise Labé, « A.M.C.D.B.L. » [A Mademoiselle Clemence de Bourges
Lyonnoise], in Œuvres complètes, éd. François Rigolot, Paris, Flammarion, coll. GF,
1986, p. 41.
82. Catherine des Roches, Agnodice, in Les Œuvres, éd. citée, p. 336-340.
83. Les Enseignements d’Anne de France à sa fille, éd. cit., chap. 30.
84. Marie Dentière, Defense pour les femmes, in Epistre tresutile faicte et composée
par une femme chrestienne de Tornay, éd. cit., f° a5 r°.
85. Jeanne Giunta, dédicace à Pierre d’Ausserre (en latin), in Clari patritii
Alexandrini […] Opera, quae quidem hactenus extiterunt omnia […], Lugduni [Lyon],
apud Ioannam Iacobi Iuntae [chez Jeanne [fille de] Jacob Giunta], 1579, p. 1.
86. Marie de Romieu, Brief Discours, que l’excellence de la femme surpasse celle de
l’homme, éd. cit., f° Ci, r°.
87. Madeleine des Roches, Epistre aux dames, in Les Œuvres, éd. cit., p. 79-80 ;
Catherine des Roches, « Épître à ma mère », ibid., p. 183.
88. Jacqueline de Miremont, Apologie pour les dames, éd. cit., p. 71.
89. Dentière, Défense des femmes, in Epistre tresutile…, éd. cit., f° a5, r°.
90. Hélisenne de Crenne, Les Épîtres familières et invectives, éd. cit., p. 92.
91. Marie de Romieu, Brief Discours, que l’excellence de la femme surpasse celle de
l’homme, éd. cit., f° Biii, r°.
92. P.D.B., Le Triomphe des dames, dedie à trez-haute, trez-puissante et trez-illustre
princesse Madame Catherine Henriette de Joyeuse, duchesse de Montpensier, Rouen,
Jean Osmont, 1599, p. 4.
93. Jacqueline de Miremont, Apologie pour les dames, éd. cit., p. 71, 73.
94. Le Gendre, L’Exercice de l’âme vertueuse, éd. Colette H. Winn, Paris,
H. Champion, 2001, p. 76.
95. Marie de Gournay, Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne, in Œuvres
complètes, éd. cit., t. II, p. 1355.
96. Charlotte de Brachart, Harengue…, éd. cit., p. 47-48.
97. Le texte incriminé est l’Alphabet de l’imperfection et malice des femmes, dédié à
la plus mauvaise, paru en 1617 et signé d’un mystérieux Jacques Olivier (en réalité le
religieux Alexis Trousset). Ce texte haineux, très certainement dirigé contre la favorite de
Marie de Médicis Leonora Galigaï, arrêtée et brûlée la même année, venait de déclencher
une violente polémique.
98. Philip Ford, « Camille de Morel », notice citée.
99. François Rigolot, « Louise Labé et les “Dames Lionnoises” : les ambiguïtés de la
censure » [1990], in Éliane Viennot et Béatrice Alonso (dir.), Louise Labé 2005, Saint-
Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2004, p. 69, n. 22.
100. Louise Labé, Débat de Folie et d’Amour, in Œuvres complètes, éd. cit.,
respectivement p. 76, 97, 72.
101. Philip Ford, « À propos des “élégies” de Pernette du Guillet », art. cité, p.165.
102. Le poète Bertaut devait écrire à sa mort : « Nul amour que divin ne l’a jamais
ravie : / Bien vivre et bien mourir fut son plus grand souci, / Et peut-on justement
témoigner de sa vie / Que, pour mourir heureuse, il fallait vivre ainsi » (cité par Édouard
Frémy, L’Académie des derniers Valois, éd. cit., p. 176).
103. Voir Marguerite de Valois, Mémoires et autres écrits, 1574-1614, éd. Éliane
Viennot, Paris, H. Champion, 1999, p. 291-292.
104. Le dizain, paru dans Le Puy du souverain amour tenu par la déesse Pallas,
avec l’ordre du nuptial banquet faict à l’honneur d’un des siens enfans… (Rouen, J. Petit,
1543) a été reproduit dans le Catalogue des livres composant la Bibliothèque poétique de
M. Viollet-le-Duc, Paris, Hachette, 1843, p. 236.
105. Sonnets sans titre, in Œuvres poetiques de Clovis Hesteau, sieur de
Nuysement…, éd. cit., f° 31v°-32r°.
106. Terissan, Sonnet, in Pierre de Brach, Œuvres poétiques, publiées et annotées par
Reinhold Dezeimeris, tome I [1861], Genève, Slatkine reprints, 1969, p. 316.
107. Dédicace à L’Histoire de la Chiaramonte, op. cit.
108. Catherine des Roches, Les Missives, éd. cit., p. 189. Dea est une interjection
(Ha !).
109. Ibid., p. 187.
110. Marie de Gournay, Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne, in Œuvres
complètes, éd. cit., t. II, p. 1356.
111. Claude La Charité, « « Du Dialogo de la bella creanza de le donne… », art.
cité, p. 108.
112. Voir Gary Ferguson, « Mal de vivre, mal croire : l’anticléricalisme de
o
l’Heptaméron de Marguerite de Navarre, Seizième Siècle, n 6, 2010, p. 151-153.
113. Marie Dentière, Defense pour les femmes, in Epistre tresutile faicte et composée
par une femme chrestienne de Tornay, éd. cit., f° a4r°.
114. Mémoires et poésies de Jeanne d’Albret…, éd. citée, p. 2-3.
115. Georgette de Montenay, Emblemes ou devises chrestiennes…, op. cit., f° a2v°-
a3v°.
116. Gary Ferguson, « Anne de Marquets », notice citée.
117. Charlotte de Minut, Dédicace « A nostre Sainct Pere… », éd. citée, p. 6, 12.
118. Didière Gillet, La Subtile et Naifve Recherche de l’heresie, éd. cit., p. 4.
119. Évelyne Berriot-Salvadore, « Gabrielle de Bourbon-Montpensier », in
Dictionnaire des Femmes de l’ancienne France, SIEFAR, 2003
(http://siefar.org/dictionnaire/fr/Gabrielle_de_Bourbon-Montpensier).
120. Évelyne Berriot-Salvadore, « Catherine d’Amboise », in Dictionnaire des
Femmes de l’ancienne France, SIEFAR, 2003
(http://siefar.org/dictionnaire/fr/Catherine_d’Amboise).
121. Gabrielle de Coignard, « Sur la coqueluche », in Œuvres chrestiennes, sonnets
spirituels [1594], éd. Hugues Vaganay, Mâcon, Protat frères, 1900, p. 38.
122. Les Enseignements d’Anne de France à sa fille, éd. cit., p. 77.
123. Marie Dentière, Défense des femmes, in Epistre tresutile…, éd. cit., f° a5v°-
a6r°.
124. Charlotte de Minut, Epistre à la Royne, in Gabriel de Minut, De la beauté,
discours divers… Avec la Paule-graphie, ou description des beautez d’une Dame
tolosaine, nommee la belle Paule, Lyon, Barthélemi Honorat, 1587.
125. Le Triomphe des dames, dedie à trez-haute, trez-puissante et trez-illustre
princesse Madame Catherine Henriette de Joyeuse, duchesse de Montpensier, éd. cit.,
p. 206-207.
126. Marguerite de Valois, Mémoires et autres écrits, 1574-1614, éd. cit., p. 118.
127. Les Regrets de Madame de Nemours sur la mort de Messeigneurs de Guyse ses
enfans, Paris, Hubert Velu, 1589, p. 14.
128. Discours sur la mort de Monsieur le President Brisson…, éd. citée, p. 6, 21, 23.
129. Catherine de Parthenay, Apologie pour le Roy Henry quatre…, éd. citée, p. 585.
130. Claudine de Combes, Dédicace, in Traicté de la Marchandise, et du parfaict
marchant, disposé en quatre livres : Traduict de l’italien de Benoit Cotrugli, par Jean
Boyron, Lyon, Héritiers de François Didier, 1582, f° A2r°-v°.
131. Charlotte de Minut, Dédicace « A nostre Sainct Pere…, éd. citée, f° a2r°.
132. Didière Gillet, La Subtile et Naifve Recherche de l’heresie, éd. cit., p. 15.
133. Marguerite de Valois, Mémoires et autres écrits, 1574-1614, éd. cit., p. 72.
134. Louise Labé, Débat de Folie et d’Amour, éd. citée, p. 92.
135. Marie de Beaulieu, La Première Atteinte contre ceux qui accusent les
Comédies, Paris, Jean Richer, 1603, f° 9r°, 1r°, 14r°, 21v°-22v°.
136. Antipater, Epigramme IX, 26, cité par Hélène Cazes et William Kemp, « La
Renaissance des Muses : une curieuse féminité (Carmina Nouem illustrium feminarum,
o
Plantin 1568) », Revue de la Bibliothèque nationale de France, n 17, septembre 2004
(« Femmes »), p. 32-36.
e e
137. Sur cette autrice salernitaine des XI -XII siècles, désormais sujette à caution,
voir la notice de Julie Pilorget in Dictionnaire des Femmes de l’ancienne France,
SIEFAR, 2014 (http://siefar.org/dictionnaire/fr/Trotula).
138. L’ensemble des textes retrouvés de Gaillarde, Stuard et Bectoz est rassemblé
par Daniel Martin (« Voix de femmes, livres d’hommes. Autour de trois poétesses :
Jeanne Gaillarde, Jacqueline de Stuard, Claude de Bectoz », art. cité, p. 99-116).
139. Ibid., p. 99.
140. Rymes de gentile et vertueuse dame D. Pernette du Guillet lyonnoise, Lyon,
Jean de Tournes, 1545, p. 5-6.
141. Louise Labé, Dédicace à Clémence de Bourges, et Débat de Folie et d’Amour,
in Œuvres complètes, éd. citée, p. 41 et 100.
142. Voir en particulier Michèle Clément, « Comment un nouveau champ littéraire
est créé à Lyon : “En donnant lieu à la main féminine” (1530-1555) », in Michèle
Clément et Janine Incardona (dir.), L’Émergence littéraire des femmes à Lyon à la
Renaissance, 1520-1560, op. cit., p. 5-28.
143. François de Billon, Le Fort inexpugnable de l’honneur du sexe Femenin [Paris,
Jan d’Allyer, 1555], Paris, Johnson reprint / Mouton, 1970 (fac-similé de l’édition
originale, avec introduction de M.A. Screech), f° Ai-v°, 6r°, Aiij.
144. Le Passe-temps de Messire François Le Poulchre…, op. cit., f°33r° ; la
première édition datait de 1595 ; sur sa liste, voir Gabriel-André Pérouse, Nouvelles
e
françaises du XVI siècle. Images de la vie du temps, Genève, Droz, 1977, p. 465.
145. Jean-Édouard Du Monin, in Romieu, Les Premieres Œuvres poetiques…, éd.
cit., f° Aiiij, r°.
146. François Béroalde de Verville, Les Appréhensions spirituelles, poemes & autres
e
œuvres philosophiques, Paris, Timothée Jouan, 1584, 2 partie, p. 121.
147. Un passage plus long est reproduit dans William Kemp, Hélène Hotton et
Christian Veilleux, « Bibliographie des imprimés féminins : textes composés, traduits ou
édités par des femmes ou par des figures féminines et imprimés dans les territoires
francophones entre 1550 et 1574 », Littératures, vol. 28, 2014, p. 146.
148. Voir ibid., p. 172.
149. « Quiconque soit là-bas qui va plaignant ma mort… », s.l.s.n., 1572, p. 65.
150. Sur ce texte, voir la récente analyse de Claude La Charité, « L’ethos pathétique
o
de Marguerite d’Auge dans Les Pitoyables et funestes regrets (1600) », Tangence, n 77,
hiver 2005, p. 73-106.
151. Voir Élise Rajchenbach, « Une querelle poétique. La querelle des dames
parisiennes et des dames lyonnaises », in Jean-Eudes Girot (dir.), La Poésie à la cour de
er
François I , Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2012, p. 101-119.
152. Voir La Requeste faicte et baillée par les dames de la ville de Tolose (1555),
textes français et occitans, éd. Jean-François Courouau et Philippe Gardy, Toulouse,
Presses universitaires du Mirail, 2003.
153. Voir Éliane Viennot, « Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore
(v. 1540) : discours “libérés”, discours libertins, discours masculins », in Hélène Marquié
et Noël Burch (dir.), Émancipation sexuelle ou contrainte des corps ? Paris, L’Harmattan,
2006, p. 89-111 ; voir également Éliane Viennot et Diane Desrosiers-Bonin, Actualité de
Jeanne Flore (dir.), Paris, H. Champion, 2004, et les trois articles dédiés à ce sujet, de
Magda Campanini Catani, Janine Incardona et Gilles Polizzi, in Michèle Clément et
Janine Incardona (dir.), L’Émergence littéraire des femmes à Lyon à la Renaissance, op.
cit.
154. Michèle Clément, « Comment un nouveau champ littéraire est créé à Lyon :
“En donnant lieu à la main féminine” (1530-1555) », art. cité, p. 19.
155. Sonets, Prieres et Devises en forme de pasquins, pour l’assemblée de Messieurs
les Prelats et Docteurs, tenue à Poissy, M.D.LXI, par Sr Anne de Marquets, Paris, Morel,
1562, n.p.
156. C’est le titre de l’un de ses deux Discours contre la médisance, éd. Ilana
e
Zinguer, in Misère et grandeur de la femme au XVI siècle, op. cit., p. 73-80.
TROISIÈME PARTIE

LE DIX-SEPTIÈME SIÈCLE
UN GRAND SIÈCLE
POUR LES FEMMES AUTEURS

JOAN DEJEAN
Traduit de l’anglais (États-Unis)
Chapitre premier
DEVENIR (FEMME) AUTEUR
AU XVIIe SIÈCLE

En 1594, lorsque Henri IV se rend enfin maître de la capitale, une


période de changements révolutionnaires s’ouvre pour Paris. Si le nouveau
roi n’est pas parisien, il n’en fonde pas moins la plus parisienne des
dynasties, celle qui établit la Cour à demeure dans la capitale, et fait de
celle-ci le centre incontesté de la nation. À la fin d’un règne très bref,
Henri IV a déjà accompli des merveilles et Paris est en train de devenir,
sous les yeux de ses habitants, « une ville nouvelle 1 ». Des quartiers neufs
voient bientôt le jour. Le plus important d’entre eux, le Marais, est appelé à
devenir le centre du Paris littéraire. Le Paris d’Henri IV devient bientôt la
première capitale européenne où les femmes sont visiblement présentes
dans l’espace public. Les deux principaux monuments qu’Henri IV ajoute
au paysage urbain, le Pont Neuf (inauguré en 1604) et la Place Royale
(1612), sont célébrés par de nombreux tableaux et gravures. Sur tous ces
derniers apparaissent des figures féminines : elles marchent à leur guise,
elles sont de toutes conditions sociales, et sont accompagnées d’hommes
comme de femmes. Cette visibilité et cette présence généralisée des femmes
dans l’espace public sont sans précédent. Si l’assassinat du roi le
14 mai 1610 ralentit la modernisation de la capitale, Louis XIV se révélera
toutefois le digne successeur de son grand-père. Il décrète que Paris est
désormais « une ville ouverte » : pour réaliser cet objectif, il fait abattre les
murs qui séparaient jusque-là la capitale du monde extérieur, et les
remplace par le premier boulevard. Ainsi, à la fin du XVIIe siècle, les
Parisiens peuvent se promener dans les jardins de la ville et apprécier la vue
depuis le boulevard. Dans ces espaces publics, les deux sexes se côtoient
avec une aisance qui ne cesse de surprendre les visiteurs étrangers. La
situation reste inimaginable dans leurs pays où les femmes, en particulier
celles issues des classes sociales les plus élevées, ne sont que très rarement
vues se promenant en public.
Le renouveau urbain qui transforme Paris transforme aussi le paysage
littéraire. Avant 1600, la production littéraire française restait dispersée en
différents foyers (réunissant imprimeurs, libraires et auteurs) s’étalant de
Lyon à la vallée de la Loire. L’arrivée des Bourbons à Paris et la
revitalisation qui s’ensuit marquent un tournant. Au cours du XVIIe siècle,
Paris devient progressivement, et de manière de plus en plus exclusive, le
centre de l’imprimerie. Bien que quelques auteurs se trouvent toujours en
province, les plus grands noms de la littérature de l’époque vivent et
travaillent à Paris. À rebours des grands auteurs de la Renaissance,
l’écriture n’est plus un travail isolé. Les auteurs, qui se connaissent
d’ailleurs personnellement, sont en contact permanent et beaucoup
coopèrent dans leurs travaux. Ceux qui devaient devenir les plus grands
noms de leur siècle ont bien conscience, pour la toute première fois, que
l’établissement d’une tradition littéraire devait être le fruit de leur
collaboration. Cette tradition se révèle à de nombreux égards aussi moderne
et aussi novatrice que la ville en pleine transformation. L’un des indices les
plus visibles est le rôle considérable tenu par les femmes dans la production
et la définition même de la littérature.
De la même manière que les femmes gagnent en visibilité dans l’espace
urbain, leur présence accrue dans la vie intellectuelle n’échappe pas aux
observateurs. De 1615 à 1620, il est déjà largement admis que la littérature,
voire la langue française, est dans une phase de modernisation radicale, et
que les femmes constituent une force déterminante dans l’épanouissement
de la culture littéraire moderne. Avant même 1650, des commentateurs
soutiennent que le pays connaît un moment particulièrement intense de son
histoire culturelle. De l’avis de beaucoup, le Grand Siècle, comme on
l’appellera bientôt, mérite une place à part, et ce en raison du rôle joué par
les femmes pour en assurer la grandeur. Jamais encore ces dernières n’ont
été à l’origine d’un phénomène aux conséquences littéraires, sociales et
politiques d’une pareille envergure.
C’est que le Grand Siècle est véritablement exceptionnel du point de
vue de la création littéraire féminine, particulièrement inventive et
talentueuse. L’intensité de leur participation à la vie intellectuelle,
l’importance des innovations auxquelles elles contribuent, ainsi que la
qualité de leur production connaissent peu d’équivalents dans l’histoire de
la littérature. C’est au XVIIe siècle que, pour la première fois, les femmes se
mettent à écrire avant tout en prose. Elles inventent et dominent le genre
littéraire majeur créé au XVIIe siècle : le roman moderne. Le premier conte
de fées est publié par une femme, et les femmes en restent les créatrices les
plus notables durant les premières décennies du genre. N’importe quel
florilège, n’importe quelle sélection d’auteurs du XVIIe siècle comporte
immanquablement deux noms féminins : Marie-Madeleine Pioche de la
Vergne, comtesse de Lafayette (1634-1693) et Marie de Rabutin-Chantal,
marquise de Sévigné (1626-1696).
Au siècle dernier, un adjectif inconnu des femmes du XVIIe siècle était
souvent accolé à leur écriture : « féministe 2 ». De Georges Ascoli en 1906,
alors que le mot est relativement nouveau, à Antoine Adam en 1949, et plus
récemment sous la plume de Carolyn Lougee, Ian Maclean, Roger
Lathuillère et Linda Timmermans, le néologisme a été utilisé sans hésitation
pour qualifier les écrits de ces femmes auteurs du XVIIe siècle. Pour
Maclean, ce choix s’explique par l’avènement d’une ère radicalement
nouvelle. Tandis qu’à la Renaissance, les débats sur la place des femmes
dans la société gardaient pour présupposé l’infériorité de ces dernières, au
début du XVIIe siècle, la polémique change de logique : pour la première
fois, le postulat est celui d’une égalité, parfois même d’une supériorité
féminine 3. Du début du XVIIe siècle au début du siècle suivant, sans relâche,
les femmes auteurs revendiquent l’égalité politique, sociale et économique
entre les sexes. Des recueils épistolaires aux romans de Scudéry, en passant
par les contes de fées, leurs écrits appellent à l’égalité des chances et des
droits. À des degrés différents et avec des stratégies diverses, toutes attirent
l’attention sur les inégalités qui frappent la condition féminine. Le corpus
de ces femmes auteurs du XVIIe siècle constitue ainsi un puissant
témoignage de la place qui leur est accordée dans l’ordre social *1. Les
virulentes critiques à leur égard, surtout dans la seconde moitié du siècle, où
la présence féminine est de plus en plus établie en littérature, témoignent
combien la force de leur message n’échappe pas à leurs contemporains.
En ce début de siècle, le rôle essentiel des femmes dans l’innovation et
le goût littéraires est amorcé en même temps que la transformation de Paris.
Dès la première décennie apparaît une institution qui sera au centre de la vie
intellectuelle des trois siècles suivants : le salon parisien. Ces assemblées,
toujours présidées par des femmes, forment d’entrée de jeu d’importantes
sphères d’influence. Le salon n’est pas en soi une invention parisienne. Au
e
XVI siècle, ce type de réunion existait déjà en Italie et à la Cour de France,

ainsi que dans plusieurs villes de province *2. Cependant, ce qui se crée au
début du XVIIe siècle, hors de la Cour, dans des résidences parisiennes
privées, est sans précédent. Le salon devient rapidement une pratique
confirmée par l’usage, dont la longévité et l’influence n’auront d’équivalent
nulle part ailleurs.
Le premier salon de ce genre semble avoir vu le jour en 1603. Cette
année-là, Henri IV nomme Charles de Rechignevoisin, sieur des Loges,
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Sa femme, Marie Bruneau,
dame des Loges (1585-1641), ouvre les portes de leur hôtel particulier de la
rue de Tournon, proche du futur palais du Luxembourg, à un type inédit
d’assemblée littéraire. Valentin Conrart, instigateur du projet de l’Académie
française, considère le salon de Madame des Loges comme « une académie
d’ordinaire 4 ». Des Loges ne doit pas seulement sa renommée à la qualité
de sa conversation ou de son érudition (elle connaît l’italien, le latin et
même le grec), mais aussi à ses écrits, en particulier à ses talents
d’épistolière. Bien que quelques-unes de ses missives se soient retrouvées
dans des recueils épistolaires, rien n’indique qu’elle en ait souhaité la
publication. D’après Conrart, « pour fuir toute vanité elle n’a jamais voulu
permettre qu’aucune de ces pièces de sa façon fût exposée au public 5 », et
c’est peut-être cette décision qui l’a justement protégée des critiques. Dans
une lettre qu’il lui adresse directement, Jean-Louis Guez de Balzac la
couvre d’éloges précisément parce qu’elle n’est pas publiée. À ses yeux,
elle n’est pas ce qu’il appelle une « femme docteur » : « Vous savez une
infinité de choses rares, mais vous n’en faites pas la savante. […] Vos livres
et vos papiers ne paraissent point […] La pédanterie n’est pas supportable
en un maître ès arts, comment le sera-t-elle en une femme 6. » Cette lettre de
1628 constitue peut-être la toute première indication des débats enflammés
qui allaient être suscités par le nouvel ascendant des femmes sur le monde
des lettres. En 1629, Des Loges et son mari quittent Paris, comme bon
nombre de protestants. En 1639, lorsqu’un retour à Paris est définitivement
inconcevable, la salonnière essuie les premiers tirs de la critique. Jean
Chapelain, dans une lettre à Guez de Balzac, l’accuse d’avoir osé « s’ériger
en écrivaine », une « affectation » qu’il juge « dégoûtante » chez une
femme 7. La formulation de Chapelain fait date : le verbe « s’ériger » et le
substantif « écrivaine », qui fait titre d’exception au XVIIe siècle (et à la
connotation toujours péjorative), vont désormais être repris chaque fois que
la présence des femmes dans la République des Lettres sera jugée
malvenue. L’hostilité de Chapelain s’explique peut-être par le
remplacement de Des Loges dans la vie littéraire parisienne par la marquise
de Rambouillet. Cette dernière se garde bien de publier ses écrits, et est
toujours soucieuse d’éviter les sujets qui fâchent, tels que la religion ou la
politique.
En 1600, âgée seulement de 12 ans, Catherine de Vivonne Savelli
(1588-1665) épouse Charles d’Angennes, futur marquis de Rambouillet. La
très jeune mariée a reçu à Rome une éducation bilingue, en français et en
italien ; elle appartient à l’une des plus éminentes familles romaines (elle
compte déjà deux papes), liée par le sang aux Médicis et aux Strozzi. À
20 ans, la marquise décide de bouder les « assemblées du Louvre »
auxquelles elle ne trouve « rien de plaisant ». Les divertissements de la
Cour ne sont tout bonnement pas à la hauteur de ses attentes et elle est
prompte à railler « le méchant ordre qu’il y a pour ces choses-là en
France 8 ». La marquise se met en devoir de faire mieux. Elle y réussit si
bien qu’en 1680, Sévigné conclura qu’à son apogée, « l’hôtel de
Rambouillet était le Louvre 9 ».
La nouvelle résidence de la marquise est un véritable chef-d’œuvre qui
contribue beaucoup au succès de son salon. La marquise conçoit elle-même
les plans de son hôtel particulier, et dans le moindre détail. Tandis que, pour
l’extérieur, elle choisit pour les revêtements et les toitures le même mélange
de brique, de pierre et d’ardoise utilisé par Henri IV pour la Place Dauphine
et la Place Royale, l’intérieur est le seul fruit de sa créativité et de son
imagination débordante. Les espaces et leur agencement sont du jamais-vu
pour les Parisiens.
Si, de l’avis de certains, la marquise a commencé à tenir des assemblées
personnelles dès 1613, elle n’imprime véritablement sa marque sur la scène
littéraire parisienne qu’à partir de 1622 environ ; à cette époque, son mari et
elle ont acquis et complètement reconstruit une demeure rue Saint-Thomas-
du-Louvre 10. La marquise laisse également libre cours à son esprit inventif
pour la conception des espaces intérieurs. De nos jours, l’aménagement des
espaces intérieurs en « enfilade » passe pour être caractéristique des palais
baroques, et l’on en impute la vogue à leurs exemples français, à Versailles
en particulier. Bien que les architectes français du XVIe siècle connaissent ce
parti, il n’est que rarement mis en œuvre… jusqu’à ce qu’une procession
d’élite intellectuelle ne commence à arpenter l’espace en « enfilade » de
l’hôtel de la marquise.
Dans les années 1660, le premier grand historien de l’architecture
parisienne, Henri Sauval, affirme que la marquise a ouvert la voie aux
futurs châteaux royaux : « les portes en enfilade de son appartement ont
servi de modèles […] à ces longues suites de portes qui sont les principales
beautés de nos châteaux et de nos palais ». C’est aussi le premier hôtel
particulier de Paris à arborer de telles hauteurs de plafond (15 pieds,
soit 4,5 mètres, dans la chambre bleue), ainsi que des fenêtres allant du sol
au plafond, ce qui, ajoute Sauval, rendent cette chambre « très gaie et
laissent jouir sans obstacle de l’air, de la vue et du plaisir du jardin 11 ».
Mais l’audace est poussée plus loin encore.
Alors que les grandes demeures de l’époque privilégient les coloris
foncés (rouges, couleurs fauves, lambris en cuir gaufré…), à Rambouillet,
la pièce maîtresse de la grande enfilade est si radicalement nouvelle, avec
ses murs couverts de « brocatelle bleue à ramages blanc et or », qu’il est
difficile pour les visiteurs de l’oublier. Les sièges sont tapissés de « velours
bleu, rehaussé d’or et d’argent », pour reprendre la description de Sauval.
La pièce est rapidement appelée la « chambre bleue », tant la couleur
choisie par la marquise est extraordinaire, à l’image de l’ensemble de sa
résidence. Au XVIIe siècle, le bleu n’apparaît que dans 1 % des demeures
parisiennes 12.
La chambre n’a pas à l’époque le sens que nous lui donnons
aujourd’hui ; ce n’est pas encore une pièce privée et elle compte une
douzaine de sièges et de « carreaux » (de larges coussins de sol) pour
recevoir les invités. C’est là qu’assise ou allongée sur un « lit de repos »,
objet tout aussi original que la couleur bleue, la marquise préside au salon
devenu le plus légendaire de tous. Pour Sauval, son influence est telle qu’il
inspire « l’amour des lettres par toute la France » ; il affirme même par la
suite : « c’est de là que l’Académie française a tiré son origine ».
Un peu plus de mérite aurait pu être accordé au salon de Des Loges :
après tout, avant même Rambouillet, c’est là que Conrart a l’idée de réunir
chez lui un groupe d’hommes de lettres, eux aussi des réguliers du salon,
qui devaient devenir les fondateurs de la première Académie du pays.
L’académie de la marquise de Rambouillet et celle de Richelieu
nourissent la même ambition quant à la langue française : remplacer le latin
dans le rôle qu’il a joué jusque-là, celui d’une langue à ce point supérieure
qu’elle serait celle de tout Européen instruit.
Le public prend connaissance des résultats de leurs discussions
communes en 1647, lorsque Claude Favre de Vaugelas, membre assidu des
deux académies, publie Remarques sur la langue française utiles à ceux qui
veulent bien parler et bien écrire, véritable manifeste en faveur de la
modernité, tant linguistique que littéraire, de la langue française. Le traité
rend également hommage à l’influence des salons et des femmes qui s’y
sont distinguées. Pour ceux qui espèrent parler et écrire un français
« parfait », Vaugelas a une solution simple : l’abandon de l’étude des
langues anciennes et de la littérature classique. Il va jusqu’à affirmer qu’il
est bon de suivre l’opinion de ceux qui s’efforcent de n’utiliser que le
français, car « ils vont tout droit à ce qu’ils ont accoutumé de dire ou
entendre dire », et qu’il convient d’imiter ceux qui vivent dans « la ville où
le Prince réside » afin de se garder de « la contagion des provinces ». Enfin,
le modèle proposé par Vaugelas attribue aux femmes un rôle au moins égal
à celui des hommes : « dans les doutes de la langue il vaut mieux pour
l’ordinaire consulter les femmes et ceux qui n’ont pas étudié que ceux qui
sont bien savants en la langue grecque et en la latine 13 ».
De 1647 à la fin du règne de Louis XIV, le manifeste de Vaugelas est
réédité au moins seize fois. Le texte devient absolument fondateur alors que
la langue française est l’objet de l’une des codifications majeures de son
histoire. Rien d’étonnant, donc, à une période où tout le monde se doit
d’avoir lu Vaugelas, si l’importance croissante de la langue française
entraîne dans son sillage de nombreuses femmes auteurs.
Sous l’action des deux académies, c’est la notion même d’auteur qui
évolue. Pour Vaugelas, beaucoup de ses contemporains sont des auteurs de
renom, « quoiqu’ils n’aient rien donné au public ». Dans son esprit, les
conversations les plus raffinées, telles que celle de la marquise,
s’apparentent à une forme de création littéraire. La définition inclut aussi,
selon lui, les auteurs dont les œuvres restent à l’état de manuscrit, sans être
imprimées.
Les académies ouvrent une troisième voie dans cette nouvelle façon
d’être auteur, sans rien « livrer au public » : l’ouvrage collectif, où la
contribution des auteurs n’est pas accompagnée de leurs noms. L’exemple
le plus célèbre reste aujourd’hui La Guirlande de Julie, regroupant quarante
poèmes manuscrits envoyés à la marquise de Rambouillet en 1641 en
l’honneur de sa fille, Julie d’Angennes. Le recueil, emblématique du type
de dialogue à l’œuvre dans les académies, se voit ainsi « signé » de
plusieurs plumes plutôt que d’une seule.
Dans le Paris du XVIIe siècle, les salons gagnent en puissance. Certaines
héritières directes de Rambouillet, telles que Madeleine de Souvré,
marquise de Sablé (1599-1678), font les premiers pas de leurs carrières
dans son salon. D’autres habituées de la chambre bleue — Marguerite
Hessein, dame de La Sablière (1636-1693), et Madeleine de Scudéry —
perpétuent la tradition jusqu’à la fin du siècle. Les auteurs trop jeunes pour
avoir connu l’âge d’or du salon de Scudéry n’en resteront pas moins fidèles
à ce modèle : le salon de Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon (1664-
1734), inauguré en 1710, fait partie de ceux qui perpétuent cette tradition du
e *3
XVII siècle jusqu’au siècle suivant .

Au cours du XVIIe siècle, de nombreux ouvrages sont ainsi le fruit d’une


écriture à plusieurs mains. Deux recueils de Maximes, par exemple, sont
publiés à peu près au même moment. L’un, paru en 1678, est encore
aujourd’hui attribué à Sablé ; l’autre, publié progressivement en plusieurs
éditions à partir de 1664, à un habitué de son salon et de la chambre bleue,
le duc de La Rochefoucauld. En 1663, Sablé confie à La Rochefoucauld
que certaines de ses propres maximes « sont si bien déguisées par
l’agencement des paroles que je les puis louer comme si elles ne venaient
pas de moi. Celle de la paresse est représentée par votre esprit, et par vos
sentiments. » La même année, La Rochefoucauld exprime sa gratitude
envers Scudéry pour avoir repris les siennes : « Vous avez tellement embelli
quelques-unes de mes dernières maximes qu’elles vous appartiennent bien
plus qu’à moi. » La lettre de La Rochefoucauld donne à voir la complexité
de la notion d’auteur dans le cas particulier de ces « écrits de salon » et de
leur composition à plusieurs mains 14.
Si l’ouvrage collectif va de soi au XVIIe siècle, l’histoire littéraire a eu
e
tendance, notamment au XIX siècle, à n’attribuer une œuvre qu’à un seul
auteur. En d’autres termes, on a sous-estimé le rôle crucial qu’ont joué les
salons, les femmes qui les dirigeaient, et celles et ceux qu’elles recevaient ;
on a aussi fait abstraction de deux aspects essentiels de la production
littéraire, à savoir l’anonymat de la publication et le va-et-vient constant
d’œuvres manuscrites.
Comme l’indique Vaugelas dans ses Remarques, il est entendu — y
compris pour l’Académie française — qu’un auteur peut, en cette première
moitié de siècle, compter parmi les plus grands écrivains sans avoir été
imprimé, et sans être connu du grand public. C’est seulement dans les
dernières décennies du siècle que s’opèrent un certain nombre de
changements. Désormais, un véritable auteur est celui ou celle dont les
œuvres circulent sous forme imprimée ; c’est aussi celui ou celle qui fait
figurer sur la page de titre ce qui engage sa responsabilité : son nom.
Trois remarquables dictionnaires de la langue française paraissent
presque simultanément. Le dernier, le Dictionnaire de l’Académie française
de 1694, définit un « auteur » en des termes généraux et ne mentionne
aucune forme imprimée : « celui qui a composé un livre ». La définition
reste proche de l’idée de « paternité » de l’œuvre formulée par Vaugelas. Le
premier en date, le Dictionnaire français (1680) de Pierre Richelet, insiste
sur l’importance de l’impression : « celui qui a composé quelque livre
imprimé ». Quant au deuxième, le Dictionnaire universel d’Antoine
Furetière (1690), s’il se tient à la définition de Richelet, précise qu’elle
n’est reconnue par l’usage que depuis peu : « En fait de littérature, se dit de
tous ceux qui ont mis en lumière quelque livre. Maintenant, on ne le dit que
de ceux qui en ont fait imprimer. »
La notion d’« écrivain » est encore plus équivoque. Elle oscille entre
formats manuscrits et imprimés, entre circuits privés et publics. Ni
Furetière, ni l’Académie française ne font allusion à l’impression : un
« écrivain » est « celui qui a composé un livre ». Pour Richelet, en
revanche, c’est là un élément indispensable : est écrivain « celui qui a
composé quelque livre imprimé ». Chacun des dictionnaires complète ses
définitions par une série d’exemples d’emplois courants : bon auteur, auteur
moderne, etc. On trouve « auteur anonyme » dans le Dictionnaire de
l’Académie : c’est donc que le choix de l’anonymat n’empêchait pas d’être
considéré comme auteur.
Enfin, les trois dictionnaires incluent clairement les femmes dans la
catégorie « auteur », et deux d’entre eux les placent sur un pied d’égalité
avec les hommes. Richelet note que « Pascal, Voiture… sont d’excellents
auteurs français. La reine Marguerite, fille d’Henri II, était auteur. »
L’Académie française conclut sa liste d’exemples par « c’est elle qui est
l’auteur de ce livre ». Mais Furetière, lui, fait bien sentir sa désapprobation,
à la suite de Chapelain dont il reprend la formulation : « On dit aussi d’une
femme, qu’elle s’est érigée en auteur, quand elle a fait quelque livre. » Il y a
cependant une différence capitale entre la formulation de Chapelain en 1639
et celle de Furetière en 1690. Tandis que Chapelain emploie le féminin,
« écrivaine », Furetière choisit « auteur », un terme neutre dans les trois
dictionnaires, et par conséquent applicable aux femmes comme aux
hommes. En effet, aucun ne mentionne de forme féminine comme
« auteure » ou « écrivaine ». Comme dans la lettre de Chapelain, ces termes
réservés à l’écriture féminine étaient jusque-là péjoratifs. Mais dans les
années 1690 le vent a largement tourné : à égalité avec les hommes, les
femmes auteurs sont reconnues à part entière au sein de la République des
Lettres, et ce même lorsque leurs œuvres, en étant imprimées, circulent
dans la sphère publique. Afin de rester fidèle au choix des premiers grands
lexicographes français, j’adopterai plutôt les termes d’« auteurs » et
d’« écrivains », sans recourir à une forme féminine.
L’évolution de l’imprimerie en France, tout autant que l’évolution de la
langue française elle-même, permettent aux femmes de gagner une grande
importance sur la scène littéraire. Au milieu du XVIIe siècle, les publications
en français prennent définitivement le pas sur celles en latin. Représentant
un quart des publications entre 1641 et 1645, les œuvres en latin
n’atteignent plus que 10 % des publications entre 1666 et 1670. À peu près
au même moment, alors que le français devance le latin, c’est aussi le
nombre d’ouvrages religieux qui commence à décliner. Alors qu’ils
prévalaient sur le marché jusqu’au XVIIe siècle, ils sont désormais surpassés
par divers écrits séculiers. Ces étapes décisives ouvrent la porte aux femmes
auteurs. Dès les années 1660, Sauval notait là une transformation bénéfique,
dont les femmes allaient pouvoir profiter après y avoir contribué : c’est
parce qu’ils ont inspiré une « grande passion pour les livres » que les salons
ont permis l’essor du commerce littéraire.
Ce que Sauval notait est aujourd’hui confirmé par l’histoire du livre. Le
nouvel enthousiasme français pour la lecture a largement contribué à l’essor
de l’imprimerie parisienne. Alors qu’en 1600, environ 150 titres étaient
imprimés à Paris chaque année, on compte entre 600 et 1 000 publications
en 1644 15. Au cours du siècle, le lectorat des textes en français s’élargit
rapidement ; ceux qui ne maîtrisent pas le latin ou préfèrent simplement lire
en français deviennent une part de plus en plus importante du marché. Face
à cette nouvelle demande, les imprimeurs-libraires ne tardent pas à adapter
leur offre.
Un genre particulier est en tête des publications profanes, et connaît
bientôt des tirages inédits jusqu’alors : c’est le roman. À partir de 1656, ce
dernier représente une part importante du marché du livre, tout
particulièrement dans la dernière décennie du siècle. D’emblée, un lien
particulier unit le genre romanesque aux femmes auteurs et au lectorat
féminin. Plus que n’importe quel autre genre, c’est avec le roman que la
participation des femmes à la littérature se fait, autant du côté de l’écriture
que de la lecture.
On manque de chiffres précis quant au taux d’alphabétisation et à
l’importance des tirages, ce qui complique l’estimation exacte de l’ampleur
de la contribution féminine à l’essor de l’imprimerie en France. On sait que
le taux d’alphabétisation des femmes augmente, en particulier à Paris. On
sait également que le nombre de foyers aisés, tant dans la bourgeoisie que
dans la petite noblesse, s’accroît fortement au cours du siècle. En d’autres
termes, les femmes qui ne sont pas obligées de travailler à l’extérieur et qui
ont les moyens de confier à des domestiques les tâches ménagères sont de
plus en plus nombreuses. Cette évolution signifie que ces femmes disposent
désormais d’un temps libre qu’elles peuvent consacrer à divers loisirs et
nouveaux passe-temps. Pour bon nombre d’observateurs (et
d’observatrices) de cette évolution, les femmes devraient saisir cette
occasion de développer leur intellect. Ainsi, la lecture occupe bientôt une
place de choix parmi ces nouvelles occupations, et l’émergence du genre
romanesque est accélérée par ce lectorat féminin grandissant. Le succès
considérable des romans de Scudéry dans les années 1650 et 1660, en
coïncidant avec le triomphe des publications en langue française, met en
évidence la corrélation des deux phénomènes 16.
C’est aussi au XVIIe siècle que le livre connaît des changements majeurs
de format. En dix ans, de 1635 à 1645, les petits formats tels que l’in-octavo
et l’in-douze se sont implantés sur le marché parisien. Ces petits formats
occupent une part de marché plus importante à partir de 1655 ; à la fin du
siècle, ils représentent 90 % des livres publiés dans la capitale. Dans toute
l’Europe, ce format marque la naissance d’un nouveau type de lecture,
détaché des cercles académiques et savants, et qui est à l’origine de notre
propre façon de lire. Ces livres sont non seulement plus petits, mais aussi
infiniment moins épais. Aisément transportables, on peut facilement les lire
partout : assis confortablement dans un fauteuil, par exemple, et en les
tenant d’une seule main, plutôt que debout devant un lutrin comme
l’exigeaient précédemment les grands formats tels que les in-folio. Ils se
prêtent ainsi à une manière de lire qui est de plus en plus en vogue au
e
XVII siècle, à savoir la lecture en groupe, à haute voix. De plus, les petits

formats, beaucoup moins onéreux que leurs prédécesseurs, s’avèrent


nettement plus abordables.
Enfin, la physionomie de la prose française est l’objet de
transformations radicales, en particulier celle du roman. Ce qui, de nos
jours, peut apparaître comme une succession de phrases et de paragraphes
interminables est peu à peu remplacé par des paragraphes nettement plus
courts. La mise en page s’en trouve considérablement aérée, et se rapproche
de l’apparence à laquelle l’œil moderne est désormais habitué. Le livre doit
sa nouvelle facture aux imprimeurs qui cherchent à faciliter l’expérience de
leurs lecteurs, espérant par là séduire un lectorat plus étendu — on ne peut
pas savoir si les auteurs ont eu leur mot à dire dans l’introduction de ces
changements.
Dans le cas des femmes auteurs, la nouvelle mise en page fait ses débuts
peu après que Scudéry a terminé Clélie, histoire romaine (1654-1660) et
que Lafayette a publié La Princesse de Montpensier (1662). À la fin du
siècle, au moment où les romans et les contes de fées écrits par les femmes
dominent le marché, c’est cette typographie moderne qui est proposée au
public.
Sous l’influence d’une convergence de changements et d’évolutions,
ceux qui sont alors reconnus comme des auteurs « modernes » redéfinissent
la notion d’auteur, dans toute sa nouvelle complexité.

e
*1. Voir XVIII siècle, chap. I.
e
*2. Voir XVI siècle, « La fin de la Renaissance », « Cercles, salons et cours de femmes ».
e
*3. Voir XVIII siècle, chap. II.
Chapitre II
AMAZONES, FEMMES FORTES
ET FRONDEUSES

En 1639, lorsque Chapelain fulmine contre les femmes qui osent


« s’ériger en écrivaine », il n’y a pas lieu de s’alarmer, car leur nombre sur
la scène littéraire est encore limité. Mais le changement est imminent.
En 1641 et 1642, deux ouvrages radicalement nouveaux paraissent coup
sur coup. Ils proposent une version revisitée des Epistulae Heroidum ou
Épîtres héroïques d’Ovide, c’est-à-dire la partie de son œuvre la plus
souvent rééditée et traduite au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle,
notamment par une des femmes auteurs les plus prolifiques de la fin du
siècle, L’Héritier. Dans une série de quinze « épîtres héroïques », Ovide
définit la lettre d’amour comme l’épanchement tourmenté des grandes
figures féminines antiques, dépeintes en amantes séduites et abandonnées :
Médée par Jason ou Sapho par Phaon.
Les Lettres amoureuses de divers auteurs de ce temps de 1641 sont bel
et bien « de [leur] temps » : c’est dans le goût de la France contemporaine
que l’intrigue d’Ovide est revisitée. Le modèle ovidien est pour ainsi dire
renversé ; les femmes éplorées sont remplacées par des hommes qui
déplorent l’« indifférence » et la « froideur » de celles qui les ont quittés 1.
L’année suivante, Augustin Courbé, l’imprimeur-libraire des Lettres
amoureuses, met en circulation un deuxième ouvrage dont le titre fait écho
à celui d’Ovide : Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques.
L’œuvre met en scène vingt discours, ou « harangues », de la part
d’héroïnes antiques qui refusent de limiter leur histoire au simple récit de
leur abandon et de leur souffrance. Bérénice écrit ainsi à Titus : « Ne pensez
pas […] que je me plains de vous […] puisqu’au contraire, vous
connaissant comme je fais, je vous plains au lieu de vous accuser. »
Ces femmes illustres s’emparent de leur liberté d’expression et
entendent exposer publiquement tout ce qui a été passé sous silence par les
historiens. Cloelia fait l’exposé de ses exploits, tout en comparant héroïsme
masculin et féminin. Elle décrète que la postérité saura la juger l’égale de
n’importe quel héros, car « nous aussi avons exposé notre vie pour le même
sujet [l’honneur], et par conséquent nous pouvons prétendre à la même
gloire ». Elle conclut : « La postérité sera plus équitable. » Comme chez
Ovide, l’œuvre se termine en donnant la parole à la plus grande femme
auteur de l’Antiquité. Sauf que cette fois, Sapho n’est plus l’archétype de la
femme abandonnée, mais un auteur qui cherche à ouvir la voie et à être
imitée par d’autres femmes. Dans sa lettre à Érinne, qu’elle invite à
persévérer dans son art, elle « exhorte son amie » à faire des vers comme
elle, « afin de faire voir que les Dames en sont capables et qu’elles ont tort
de négliger une si agréable occupation ».
La harangue de Sapho peut ainsi être lue comme une tentative précoce
pour inciter les femmes qui en ont le loisir à consacrer une partie de leur
temps à la vie intellectuelle. Sapho dénonce les discours qui entourent en
permanence les femmes, et qui affirment que « la beauté est le partage des
femmes, et que les beaux arts, les belles lettres, et toutes les sciences
sublimes et relevées sont de la domination des hommes, sans que nous
puissions prétendre aucune part ». Or, poursuit-elle, « comme ils [les
hommes] ont la conduite de l’univers ; […] ils ont sans doute peu de temps
à donner à cette sorte d’étude […] mais pour nous, notre loisir et notre
retraite nous en donnent toute la facilité que nous pourrions souhaiter ».
Elle conclut : « Il est bien juste, ce me semble, puisque nous laissons la
domination aux hommes, qu’ils nous laissent au moins la liberté de
connaître toutes les choses dont notre esprit est capable 2. » L’argument
n’est pas nouveau ; c’était déjà notamment celui du Père Jacques Du Bosc
dans L’Honnête Femme (1632-1636), mais Les Femmes illustres touche un
public bien plus large.
Si les Lettres amoureuses n’ont jamais été rééditées, une suite aux
Femmes illustres est publiée en 1644, preuve du vif succès rencontré par le
recueil de 1642. On s’arrache bientôt le volume, qui est republié une bonne
dizaine de fois au cours des vingt-cinq années suivantes. Difficile de savoir,
toutefois, si les lecteurs avaient conscience d’avoir en main le premier best-
seller féminin du siècle. L’ouvrage est anonyme, et seuls les lecteurs qui ont
pris la peine de consulter le « privilège », c’est-à-dire l’autorisation
officielle de publier placée en fin de volume, ont vu qu’il est accordé au
« sieur de Scudéry », c’est-à-dire à Georges de Scudéry, le même
« Monsieur de Scudéry » dont le nom figure sur la page de titre des Femmes
illustres. Rares sont ceux à être dans la confidence, et à savoir que la sœur
du sieur de Scudéry, Madeleine, a commencé en 1641 à collaborer aux
volumes qu’il publie sous son nom — voire à les écrire.
Ibrahim, ou l’Illustre Bassa, dont la première partie paraît en 1641, est
dédié à la duchesse de Rohan par son « serviteur de Scudéry ». On
considère aujourd’hui qu’il s’agit d’une œuvre écrite à quatre mains par le
frère et la sœur, pour ne pas dire seulement par cette dernière. Quant aux
Lettres amoureuses et aux Femmes illustres, elles marquent le début d’une
longue et riche carrière littéraire, que Madeleine de Scudéry, une fois
libérée de l’influence de son frère, compte bien mener comme elle l’entend.
Les années 1641-1642 marquent un tournant crucial dans l’histoire du
roman français et des romancières françaises. Avant cette date, on ne
compte que trois romans clairement écrits par des femmes. Mais le rôle des
femmes devient alors de plus en plus marqué dans l’évolution du genre
romanesque. Pour la première fois en 1659, on compte plus d’un roman
écrit par une femme : Scudéry et Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse
de Montpensier (1627-1693), font imprimer des ouvrages cette année-là.
Madeleine de Scudéry décide de commencer sa carrière lors d’une
période de transition exceptionnelle. Les années 1640 sont remarquables du
point de vue de la présence féminine dans un domaine bien particulier, où
elles avaient rarement été visibles : le champ de bataille. Ce genre de
visibilité est peut-être plus dangereux encore que leur invasion de la sphère
culturelle. D’ailleurs, dans une lettre de septembre 1628 adressée à Des
Loges, Guez de Balzac l’affirme avec force : « Je ne saurais estimer les
Dames qui veulent faire les cavaliers […] Il faut que les femmes soient tout
à fait femmes […] Je m’oppose, Madame, à ces usurpations d’un sexe sur
l’autre […] et ne mets pas les Amazones du nombre des femmes, je les mets
du nombre des monstres 3. » Bien avant sa mort en 1654, il voit ses pires
craintes se réaliser. Déjà à la fin des années 1630, puis dans les
années 1640, les Amazones — les guerrières légendaires, mais aussi leurs
homologues des temps modernes — jouissent d’une telle gloire qu’elles
sont connues de tous.
Le règne des Amazones commence avec la littérature romanesque du
e
XVII siècle, notamment sous la plume de Marin Le Roy, sieur de

Gomberville 4. Puis, à la fin des années 1630 et au début des années 1640,
c’est une Amazone en chair et en os qui apparaît : Barbe d’Ernecourt, dame
de Saint-Balmon ou Saint-Baslemont (1606-1660). Le récit de ses exploits
est bientôt relayé de tous côtés.
Son mari est parti au combat sous le commandement du duc de
Lorraine, car la Lorraine est alors ravagée par la France et l’Autriche. C’est
à cheval et vêtue en homme que cette Amazone moderne décide de
défendre elle-même ses terres. Elle remporte de tels succès que nombre de
ses voisins lui demandent très vite de protéger les leurs. « Elle a toujours
l’épée au côté ; quand elle monte à cheval, elle quitte sa jupe et prend des
bottes… On ne saurait être plus vaillante qu’elle ; elle a tué ou pris de sa
main plus de 40 hommes 5 », raconte Tallemant des Réaux. Elle trouve
également le temps d’écrire des pièces de théâtre ; elle explore ainsi deux
genres alors récemment définis par Corneille avec une tragédie chrétienne,
Les Jumeaux martyrs, et une tragi-comédie, La Fille généreuse (toutes deux
en 1650). La vie exceptionnelle de Saint-Balmon inspire bientôt un volume
dédié à sa biographie, L’Amazone chrétienne, ou les Aventures de Madame
de Saint-Balmon (1678) de Jean-Marie de Vernon. Elle y est célébrée en
véritable héroïne, qui n’a rien à envier à ses homologues masculins :
« Quiconque examine attentivement la conduite de Barbe d’Ernecourt, la
peut égaler aux héros de l’antiquité, il la peut proposer pour modèle aux
plus pieux et aux plus braves. »
Ses exploits hors du commun donnent naissance à une abondante
iconographie, largement diffusée. Au début des années 1640, Claude
Deruet, un peintre lorrain connu pour ses illustrations d’Amazones
légendaires, peint le premier portrait équestre de l’aristocrate guerrière. En
1646, il finit une seconde version du tableau, cette fois monumentale
(3,74 mètres par 4,08 mètres). Le tableau reste à ce jour le plus grand
portrait d’une femme en armes dont la participation au combat n’est pas
seulement fictionnelle. Le format de la toile la destine clairement à
apparaître dans un espace public tel qu’un château royal. Vernon explique
d’ailleurs que Saint-Balmon a fait livrer le portrait à Anne d’Autriche 6 (il se
trouve de nos jours au Musée lorrain de Nancy). Le portrait de Deruet fait
de Saint-Balmon l’égale de dirigeants contemporains tels que Louis XIII :
c’est en tenue de combat complète qu’elle apparaît, sur fond de scènes de
batailles. Au milieu des années 1640, lorsque la réputation de Saint-Balmon
est à son apogée, une gravure du portrait de Deruet est exécutée par
Balthazar Moncornet et est mise en circulation. Jamais une femme bien
réelle n’avait vu un portrait célébrant ses exploits militaires connaître une
diffusion si large.
La France est alors prise d’un fol engouement pour les Amazones. Peu
après 1645, Marie de Cossé-Brissac (1621-1710), épouse du maréchal de
La Meilleraye, commande (probablement à l’artiste Charles Poerson) une
« galerie » de quinze portraits de femmes illustres pour son cabinet de
peintures privé. Parmi celles-ci, elle a retenu les trois reines des Amazones
les plus populaires — Penthésilée, Hippolyte et Antiope —, ainsi que
Sémiramis, la fameuse reine guerrière d’Assyrie, souvent représentée à
l’époque sous les traits d’une Amazone. Certains portraits sont
particulièrement saisissants : l’héroïne biblique Jaël est dépeinte marteau à
la main, en train de ficher un piquet de tente dans la tempe de Siséra ;
Judith, quant à elle, brandit à bout de bras la tête ensanglantée
d’Holopherne.
Même s’il est impossible de juger du nombre exact de femmes à s’être
engagées, cette décennie est sans doute celle qui est la plus imprégnée de
l’esprit de ces Amazones. Seule une autre d’entre elles, Catherine Meurdrac
de La Guette (1613-1676), laisse un témoignage de ses prouesses. Même si
l’on a parfois contesté l’authenticité des Mémoires de Madame de La
Guette, écrits par elle-même (1681), la personne éponyme est bien réelle,
comme l’atteste la correspondance de Sévigné. Les dernières éditions
critiques admettent aussi l’authenticité de ces mémoires. Les mémoires
dressent le portrait d’une guerrière qui affirme « mon humeur a toujours été
martiale », et qui, comme Saint-Balmon, s’habille en homme, participe aux
combats et vit en soldat au cours d’une longue succession de conflits armés.
La Guette raconte même sa rencontre avec des officiers qui, l’ayant
reconnue, lui apprennent que « dans l’armée de Lorraine on vous appelle la
Saint Ballemont [sic] de la Brie 7 ».
Les premières œuvres de la longue carrière de Scudéry et leurs années
de publication, 1641 et 1642, marquent ainsi un moment décisif pour
l’entrée des femmes dans la sphère publique. Les arguments proposés par
Scudéry dans Les Femmes illustres sont bientôt monnaie courante. À leur
suite, des déclarations bien plus audacieuses sont exprimées au grand jour
et sans retenue.
Louis XIII meurt en mai 1643. Pendant la régence, où la visibilité
politique des femmes est à son comble dans la monarchie, des publications
d’un nouveau genre voient rapidement le jour. Elles sont toutes dédiées à la
souveraine, et leurs titres ne laissent aucun doute quant à l’ère nouvelle qui
s’annonce au milieu de la longue polémique de la Querelle des femmes *1, au
cours de laquelle le postulat d’une supériorité féminine occupe largement le
devant de la scène.
La première de ces publications est signée seulement « par L.S.D.L.L. »
mais sa dédicace à la régente est signée « la Femme généreuse », ce qui, de
l’avis de certains, suggère que l’auteur est peut-être bien une femme. Le
titre de l’œuvre revendique clairement ses convictions : « La Femme
généreuse, qui montre que son sexe est plus noble, meilleur politique, plus
vaillant, plus savant, plus vertueux et plus économe que celui des
hommes ». L’auteur conclut d’ailleurs sans ambiguïté que « les femmes
surpassent [les hommes] en tout 8 ».
Suivent deux productions étonnantes, véritables chefs-d’œuvre de
l’imprimerie parisienne. Leur parution coïncide avec la mise en place de
galeries privées de portraits, telles que celle de la maréchale de La
Meilleraye. Les auteurs de ces deux ouvrages semblent offrir aux femmes
qui n’en ont autrement pas les moyens la possibilité d’avoir dans leurs
propres demeures des représentations des héroïnes Amazones.
En 1645, le moine franciscain Jacques Du Bosc publie La Femme
héroïque, ou les Héroïnes comparées avec les héros en toute sorte de vertu,
richement orné de dix-huit eaux-fortes en pleine page de François
Chauveau. Dans le volume de Du Bosc, planches d’illustration et texte
alternent pour démontrer qu’en effet, les femmes « surpassent [les hommes]
en tout ». Les illustrations de Chauveau sont placées deux par deux et en
regard. On trouve ainsi, par exemple, David sur la page de gauche, une épée
dans une main et la tête de Goliath dans l’autre, tandis que sur la page de
droite, Judith occupe la même posture, mais tenant cette fois la tête
d’Holopherne. Le duo le plus probant est sans doute celui qui montre
« Cyrus victorieux de Spargapise » en vis-à-vis de « Thomyris victorieuse
de Cyrus » 9.
Deux ans plus tard, le jésuite Pierre Le Moyne publie une galerie de
portraits encore plus remarquables, montrant cette fois exclusivement des
Amazones qu’il qualifie de « fortes ». La Gallerie des femmes fortes est
illustrée de vingt superbes planches, dessinées par Claude Vignon et
gravées par Abraham Bosse et Gilles Rousselet. Ces portraits représentent
plusieurs héroïnes qui se trouvent déjà dans le cabinet privé de la maréchale
de La Meilleraye, auxquelles s’ajoutent certaines à qui Scudéry donne la
parole dans Les Femmes illustres, ou à qui elle la donnera dans ses futurs
romans. Les artistes n’ont en aucun cas cherché à atténuer la violence qui
apparaissait dans la collection de la maréchale. Jaël, par exemple, est tout
sourire alors qu’elle s’approche de la tente de Siséra, marteau et piquet à la
main. En arrière-plan, Siséra gît sur le sol près du marteau de Jaël, la tête
ensanglantée.
1. Jahel [Jaël] in La Gallerie des femmes fortes, par le pere Le Moyne de la Compagnie
de Jesus. Quatriesme edition, reveuë & corrigée, A Paris, par la Compagnie des libraires
du Palais. M. DC. LXIII, p. 36.
L’immense succès de Le Moyne n’arrive qu’à retardement : c’est
seulement dans les années 1660 qu’il est réédité neuf fois. La première des
deux éditions de 1660 est publiée à Leyde par la famille d’imprimeurs-
libraires hollandais Elzevir. Leurs volumes reprennent en très petit format
(in-douze) l’élégant in-quarto de Le Moyne et proposent des versions à bas
prix, assez rudimentaires, des planches de l’édition originale. En 1663, la
Compagnie des libraires de Paris commence à diffuser plus largement de
modestes versions in-octavo de l’édition luxueuse de Le Moyne. Toutes ces
éditions infiniment moins coûteuses attestent la vogue du petit format, et
prouvent qu’un vaste public se plaît à contempler la violence dont font
preuve ces héroïnes.
L’auteur veille à souligner qu’il n’entend pas dicter aux femmes une
quelconque conduite, mais qu’il cherche seulement à montrer ce dont elles
sont capables. « Je dis seulement, précise-t-il, que ce droit commun qui leur
a ôté les armes ne leur a pas ôté le cœur ni coupé les mains 10. » Pour autant,
on imagine mal comment tant d’images représentant des exploits militaires
féminins avec tant de violence — surtout lorsque ces images apparaissent
de façon quasi simultanée pendant les années 1640 — aient pu être vues
comme un pur hasard.
Puis arrive la Fronde…
Pendant la guerre civile qui fait rage de 1648 à 1653, les galeries de
femmes « fortes » et « héroïques » de Du Bosc ou Le Moyne semblent
devenir une réalité. En jouant un rôle de premier plan dans le soulèvement
d’une partie de la noblesse contre la monarchie, les femmes apportent la
preuve la plus ostensible de la réalité de l’héroïsme féminin. Elles livrent
bataille et conduisent des armées, percent les défenses des villes et
défendent des bastions.
C’est en janvier 1650 que se met en place le commandement de ces
frondeuses, lorsque la reine-régente et Mazarin font arrêter les deux frères
de la duchesse de Longueville (1619-1679) — le prince de Condé et le
prince de Conti — ainsi que son mari, le duc de Longueville. La duchesse
les remplace aussitôt dans leurs fonctions, et conduit l’armée espagnole qui
marche sur Paris. Lorsque la régente et Mazarin tentent de l’emprisonner à
son tour, elle se déguise en homme, et monte à cheval comme un homme.
Elle chevauche alors plusieurs jours sans s’arrêter le long de la côte
normande ; elle dort dans des granges au milieu des bottes de foin. Elle
parvient à convaincre un pêcheur de la conduire en Hollande, d’où elle
repart aussitôt pour la France afin de retrouver ses troupes. Peu après,
résolue à libérer son mari, la princesse de Condé (1628-1694) rassemble
elle aussi des forces armées, prend la ville de Bordeaux et convainc ses
habitants de se rallier à la cause rebelle.
Par ailleurs, difficile de trouver une Amazone plus engagée et éclatante
que la cousine germaine de Louis XIV, Anne Marie Louise d’Orléans,
duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle (1627-1693). Elle
arbore diverses tenues, toutes empruntées au vestiaire militaire masculin et,
en 1652, elle est l’héroïne des heures les plus mémorables des frondeurs. En
mars, elle s’introduit dans la ville d’Orléans par la seule entrée que
personne n’a pensé à fortifier et gagne la ville à sa cause. En juillet, alors
que les portes de Paris ont été fermées à toutes les troupes et que les forces
royales tiennent l’armée des frondeurs à l’extérieur de la ville, la Grande
Mademoiselle ordonne d’ouvrir les portes de la capitale aux troupes
rebelles 11.
Dès le début, on voit dans les frondeuses de véritables Amazones
modernes. Des pamphlets anonymes, connus sous le nom de mazarinades,
fleurissent dès que le conflit se déclare, et avant même qu’il ne finisse,
environ 6 000 mazarinades ont été publiées. Ces dernières sont le
couronnement des petits formats de l’imprimerie parisienne. Assez minces
pour être glissées dans la poche, à l’abri des regards indiscrets, pensées
pour être produites à bas prix et rapidement (du jour au lendemain si
besoin), elles sont destinées à rapporter les dernières actualités à une
population « affamée de nouvelles », aux dires d’un contemporain 12. Pour
leurs auteurs, les frondeuses constituent manifestement un sujet de choix.
Les titres de certaines mazarinades misent largement sur le modèle des
Amazones pour relater les prouesses militaires des frondeuses, comme en
témoigne L’Amazone française au secours des Parisiens, ou l’Approche des
troupes de Madame la Duchesse de Chevreuse de 1649. Leurs auteurs
anonymes qualifient souvent les diverses héroïnes de la Fronde de « reine
des Amazones » ou d’« Amazone française », ou encore de « vraie
Amazone » 13. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que les mazarinades
sont lues par le public le plus large que l’on puisse imaginer pour
l’imprimerie de l’époque. Un tirage de 500 à 700 exemplaires est alors jugé
plus que satisfaisant, or on estime que certaines étaient tirées à plus de
5 000 exemplaires et parfois réimprimées à plusieurs reprises. Quiconque
partageait l’opinion de Guez de Balzac sur les « femmes cavaliers » se voit
confronté à leur célébration quotidienne et à un public qui se délecte de leur
« usurpation » de prérogatives traditionnellement masculines.
En 1653, lorsque Louis XIV reprend Paris et le reste du pays en main, il
s’empresse de condamner certains frondeurs et frondeuses à l’exil. Tous
sont tenus à l’écart de la Cour, et certains n’y retrouveront jamais une place.
Dès lors, les auteurs cessent de revendiquer une quelconque égalité ou
supériorité féminine. Mais l’esprit de la Fronde et de ses Amazones va
toutefois subsister par d’autres voies.
De nombreux mémoires et journaux intimes relatent les aventures des
Amazones de la Fronde, même si leurs contemporains n’en ont pas encore
connaissance. Les souvenirs de Marie d’Orléans-Longueville, duchesse de
Nemours (1625-1707) sont intitulés Mémoires de M.L.D.D.N. contenant ce
qui s’est passé de plus particulier en France pendant la guerre de Paris
jusqu’à la prison du cardinal de Retz, arrivée en 1652, et voient le jour à
Cologne en 1709. Mais à part cet ouvrage, aucun mémoire concernant la
Fronde ne paraît du vivant du Roi-Soleil, qui préfère éviter tout rappel de
cette époque tumultueuse où la grande noblesse s’était opposée à la
monarchie et à son règne.
Personne néanmoins ne relate les aventures de ces femmes avec autant
de délectation et de détails que la Grande Mademoiselle : elle prend un
plaisir manifeste à veiller à ce que ses exploits soient reconnus à leur juste
valeur. Elle entreprend la rédaction de ses mémoires très vite après son exil
forcé à la fin du soulèvement. Mais c’est seulement en 1728, après la mort
de tous les acteurs du conflit, que son récit paraît pour la première fois ; il
sera réédité à intervalles réguliers durant tout le XVIIIe siècle.
Cependant, c’est à travers un roman que les victoires des frondeurs et
les exploits des Amazones obtiennent le succès le plus durable, et qu’ils
touchent le plus grand nombre de lecteurs. Le 9 juillet 1648, un privilège
royal est accordé pour la publication des premiers volumes d’un tout nouvel
ouvrage, et ce alors que la Fronde commence à s’avérer inéluctable en
raison des tensions grandissantes entre le parlement de Paris et la
monarchie. Un mois plus tard, l’arrestation d’un membre très estimé du
Parlement, Pierre Broussel, précipite les événements. Le 7 janvier 1649,
lorsque les deux premiers volumes d’Artamène, ou le Grand Cyrus sortent
des presses d’Augustin Courbé, la tension est à son comble dans la capitale.
Deux jours plus tôt, la Cour a quitté le Louvre et s’est réfugiée à Saint-
Germain-en-Laye, éloignant ainsi le jeune roi de Paris. Le surlendemain de
la publication, la régente ordonne aux villages avoisinants de cesser
d’approvisionner la ville, en particulier en pain. Débute alors ce qui
deviendra le « siège de Paris ». Ainsi, les premiers volumes du roman sont
rédigés durant les mois de folle effervescence qui ont suivi l’arrestation de
Broussel en août : bon nombre des rues de Paris sont bloquées par des
barricades, et 15 à 25 % des Parisiens, estime-t-on, ont pris les armes pour
défendre la ville. Leur publication en janvier 1649 coïncide également avec
la première série — sans doute la plus importante — de mazarinades. Un
des auteurs de ces pamphlets estime que pour les seuls premiers mois de
1649, quelque 3 500 mazarinades ont paru 14.
Le tout nouveau roman est vraiment aux antipodes de ces mazarinades
qui se lisent si rapidement : une fois imprimée, l’édition originale
d’Artamène compte 13 095 pages (de nos jours, l’édition en ligne se réduit
à 7 443 pages). Avec près d’un million de mots, ce roman est considéré
comme le plus long jamais publié.
Or, malgré ce caractère exceptionnel, Artamène se trouve vite pris dans
le déferlement d’écrits sur la guerre civile. Le public y voit moins un récit
de fiction que le genre de bulletin d’information politique et militaire dont il
est alors si « affamé ». Des observateurs du temps avancent même
qu’Artamène, justement parce que c’est un roman, permet à son auteur de
livrer une version plus exacte du soulèvement contre la monarchie que les
œuvres prétendument historiques. Dans sa préface, le premier traducteur
anglais d’Artamène résume l’opinion souvent exprimée à propos de
l’ouvrage : « Les intrigues et les infortunes de la guerre et de la paix sont,
souvent, mieux exposées […] dans un roman que dans une relation
véritable, qui, étant obligée de nommer les personnes, est souvent contrainte
à la partialité et à l’indulgence 15. » En d’autres termes, les romanciers n’ont
pas les mêmes contraintes que les historiens et disposent de la liberté
nécessaire pour dire la vérité sur l’histoire.
C’est exactement sous cet angle, semble-t-il, que l’auteur souhaite
qu’on lise Artamène. Sa version de l’histoire est remarquable d’abord en
raison de la place accordée aux prouesses militaires féminines. Le premier
volume commence par un long hommage à la principale chef de file de la
Fronde, la duchesse de Longueville. La dédicace n’est pas sans rappeler le
style de Du Bosc et de Le Moyne, et de leurs galeries de portraits : « Ce
vainqueur de la moitié du monde [le Grand Cyrus] croit avec raison que
votre altesse serait digne de le commander tout entier. » La dédicace évoque
ensuite rois, trônes et dynasties afin de poser la question de leur légitimité,
les « vertus militaires » de « héros dignes d’être des rois », ou encore les
héroïnes qui sont les égales de ces héros. Artamène se présente par
conséquent comme un roman des plus singuliers, dont l’intrigue a moins
pour fil conducteur des péripéties amoureuses qu’une chronique de guerres
et de batailles.
Tout comme celle des Femmes illustres, la dédicace est signée par un
homme qui se dit « serviteur » de la duchesse de Longueville. Cette fois, la
page de titre ne laisse aucun doute quant à l’identité de l’auteur du roman :
« par Monsieur de Scudéry Gouverneur de Notre Dame de la Garde ».
L’identification de l’auteur, exceptionnellement précise, est absolument
sans précédent pour le genre romanesque du XVIIe siècle, où la grande
majorité des œuvres ne fait aucune mention du nom de l’auteur en page de
titre. Cette incroyable précision n’échappe pas aux lecteurs contemporains,
y compris la duchesse de Longueville ; tous ont bien conscience qu’il s’agit
là d’un prête-nom.
Lorsque le cinquième volume sort des presses, le 15 octobre 1650, sa
dédicataire tente d’échapper aux forces loyalistes. Après sa fuite
spectaculaire en Hollande, amplement documentée, la duchesse de
Longueville a temporairement établi son camp à Stenay, d’où elle mène des
négociations avec les Espagnols. Le dernier volet des aventures d’Artamène
avait tant bien que mal réussi à se frayer un chemin à travers les zones de
combat et les divers points de contrôle : le 22 décembre, l’exemplaire que
Madeleine de Scudéry destinait spécialement à la plus éminente des
Amazones de France arrive enfin à Stenay. Le 30 décembre, la duchesse
prend la plume pour remercier personnellement l’auteur : « [V]os ouvrages
adoucissent si agréablement l’ennui de ma vie présente que je vous dois
quasi d’aussi grands remerciements là-dessus que sur la solide obligation
que je vous ai de n’avoir pas changé pour moi avec la fortune. » Comme
Jean-François Sarasin, écrivain et ami de Scudéry, s’empresse de l’en
informer, « depuis huit jours, qu’on a apporté ici la 5e partie de ses
aventures, […] ces personnes ont toujours été du petit coucher […] on ne
les a interrompues que par des acclamations et des louanges ». Ainsi, en
1650, une alliance insolite est solidement mise en place : le plus long roman
de la littérature est devenu le livre de chevet des chefs de file d’une
insurrection contre la Couronne. Ceux qui se sont engagés dans la lutte
disent eux-mêmes voir en Artamène une chronique de leurs propres
aventures. En pleine Fronde, une gazette termine même son compte rendu
des nouvelles du jour en notant « comme l’on voit dans une histoire du très
beau roman de Cyrus 16 ».
Sarasin le premier reconnaît que personne ne se serait attendu à une
telle situation. « Rien n’est si contraire au bel esprit que la guerre civile »,
confie-t-il à Scudéry elle-même, « […] les muses ne suivent pas les
armées », et ceux avec qui la duchesse négocie « ne sont pas des gens de
l’Académie 17 ». Qu’importe, Artamène suscite partout le même
enthousiasme qu’à Stenay en décembre 1650. Du début à la fin de la guerre
civile, pour les frondeurs comme pour ceux qui attendent les dernières
nouvelles de leurs exploits, le roman de Scudéry reste incontournable, et
semble avoir été pensé par l’auteur et l’imprimeur pour ce public épris
d’action militaire.
2. Artamène, ou le Grand Cyrus… par Mr de Scudery…
Première partie, Paris, A. Courbé, 1654, p. 64 et 65.
La mise en page d’Artamène est typique de celle utilisée par les
imprimeurs pour les œuvres de fiction jusqu’à la fin des années 1660 : le
premier paragraphe du roman s’étale sur 65 pages, et lorsque le texte est
interrompu, ce n’est pas pour commencer un nouveau paragraphe, mais
pour insérer une lettre entière. Cette mise en page compacte est
particulièrement adaptée à ce type d’œuvre romanesque : Le Grand Cyrus
privilégie l’action et les rebondissements, et non l’intériorité ou la réflexion.
Artamène est un véritable roman d’action où le lecteur, tenu en haleine, est
encouragé à ne pas interrompre sa lecture.
Alors qu’en 1642, Courbé avait publié Les Femmes illustres en in-
quarto, il choisit cette fois un format plus petit, l’in-octavo. Mais les
volumes d’Artamène comptent un si grand nombre de pages que leur
épaisseur ne permet pas de les transporter facilement ou de les glisser dans
la poche. Cependant, l’apparition d’une œuvre de Scudéry dans un format
plus moderne marque une étape importante pour le roman, car elle laisse
présager que ce sont désormais des volumes de taille moins importante qui
permettront de cibler un plus vaste public.
Pour ne pas perdre l’attention d’un auditoire passionné par les questions
militaires, et pour assurer qu’il s’agit bien d’une chronique historique en
temps réel, Scudéry respecte avec rigueur l’échéancier qu’elle s’est
assigné : les premiers volumes étaient entre les mains des lecteurs six mois
seulement après le début de son projet. Tout au long de la guerre civile, les
volumes épais relatant les exploits du Grand Cyrus se succèdent tous les six
mois environ. C’est un rythme de production très rapide pour un roman,
même si l’on est loin de la parution quasi instantanée des mazarinades. Le
public y est sensible, et voit en Artamène une fiction très proche des
événements en cours.
Dans l’« avis aux lecteurs » qui ouvre le troisième volume, l’auteur
explique qu’elle avait initialement prévu de publier les volumes deux à
deux, mais que, cédant à l’impatience du public, elle décide de faire paraître
le troisième volume sans attendre le quatrième. En effet, le troisième
volume sort des presses en même temps que les deux premiers, le
7 décembre 1649. Autrement dit, Scudéry a réussi à composer trois volumes
de 600 ou 800 pages chacun en seulement six mois. De plus, elle ne fait pas
languir ses lecteurs : le quatrième volume paraît le 15 mars 1650. À ce
moment-là, la duchesse de Longueville, à qui chaque tome est
systématiquement dédié, est déjà en fuite et tente désespérément de
rejoindre la Hollande.
Les parutions se succèdent sans relâche, et sept mois plus tard, en
octobre, le cinquième volume est disponible ; la sixième livraison quitte les
presses de Courbé le 12 avril 1651. Du début à la fin, Scudéry ne laisse
aucun doute quant au modèle du héros de son roman, le général le plus
éminent des frondeurs, Louis II de Bourbon, prince de Condé. Dans le
premier volume, Artamène entre en scène « l’épée à la main droite et le
bouclier à la gauche » et à la tête d’une armée de 4 000 hommes. Le Grand
Cyrus est décrit comme « le preneur de villes et le gagneur des batailles »,
une description que Scudéry utilise systématiquement dans sa
correspondance au sujet du « Grand Condé 18 ». Le rapprochement est de
plus en plus clair au fil des volumes. Contemporains de la Fronde, et avec
les splendides illustrations de François Chauveau à l’esprit, les premiers
lecteurs ne manquent pas de voir la fiction de Scudéry comme un grand
roman politique.
Le quatrième volume est à cet égard un exemple particulièrement
parlant. Un des frontispices de Chauveau représente une conversation entre
deux femmes et un homme. L’homme, derrière les barreaux, est prisonnier
dans la tour d’une vaste forteresse en pierre. Le volume atterrit dans les
mains du prince de Condé alors qu’il est justement prisonnier du château
qui a très bien pu inspirer Chauveau, le château de Vincennes. Dans les
pages suivantes, Cyrus s’inquiète du sort de l’héroïne, Mandane. Le modèle
qui a inspiré cette dernière est lui aussi tout à fait clair. Il s’agit de la sœur
de Condé, la duchesse de Longueville, qui est bien sûr en exil. Personne ne
sachant où elle se trouve, ou si elle a réussi à échapper à l’arrestation, on
suit passionnément les dernières aventures de l’héroïne. Cyrus apprend
rapidement que Mandane s’est réfugiée à Éphèse et est désormais hors de
danger. Peu de temps après avoir imaginé l’évasion de son héroïne fictive,
Scudéry donne dans sa correspondance du 22 février 1650 les dernières
nouvelles de la fuite de Longueville. Ainsi, de volume en volume, Scudéry
invente une intrigue susceptible d’être lue à la lumière des péripéties de la
guerre civile.
Impossible d’être prise au sérieux par les combattants si l’œuvre ne fait
pas preuve d’une exactitude parfaite. La correspondance de Scudéry
préfigure ainsi celle de Sévigné, une véritable journaliste avant l’heure qui
cherche toujours à être au courant de la moindre nouvelle. Par exemple, dès
que les princes quittent Vincennes, Scudéry se rend au château pour se
rendre compte en personne de leurs conditions de détention. Quant aux
combats militaires de Cyrus, réputés pour être des victoires éclair, Scudéry
disposait d’informateurs. Pour chaque bataille flamboyante d’Artamène,
elle recrée l’une des grandes victoires de Condé, de sa préparation à la mise
en place des stratégies qui devaient assurer sa victoire. Chaque fois, son
récit est bien plus détaillé et bien plus fidèle à la réalité que ne le sont les
descriptions contemporaines, supposément historiques, y compris celles qui
sont officiellement validées, comme celles de La Gazette.
Des détails clefs qui apparaissent dans sa description des combats
indiquent qu’une personne proche des Condé lui communiquait le seul
compte rendu véritable des batailles, ainsi que des documents issus des
archives de cette famille — des documents qui ne seront imprimés et
accessibles que plus tard, au XVIIIe siècle. Ainsi, les grandes batailles
militaires d’Artamène / Cyrus sont pour l’essentiel des reconstitutions des
plus grandes victoires du Grand Condé 19. Pendant la rédaction de son
roman, Scudéry est régulièrement en contact avec le secrétaire du prince de
Conti, Jean-François Sarasin. À n’en pas douter, il devait lui communiquer
les manuscrits des archives familiales.
Cependant, il ne faut pas voir en Artamène une défense inconditionnelle
des frondeurs et de leur cause. Le roman comme la correspondance de
Scudéry attestent d’une double allégeance, à la fois à la monarchie et à la
famille de Condé. Si les princes rebelles ont toute son admiration et sa
sympathie, Scudéry semble ne jamais douter de la victoire finale des forces
royales. Elle prédit d’ailleurs les conséquences à long terme de ce
renversement provisoire de l’ordre, et la suite des événements lui donnera
largement raison. En mars 1651, après que les Parisiens ont dressé des
barricades autour du Palais-Royal pour empêcher Louis XIV et Anne
d’Autriche de rejoindre Mazarin à Saint-Germain-en-Laye, elle note : « car
enfin ce pauvre jeune Roi est présentement plus prisonnier qu’eux », et elle
ajoute : « Le Roi semble haïr tous ceux qui veulent abaisser son autorité, et,
selon toutes les apparences, il se souviendra longtemps de tout ce qu’on lui
fait aujourd’hui. »
Alors même qu’elle écrit ces lignes, Courbé finit d’imprimer le sixième
volume d’Artamène. Mais avant que le suivant ne paraisse se produit un
événement qui marque un tournant dans l’histoire de France : le
7 septembre 1651, Louis XIV devient officiellement majeur. Le septième
volume, qui sort des presses le 15 novembre, vérifie les prédictions de
Scudéry quant à l’avènement royal et la signification d’une nouvelle ère.
Tandis que les péripéties s’enchaînaient sans relâche dans les six premiers
volumes, le septième témoigne du premier changement radical dans le style
romanesque de Scudéry. Elle introduit en effet un nouvel élément au cœur
du récit, à savoir les dialogues, qui allaient d’ailleurs devenir sa signature
dans les décennies suivantes. Dans la conversation telle que l’entend
Scudéry, plusieurs personnages se réunissent pour débattre d’un sujet
donné. Le plus souvent, c’est un aspect bien précis des relations
amoureuses, dont le lien avec l’intrigue principale n’est que très
approximatif. Ces conversations indiquent que Scudéry s’éloigne peu à peu
des péripéties militaires qui étaient au cœur de ses romans pour se
concentrer sur les intrigues amoureuses, jusque-là secondaires. Désormais,
sa fiction porte moins sur l’action que sur la dimension psychologique.
C’est là un tournant décisif dans l’histoire du roman français du XVIIe siècle.
Les dernières parties de l’œuvre coïncident avec les dénouements et
l’épilogue de la Fronde. Les neuf mois qui séparent la publication du
septième de celle du huitième volume en août 1652 sont le théâtre de
quelques-uns des plus violents conflits. Les forces rebelles menées par
Condé affrontent les troupes royales conduites par Turenne dans un combat
spectaculaire. Montpensier s’empare de la ville d’Orléans et orchestre
depuis une tour de la Bastille l’entrée des troupes de Condé dans la capitale.
Quatre jours après la parution du huitième volume, Mazarin s’enfuit.
Mais la victoire des frondeurs est de courte durée. Le 15 février 1653,
lorsque l’impression de la neuvième partie est terminée, Condé a quitté
Paris, Louis XIV a triomphalement remis la main sur sa capitale et Mazarin
est de retour. Composé alors que la rébellion approche de sa défaite, ce
nouveau volume marque la fin de l’âge des Amazones pour les femmes
auteurs. Il marque également la fin de la prédominance de l’action dans les
fictions de Scudéry.
Le dixième et dernier volume d’Artamène est le seul à être composé
sous le pouvoir désormais presque incontesté de la monarchie. Il paraît en
septembre 1653. Dans cet ultime volume, la romancière offre à ses lecteurs
beaucoup plus qu’une conclusion aux aventures de Cyrus et Mandane.
Désormais, au lieu de mettre en exergue le rôle des femmes sur le champ de
bataille et dans la sphère publique, le roman portera toute son attention sur
la sphère privée et sur une question déjà soulevée dans Les Femmes
illustres : comment les femmes peuvent-elles occuper une place de choix
dans « les beaux arts, les belles lettres et […] toutes les choses dont [leur]
esprit est capable » ? Au terme de neuf parties consacrées à des personnages
qui livrent bataille et traversent des continents entiers, et alors que des
milliers de pages semblaient conduire Artamène à un dénouement attendu
pour un roman au XVIIe siècle, à savoir le mariage, Scudéry change
radicalement de cap.
Pour ce faire, elle se tourne une fois encore vers celle qui lui avait
permis de terminer Les Femmes illustres en encourageant la formation
intellectuelle des femmes, Sapho. Dès le premier volume d’Artamène,
Sapho est certes mentionnée, mais elle ne fait que passer. Dans le volume
final, au contraire, Scudéry place Sapho sur le devant de la scène, puisque
pas moins de 700 pages sont dédiées à l’« Histoire de Sapho ». Scudéry
offre non seulement une des premières biographies de Sapho depuis
l’Antiquité, mais aussi un avant-goût du nouveau roman sur lequel elle
travaille en parallèle.
Le dernier frontispice que François Chauveau a créé pour Artamène
n’aurait pas déparé dans la galerie de femmes fortes parue au cours de la
décennie précédente. Une guerrière, en armes et en tenue de combat, est au
centre de la gravure ; un soldat, agenouillé à ses pieds, offre à son
admiration la tête tranchée d’un ennemi. Quelques pages après avoir
contemplé l’image de cette guerrière, les lecteurs suivent l’arrivée des
personnages du roman au pays des Sauromates, territoire des Amazones
selon Hérodote. Mais Artamène ne se termine pas par les aventures d’une
nouvelle Amazone française, comme on aurait pu s’y attendre.
En effet, nulle femme guerrière n’habite le pays des Sauromates selon
Scudéry. Au contraire, le roman se conclut sur une vision idéale des
lendemains d’une guerre civile : « Il se fit un soulèvement si grand et subit
parmi ces peuples qu’il fallait en venir aux armes. » Dans la fiction de
Scudéry, le soulèvement est tel que « le prince des Sauromates fut
constraint de faire la paix » et d’accepter les termes dictés par ceux qui se
sont dressés contre son gouvernement. Les chefs de file de la rébellion
contraignent avant tout le monarque à « souffrir dans le cœur de son état un
autre petit état 20 ». Ceux que Scudéry nomme « les nouveaux Sauromates »
décident de dévaster les terres qui entourent leur État autonome, un
territoire si vaste qu’il faut au moins deux ou trois jours pour en atteindre
les limites. Grâce aux terres à jamais ravagées de ce véritable no man’s
land, les Sauromates espèrent garantir la pérennité de leurs « lois
particulières » et les prévenir de toute corruption.
Sous la plume de Scudéry, le pays des Amazones d’Hérodote devient
une sorte d’utopie révolutionnaire, un royaume gouverné par une reine et où
les règles sont dictées par les femmes, en particulier celles qui codifient les
rapports entre les sexes : « On y a même fait des loix particulières pour
l’amour. » L’« inconstance », par exemple, constitue un tel crime qu’« il y a
des punitions pour les amants infidèles ». Scudéry porte le plus grand soin à
l’élaboration des lois qui gouvernent le mariage, et ces « lois particulières »
sont absolument centrales à sa biographie de Sapho.
Scudéry avait bien conscience des légendes inventées dans l’Antiquité
au sujet de Sapho, et qui avaient fini par être présentées comme un récit
véridique de sa vie. Dans « Histoire de Sapho », Scudéry s’éloigne de tous
les modèles précédents, notamment celui des Epistulae Heroidum. Chez
Ovide, ne répondant pas à son amour, Sapho, délaissée par son amant
Phaon, choisit de se suicider en se jetant d’une falaise.
La Sapho de Scudéry est tout l’inverse de son modèle ovidien. Son sort
(personnel comme professionnel) est entièrement dans ses mains. Elle
décide de se « retirer » de son île natale, Lesbos, afin de fuir les rumeurs et
les affabulations qui sont le contre-coup de son succès. Elle choisit de
s’installer au pays des nouveaux Sauromates en raison de la « liberté »
qu’elle y trouve, en particulier celle de ne pas se marier. S’ensuit une
longue critique du mariage et de ses dangers pour les femmes. C’est avec
« haine » que Sapho regarde l’institution du mariage, qu’elle décrit comme
« un long esclavage ». Les hommes, explique-t-elle, dès lors qu’ils
deviennent maris, deviennent « comme des maîtres si propres à devenir
tyrans ». Trop souvent, ajoute-t-elle, ils « ne regardent les femmes que
comme les premières esclaves de leurs maisons ».
Sapho autorise Phaon à l’accompagner dans son voyage, à la condition
qu’il accepte « la certitude de ne l’épouser jamais », car, insiste-t-elle,
« pour s’aimer toujours avec une égale ardeur, il [faut] ne s’épouser
jamais ». Libre des chaînes de l’« esclavage » du mariage et réfugiée dans
un univers utopique protégé du monde extérieur, la Sapho de Scudéry
trouve la liberté de consacrer sa vie à l’écriture.
Jusqu’au dernier volume, Artamène est en page de titre par « M. de
Scudéry ». Les critiques de l’époque parlent toujours du roman comme
celui de Madeleine de Scudéry — ses détracteurs comme ses admirateurs.
Certains critiques du XXe siècle ont cependant contesté cette attribution.
Antoine Adam, par exemple, dit avoir eu « l’impression », en lisant
Artamène, que Georges est à l’origine le seul auteur, et que Madeleine a
progressivement pris le relais au fil des volumes. D’autres estiment qu’en
raison de son expérience dans l’armée Georges est le seul à qui revient la
description détaillée des scènes de bataille 21. L’hypothèse est peu
convaincante, étant donné que Victor Cousin a démontré, preuves à l’appui,
que Madeleine avait accès aux récits de témoins des combats qui inspirèrent
ses scènes de fiction. Pourquoi, tout simplement, ne pas prendre Madeleine
de Scudéry au mot, et accepter le fait qu’elle ait rédigé le plus long roman
jamais publié ? Si elle choisit de ne jamais apposer son nom sur une page de
titre, c’est peut-être qu’elle craint la réaction de certains de ses
contemporains qui s’indignent à l’idée de voir des femmes revendiquer leur
statut d’auteur. Après la mort de son frère en 1667, sa correspondance
privée montre bien qu’elle a tout d’un auteur.
Un échange de lettres avec Pierre Daniel Huet en 1670 en est un parfait
exemple. Huet est le plus grand spécialiste de l’Antiquité de l’époque. Dans
son tout récent Traité de l’origine des romans, Huet lève le voile sur les
romans qu’« une fille, autant illustre par sa modestie que par son mérite,
avait mis au jour sous un nom emprunté », et précise : « Enfin le temps lui a
rendu la justice qu’elle s’était refusée, et nous a appris que L’Illustre Bassa,
Le Grand Cyrus et Clélie sont les ouvrages de mademoiselle de Scudéry. »
Peu après la parution du traité en novembre, Scudéry écrit à l’auteur et
raconte combien le Traité est couvert d’éloges. Or cela aurait été l’occasion
idéale de mettre les choses au clair et de revendiquer la participation de
Georges, ou bien de réfuter les révélations de Huet. Mais Scudéry ne dit pas
un mot à ce sujet. En revanche, elle s’oppose sans détour à l’une de ses
remarques.
Huet reproche en effet aux romans d’entretenir le lectorat féminin dans
son « ignorance » car, affirme-t-il, les femmes lisent ce genre de fiction aux
dépens du reste, notamment des livres d’histoire. Scudéry conteste
vivement cette « accusation » : « Comme l’histoire […] est mêlée aux
romans dont la scène est tirée de l’Antiquité, les femmes qui ont de l’esprit
doivent raisonnablement chercher à lire les originaux de ces sortes de
choses dont elles trouvent des passages dans les romans. » Pour preuve, elle
donne l’exemple d’une « amie qui n’eût jamais connu Xénophon ni
Hérodote, si elle n’eût jamais lu le Cyrus, et qui en le lisant s’[était]
accoutumée à aimer l’histoire 22 ».
Les remarques de Scudéry montrent bien qu’elle envisage son roman de
la même façon que Les Femmes illustres : il a pour but d’instruire, et elle
entend fournir des lectures sérieuses à cette nouvelle classe de femmes qui
disposent de temps libre. Cet objectif explique le sérieux avec lequel
Scudéry documente ses fictions. Dans les nombreuses préfaces et adresses
« au lecteur » au début de chaque volume d’Artamène, Scudéry cite avec
soin les sources classiques dont elle s’est inspirée pour modeler ses
personnages et leurs aventures, en particulier Hérodote et Xénophon. Aucun
critique de l’époque ne songe à déprécier le travail de recherche de Scudéry,
et l’on admire réellement l’érudition de son œuvre. En 1733 par exemple,
« Histoire de Sapho » reçoit les louanges d’un des premiers grands experts
de Sapho, Christian Wolff. Et, en effet, tous les aspects importants de la vie
de l’héroïne de Scudéry apparaissent déjà dans l’Antiquité, chez un de ses
premiers biographes 23.
Diffusé dans toute l’Europe, Artamène est sans doute le succès le plus
fulgurant de la littérature française de la première moitié du XVIIe siècle.
L’édition originale s’écoule si vite qu’Augustin Courbé réimprime presque
aussitôt les premiers volumes. Dès 1650, il faut réimprimer les trois
premiers volumes, puis encore une fois les deux premiers en 1654 — et ce
n’est là que le début. Lorsque paraît le dixième volume, le roman compte
déjà cinq éditions au moins. Il est difficile de connaître le nombre exact des
réimpressions car les éditions qui ont survécu sont presque toujours
hybrides, c’est-à-dire composés de volumes provenant d’impressions
différentes. Pour donner un ordre de comparaison, la Phèdre de Racine,
infiniment plus courte, et plus célèbre aujourd’hui que le roman de Scudéry,
n’a bénéficié de son côté que de trois réimpressions entre sa première
édition de 1677 et la fin du XVIIe siècle. Les chiffres exacts des tirages du
e
XVII siècle ne nous sont pas parvenus, mais les efforts de Courbé pour
répondre à la demande ainsi que le nombre et la rapidité des rééditions
indiquent que le roman enregistre d’emblée des ventes sans précédent, sans
compter les traductions.
Dès 1653-1655, le roman monumental est disponible en anglais. On
s’arrache la traduction, qui est par conséquent révisée et réimprimée.
D’autres traductions exigent plus de temps, mais on peut bientôt se procurer
Artamène en espagnol, en allemand, en italien, et même en arabe. Aucune
autre œuvre du XVIIe siècle ne connaît une diffusion d’une telle ampleur :
Artamène annonce les succès de librairie du XVIIIe siècle, lorsque le français
sera devenu une langue « universelle ».
À l’étranger, c’est en Angleterre qu’Artamène connaît le plus grand
succès. La publication du roman coïncide avec la troisième guerre civile
anglaise (1649-1651) : cette fois encore, le public voit dans l’œuvre de
Scudéry un commentaire des événements en cours. Pour ne donner qu’un
exemple, de 1652 à 1654, Dorothy Osborne, partisane royaliste de
Charles II, dévore chaque tome dès sa publication. Elle envoie ensuite les
volumes à son prétendant William Temple, au service du Commonwealth à
Londres. Ses lettres font aussi bien le commentaire des événements
fictionnels que de ceux de la véritable guerre. Artamène se fraye ainsi un
chemin, une nouvelle fois, à travers une guerre civile et toutes ses zones
sous surveillance.
La popularité du roman outre-Manche ne s’arrête pas avec l’exil de
Charles II en France. Le 7 décembre 1660, Samuel Pepys confie dans son
Journal que sa femme et lui restaient à lire Artamène « till 12 at night, and
so to bed ». En 1711, Joseph Addison déclare dans le périodique The
Spectator que toute femme élégante se doit d’avoir le roman de Scudéry
dans sa bibliothèque. Encore en 1716, Alexander Pope recommande « les
cinq volumes du Grand Cyrus » à Martha Blount (dont il était peut-être
amoureux) et les lui envoie. Walter Scott insiste sur le fait que l’on lit
toujours le roman en Angleterre dans les années 1730. Scott savait bien ce
dont il parlait, puisqu’il fait référence à Artamène dans ses propres romans,
et que certains épisodes clés d’Ivanhoe (1820) sont directement inspirés des
aventures de Cyrus 24.
L’abondance d’informations disponibles sur les lecteurs anglais
d’Artamène révèle d’abord que l’intuition de Scudéry quant à son public ne
l’a pas trompée et qu’elle joue un rôle particulièrement important auprès
des lectrices. Cela montre aussi que l’on continue à lire Scudéry à la
période la plus décisive dans l’évolution du roman anglais. Elle est la
première femme auteur à exercer une telle influence, et figure parmi les
quelques Françaises appelées à jouer un tel rôle dans la formation du roman
anglais moderne.
Bizarrement, on dispose de beaucoup moins d’informations sur le
lectorat d’Artamène en France au cours des décennies qui suivent sa
première édition. Mais une chose est sûre : lorsque des critiques tels que
Boileau déclarent que ses romans sont « oubliés » une dizaine d’années
après leur parution, l’argument se révèle infondé. En 1770, par exemple, la
« Nouvelle bibliothèque de campagne », qui propose une anthologie des
« meilleurs romans, tant anciens que modernes », publie un épisode
d’Artamène aux côtés de passages de romans bien plus récents comme ceux
de Prévost.
Une telle longévité et une influence si considérable ont peut-être joué
un rôle de catalyseur dans la violente réaction contre les intellectuelles. Au
lendemain de la Fronde, l’hostilité contre les écrits féminins, qui était restée
relativement latente depuis les années 1620, devient patente et se répand de
plus en plus. La cible de cette extraordinaire animosité est le nouveau
roman de Scudéry, Clélie.
Dans l’année qui s’écoule entre la dernière livraison d’Artamène et la
parution du premier volume de Clélie en août 1654, la vie de Scudéry
change du tout au tout. Pour la première fois, elle vit seule, et dans des
conditions inouïes. Elle vit non seulement en un lieu dont elle rêvait, mais
aussi dans une demeure qu’elle conservera jusqu’à la fin de ses jours. À
45 ans, elle jouit pour la première fois d’une indépendance, d’une stabilité
financière et d’une maîtrise de son cadre de vie exceptionnelles pour un
auteur de son époque qui n’appartient ni à la haute aristocratie ni à un
milieu extrêmement aisé — pour une femme auteur, c’était presque
inimaginable. La Fronde n’est pas synonyme de prospérité financière,
surtout pour Georges de Scudéry, qui perd en 1647 sa charge de gouverneur
de Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille. Les métamorphoses du sort de
Madeleine de Scudéry en 1653-1654 ont une explication très simple :
l’extraordinaire succès commercial d’Artamène, ou le Grand Cyrus.

*1. Voir « La fin de la Renaissance », chap. III.


Chapitre III
APRÈS LA GUERRE CIVILE :
LA PRÉCIEUSE

Le quartier autour de la Place Royale, au cœur du projet de


revitalisation de la capitale d’Henri IV, est appelé « le Marais » à partir des
années 1630. Paul Scarron, Sévigné et Théophile de Viau font partie de
ceux qui en livrent un témoignage de la vie quotidienne. Quelques
décennies seulement après la naissance du quartier, les récits de ces auteurs
mettent en évidence le rôle décisif du Marais dans l’établissement de la
capitale comme épicentre de la production littéraire du XVIIe siècle. C’est le
premier quartier de Paris à être considéré comme le foyer d’une
communauté littéraire. Dans la seconde moitié du siècle, un auteur qui avait
jusque-là résidé en province déménage à Paris, plus précisément dans le
Marais : Madeleine de Scudéry.
Chez elle, au cœur du Marais, Scudéry crée le plus illustre et le plus
important des salons du XVIIe siècle. Tandis que le salon de Rambouillet est
appelé « la chambre bleue » en raison du lieu où il se déroule, celui de
Scudéry a pour surnom « le samedi », jour de la semaine où il se tient. Dans
son salon, Scudéry établit les bases de son futur roman, Clélie, histoire
romaine. En novembre 1653, elle esquisse la première version d’une carte
allégorique. En février 1654, après maintes discussions du groupe, la carte
est toujours en cours d’élaboration. La version finale est publiée en août,
elle est la pièce maîtresse du premier volume de Clélie 1. La carte finit par
être appelée « Carte de Tendre » : cette création magistrale allait devenir la
plus célèbre de la vaste carrière littéraire de Scudéry.
Avant 1654, et tant que le secret de la véritable identité de l’auteur est
bien gardé, Scudéry est épargnée par la critique et les moqueries. En fait,
elle reçoit de nombreux compliments de la part des plus grandes
personnalités littéraires, telles que Conrart. Dans une lettre à Guez de
Balzac d’environ 1640, donc bien avant qu’il soit question de considérer
Scudéry comme un auteur, c’est au tour de Chapelain (celui-là même qui
allait condamner les femmes qui osaient « s’ériger en écrivaine ») d’admirer
sa maîtrise de plusieurs langues et de la qualifier de « spirituelle », de
« judicieuse » et « de très exquise conversation » 2.
Les premiers signes d’une transformation certaine se trouvent dans une
lettre de René Renaud de Sévigné, datée du 3 avril 1654. L’oncle par
alliance de la marquise de Sévigné (son mari est récemment décédé) envoie
des nouvelles de la capitale à Christine de France, duchesse de Savoie : « Il
y a une nature de filles et de femmes à Paris que l’on nomme Précieuses,
qui ont un jargon et des mines, avec un déhanchement merveilleux : l’on en
a fait une carte pour naviguer en leur pays 3. » C’est là la première
occurrence d’un tout nouveau mot apparu dans la langue française,
« précieuse ». La lettre de Sévigné indique également que la carte ébauchée
par Scudéry en novembre 1653, et dont les copies commencent à circuler, a
un succès retentissant en dehors du salon. La missive révèle aussi que
désormais, Scudéry et les femmes qui se réunissent chez elle ne sont plus à
l’abri de la critique. En effet, ces femmes « que l’on nomme précieuses »
sont décrites en des termes qui deviennent de plus en plus explicites, et
surtout bien plus péjoratifs.
Le premier volume de Clélie est probablement achevé peu après
avril 1654. À ce moment-là, le frère de Scudéry, craignant d’être arrêté à
tout instant en raison de son allégeance aux Condé pendant la Fronde, a
quitté Paris. Georges s’installe en Normandie où il se marie : ces décisions
ne sont pas sans influence sur la situation légale de Madeleine, ou encore
sur son statut littéraire. On ignore à quelle date exactement Scudéry et son
frère emménagent rue de Beauce, dont le nom allait devenir célèbre grâce à
sa nouvelle résidente. Le 4 juillet 1654, Georges de Scudéry signe un bail
pour y louer une maison. Le document ne fait pas mention de Madeleine,
bien que ce soit elle, plutôt que son frère, qui doive y habiter.
Au XVIIe siècle, peu de femmes vivent seules, même si elles sont
majeures ou financièrement indépendantes. Elles vivent plutôt chez leurs
parents, s’ils sont encore en vie, sinon chez un frère ou une sœur. Si elles
n’ont pas de parents proches, et ne disposent que de modestes ressources,
elles louent une chambre dans un couvent ou cherchent un poste de
gouvernante dans une famille aisée. En 1654, Madeleine de Scudéry prend
quelques libertés, et c’est le moins que l’on puisse dire : voilà une femme
qui paie son loyer avec son propre argent plutôt que celui de sa famille, et
qui habite seule dans une maison qui, de surcroît, n’est pas des moindres 4 !
Une porte cochère permet aux voitures et équipages d’accéder à la cour et
aux jardins intérieurs de la demeure. Le rez-de-chaussée accueille de vastes
cuisines et offices ; trois grandes salles de réception occupent le premier
étage, tandis qu’une chambre à coucher et deux cabinets se trouvent au
deuxième. La propriété est si grande que lorsqu’elle est détruite au
e
XIX siècle, elle est remplacée par quatre nouvelles maisons. Aujourd’hui,
l’ancienne demeure de Scudéry correspondrait aux bâtiments qui s’étendent
des numéros 8 à 14 de la rue de Beauce 5. À une époque où un maître artisan
avec plusieurs enfants aurait vécu dans un appartement de deux pièces,
celui de Scudéry aurait sufffi à héberger plusieurs familles. Pour une femme
seule, cela relevait de l’extravagance.
Dans l'« Histoire de Sapho », Scudéry imagine « le logement le plus
agréable du monde », qu’elle considère comme indispensable à son héroïne
pour rédiger son œuvre : « elle avait une anti-chambre, une chambre, et un
cabinet de plein pied qui regardaient sur la mer 6 ». Scudéry, surnommée
« Sapho » par tous ceux qui la côtoient, dispose elle aussi d’un espace de ce
genre — bien plus grand encore — dans la rue de Beauce. Sa chambre et le
cabinet dans lequel elle rédige ne donnent pas sur la mer, mais sur un jardin
où elle fait planter des arbres à ses propres frais, comme l’indique le contrat
de bail de 1654.
À la faveur de cet espace personnel, Scudéry garde le rythme effréné
qu’elle a maintenu tout au long de la rédaction d’Artamène. Un mois après
la condamnation à l’exil de la Grande Mademoiselle par Louis XIV,
Scudéry s’attèle sérieusement à son nouveau roman. Il est lui aussi publié
avec le nom de son frère en page de titre de tous les volumes. Cette fois,
l’œuvre est dédiée à la belle-fille de la duchesse de Longueville,
Mademoiselle de Longueville (1625-1707), future duchesse de Nemours.
Cette dernière deviendra auteur, et composera des mémoires de la Fronde,
publiés à titre posthume en 1709.
Plutôt que les exploits militaires d’un personnage masculin, Clélie
célèbre le courage exemplaire de son héroïne en temps de guerre. D’après
les sources antiques, respectées à la lettre par Scudéry pour relater les
exploits « extraordinaires » de cette « généreuse fille » dans le dernier
volume de son roman, la Romaine échappe à la captivité et aux troupes
étrusques lancées à ses trousses. Elle persuade alors un groupe de jeunes
Romaines, également prisonnières, de suivre son exemple et de rejoindre
l’autre rive du Tibre à la nage. Les Romains récompensent son courage par
un hommage encore jamais accordé à une femme : « Pour faire honneur à
Clélie, il fut résolu qu’on lui élèverait une statue équestre au haut de la rue
sacrée 7. » Scudéry célèbre quant à elle la témérité de son héroïne grâce au
superbe frontispice du volume, exécuté par François Chauveau, où la
fugitive est représentée en pleine fuite.
Tout comme dans l’« Histoire de Sapho », Clélie met en scène des
assemblées dirigées par des femmes, où les débats abordent des sujets
essentiels à leur statut juridique, social et intellectuel. Avec la Carte de
Tendre, on explore dès le premier volume un des thèmes essentiels du
roman, celui de l’accord entre l’amour et l’institution du mariage. Lorsque
les personnages de Scudéry songent à un possible engagement, c’est sans
faire mention d’une négociation quelconque entre les parents, comme si
l’union était avant tout affaire de sentiment, et qu’il revenait seulement aux
deux intéressés d’en décider. C’est ouvertement qu’ils discutent de leur
conception du bonheur, ou qu’ils essaient de déterminer les complications
possibles dues à la différence économique entre les deux familles. Il s’agit
pour eux de trancher : leur mariage sera-t-il viable, ou serait-il préférable
que les femmes ne se marient pas et prennent « la résolution d’être
libre 8 » ?
Les personnages de Scudéry illustrent un genre bien particulier de
femme, la femme savante, et posent la question de son statut social. Jusqu’à
quel point les femmes devraient-elles dévoiler leurs connaissances et leurs
talents pour l’écriture ? Leur érudition doit-elle être toujours dissimulée
sous un voile de modestie ? Est-il possible pour une femme d’« être savante
sans être ridicule » ? Comment trouver un juste milieu « entre les deux
extrémités », entre la « savante » et l’« ignorante » ? Surtout, comment est-
il possible pour une femme avec quelque ambition intellectuelle d’éviter
« qu’on puisse dire d’elle, c’est une femme savante », une appellation qui
est selon Sapho « un terrible nom 9 » ? Moins de trois ans plus tard, de telles
questions font pressentir une ère nouvelle pour les femmes auteurs.
En juin 1656, lorsque le quatrième volume de Clélie est mis en vente, la
demande est telle que Courbé est déjà en train d’imprimer une seconde
édition des volumes précédents. Les ventes considérables des œuvres de
Scudéry ne sont pas sans conséquence pour l’édition française : à dater de
1656, le genre romanesque occupe une place grandissante dans le marché
du livre parisien.
Le 10 juin 1656, les presses de Courbé achèvent d’imprimer une édition
posthume des œuvres complètes de Jean-François Sarasin, l’ancien
collaborateur de Scudéry, établie par son ami intime, Paul Pellisson. Gilles
Ménage, un éminent érudit, dédie l’ouvrage à Scudéry, qu’il salue comme
l’« un des principaux ornements de notre siècle, et la plus grande gloire de
[son] sexe » ; il loue également ses « rares connaissances » et son
« incomparable modestie » 10. Toutefois, cette modestie ne suffit plus à la
protéger de la critique.
Le 15 juin, cinq jours seulement après la parution du volume de Ménage
et Pellisson, l’assaut contre les femmes écrivains de Paris est donné.
L’auteur à l’origine de ce déferlement s’appelle Michel de Pure. Selon lui,
« les premiers beaux jours que la paix nous a donnés » (c’est-à-dire la fin de
la Fronde) voient la montée en pouvoir d’une femme d’un genre inédit. À
ses yeux, ce n’est pas un hasard si cette apparition coïncide avec la
rédaction de Clélie et de la Carte de Tendre. De Pure reprend le nom qui
avait été donné par le chevalier de Sévigné : une femme de ce genre
nouveau est qualifiée de précieuse. Il consacre alors quatre longs volumes à
une reconstitution prétendument fidèle des assemblées où se réunissent les
précieuses, et où chaque détail vise à donner d’elles l’image la plus ridicule.
Il ressort de ces ouvrages qu’en 1656 encore, le mot « précieuse » reste
inconnu de la majorité des Français. Les personnages tentent sans cesse de
formuler une définition de ce mot, qu’ils appellent alors « un mot à la
mode ». Les membres de cette « secte nouvelle », écrit de Pure, de ce
« monde féminin et précieux » sont « une production », « un animal d’une
espèce autant bizarre qu’inconnue », presque monstrueuse. « La précieuse
n’est point la fille de son père ni de sa mère : elle n’a ni l’un ni l’autre
[…] Elle n’est pas non plus l’ouvrage de la nature sensible et matérielle
[…] Elle est un extrait de l’esprit […] Comme la perle […] se forme dans
les coquilles, […] ainsi la précieuse se forme dans la ruelle 11. »
Tout vise à tourner en ridicule l’« empire de l’amour » créé par les
femmes dans ce qu’il renomme « le Marais des coquettes 12 ». De Pure
caricature en particulier le langage des précieuses. Dès la deuxième page, il
introduit l’adverbe « furieusement », qui sert encore de nos jours à parodier
les excès linguistiques de ces salons féminins. Il se moque également de la
Carte de Tendre, dont les dessins et surtout les thèmes évoqués sont utilisés
par de Pure pour critiquer les femmes du Marais. Elles sont perçues non
seulement comme de sombres idiotes et des prétentieuses, mais surtout
comme une véritable menace pour les institutions et les lois indispensables
au bon fonctionnement de leur pays. En France, conclut de Pure, « la liberté
des femmes […] est si grande dans tout le royaume, que les maris y sont
presque sans pouvoir 13 ».
Mais, curieusement, toutes les allusions de l’auteur à Scudéry ne sont
pas moqueuses. De Pure évoque en détail l’immense succès que connaissent
Artamène et Clélie, et voit même la preuve de leurs qualités littéraires dans
les traductions « que toutes les nations de l’Europe font en leurs langues ».
C’est de Pure qui divulgue que Scudéry est bien l’auteur des romans ; si elle
les a attribués à son frère, écrit-il, c’est uniquement par « modestie et
humilité ». C’est dans ce contexte qu’en 1656 un secret connu seulement
d’un petit cercle d’initiés parisiens se trouve exposé aux yeux de tous. De
Pure reconnaît lui-même que Scudéry ne souhaitait pas une telle publicité :
« elle déclare hautement que le tout vient de monsieur son frère 14 ». Mais le
mal était fait.
Exactement deux ans plus tard, en mai 1658, le quatrième et dernier
volume de la saga parodique de De Pure voit le jour. Au même moment,
afin de répondre à la demande de Clélie à l’étranger, Courbé a déjà conclu
un arrangement peu courant avec un Jean Blaeu, un libraire d’Amsterdam,
qui vient d’obtenir un privilège hollandais. À compter du cinquième volume
de Clélie (août 1658), deux éditions paraissent simultanément, l’une à Paris,
l’autre à Amsterdam, confirmant par là le succès sans précédent des romans
de Scudéry 15.
Dans le dernier volet de son œuvre, de Pure affirme que les précieuses
forment non seulement une menace pour la société française, mais aussi
pour la langue elle-même :

Pour s’établir en titre de savantes, les femmes se sont avisées […] de refuser
l’usage reçu en blâmant les formes communes […] Elles ont voulu imiter parmi elles
ces nobles et illustres assemblées […] où l’on rend si solennellement justice aux belles
pensées et bons mots. Et enfin elles ont inventé un nom de gloire […] Elles s’appellent
précieuses et […] tiennent des assemblées […] donnent leurs sentiments des ouvrages
16
d’autrui .

Scudéry et les membres de son salon se retrouvent ainsi accusées


d’avoir usurpé le rôle et les privilèges de l’Académie française.
Les plus grands intellectuels, tels que Sauval ou Vaugelas, avancent
l’idée selon laquelle les salons auraient constitué un modèle pour
l’Académie française. Ses membres fondateurs ont un immense respect
pour Scudéry : Conrart par exemple, mais aussi Chapelain, qui échafaude le
projet du premier dictionnaire de l’Académie. Ces témoins de première
main se retrouvent pourtant récusés par quelqu’un qui n’a pas accès à ce
cercle.
Scudéry semble avoir pris conscience dès 1653 de l’hostilité suscitée
par son salon. Dans le dernier volume d’Artamène, Sapho évoque une
« cabale envieuse » dont les membres répandent des rumeurs sur les sujets
qu’elle aborde avec ses amis 17. Mais c’est à partir du moment où de Pure
publie ses médisances sur les femmes du Marais que naît le mythe de la
« précieuse » et, à partir de 1658, il se propage à une vitesse surprenante et
en des termes de plus en plus farouches. Ceux qui ont assisté au succès des
femmes « fortes » et « généreuses » moins de vingt ans auparavant ne
pouvaient pas manquer d’en être frappés.
La querelle est alimentée avant tout par de Pure lui-même. Dans le
quatrième volume de La Précieuse, il fait de ces femmes d’un nouveau
genre, celles des lendemains de la Fronde, les héritières des femmes fortes
d’avant la guerre civile 18. Avec son roman Épigone, publié en juillet 1659,
la filiation devient de plus en plus claire, puisque les « prudes » et les
« coquettes » qu’étaient les précieuses sont désormais qualifiées de
« nouvelles Amazones ». La punition qu’il leur réserve est décrite avec des
détails sordides : « On lui ouvrirait le crâne de la tête, dont on arracherait la
cervelle […] on lui couperait la tête pour lui donner la mort 19. »
Durant les années 1660, les expressions se multiplient et rivalisent pour
désigner ces femmes : la femme savante, la nouvelle Amazone, la
précieuse… La dernière connaît un succès fulgurant ; après une légère
variation, elle devient la précieuse ridicule et se retrouve bientôt sur toutes
les bouches. Quatre mois seulement après la publication d’Épigone,
l’expression fait fureur, en même temps que la carrière d’un jeune homme
prend un tournant décisif ; il prend pour nom de scène Molière.
Le soir du 18 novembre 1659, le théâtre parisien du Petit-Bourbon
accueille la première d’une toute nouvelle comédie. Cette dernière allait
changer non seulement la vie de son auteur, mais aussi sceller le sort des
femmes auteurs du XVIIe siècle. Jusque-là, Molière, âgé de trente-six ans, et
dont la carrière parisienne a commencé juste un an auparavant, s’est illustré
en tant qu’acteur comique et auteur de farces non publiées. Il s’est
également essayé à des pièces plus sérieuses, sans grand succès. Mais cette
fois la fortune lui sourit : sa première pièce représentée à Paris, Les
Précieuses ridicules, se joue à guichet fermé. Le succès de cette comédie en
un seul acte est tel que certains pressentent le succès commercial d’une
version imprimée de la pièce. Jusqu’alors, Molière n’a jamais rien publié,
mais on va lui forcer la main.
Le 29 janvier 1660, le premier grand succès parisien de Molière est
aussi sa première œuvre à être imprimée. C’est également, dans l’histoire
du théâtre français, la première fois que l’on publie une pièce qui ne
comporte qu’un seul acte — qui plus est une farce. Plus étonnant encore,
Molière n’avait sûrement jamais eu l’intention de publier sa pièce.
Le privilège a été accordé le 12 janvier au libraire Jean Ribou, qui a tout
bonnement décidé de prendre de vitesse un auteur qui ne connaît pas encore
les procédures éditoriales. Molière n’est informé qu’après la parution. Il est
alors obligé de collaborer avec plusieurs éditeurs pour publier le plus vite
possible une version autorisée. Le 19 janvier, Guillaume de Luynes obtient
un second privilège, cette fois avec l’accord du dramaturge. Cette nouvelle
édition composée à toute vitesse contient une préface atypique, dans
laquelle Molière explique s’être résolu à cette publication après avoir pris
connaissance d’« une copie dérobée de [sa] pièce […] accompagnée d’un
privilège obtenu par surprise ». Il achève sa préface en déclinant toute
référence aux précieuses : « Les véritables précieuses auraient tort de se
piquer, lorsqu’on joue les ridicules qui les imitent mal. » Mais il semble que
la pièce rejette assez clairement la faute sur Scudéry. Les héroïnes de
Molière, Magdelon et Cathos, connaissent les œuvres de Scudéry par cœur
et citent Artamène et Clélie à tout va. À la fin de la comédie, alors que leur
oncle Gorgibus perd patience devant leur conduite, il s’exclame : « Et vous
qui êtes cause de leur folie […], pernicieux amusements des esprits oisifs,
romans […] puissiez-vous être à tous les diables ! »
Molière exploite une thématique connue de tous, mais il y ajoute des
détails comiques fort impertinents, comme le langage des deux
protagonistes, qui font le succès de la pièce. D’entrée de jeu, Magdelon et
Cathos babillent en utilisant les mêmes mots que de Pure prête à toutes les
précieuses. Elle répètent à tout propos, elles aussi, l’adjectif
« furieusement », et ont recours à des euphémismes que la pièce de Molière
rend célèbres, tels que « les commodités de la conversation ».
Janvier 1660 marque un tournant décisif dans la carrière de Molière.
Désormais, il supervise avec soin la publication de ses pièces. Si l’on ajoute
les représentations à leur version imprimée, Les Précieuses ridicules
constitue le succès le plus considérable que le théâtre parisien ait connu.
Jamais encore une pièce n’a créé un tel engouement, ou n’a été imprimée
alors qu’elle en est encore à ses premières représentations. Les comédiens
de la troupe de Molière voient leurs salaires doubler, voire plus. Il faut bien
sûr y voir la reconnaissance du génie comique de l’auteur, mais également
un témoignage de l’intense curiosité du public à l’égard des précieuses que
de Pure avait décrites et un désir unanimement partagé de rire à leurs
dépens.
Aussitôt, et dans le sillage de Molière, on n’hésite plus à se moquer de
Scudéry et des femmes qu’elle a inspirées. Celles qui fréquentent les salons
ne sont plus réputées pour la pureté et la correction de leur français. Elles
sont désormais perçues comme une menace pour la langue ; la décennie est
marquée par un véritable déchaînement de violence. Tirant parti du succès
de Molière, les auteurs alimentent la vague d’animosité à l’égard des
précieuses.
La première œuvre à rejoindre la mêlée est sans doute le Récit en prose
et en vers de la Farce des Précieuses. Ne portant pas d’achevé d’imprimer,
il est impossible de dater précisément sa parution, mais il semblerait qu’elle
ait été composée avant que la pièce de Molière ne soit publiée. C’est un
texte insolite, une sorte de restitution d’une représentation de la comédie de
Molière. L’auteur reconstruit sans doute la pièce de mémoire plutôt qu’à
partir du texte publié, car les citations sont plus qu’approximatives. On
attribue cet ouvrage anonyme à un autre nouveau talent littéraire, Marie-
Catherine Desjardins, qui connaîtra par la suite une longue et prolifique
carrière.
Mais aucun auteur ne tire plus profit de l’hostilité vis-à-vis des
précieuses qu’Antoine Baudeau de Somaize. Quelques jours après la
parution des Précieuses ridicules, le libraire Ribou se hâte d’imprimer Les
Véritables Précieuses de Somaize. Ribou dote même son édition d’un faux
achevé d’imprimer daté du 7 janvier pour donner l’impression que sa pièce
a été imprimée avant celle de Molière. Durant toute l’année 1660, Somaize
n’a de cesse de moquer la langue que les précieuses, selon lui, « parlent
véritablement ». En mars, il publie une adaptation de Molière, Les
Précieuses ridicules mises en vers ; en juillet, il repart à l’assaut avec Le
Procès des précieuses, une comédie qui met en scène Pancrace,
« professeur de langue précieuse », et Rodogine, « écolière qui vient
apprendre à parler précieux ». On y condamne les précieuses, accusées
d’être des « femmes pernicieuses, / Qui troublent le repos public, / Qui
causent dedans le trafic / Par des mots inintelligibles / Des révolutions
terribles 20 ».
Le 1er mars 1660 paraît le dernier volume de Clélie. En sept ans et demi
et quelque huit mille pages, Scudéry a chanté les exploits de l’héroïne
romaine, les plaisirs de la conversation, et l’intelligence féminine pour les
affaires de cœur. Elle vivra encore quarante ans, mais ne retentera pas
d’écrire une œuvre en plusieurs parties. Lorsque son ultime volume voit le
jour, l’heure est aux moqueries à l’égard de celles qui consacrent leurs
loisirs à la lecture, et le succès commercial des œuvres satiriques bat son
plein 21.
Naturellement, l’offensive ne faiblit pas après la parution de Clélie. En
mai 1660, la troupe de Molière monte La Vraie et Fausse précieuse de
Gabriel Gilbert, sixième pièce en sept mois à dénigrer et à railler les
femmes aux aspirations intellectuelles. En avril, Somaize avait publié Le
Grand Dictionnaire des Précieuses, un mince volume qui cherchait à
montrer que les phrases les plus risibles imaginées par Molière et autres
satiristes étaient bel et bien employées dans le quartier du Marais. À la
lettre S, on trouve pour première entrée le mot « sièges », défini comme
« les commodités de la conversation 22 ». Une deuxième édition augmentée
paraît la même année et, en juin 1661, Somaize enchaîne avec une version
plus longue encore. C’est dans ce dernier dictionnaire qu’il définit, le
premier, la précieuse comme une femme appartenant presque
systématiquement à la sphère littéraire. Le volume s’ouvre sur une brève
histoire des précieuses, où « ces sortes de femmes » sont dépeintes comme
une menace redoutable et grandissante :

Ces sortes de femmes appelées précieuses, après avoir été dans les ténèbres et
n’avoir jugé des vers et de la prose qu’en secret, commencèrent à le faire en
public […] Cette puissance qu’alors elles usurpèrent, s’est depuis augmentée et elles
ont porté si loin leur empire […] [qu’] elles ont voulu se mêler elles-mêmes à
écrire […] Et on les a vu faire un nouveau langage et donner à notre langue cent
façons de parler qui n’avaient point encore vu le jour.

L’auteur poursuit de façon plus péremptoire encore. Toutes les


« femmes d’esprit » sont-elles précieuses ? La réponse de Somaize est
univoque : ce sont les femmes « qui se mêlent d’écrire », qui donnent leur
avis sur les écrits d’autrui, qui lisent avant tout des romans, ou encore qui
inventent « des façons de parler bizarres par leur nouveauté » que l’on peut
qualifier de « précieuses » 23. Il recense ensuite sur plus de trois cents pages
toutes celles qu’il considère comme des précieuses. Elles vivent pour la
plupart dans le Marais et, selon lui, la grande majorité est « vieille »,
signifiant par là qu’elles ont au moins quarante ans et souvent cinquante.
L’édition de 1661 du Grand Dictionnaire marque en réalité le coup de grâce
de Somaize et de la frénésie contres les précieuses. L’hostilité déployée
contre les précieuses disparaît aussi vite qu’elle a commencé. Rapidement,
les railleries à l’encontre des salons féminins n’ont plus grand intérêt.
Sept ans après la première utilisation de l’adjectif comme un nom
commun pour faire référence aux habitantes du Marais, le mot « précieuse »
a fait tant de bruit que sa définition comme son histoire sont devenus
complexes. La caractéristique qui semble la mieux partagée est le ridicule
de leurs maniérismes langagiers. Dans l’ensemble, aux yeux des critiques,
le plus grand crime de « ces sortes de femmes » a été d’encourager le
succès d’un genre littéraire devenu capital dans la tradition littéraire
française, à savoir le roman — et ce précisément au moment où les
précieuses font la une.
Leurs premiers détracteurs ne se donnent jamais la peine d’expliquer ce
qu’une affinité pour ce genre littéraire a de particulièrement transgressif. Ils
se contentent de répandre l’idée que beaucoup de « ces sortes de femmes »
produisent des romans à profusion au cœur du Marais, alors qu’en 1661
Madeleine de Scudéry est en réalité la seule romancière française
d’importance.
Une telle déclaration quant à la présence des femmes sur la scène
littéraire française n’est qu’une des nombreuses visions erronées des
précieuses. Un premier exemple est celui de l’origine du mot « précieuse ».
À la fin du siècle paraissent les premiers grands dictionnaires de la langue
française. Furetière, le plus tolérant des lexicographes, propose la définition
suivante : « Précieuse est une épithète qu’on a donnée ci-devant à des filles
de grand mérite et de grande vertu qui savaient bien le monde et la langue :
mais parce que d’autres ont affecté et outré leurs manières, cela a décrié le
mot, et on les a appelées fausses précieuses ou précieuses ridicules dont
Molière a fait une comédie, de Pure un roman. » Richelet affirme lui aussi
que « précieuse » peut désigner « celle qui raffine sur le langage, celle qui
raffine son langage, qui sait quelque chose », mais il admet que « cet usage
est assez rare ». Pour autant, aucun des deux ne cite d’exemple
« favorable ». Quant au dictionnaire officiel de l’Académie française, il ne
mentionne même pas cette acception : « Femme qui est affectée dans son
air, dans ses manières, et principalement dans son langage […] il n’est rien
de plus incommode qu’une Précieuse. » Aucun exemple dans lequel le mot
apparaît sous une lumière favorable n’a survécu. Enfin, aucune preuve que
les femmes qui fréquentent les salons se qualifient elles-mêmes de
« précieuses », ou qu’elles prennent cela comme un compliment.
Il aura suffi d’une pièce en un acte, que Molière ne prend d’abord pas
au sérieux, et d’une poignée d’œuvres vite tombées dans l’oubli pour que la
réalité des femmes de lettres du Marais soit complètement déformée.
Rien ne prouve non plus que les femmes qualifiées de précieuses aient
jamais usé du langage qu’on leur prête, ou qu’elles se soient évertuées à
créer tous les termes que les satiristes mettent dans la bouche de leurs
personnages. Pour reprendre les mots de Roger Lathuillère, à qui l’on doit
une étude particulièrement attentive de la question, « la moisson est bien
faible 24 ».
Une des conséquences les plus regrettables de ce genre de déformation
est peut-être la disparition de tous les aspects qui se retrouvent occultés.
Aujourd’hui, on ne saurait prendre la pleine mesure du potentiel subversif
de ces assemblées et des convictions partagées par les femmes qui y
participaient, notamment sur la question du mariage.
Comme Carolyn Lougee l’a montré, les femmes qui fréquentent les
salons parisiens dans les années 1650 constituent une force motrice du
changement de la société française. Elles défendent une réforme radicale de
la hiérarchie sociale, où la place de chacun ne serait plus déterminée par la
naissance, mais par le mérite. Les titres de noblesse obtenus grâce à l’achat
de charges et de domaines ont plus de valeur à leurs yeux que ceux qui sont
simplement transmis par héritage, et l’on prône la fortune personnelle. En
théorie comme en pratique, ces femmes du XVIIe siècle encouragent des
mariages qui sont tenus à l’époque pour de claires mésalliances, notamment
entre des individus de rang et de fortune très différents. Les salons
défendent aussi le droit des femmes à ne pas se marier si tel est leur choix 25.
Les figures féminines les plus éminentes de ces salons, y compris la
quasi-totalité du cercle rapproché de Scudéry, appartiennent à des familles
qui sont alors sur le point de bouleverser la stucture sociale du pays. Ce sont
des familles de financiers qui emploient leur fortune à leur ascension
sociale. Dans leur vie personnelle, ces femmes mettent parfois en pratique
les alliances prétendument incompatibles qu’elles prônent. Certaines
d’entre elles choisissent aussi de ne pas se marier. C’est là un privilège que
seule la situation économique de leur famille rend possible.
C’est par exemple le cas d’Angélique Robineau, une des amies les plus
chères de Scudéry tout au long de sa carrière littéraire. Elle réside toute sa
vie dans le Marais, à quelques minutes seulement de Madeleine de Scudéry.
Son histoire personnelle est à la fois tout à fait exceptionnelle pour l’époque
et représentative des valeurs défendues par l’auteur et son entourage. Fille
et sœur de financiers et de fermiers généraux extrêmement fortunés, elle
représente un parti des plus séduisants. Mais, comme sa sœur Marie,
Angélique a pour le mariage une aversion aussi farouche que la Sapho de
Scudéry. Elle refuse de nombreuses propositions. C’est seulement après la
mort de Marie en mars 1674 que, presque sexagénaire, elle accepte
finalement de se marier. Son union en avril 1675 avec le financier Étienne
Laugeois, sieur de La Vannière, est probablement un mariage d’amour, il est
en tout cas sûrement fondé sur une certaine compatibilité intellectuelle 26.
L’inventaire de la vaste bibliothèque de Laugeois révèle un homme très
cultivé, chérissant les beaux livres et capable de lire sur n’importe quel sujet
en cinq langues différentes.
Que des femmes refusent de se marier et décident de ne pas avoir
d’enfants ou, si elles se marient, optent pour des alliances contraires aux
vues de leurs familles, voilà ce qui aurait dû être l’aspect le plus subversif
de ces salons et de leurs participantes. Pourtant, sous l’effet de leurs
détracteurs, la postérité a choisi de retenir de ces femmes l’image de
créatures insignifiantes, plutôt que celle de penseuses radicales.
On ne peut dater avec exactitude les débuts des samedis de Scudéry
dans sa maison de la rue de Beauce. Le 26 mai 1660, au plus fort de la
tempête qui s’abat sur les précieuses, le bail de location de la demeure est
renouvelé. Mais, cette fois, Madeleine de Scudéry n’est pas obligée de se
cacher derrière le nom de son frère, et c’est sa propre signature qui figure
sur le document. Le contrat suit de peu le dernier volume de Clélie, paru en
mars, et marque ainsi les débuts de sa nouvelle vie juridique. Il témoigne de
l’assurance et des retombées financières entraînées par le succès de son
roman. L’aspect financier est indispensable à la signature de ce contrat,
puisque depuis 1654 les loyers ont presque doublé. À près de 500 livres par
an, la demeure compte parmi les loyers les plus élevés de la capitale 27.
Le renouvellement du contrat de location est nécessaire à Scudéry, qui
compte entamer de coûteux travaux pour réaménager entièrement la
propriété. Elle entend payer elle-même ces travaux afin de pouvoir recevoir
ses invités dans l’espace le plus agréable possible. Le plus grand
changement est celui de la grande salle, que l’on appellerait de nos jours le
salon, c’est-à-dire la principale pièce du premier étage destinée à recevoir.
Scudéry a alors besoin de l’autorisation du propriétaire pour remplacer le
sol en carreaux de terre cuite par du parquet. En 1660, les planchers de bois
sont encore une nouveauté en France ; ils sont seulement utilisés dans les
châteaux royaux. Scudéry demande la permission de « faire plancher d’ais
de sapin » le sol de la grande salle. Son salon est au goût du jour en termes
d’architecture intérieure.
D’après certains, en 1660, les samedis touchent à leur fin. Cette position
est démentie par le témoignage de Pierre Taisand, daté de 1673. Comme
beaucoup, l’avocat au parlement de Dijon voit en la possibilité d’être reçu
chez Scudéry comme une occasion à ne pas manquer. D’après Taisand,
Scudéry et ses invités se réunissent « tantôt dans la chambre [la grande
salle] et tantôt dans son jardin, où il y avait entre autres un assez grand
nombre d’acacias qui étaient alors assez nouveaux en France 28 ».
Dans les années 1680, Scudéry se signale par la création d’un genre
inédit. Les recueils de « conversations », comme elle les nomme, sont des
dialogues dans la veine d’une réunion de salon, où les personnages
débattent de sujets littéraires et philosophiques 29. Mais en 1694, peu après
la parution du dernier volume de la série, les attaques reprennent de plus
belle. Cette fois, le satiriste Nicolas Boileau ne cherche pas à cacher que
Scudéry est bel et bien la cible.
Au début des années 1660, alors que le succès de Scudéry est à son
apogée (Clélie est toujours réimprimé en 1662) et que la controverse sur les
précieuses se fait encore sentir, Boileau aurait composé une satire qui devait
devenir le dixième volume de la collection, affirme-t-il plus tard. Mais en
1666, quand paraît Satires du sieur D*** [Despréaux], la Satire X n’y
figure pas. C’est seulement le 4 mars 1694 qu’est publié le texte connu sous
le nom « Contre les femmes », intitulé « Dialogue ou Satire X du Sieur
D*** ».
Un exemplaire finit rapidement entre les mains de Scudéry. Le 6 mars,
dans une lettre à son ami abbé et bibliophile Jean-Baptiste Boisot, elle note
que Boileau « donne un coup de griffe, selon sa coutume, à Clélie, sans
raison et sans nécessité. Mais je suis accoutumée à mépriser ce qu’il dit
contre ce livre, et je n’y répondrai pas. Un livre qui a été traduit en italien,
en anglais, en allemand et en arabe, n’a que faire des louanges d’un
satirique de profession 30. »
La réaction de Scudéry paraît pour le moins mesurée au vu de la charge
de Boileau. Son poème, adressé à un jeune homme sur le point de se marier,
l’avertit sans équivoque que sa femme se rendra vite coupable de la
conduite supposément conseillée par Clélie à ses lectrices : « D’abord tu la
verras, ainsi que dans Clélie, / Recevant ses amants sous le doux nom
d’amis. » Et elle ne s’en tiendra pas là : « Dans le crime il suffit qu’une fois
on débute, / Une chute toujours attire une autre chute. » La réputation du
mari et sa fortune se trouvent bientôt ruinées : « C’est ainsi que souvent par
une forcenée, / Une triste famille à l’hôpital traînée, / Voit ses biens en
décret sur tous les murs écrits, / De sa déroute illustre effrayer tout
Paris 31. » C’est là prêter bien des maux à l’influence d’un seul roman, mais
ces accusations ne sont rien par rapport à la virulence des propos contenus
dans un second écrit, Dialogue des héros de roman. Cette fois encore,
Boileau affirme avoir rédigé l’œuvre au milieu des années 1660.
Cette seconde offensive paraît d’abord dans un mélange de textes publié
en Hollande en 1688 sous le titre Le Retour des pièces curieuses, édition
que Boileau renie. Scudéry n’y fera jamais allusion, encore qu’on l’imagine
mal ne pas avoir été informée du message de son auteur, ne serait-ce que
parce qu’il a donné, avant cette publication, une série de lectures publiques
de son dialogue à Paris. Quand elle paraît en 1713 en édition posthume,
l’œuvre comporte une préface dans laquelle Boileau se dit convaincu qu’un
spectateur de l’une de ces lectures publiques a pris des notes sur lesquelles
se fonde l’édition de 1688 32. Il explique également n’avoir jamais autorisé
la publication du dialogue du vivant de Scudéry, « ne voulant pas donner ce
chagrin à une fille, qui après tout avait beaucoup de mérite, et qui, s’il en
faut croire tous ceux qui l’ont connue, nonobstant la mauvaise morale
enseignée dans ses romans, avait encore plus de probité et d’honneur que
d’esprit ». Boileau identifie la fille en question comme « Mademoiselle de
Scudéry, sœur de l’auteur du même nom ». Il précise ensuite qu’elle n’est
pas auteur, à la différence de son frère, mais simple « compositeur de
roman ».
Ses héros, écrit Boileau, n’ont de remarquable que le fait d’être
« amoureux » : « N’est-ce pas l’amour qui fait aujourd’hui la vertu
héroïque ? » Le dialogue se déroule dans l’au-delà. Il se conclut par une
déclaration de Pluton qui décrète que « les monceaux de ridicule papier »
sur lesquels sont imprimées les histoires d’Artamène et de Clélie doivent
être jetés dans les eaux les plus profondes du « fleuve de l’oubli », afin de
débarasser le monde de la morale « très vitieuse » qu’ils prônent 33.
Boileau accuse ainsi un simple roman, Clélie, de tous les maux : la
corruption de la littérature française, le dévergondage des femmes, la perte
de l’honneur des hommes, la décadence dans laquelle est tombée la société,
et même la ruine financière qui menace les meilleures familles.
Au moment où Boileau lance l’assaut contre Scudéry, un autre critique
commente le genre romanesque que Boileau associait automatiquement à
Scudéry. Mais leurs positions diffèrent du tout au tout.
Le Traité de l’origine des romans de Pierre Daniel Huet paraît à la fin
de l’année 1669 : son auteur a visiblement eu accès aux condamnations
faites par Boileau. Son éloge du genre romanesque et de la contribution des
auteurs français à son développement prend systématiquement le contre-
pied des accusations de Boileau. Loin d’être « périlleux », soutient Huet, les
meilleurs romans français peuvent avoir un rôle éducatif essentiel : « Rien
ne dérouille tant l’esprit, ne sert tant à le façonner et le rendre propre au
monde, que la lecture de bons romans. Ce sont des précepteurs muets, qui
succèdent à ceux du collège, et qui apprennent à parler et à vivre d’une
méthode bien plus instructive et bien plus persuasive que la leur. » Les bons
romans, conclut-il, enseignent « la morale plus fortement et mieux que les
philosophes les plus habiles ».
Huet clôt son traité par un hommage à Scudéry : non seulement il la
présente comme un auteur à part entière pour la première fois dans une
œuvre imprimée, mais encore il fait apparaître son nom. Scudéry, explique-
t-il, « avait mis au jour [de beaux romans] sous un nom emprunté, se
privant si généreusement de la gloire qui lui était due, et ne cherchant la
récompense que dans sa vertu […] Mais enfin le temps lui a rendu la justice
qu’elle s’était refusée, et nous a appris que l’Illustre Bassa, le Grand Cyrus
et Clélie sont les ouvrages de Mademoiselle de Scudéry 34. » La mort de
Georges de Scudéry en 1667 aurait-elle enfin permis cet aveu public ?
Après le scandale des précieuses, le désaccord entre Huet et Boileau
reflète clairement les positions antagonistes au sujet du prestige intellectuel
des femmes. On trouve d’une part le point de vue de l’académicien Charles
Cotin, qui ne manque jamais une occasion de se moquer du langage de
celles qu’il appelle « nos précieuses » et se demande si quelqu’un aura un
jour « la charité de leur apprendre le bel usage de la langue » 35. D’autre
part, l’opinion de Marguerite Buffet dans ses Nouvelles Observations sur la
langue française est étonnamment proche des propos de Vaugelas en 1647 :
les femmes sont les meilleurs juges du « bon usage ». Buffet soutient
également qu’aucune femme ne maîtrise mieux le « bel usage » que
Scudéry : « Tous ceux qui savent parler et écrire en français lui ont donné
une estime si universelle qu’ils la prennent pour un modèle achevé de bien
parler et de bien écrire 36. »
L’aspect le plus déconcertant du Dialogue des héros de roman de
Boileau est peut-être sa conclusion selon laquelle les romans, qu’il
condamne avec tant de véhémence, appartiennent déjà au passé :
« Maintenant que les voilà tombés dans l’oubli et qu’on ne les lit presque
plus… », déclare l’un des protagonistes 37. Or, dans les faits, tout porte à
croire le contraire.
Clélie fait l’objet d’autant de traductions qu’Artamène, et celles-ci
parviennent de plus en plus rapidement aux lecteurs étrangers. La traduction
anglaise d’Humphrey Moseley et de Thomas Dring commence à paraître en
1655 et s’achève en 1661. Durant tout le XVIIIe siècle, les deux longs romans
de Scudéry demeurent incontournables pour le vaste public anglophone. Et
pour preuve, en 1800, le héros d’un des premiers romans américains
importants est partagé entre deux femmes. L’une d’entre elles s’appelle
Clélie : c’est que plus de cent cinquante ans après sa publication, le roman
de Scudéry trouve toujours un écho parmi des lecteurs bien loin des côtes
françaises 38.
Quant au public français, un seul exemple suffit à montrer que les
certitudes de Boileau n’étaient qu’illusions. « Il passait ses journées penché
sur une carte de la forêt de Compiègne comme si ç’avait été la carte du
Tendre » : plus de deux cents ans après les propos de Boileau, on voit bien
que pour Swann, qui attend Odette dans d’atroces souffrances, Clélie est
loin d’être « tombé[e] dans l’oubli ».
En dépit de toutes ces attaques, Scudéry voit sa notoriété récompensée
par des gratifications qui saluent sa contribution au prestige de la France.
Christine de Suède en 1662, puis Mazarin en 1665, et enfin Louis XIV en
1683 lui accordent des pensions. Les 2 000 livres qu’elle reçoit du roi
représentent l’équivalent de la somme versée à Corneille, et le double de
celle consentie à Molière. Scudéry est la seule femme auteur du XVIIe siècle
à bénéficier de cette forme hautement convoitée de reconnaissance royale.
Le 18 août 1671, Scudéry reçoit le plus prestigieux des prix qui pouvait
lui être attribué. L’Académie française, pour la première fois de son
histoire, décerne un prix, celui de l’éloquence, au Discours de la gloire de
Scudéry, sans doute son œuvre la plus philosophique. La définition de la
gloire donnée dans ce texte est peut-être une réponse aux critiques qui l’ont
privée d’un prestige dont elle bénéficie à l’étranger. La véritable gloire,
affirme-t-elle, n’est pas seulement accordée par les autorités officielles. La
réussite se trouve dans le sujet lui-même, dans la conviction personnelle
qu’il a d’avoir accompli de grandes choses, dans la satisfaction qu’il en
retire. « La gloire […] consiste, si je ne me trompe, à se voir également
accompli en soi-même et en l’opinion d’autrui 39. »
Scudéry meurt en juin 1701 à l’âge de 94 ans, une longévité
exceptionnelle pour l’époque. L’inventaire de ses biens montre qu’il a été
possible pour cette femme auteur non mariée de vivre dans le plus grand
confort toute sa vie. Elle lègue à ses domestiques de quoi subvenir à leurs
besoins. Elle ne laisse aucune dette, mais pour plus de 2 000 livres de biens,
un héritage qui n’a rien à envier à celui des marchands et des maîtres
artisans les mieux lotis. À l’intérieur de sa demeure, des dizaines de
tableaux recouvrent les murs. Parmi eux se trouve un « grand portrait » de
Cléopâtre, à qui elle a donné la parole dans Les Femmes illustres 40.
Les prétendus dangers de la préciosité, dont Scudéry était tenue
coupable, auraient difficilement pu avoir des répercussions significatives
sur l’ensemble de la société française. Des estimations récentes suggèrent
que cent cinquante femmes, tout au plus, peuvent être liées avec certitude à
ce que l’on a souvent appelé, au XVIIe siècle, la « cabale » des précieuses.
On voit mal les quelques dizaines d’entre elles qui habitent au Marais
entraîner la société au bord de l’abîme, comme le prétendait Boileau 41. Les
détracteurs de Scudéry n’ont toutefois pas réussi à identifier son legs le plus
durable. Ce qu’elle laisse à la postérité, c’est la volonté et l’ambition qu’elle
donne aux femmes de « s’ériger en écrivaine[s] ».
Les années 1660 voient apparaître les premiers signes d’une
augmentation considérable du nombre de femmes auteurs, qui deviennent
une réalité à la fin du siècle. À partir de 1670, les contours de ce
phénomène se précisent ; dans les années 1680, la France a pour la première
fois une véritable tradition littéraire féminine. Les femmes publient
activement dans tous les genres littéraires, mais s’illustrent surtout dans
celui du roman, devenu leur terrain privilégié grâce à Scudéry.
Les émules de Scudéry n’oublient pas son exemple. Il n’existe pas
d’hommages plus émouvants que ceux composés par un auteur de premier
plan au tournant du XVIIIe siècle, Marie-Jeanne L’Héritier. Le premier paraît
en 1694, peu de temps après la violente condamnation des femmes, en
particulier celle de Scudéry, par Boileau dans sa dixième satire. Au cours du
mois précédant la publication de « Contre les femmes » meurt la principale
femme poète du XVIIe siècle, Antoinette du Ligier de la Garde, dame
Deshoulières (1638-1694). Dans Le Triomphe de madame Deshoulières,
L’Héritier imagine une scène sur le mont Parnasse : Apollon accueille
Deshoulières en lui décernant le titre de dixième muse.
L’Héritier ouvre son hommage à Scudéry en souhaitant que les talents
de l’auteur « dans tous les temps soient honorés ». Elle répond également à
Boileau, « un misanthrope » nommé « D. », « l’ennemi irréconciliable des
femmes » : « En vain son esprit dur, satirique, malin sur [les femmes] verse
un affreux venin », « C’est en vain contre vous qu’il se déchaîne et
gronde » 42.
L’Héritier publie son deuxième hommage en 1702, peu après la mort de
Scudéry. Dans L’Apothéose de Mademoiselle de Scudéry, elle imagine une
autre scène dans l’au-delà, qui vise plus clairement encore à exonérer
Scudéry des accusations de Boileau. Apollon a désigné Anacréon et Ovide
pour accueillir Scudéry et la conduire au Temple de la Mémoire, où elle est
reçue en grande pompe par un cortège de poètes grecs, Homère en tête. Les
poètes les plus estimés de l’Antiquité unissent leurs voix pour célébrer
« son beau roman de Clélie » et son « éloge des femmes illustres » 43.
L’Héritier n’aurait pas pu imaginer meilleur moyen de congédier Boileau, le
« satirique de profession » que Scudéry a rayé d’un trait de plume.
Des textes de ce genre, où L’Héritier vise à saluer les contributions de
ses devancières en littérature, telles que Deshoulières et Scudéry, apportent
la preuve indubitable de l’existence d’une tradition littéraire féminine dans
le Paris du XVIIe siècle.
Chapitre IV
NOUVEAUX COMMENCEMENTS

Le 25 janvier 1661, dix mois après le dernier volume de Clélie, paraît


chez Augustin Courbé, le fidèle éditeur de Scudéry, Célinte, nouvelle
première. Tout est dit dans le sous-titre de l’œuvre : Scudéry rompt avec le
genre romanesque qui l’a rendue célèbre 1. Célinte est une « nouvelle
première » dans tous les sens du terme, c’est bien le premier exemple d’un
type de fiction qui allait se développer en France dans les décennies
suivantes.
Cette année-là, la nouvelle en tant que forme littéraire est à un tournant
décisif de son histoire. D’abord utilisé au XIVe siècle pour l’œuvre de
Boccace, le mot est réintroduit au XVIe siècle par des auteurs tels que
Cervantès et Marguerite de Navarre. Il est ensuite repris en France par
Montpensier et Jean Renault de Segrais pour les Nouvelles françaises
(1656-1657). Chaque fois, il s’agit de courtes histoires reliées entre elles par
un fil narratif principal. Mais Scudéry se fait une autre idée de la nouvelle.
Célinte s’ouvre sur une scène cadrée avec précision : « Trois ou quatre
jours après la magnifique entrée de la Reine, je fus me promener au bois de
Vincennes. » Cette nouvelle s’annonce donc comme un témoignage à la
première personne d’événements récents, qui ont eu lieu le 29 ou 30 août
1660, et qui sont relatés dans un ouvrage publié cinq mois plus tard. La
nouvelle se situe seulement quelques jours après l’événement décrit dans
ses premières pages, à savoir « l’entrée triomphante » de Louis XIV et de sa
nouvelle épouse, la reine Marie-Thérèse. Cette entrée en matière expose
clairement ce que Scudéry entend par le mot « nouvelle ». Trente ans plus
tard, comme l’atteste le dictionnaire de Furetière, cette acception est entrée
dans l’usage. Dans la dernière décennie du siècle, « nouvelle » désigne à la
fois les derniers événements que l’on apprend par la presse (« le peuple est
fort curieux des nouvelles, des nouvelles de la gazette »), et le genre
d’histoire qui se situe entre les dernières anecdotes et le court récit de
fiction : « nouvelle est aussi une histoire agréable et intriguée, ou un conte
plaisant un peu étendu, soit qu’elle soit feinte, ou véritable ».
Le prologue de Célinte, qui consacre une cinquantaine de pages à
l’arrivée à Paris de la nouvelle reine de France — « cette magnifique
pompe, qui arrêta si agréablement les yeux de tant de millions de
personnes […] huit heures durant » — est comparable à ce qui paraît alors
dans la presse pour fêter les différents événements du règne de Louis XIV.
La narratrice de Scudéry semble ainsi appartenir à une toute nouvelle
catégorie à l’époque, que l’on appelle aujourd’hui journalistes, celle des
« nouvellistes » : « Qui est curieux de savoir et de débiter des nouvelles »,
d’après la définition de l’Académie française de 1694.
La nouvelle formule romanesque de Scudéry marque un tournant
radical, en particulier en raison de la brièveté de Célinte (un peu moins de
quatre cents pages, soit moitié moins qu’un seul volume de Clélie). Alors
que Clélie, une « histoire » comme le précise Scudéry, a lieu dans le monde
antique, Célinte est résolument moderne : on quitte la Rome du Ve siècle
avant J.-C. pour le Paris du XVIIe siècle. Après le prologue, lorsque
commence la nouvelle, la narratrice note d’emblée que « selon toutes les
apparences, cette aventure est arrivée en notre siècle et dans une des plus
belles cours d’Europe ». Le récit est une histoire d’amour moderne mettant
en scène des héros et des héroïnes ordinaires plutôt que des figures antiques
aux nombreux exploits 2.
L’année 1661 est aussi un tournant pour d’autres femmes auteurs.
Quinze jours seulement avant la parution de Célinte, Marie-Catherine
Desjardins (1640 ?-1683), qui allait devenir après Scudéry la romancière la
plus prolifique du siècle, publie Alcidamie. Pour son premier roman, la
jeune femme de vingt ans opte pour un style résolument traditionnel.
L’œuvre ne laisse en rien présager de l’audace avec laquelle son auteur
repoussera plus tard les limites du genre. L’aspect le plus remarquable
d’Alcidamie tient plutôt à son auteur. Bien que célibataire, elle vit seule à
Paris, « sous sa bonne foi » pour reprendre les mots d’un contemporain, et
elle reconnaît publiquement être l’auteur du texte. Le « Par Mademoiselle
Desjardins » en page de titre marque le premier refus d’anonymat par une
romancière du XVIIe siècle 3.
Alcidamie se déroule sur les mêmes terres méditerranéennes que celles
du roman grec, un décor amplement exploité par les romanciers plus tôt
dans le siècle 4. La mise en page reste elle aussi traditionnelle. Le premier
paragraphe de l’œuvre s’étend sur cinquante et une pages ; idem dans le
second volume avec quatre-vingt-une pages : c’est là ce que l’on trouverait
dans Artamène ou Clélie. Par contraste, Célinte affiche un premier signe de
modernité typographique : son premier paragraphe s’achève au bout de
vingt pages seulement, et le deuxième ne dure pas plus de quinze pages.
Deux mois après la fin de Clélie, l’une des grandes Amazones de la
Fronde, la duchesse de Montpensier, se trouve à Saint-Jean-de-Luz. Avec le
reste de la Cour, elle attend la célébration du mariage de Louis XIV et de
Marie-Thérèse. Montpensier n’est rappelée à la Cour qu’en 1657 — avant
cela, et suite à la Fronde, elle passe ses années d’exil dans son château de
Saint-Fargeau, où elle fait ses débuts en littérature.
Parmi sa suite en exil se trouvait Segrais, qui deviendra essentiel à ses
nouveaux travaux littéraires, par exemple avec Les Nouvelles françaises, ou
les Divertissements de la princesse Aurélie. L’édition originale de 1656 est
anonyme mais contient une préface de Segrais. Bien que l’on considère
souvent ce dernier comme le seul auteur de l’œuvre, Montpensier — la
princesse Aurélie du titre — participe activement à la création des
Nouvelles françaises. Son rôle devient de plus en plus important par la suite
dans les collaborations littéraires pendant son exil, à commencer par les
volumes de portraits qui voient le jour en 1659. La page de titre indique
d’abord « dédié à son altesse Royale, Mademoiselle » ; l’édition de 1663 est
rebaptisée La Galerie des portraits de Mademoiselle de Montpensier.
Le recueil initial, Divers portraits, une publication privée avec l’aide de
Huet pour une diffusion de soixante exemplaires seulement, contient
cinquante-neuf portraits, dont cinquante-sept sont signés. Parmis ces
derniers, quarante-deux sont exécutés par une femme, et quarante et un
dépeignent une figure féminine. Cet attrait pour une connaissance intime de
ceux et celles qui apparaissent dans le volume peut être vu comme un des
premiers signes de la profondeur psychologique des personnages qui se
développe dans la fiction française au cours du siècle. Cette tendance ne
pourrait être plus explicite que dans le portrait le plus saississant du recueil.
Le Portrait de Madame la Marquise de Sévigné, fait par Madame la
Comtesse de Lafayette, sous le nom d’un Inconnu est la première
publication de celle qui allait écrire un des plus célèbres romans de la
tradition littéraire française. La singularité de son écriture se révèle déjà
dans une narration à la troisième personne et le narrateur anonyme qu’elle
choisit. Les premiers écrits de Lafayette portent en germe toute l’originalité
de sa production, puisqu’elle justifie le point de vue adopté par son souci
d’honnêteté : « Tous ceux qui se mêlent de peindre les belles, se tuent de les
embellir pour leur plaire et n’oseraient leur dire un seul de leurs défauts ;
mais pour moi, Madame, grâce au privilège d’Inconnu que je suis auprès de
vous, je m’en vais vous peindre bien hardiment, et vous dire toutes vos
vérités 5. » Ce portrait « sous le nom d’un Inconnu » est le seul texte publié
de son vivant à être ouvertement revendiqué par Lafayette.
Une nouvelle collection parue en janvier 1659, Recueil des portraits et
éloges en vers et en prose, est la première à être destinée à une circulation
publique. Le volume est presque trois fois plus épais et compte cent cinq
portraits, dont seulement vingt et un apparaissaient déjà dans Divers
portraits 6. À la différence de la compilation antérieure, le Recueil propose
également des autoportraits, dont celui d’une femme qui connaît elle aussi
ses débuts littéraires.
Dans « Portrait de Mademoiselle Desjardins, fait par elle-même », la
future romancière annonce son intention de « faire un portrait qui fasse
connaître l’intérieur et l’extérieur de ma personne ». Après une description
détaillée et sans fard de son visage et de son physique, Desjardins conclut :
« De tout cela il résulte que je ne suis pas une fort belle fille, mais qu’aussi
je ne fais pas peur. » Le portrait de caractère qui s’ensuit semble faire
preuve de la même sincérité : « j’ai une compassion si grande pour les
malheureux, que très souvent la pitié qu’ils me causent me met de leur
nombre » — et ne dissimule pas ses défauts : « au reste, je pourrais passer
pour une fort bonne personne, si j’avais un peu plus d’indulgence pour
certaines gens 7 ».
En mai 1660, la femme qui s’était montrée capable des plus grands
exploits militaires durant la Fronde montre combien son exil a changé sa
philosophie. Mademoiselle ouvre ses mémoires par un constat essentiel
quant à sa nouvelle personne :

J’ai autrefois eu grande peine à concevoir de quoi l’esprit d’une personne,


accoutumée à la cour et née pour [y] être avec le rang que ma naissance m’y donne, se
pouvait entretenir, lorsqu’elle se trouvait réduite à demeurer à la campagne […]
Cependant, depuis que je suis retirée chez moi, j’éprouve avec douceur que le souvenir
de tout ce qui s’est passé dans la vie occupe assez agréablement […] L’on y trouve le
8
loisir nécessaire pour le mettre par écrit .

Lorsqu’elle reprend sa place à la Cour, Montpensier, dont on attend


qu’elle joue son rôle dans les cérémonies qui accompagnent le mariage de
Louis XIV, a tellement pris goût à l’écriture qu’elle entreprend une
correspondance avec une amie qui s’était elle aussi rendue à Saint-Jean-de-
Luz, Françoise Bertaut, dame de Motteville (1621 ?-1689). Comme
Montpensier, Motteville a été témoin de la Fronde, lorsqu’elle était
confidente d’Anne d’Autriche. Comme elle aussi, Motteville laisse un
témoignage des événements, bien que le sien soit de perspective royaliste :
Mémoires pour servir à l’histoire d’Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII,
initialement publié à Amsterdam, et en 1723 seulement.
Le 14 mai 1660, Mademoiselle compose la première lettre d’une série
de huit que les deux femmes allaient échanger quinze mois durant.
Ensemble, les deux femmes imaginent une version alternative de la Cour de
France, dans laquelle le règne féminin serait absolu, et qui aurait pour nom
« notre célèbre République ». Montpensier règnerait sur une société de
« personnes qui voudraient se retirer de la cour et du monde ». Les citoyens
de leur république seraient définis avant tout par leur position vis-à-vis du
mariage : personne ne serait marié, soit par veuvage, soit qu’ils « eussent
renoncé à ce sacrement ». Sur ce sujet précis, la proposition de Montpensier
est « qu’il n’y eût point de gens mariés ». Toutes deux sont catégoriques
dans leur opposition à ce qu’elles appellent « cet honnête esclavage que
l’Église honore du nom de sacrement » et que Montpensier désigne comme
« ce sacrement si ennemi de la liberté » 9.
La correspondance entre Montpensier et Motteville n’est rendue
publique qu’en 1667, à un moment où le genre épistolaire commence à
attirer l’attention du public. Le mérite de la découverte du potentiel de ce
genre pourrait bien ne pas revenir à un auteur, mais à Claude Barbin, le
libraire parisien qui, dans les dernières décennies du siècle, prend le relais
d’Augustin Courbé et devient le libraire qui publie les romans à succès.
La promotion du genre épistolaire va de pair avec celle d’une jeune
auteur très prolifique, Desjardins. Le 7 juin 1667, Barbin avait obtenu un
privilège pour l’impression d’un volume intitulé Billets galants, devenu
Lettres et billets galants lorsqu’il paraît en 1668 sans nom d’auteur. Dans
certains exemplaires, le privilège ne mentionne aucun auteur ; dans
d’autres, il affirme que Barbin « nous a fait remontrer que la Demoiselle des
Jardins aurait mis entre les mains Les Billets galants de sa composition ».
La collection anonyme est composée de lettres d’amour d’une femme
inconnue à un homme dont on tait le nom, des épanchements lyriques d’une
femme trompée adressés à l’homme qui l’a abandonnée. Le mince volume
anonyme demeure un mystère : rien ne permet de déterminer avec certitude
si les lettres sont fictives ou réelles, et si Marie-Catherine Desjardins avait
l’intention de les publier à ce moment-là, ou de cette manière. Dans la
préface « au lecteur » d’un recueil des œuvres de Desjardins, publié en
1668, Barbin déclare par exemple : « [C]elles de ses lettres que je vous
présente aujourd’hui m’ont été mises entre les mains par des gens qui
n’avaient pas reçu cette commission de sa part », et, plus loin, qu’il les fait
imprimer « sans sa permission » 10.
3. Nouveau Recueil de quelques pièces galantes faites par Me de Ville-Dieu, autrefois
Mademoiselle Des-Jardins, Paris, Jean Ribou, 1669. Page de titre.

L’année suivante, Barbin publie deux nouveaux recueils épistolaires. Le


premier est encore un volume des œuvres de Desjardins, mais cette fois la
participation de l’auteur ne fait pas de doute. La page de titre identifie
l’auteur peut-être de la façon la plus étonnante de l’histoire littéraire
française : Nouveau Recueil de quelques pièces galantes faites par Me de
Villedieu, autrefois Mademoiselle Desjardins.
Dès lors, « mademoiselle Desjardins », le nom qui, pendant la décennie
suivant la publication de Divers portraits a figuré sur tant de pages de titre,
tombe dans l’oubli. La carrière extraordinaire de l’une des romancières les
plus prolifiques des trente dernières années du XVIIe siècle se poursuit
presque exclusivement sous le nom de « madame de Villedieu ». Derrière
ce nom se cache une histoire étonnante, une chronique exceptionnelle des
rapports d’une femme auteur du siècle à l’institution du mariage.
Le 21 juin 1664 est signé dans une étude de notaire en province un
document extrêmement complexe, et où chaque détail a été
méticuleusement pensé. Deux Parisiens, Antoine de Boësset et Marie-
Catherine des Jardins, se trouvent en compagnie de leurs témoins, y
compris plusieurs prêtres, et annoncent qu’« ils se sont mutuellement l’un et
l’autre promis de prendre en vrai et loyal mariage ». Ils ont déjà célébré leur
union de façon informelle dans une église locale, et attendent l’approbation
de la famille du marié afin qu’une cérémonie plus formelle, qu’ils voient
comme une « confirmation », puisse avoir lieu. Ce document peu commun
est en réalité facile à comprendre : le régiment de Boësset est envoyé au
combat seulement neuf jours après.
Presque trois ans plus tard, le 5 février 1667, le même couple passe
devant un notaire pour signer un nouveau document, tout aussi surprenant.
Boësset, désormais « écuyer, sieur de Villedieu », et Desjardins affirment
qu’ils « se sont volontairement et respectivement désistés de toutes les
promesses de marriage qu’ils se sont mutuellement faites ». Le régiment de
Boësset-Villedieu est sur le point d’être à nouveau mobilisé. Il est tué au
combat en juillet 1667. De l’avis de certains, y compris celui du libraire
Barbin, le couple se serait marié avant que Boësset ne parte pour le front,
bien que d’autres suggèrent qu’il aurait en réalité épousé quelqu’un d’autre
durant les derniers mois de sa vie 11.
En 1668, l’auteur qui sera définitivement connue sous le nom de
« Madame de Villedieu » mentionne pour la première fois son nouveau
patronyme sur une page de titre. Cette mention suit de quelques mois la
mort de l’homme qu’elle a peut-être officiellement épousé au début de
l’année 1667, et qui pourrait bien d’ailleurs en avoir épousé une autre. Le
droit de porter le nom de « Villedieu » est donc tout sauf certain. Mais
l’auteur « autrefois Mademoiselle Desjardins » s’approprie le nom de
Villedieu pour en faire son nom de plume. « Madame de Villedieu » est
moins un statut matrimonial qu’un pseudonyme littéraire hautement
original.
En 1668, Claude Barbin comprend l’intérêt d’un tout nouveau genre
littéraire : le roman épistolaire. En janvier 1669, il publie un recueil très
semblable à celui de Villedieu. Là encore, il s’agit d’un mince volume de
lettres amoureuses écrites par une femme dont on ne connaît que le prénom,
Mariane, à un homme qui n’est jamais nommé. Là encore, il s’agit de la
passion et du courroux d’une femme abandonnée. Mais cette fois le volume,
qui a pour titre Lettres portugaises, traduites en français, devient tout de
suite un des plus grands succès de son siècle.
La critique des dernières décennies a souvent attribué les Lettres
portugaises à Gabriel de Lavergne, comte de Guilleragues 12. Mais la grande
majorité des lecteurs du XVIIe siècle juge ces lettres authentiques, et y voit
l’œuvre d’une véritable religieuse portugaise — thèse que certains
chercheurs défendent encore aujourd’hui. Pour d’autres, l’œuvre est un
roman anonyme, très vraisemblablement écrit par une femme. Impossible,
donc, de retracer l’histoire des femmes auteurs sans y inclure les Lettres
portugaises.
Dans les dernières décennies du XVIIe siècle, le genre épistolaire est
défini comme essentiellement féminin — un moyen privilégié de toucher
un public féminin, ainsi qu’un domaine dans lequel les plumes féminines
excellent. C’est à travers les pages d’un périodique français qui compte des
lecteurs à travers toute l’Europe, Le Mercure Galant, que ce lien a été le
plus clairement établi.
Dès son tout premier numéro, en 1672, son fondateur, Jean Donneau de
Visé, imagine un format dont il ne se départira pas. Chaque numéro se
présente sous la forme d’une très longue lettre (au moins 300 pages)
adressée à une femme anonyme. Le début de la première lettre met en place
la fiction qui justifie son format : « Madame, il n’était pas besoin de me
faire souvenir que lorsque vous partîtes de Paris, je vous promis de vous
mander souvent des nouvelles capables de nourrir la curiosité des plus
illustres de la province qui doit avoir le bonheur de vous posséder si
longtemps. »
Au long des décennies durant lesquelles Donneau de Visé est à la tête
du Mercure Galant, le mensuel multiplie les pièces composées par des
femmes. Entre 1674 et 1702, par exemple, pas moins de soixante-douze
lettres et poèmes de Scudéry ou de textes rédigés en son honneur paraissent
dans ses pages 13. Dans les années 1690, Donneau de Visé s’emploie à
promouvoir un genre inédit, le conte de fées, où la majorité des auteurs sont
des femmes. Il ne manque jamais de souligner qu’en encourageant le conte
de fées, il encourage du même coup la participation des femmes à la
production littéraire.
Il est même possible que le succès immédiat que connaît La Princesse
de Clèves doive beaucoup à la campagne de publicité lancée par Donneau
de Visé dans les pages du Mercure Galant. En janvier 1678, deux mois
avant la publication du roman, il éveille l’intérêt de ses lecteurs en
demandant leur opinion sur les personnages du roman, afin de susciter un
débat sur le bien-fondé de leur conduite. Il publie alors bon nombre des
lettres de réponse qui lui parviennent des quatre coins de la France. En
octobre 1679, dix-huit mois après la publication du roman, on trouve encore
un commentaire sur La Princesse de Clèves dans les pages du périodique.
Jamais auparavant un roman n’avait bénéficié d’une telle publicité.
Donneau de Visé réussit à répandre largement la formule qu’il a
imaginée. Durant le règne de Louis XIV, et dans la majorité de la presse
française, l’actualité parvient au public sous la forme de longues lettres, très
souvent adressées à des lectrices anonymes ayant dû quitter Paris pour une
quelconque raison.
Personne ne comprend mieux l’intérêt de ce format que les femmes qui
rejoignent alors en grand nombre les rangs des « nouvellistes ». En
témoignent trois d’entre elles, entre autres, qui couvrent l’actualité du pays
sous la forme d’un échange épistolaire. En 1702, Louise de Bossigny,
comtesse d’Auneuil, crée les Nouvelles diverses du temps. En 1703,
L’Héritier fait paraître L’Érudition enjouée, ou Nouvelles savantes,
satiriques et galantes, écrites à une dame française qui est à Madrid. En
1707 enfin, Anne-Marguerite Dunoyer (1663-1719), sans doute la plus
éminente de ces journalistes, lance Lettres historiques et galantes, qui
continuera d’exister dix ans durant. Elle complète vite le titre en ajoutant de
deux dames de condition dont l’une était à Paris et l’autre en province.
Dunoyer met au moins deux autres périodiques en circulation : un aussitôt
après la mort de Donneau de Visé en 1710, l’éphémère Nouveau Mercure
galant des cours d’Europe, qui adopte la forme de lettres à « une amie de
province » écrites par « la comtesse de L… M… », et Quintessence des
nouvelles historiques, critiques, politiques, feuille hebdomadaire, qui paraît
de 1711 jusqu’à sa mort en 1719, et dont elle fait l’un des journaux les plus
appréciés du début du XVIIIe siècle. Protestante, elle résiste à toutes les
tentatives de conversion au catholicisme et quitte la France avec ses enfants
au lendemain de la révocation de l’édit de Nantes ; tous ses périodiques sont
publiés en Hollande.
Chaque numéro du Mercure Galant contient plusieurs « histoires » ; la
plupart n’a rien à voir avec le type d’informations ou « nouvelles » publiées
dans les gazettes de l’époque. Donneau de Visé utilise le mot « histoire » en
un autre sens, défini pour la première fois dans le dictionnaire de Furetière :
« se dit aussi des romans, des narrations fabuleuses, mais vraisemblables
qui sont feintes par un auteur ». Le Mercure Galant contribue à faire du mot
histoire un équivalent de nouvelle : les deux termes font référence à de
courts récits à mi-chemin entre la fiction et le compte rendu journalistique.
Le premier texte à mettre en lumière cette proximité entre nouvelle et
histoire paraît dix ans avant le premier numéro du Mercure Galant. Les
lecteurs d’aujourd’hui l’ont probablement lu dans des éditions où
« histoire » et « nouvelle » figurent sur la page de titre : L’Histoire de la
Princesse de Montpensier, nouvelle ; La Princesse de Montpensier, nouvelle
historique ; Histoire de la Princesse de Montpensier et autres nouvelles ; ou
encore L’Histoire de la Princesse de Montpensier sous le règne de
Charles IX, pour ne citer que quelques exemples d’éditions actuellement
disponibles. Mais en 1662, les lecteurs ont sous les yeux un titre réduit au
strict minimum : La Princesse de Montpensier. L’œuvre connaît un
immense succès : entre 1662 et la fin du siècle, La Princesse de
Montpensier fait l’objet de quinze rééditions à Paris et de deux à Lyon 14.
Durant tout ce temps, et pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle,
l’histoire / nouvelle des aventures de la princesse de Montpensier est
enveloppée de mystère.
La parution de ce court ouvrage marque un tournant décisif dans la vie
de Lafayette. En novembre 1661, son mari, François Motier, comte de
Lafayette, a quitté Paris pour regagner ses terres d’Auvergne. Il laisse sa
femme et leurs deux fils dans la capitale, et établit pour cette dernière une
procuration qui lui confie des pouvoirs dont très peu de femmes mariées
disposent à l’époque. Il lui cède pleine autorité afin de mener toutes les
affaires familiales en son nom, et ce sans avoir même à obtenir son aval
— ce qu’elle fait avec brio des années durant. Mais dans un premier temps,
et juste après le départ de son mari, la première affaire dont s’occupe la
comtesse est celle de devenir auteur. La Princesse de Montpensier quitte les
presses de Thomas Jolly le 20 août 1662, tout juste neuf mois après le
départ du comte de Lafayette.
Le premier volume indépendant de Lafayette est très bref : cent
quarante-deux pages seulement. Toute l’histoire est racontée en trois
paragraphes. Le premier court sur vingt-trois pages, le second sur vingt-six,
et le troisième et dernier paragraphe sur presque une centaine de pages, de
la page 49 à la page 142. La modernité de l’auteur réside ailleurs, dans sa
définition du mot « histoire ».
Le volume s’ouvre sur une préface du « libraire au lecteur ». Dans les
décennies suivantes, les préfaces intitulées « le libraire au lecteur »
deviennent monnaie courante dans la fiction française. Dans la plupart des
cas, ces introductions ont pour fonction de définir de façon précise le projet
de l’œuvre et en orienter la lecture. Le « Libraire » déclare ici « au
Lecteur » :

Le respect que l’on doit à l’illustre nom qui est à la tête de ce livre, et la
considération que l’on doit avoir pour les éminentes personnes qui sont descendues de
ceux qui l’ont porté, m’oblige à dire […] en donnant cette histoire au public, qu’elle
n’est tirée d’aucun manuscrit qui nous soit demeuré du temps des personnes dont elle
parle. L’auteur ayant voulu […] écrire des aventures inventées au plaisir a jugé plus à
15
propos de prendre des noms connus dans nos histoires .

Avant que le lecteur ne commence la lecture du récit, La Princesse de


Montpensier est ainsi défini comme « un récit effectivement fabuleux ».
Mais « fabuleux » ne revêt ici aucune dimension fantastique. Au contraire,
l’auteur a tout fait pour rendre l’œuvre « vraisemblable ». Pour atteindre
cette vraisemblance, Lafayette étudie avec soin le cadre de son récit. Elle
effectue des recherches sur le château de Champigny-sur-Veude, qui avait
appartenu pendant longtemps à la famille de la duchesse de Montpensier,
mais qui avait été rasé sur ordre du cardinal de Richelieu. Certains épisodes
clés du récit indiquent que Lafayette a dû avoir accès à des plans de
Champigny antérieurs à la destruction du château. Par exemple, la scène qui
dépeint l’arrivée du duc de Guise et ses déplacements au milieu de la nuit
restitue avec précision les lieux tels qu’ils se présentaient jusqu’aux
années 1630. Lafayette a vérifié le moindre détail, jusqu’à l’emplacement
du pont-levis, pour que son histoire soit absolument fidèle à la réalité 16.
Lafayette renforce encore la vraisemblance de son récit avec des
personnages aux noms connus de tous, ceux des plus anciennes et plus
illustres familles du pays. Mais son souci du réel s’arrête là : elle échafaude
une intrigue remarquable qui, elle, ne repose sur aucun document
historique. Et au lieu du décor contemporain choisi par les auteurs
d’histoires fictives, tels que Donneau de Visé, elle choisit pour cadre le
règne du Valois Charles IX, qui donne une résonance toute particulière au
terme « histoire ».
Le modèle d’histoire conçu par Lafayette sera souvent adopté par les
femmes auteurs des décennies suivantes ; Lafayette elle-même y reviendra
en 1678 avec La Princesse de Clèves. En 1675, Villedieu utilise déjà la
formule pour Les Désordres de l’amour.
Dans les titres d’autres « petits romans », à la frontière entre récit
historique et récit vraisemblable, certaines femmes auteurs ajoutent plus
tard un détail qui complète la définition du genre. Une d’entre elles, parmi
les plus prolifiques de la fin du XVIIe siècle, est une autre protestante qui a
fui la France suite à la révocation de l’édit de Nantes. Anne de La Roche-
Guilhen ou Guilhem (1644-1707) publie également ses œuvres à l’étranger,
et donne à Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut (1707) le sous-titre
nouvelle historique.
Le succès du modèle de Lafayette a une raison évidente : Barbin, le
libraire qui imprime tant de femmes auteurs, est à la recherche de la
prochaine Princesse de Montpensier, n’hésitant pas à encourager celles qui
montrent des dispositions littéraires à imiter cette formule à succès. Une
lettre de Sévigné datée du 16 mars 1672 le rappelle : elle se plaint à sa
fille de « ce chien de Barbin qui me hait, parce que je ne fais pas des
Princesse […] de Montpensier 17 ».
Barbin n’a pas imprimé La Princesse de Montpensier, pourtant il
deviendra le libraire de Lafayette. Grand adepte du petit format qui
commence à conquérir le marché du livre dans les années 1660, il a bien
conscience que le premier roman de Lafayette est un candidat parfait pour
ce genre de dimensions. Il suffit d’avoir entre les mains l’édition originale
de La Princesse de Montpensier pour comprendre l’attrait de ces « livres de
poche », si faciles à manier et si peu encombrants.
Néanmoins, un élément de ce « petit roman » au succès considérable
reste mystérieux. Combien de celles qui espéraient imiter le succès de La
Princesse de Montpensier connaissaient son véritable auteur ? Aucune
édition du XVIIe siècle ne mentionne sa véritable identité, et lorsque un nom
est associé au roman, c’est plutôt celui de Segrais, déjà lié aux productions
de la duchesse de Montpensier.
Habituellement, le choix de l’anonymat par Lafayette est expliqué par la
nécessité pour une aristocrate de protéger son nom de tout commerce
littéraire et romanesque. Les tenants de cette théorie citent une lettre qu’elle
adresse en juillet 1662 à son confident épistolaire, Ménage, dans laquelle
elle paraît être devenue auteur par hasard. Elle s’y plaint d’un valet qui a
« dérobé une copie de La Princesse de Montpensier et l’a donnée à vingt
personnes. Elle court le monde ; mais par bonheur ce n’est pas sous mon
nom. » Mais une autre lettre à Ménage, écrite quelques semaines plus tard,
le 17 août, soit trois jours avant la fin de l’impression du roman, révèle au
contraire une femme qui suit de près la fabrication de son livre, et qui se
montre très impatiente d’avoir sous les yeux son œuvre imprimée : « J’ai
bien envie de […] voir mes œuvres sortant de la presse » ; « je voudrais
bien voir demain matin la première feuille, si elle est tirée ». Quelques jours
plus tard, une dernière lettre montre une femme qui assume pleinement son
statut d’auteur. Lafayette a désormais entre les mains un exemplaire de son
ouvrage à peine sorti des presses, et elle a immédiatement repéré « une
faute épouvantable à la 58e page, qui ôte tout le sens 18 ».
Cette « faute épouvantable » la contrarie assez, semble-t-il, pour obliger
Thomas Jolly à retirer tous les exemplaires déjà imprimés et à procéder aux
corrections avant la mise en vente du livre.
Le seul exemplaire à avoir survécu, aujourd’hui à la Réserve des livres
rares de la Bibliothèque nationale, comporte l’erreur en question, trois en
fait, à la page 58 : « il la suivaicontinuellement [sic] chez la Reine… » ;
« chez la Reine sa mère. La Princesse sa sœur » ; [le duc d’Anjou] « en était
traitée ». Tous les autres exemplaires ont été corrigés : « suivait
continuellement », « chez la Reine sa mère et la Princesse sa sœur », « en
était traité » appartiennent donc à un deuxième tirage, effectué pour
satisfaire une romancière si soucieuse de sa production qu’elle refuse de la
livrer au public avec le moindre défaut.
4. La Princesse de Montpensier, Paris, T. Jolly, 1662, p. 58.

Le refus de Lafayette de publier un livre sous son nom est en réalité


difficile à expliquer. Des aristocrates de bien plus haute naissance, y
compris des femmes, y étaient tout à fait favorables, et la duchesse de
Montpensier en est un exemple flagrant. Lorsque cette dernière apprend en
1667 qu’une partie de sa correspondance avec Motteville a fini par être
publiée, elle ne se fâche pas d’en être désignée comme l’auteur ; elle est en
revanche mécontente de voir ses lettres « estropiées » par des erreurs
d’impression. Ainsi, plutôt que le désir de Lafayette de protéger son nom,
ne s’agirait-il pas d’une adroite stratégie de l’auteur et de son libraire pour
garantir le succès du roman ?
Bon nombre des succès littéraires du XVIIe siècle paraissent
anonymement. Dans tous les cas, leur succès repose en partie sur
l’impression que leur contenu est scandaleux, et que l’on tait le nom de
l’auteur pour éviter tout rapprochement. Le « Libraire au lecteur » de La
Princesse de Montpensier semble surtout laisser entendre que l’ouvrage
pourrait nuire à « l’illustre nom qui est à la tête de ce livre ». « La
réputation de Madame de Montpensier ne serait pas blessée par un
récit […] fabuleux », explique l’éditeur, laissant penser par là que le récit à
suivre est assez scandaleux pour entacher la réputation de quelqu’un.
Paraît ensuite Lettres portugaises, traduites en français. L’adresse au
lecteur rédigée par Barbin, passé maître en la matière, soulève rapidement
la question de l’anonymat : « Je ne sais point le nom de celui auquel on les
a écrites, ni de celui qui en a fait la traduction […] 19 ». Depuis 1669,
l’identité des personnes qui apparaissent dans les Lettres portugaises n’a
cessé de faire débat. Dès la parution de l’œuvre, l’anonymat se révèle une
des clés de son succès.
L’ouvrage paraît le 4 janvier 1669. Le 25 septembre de cette même
année, un autre roman anonyme sort des presses de Barbin ; il est intitulé
Journal amoureux. Son adresse « Au lecteur » semble reproduire au mot
près celle qui apparaît dans le premier roman de Lafayette : le libraire
précise que les « noms illustres de cette histoire la font croire véritable,
mais […] c’est un petit roman » ; il compare même le volume à La
Princesse de Montpensier 20. L’histoire de la publication de Journal
amoureux confirme combien l’anonymat est vendeur : sept mois plus tard,
Barbin publie déjà la deuxième partie ; trois autres suivront, toutes
anonymes.
Vient ensuite la cinquième partie, qui contient une nouvelle adresse « au
lecteur ». Elle est cette fois de la main de l’auteur, une femme qui reste
anonyme, et qui « déclare » n’être responsable ni de la troisième ni de la
quatrième partie du roman. Elle promet de publier bientôt une liste de tous
les ouvrages dont elle reconnaît l’authenticité, ce qu’elle fait dans le
sixième et dernier volume de Journal amoureux, immédiatement après la
page de titre qui est toujours anonyme : « Catalogue des ouvrages composés
par Madame de Villedieu, tant sous le nom de Mademoiselle Desjardins que
sous celui qu’elle porte maintenant ». Lorsque la sixième partie paraît en
1671, elle a déjà imaginé la page de titre anonyme qui figurera dans son
prochain roman, Les Amours des grands hommes. Dès lors, Villedieu
choisit souvent l’anonymat, par exemple pour un de ses plus grands succès,
Mémoires de la vie d’Henriette-Sylvie de Molière (1671-1674). Pourtant,
cela ne l’empêche pas de signer certaines autres œuvres. Les Exilés,
renommé par la suite Les Exilés de la cour d’Auguste (1672-1678),
mentionne « par M. de Villedieu ». Pas même « Mad. » ou « Me. », mais
bien « M. de Villedieu ». C’est le nom qui apparaît le plus souvent par la
suite sur les pages de titre de ses œuvres 21.
Le cas de Villedieu est certes d’une complexité sans équivalent : aucun
auteur du XVIIe siècle, homme ou femme, n’exploite une telle quantité de
noms. Aucun autre auteur du siècle ne fait preuve d’une meilleure
compréhension du fonctionnement du nom d’auteur, pour reprendre la
notion de Michel Foucault. Pour devenir auteur, certains dictionnaires du
e
XVII siècle stipulent que l’on doit avoir composé une œuvre ; selon

d’autres, il faut aussi l’avoir fait imprimer.


La façon dont Villedieu utilise son nom soulève une troisième question :
pour être auteur, est-il également nécessaire que les lecteurs connaissent
l’identité de ce dernier ? Avec l’extraordinaire page de titre de 1669 et le
« catalogue » de ses œuvres qu’elle inclut en guise de préface, Villedieu
enjoint ses lecteurs à voir dans ses divers noms la marque de sa propriété
littéraire, comme l’explique Foucault dans Qu’est-ce qu’un auteur ?. Pour
Foucault, un nom propre devient nom d’auteur au moment où il apparaît en
page de titre d’une autre œuvre de la même plume : les lecteurs
reconnaissent alors le nom de cet auteur, « un tel nom permet de regrouper
un certain nombre de textes […] En outre, il effectue une mise en rapport de
textes entre eux. » La théorie de Foucault prend une résonance particulière
lorsqu’il s’agit du XVIIe siècle, où pour la première fois, pour reprendre les
termes de Foucault, l’anonymat n’est tout d’un coup plus « supportable », et
n’est accepté qu’« à titre d’énigme » 22. Barbin paraît avoir envisagé
l’anonymat de cette manière, comme une « énigme » susceptible d’attirer
l’attention du public.
À partir de ce moment-là, des auteurs comme Villedieu pourraient avoir
pris conscience des dangers de ce jeu autour de l’anonymat, en particulier
lorsqu’il s’agit de garder le contrôle sur le contenu de l’œuvre. C’est
seulement après la parution de deux volumes illégitimes de Journal
amoureux que Villedieu se résoud à inclure un « Catalogue des ouvrages
publiés par Madame de Villedieu » (dans lequel on remarque l’absence des
Lettres et billets galants).
Si, au cours des siècles suivants, les femmes changent de nom
lorsqu’elles se marient, celles du XVIIe siècle ne rompent pas aussi
radicalement avec leur passé. Lafayette, par exemple, continue parfois de
signer « La Vergne », même après son mariage ; Sévigné signe toujours
« Rabutin-Chantal ». Si Madeleine de Scudéry s’était mariée, c’est
certainement avec le même nom qu’elle aurait signé ses lettres ou les
documents légaux. Au XVIIe siècle dans la sphère privée, le statut
matrimonial d’une femme a peu d’effet sur son nom. Mais le constat est à
nuancer lorsqu’elles décident d’être publiées, comme Villedieu l’a bien
compris.
Pour les femmes du XVIIe siècle, prendre un nom de plume implique un
choix. Si elles ne choisissent pas l’anonymat, elles semblent opter le plus
souvent pour le nom de famille de leur mari. Savoir s’il s’agit d’un homme
ou une femme n’est alors qu’un des éléments de la question de l’identité de
l’auteur. La notion connaît de nombreux changements, surtout dans les
dernières décennnies du siècle, lorsque la littérature contemporaine fait
désormais bel et bien partie de l’industrie du livre.
Les années 1660 et 1670 marquent assurément un moment exceptionnel
de l’histoire littéraire française. Alors que le lectorat s’élargit
considérablement, et que genres et formats connaissent une évolution
spectaculaire, il devient de plus en plus facile pour des auteurs de milieux
économiques fort différents, hommes comme femmes, de prendre part à ce
que l’on appellera bientôt la République des Lettres. Leur égalité dans la
sphère littéraire est au fond peut-être plus importante que les différences qui
les séparent dans la réalité du Paris du XVIIe siècle. Ainsi, en tant qu’auteur,
Lafayette est-elle si différente de Scudéry, qui est de condition sociale
inférieure ? L’année 1669 n’est pas encore achevée que Lafayette met en
évidence ce genre de similitudes.
Barbin avait commencé l’année en imprimant les Lettres portugaises.
En septembre, lorsque paraît le premier volume du Journal amoureux, il a
publié, entre autres, Les Amours de Psyché et de Cupidon, par M. de La
Fontaine, trois volumes des Nouvelles galantes, comiques et tragiques,
anonymes mais composées en réalité par Donneau de Visé, Les Plaideurs
de Racine, ainsi qu’un autre ouvrage anonyme, La Promenade de
Versailles. Celui-ci est le dernier titre en date de Scudéry, et sa troisième
tentative dans l’histoire d’actualité. Barbin termine l’année en imprimant
Zayde, histoire espagnole 23. Aucune autre fiction du XVIIe siècle ne
montrera mieux que Zayde la difficulté d’établir des règles strictes dans
l’histoire du genre romanesque, ou dans celle des pratiques éditoriales des
femmes auteurs.
Chapitre V
LA NAISSANCE DES GRANDS
CLASSIQUES

Celle qui est sans doute la plus illustre femme auteur de la tradition
française est restée dans l’histoire littéraire sous le nom de « Madame de
Lafayette ». Du vivant de l’auteur, ce nom ne correspond ni à son état civil,
ni à ses noms d’auteur. Or Lafayette, tout comme Villedieu, porte une
attention toute particulière aux noms sous lesquels elle apparaît.
En décembre 1650, sa mère, veuve depuis peu, épouse Renaud René,
chevalier de Sévigné. Ce dernier n’est autre que celui qui, quelques années
plus tard, utilise pour la première fois le nouveau mot « précieuse ».
Sévigné est l’oncle par alliance de Marie de Rabutin-Chantal, l’amie la plus
proche de la belle-fille aînée du chevalier, Marie-Madeleine.
En mai 1651, Marie-Madeleine manifeste déjà l’autonomie juridique
exceptionnelle qui la caractérise tout au long de sa vie. La majorité est alors
fixée à vingt-cinq ans ; mais à tout juste dix-sept, elle est déjà « fille
émancipée, jouissant de ses biens et droits ». Elle se passe ainsi de
l’autorisation d’un tuteur. Elle est dans une position quasi inconcevable
pour une jeune fille de son âge, toutes époques et sociétés confondues : elle
est seule en charge des biens immobiliers considérables légués par son père.
Cette « fille émancipée » ne tarde pas à s’affirmer également sur la scène
littéraire.
En décembre 1654, elle écrit à Gilles Ménage, l’érudit avec qui elle
s’entretient de questions intellectuelles, notamment au sujet de l’étude des
langues (Lafayette lit et écrit couramment l’italien et l’espagnol ; elle
maîtrise aussi le latin et étudie le grec et l’hébreu). Elle remercie Ménage de
lui avoir procuré la première partie de Clélie peu après sa sortie le 31 août
1654. Elle dit l’avoir lu « avec tout le plaisir imaginable 1 ». Le deuxième
tome n’est pas encore imprimé que la jeune femme entre déjà dans la vie
adulte.
Le 14 février 1655, son contrat de mariage avec le comte de Lafayette
est signé. On trouve parmi ses témoins « dame Marie de Rabutin de
Chantal », déjà « veuve du […] marquis de Sévigné », décrite comme
l’« alliée d’icelle demoiselle » 2. Ce mariage avec un comte est une union
spectaculaire pour la fille de l’ingénieur Marc Pioche, spécialiste en
fortifications, qui a collaboré à des constructions telles que celle de l’hôtel
particulier de ses amis le marquis et la marquise de Rambouillet.
L’ascension sociale de la famille avait été soigneusement préparée par ses
parents : leurs nombreux investissements (majoritairement immobiliers)
permettent de garantir à leur fille aînée une dot de 150 000 livres. Les deux
cadettes, quant à elles, entrent au couvent ; cette stratégie, répandue à
l’époque, permettait de doter richement l’aînée.
Le jeune couple quitte bientôt Paris pour se rendre sur les terres du
comte, à Espinasse, dans le Bourbonnais (l’Allier). À peine arrivée, la
comtesse écrit le 27 août à Ménage ; la lettre sera suivie de plusieurs autres,
de plus en plus pressantes. Elle vient d’apprendre que le deuxième volume
de Clélie est sur le point de paraître : « Mandez-moi combien de temps il
faut que je me résolve à la patience », écrit-elle. L’impression est achevée le
15 septembre. Trois jours plus tard, la jeune mariée supplie déjà : « Je vous
conjure d’employer votre crédit auprès de Mademoiselle de Scudéry pour
obtenir ce tome. » Son impatience à recevoir chaque nouveau volume ne
faiblira pas. Le 23 janvier 1657, « sentant venir » le tome VI, elle
renouvelle ses requêtes : l’impression est terminée le 15 février, et le 6 mars
elle dit attendre « Clélie avec toute l’impatience que j’ai accoutumé d’avoir
pour elle ».
Durant les premières années de son mariage, la comtesse devient
également un membre éminent de la communauté des précieuses,
rassemblées dans le Marais autour de Scudéry et son cercle. Lafayette
apparaît dans Le Grand Dictionnaire des Précieuses de Somaize sous le
nom de Féliciane. En janvier 1658, lors de leur voyage d’Amsterdam à
Paris, les frères Villiers sont bien décidés à rencontrer durant leur périple
tous ceux et celles dont la notoriété dépasse les frontières. Ils rendent visite
à Lafayette qui se trouve alors à Paris pour la naissance de son premier fils,
Louis. Les deux hommes la décrivent comme « une des précieuses de plus
haut rang et de la plus grande volée 3 ». En 1662, lorsque paraît La
Princesse de Montpensier, sa première publication autonome, Lafayette
demande à Ménage de mettre de côté plusieurs exemplaires « parfaitement
reliés […] de maroquin et doré sur tranches ». Elle en réserve un pour
Ménage lui-même, « car je prétends que mes œuvres aient la place dans
votre bibliothèque ». Elle demande de transmettre de sa part le second
exemplaire à Scudéry : la jeune femme veut s’assurer que sa devancière,
qu’elle admire tant, comprenne qui est à l’origine du roman anonyme dont
tout le monde parle 4.
La jeune femme fait preuve des mêmes talents de stratège dans la
sphère familiale. Suite à son émancipation, elle signe tous ses documents de
son nom de jeune fille, « M. Pioche », et continue à l’utiliser après son
mariage, pendant quelques années. Mais le nom « Pioche » disparaît dans le
mois qui suit la publication de La Princesse de Montpensier et ne réapparaît
que rarement. L’auteur adopte une signature qu’elle utilise presque
systématiquement par la suite : « Marie Madeleine de La Vergne ». Son
père était parfois appelé « La Vergne » en raison de terres sur lesquelles,
aux dires de certains, il n’avait aucun droit. Une fois accolé à « de
Lafayette », « de La Vergne » fait meilleur effet que « Pioche ». Pour les
grandes occasions, telle que la signature du contrat de mariage de son fils
aîné, elle signe « de La Vergne / de Lafayette ».

5. Signatures de Madame de Lafayette (1651, 1662, 1689).

En 1656, alors qu’elle est âgée de tout juste vingt-deux ans, son mari
(rarement à Paris) signe une procuration qui lui confère le pouvoir d’agir en
son nom, « de prendre garde […] à tous les biens et affaires de leur
maison […] et à quoi que le tout se puisse montrer 5 ». Une telle situation
d’indépendance juridique et financière est aussi exceptionnelle que l’était
celle due à son émancipation précoce. Aux mains de Lafayette, les finances
du couple prospèrent grandement. Elle garantit à chacun de ses fils un
héritage qui dépasse de beaucoup la dot qui constituait les fondations
économiques de son mariage.
Lafayette est également libre d’élire domicile où elle le souhaite, ce qui
est tout aussi rare. Après un bref séjour sur les terres de son mari, au début
du mariage, elle passe le reste de ses jours dans la dernière demeure qu’elle
a habitée avec ses parents, une maison située rue de Vaugirard et dont la
construction a été achevée par Marc Pioche en 1642. Pioche n’appartient
pas à l’aristocratie, mais la résidence qu’il imagine pour sa famille a tout
d’une demeure noble : l’espace de vie comporte douze chambres, et les
écuries logent quatre chevaux. Pour Lafayette, le mariage n’a rien du « long
esclavage » qui effraie tant la Sapho de Scudéry.
C’est avec la même vigilance que la redoutable femme d’affaires mène
ses « biens et affaires » littéraires, tout d’abord avec Zayde, qui témoigne de
l’influence de Scudéry et marque un nouveau départ pour le roman français.
Zayde reproduit la structure narrative utilisée par Scudéry dans ses longs
romans. Le récit principal à la troisième personne est interrompu par une
série d’histoires où les personnages racontent, cette fois à la première
personne, leur histoire ou celle d’un tiers : comme chez Scudéry, ces
histoires sont parfois si longues qu’elles prennent presque le dessus sur le
récit qui les encadre.
Le roman de Lafayette se démarque néanmoins très nettement de ceux
de sa devancière. Les deux volumes qui composent Zayde forment un total
de 977 pages, à peine plus que les deux premiers volumes de Clélie. Zayde
introduit aussi la mise en page moderne : le second paragraphe débute dès
la deuxième page, le troisième commence à la page 4, le quatrième à la
page 10, le cinquième en bas de la même page. Ensemble, Barbin et
Lafayette ont inventé un nouveau modèle typographique pour la fiction en
prose. Désormais, les imprimeurs français opteront de plus en plus pour ce
type de mise en page.
Ces paragraphes brefs encouragent un nouveau type de lecture. La mise
en page traditionnelle, où un paragraphe pouvait courir sur plus de
cinquante pages, incitait les lecteurs à se focaliser sur l’action. Mais avec ce
6. Zayde, histoire espagnole, par M. de Segrais, avec un Traité de l’origine des romans,
par M. Huet, Paris, C. Barbin, 1670-1671, t. I, p. 10.

nouveau type de composition, les lecteurs sont amenés à marquer des


pauses plus fréquentes et à porter une attention plus particulière au
déroulement de l’histoire et à ses détails. Ces nombreux paragraphes sont
essentiels à un roman qui fait passer la profondeur psychologique et
l’évolution des personnages avant leurs actions.
L’influence de Scudéry est aussi perceptible dans les thèmes abordés par
Lafayette. La Carte de Tendre du premier volume de Clélie a toujours été
vue comme un moment décisif de l’œuvre : l’héroïne de Scudéry a l’idée de
la carte lors d’un débat avec ses amis sur des sujets tels que l’existence du
coup de foudre. Dès le début du débat, la position de Clélie est claire :
« pour moi, je n’ai jamais pu comprendre qu’il fut possible d’aimer ce
qu’on n’a pas eu le loisir de connaître 6 ». Peu de temps avant son mariage,
Mademoiselle Pioche, qui a alors vingt ans, pèse les conséquences de ce
débat « avec tout le plaisir imaginable ».
Quinze ans plus tard, Lafayette met en scène un débat étonnamment
similaire entre trois protagonistes de Zayde. Le ton de l’œuvre est donné,
puisque la ressemblance est parfaitement volontaire, et que l’auteur sait que
ses lecteurs se souviennent de la scène emblématique de Clélie. Au début de
Zayde, le héros de Lafayette, Consalve, se range du côté de Clélie : « Je
vous laisse la liberté d’aimer tout ce que vous ne connaissez point, pourvu
que vous me permettiez de n’aimer qu’une personne que je connaîtrai assez
pour l’estimer, et pour être assuré de trouver en elle de quoi me rendre
heureux 7. » À la fin, cependant, Zayde offre une vision radicalement
différente de la psychologie humaine, puisque le seul amour que connaisse
Consalve résulte d’un coup de foudre parfaitement irrationnel.
Ce débat donne à voir une autre différence essentielle entre les deux
modèles. Dans les romans de Scudéry, chaque conversation ou histoire
constitue un élément autonome plutôt qu’un élément indispensable à la
compréhension de la suite. Il n’y a pas vraiment d’intrigue principale, et
l’on ne pressent pas clairement l’approche d’un dénouement final. Dans
Zayde, chaque débat se révèle nécessaire à la progression de l’histoire et à
notre compréhension des personnages. Le second volume ne paraît que
quatorze mois plus tard, mais Lafayette sait depuis le début où et comment
finira le récit.
Comme Scudéry avant elle, Lafayette envisage la composition de son
roman comme une collaboration. On dispose de nombreuses informations
sur sa méthode de travail, d’abord grâce aux lettres de Lafayette elle-même,
notamment l’une d’entre elles, adressée à Huet : « Je vous envoie le
troisième et quatrième cahier. » Le texte est accompagné d’instructions où
elle explique qu’elle le révisera en fonction de ses suggestions, avant de le
renvoyer à Huet (« vous y repasserez encore »). Elle indique même en
quelle couleur il devra écrire ses corrections : « P.S. Servez-vous de crayon
rouge, on ne voit pas le noir. »
On dispose également des témoignages de ses collaborateurs les plus
proches, Huet et Segrais. Les deux hommes racontent comment ils
reçoivent son travail « pièce à pièce », accompagné de demandes précises
pour la relecture, par exemple : « elle voulait un ton tout différent des
grands romans de Mademoiselle de Scudéry ». Les phrases de Scudéry
courent souvent sur plus de vingt lignes. Mais « Madame de Lafayette disait
qu’une période retranchée d’un ouvrage valait un louis d’or, et un mot
20 sols », raconte Segrais 8. Du point de vue du style comme de la structure,
Zayde laisse présager le début d’une nouvelle ère pour la fiction française.
Dans cette logique, le Traité de l’origine des romans de Huet en préface
de l’édition originale est une introduction tout à fait logique à Zayde. Le
traité s’achève sur un éloge éclatant des « beaux romans » de Scudéry, un
recensement des œuvres dont elle se porte garante, et une explication de la
raison pour laquelle elle avait décidé de les publier sous le nom d’auteur
« Mr de Scudéry ».
Lorsque Lafayette et Huet choisissent de rétablir publiquement la vérité
quant à Scudéry, leur démarche semble bizarrement contredite par
l’attribution du roman de Lafayette donnée en page de titre : Histoire
espagnole, par Monsieur de Segrais. C’est la seule fois que Lafayette
choisit pour nom d’auteur celui d’un homme de lettres.
Sans aucun doute, le succès de Zayde est immense : dans les décennies
suivantes, il est réédité à maintes reprises et considéré comme un chef-
d’œuvre de la littérature française. Mais pendant un siècle, on continue à
attribuer Zayde à l’homme dont le nom apparaît en page de titre. En 1702
par exemple, dans L’Apothéose de Mademoiselle de Scudéry, L’Héritier
présente la comtesse de Lafayette comme la première des « célèbres dames
dignes de toutes les louanges éloquentes qu’on leur a données ». Dans la
même œuvre, elle fait référence à Segrais comme « l’auteur de Zayde 9 »,
une opinion qui survit largement au cours des décennies suivantes. Ceux qui
sont de cet avis attribuent un second roman à Segrais. Il s’agit d’une œuvre
que Lafayette décide cette fois de publier anonymement en 1678 : La
Princesse de Clèves.
Lorsque ce roman sort des presses de Barbin le 8 mars 1678, on
retrouve la même impatience que chez les lecteurs des récits de Scudéry un
quart de siècle plus tôt. C’est du moins l’avis de Donneau de Visé dans le
numéro du Mercure Galant qui date du mois de parution de La Princesse de
Clèves : « Vous trouverez La Duchesse [sic] de Clèves dans mon paquet »,
dit-il à sa correspondante anonyme en province. « Vous savez depuis quel
temps et avec quelle favorable préoccupation tout le monde l’attendait. Elle
a rempli cette attente. » Dans un numéro spécial « extraordinaire » publié le
mois suivant, Donneau de Visé affirme que le roman « déjà fait agiter » ses
lecteurs. Certains sont d’avis que la princesse n’aurait jamais dû avouer à
son mari son attirance pour un autre homme, tandis que d’autres approuvent
sa décision et voient là une marque de vertu.
Les courriers de lecteurs (postés de Lyon, de Grenoble, de Dieppe ou
encore de Venise) publiés dans les numéros suivants sont des avis largement
négatifs quant au comportement de la princesse. Pour reprendre les mots
d’un lecteur publiés dans le numéro extraordinaire de juillet 1678, « il faut
convenir que le mariage a ses lois, et qu’il est dangereux à ceux qui y sont
engagés de ne les pas suivre ». Cette opinion est largement partagée par les
premiers lecteurs de La Princesse de Clèves, qui pensent aussi qu’une
épouse ne devrait jamais « se hasarder à une confidence qui pourrait
exposer [son mari] aux emportements de la jalousie ».
Donneau de Visé et ses commentateurs ne font référence à l’auteur
qu’occasionnellement, sans formuler plus d’hypothèses, et parmi les
contemporains de Lafayette, personne ne semble se soucier de la véritable
identité de l’auteur. Dans une lettre écrite peu après la publication,
Lafayette admet que certains voient en elle l’auteur du roman : « Mais je
vous assure que je n’y en ai aucune [part] et que Mr de La Rochefoucauld, à
qui on l’a voulu donner aussi, y en a aussi peu que moi ; il a fait tant de
serments qu’il est impossible de ne le pas croire, surtout pour une chose qui
peut être avouée sans honte 10 ». Plus tard dans sa vie, elle prend clairement
position. Lorsque Ménage lui demande si elle a écrit le roman, ou s’il faut
l’attribuer à Segrais ou à La Rochefoucauld, Lafayette répond : « Je ne crois
pas que les deux personnes que vous me nommez y aient nulle part, qu’un
peu de correction 11 ».
Le roman suscite de nombreux commentaires parmi les hommes de
lettres. Tout juste quatre mois après sa sortie, Lettres à Madame la
Marquise de *** sur le sujet de « La Princesse de Clèves », attribué à Jean-
Baptiste Du Trousset de Valincour, un allié de Boileau, attaque le roman
point par point — avec tant de minutie que la critique est presque aussi
longue que l’ouvrage. Puis, en 1679, Conversations sur la Critique de « La
Princesse de Clèves » (que l’on attribue généralement de nos jours à l’abbé
Jean-Antoine de Charnes) contient une réponse tout aussi longue et
détaillée aux critiques de Valincour. Cette fois-ci, l’ouvrage est publié par le
libraire de Lafayette, Barbin. Jamais, depuis la querelle du Cid de Corneille
en 1637, une œuvre littéraire française n’avait soulevé une telle polémique.
Tout au long de la controverse, Valincour et Charnes font seulement
référence à « l’auteur de La Princesse de Clèves » ou « l’auteur de cette
histoire », sans jamais débattre de l’identité de l’auteur du roman.
Lafayette n’est reconnue comme auteur que longtemps après sa mort, et
après celle de Louis XIV. Des témoignages sur la Cour, qui n’auraient
jamais pu être publiés du vivant du roi (et qui ne le sont toujours pas, à ce
moment-là, en France) commencent à paraître en Hollande. Les mémoires
de nombreuses femmes auteurs sont imprimés, dont ceux de Motteville en
1723 et Montpensier en 1728. En 1720, Histoire de Madame Henriette
d’Angleterre, par Dame Marie de La Vergne, comtesse de Lafayette est
publiée à Amsterdam. Pour la première fois, le nom « de Lafayette »
apparaît sur la page de titre d’une œuvre. « Dame Marie de La Vergne,
comtesse de Lafayette » est le premier nom d’auteur donné à Lafayette
depuis son portrait de Sévigné de 1659. En 1731, les Mémoires de la cour
de France pour les années 1688 et 1689, par Madame la comtesse de
Lafayette sont publiés, encore à Amsterdam. Au long du XVIIIe siècle, les
éditions hollandaises de ses œuvres gardent pour nom d’auteur « Madame
la comtesse de Lafayette ».
En France, c’est une autre affaire. En septembre 1718, Le Nouveau
Mercure Galant publie une nouvelle anonyme, intitulée simplement
« Histoire ». En juin 1724, le même périodique, qui a désormais pour nom
Mercure de France, contient une version légèrement différente de cette
histoire, qui perd tout à coup son anonymat : « La Comtesse de Tende,
nouvelle historique par Madame de la Fayette ». Voilà donc qu’en France,
Lafayette a désormais un nom d’auteur, « Madame de la Fayette », et un
corpus — ou presque : le premier et seul ouvrage publié sous son nom en
France pendant plus d’un demi-siècle est en fait une nouvelle historique
dont l’attribution est encore aujourd’hui un mystère, et dont on ne peut en
aucun cas prouver le lien avec Lafayette.
Lafayette ne devient officiellement auteur en France qu’au cours de la
deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le premier signe de ce nouveau statut est
imprimé en 1765 dans le volume 14 de l’Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert. Dans son article « Roman », le chevalier de Jaucourt attribue
Zayde et La Princesse de Clèves à « Madame la comtesse de Lafayette ».
Dès lors, les premières éditions au nom de Lafayette ne tardent pas à
paraître.
En janvier 1776, la Bibliothèque universelle des romans contient un
extrait de La Princesse de Clèves. Le nom de Lafayette n’apparaît pas sur la
page de titre, mais une préface désigne le roman comme le chef-d’œuvre de
« Madame de Lafayette ». En 1780, une autre collection monumentale est
en voie d’être publiée : Collection d’ouvrages français, en vers et en prose,
imprimée par ordre du comte d’Artois. Comme la première édition de
Divers portraits de Montpensier en 1659, cette collection est imprimée en
quelques exemplaires seulement et réservée à un public d’initiés. Plus d’un
siècle après leur première parution, Zayde et La Princesse de Clèves
paraissent enfin dans des éditions où le nom de l’auteur figure en page de
titre : « par Madame la comtesse de Lafayette ».
Six ans plus tard, Lafayette est enfin pleinement reconnue comme un
auteur. Une édition en huit volumes des Œuvres de Madame de Lafayette
est mise en vente à Paris et à Amsterdam à un prix abordable ; elle est donc
destinée à un public large. À l’exception de La Comtesse de Tende, toutes
les œuvres qui lui ont été attribuées sont pour la première fois accessibles
au grand public, et vendues sous ce qui devient alors son nom d’auteur
officiel, « Madame de Lafayette ».
Cette édition de 1786 marque la consécration de Lafayette qui accède
au rang d’auteur : le volume comprend son portrait gravé, ainsi qu’une sorte
de biographie, « Observations sur la vie et les écrits de madame de la
Fayette, par M. Delandine ». Cette première version officielle de sa vie
aurait plu à Lafayette : son père est seulement appelé « seigneur de La
Vergne », sans aucune mention de « Pioche ». Mais elle aurait peut-être été
surprise de se voir décrite avant tout comme une femme si « modeste »
qu’elle « refuse [les] honneurs » et « cache son savoir », et d’apprendre
qu’« elle eut la modestie de faire imprimer [Zayde] sous le nom de
Segrais ».
Le sixième volume amorce la publication de la correspondance privée
de Lafayette, en particulier ses lettres à Sévigné. L’éditeur a rassemblé les
lettres qui apparaissent déjà dans des éditions de la correspondance de
Sévigné, mais c’est la première fois que des lettres que Lafayette comptait
garder confidentielles font leur apparition dans les œuvres complètes de
« Madame de Lafayette ». Ces lettres sont un éloquent témoignage d’un
autre aspect de la littérature française : deux des plus grandes femmes
auteurs sont non seulement contemporaines, mais encore entretiennent
pendant des décennies une amitié et une intimité touchantes. Cela apparaît
très clairement dans l’édition de 1786. La dernière lettre du recueil, datée
du 24 janvier 1692, est la dernière lettre que Lafayette adresse à Sévigné
avant sa mort, le 25 mai 1693 : « Je péris à vue d’œil ; il faut finir, quand il
plaît à Dieu, et j’y suis soumise […] Croyez, ma très chère, que vous êtes la
personne au monde que j’ai le plus véritablement aimée. »
Sévigné, elle, meurt le 17 avril 1696. La même année, avec Les
Mémoires de messire Roger de Rabutin, comte de Bussy, plusieurs lettres de
Sévigné sont livrées au public ; elles ont été retrouvées dans les papiers de
son cousin Bussy-Rabutin après la mort de ce dernier en 1693. Mais
l’identité de Sévigné reste encore bien cachée. Ses lettres ne paraissent que
dans le dernier volume de la compilation, et leur auteur n’est désigné que
par « Madame de **** ». Les libraires qui mettent la main sur les
documents de Bussy par la suite ne font pas preuve de la même discrétion.
Quelques mois plus tard, trois épais volumes de lettres de Bussy sont
déjà disponibles, et cette fois-ci sa cousine est identifiée plus clairement :
« Madame la marquise de S*** ». En effet, deux des trois volumes publient
presque exclusivement les échanges entre Bussy et la marquise, à laquelle il
s’adresse toujours en disant « ma cousine 12 ». C’est ainsi qu’est entamé le
processus par lequel une femme qui avait demandé que l’on brûle toutes ses
lettres après sa mort finit par devenir un auteur publié.
Le premier recueil indépendant des lettres de Sévigné, imprimé en
1725, est un mince volume de soixante-quinze pages qui contient seulement
vingt-huit lettres ; la dernière est datée du 18 novembre 1676. Ce petit livre
connaît un tel succès qu’il est traduit en anglais l’année suivante. En 1726
paraissent deux nouveaux recueils, l’un contient cent trente-huit lettres,
l’autre cent soixante-dix-sept. Ce sont des éditions publiées sans
l’autorisation des héritiers de Sévigné par des libraires qui ont réussi à
mettre la main sur des manuscrits de sa correspondance. L’édition de 1734-
1737 en six volumes est la première à paraître avec l’autorisation de l’un de
ses descendants, Pauline de Grignan, marquise de Simiane. Elle comporte
six cent quatorze lettres, dont la première est datée du 25 juin 1670 et la
dernière du 15 janvier 1690. En 1754, on compte sept cent soixante-douze
missives disponibles. De nos jours, l’édition que l’on considère comme
définitive compte plus de mille cent lettres qui s’étendent du 15 mars 1648
au 29 mars 1696 13.
Du vivant de Sévigné, publier des lettres qui n’avaient pas vocation à
être lues par tous est monnaie courante. Une édition des lettres de Conrart
publiée seulement après sa mort, par exemple — par Barbin bien
évidemment —, s’ouvre sur une lettre de condoléances à un ami intime.
Cependant, si les lettres de Sévigné sont personnelles, c’est dans une tout
autre mesure. De l’intensité avec laquelle Sévigné exprime son amour
maternel à la grande inquiétude dont elle fait preuve quant à la santé de sa
fille, surtout durant ses nombreuses grossesses ; de la franchise étonnante
avec laquelle elle discute de la liaison de son fils avec Ninon de Lenclos
aux plaisanteries de Ninon concernant les insuffisances sexuelles de ce
dernier, tous ces sujets relèvent de la vie privée. Nulle mère ou famille
n’aurait pensé les léguer à la postérité.
Dès le début, la position de Sévigné est claire : elle ne veut en aucun cas
être mêlée au monde de l’édition. Lorsque Lafayette publie le portrait de la
marquise dans le recueil de Montpensier en 1659, Sévigné ne lui rend pas la
pareille. En 1665, lorsque l’Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-
Rabutin est imprimée et commence à circuler, il contient un portrait d’un
genre bien différent. C’est un portrait satirique de « Madame de
Cheneville » dans lequel tout le monde reconnaît sa cousine, la marquise, et
cette dernière ne cache pas sa détresse : « Être dans les mains de tout le
monde, se trouver imprimée, être le livre de divertissement de toutes les
provinces, se rencontrer dans toutes les bibliothèques, et recevoir cette
douleur, et par qui ? 14 »
Ses lettres ont circulé une nouvelle fois sans son consentement, et cette
fois encore, c’est son propre cousin qui est responsable. Le 28 décembre
1680, Bussy-Rabutin lui écrit pour l’informer qu’un des lecteurs de la
version manuscrite de ses mémoires n’est autre que Louis XIV. Bussy y a
inclus des lettres qu’elle lui avait envoyées pendant les « trois ans de votre
vie où vous m’avez le plus et le mieux écrit 15 ». Son cousin semble
convaincu que cette fois, Sévigné se réjouira d’avoir un lecteur si
prestigieux. Elle le remet rapidement à sa place : « Je n’ai jamais vu de
lettres, entre les mains d’un tiers, qu’on ne put tourner sur un méchant
ton […] Croyez-vous aussi que mon style, qui est toujours tout plein
d’amitié, ne se puisse mal interpréter ? 16 » Une fois encore, son propos est
tout à fait clair : Sévigné rédige des lettres qui ne sont destinées à être lues
que par leur destinataire.
Au fil des siècles et des éditions, à mesure qu’augmente le nombre des
lettres de Sévigné et qu’on en apprend davantage sur la vie de l’auteur, le
portrait de la femme qui se cache derrière ses lettres évolue. Dans les
recueils du XVIIe siècle, on n’envisage la marquise que du point de vue de
Bussy-Rabutin. On ne voit en elle qu’une interlocutrice qui permet à son
cousin, longtemps exilé de Paris, d’avoir accès au monde de la Cour de
Louis XIV en lui livrant un témoignage sur les hauts personnages et les
événements marquants du jour.
Puis, au début du XVIIIe siècle, les lecteurs français font la connaissance
d’un personnage bien plus secret. En 1725, la marquise reçoit pour la
première fois un nom d’auteur avec Lettres choisies de madame la marquise
de Sévigné à madame la comtesse de Grignan, sa fille, qui contiennent
beaucoup de particularités de l’histoire de Louis XIV. Le volume inclut
pour la première fois les lettres qui forment aujourd’hui la partie la plus
appréciée de la correspondance de Sévigné, les lettres à sa fille. Les éditions
publiées au cours du XVIIIe siècle omettent dans leurs titres toute référence
aux aspects les plus mondains de la correspondance. C’est par exemple le
cas avec le nom que choisit la petite-fille de Sévigné pour la publication
autorisée de 1734, et qui apparaîtra sur toutes les pages de titre ultérieures :
Recueil de lettres de madame la marquise de Sévigné à madame la comtesse
de Grignan, sa fille. Les recueils de sa correspondance avec sa fille se
multiplient tout au long du siècle.
Alors que le nom d’auteur de Lafayette est encore officiellement
inconnu en France, son amie intime devient célèbre : la femme qui refusait
toute circulation de sa correspondance devient en France l’écrivain femme
la plus connue d’une époque que l’on commence à célébrer sous le nom de
« siècle de Louis le Grand ». En même temps, les lecteurs découvrent un
tout nouveau genre « littéraire » : pour la première fois, une correspondance
véritablement privée est livrée au grand public. Sévigné devient ainsi le
premier auteur à devenir célèbre à cause de sa correspondance personnelle,
les lettres d’une mère à sa fille.
Déjà au milieu du XVIIIe siècle, cette image inédite pour une femme
auteur, celle d’une mère aimante, encourage une nouvelle lecture de la
correspondance de Sévigné. En 1756, l’abbé Pierre Barral rassemble des
fragments épars de ce qu’il appelle des « lettres familières » et compose
Sévigniana, ou Recueil des pensées ingénieuses, d’anecdotes littéraires,
historiques et morales, tirées des lettres de madame la marquise de Sévigné.
Il publie son œuvre avec un objectif bien clair, « qui est de présenter aux
jeunes gens une lecture amusante et instructive ». Sévigné, explique-t-il,
offre un modèle exemplaire aux jeunes lecteurs car après la mort de son
mari, « cette mère tendre » sacrifie tout afin de « [s’occuper] toute entière à
donner à ses enfants une excellente éducation » 17. Ce portrait de l’écrivain
en mère aimante fait de Sévigné une célébrité littéraire bien singulière. Au
début du XIXe siècle, à la différence d’autres auteurs aristocrates ayant vécu
sous le règne de Louis XIV, Sévigné n’a pas l’image d’une personne
imposante et distante, mais de quelqu’un que l’on inviterait volontiers chez
soi.
Pour la seule période allant de 1803 à 1808, pas moins de trois
comédies sont jouées dans des théâtres parisiens et s’inspirent de sa vie et
de ses lettres ; certaines reprennent même de longues citations de sa
correspondance. Une de ces pièces se clôt par un ballet dans lequel la
marquise danse avec son fils. Dans une autre, chaque acte comprend des
duos chantés par la mère et le fils. Chaque fois, Sévigné est présentée
comme un personnage qui affirme « avant tout, je suis mère », pour
reprendre la première réplique du personnage de Dupaty. Quant à Louis
Bernard de Montbrison, il conclut à propos de cette héroïne « l’amour
maternel […] faisait toute l’existence de cette tendre mère 18 ».
Au long du XVIIIe siècle, les correspondances personnelles de nombreux
auteurs français sont imprimées et deviennent célèbres. Ainsi, au début du
e
XIX siècle, la lettre est devenue un genre littéraire largement reconnu, et un

genre à part entière. Pour la première fois, Sévigné ne constitue plus un cas
sui generis et l’on dispose d’un cadre dans lequel mieux situer sa
correspondance. La femme désormais connue sous le nom de « Madame de
Sévigné » devient la première femme auteur à être continûment mise en
valeur dans le système éducatif français. Le titre de l’édition de 1812 en dit
long : Beauté des lettres de Madame de Sévigné, ou Choix de ses lettres les
plus remarquables sous le rapport de la pensée et du style, recueillies et
publiées pour l’instruction de la jeunesse. Dans une préface, on explique
qu’avec Sévigné commence le style épistolaire moderne : « Les lettres de
Balzac et de Voiture sont oubliées aujourd’hui, […] mais les lettres [de
Sévigné] vivront autant que notre langue 19. » Ce recueil de 1812 est réédité
au moins douze fois avant 1888. À cette date, Sévigné est déjà entrée au
panthéon des grands auteurs classiques français. Elle devient la seule
femme auteur à être célébrée de la sorte en raison de ses qualités
maternelles exceptionnelles.
Entre 1890 et 1914, cinq femmes seulement figurent au programme de
l’agrégation, et seulement deux d’entre elles, Lafayette et Sévigné,
apparaissent plus d’une fois. Cependant, Sévigné devance largement son
amie la plus chère : elle est au programme de l’agrégation masculine quatre
fois (contre deux pour Lafayette), et trois fois pour l’agrégation féminine
(une seulement pour Lafayette). De plus, alors que la notoriété de Sévigné
est confirmée, le genre épistolaire connaît un succès sans précédent.
Toujours entre 1890 et 1914, à une période où le système éducatif privilégie
le genre théâtral (choisi pour soixante-quatre sujets du concours), seulement
dix-neuf sujets se rapportent au roman, suivi de près par le genre épistolaire
avec seize sujets 20.
Au fil des siècles, le nom d’auteur « Madame de Sévigné » ne varie pas
mais le corpus qu’il représente change sans cesse d’aspect. Peut-être plus
que pour n’importe quel auteur, on lit avant tout des morceaux choisis de
son œuvre. Aujourd’hui, même si l’on dispose sans doute de la collection la
plus complète possible de sa correspondance, on lit rarement cette dernière
dans son intégralité. Les lecteurs d’aujourd’hui connaissent plutôt des
recueils de lettres et, comme dans les éditions anciennes, Sévigné apparaît
chaque fois sous un nouveau jour. Peu d’entre eux font l’expérience de la
grande complexité de sa correspondance, et de la façon dont la marquise
parvient à juxtaposer ses marques d’affection maternelles à des
commentaires politiques des plus acérés pour une plume de l’époque de
Louis XIV. En témoignent par exemple la remarquable série de lettres de
l’automne 1675 dans laquelle Sévigné livre à sa fille un compte rendu
détaillé de la répression de la révolte populaire qui a lieu à Rennes 21.
Un troisième nom est lié à ceux de Lafayette et Sévigné dès leur entrée
sur la scène littéraire en 1659, celui de Desjardins / Villedieu. Mais à la
différence de ses contemporaines, Villedieu n’est jamais devenue un auteur
classique. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, en premier lieu le fait
qu’avec Villedieu un vent de scandale atteint pour la première fois la
littérature féminine du XVIIe siècle.
Dans les années 1670, Villedieu se découvre un talent hors pair pour les
expérimentations formelles : elle écrit coup sur coup plusieurs romans qui
laissent tous entrevoir la future évolution de la fiction. Villedieu s’essaie à
la fiction épistolaire 22, ainsi qu’à la nouvelle historique avec Les Désordres
de l’amour. Lorsque Les Désordres sortent des presses en 1675, Barbin a
déjà publié la fiction qui deviendra son plus grand succès, Mémoires de la
vie d’Henriette-Sylvie de Molière. Entre 1671 et janvier 1674, les six petits
volumes qui composent le roman paraissent à intervalles réguliers ; chaque
tome fait tout juste la moitié de La Princesse de Montpensier. Ces volumes
marquent un tournant décisif dans le succès de la publication en petit
format.
Cette transition avait été amorcée dans l’œuvre de Scudéry. Les Femmes
illustres est publié en in-quarto, un format largement plus petit que l’in-
folio traditionnel dans lequel toute œuvre importante paraît alors. Mais,
comme les in-folio, les in-quarto ont l’inconvénient d’être difficilement
transportables. Les érudits à qui ils sont destinés les lisent souvent seuls
dans leur bibliothèque personnelle, debout devant un lutrin ou un autre
support de lecture. Même les plus petits d’entre eux sont difficiles à lire
assis sur une chaise.
Presque vingt ans plus tard, Artamène et Clélie paraissent en format in-
octavo : de dimensions beaucoup plus modestes, ils se transportent
facilement et sont destinés à des lecteurs ordinaires qui préfèrent lire assis,
dans toutes sortes de contextes, et souvent loin de chez eux. La plupart des
premiers lecteurs de Scudéry savourent probablement ses romans en
groupe, une personne étant chargée de lire l’œuvre à haute voix ; il s’agit
bien davantage d’un divertissement que d’une expérience érudite et
solitaire. Mais les volumes des romans de Scudéry restent épais et bien trop
volumineux pour être glissés dans la poche du lecteur.
Désireux d’élargir leur public, les libraires parisiens impriment des
volumes plus légers et plus maniables. Ils commencent par réduire le format
de l’in-octavo et le divisent en plusieurs volumes plus minces : en 1669-
1670, Zayde est un des derniers romans à paraître dans ce format réduit.
Déjà en 1669, dans les mois qui précèdent la parution de Zayde, Barbin a
publié deux œuvres de Villedieu en in-douze, Journal amoureux et Nouveau
Recueil de quelques pièces galantes.
Les formats in-douze sont introduits en Hollande à partir des
années 1630 par la famille d’imprimeurs Elzevir. Dans un premier temps,
ils impriment surtout des œuvres de l’Antiquité, la plupart en latin. En
1645, une traduction hollandaise d’Ibrahim de Georges de Scudéry est l’un
des premiers romans à paraître au format in-douze. En 1655, le Roman
comique de Scarron devient le premier roman français qu’ils publient en
langue originale et dans un petit format. Dans les années 1660, les Elzevir
étendent l’usage du petit format à de nombreuses œuvres de fiction
modernes, et à des œuvres imprimées en français, puis à des œuvres
destinées à un lectorat féminin ou écrites par des femmes. En 1660, les
Elzevir impriment une version in-douze de La Gallerie des femmes fortes
de Le Moyne, initialement publié en un somptueux et imposant in-folio.
Leur première édition d’une femme française date de 1661 : Les Femmes
illustres de Scudéry.
En 1671, lorsque Barbin entreprend la publication de Mémoires de la
vie d’Henriette-Sylvie de Molière en in-douze, la révolution du petit format
est achevée. Désormais, en France, c’est le petit format que l’on utilise pour
les récits de fiction tels que La Princesse de Clèves, premier roman de
Lafayette à paraître en in-douze. Les éditeurs hollandais ne tardent pas à
imprimer davantage de romans français dans leur format de prédilection.
Lorsque le roman conquiert le marché européen dans les dernières
décennies du siècle, la fiction française se lit pour l’essentiel dans ces petits
volumes. Le format in-douze requiert moins de papier, rendant le délai
d’impression bien plus court. Ce format signifie également moins de cahiers
à coudre, donc une confection plus rapide. Pour les libraires, tout cela
signifie un gain de temps et d’argent. Les œuvres peuvent être vendues
moins cher, et elles sont disponibles plus rapidement. Ce coût de production
revu à la baisse est essentiel à l’augmentation radicale du nombre de
lecteurs de récits de fiction, et encourage surtout le développement du
lectorat féminin. Ces œuvres-là sont véritablement les premiers livres de
poche, que l’on peut glisser dans la poche d’un vêtement masculin ou
féminin 23.
Henriette-Sylvie de Villedieu est l’un des premiers grands succès de ce
format. Les premiers volumes sont réimprimés avant même que les derniers
tomes ne soient sortis, et des éditions hollandaises non autorisées ne tardent
pas à voir le jour. Avant la fin du siècle, le roman est réimprimé cinq fois en
France ; c’est aussi la première œuvre de Villedieu à être traduite en anglais
(1672-1677).
On comprend aisément pourquoi ce roman a un tel succès à travers
toute l’Europe. L’héroïne de Villedieu a elle-même beaucoup voyagé ; elle
traverse les frontières et passe de ville en ville avec la plus grande facilité.
C’est aussi une héroïne unique en son genre au XVIIe siècle. En effet,
Henriette-Sylvie est si en avance sur son temps que l’on peut considérer que
Villedieu a eu plus d’influence sur le roman du XVIIIe siècle que n’importe
quel autre auteur de son époque. On entend encore l’écho de la voix de
l’héroïne de Villedieu dans La Vie de Marianne, ou les Aventures de
Madame la comtesse de *** (1731-1745) de Marivaux. Et, vraiment, les
aventures de Marianne ne sont rien à côté de celles de Sylvie.
La naissance de Sylvie est pour le moins mystérieuse : « Pour
commencer, je n’ai jamais bien su qui j’étais : je sais seulement que je ne
suis pas une personne qui ait de communes destinées ; que ma naissance,
mon éducation, et mes mariages ont été l’effet d’autant d’aventures
extraordinaires. » Elle laisse entendre souvent qu’elle est noble, peut-être la
fille du duc de Candale. Elle vit « noblement » et pour toutes les personnes
qu’elle fréquente Sylvie est une aristocrate.
Dans les « aventures extraordinaires » qu’elle évoque, Sylvie est
presque toujours « déguisée en homme ». Comme les Amazones de la
Fronde, elle commence par abandonner ce qu’elle appelle « l’équipage de
[s]on sexe » afin de passer inaperçue lors de ses voyages. Plus tard, elle
décide de s’habiller en homme pour une tout autre raison, lorsque son mari
Dom Francisco Gonsales de Menéze, bien plus âgé qu’elle, devient jaloux
de son premier amour, le comte d’Englesac : « il me fit mille reproches et
mille menaces… Je ne reçus plus que de mauvais traitements. » Lorsqu’elle
apprend qu’il projette de l’« enlever en une de ses maisons pour [l]’y tenir
enfermée », Sylvie prend ses bijoux et quitte Bruxelles en compagnie de sa
fidèle servante, « toutes deux en habit d’homme ».
Au cours de leurs voyages, elles croisent plus d’une femme vêtue de la
sorte, et pour les mêmes raisons. La comtesse du Cardonnoy, par exemple,
fuit elle aussi la violence du domicile conjugal « en habit d’homme ». Les
femmes mentionnées par Villedieu peuvent être imaginaires ou réelles (par
exemple la marquise de Ganges qui vient d’être assassinée) mais sont
forcées, tout comme Sylvie, de fuir « la maison de son mari qui la traitait
inhumainement ».
Les aventures d’Henriette-Sylvie pendant sa fuite et sa rencontre avec le
comte d’Englesac invitent à réfléchir à l’inégalité des destins masculins et
féminins. Comme l’explique Sylvie, puisque « le comte était beau, d’une
taille approchant la mienne, et pouvait passer pour moi en un besoin, chez
une dame qui avait la précaution de n’admettre aucune lumière dans ses
plaisirs », ils peuvent échanger leurs rôles auprès de la belle marquise qu’ils
essaient tous deux de séduire. Habillée en homme, Sylvie courtise la
marquise le jour ; la nuit, le comte la remplace. « Enfin l’intrigue dura
jusques à ce que le mari de la dame ayant surpris je ne sais comment de ses
lettres avec les réponses que je lui faisais de ma propre main, il entra dans
une extrême jalousie et donna ordre de nous épier. » Un soir, alors qu’elle
se trouve déguisée auprès de la marquise et qu’elle lutte contre sa demande
de « profiter de notre solitude », le marquis sort brusquement de sa cachette
« pour nous sacrifier tous deux à son honneur ». La marquise parvient à
s’échapper, mais Sylvie se trouve piégée : « Cet homme […] vint à moi
l’épée haute […] il me désarma, et appelant ses valets […], il leur
commanda de me dépouiller […] ces bourreaux eurent commencé à
déchirer mes habits et ma gorge leur parut à découvert […] Je fus encore
bienheureuse de ce qu’on pût apercevoir que je n’étais qu’une femme. » La
scène se finit par une satire des mœurs sexuelles de l’époque, où le mari
trompé, plutôt que de neutraliser l’individu qu’il a pris pour l’amant de sa
femme, tente de le séduire. Le marquis implore le pardon de Sylvie « à
genoux », lui baise les mains, « et en un mot il se radoucit tellement […]
que le plus grand danger que je courus ce jour-là ne fut pas celui d’être
tuée ».
La scène permet à l’héroïne de Villedieu de comparer les conséquences
des écarts de conduite des hommes et des femmes. Alors qu’aucun homme
(ni le comte, ni le marquis, encore moins le « vieux mari ») n’est inquiété
au cours de ces « aventures extraordinaires », Sylvie n’a pas autant de
chance : « Enfin mon nom est devenu l’exécration des honnêtes gens […],
jusqu’à le mettre sous la presse et à faire des romans de ma vie qui
n’avaient pas un seul mot de vérité 24. »
Le sort de Sylvie semble présager du destin de son auteur. À la mort de
Villedieu, l’annonce de son décès dans Le Mercure Galant de
novembre 1683 n’est que louanges pour « une dame que son esprit a rendu
illustre » et pour son œuvre : « peu de personnes ont un style aussi aisé ».
Quinze ans plus tard, le lexicographe Pierre Richelet estime suffisamment
Villedieu pour en faire la seule femme à paraître dans son recueil Les Plus
Belles Lettres françaises. Dans la seconde édition de 1698, la préface qu’il
ajoute, « Particularités de la vie des auteurs français qui ont écrit des
lettres », et l’entrée « Des Jardins (Marie-Catherine) » la distinguent
clairement, mais cette fois c’est pour la condamner : « elle renonça
entièrement au mariage, et se résolut à passer le reste de ses jours dans la
galanterie 25 ».
Sans l’intervention de Pierre Bayle, cette image sulfureuse de Villedieu
aurait pu rester la seule biographie à peu près contemporaine de l’auteur. En
1702, dans la première réédition de son dictionnaire, après le portrait
dépeint par Richelet, Pierre Bayle ajoute l’article « Jardins (Marie-
Catherine des) ». Bayle cite l’entrée de Richelet en entier et ajoute :
« L’auteur qui me fournit ce narré a omis beaucoup de choses […] Bien des
gens m’ont assuré que la galanterie de cette femme fût infiniment plus
petite […] Il serait juste de ne pas excuser Mr. Richelet ; car comme il
demeurait à Paris et qu’il n’y menait pas une vie sédentaire, il lui était facile
de s’informer 26. » Mais dans les siècles qui suivent, ce sont les accusations
de Richelet qui sont invariablement rattachées à la biographie de Villedieu,
tandis que la défense de Bayle est tombée dans l’oubli.
Richelet invente là une nouvelle manière de censurer celles qui osent
« s’ériger en écrivaine ». Dans la dernière décennie du siècle, alors que le
« roman » de la vie de Villedieu est diffusé, d’autres femmes auteurs
n’auront pas la chance d’avoir Bayle pour défendre leur réputation.
Tout au long des années 1670 et 1680, les femmes auteurs qui
apparaissent dans le sillage de Scudéry sont de véritables pionnières.
Lafayette écrit La Princesse de Clèves, le roman qui devait être l’œuvre
phare de la fiction du XVIIe siècle. Sévigné, elle, rédige la plus grande partie
de sa correspondance. Villedieu publie la plus grande partie de ses romans
et de ses fictions avant-gardistes. Parfois, un nouveau visage fait son
apparition. Dans les années 1680, trois romans de Catherine Bernard (1662-
1712) sont publiés, y compris son œuvre la plus connue, Les Malheurs de
l’amour (probablement rédigé en collaboration avec Fontenelle en 1687).
Ces deux décennies qui ont vu naître tant de chefs-d’œuvre sont un moment
décisif dans l’histoire de la littérature féminine.
Mais, d’une certaine manière, le meilleur reste à venir. En 1690, Marie-
Catherine Le Jumel de Barneville, baronne d’Aulnoy (1650-1705) entame
sa carrière littéraire avec deux publications : Histoire d’Hypolite, comte de
Duglas et Mémoires de la cour d’Espagne. Avec le recul, on peut voir ces
œuvres comme les prémices de ce que réservent les toutes dernières années
du siècle.
Dans les années 1690, le nombre de publications des femmes auteurs
battent tous les records. Pour la première fois, il ne s’agit plus d’une seule
femme qui inspirerait ses héritières, comme c’était le cas pour Scudéry et
Lafayette. Au même moment, une demi-douzaine de femmes créent un
genre nouveau qui prend vite le nom de conte de fées. Dès 1695, la
production littéraire féminine occupe une part si importante du marché du
livre que, pour la première fois, il semble tout à fait normal pour une femme
de « s’ériger en écrivaine ». Un nouveau genre de tradition littéraire est né.
Chapitre VI
LA PLUS GRANDE
DES GÉNÉRATIONS ?

L’entrée des femmes du XVIIe siècle dans le domaine de la fiction


narrative en prose s’effectue de façon lente et prudente. En 1641, lorsque
Scudéry publie Lettres amoureuses, seuls trois romans écrits par une femme
ont été imprimés 1. Quelques autres voient le jour dans la première moitié
du siècle ; 1659 est la première année à voir paraître deux romans de la
main d’une femme. Il y en a trois en 1661, puis quatre en 1674. Mais la
percée décisive n’a lieu qu’à la fin du siècle.
Dans les années 1690, les chiffrent ne cessent d’augmenter : on compte
dix-neuf romancières au milieu de la décennie. De 1687 à 1699, 33 % des
romans qui paraissent en France sont écrits par une femme. En 1698, les
femmes sont à l’origine de 37,5 % de la production, et à leur apogée en
1695, elles représentent 47 % de la production annuelle. Ces romans sont
des créations personnelles : le temps de la collaboration avec des hommes
est largement révolu. De manière générale, les femmes ont moins tendance
à publier anonymement, comme elles le faisaient plus tôt dans le siècle.
Elles adoptent un nom d’auteur qui annonce que l’œuvre a bel et bien été
écrite par une femme : dans les années 1690, les pseudonymes masculins
sont passés de mode.
Jamais, sous l’Ancien Régime, les femmes n’ont autant été sur le devant
de la scène littéraire qu’au cours des années 1690. Ce n’est que très
récemment que les femmes françaises ont réussi à égaler cet exploit et ont
obtenu une telle visibilité. La génération des années 1690 est remarquable.
Ces femmes publient de façon régulière et inventent des sous-genres dont le
succès persiste tout au long du XVIIIe siècle, et même au-delà. Celui qui fait
e
le plus sensation est le seul genre hérité du XVII siècle qui, jusqu’à nos
jours, a toujours passionné les lecteurs : le conte de fées.
Le genre connaît des débuts timides. Le premier conte de fées est publié
en 1690, dans le second volume d’Hypolite, comte de Duglas de la baronne
d’Aulnoy. Au milieu d’une conversation, un personnage supplie un autre de
raconter une histoire. Ce dernier y consent et « tenta de se rappeler de sa
mémoire un conte approchant de ceux des fées ». Un nouveau genre était
né, dont le nom exprime la particularité : il ne s’agit ni d’une histoire ni
d’une nouvelle, mais d’un conte. Hypolite se lance dans un récit qui dure
près de soixante pages, et qui commence par la phrase : « La Russie est un
pays froid où l’on ne voit guère les beaux jours d’un climat tempéré ». Ce
récit, appelé de nos jours « L’Île de la félicité », n’est dans son édition
originale signalé par aucun sous-titre, et ne se détache pas du corps du texte.
Ses lecteurs ne remarquent peut-être pas qu’ils assistent aux débuts d’un
genre nouveau qui allait bientôt devenir un vrai phénomène littéraire 2.
Impossible même pour eux d’être certains de l’identité de l’auteur :
l’édition originale de 1690 est anonyme. Il est cependant évident pour les
lecteurs que l’œuvre a été écrite par une femme : elle s’ouvre sur une épître
dédicatoire à Marie Anne de Bourbon, princesse douairière de Conti, fille
légitimée de Louis XIV, signée « la très humble, la très obéissante et très
obligée servante ». C’est le premier exemple d’un phénomène répété
maintes fois dans les collections de contes de fées écrits par des femmes :
ils sont dédiés à une lectrice — et, par trois fois, à la princesse douairière de
Conti. Les lecteurs de l’époque remarquent aussi peut-être que le privilège
est accordé à « la Dame de B… D… » [Bonneville d’Aulnoy].
Personne, au début, ne remarque ce nouveau genre. En 1691, Perrault
publie la version originale de « Griselidis », la première histoire dans la
même veine que celles de son célèbre recueil de 1697, Histoires, ou Contes
du temps passé. Mais « Griselidis » est qualifiée de « nouvelle » et ne
mentionne aucune fée ; rien n’indique que Perrault ait eu alors conscience
de l’existence d’un nouveau genre. En effet, c’est seulement en 1694 que
Perrault ajoute à la dernière édition de « Griselidis » un récit dans lequel
figurent des personnages et des événements merveilleux, « Peau d’Âne ».
Cette fois, Perrault a conscience de ce qui se trame : bien que,
contrairement à d’Aulnoy, ses histoires comportent rarement des fées, il
parle dans sa dédicace de « contes d’ogre et de fée ». Le genre se retrouve
ainsi rebaptisé par l’un de ses plus grands défenseurs.
Tout comme ceux d’Aulnoy, les premiers contes de Perrault sont
anonymes. En réalité, cet auteur qui signe toutes ses autres publications
n’associe jamais son nom à un conte de fées.
La défense la plus efficace du conte de fées coïncide avec la période où
le rôle des femmes dans la production de la fiction narrative en prose est le
plus important. Au cours de ces années essentielles, les femmes, à
commencer par la nièce de Perrault, Marie-Jeanne L’Héritier, dominent la
production du conte de fées.
En 1694, son poème à la gloire de Deshoulières est publié par un
libraire peu scrupuleux, qui décide de faire « imprimer son nom tout du
long » sur la page de titre, tandis que L’Héritier « ne voulait point qu’on la
nommât » 3. Le 8 octobre 1695, deux nouvelles collections des œuvres de
L’Héritier sont publiées, toutes les deux par Jean Guignard, Nouvelles en
vers et en prose et Œuvres mêlées : leurs pages de titre mentionnent
simplement « par Madelle L’H*** ». Dans les années qui suivent,
L’Héritier restera fidèle à ce nom d’auteur. Avec « Madelle L’H*** »,
L’Héritier invente une formule à laquelle se rallieront de nombreuses
femmes auteurs de la même décennie.
Ses nouveaux recueils mêlent vers et prose, ainsi que différents types de
récit. Le premier contient « Marmoisan, nouvelle héroïque » qui rappelle
clairement l’âge des Amazones françaises. Léonore, une jeune femme noble
habillée en homme, est victorieuse à la guerre, et quand elle reprend ses
habits de femme, elle triomphe également en amour, gagnant le cœur du
beau jeune prince qui avait lutté à ses côtés — tout cela sans l’intervention
des fées. Mais le volume contient aussi « L’Adroite princesse, ou les
aventures de Finette, nouvelle », dédiée à « Madame la comtesse de
Murat » : « vous qui êtes savante dans toutes sortes d’antiquités, je ne doute
pas, comtesse charmante, que vous n’ayez cent fois entendu parler du
merveilleux pouvoir des fées ». « L’Adroite princesse » est le premier conte
de fées de L’Héritier, et le second à être publié par une femme. Le deuxième
recueil de L’Héritier, Œuvres mêlées, contient un conte de fées et un
prologue qui rend hommage à ce nouveau genre : « Dans le temps où il y
avait en France des fées, des ogres, des esprits folets et d’autres fantômes de
cette espèce (il est difficile de le marquer ce temps-là)… 4 » Dans ces deux
volumes, L’Héritier place le conte de fées pour la première fois au centre
d’une œuvre littéraire et, à partir de 1695, le genre sort très rapidement de
l’ombre.
Le Mercure Galant de février 1696 propose « La Belle au bois dormant,
conte ». Dans sa présentation à sa mystérieuse correspondante, Donneau de
Visé explique : « Quoique les contes des fées et des ogres semblent n’être
bons que pour les enfants, je suis persuadé que la lecture de celui que je
vous envoie vous fera plaisir. » L’éditeur de l’influent mensuel informe
ainsi ses lecteurs de l’arrivée d’un nouveau genre sur la scène littéraire
parisienne : des récits qui ont pour protagonistes des créatures
merveilleuses destinés aux adultes. Depuis la fin des années 1690, les fées
apparaissent régulièrement dans la production littéraire. En revanche, elles
ne seront plus jamais créées de façon aussi explicite pour un public adulte.
Donneau de Visé précise ensuite que l’auteur de l’histoire est également
celui d’un conte précédent, publié en février 1695, fort apprécié de sa
correspondante. Mais cette histoire, comme il l’en avait déjà informée en
1695, est écrite par « une personne de votre sexe ». Et en 1697, dans son
compte rendu d’Histoires, ou Contes du temps passé, Donneau de Visé
confirme que ce volume est l’œuvre de l’auteur de « La Belle au bois
dormant ». Donneau de Visé s’applique donc à brouiller les pistes, et fait
implicitement de ce recueil (qui, pour les lecteurs modernes, définit toute la
tradition française du conte de fées du XVIIe siècle) non pas l’œuvre de
Charles Perrault, mais celle d’une femme auteur anonyme.
Visiblement, il avait l’autorisation de procéder ainsi, puisque Perrault et
lui sont des alliés indéfectibles dans la bataille qui sévit dans les
années 1690, et que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de la Querelle des
Anciens et des Modernes. Charles Perrault voulait laisser croire aux
premiers lecteurs de ses contes — aujourd’hui classiques — qu’ils étaient
en train de lire la création d’une femme, s’assurant ainsi que le nouveau
genre à la mode des années 1690 soit vu comme un genre typiquement
féminin. Dès 1696, un nombre croissant de femmes contribue au
développement du genre. Catherine Bernard suit l’exemple d’Aulnoy et
ajoute deux contes de fées à son dernier roman Inès de Cordoue, « Le
Prince rosier » et « Riquet à la houppe ». Et chaque conte est signalé par un
sous-titre, ce qui garantit son intégrité comme œuvre à part 5.
D’Aulnoy signe ce qui est à la fois la contribution la plus importante au
genre du conte de fées et la plus significative des années 1690. On se trouve
alors tout juste trois mois après la parution du recueil de Perrault en 1697 :
Barbin, le libraire de Perrault, est devenu celui d’Aulnoy et vient de finir
l’impression des deux premiers volumes de son recueil Les Contes de fées.
En août 1697, un troisième volume d’Aulnoy est en cours d’impression, et
un dernier voit le jour peu de temps après. Puis, le 6 février 1698,
commence la publication d’une deuxième série de contes composés par
d’Aulnoy, Contes nouveaux ou les Fées à la mode. Les deux premiers
volumes paraissent en janvier, et les deux derniers en juillet de la même
année.
La vitesse avec laquelle le genre s’élabore est spectaculaire. En dix-huit
mois seulement, les neuf livres de contes de fées qui allaient marquer de
façon définitive l’esprit des lecteurs sont disponibles. On compte parmi eux
les huit contes du volume de Perrault et les vingt-cinq contes des huit
volumes d’Aulnoy 6. Par ailleurs, les recueils d’Aulnoy sont les premiers à
être exclusivement consacrés aux contes de fées. L’idée fait vite des émules.
En 1698, quatre nouveaux volumes sont publiés, et deux d’entre eux
sont signés par les seuls autres auteurs masculins qui s’essaient aux contes
de fées à la fin du XVIIe siècle. Les lecteurs de l’époque ne le réalisent peut-
être pas ; les deux volumes ont souvent été attribués à d’Aulnoy, et l’on
comprend bien pourquoi. Les Contes moins contes que les autres de Jean de
Préchac et Les Illustres Fées, contes galants dédiés aux dames de Louis de
Mailly sont tous deux publiés anonymement, et le titre de Mailly est
identique à celui d’une réimpression hollandaise datant de 1698 des tout
premiers recueils d’Aulnoy. Aucun des deux auteurs ne publiera d’autres
contes. À partir de ce moment-là, le genre le plus rentable de l’édition
parisienne des années 1690, le conte de fées, reste un domaine
exclusivement féminin. Il est surprenant de voir qu’encore aujourd’hui, le
seul nom retenu par l’histoire littéraire est celui de Perrrault.
Avant la parution des volumes de Préchac et de Mailly, en janvier 1698,
Henriette-Julie de Castelnau, comtesse de Murat (1670-1716), ajoute deux
volumes à un corpus de contes qui ne cesse de grandir : Contes de fées et
Les Nouveaux Contes des fées, tous deux dédiés à la princesse de Conti 7.
Sur les deux pages de titre figure déjà ce qui deviendra son nom d’auteur,
facilement reconnaissable : « par Mad. la comtesse de M.*** ».
Le 23 décembre 1697 un recueil est publié presque en même temps que
ceux d’Aulnoy et de Perrault, les Contes des contes de Charlotte Rose de
Caumont de La Force (16 ?-1724). La Force est la plus noble de toutes les
femmes auteurs de son siècle : elle n’a pas épousé un membre de la haute
aristocratie, elle est issue d’une famille décrite dans les pages du Mercure
Galant comme « une des plus illustres du royaume 8 ». La Force avait déjà
publié plusieurs romans appréciés ; Le Mercure Galant avait souvent fait
l’éloge de son travail. Ses premières publications sont anonymes, mais la
page de titre de Contes des contes indique que l’œuvre est écrite « par
Mademoiselle de *** ».
À la fin des années 1690, les libraires comprennent qu’un lien avec une
femme auteur ne peut que favoriser le succès de ce nouveau type de fiction
narrative. Plutôt que de chercher à minimiser une telle association, comme
avaient choisi de le faire des libraires tels que Courbé, ils décident de mettre
en avant le rôle des femmes dans la composition des contes de fées. À cette
fin, nul besoin pour les libraires de disposer d’un nom complet. Un simple
« Madame ou Mademoiselle de **** » suffit à transmettre le message : le
livre a été écrit par une femme. Avant la fin de la décennie, les libraires
parisiens sont activement à la recherche de nouveaux recueils du genre à la
mode. Dans le « Libraire au lecteur » qui ouvre les Contes des contes de La
Force, Simon Bénard avoue : « ayant vu que les contes des fées avaient eu
un si grand succès, j’ai demandé ceux-ci qui sont composés il y a quelque
temps 9 ».
L’augmentation soudaine des publications de contes de fées à partir de
1697 et 1698 est sans doute le premier phénomène littéraire qui non
seulement s’organise autour de la production littéraire féminine, mais aussi
pour lequel la participation des femmes auteurs est grandement recherchée
et sollicitée.
Dans les années 1658 à 1660, alors que les débats sur la préciosité font
rage, le marché du livre parisien est centré sur des ouvrages écrits par des
hommes qui tournent les aspirations intellectuelles des femmes en ridicule,
et dont le succès est immédiat et éclatant. Une quarantaine d’années plus
tard, l’engouement pour les contes de fées exerce la même emprise — mais
cette fois, ce sont presque uniquement les femmes qui en sont à l’origine et
elles en tirent toute la gloire.
Dans un tel climat, ceux qui jetaient l’opprobre sur les femmes auteurs
s’agitent désormais en vain. Lorsque la satire de Boileau à l’encontre des
femmes est enfin publiée en 1694, une trentaine d’années après que son
auteur affirme l’avoir composée, sa diatribe contre les dangers du roman
paraît dérisoire aux yeux des lecteurs des années 1690, et ne les persuade
nullement d’abandonner la lecture des œuvres écrites par des femmes. Le
dialogue de Boileau paraît quelques mois seulement avant que ne soit
entamée l’année 1695, la plus prospère pour les romancières françaises. Il
n’est pas surprenant que dans ce contexte Scudéry ait eu du mal à
comprendre pourquoi Boileau continuait à s’acharner sur Clélie.
L’essor des contes de fées ne disparaît pas après l’apogée de 1697 et
1698. En 1699, Catherine Durand, dame Bédacier (16 ?-1736), insère dans
La Comtesse de Mortane, nouvelle son premier conte, qui met en scène la
fée Lubantine. Le roman est attribué en page de titre à « Madame *** ».
Murat publie elle aussi un nouveau recueil, Histoires sublimes et
allégoriques, par Madame la Comtesse de **, dédiées aux fées modernes.
Au tournant du nouveau siècle, les femmes continuent de débuter leurs
carrières littéraires dans le sillage de celles qui ont fait le succès des contes
de fées. La Tyrannie des fées détruite, nouveaux contes dédiés à Madame la
duchesse de Bourgogne, par Madame la comtesse de D.L. est publié dans
les premiers mois de l’année 1702. « Madame la comtesse de D.L. »
demeure par la suite le nom d’auteur de Louise de Bossigny, comtesse
d’Auneuil (1670 ?-1730 ?). Mais d’Auneuil ne cherche pas à se cacher
derrière ces initiales : la libraire Veuve Chevillion place le privilège de
l’œuvre tout de suite après la page de titre, là où les lecteurs peuvent le voir
avant de commencer leur lecture. Ils comprennent ainsi que la permission
de publier a été accordée à « la comtesse d’Auneuil ».
Bien qu’Auneuil reste longtemps fidèle au genre à la mode, elle en
explore les limites, illustrant du même coup la souplesse du conte de fées. À
la fin de l’année 1702 paraît un nouveau périodique qui reprend une
formule désormais bien connue, puisqu’il propose de rapporter les dernières
nouvelles à une inconnue éloignée de la capitale. Le titre intégral de la
revue figure sur son premier numéro : Nouvelles diverses du temps, La
Princesse de Pretintailles, par Mad. la Comtesse D.L., mois de
septembre 1702. Tout est dit : d’Auneuil vient d’inventer une forme hybride
qui mêle conte de fées et périodique.
Dans les premières lignes de ce nouveau périodique, d’Auneuil passe
par l’intermédiaire de son narrateur pour rappeler Le Mercure Galant tout
en s’en distinguant :

Ne croyez pas, Madame, que les plaisirs de Paris me fassent oublier que vous
m’avez ordonné de vous envoyer tout ce qui se fera de nouveau dans cette ville. Je
laisse au Mercure Galant le soin de vous instruire des conquêtes de notre grand
monarque… Pour moi, je me charge de vous apprendre ce qui se passe dans les ruelles
des dames et dans le cabinet des muses. Pour commencer à m’en acquitter, je vous
envoie la Princesse de Pretintailles.

Auneuil enchaîne directement avec le conte de fées annoncé en page de


titre. Mais puisque le volume contient également des « histoires » dans la
veine de celles qui paraissent tous les mois dans Le Mercure Galant, ainsi
qu’un « essai sur l’histoire de Perse », Nouvelles diverses du temps est, dans
l’ensemble, assez proche des périodiques de l’époque. En réalité, même
« La Princesse de Pretintailles » est bel et bien « du temps » et de son
temps, avec une différence qui signale l’esprit d’innovation d’Auneuil.
L’histoire met en scène une fée du nom de Bizarre, ses personnages sont des
princesses, et les noms des personnages principaux (la princesse des
Falbalas et la princesse des Pretintailles) trahissent la manière dont
d’Auneuil va transformer le genre. Pour son périodique, elle crée des fées
de la mode, des histoires dans lesquelles les princesses rêvent moins du
prince charmant qu’elles ne songent aux prochaines tendances de la mode.
Par exemple, une des héroïnes, la princesse des Falbalas, a la réputation
de ne pouvoir être « jamais surpassée dans l’art d’inventer des modes ».
Pourtant, comme le prédit la fée Bizarre au début du conte, elle finit par être
dépassée par sa propre fille, la princesse des Pretintailles, qui devient la
coqueluche de Paris : ses tenues sont immédiatement imitées par les plus
grandes couturières de la ville, jusqu’au jour où les maris, « outrés de la
dépense prodigieuse que ces nouveaux ajustements faisaient faire à leurs
femmes », la forcent à regagner le royaume de sa mère 10.
La mode suivie par les princesses d’Auneuil reproduit exactement les
tendances de l’époque, à commencer par l’ornement dont est inspiré le nom
de la mère. Le mot « falbala » est encore relativement nouveau en 1702,
mais il a déjà derrière lui une importante histoire, et d’Auneuil le sait bien
lorsqu’elle l’utilise. Le « falbala », inventé en 1693, désigne une bande
d’étoffe ornant le bas d’une jupe, comme l’indique une gravure de mode de
cette année. Par la suite, des falbalas de styles divers sont adoptés par la
mode française.
7. Jean Dieu de Saint-Jean, Femme de qualité en Stenkerke et falbala, se vend a Paris
sur le Quay Pelletier a la Pomme d’Or au premier appartement, 1693.

Le mot est apparu à l’écrit deux fois auparavant, et chaque fois dans un
conte de fées. En 1695, dans « Marmoisan », L’Héritier figure un
personnage qui « eut la solide gloire d’inventer tous les Stinquerques [une
sorte d’écharpe également introduite en 1693] et les Falbalas de son
siècle 11 ». En 1698 suit le conte d’Aulnoy « Le Pigeon et la Colombe »,
dans lequel une fée arbore un « tablier en falbala ». Pourtant, le mot n’entre
dans le dictionnaire de l’Académie française qu’en 1762.
Quant au terme qui donne son nom au périodique d’Auneuil,
« pretintailles », qui désigne une mode parisienne encore plus récente, une
autre bande de tissu qui orne les jupes, l’auteur est la première à l’utiliser
dans une publication en septembre 1702. Une autre femme auteur de contes
de fées, L’Héritier, la suit de près : en juin 1703, dans le premier numéro de
son nouveau périodique, L’Érudition enjouée, L’Héritier donne aux lecteurs
éloignés de Paris des exemples de l’utilisation du mot : « des jupes
pretintaillées », différentes des « jupes en pretintailles ». Comme
« falbala », le mot ne fait son apparition dans un dictionnaire qu’en 1762.
Les fées et princesses des contes de fées ont ainsi une longueur d’avance
sur les membres de l’Académie française quand il s’agit d’informer les
dames vivant loin de Paris de « tout ce qui se fera de nouveau dans cette
grande ville ».
Malgré son titre, le périodique d’Auneuil n’est pas un mensuel. Le
numéro suivant ne paraît qu’en novembre 1702, et le silence qui suit n’est
interrompu qu’en mars 1703. Chaque numéro propose un conte de fées, et
chacun conte discute de la mode de l’époque. Le numéro de mars 1703, Les
Colinettes, nouvelles du temps, par exemple, donne à ses lectrices éloignées
de la capitale les dernières informations quant aux « colinettes », un
nouveau genre de coiffe qu’adoptent les Parisiennes pour les tenues
décontractées. (Le mot fait sa première apparition dans un dictionnaire dans
l’édition de 1771 du Dictionnaire de Trévoux.)
Dans le domaine de la mode parisienne de la fin du siècle, d’Auneuil
sait pertinemment qu’elle n’a qu’un seul rival, Le Mercure Galant. Déjà
dans les premiers numéros, en 1672, Donneau de Visé a publié des articles
présentant les dernières tendances parisiennes. En 1678, il a même inclus
des illustrations de toilettes féminines, ainsi que des mentions publicitaires
pour les plus grands marchands d’étoffes et couturières de l’époque. La
couverture médiatique de la mode parisienne assurée par Le Mercure
Galant marque les débuts du journalisme de mode moderne et des journaux
de mode de la capitale qui fleurissent à partir de la fin du
e
XVIII siècle. D’Auneuil est la première à emboîter le pas à Donneau de Visé

en soulignant clairement une des caractéristiques qui définissent les contes


de fées féminins.
À la différence de la « Belle au bois dormant » de Perrault, « habillée
comme ma mère-grand » au terme de son long sommeil, les héroïnes des
contes imaginés par les femmes et même les fées qui détiennent le pouvoir
sont inévitablement vêtues de tenues qui ne les relèguent en rien à un autre
monde ou une autre époque. Comme l’indique le titre de la collection dans
laquelle d’Aulnoy introduit le mot « falbala », elles sont véritablement à la
mode, et sont les héroïnes les plus au courant des tendances parisiennes de
toute la fiction narrative en prose du XVIIe siècle. Dans l’histoire du genre du
conte de fées, plus jamais les héroïnes ne seront si élégantes et à la mode.
L’attention portée à l’habillement contemporain, ce véritable reportage sur
la mode de la capitale, explique peut-être en partie le succès immédiat des
contes de fées français à travers l’Europe. Les héroïnes y sont décrites avec
tant d’exactitude que ces récits féminins constituent une source
d’information largement inexploitée sur l’histoire et l’évolution de la mode
française à la fin du XVIIe siècle.
Les femmes font même des connaissances dans le domaine de la mode
l’élément central de l’intrigue de plusieurs contes. C’est sans doute
d’Aulnoy qui le fait avec le plus d’habilité, notamment dans une de ses
versions de « Cendrillon », « Finette Cendron », d’abord paru dans Contes
nouveaux ou les Fées à la mode en 1698. Alors qu’une ogresse s’apprête à
croquer l’héroïne et ses méchantes sœurs, Finette détourne son attention en
disant : « Si vous vouliez quitter ces horribles peaux d’ours, dont vous êtes
habillée, vous mettre à la mode, nous vous coifferions à merveille, vous
serez comme un astre. » Puis, tandis que ses sœurs bouclent les cheveux de
l’ogresse, Finette s’empare d’« une hache et lui donna par derrière un si
grand coup, qu’elle sépara son corps d’avec sa tête 12 ».
Les femmes auteurs de contes de fées suivent l’exemple de Donneau de
Visé d’une autre manière encore. Comme d’Auneuil, elles mettent en avant
le rôle joué par un autre groupe de femmes qui, en même temps que les
femmes auteurs, attire tous les regards sur la capitale : les couturières de
Paris 13.
En 1675, pour la première fois dans un pays européen, les femmes
françaises sont autorisées à former une corporation, ce qui leur permet de
faire légalement le commerce des vêtements qu’elles confectionnent. En
1690, on compte trois cents maîtresses couturières à Paris. Pour la première
fois dans la capitale, les femmes qui ont les moyens de porter des tenues à
la mode peuvent être habillées par des femmes plutôt que par des maîtres
tailleurs. Dans la dernière décennie du siècle, les couturières et leurs
clientes collaborent pour « inventer des modes », exactement comme la
princesse du conte d’Auneuil.
Le résultat est une révolution de la mode. Inventée par des couturières
parisiennes, la nouvelle mode propose à celles qui détestent le très rigide et
très peu confortable costume de cour de rigueur à la Cour de Louis XIV une
tenue plus simple, moins apprêtée, « le déshabillé ». Les colinettes, qu’il
faut selon le conte d’Auneuil porter « en négligé », illustrent parfaitement
les nouveaux concepts et les styles nouveaux inventés à cette époque.
Cette révolution donne aussi aux femmes une raison supplémentaire de
se promener dans Paris. Plutôt que de recevoir un tailleur à leur domicile et
de procéder chez elles aux essayages, les Parisiennes commencent à se
rendre dans les établissements de leurs couturières préférées et à choisir
leurs tenues dans leurs boutiques.
Les adresses des plus grandes couturières parisiennes (la boutique de
Madame du Creux rue Traversine, près du Louvre, par exemple) sont
indiquées dans les périodiques et les guides. Les femmes habitant d’autres
villes ou d’autres pays commencent alors à voyager et à se rendre à Paris
pour acquérir les dernières tenues à la mode.
Les nouvelles modes créées dans les dernières décennies du XVIIe siècle
par les couturières parisiennes sont les premières à être jugées typiquement
françaises. Auparavant les modes avaient les mêmes frontières que les pays,
et les femmes de la Cour d’Espagne et de celle de France arboraient des
styles bien distincts. La mode parisienne qui naît à la fin du XVIIe siècle
devient la première à traverser les frontières et à être largement imitée hors
du pays qui l’a vu naître. Pour la première fois, des femmes à travers toute
l’Europe veulent s’habiller à la manière des Françaises : celles de la Cour
d’Angleterre, par exemple, commencent à privilégier le style français. Pour
la première fois, il est entendu que pour être vraiment à la mode, il faut
suivre la mode parisienne et ses tendances, et porter des vêtements
confectionnés par des couturières parisiennes. Les auteurs de contes de fées
comprennent que la mode et la fiction peuvent œuvrer de concert afin
d’attirer
t
8. [Nicolas de Larmessin ?], La Couturiere, A Paris, au Gr. S . Remy.
t
Rue S . Jacq. aprés les Mathurins. Avec privil. du Roy, 1695.

le même public — d’où leur choix de mettre en scène des princesses vêtues
à la dernière mode. C’est ainsi que les années 1690 marquent l’avènement
simultané de la mode parisienne et des contes de fées français.
Les contes de fées eux-mêmes sont une forme de haute couture. Une
décennie durant, ils représentent une force à ne pas sous-estimer dans le
monde de l’édition parisienne. Les recueils se succèdent et finissent par
former un corpus de contes. Puis, comme toutes les tendances, le conte de
fées disparaît aussi subitement qu’il est apparu.
Le premier signe de cette désaffection à l’égard du conte de fées date
peut-être de 1702, lorsque Durand publie Les Petits Soupers de l’été 1699,
ou Aventures galantes, avec l’Origine des fées. Le roman de Durand relève
d’un genre hybride, l’histoire principale offre l’équivalent littéraire des fêtes
galantes de Watteau : des histoires d’amour dans un cadre contemporain, un
parc ou un domaine à la campagne près de Paris ; plusieurs contes sont
intercalés dans ce cadre, notamment « L’Origine des fées », dans lequel un
personnage — qui n’est autre que Jupiter — prédit l’apparition de
« femmes illustres qui célébreront les fées et renouvelleront leurs faits avec
beaucoup d’esprit et d’art 14 ».
Le roman de Durand est en même temps empreint d’une profonde
nostalgie. Il dépeint l’été de l’année 1699 comme le moment privilégié où
sont nées les histoires racontant les prouesses des fées. À en croire le
roman, en 1702 l’âge d’or du conte appartient déjà au passé.
C’est en effet le cas. L’année 1703 voit paraître les derniers numéros du
périodique d’Auneuil. Après cette date, les femmes françaises ne publient
plus aucun recueil de contes de fées : les derniers à être écrits par des
femmes appartenant à la grande génération des années 1690 sont inclus par
L’Héritier dans son volume de 1705, La Tour ténébreuse, et par d’Auneuil
dans son roman de 1709, Les Chevaliers errants et le génie familier. En
1710, lorsque Murat publie Les Lutins du château de Kernosy sous son nom
d’auteur, « Madame la comtesse de M*** », elle qualifie sa nouvelle œuvre
de « nouvelle historique » sans utiliser le mot « conte ». Et, cette fois-ci, le
pouvoir magique n’est plus aux mains de fées mais de « lutins », des êtres
traditionnellement définis comme masculins.
Murat est la première des auteurs de contes de fées à réaliser que la
prédiction de Durand en 1702 disait vrai. En 1704, lorsque paraît la
première version des Mille et Une Nuits d’Antoine Galland, le public
français découvre un genre de contes merveilleux radicalement différent.
Cette nouvelle tradition n’est pas du tout française. Les pouvoirs magiques
sont aux mains de personnages masculins, et les femmes n’ont presque plus
de rôle créatif (on dit cependant que Shéhérazade, la conteuse de Galland,
aurait été inspirée par d’Aulnoy). Au début du XVIIIe siècle, plusieurs
écrivains masculins créent ce qu’ils appellent des « contes orientaux » : ce
nouveau genre fait alors oublier le conte de fées.
En réalité, c’est au delà des frontières françaises, en Angleterre, que le
succès du conte de fées français est pérenne. L’Angleterre est le deuxième
pays européen où s’élabore une nouvelle tradition de fiction narrative en
prose, ce qu’on appelle souvent le roman moderne. En Angleterre, les
années 1690 à 1740 sont la période clé où apparaissent de nouveaux genres
de fiction. Le conte de fées fait alors partie des genres les plus appréciés,
mais reste perçu comme un genre résolument français. En l’espace de
cinquante ans, soixante-deux contes français sont traduits en anglais et
connaissent souvent plusieurs traductions, mais pas un seul ne paraît de la
main d’un auteur anglais 15.
En Angleterre aussi, le conte de fées est un domaine purement féminin.
En effet, la place occupée par d’Aulnoy dans le développement du genre est
telle que son nom devient synonyme de conte de fées.
Tandis qu’en France le succès d’Aulnoy et des premières créatrices de
contes de fées s’estompe à partir des années 1720, il ne fait que s’accroître
en Angleterre. Les contes d’Aulnoy y sont souvent réédités jusqu’au
e
XIX siècle. Conçus à l’origine pour un public adulte, ses contes changent

peu à peu de lectorat : dans les années 1770, l’œuvre d’Aulnoy est devenue
l’archétype d’un genre littéraire en pleine expansion, la fiction pour enfants.
Son nom est lié à une figure semblable à celle de Ma Mère l’Oye, Mother
Bunch.
Avant que le conte de fées ne fasse fureur dans le monde littéraire
parisien au milieu des années 1690, certaines des plus grandes conteuses se
sont déjà distinguées dans d’autres genres romanesques, notamment
d’Aulnoy. Hypolite, comte de Duglas, qui contient le tout premier conte de
fées, est achevé d’imprimer le 2 février 1690. Au mois de novembre de la
même année, Barbin a déjà fini d’imprimer les deux volumes de ses
Mémoires de la cour d’Espagne. L’œuvre s’ouvre sur une déclaration du
narrateur : « Ce n’est pas dans l’histoire générale que l’on apprend de
certaines particularités qui plaisent ordinairement plus que l’histoire
même […]. Cette raison m’a persuadé que je pouvais écrire avec succès
plusieurs choses secrètes qui se sont passées à Madrid 16. » D’Aulnoy donne
là la définition la plus précise fournie à l’époque de sa création d’un
différent type de fiction, bientôt appelé histoire secrète. Les auteurs de ces
histoires définissent leur domaine comme celui des « secrets de l’histoire »,
des histoires qui n’ont jamais été dévoilées dans ce que d’Aulnoy appelle
l’histoire générale ou « l’histoire même ». Les « particularités qui plaisent
plus que l’histoire même » sont les histoires d’amour qui, d’après les
femmes qui excellent dans le genre, sont la clef pour comprendre les actions
des grands dirigeants de l’histoire.
À la fin des années 1690, Bayle accuse Villedieu d’être responsable de
la prolifération de ce genre subversif et d’avoir

ouvert la porte à une licence, dont on abuse tous les jours de plus en plus ; c’est celle
de prêter ses inventions, et ses intrigues galantes, aux plus grands hommes des
derniers siècles, et de les mêler avec des faits qui ont quelque fondement dans
l’histoire. Ce mélange de vérité et de la fable se répand dans une infinité de livres
nouveaux, perd le goût des jeunes gens, et fait que l’on n’ose plus croire ce qui est au
17
fond croyable .

Mais l’histoire secrète ne devient à son tour un genre phare de la scène


littéraire parisienne qu’au milieu des années 1690, lorsque le rythme des
parutions d’Aulnoy se ralentit.
Cinq mois seulement après Mémoires de la cour d’Espagne, Barbin a
fini d’imprimer les trois tomes de sa Relation du voyage d’Espagne. Le
premier volume commence par une adresse préliminaire au lecteur — mais,
pour une fois, c’est l’auteur qui s’exprime, et non Barbin. D’Aulnoy se
présente comme l’auteur des ouvrages précédents et explique qu’elle s’est
décidée à ajouter cette préface afin de répondre aux critiques soulevées par
les Mémoires dès leur publication. À ceux qui l’ont accusée de mélanger
fiction et faits historiques, l’auteur répond de façon catégorique que tout ce
qu’elle a écrit peut être vérifié.
Sa nouvelle œuvre inaugure une forme narrative qui devait être souvent
imitée au cours de la décennie suivante. Ce récit de voyage prend
l’apparence d’une suite de très longues lettres adressées par la narratrice à
une « chère cousine » qui a exprimé le souhait d’« être informée de tout ce
qui m’arrive et de tout ce que je remarque dans mon voyage 18 ».
En janvier 1692, Barbin publie un autre roman d’Aulnoy, Histoire de
Jean de Bourbon, prince de Carency. Sept mois plus tard, en août, Barbin
sort deux volumes supplémentaires : Nouvelles espagnoles, par Madame de
D.***. Pour son dernier recueil de nouvelles situées à la Cour d’Espagne,
d’Aulnoy décide pour la première fois de souligner son statut d’auteur sur
la page de titre d’une de ses œuvres. C’est sous le nom d’auteur « Madame
D.*** » que les lecteurs connaissent désormais d’Aulnoy. « Madame
D.*** » devient sans aucun doute le plus illustre romancier européen du
tournant du siècle.
En deux ans et demi seulement, « Madame D.*** » a publié neuf
volumes de fiction et initié deux grands genres de fiction narrative en prose.
Mais il faut attendre encore deux ans, jusqu’à la fin de 1694, pour que la
prolifique auteur publie enfin un ouvrage annoncé quatre ans auparavant à
la fin de Mémoires de la cour d’Espagne, où elle promet « des mémoires
d’une autre cour où j’ai demeuré qui ne sont pas moins particuliers que
ceux-ci 19 ». D’Aulnoy commence ses Mémoires de la cour d’Angleterre,
par Madame D.*** en révélant ses sources pour les « choses secrètes »
contenues dans l’œuvre :

Il est vrai, ma chère cousine, que le séjour que j’ai fait à Londres et l’amitié que la
Duchesse de Richemont [Frances Stuart, duchesse de Richmond] et Madame Hayde
[Anne Hyde, duchesse d’York] avaient pour moi m’ont mise en état de savoir d’elles
20
des aventures très agréables et fort particulières de la cour d’Angleterre .

D’Aulnoy répond ainsi aux questions que ses premières œuvres ont
suscité d’emblée et que des générations de commentateurs n’ont cessé de
poser : d’Aulnoy s’est-elle vraiment rendue en Espagne et en Angleterre ?
Ses nombreuses publications du début des années 1690 reposaient-elles sur
des renseignements de première main et de véritables témoignages ? Ou
bien l’auteur utilise-t-elle des éléments glanés çà et là dans des sources
contemporaines, afin de donner l’illusion de la vraisemblance ? En
l’absence de preuves, difficile de trancher, mais une chose est sûre : si
d’Aulnoy n’a pas fait de séjour prolongé en Espagne et en Angleterre, elle
n’en réussit pas moins à rassembler assez d’éléments pour persuader ses
lecteurs de la fiabilité de ses propos. Pour les lecteurs du XVIIe siècle comme
pour les générations suivantes, les « choses secrètes » révélées dans ses
romans passent pour de véritables témoignages de la vie dans ces pays et à
leurs Cours. Dans les années 1830, les textes d’Aulnoy continuent d’être
perçus de la sorte : pour Ruy Blas, Victor Hugo fait des Mémoires de la
cour d’Espagne sa principale source d’information.
Trois mois seulement avant que d’Aulnoy ne ralentisse le rythme de sa
production, Charlotte de Caumont de La Force lui emboîte le pas, comme
elle le fera trois ans plus tard après la publication du premier conte de fées.
À partir d’août 1694, La Force publie plusieurs romans qu’elle qualifie
d’« histoire secrète » : ce faisant, elle invente le nom qui serait celui de
toutes ces fictions. La série débute avec Histoire secrète de Bourgogne,
suivie un an plus tard par Histoire secrète des amours de Henry IV, roi de
Castille. Chaque roman comprend une dédicace ou une préface indiquant
que l’auteur est une femme. Au tournant du siècle, La Force devient sans
doute la plus ardente partisane du genre. Une autre femme fort prolifique,
Anne de La Roche-Guilhen, utilise un nom d’auteur calqué sur celui de
« Madame D.*** » : en page de titre de ses Histoires des favorites,
contenant ce qui s’est passé de plus remarquable sous plusieurs règnes,
paru en 1697, l’auteur signe « par Mademoiselle D*** ». Mais au-delà des
frontières françaises, les lecteurs ont une vision très différente du genre et
de ses développements.
En Angleterre, comme cela avait été le cas pour le conte de fées, la
popularité d’Aulnoy éclipse tous les autres auteurs de fictions historiques et,
dans ce cas, son influence est encore plus marquée. Ses fictions historiques
sont traduites presque immédiatement, plus rapidement encore que ses
contes de fées. Son œuvre la plus célèbre, la Relation du voyage d’Espagne,
paraît en anglais dès 1692 sous le titre The Ingenious and Diverting Lady’s
Travels into Spain. Elle est rééditée au moins douze fois avant 1740,
devenant l’un des romans les plus lus en Angleterre durant ces décennies
décisives pour le développement du roman anglais.
La période qui va de 1690 à 1740 est déterminante pour l’apparition du
roman anglais moderne. D’Aulnoy est alors l’auteur français le plus traduit
outre-Manche. Trente-six éditions de ses œuvres voient le jour durant cette
période, c’est-à-dire plus que les éditions cumulées de La Force, La Roche-
Guilhen, Mailly et Le Noble, et plus que toutes les éditions de Lafayette et
des Mille et Une Nuits réunies 21. Presque oubliée par l’histoire littéraire
moderne, d’Aulnoy est à l’époque l’auteur français le plus important en
Angleterre. Les critiques ont repéré l’influence d’Aulnoy sur des aspects
clés du roman anglais du XVIIIe siècle.
En décembre 1696 paraît Mémoires de madame la comtesse de M***,
une des créations féminines les plus magistrales des années 1690. Le nom
d’auteur en page de titre indique aux lecteurs de l’édition originale l’identité
de l’auteur des mémoires, que les lecteurs français bien avisés ne tardent
pas à reconnaître : il s’agit de la comtesse de Murat.
L’édition originale s’ouvre sur un « avertissement » dans lequel la
narratrice se présente, et expose avec véhémence les raisons qui l’ont
conduite à publier ce récit : « Malgré tous les bruits qui ont été répandus
contre ma conduite, j’avais pris le parti de ne rien écrire pour me justifier,
mais certains mémoires qui paraissent depuis peu m’ont déterminée à faire
l’histoire de ma vie. » Des mémoires attribués à Saint-Évremond, explique-
t-elle, « peuvent insinuer une opinion très désavantageuse des femmes.
Cependant je sais par ma propre expérience, que l’imprudence et le hasard
ont souvent plus de part à leurs fautes que défaut de vertu. Les mémoires de
ma vie feront connaître qu’il n’est pas toujours sûr de juger sur les
apparences 22. »
Vient ensuite une seconde page de titre qui reprend le même message :
« La Défense des dames ou les mémoires de la comtesse de M*** dans
lesquels on verra que très souvent il y a beaucoup plus de malheur que de
dérèglement dans la conduite des femmes ». À la fin des deux longs
volumes, les lecteurs rencontrent la même phrase, reprise presque mot pour
mot :

J’espère au reste continuer le dessein que j’ai de justifier les femmes. J’en ai
connu plusieurs qu’on n’a pas plus ménagées que moi, et je ferai voir par le récit de
leurs aventures, encore mieux que par les miennes, que souvent les apparences nous
trompent, et qu’il y a plus de malheur que de dérèglement dans la conduite des
23
Femmes .

Doit-on considérer les Mémoires de madame la comtesse de M***


comme une œuvre autobiographique ? Cette œuvre percutante est-elle un
exemple supplémentaire du type d’exploration à l’œuvre dans le genre
romanesque, dans lequel les femmes de la décennie 1690 excellent, et qui
devait connaître une grande destinée au XVIIIe siècle ? Comme dans le cas
des Mémoires de la vie d’Henriette-Sylvie de Molière, les lecteurs de toutes
les époques ont tendance à identifier l’héroïne du roman à son auteur
— plus souvent encore dans le cas de Murat que dans celui de Villedieu.
Mais c’est passer là à côté de l’intention de Murat. Cette dernière cherche
moins à raconter l’histoire d’une femme qu’à susciter une controverse de
grande ampleur : il s’agit d’un débat de société abordé maintes fois par les
femmes auteurs par le biais du roman depuis Artamène de Scudéry, à savoir
la question du droit des femmes au sein du mariage.
Comme la Sylvie de Villedieu, la jeune comtesse du roman de Murat est
mariée à un homme bien plus âgé qu’elle ; comme dans le cas de Sylvie,
son mari devient jaloux et finit par la maltraiter. Lorsqu’elle apprend qu’il
compte l’enfermer, elle prend la fuite, encore une fois comme Sylvie. Enfin,
elle utilise aussi (mais de façon bien plus détaillée et systématique) sa
situation personnelle pour plaider en faveur des femmes maltraitées par leur
mari et par l’opinion publique. La comtesse porte même l’affaire devant les
tribunaux et demande une séparation légale. Le point fort de son histoire
arrive « enfin [lorsque son procès] était en état d’être jugé ».
Comme ses consœurs romancières dans leurs histoires secrètes, Murat
est loin d’éviter les sujets sensibles — au contraire, elle les affectionne tout
particulièrement. Son récit est d’autant plus choquant qu’il est narré à la
première personne et se déroule dans un cadre contemporain plutôt que
dans une cour étrangère ou dans un lointain passé. Tous ces éléments
concourent à inciter le lecteur à confondre auteur, femmes contemporaines
et héroïne. Comme les juges qui président au procès de cette dernière, les
lecteurs sont amenés à s’interroger sur la sévérité de la punition qui est
réservée aux femmes dans cette situation. Enfin, et c’est peut-être là
l’élément le plus scandaleux, l’héroïne de Murat fait clairement comprendre
que ni elle, ni aucune femme partageant sa triste situation ne compte se
laisser accuser et tomber dans l’oubli sans protester. Sa mère est par
exemple disposée à négocier un « accommodement » avec son mari, à
condition que la comtesse accepte de quitter Paris et de vivre dans l’ombre
en province. L’héroïne de Murat répond : « Je lui dis que j’avais été trop
maltraitée pour me contenter d’un accord fait en particulier, et que je
voulais être justifiée publiquement 24. »
De nos jours, dans l’histoire littéraire, les trois romancières les plus
prolifiques des années 1690 — d’Aulnoy, Murat et La Force — sont le plus
souvent condamnées à l’oubli, comme l’aurait souhaité Boileau. La
condamnation la plus sévère à leur encontre est celle d’Antoine Adam dans
un ouvrage qui a longtemps eu une influence déterminante, Histoire de la
littérature française au XVIIe siècle. Alors qu’il consacre plus de cinq pages
à un poète relativement mineur, Guillaume Amfrye, abbé de Chaulieu,
Adam expédie en moins de quatre pages tous les auteurs de romans et de
contes de fées publiés dans les années 1690. Ces quelques pages ne sont
que moqueries et condamnations — sauf pour Perrault, dont les contes
« restent un des plus charmants chefs-d’œuvre de notre littérature ». Adam
ne mentionne jamais l’énorme influence des femmes auteurs des
années 1690, de leurs romans et de leurs contes, sur l’évolution du roman
européen dans son ensemble. D’Aulnoy, Murat et La Force sont qualifiées
d’« effrontées aventurières ». Chacune d’elles est taxée de « scandales
éclatants », d’« indignité », ou d’« aventures » — le tout sans que jamais
soient cités de quelconques documents d’archives. Adam raille même un
historien (sans le nommer) qui, dans le cas de Murat, « s’évertu[e] à
défendre sa vertu ». Quant à leurs œuvres qui ne sont selon Adam que de
« fades récits », la sentence est pure et simple : « On ne songerait plus à les
lire 25. »
Les accusations à l’encontre des trois auteurs (comportement indécent,
voire criminel), en effet, ne manquent pas. Mais les chercheurs ne se sont
guère penchés sur le détail de ces condamnations, du moins pas assez pour
pouvoir déterminer ce qui s’est réellement passé. Comme le savent bien
tous ceux qui ont l’habitude des archives de l’Ancien Régime, les
accusations, même celles qui nous semblent les plus graves, sont monnaie
courante, et peu d’entre elles résistent à l’examen.
Au XVIIe siècle, les accusations des hommes à l’encontre des femmes
ont trait, presque systématiquement, à leur inconduite amoureuse. Il suffit
que le plaignant soit riche, influent, et de haute condition pour que les
femmes, même issues du plus haut rang, aient grand-peine à se défendre.
Les témoignages semblent souvent n’être rien de plus que des rumeurs qui
n’apportent aucune preuve de leurs allégations. Un exemple simple et
concret est celui de Charlotte-Rose de Caumont de La Force, une autre
femme auteur qui entretient un rapport compliqué avec l’institution du
mariage.
Deux choses, dans la biographie de La Force, attirent l’attention : sa
date de naissance varie d’une version à l’autre et son mariage en juin 1687
est toujours dépeint comme inconvenant, parce que son mari est bien plus
jeune qu’elle. La procédure, longue et compliquée, qui a mis fin à cette
union indique cependant que de La Force a alors trente-deux ans et que
Charles (de) Brion, son mari, en a vingt-six — différence qui ne paraît pas
démesurée 26.
Leur mariage avait été reconnu par l’Église, et avait reçu la bénédiction
de Louis XIV. Il est controversé aux yeux d’un seul homme, le beau-père de
La Force, Claude (de) Brion, riche financier et président de la Cour des
Aides. Claude de Brion est un nouveau noble qui vient d’acheter la
particule de son nom en même temps qu’une charge extrêmement onéreuse
de président de la Cour des Aides. Clairement, le mariage entre La Force et
Brion semble être un échange de valeurs, ce qu’un des plaidoyers confirme
d’emblée : les fonds sont fournis par Brion, tandis que La Force apporte
« les avantages de sa naissance 27 ». La Force adopte là une stratégie
caractéristique des précieuses, où le mariage est avant tout un instrument
social, comme l’a démontré l’étude de Carolyn Lougee : le membre d’une
famille qui vient d’acheter ses titres de noblesse est intégré à l’ancienne
aristocratie, la noblesse d’épée 28. Mais le mari de La Force ne parvient pas
à obtenir le consentement de son père, ce qui, à la fin du XVIIe siècle en
France, est une erreur souvent fatale.
Afin de dissoudre le mariage, Claude de Brion se tourne vers l’autorité
qu’il est sûr de gagner à sa cause, le Parlement de Paris. Il affirme que ce
mariage est « comme d’abus », une notion juridique envoyant certaines
affaires en cassation au Parlement, au motif que ces affaires sortent des
compétences des tribunaux ecclésiastiques et relèvent désormais du
Parlement et de sa suprématie juridique. Le Président de Brion et son
avocat, Denis Talon, avancent que La Force est coupable du crime de « rapt
de séduction ». Ce crime est une invention des années 1680 ; il a relancé le
combat qui oppose l’État français et l’Église pendant plusieurs siècles au
sujet de l’institution du mariage et de sa réglementation. Dans ces cas-là, on
accuse homme comme femme d’avoir obtenu le mariage par ruse ou
séduction. Inégalité sociale ou différence d’âge, un seul des deux faits suffit
à prouver le rapt de séduction. Puisque personne ne se serait aventuré à
suggérer que le rang de La Force était insuffisant, elle est décrite comme
infiniment plus vieille que son mari.
Comme l’ont montré les historiens du droit, dans ces cas-là la sentence
du Parlement a inévitablement un caractère paternaliste. L’âge auquel les
hommes sont libres de se marier sans le consentement de leur père (c’est-à-
dire l’âge de la majorité) passe même de vingt-cinq à trente ans afin
d’étendre la durée de l’autorité paternelle. À vingt-six ans, selon la loi
ecclésiastique, Charles de Brion est libre de se marier sans le consentement
de son père mais, sous la juridiction du Parlement, il n’en a pas encore le
droit. L’avocat de son père raconte que le jeune homme a été piégé par La
Force : « Il s’imaginait que le crédit de l’intimée lui procurerait une charge
considérable à la cour et un établissement tout autrement éclatant qu’une
charge de conseiller que son père lui promettait 29. » C’est bien là le cœur du
problème : le fils imagine sa vie d’une certaine façon et son père d’une
autre. On a souvent suggéré que le rapt de séduction était une invention des
membres du Parlement pour qui il est impensable d’autoriser les enfants à
se marier sans le consentement des parents sans causer la ruine de la société
française ou, pour reprendre la phrase utilisée dans un traité de droit, « la
ruine des familles 30 ». Autrement dit, la plainte de Claude Brion a été
entendue par l’autorité idéale. Malgré cela, sa victoire a été difficile.
Peu de temps après le mariage, il fait arrêter et emprisonner son fils à la
prison Saint-Lazare : cela ne suffit pas pour que Charles renonce à sa
femme, même au bout de cinq mois de captivité. Puis, en novembre, « la
longueur de sa prison, les mauvais traitements qu’il a soufferts l’ont obligé
à tenir un autre langage 31 ». L’avocat de La Force avance que « tout le bien
du Sieur de Brion fils ne serait pas suffisant pour les dommages et intérêts
que l’intimée souffrirait si l’on donnait atteinte à son mariage 32 ». Il ajoute
autre part que « la médisance a débité des histoires capables de la
déshonorer 33 ». Il n’aurait su mieux dire, puisque cette « médisance » est
toujours à l’œuvre de nos jours.
Pour reprendre la question posée par l’héroïne de Murat moins de dix
ans avant le procès de La Force pour rapt de séduction, y a-t-il « beaucoup
plus de malheurs que de dérèglement dans [sa] conduite » ? On ne connaîtra
peut-être jamais la réponse, comme on ne pourra jamais répondre aux
questions concernant la vie privée de Villedieu, de d’Aulnoy ou de Murat.
On devrait plutôt se demander quelle importance ont de telles affaires pour
l’histoire littéraire. Difficile de comprendre pourquoi les historiens de la
littérature s’évertuent aujourd’hui encore à réitérer les accusations de
Claude de Brion et ses pairs. Disons simplement que si ces auteurs des
années 1690 avaient été des hommes, les « scandales éclatants » qui refont
surface chaque fois qu’il s’agit de mentionner le rôle de ces femmes
seraient tombés dans l’oubli depuis longtemps 34. On aurait peut-être pris
l’habitude de parler de d’Aulnoy non pas comme d’une femme dangereuse,
mais comme celle qui a succédé à Scudéry dans le rôle de l’écrivain
français le plus apprécié au-delà des frontières. Et on aurait peut-être
accordé à la génération des années 1690 la place qu’elle mérite dans
l’histoire littéraire française.
Chapitre VII
FEMMES SAVANTES

Vers la fin du XVIIe siècle éclate un nouveau conflit opposant Boileau à


un défenseur des femmes. Cette fois, il s’agit de Charles Perrault, et la
dispute a lieu au sein du forum intellectuel le plus éminent et le plus célèbre
de l’époque, l’Académie française. Leur différend est au centre d’un des
débats littéraires les plus importants de tous les temps, connu aujourd’hui
sous le nom de Querelle des Anciens et des Modernes.
La Querelle débute le 22 janvier 1687, lorsque Perrault lit à l’Académie
un poème narratif intitulé Le Siècle de Louis le Grand, dans lequel il
affirme que grâce aux éclatantes victoires de Louis XIV, « L’on peut
comparer sans craindre d’être injuste, / Le siècle de Louis au beau siècle
d’Auguste. » Huet est du même avis, mais Boileau s’y oppose
farouchement 1.
Deux œuvres sont publiées l’année suivante : l’édition hollandaise
originale du Dialogue des héros de roman de Boileau et le premier volume
du traité Parallèle des Anciens et des Modernes (1688-1697), fondamental
dans l’œuvre de Charles Perrault 2. Tandis que dans Le Siècle de Louis le
Grand, Perrault ne met ni le roman ni les femmes auteurs au centre de son
argumentation en faveur de la supériorité de l’époque moderne, leur
importance apparaît clairement dans le Parallèle. Dès lors, le chef de file
des Modernes fait des exploits des femmes écrivains un aspect essentiel de
la Querelle des Anciens et des Modernes.
Dès le début du premier volume de son traité, Perrault lance son attaque
en rappelant des propos défendus par leurs illustres précurseurs de
l’Académie, tel que Vaugelas, dont le traité de 1647, Remarques sur la
langue française, venait d’être réédité en 1687. Perrault soutient que dans le
débat qui en 1687 partageait les intellectuels français en deux camps, il
fallait suivre « le jugement des dames » et « le goût des dames » à cause de
« la justesse de leur discernement » 3. De cette manière seulement, les
Modernes peuvent se libérer du préjugé qui dicte que n’importe quelle
œuvre de l’Antiquité est supérieure à n’importe quelle création moderne.
En 1689, Perrault enchaîne avec un deuxième volume. Dans une
préface, il exprime clairement un nouveau but : il soutient non seulement
que son siècle peut être comparé à l’âge d’or de Rome, mais encore que
« notre siècle a quelque avantage sur l’antiquité » et que « les ouvrages des
Modernes égalent et surpassent même quelquefois ceux des Anciens ». Le
volume est consacré à un dialogue entre quatre personnages. L’Abbé, celui
qui défend la cause des Modernes avec le plus de véhémence, reprend un
argument inspiré de la préface écrite par Huet pour le roman de Lafayette,
Zayde. Il emprunte également un concept au discours scientifique, celui de
progrès. Il présente ainsi « l’honnêteté, la civilité et déférence pour le beau
sexe, vertus presque inconnues aux Anciens, et qui ont été portées si loin
par les Modernes » comme « des preuves assurées du progrès qu’on a
fait » 4. L’Abbé fournit ensuite une définition du progrès littéraire : la
création par des auteurs modernes de genres inconnus aux Anciens. Il
choisit deux exemples de tels genres : « nos contes de Peau d’Âne et de ma
Mère l’Oie » et « les romans en prose composés pour plaire et pour instruire
tout ensemble ». Il cite quatre romans pour illustrer la grandeur de la
littérature moderne ; deux d’entre eux sont de Scudéry : « nos Clélies et nos
Cyrus » 5.
En 1689, quand Perrault écrit le deuxième volume de son Parallèle, il
ne peut pas savoir que la tradition jusqu’alors purement orale des contes de
fées qu’il évoque allait bientôt devenir le phénomène littéraire le plus
important de la fin du XVIIe siècle. Hypolite d’Aulnoy, qui comprend le
premier conte de fées publié, est imprimé seulement quinze jours avant le
tome II du Parallèle. Perrault lui-même ne publie son premier conte,
« Griselidis », qu’en 1691. Mais avant la fin de 1690, d’Aulnoy publie les
Mémoires de la cour d’Espagne : la décennie qui voit l’explosion de
l’écriture féminine commence. Tout cela ne pouvait manquer d’inquiéter les
partisans de Boileau.
Dans le troisième volume de Parallèle, paru en 1692, la position de
Perrault quant à la suprématie de son époque se radicalise. Dans la préface,
Perrault répète son argument : « si les poètes anciens sont excellents, les
Modernes ne leur cèdent en rien, et les surpassent même en bien des
choses ». L’Abbé compare par exemple « nos bons romans » aux poèmes
épiques de l’Antiquité, et affirme qu’« il y a dix fois plus d’inventions »
dans des romans tels que « le Cyrus » et « la Clélie » que dans l’Iliade. Il
déclare enfin que ces romans n’ont pas les « défauts » que l’on trouve dans
les poèmes épiques, tout en conservant « une infinité de beautés
nouvelles ». Même si l’Abbé répond tout de même que « Dieu me garde de
dire jamais pareille chose » lorsqu’on lui demande si ces œuvres « valent
mieux que l’Iliade et l’Énéide », Perrault évoque très clairement la
possibilité que des auteurs modernes tels que Scudéry aient parfaitement
leur place aux côtés d’Homère 6.
Le 4 mars 1694 est finalement imprimée la Satire X de Boileau où
l’auteur se livre aux allégations les plus fantasques : Clélie encourage les
femmes à adopter des comportements extrêmes qui menacent de détruire
bon nombre de familles. À peine trois semaines plus tard, le 26 mars, une
nouvelle œuvre de Perrault, L’Apologie des Femmes, est publiée. Perrault
commence sa préface en expliquant qu’il n’entend pas se lancer à nouveau
dans une polémique avec Boileau : « cette apologie n’est pas une réponse à
la satire contre les femmes et contre le mariage, puisqu’elle a été composée
et lue même en plusieurs endroits avant que la satire fût imprimée. C’est
seulement une pièce que défend ce que la satire attaque, pour donner au
public la satisfaction de voir sur cette matière le pour et le contre. » Mais
l’Apologie semble être une réponse très claire à la fois aux moqueries de
Boileau au sujet de Clélie — « Combien a-t-on été indigné de voir
continuer ici l’acharnement [de Boileau] sur la Clélie ? » — et à ses
insinuations quant au comportement supposé de ses contemporaines. Même
s’il est possible de trouver quelques femmes dans Paris dont la conduite
confirme les allégations de Boileau, il n’y a aucune raison de condamner
toutes les autres, soutient Perrault 7.
Cette première phase de la Querelle des Anciens et des Modernes, qui
dure sept ans, débouche sur une controverse intellectuelle extraordinaire :
celle d’une guerre intestine entre les membres de l’Académie française
(dans laquelle le représentant de la cause féminine l’emporte largement, du
moins à l’écrit) au sujet de la place des femmes dans la société et dans la
sphère littéraire. Comme tous les débats de société de ce genre, la
controverse permet de révéler de profondes fractures sociales. Mais malgré
toutes les attaques de Boileau, le débat révèle en même temps une forme de
progrès que Perrault n’a pas mentionnée. Depuis le débat sur les précieuses
trente-cinq ans plus tôt, deux aspirations féminines sont de mieux en mieux
tolérées : celle de maîtriser l’institution du mariage, et celle de « s’ériger en
écrivaine ». En 1659 et 1660, les lecteurs accueillent favorablement les
attaques contre les femmes qui aspirent à une vie intellectuelle — plus les
assauts sont misogynes, plus le public est satisfait. En revanche, dans les
années 1690, les opinions de Boileau ne rencontrent plus le même succès
auprès du public ni auprès des auteurs.
Alors que la Querelle suit son cours, les femmes jouent un rôle de plus
en plus évident dans le domaine où Boileau a toujours voulu affirmer sa
supériorité, à savoir l’érudition — en particulier la connaissance des grands
auteurs de l’Antiquité. Trois femmes en particulier concourent à prouver
que « femme savante » n’était plus, comme le craignait Scudéry, « un
terrible nom » 8.
La nièce de Perrault, L’Héritier, par exemple, travaille aux côtés de son
oncle pour défendre la cause des Modernes : elle soutient en particulier
l’argument avancé par Perrault que les contes de fées sont dignes d’être
comparés aux fables d’Ésope. Le numéro de mai 1698 du Mercure Galant
publie la relation détaillée d’un vif débat qui venait d’avoir lieu dans un
salon parisien : L’Héritier avait suivi l’exemple de Perrault et soutenu que
Corneille était supérieur à Euripide, tout comme les comédies de Molière
dépassaient celles d’Aristophane 9. L’Héritier montre son érudition de
diverses façons : par son plaidoyer pour la littérature du Moyen Âge dans
La Tour ténébreuse, ses critiques des commentaires érudits de ses
contemporains dans son périodique, L’Érudition enjouée, et sa traduction
d’Ovide.
Contemporaine de L’Héritier, Marie-Anne Barbier (1664-1745 ?) est la
première femme à s’illustrer dans la tragédie néo-classique, genre que les
défenseurs des Anciens apprécient tout particulièrement. Dans les premières
années du XVIIIe siècle, Barbier compose coup sur coup quatre tragédies à
e
succès qui sont rapidement imprimées. Avant le XIX siècle, Marie-Anne
Barbier est la dramaturge dont les pièces seront le plus souvent représentées
à la Comédie Française 10. C’est peut-être avec Arrie et Petus (1702) qu’elle
signe son plus grand succès : la pièce est l’une des tragédies les plus jouées
de la fin du règne de Louis XIV (vingt et une fois à la Comédie Française).
Barbier explique le choix de son sujet dans une préface : « L’action de cette
incomparable Romaine est si glorieuse à notre sexe, que je me sentis portée
d’inclination à la mettre dans le plus beau jour qu’il me serait possible 11. »
Elle place ensuite Scudéry en tête de liste des « dames savantes » de « notre
siècle » qui l’ont inspirée.
En 1714, Barbier lance Saisons littéraires, le seul autre périodique à
mêler littérature et érudition à la manière de L’Érudition enjouée de
L’Héritier. Le premier numéro contient des poèmes de circonstance de sa
composition et également une « dissertation critique » à propos d’une
tragédie de François de Lagrange-Chancel. Pour le deuxième numéro,
Barbier consacre une « dissertation critique » à une tragédie de Crébillon
père. Dans les deux cas, Barbier loue les pièces de ses contemporains et
concurrents, mais elle se permet aussi de les critiquer de façon impitoyable.
Nulle autre femme de l’époque n’a osé se placer sur un pied d’égalité avec
les dramaturges les plus célèbres de son époque.
Mais la plus éminente des « femmes savantes » de l’époque, et la seule
véritable spécialiste de l’Antiquité à pouvoir rivaliser avec Huet et être
considérée comme la plus remarquable érudite de l’époque prend
clairement le parti des Anciens. Anne Le Fèvre Dacier (1645-1720) est la
fille d’un éminent spécialiste de l’Antiquité, Tanneguy Le Fèvre, et l’épouse
d’un autre grand spécialiste, André Dacier. Anne Le Fèvre Dacier est l’une
des rares femmes à s’être illustrée dans ce domaine avant le XXe siècle, et sa
contribution est si importante qu’elle est égalée par peu d’hommes dans
toute l’histoire. Elle publie un grand nombre d’éditions critiques, d’études
et de traductions ; elle est latiniste autant qu’helléniste ; elle étudie la prose
comme la poésie, et s’intéresse à tous les genres (tragédie, histoire, épopée)
et tous les auteurs célèbres, de Platon et Homère à Plaute et Anacréon, en
passant par Sapho, Horace, Aristophane et Térence, mais aussi à beaucoup
d’auteurs moins connus.
La carrière d’Anne Le Fèvre Dacier commence au début des
années 1670. C’est précisément le moment où le public français lit pour la
première fois Les Femmes savantes de Molière, puisque la pièce est
imprimée à la fin de 1672. Clitandre, le jeune premier de la pièce, se moque
des femmes qui préfèrent « l’amour de l’étude » et choisissent d’être mariés
« à la philosophie », avant de conclure « les femmes docteurs ne sont pas de
mon goût ». Les personnages de Molière se moquent en particulier des
femmes qui affichent une connaissance du latin ou du grec.
Les premières éditions critiques de la jeune femme — Anne Le Fèvre
n’a que vingt-cinq ans quand elle arrive à Paris en 1672 — sont rédigées en
latin : une édition du poète grec Callimaque, teminée en 1672 et publiée en
1674, et une édition de l’historien romain Lucius Florus, également publiée
en 1674. Ces éditions sont imprimées en in-quarto, format traditionnel pour
une publication érudite. Tout ceci présente Anne Le Fèvre comme une
femme savante par excellence, sur un pied d’égalité avec ses confrères
masculins.
Ses œuvres comprennent aussi une remarquable traduction commentée
d’Anacréon et de Sapho en 1681, qui devient un classique réédité pendant
des décennies. C’est le premier de ses ouvrages à être édité par Claude
Barbin. D’emblée, Barbin choisit d’imprimer ses œuvres dans le format
qu’il réserve aux écrivains qui se vendent le mieux, le in-douze. Grâce à ce
format réduit, le savoir de Le Fèvre Dacier devient accessible à un public de
non-spécialistes toujours plus large. Elle s’affirme en tant qu’auteur et en
tant qu’érudite en signant ses œuvres ; ce que les hommes, notamment son
mari, ne font pas toujours. Elle n’est pas reconnue en son siècle à sa juste
valeur, mais ses brillantes traductions de l’Iliade et l’Odyssée, publiées en
1711 et 1716, feront autorité et seront rééditées jusqu’aux années 1930.
Elle signe presque toutes ses œuvres. Avant son mariage, elle choisit
« Anna Tanaquilli Fabri filia », « Anne, la fille de Tanneguy Le Fèvre », ou
simplement « Mademoiselle Le Fèvre ». Après son mariage, certaines de
ses œuvres, comme sa traduction de Térence en 1687, sont signées « par
Madame D*** ». Pour une remarquable série de copublications avec son
mari, elle choisit comme nom d’auteur « Damoiselle Anne Le Fèvre, sa
femme », reconnaissant ainsi son mariage tout en conservant le nom de son
père. Pour ses dernières publications, tout à la fin du règne de Louis XIV,
elle adopte plutôt « Madame Dacier ».
Aujourd’hui, on se souvient surtout de Le Fèvre Dacier pour ses travaux
en faveur de la cause des Anciens, qui précipitent la seconde partie de la
Querelle des Anciens et des Modernes. La dernière bataille de cette guerre
littéraire prend pour objet Homère. Le Fèvre Dacier offre de remarquables
nouvelles traductions de l’Iliade en 1711 et de l’Odyssée en 1716. Les deux
œuvres mentionnent en page de titre « avec des remarques par Madame
Dacier ». Dans ces « remarques », Le Fèvre Dacier répond à Perrault, en
particulier au sujet de sa critique d’Homère.
Déjà dans Le Siècle de Louis le Grand, Perrault publie une longue liste
de ce qu’il appelle les « défauts » d’Homère, parmi lesquels trop de
« digressions » et des héros trop « cruels » 12. Et il commence le troisième
volume de son Parallèle avec une critique détaillée des épopées attribuées à
Homère.
En 1714, Le Fèvre Dacier donne enfin sa réponse définitive aux propos
de Perrault dans un traité de six cents pages intitulé Des Causes de la
corruption du goût. Il s’agit du genre de plaidoyer remarquable en faveur
des Anciens qui manquait du temps où Perrault faisait l’apologie des
Modernes. Quand Dacier prend le relais de Boileau, elle insiste
particulièrement sur le lien entre la littérature moderne et Homère : celle-ci
constitue selon elle une redoutable menace. Pour cette femme auteur
officiellement connue vers la fin de sa carrière sous le nom de « Madame
Dacier », le principal genre moderne, le roman, met réellement en péril la
société. Si les romans des auteurs contemporains sont si dangereux,
explique-t-elle dans la préface à sa traduction de l’Iliade, c’est que
« l’amour, après avoir corrompu les mœurs, a corrompu les ouvrages » et
est devenu « l’âme de tous nos écrits ». Les lecteurs de fictions
contemporaines « accoutumés à nos héros de roman, à ces héros bourgeois,
toujours si polis, si doucereux et si propres » finissent par voir en ces
derniers des modèles d’héroïsme, alors que « l’Iliade ne présente pas
Achille amoureux ». En raison de cette « corruption » des lecteurs
modernes, explique-t-elle, la France risque de ne plus avoir de public
capable d’apprécier le genre de héros décrits par Homère ou les auteurs de
son importance : « La plupart des gens aujourd’hui sont gâtés par la lecture
de quantité d’ouvrages vains et frivoles et ne peuvent souffrir ce qui n’est
pas dans le même goût 13. »
En opposant le roman contemporain à Homère, Dacier fait ce que
Boileau n’a jamais su faire. Dacier atteint le sommet de sa carrière en
s’opposant frontalement à Perrault, là où Boileau ne réussit pas vingt-cinq
ans plus tôt. En effet, elle prend position auprès de ses lecteurs avant même
que le public français ait accès aux remarques de Boileau sur le roman.
Avant 1713, le Dialogue des héros de roman n’est disponible que dans des
contrefaçons hollandaises. Le dialogue commence à circuler librement en
France seulement en 1713, avec la dernière édition des Œuvres complètes
de Boileau. Boileau adresse à son libraire, Esprit Billiot, le manuscrit pour
cette nouvelle édition en mars 1711, juste avant sa mort — mais deux ans
après la traduction de l’Iliade par Dacier.
Lorsque cette dernière publication des œuvres de Boileau paraît, elle
contient la preuve ultime du peu d’estime qu’il a pour les femmes auteurs.
Il ne tarit pas d’éloges pour le père et le mari de Dacier, mais ne dit pas un
mot sur elle. Sous la plume de Boileau, Le Fèvre Dacier n’apparaît même
pas directement, mais seulement au détour de la citation d’un discours que
Valincour a prononcé à l’Académie française, dans lequel Valincour a rendu
hommage à la traduction de l’Iliade de Le Fèvre Dacier qu’il qualifie de
« chef-d’œuvre 14 ». Une fois remanié pour l’édition de 1713, cependant, le
Dialogue des héros de roman indique clairement que Boileau, lui aussi,
connaissait fort bien la traduction de Dacier.
Entre la première édition hollandaise de 1688 et celle de 1713, la
différence la plus notable se trouve dans les dernières pages du dialogue de
Boileau. Un long passage est ajouté à l’édition de 1713, dans lequel un
nouveau personnage appelé le Français fait son apparition, pour une
intervention limitée à quelques lignes seulement. Lorsque Mercure lui
demande s’il a connaissance de héros de romans qui jouent le rôle du chœur
dans un dialogue, il répond : « Si je les connais ? Hé, ce sont tous la plupart
des bourgeois de mon quartier. Bonjour, madame Lucrèce, etc. 15 ». Mais
l’idée mise en avant par Boileau pour conclure son dialogue selon laquelle
les héros des romans dits « héroïques » du XVIIe siècle ne sont rien de plus
que des « bourgeois » n’est même pas la sienne : Dacier l’a utilisée en
préface de son édition de l’Iliade, publiée en mars 1711, avant la mort de
Boileau.
Alors que Le Fèvre Dacier finit de rédiger la préface à son édition de
l’Iliade dans laquelle elle commence à formuler son attaque contre le roman
français contemporain, sa vie prend un tournant tragique. Après avoir perdu
son fils prématurément, c’est au tour de sa fille Henriette Susanne âgée de
dix-huit ans de mourir, le 20 juin 1710. Sa préface à l’Iliade s’achève sur un
témoignage d’amour maternel aussi émouvant qu’une des lettres de
Sévigné. L’hommage est d’autant plus remarquable qu’à la différence de la
correspondance de la marquise, l’œuvre est destinée dès le début à être lue
par le public. Les lignes de Dacier sur Henriette Susanne offrent le seul
exemple d’une femme savante qui s’exprime non seulement en tant
qu’érudite, mais aussi en tant que mère.
Elle explique pourquoi elle aura besoin de plus de temps pour terminer
sa traduction de l’Odyssée qui doit faire pendant à ce volume : « J’ai perdu
une amie et une compagne fidèle ; nous n’avions jamais été séparées un
seul moment depuis son enfance […]. Elle entrait dans toutes mes
occupations […]. Tout cela s’est évanoui comme un songe […]. À ce
commerce si plein de charmes succèdent la solitude et l’horreur 16. »
Elle avait enchaîné les publications pendant quarante ans, mais cette
fois quatre ans lui seront nécessaires avant de publier une nouvelle œuvre.
Dans les toutes premières pages de Des causes de la corruption du goût,
Dacier revient à sa riposte vis-à-vis des Modernes.
Cette fois, elle explique dans le détail la raison pour laquelle la nouvelle
littérature et les nouvelles valeurs littéraires devraient être le souci de tous,
et elle le fait en adoptant le point de vue d’une mère qui voit dans la
littérature française moderne un danger pour la jeunesse :

[…] que ne doit-on pas craindre pour les jeunes gens ! C’est pour eux et en leur faveur
qu’il faut tâcher de les munir contre ce nouveau poison. Les jeunes gens sont ce qu’il y
a de plus sacré dans tous les états ; ils en sont la base et le fondement […]. Si l’on
souffre que de faux principes leur gâchent l’esprit et le jugement, il n’y a plus de
ressource, le mauvais goût et l’ignorance achèveront de prendre le dessus, et voilà les
17
lettres entièrement perdues .

L’argument de Dacier semble avoir touché une corde sensible chez ses
contemporains et déclenché le genre de polémique publique et générale que
le dialogue de Boileau avait échoué à susciter. En 1714, Hardouin Le Fèvre
de Fontenay reprend la direction du Mercure Galant, devenu Le Nouveau
Mercure Galant. En avril 1715, le périodique rapporte une vive discussion
entre deux femmes au jardin des Tuileries. Leur dispute porte sur les propos
de Dacier dans Des causes de la corruption du goût. L’une d’elles, une
grande blonde, est une admiratrice fervente de Dacier et remarque que « son
exemple suffit à faire voir l’injustice des hommes qui nous veulent exclure
de la République des Lettres ». La brune aurait préféré que Dacier ne
critique pas le roman français contemporain. Le mois suivant, le nouvel
éditeur reprend le procédé de son précurseur, Donneau de Visé, et convie
des lecteurs à donner leur opinion sur l’ouvrage de Dacier 18 — un déjà-vu
qui rappelle l’épisode de La Princesse de Clèves de 1678.
Les dernières années du « siècle de Louis XIV » sont ainsi le théâtre
d’un phénomène exceptionnel dans l’histoire littéraire des femmes de
l’époque moderne. Deux femmes, deux remarquables spécialistes de
l’Antiquité, publient leurs œuvres, et signent même ouvertement leurs
publications, reconnaissant ainsi officiellement leur travail. Elles sont même
couvertes d’éloges. Un des érudits les plus célèbres du siècle, Ménage,
parle de Le Fèvre Dacier comme de « la femme la plus savante de toutes les
femmes de notre époque et des époques passées 19 ». À une autre époque,
même une seule carrière aussi remarquable aurait été absolument hors du
commun.
La première de ces femmes est une éminente créatrice de tragédies néo-
classiques ; elle adopte une position clairement féministe et ses pièces ont
toujours pour héroïnes des femmes fortes. Ce faisant, elle parvient à
réconcilier le monde de l’érudition et la littérature féminine du XVIIe siècle.
L’autre est une brillante spécialiste de l’Antiquité dont les travaux font
autorité pendant des décennies, voire des siècles. Elle ne reconnaît qu’une
tradition, celle, entièrement masculine, de l’érudition classique.
Ce n’est pas un hasard si le débat quant à l’influence de Dacier sur le
lectorat féminin rapporté par Le Nouveau Mercure se déroule au jardin des
Tuileries. Le Mercure a toujours promis à ses lecteurs de les tenir informés
des dernières nouvelles des tendances parisiennes. Or, en avril 1715, cinq
mois avant la mort de Louis XIV et la fin de son règne, les lieux de
promenade de la capitale sont au faîte de l’élégance parisienne. Au début du
e
XVIII siècle, le jardin des Tuileries est le plus apprécié des jardins parisiens.

Achevée à la fin des années 1670, la rénovation des Tuileries par André
Le Nôtre a conféré à cet espace une place de choix dans le programme de
renouvellement urbain imaginé par Louis XIV, concrétisant ce dont avait
rêvé Henri IV pour sa capitale au début du siècle. C’est là que la
participation des femmes à la vie de la capitale, qui commence avec
l’inauguration du Pont Neuf au début du siècle, est exposée aux visiteurs
qui assistent dans ce jardin à une scène unique en Europe.
Les jardins parisiens deviennent un lieu particulièrement apprécié des
femmes. Aux Tuileries, hommes et femmes marchent côte à côte, ou les
femmes se promènent entre elles, voire seules, parfois jusqu’à neuf ou dix
heures du soir. Lors des chaudes soirées d’été, Sévigné s’y réfugie et y flâne
tous les jours pendant des heures, seule ou avec une amie. Et quand les
femmes se promènent aux Tuileries, elles adoptent la nouvelle mode créée
par les maîtresses couturières de Paris : elles sont toujours habillées « en
négligé » ou « en déshabillé ».
À la fin du siècle, alors que le succès des femmes sur la scène littéraire
parisienne est à son apogée, un nouvel espace fait son apparition et
parachève les projets de Louis XIV pour la ville. Dans ce nouveau projet,
les Tuileries raccordent le vieux Paris aux nouveaux quartiers qui se
développent à l’est. Le dessin du projet est achevé à la fin des années 1690 ;
l’avenue destinée à être au centre d’un nouveau quartier, d’abord appelée
« avenue des Tuileries », reçoit son nom définitif le 28 décembre 1709 : elle
s’appellera désormais l’avenue des Champs-Élysées.

9. Reproduction du Plan de Paris sous Louis XV, 1737, par M. l’abbé Delagrive. Détail :
les Champs-Élysées.

Cette carte de l’abbé Jean Delagrive datant de 1728 est la première à


mentionner l’avenue par son nouveau nom et à la cartographier, ainsi que
les allées de promenade rayonnant depuis une place circulaire ou rond-point
central. La carte représente aussi les allées en bord de Seine, récemment
aplanies et pavées ou repavées. En 1704, une de ces allées près du Louvre
est qualifiée dans un décret de « trottoir » : c’est la première fois
qu’apparaît dans un document officiel imprimé le mot qui désigne l’espace
réservé aux piétons que l’on utilise encore de nos jours.
En 1701, lorsque la construction du quai d’Orsay est lancée, les plans
prévoient un « trottoir » de près de trois mètres spécialement conçu pour
permettre aux Parisiens de se promener au bord de la Seine.
Avec ces travaux d’urbanisme destinés à faciliter les déplacements à
pied, Paris devient un centre urbain inédit en Europe, la première capitale à
être véritablement conçue pour les piétons. À mesure que de nouveaux
espaces publics voient le jour, la visibilité féminine s’accroît
incontestablement. Les visiteurs étrangers ne manquent pas de remarquer la
présence de plus en plus manifeste de ces femmes : elles travaillent dans
des boutiques, on les voit sur les Champs-Élysées et sur les premiers
trottoirs, elles s’installent sur les premiers bancs dans le jardin des Tuileries
pour bavarder avec leurs amies. Elles s’assoient même directement sur
l’herbe pour faire la conversation, une attitude représentée par Watteau dans
de nombreuses toiles et qui surprend beaucoup les étrangers.
Dans les dernières décennies du XVIIe siècle, alors que les premiers cafés
se multiplient dans Paris, les Françaises se mettent pour la première fois à
boire et manger à la vue de tous.
10. Louis de Mailly, Les Entretiens des cafés de Paris, et les diférens qui y surviennent,
Trévoux, E. Ganeau, 1702, frontispice.
Dans le reste de l’Europe, il est rare, voire impossible, d’apercevoir une
femme dans les premiers établissements où l’on boit le café en public. Mais
à Paris, comme le montre cette toute première illustration d’un café parisien
datant de 1702, dès le départ la présence des femmes y est fortement
marquée.
Jamais avant cette époque, en France comme ailleurs, les femmes n’ont
bénéficié d’une telle visibilité dans l’espace urbain. Cette visibilité atteint
son paroxysme pendant les décennies durant lesquelles les femmes auteurs
deviennent une puissance reconnue dans le monde de l’édition. Les
Parisiennes s’approprient les espaces publics de leur ville dans les
décennies qui séparent la publication de deux chefs-d’œuvre : d’un côté,
peut-être le plus grand roman de toute la tradition littéraire féminine, La
Princesse de Clèves ; de l’autre, Des causes de la corruption du goût de
Dacier.
Ces décennies correspondent également au moment où un nombre
croissant de femmes revendiquent leur statut d’auteur, sinon explicitement,
du moins sous une forme abrégée, sur le modèle de « Madame D.*** » et
« Madelle L’H*** », indiquant clairement au lecteur qu’il s’agit d’une
œuvre écrite par une femme.
En 1694, au plus fort de la participation des femmes dans le milieu
littéraire, le premier dictionnaire de l’Académie française stipule clairement
que « auteur » est un mot neutre et donne un exemple à l’appui : « c’est elle
qui est l’auteur de ce livre ». En 1743, une nouvelle édition du Dictionnaire
de Trévoux confirme cet usage et donne un nouvel exemple : « Lorsqu’il
s’agit d’une femme on fait quelquefois ce nom [auteur] féminin »,
« Plusieurs jeunes dames de la cour dont l’auteur était connue ». En 1787,
le Dictionnaire critique de la langue française de Jean-François Féraud
reprend l’usage hérité du XVIIe siècle : « Quand on parle des ouvrages de
l’esprit, auteur est de deux genres : il ou elle est auteur de ce livre, de ces
vers… Personne ne peut trouver les moyens mieux que l’auteur elle-
même. »
Si le « Grand Siècle » est l’époque où les femmes auteurs exercent une
influence jusque-là impensable, c’est aussi le moment où la langue
française affirme le principe souverain d’égalité en littérature et en autorité
littéraire, et où l’on apprend aux Français que « auteur est de deux genres :
il ou elle est auteur de ce livre, de ces vers ».
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VINCENT, Monique, Vincent Donneau de Visé et le Mercure Galant,
2 vol., Paris, Aux amateurs de livres, 1987.
Notes

I
E
DEVENIR (FEMME) AUTEUR AU XVII SIÈCLE

1. Mercure François, 1610, p. 485.


2. Le terme apparaît en anglais en 1852, et en français en 1872.
3. Ian Maclean, Woman Triumphant. Feminism in French Literature (1610-1652),
Oxford, Clarendon Press, 1977, en particulier p. 9 sq.
4. Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, 4 vol., Bâle, Jean-Louis
e
Brandmuller, 5 édition, 1738, t. II, p. 131-133. Jacques Pannier donne une description
très détaillée du salon de Des Loges et cite le manuscrit du « Mémoire concernant la vie
et la mort de Madame des Loges » de Conrart (v. 1641), L’Église réformée de Paris sous
Louis XIII (1610-1621). Rapports de l’Église et de l’État, vie publique et privée des
protestants : leur part dans l’histoire de la capitale, le mouvement des idées, les arts, les
lettres, la société, 3 vol., Strasbourg-Paris, Istra / Champion, 1922, t. I, p. 338-387 ; t. II,
p. 341-347 ; t. III, p. 51-65.
5. Conrart est cité par Jacques Pannier (ibid., t. III, p. 64).
6. Jean-Louis Guez de Balzac, Lettres de Monsieur de Balzac, t. II, Seconde partie,
Paris, Pierre Rocolet, 1636, p. 875-877, lettre du 20 septembre 1628.
7. Jean Chapelain, Lettres, éd. Philippe Tamizey de Larroque, 2 vol., Paris,
Imprimerie nationale, 1880-1883, t. I, p. 504, lettre du 9 octobre 1639.
8. Ma source d’informations sur la vie de Rambouillet est Tallemant des Réaux, qui
consacra une longue « historiette » à la marquise (Historiettes, éd. Antoine Adam, 2 vol.,
Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1960, t. I, p. 442-455). Il la connaissait
personnellement et assurait que lorsqu’il s’entretint avec elle en 1658, alors qu’elle était
presque septuagénaire, sa mémoire était « aussi présente que si elle n’avait eu que trente
ans ». Il précise plus loin qu’elle sera la source de « la plus grande et la meilleure partie
de ce que j’écrirai dans ce livre ».
9. Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, Correspondance, éd. Roger
Duchêne, 3 vol., Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1972-1978, t. II, 1978,
p. 794.
10. Sur l’hôtel de Rambouillet, voir Jean-Pierre Babelon, « L’Hôtel de
Rambouillet », in Mémoires publiés par la Fédération des Sociétés historiques et
archéologiques de Paris et l’Île-de-France, Paris, C. Klincksieck, t. XI, 1960, p. 313-
361 ; Jean-Pierre Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, Le
Temps, 1965.
11. Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, 2 vol.,
Paris, Charles Moette et Jacques Chardon, 1724, t. II, p. 201-202. Voir aussi t. II, p. 354.
12. Par comparaison, près de 29 % des résidences privilégiaient le vert. Annik
Pardailhé-Galabrun a consulté les inventaires de 3 000 résidences parisiennes (La
e e
Naissance de l’intime. 3 000 foyers parisiens aux XVII et XVIII siècles, Paris, PUF, 1988,
p. 466). Le tissu destiné à la chambre bleue fut acheté le 30 décembre 1620 ; Archives
nationales, MC/ET/XCVI.
13. Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue française utiles à ceux qui
veulent bien parler et bien écrire, Paris, Augustin Courbé, 1647, préface, non paginée ;
p. 503.
14. François de La Rochefoucauld, Maximes, suivies de Réflexions diverses, du
Portrait de La Rochefoucauld par lui-même et des remarques de Christine de Suède sur
les Maximes, éd. Jacques Truchet, Paris, Garnier, 1967, p. 551-553. Sur les « écrits de
salon », voir Joan DeJean, Tender Geographies. Women and the Origins of the Novel in
France, New York, Columbia University Press, 1991, en particulier le chap. III.
15. Henri-Jean Martin cite ce large échantillon de chiffres sur l’édition parisienne en
cherchant à évaluer le nombre d’éditions perdues. Voir Henri-Jean Martin, Roger Chartier
et Jean-Pierre Vivet (dir.), Histoire de l’édition française, 4 vol., t. I, Le Livre conquérant.
e
Du Moyen Âge au milieu du XVII siècle, Paris, Promodis, 1983, p. 544. Sur l’évolution de
e
l’industrie de l’imprimerie au XVII de manière générale, voir les contributions de Martin
aux tomes I et II de l’Histoire de l’édition française. Voir, du même auteur, Livre,
e
pouvoirs et société à Paris au XVII siècle (1598-1701), 2 vol., Genève, Droz, 1969, t. II,
e
p. 704 et p. 732-733, sur le nombre d’ateliers d’imprimerie à Paris au XVII siècle et sur le
triomphe de l’industrie de l’imprimerie parisienne. Sur le passage de la publication en
latin à la publication en français et sur la montée en puissance des petits formats, voir
ibid., t. II, p. 597-598, et p. 1064. Sur l’augmentation du nombre de romans publiés, ibid.,
e
t. II, p. 822. Sur les changements de la mise en page au XVII siècle, voir, sous la direction
de Henri-Jean Martin, La Naissance du livre moderne. Mise en page et mise en texte
e e
(XIV -XVII siècles), Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, 2000, p. 442-443.
16. Maclean analyse la montée des classes de loisir et cite des commentateurs du
e
XVII siècle, tels Grenaille et Du Bosc, qui exprimaient leur inquiétude sur les dangers que
des loisirs excessifs pouvaient présenter pour les femmes (Woman Triumphant, op. cit.,
p. 135-136). Voir aussi Linda Timmermans, L’Accès des femmes à la culture, 1598-1715.
Un débat d’idées de Saint François de Sales à la marquise de Lambert, Paris, Champion,
1993, p. 291. Alors que quelques-unes lisaient le latin, notamment Lafayette et Sévigné,
les femmes de la haute société privilégiaient de loin les ouvrages écrits en français. Pour
e
des informations sur les Françaises du XVII siècle qui connaissaient le latin et publiaient
même dans cette langue, parmi lesquelles la petite-fille de Sévigné, Pauline de Grignan,
voir Jane Stevenson, Women Latin Poets. Language, Gender, and Authority, from
Antiquity to the Eighteenth Century, Oxford, Oxford University Press, 2005.

II
AMAZONES, FEMMES FORTES ET FRONDEUSES

1. Pierre Deimier, Lettres amoureuses de divers auteurs de ce temps, Paris, Augustin


Courbé, 1641, p. 42-43, 63.
2. Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques de Monsieur de Scudéry, avec
les véritables portraits de ces héroïnes, tirez des médailles antiques, Paris, Augustin
Courbé, 1655, p. 141-142, 338-339, 392, 394, 400-401. La même argumentation figure
déjà ailleurs, notamment chez le Père Jacques Du Bosc dans son ouvrage intitulé
L’Honnête Femme (Paris, Augustin Courbé, 1632-1636), mais Les Femmes illustres
(Paris, Augustin Courbé, 1642) la portent à la connaissance d’un public plus large.
3. Lettres de Mr de Balzac, t. II, op. cit., p. 311.
4. Maurice Magendie dresse une liste exhaustive des personnages féminins des
années 1630 montrés au combat, à cheval ou faisant feu. Le Roman français au
e
XVII siècle de l’Astrée au Grand Cyrus, Paris, Droz, 1932, p. 47-48.
5. Gédéon Tallemant des Réaux, Historiettes, op. cit., t. II, p. 596-597.
6. Jean-Marie de Vernon, L’Amazone chrétienne, ou les Aventures de Madame de
Saint-Balmon, Paris, Gaspard Méturas, 1678, p. 203 et 72.
7. Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, Correspondance, op. cit., t. I,
p. 211-213, 223 ; Catherine Meudrac de La Guette, Mémoires de Madame de La Guette,
écrits par elle-même, La Haye, A. Moetjens, 1681. Voir la reconstitution de la vie de La
Guette par Carolyn Lougee, « “Reasons for the Public to Admire Her” : Why Madame de
La Guette Published Her Memoirs », in Going Public. Women and Publishing in Early
Modern France, sous la dir. d’Elizabeth C. Goldsmith et Dena Goodman, Ithaca-Londres,
Cornell University Press, 1995, p. 13-30.
8. L.S.D.L.L., La Femme généreuse, Paris, François Piot, 1643, p. 4.
9. Jacques Du Bosc, La Femme héroïque, Paris, Antoine de Sommaville et Augustin
Courbé, 1645, p. 490-491, 182-183.
10. Pierre Le Moyne, La Gallerie des femmes fortes, Paris, Antoine de Sommaville,
1647, p. 225, 251.
11. L’analyse la plus récente des frondeuses est celle de Sophie Vergnes, Les
Frondeuses. Une révolte au féminin, 1643-1661, Seyssel, Champ Vallon, 2013.
12. Guy Patin, Lettres du temps de la Fronde, éd. André Thérive, Paris, Bossart,
1921, p. 48.
13. Voir, par exemple, Le Bouquet de paille dédié à Mademoiselle, Paris, Jean
Brunel, 1652, p. 5.
14. L’Adieu ou le Désespoir des auteurs et écrivains de libelles de la guerre civile,
Paris, Claude Morlot, 1649, p. 7.
15. Madeleine de Scudéry, Artamenes, or the Grand Cyrus. An Excellent New
Romance, traduit en anglais par F. G. Gent, Londres, Humphrey Moseley & Thomas
Dring, 1653-1655, préface, non paginé.
16. Jean Loret, Muse historique, 25 février 1652.
17. Une copie de la lettre, figurant dans les manuscrits de Conrart à la Bibliothèque
e
de l’Arsenal, est citée par Victor Cousin, La Société française du XVII siècle d’après « Le
Grand Cyrus » de Mademoiselle de Scudéry, 2 vol., Paris, Didier, 1866, t. I, p. 48, 44-45.
18. Madeleine de Scudéry, Artamène, ou le Grand Cyrus, Paris, Augustin Courbé,
1649-1653, t. I, p. 15. Dans une lettre du 18 novembre 1650 à Antoine Godeau, évêque de
Vence, par exemple, Scudéry décrivait Condé comme « ce gagneur de batailles et ce
preneur de villes » (in Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance, éd. Edme
Rathery et M. Boutron, Paris, Léon Techener, 1873, p. 234).
19. Pour des informations sur la publication de documents sur la stratégie militaire
e
de Condé, voir Victor Cousin, La Société française du XVII siècle d’après « Le Grand
Cyrus » de Mademoiselle de Scudéry, op. cit., t. I, p. 118-120, 184-186. Je cite la
correspondance de Scudéry sur les années de la Fronde figurant dans Mademoiselle de
Scudéry : sa vie et sa correspondance, op. cit., p. 210-245.
20. Les citations sont issues de l’édition originale d’Artamène, p. 353-1031.
21. Antoine Adam formule cette observation sur le rôle tenu par Scudéry dans la
composition d’Artamène dans les notes de son édition de Gédéon Tallemant des Réaux,
Historiettes, op. cit., t. II, p. 1445-1455, n. 3 de la p. 688. Malgré l’absence de preuves, de
nombreux critiques ont attribué toutes les scènes de bataille à Georges.
22. La lettre de Scudéry à Huet est dans Mademoiselle de Scudéry : sa vie et sa
correspondance, op. cit., p. 293-295.
23. Voir Joan DeJean, Fictions of Sapho, 1546-1937, Chicago, University of Chicago
Press, 1989, chap. I ; Johann Christian Wolff, Sapphus, poetriae Lesbiae, Fragmenta et
Elogia, quotquot in auctoribus antiquis graecis et latinis reperiuntur, cum virorum
doctorum notis integris, Londres, Abraham Vandenhoeck, 1733, p. V.
24. Sur les lecteurs anglais d’Artamène et l’influence du roman sur la fiction
anglaise, voir la thèse publiée de Thomas Philip Haviland, The Roman de longue haleine
on English Soil, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1931, et Margaret Doody,
The True Story of the Novel, Rutgers, NJ, Rutgers University Press, 1996. La première
traduction d’Artamène parut en 1653 en format folio, la deuxième en 1691 en in-douze :
le public auquel s’adressent les petits formats se constitua plus tardivement en Angleterre
qu’en France.

III
APRÈS LA GUERRE CIVILE : LA PRÉCIEUSE
1. Madeleine de Scudéry, Clélie, histoire romaine, Paris, Augustin Courbé, 1654-
1660, t. I, p. 396-408.
2. Jean Chapelain, Lettres, op. cit., t. I, p. 413.
3. Correspondance du Chevalier de Sévigné et de Christine de France, duchesse de
Savoie, éd. Jean Lemoine et Frédéric Saulnier, Paris, Société de l’Histoire de France,
1911, p. 246.
4. Bien que l’on ne connaisse pas les détails du contrat signé entre Scudéry et son
éditeur, Augustin Courbé, pour Artamène et Clélie, certains de ses contemporains notent
combien cette collaboration est financièrement fructueuse. Pierre Bayle, par exemple, fait
référence à « ces longs et vastes récits d’aventures héroïques qui avaient fait gagner tant
d’argent aux imprimeurs ». Artamène et Clélie en font partie. Voir Dictionnaire historique
et critique, op. cit., article « Jardins, des » n. a (note a).
5. Contrat du 4 juillet 1654 (AN MC XVI/275). Sur l’histoire de la rue de Beauce et
de la demeure de Scudéry, voir Maurice Dumolin, « La rue Charlot », La Cité. Bulletin de
e e
la Société historique et archéologique des III et IV arrondissements de Paris, Paris,
Honoré Champion, janvier 1930, p. 182. Les dates exactes du départ de Georges de
Scudéry et de son mariage en Normandie restent incertaines.
6. « Histoire de Sapho », in Artamène, ou le Grand Cyrus, op. cit., t. X, p. 598.
7. Clélie, histoire romaine, op. cit., t. X, p. 934.
8. Ibid. Pour quatre des nombreuses discussions de cette nature, t. II, p. 29-30, t. V,
p. 1065, t. VI, p. 625-626, t. X, p. 950-951.
9. Artamène, ou le Grand Cyrus, op. cit., t. X, p. 633, 644, 676-677.
10. Jean-François Sarasin, Les Œuvres de Monsieur Sarasin, Paris, Augustin
Courbé, 1656. La dédicace de Ménage n’est pas paginée.
11. Michel de Pure, La Prétieuse ou le Mystère des ruelles dédiée à telle qui n’y
pense pas, 4 vol., Paris, Pierre Lamy et Guillaume de Luynes, 1656-1658, t. I, p. 177,
180, 195, 60, 63.
12. Ibid., t. I, p. 87.
13. Ibid., t. I, p. 309.
14. Ibid., t. I, p. 378-388.
15. Comme Artamène, Clélie compte parmi ses lecteurs des personnalités au
pouvoir : un exemplaire de l’édition de Courbé de 1658-1660, « relié au chiffre de
Louis XIV et Marie-Thérèse », se trouve aujourd’hui dans les collections de la BnF.
16. Michel de Pure, La Précieuse ou le Mystère des ruelles dédiée à telle qui n’y
pense pas, op. cit., t. IV, p. 333-334.
17. « Histoire de Sapho » in Artamène, ou le Grand Cyrus, op. cit., t. X, p. 584-587.
18. Ibid., t. IV, p. 15.
19. Michel de Pure, Épigone, histoire du siècle futur, Paris, Pierre Lamy, 1659,
p. 470 et 540.
20. Antoine Baudeau de Somaize, Les Véritables Précieuses, Paris, Jean Ribou,
1660, préface. Du même auteur, Le Procès des précieuses, Paris, Étienne Loyson, 1660,
p. 29, 57-58, 16, 18.
21. Antoine Baudeau de Somaize, Les Véritables Précieuses, op. cit., préface.
22. Antoine Baudeau de Somaize, Le Grand Dictionnaire des Précieuses, ou la Clef
de la langue des ruelles, Paris, Jean Ribou, 1660, p. 70.
23. Ibid., nouv. éd., 1661, p. 3-4, 6.
24. Roger Lathuillère, La Préciosité. Étude historique et linguistique, t. I, Position
du problème – les origines, Genève, Droz, 1966, p. 38. Le critique ne trouve aucune trace
de la plupart des néologismes dont on attribue la création aux précieuses, et les rares
termes qu’il relève, tel « prosateur », sont passés depuis longtemps dans l’usage courant.
Pour des travaux plus récents sur les précieuses, voir Roger Duchêne, Les Précieuses, ou
Comment l’esprit vint aux femmes, Paris, Fayard, 2001, et Myriam Maître, Les
e
Précieuses. Naissance des femmes de lettres en France au XVII siècle, Paris, Honoré
Champion, 1999.
25. Voir les statistiques de Carolyn Lougee sur les mariages contractés par les
femmes des salons in Le Paradis des Femmes. Women, Salons, and Social Stratification
in Seventeenth-Century France, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1976, p. 138-
170 ; voir aussi p. 23-26, 41-42, 51-53.
26. Contrat de mariage d’Angélique Robineau et Étienne Laugeois, 22 avril 1675 :
AN/MC/ET/LI/404. Le testament de sa sœur Marie, 13 mars 1674 : AN/MC/ET/LI/400.
27. Parmi les baux des appartements parisiens de la période 1600-1689 étudiés par
Annik Pardailhé-Galabrun (La Naissance de l’intime, op. cit.), seuls 20 % montent à
500 livres et plus. À titre d’exemple pour 1651 : cette année-là, les parents de Lafayette
payent 700 livres pour la location d’une propriété proche du Louvre pour eux et leurs
deux filles (MC/ET/XCVIII/175), et Sévigné et Henriette de Coulanges déboursent
1 200 livres pour la maison qu’elles partagent rue du Temple (MC/ET/CVIII/178).
28. Pierre Taisand, Lettres inédites de Bossuet et de Mlle de Scudéry, éd. Emmanuel
Miller, Paris, C. Douniol, 1869, p. 183.
29. Sur le rôle de la conversation dans Clélie, voir Chantal Morlet-Chantalat, La
Clélie de Mademoiselle de Scudéry. De l’épopée à la gazette : un discours féminin de la
gloire, Paris, Honoré Champion, 1994. Sur les volumes de conversations de Scudéry, voir
Elizabeth Goldsmith, Exclusive Conversations. The Art of Interaction in Seventeenth-
Century France, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1988.
30. Mademoiselle de Scudéry : sa vie et sa correspondance, op. cit., p. 370.
31. Nicolas Boileau, Œuvres complètes, introduction d’Antoine Adam, éd. Françoise
Escal, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de La Pléiade, 1966, p. 62-86.
32. Lorsque l’on compare les deux éditions, l’assertion de Boileau semble douteuse.
Les éditions basées sur un texte « reconstitué de mémoire », tel le Dom Juan de Molière
publié à Amsterdam en 1683, présentent des différences importantes avec les versions
officielles de l’œuvre ; personne n’est capable de restituer une œuvre entière avec une
fidélité absolue. Les versions de 1688 et 1713 du dialogue de Boileau ne comportent que
de légères variantes stylistiques, et le texte de 1713 semble être une révision faite par
l’auteur. En 1688, par exemple, Sapho remarque que « l’illustre fille dont j’ai à vous
parler a quelque chose de si furieusement beau, elle est si terriblement agréable, que je
suis épouvantablement empêchée quand il vous en faut faire la description » (Le Retour
des pièces choisies, ou bigarrures curieuses, 2 vol., Amsterdam, chez la veuve de
Renouard Varius, 1688, t. II, p. 128). En 1713, le texte est devenu : « L’illustre fille, dont
j’ai à vous entretenir a en toute sa personne je ne sais quoi de si furieusement
extraordinaire et de si terriblement merveilleux, que je ne suis pas médiocrement
embarrassée, quand je songe à vous en tracer le portrait » (nouv. éd. 1713, t. I, p. 475).
33. Nicolas Boileau, Dialogue des héros de roman in Œuvres complètes, op. cit.,
p. 441-489. L’édition des œuvres complètes de Boileau de 1713 (Œuvres de Nicolas
Boileau-Despréaux, 2 vol., Paris, Esprit Billiot) comporte la liste de tous ses écrits avec
leur date de composition et l’âge de Boileau à ce moment-là. Il affirme avoir écrit le
dialogue en 1664, à l’âge de 27 ans.
34. Pierre Daniel Huet, Traité de l’origine des romans, t. I, Zayde, histoire
espagnole, Paris, Claude Barbin, 1670, p. 97.
35. Charles Cotin, Œuvres galantes en prose et en vers, 2 vol., Paris, Étienne
Loyson, 1663, t. I, p. 204.
36. Marguerite Buffet, Eloges des Illustres Sçavantes anciennes et modernes
[Nouvelles observations sur la langue françoise ; où il est traitté des termes anciens et
inusitez et du bel usage des mots nouveaux avec les Eloges des Illustres Sçavantes
anciennes et modernes], Paris, Jean Cusson, 1668, p. 245-247.
37. Nicolas Boileau, Dialogue des héros de roman in Œuvres complètes, op. cit.,
p. 446.
38. Charles Brockden Brown, Memoirs of Stephen Calvert (1798).
39. Madeleine de Scudéry, Discours de la gloire, Paris, Pierre Le Petit, 1671, p. 8-9.
40. Inventaire après décès de Madeleine de Scudéry, 8 juin 1701, AN/MC/RS/1127.
Sur ce type de documents de la période 1690-1726, voir Annik Pardailhé-Galabrun, La
Naissance de l’intime, op. cit., p. 464.
41. Antoine Baudeau de Somaize énumérait 251 femmes dans l’édition définitive de
son Grand Dictionnaire des Précieuses, op. cit. Carolyn Lougee a pu en identifier 171 (Le
Paradis des Femmes, op. cit.) ; Myriam Maître cite 130 femmes qu’elle considère comme
des précieuses (Les Précieuses, op. cit.).
42. Le texte de Marie-Jeanne L’Héritier paraît d’abord sous le titre Le Triomphe de
e
madame Deshoulières, reçue 10 muse au Parnasse, dédié à mademoiselle de Scudéry
par mademoiselle L’Héritier, Paris, Claude Mazuel, 1694. L’Héritier conteste cette
édition et soutient qu’elle a été publiée sans son consentement, probablement parce que
son nom figure en toutes lettres sur la page de titre. Je cite l’édition autorisée de 1695 de
ses Aventures de Finette. Nouvelles et autres ouvrages en vers et en prose de
Mademoiselle L’H***, in Œuvres meslées, contenant l’Innocente Tromperie, l’Avare
puni, Les Enchantemens de l’éloquence, les Aventures de Finette, nouvelles et autres
ouvrages en vers et en prose de Mlle L’H*** [L’Héritier de Villandon], avec le triomphe
de Mme Des Houlières tel qu’il a été composé par Mlle L’H***, Paris, Jean Guignard,
1695, p. 405-406, 423-424.
43. L’Apothéose de Mademoiselle de Scudéry par Mademoiselle L’H***, Paris, Jean
Moreau, 1702, p. 22-23. Le nom de L’Héritier figure en entier dans le privilège de
l’œuvre.
IV
NOUVEAUX COMMENCEMENTS

1. De nombreux critiques se sont penchés sur ce passage du roman à la nouvelle.


Voir par exemple Maurice Lever, Romanciers du grand siècle, Paris, Fayard, éd. revue et
augmentée, 1996, et, plus récemment, Camille Esmein-Sarrazin, L’Essor du roman.
e
Discours théorique et constitution d’un genre littéraire au XVII siècle, Paris, Honoré
Champion, 2008.
2. Célinte, nouvelle première, Paris, Augustin Courbé, 1661, p. 11-12, 18, 80.
3. Tallemant des Réaux, Historiettes, op. cit., utilise l’expression « sous sa bonne
foi » pour indiquer l’indépendance inhabituelle dont jouit la jeune femme, Historiettes,
e
op. cit., t. II, p. 900. Marie de Gournay est la première femme auteur du XVII siècle à
signer ouvertement sa production, Versions de quelques pieces de Virgile, Tacite, et
Saluste, avec l’Institution de monseigneur frere unique du roy, par la damoiselle de
Gournay. Paris, Fleury Bourriquant, 1619.
4. Alcidamie, première partie, par Mademoiselle Desjardins, Paris, Claude Barbin,
1661. Sur Alcidamie, voir Micheline Cuénin, Roman et société sous Louis XIV. Madame
de Villedieu (Marie-Catherine Desjardins 1640-1683), 2 vol., thèse, Paris, Atelier des
thèses de Lille / Honoré Champion, 1979, p. 182. Pour plus d’informations sur la vie de
Villedieu, voir Capitaine Derôme, Madame de Villedieu inconnue, Mamers, Imprimerie
Fleury, 1912.
5. Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, Divers portraits, Caen,
s. n., 1659, p. 313-314.
6. Voir la comparaison que fait Erica Harth des divers recueils de portraits, ainsi que
son analyse des liens entre la cour de Montpensier et le milieu évoqué par Scudéry dans
Artamène, in Erica Harth, Ideology and Culture in Seventeenth-Century France, Ithaca,
Cornell University Press, 1983, p. 103-104.
7. Recueils des portraits et éloges en vers et en prose, dédié à Son Altesse royalle
[sic] Mademoiselle, Paris, Charles de Sercy et Claude Barbin, 1659, p. 338, 341.
8. Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, petite-fille de Henri IV, éd. Adolphe
Chéruel, 4 vol., Paris, Charpentier, 1858-1859, t. I, p. 1-2 ; t. III, p. 454.
9. La toute première publication d’une de leurs lettres figure dans un autre volume
collectif, Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, 2 vol., Cologne,
Pierre Marteau, 1667. Mes citations de la correspondance Montpensier-Motteville
viennent d’Against Marriage. The Correspondence of La Grande Mademoiselle, éd. Joan
DeJean, Chicago, University Chicago Press, 2002, p. 60, 26, 28, 62, 46-48. Le manuscrit
sur lequel cette édition se fonde se trouve aujourd’hui dans les collections de la BnF.
10. « Au lecteur », non paginé. Recueil de quelques lettres ou Relations galantes par
Mlle Desjardins, Paris, Claude Barbin, 1668. Cuénin a suggéré que les lettres in Lettres et
billets sont authentiques et qu’elles ont été données à Barbin par le sieur de Villedieu, qui
avait promis à l’auteur de l’épouser avant de la quitter pour une autre femme. Lettres et
e
billets galants, éd. Micheline Cuénin, Paris, Société d’Étude du XVII siècle, 1975, p. 7-8,
12, mais il ne subsiste aucune preuve de transactions entre Barbin et le sieur de Villedieu.
11. Derôme cite les actes notariés entre Desjardins et Villedieu dans leur intégralité,
ainsi que le témoignage de Barbin (Madame de Villedieu inconnue, op. cit., p. 34-36, 51,
64).
12. Jacques Rougeot est le premier à défendre cette thèse : « Un ouvrage inconnu de
o
l’auteur des Lettres portugaises », Revue de sciences humaines, n 101, 1961, p. 23-36.
e
Au XVII siècle, le nom de Guilleragues n’est rattaché à l’œuvre qu’en qualité de
traducteur possible.
13. Monique Vincent relève quarante œuvres de Scudéry et trente-deux sur elle dans
les pages du périodique. « Présence de Mademoiselle de Scudéry dans Le Mercure
Galant », in Les Trois Scudéry. Actes du colloque du Havre (1-5 octobre 1991), éd. Alain
Niderst, Paris, Klincksieck, 1993, p. 561-576.
e
14. Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au XVII siècle (1598-1701),
op. cit., t. II, p. 823.
15. La Princesse de Monpensier [sic], Paris, Thomas Jolly, 1662.
16. Micheline Cuénin et Chantal Morlet-Chantalat ont étudié la reconstitution du
e
château d’origine (« Châteaux et romans au XVII siècle », Dix-septième siècle, vol. 30,
o
n 118-119, janvier-juin 1978, p. 101-123).
17. Marie de Rabutin Chantal, marquise de Sévigné, Correspondance, op. cit., t. I,
p. 459.
18. Madame de Lafayette, Correspondance, éd. A. Beaunier, 2 vol., Paris,
Gallimard, 1942, t. I, p. 168-175.
19. « Au lecteur », in Lettres portugaises, traduites en français, Paris, Claude
Barbin, 1669.
20. « Au lecteur », in Journal amoureux, Paris, Claude Barbin, 1669.
21. Expérimentant pour la première fois « M. de Villedieu » sur la page de titre de
chaque volume des Exilés, Barbin imprime ce nouveau nom d’auteur d’une façon très
bizarre : « M` de Villedieu » — autrement dit, ni « M. » ou « Mr » ni « Me », mais la
majuscule M suivie d’un symbole typographique ressemblant à une apostrophe inversée.
22. Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », in Dits et écrits, t. I, 1954-1969,
Paris, Gallimard, 1994, p. 798-800.
23. L’année 1670 figure sur la page de titre de Zayde, mais l’achevé d’imprimer du
premier volume est daté du 20 novembre 1669.

V
LA NAISSANCE DES GRANDS CLASSIQUES

1. Madame de Lafayette, Correspondance, éd. A. Beaunier, op. cit., t. I, p. 45. Ses


lettres à Ménage sur Clélie sont dans le t. I, p. 45-95, et p. 134-135.
2. Contrat de mariage de Lafayette : AC/MC/ET/XCVIII/répertoire 1. Sur les
transactions financières de Lafayette et la maison où elle a vécu, voir l’excellente analyse
de Claude Dulong. « Madame de Lafayette et ses placements immobiliers », Dix-septième
o
siècle, n 156, juillet-septembre 1987, p. 241-266.
3. Villiers, Journal d’un voyage à Paris en 1657-1658, éd. Armand-Prosper Faugère,
Paris, Duprat, 1862, p. 372-373.
4. Madame de Lafayette, Correspondance, op. cit., t. I, p. 171.
5. Lafayette signe « M. Pioche » le 8 mai 1651 : AN/MC/ET/XCVIII/175 ; « Marie-
Madeleine de La Vergne » le 19 septembre 1662 : AN/MC/ET/LXXVIII/293. Elle arrange
le mariage de son second fils Armand ; le contrat est signé devant notaire, et elle signe
exactement « de La Vergne / de Lafayette » : AN/ MC/ET/C/392. Pour la procuration
donnée par le comte de Lafayette à son épouse le 6 mai 1656, voir
AN/MC/ET/XCVIII/191.
6. Clélie, op. cit., t. I, p. 196.
7. Zayde, histoire espagnole, Paris, Claude Barbin, 1670-1671, 1, 78. Sur l’influence
de Scudéry sur les romans de Lafayette, voir la lecture proposée par Jean Rousset, Forme
et signification, Paris, José Corti, 1962, en particulier p. 29-33.
8. Les remarques de Huet et de Segrais figurent dans divers contextes : les
Segraisiana ou Mémoires anecdotes, Amsterdam, François Changuion, 1723, préface,
p. XIII-XIV ; t. I, p. 8, 159, et la correspondance de Huet (Un érudit homme du monde,
Paris, Hachette, 1879, p. 14). Alain Niderst cite aussi les manuscrits de Cideville
(« Traits, notes et remarques de Cideville », Revue d’histoire littéraire de la France,
o
vol. 69, n 5, 1969, p. 825). Segrais rapporte par ailleurs que Lafayette voit Zayde comme
un terrain d’expérimentation dans la recherche de son propre style : « Après que Zayde fut
imprimée, Madame de Lafayette en fit relier un exemplaire avec du papier blanc entre
chaque page, afin de la revoir tout de nouveau, et faire des corrections, particulièrement
sur le langage ; mais elle ne trouva rien à y corriger » (t. I, p. 53).
9. L’Héritier de Villandon, L’Apothéose de Mademoiselle de Scudéry par
Mademoiselle L’H***, op. cit., p. 44 et 29.
10. Madame de Lafayette, Correspondance, op. cit., t. I, p. 62-63.
11. Ibid., t. II, p. 180-182.
12. Les Mémoires de messire Roger de Rabutin, comte de Bussy, 2 vol., Paris, Jean
Anisson, 1696. Les lettres de Sévigné que le recueil comporte figurent parmi les plus
anciennes qui ont subsisté ; par exemple t. II, p. 304-307, 19 juillet 1655. Les Lettres de
messire Roger de Rabutin, comte de Bussy, 4 vol., Paris, Florentin et Pierre Delaulne,
1697, avec un achevé d’imprimer du 31 décembre 1696.
13. Madame de Sévigné, Correspondance, op. cit.
14. Ibid., t. I, p. 93.
15. Ibid., t. III, p. 58.
16. Ibid., t. III, p. 60.
17. Sévigniana, ou Recueil des pensées ingénieuses, d’anecdotes littéraires,
historiques et morales, tirées des lettres de madame la marquise de Sévigné, éd. Pierre
Barral, À Grignan [Paris], s. n., 1756, p. IV, VIII.
18. Madame de Sévigné aux Rochers, comédie en deux actes et en prose, de Louis
Bernard de Montbrison, est mise en scène en 1803 (voir p. 1 pour la citation) ; celle de
Jean-Nicolas Bouilly, Madame de Sévigné, comédie en trois actes et en prose (Paris,
Barba), l’est en 1805, puis elle est rééditée jusqu’en 1837 ; la pièce Ninon chez Madame
de Sévigné, musique d’Henri Montan Berton et livret d’Emmanuel Dupaty, est mise en
scène en 1808 puis rééditée jusqu’en 1834.
19. Beauté des lettres de Madame de Sévigné, ou Choix de ses lettres les plus
remarquables sous le rapport de la pensée et du style, recueillies et publiées pour
l’instruction de la jeunesse par Mmes Courtin, maîtresses de pension à Limoges [1812],
Paris, Martial Ardant, 1825, p. 4.
20. Mes statistiques proviennent d’Anne-Marie Thiesse et Hélène Mathieu,
« Decline of the Classical Age and Birth of the Classics », in Displacements. Women,
Tradition, Literatures in French, sous la dir. de Joan DeJean et Nancy K. Miller,
Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1991, p. 84-85. L’équilibre des genres
proposé à l’agrégation change radicalement par la suite : de 1956 à 1980, les sujets sur le
théâtre chutent (23), ceux sur le roman augmentent (37), et le genre épistolaire disparaît
complètement du concours, et Sévigné avec lui.
21. Gauthier Aubert a comparé les informations sur les révoltes données par Sévigné
à celles d’autres sources de l’époque afin d’évaluer leur degré d’exactitude (« Dentelles et
bonnets rouges : les révoltes du papier timbré vues par la marquise de Sévigné », Dix-
o
septième siècle, n 275, avril 2017, p. 285-298).
22. Tous les éditeurs modernes du Portefeuille donnent une version différente de
l’histoire de sa publication. La date de publication reste incertaine et l’on ne peut pas
e
affirmer que des exemplaires du XVII siècle ont survécu. La version la plus ancienne dont
on dispose est celle du tome II des Œuvres de Madame de Villedieu publiées par la Veuve
Claude Barbin en 1702.
23. La différence de taille entre in-octavo et in-douze n’est pas toujours évidente. Un
petit in-octavo, comme La Princesse de Monpensier, op. cit., peut avoir des dimensions
légèrement inférieures à celles de l’in-douze habituel. Mais comme il est toujours plus
coûteux d’imprimer en in-octavo, les formats plus petits (in-douze, voire in-seize)
finissent par l’emporter, pour la fiction, à partir de la fin des années 1670.
24. Mémoires de la vie d’Henriette-Sylvie de Molière, 6 vol., Paris, Claude Barbin,
1671-1674 : t. I, p. 6-7 ; t. III, p. 11-14 ; t. II, p. 10-12, p. 47-62, p. 150-170.
25. Pierre Richelet, Les Plus Belles Lettres françaises sur toutes sortes de sujets,
tirées des meilleurs auteurs. L’édition originale de 1689 ne comporte pas de biographies ;
elles ont été ajoutées, sans pagination, à la deuxième édition de 1698, 2 vol., Paris, Michel
Brunet, 1698, t. I.
26. Bayle, Dictionnaire historique et critique, op. cit., t. II, p. 833-834. Bayle
connaissait la réédition de La Haye de 1699 de l’édition de Richelet publiée à Paris en
1698.

VI
LA PLUS GRANDE DES GÉNÉRATIONS ?
e
1. Ces chiffres se fondent sur les listes des romans du XVII siècle trouvées in
e
Maurice Lever, La Fiction narrative en prose au siècle. Répertoire bibliographique
XVII
du genre romanesque en France (1600-1700), Paris, Éditions du CNRS, 1976, p. 489-
560.
2. Histoire d’Hypolite, comte de Duglas, 2 vol., Paris, Louis Sevestre, 1690, t. II,
p. 143. Le roman a été souvent réimprimé mais seulement plusieurs décennies plus tard,
une fois que d’Aulnoy est devenue célèbre ; à la différence de ses romans ultérieurs,
celui-ci ne semble pas avoir retenu aussitôt l’attention.
3. Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon, Nouvelles et autres ouvrages en vers et en
prose de Madelle L’H***, Paris, Jean Guignard, 1695, « Avis du libraire », p. 400-401.
4. Ibid., p. 165-166, p. 240 ; Œuvres mêlées de Madelle L’H***, Paris, Jean
Guignard, 1696, p. 174. L’achevé d’imprimer des deux œuvres est daté du
8 octobre 1695.
5. Catherine Bernard, Inès de Cordoue, nouvelle espagnole, Paris, Martin et George
Jouvenel, 1697 : « Le Prince rosier » p. 11-44, « Riquet à la houppe » p. 46-72. L’achevé
d’imprimer du roman est daté du 10 mai 1696.
6. Claude Barbin publie les volumes de la première collection de contes d’Aulnoy ;
c’est la veuve de Théodore Girard qui publie ceux de la deuxième série. Aucun
exemplaire des volumes de la première série n’a subsisté. Dans son introduction aux
contes d’Aulnoy, Jacques Barchilon décrit des exemplaires qu’il a examinés dans une
bibliothèque privée maintenant dispersée, et dont on ignore le sort. Il inclut les achevés
d’imprimer de chaque volume et je cite les précisions qu’il fournit (Contes nouveaux ou
les Fées à la mode, éd. Philippe Hourcade, édition du tricentenaire, Paris, Société des
textes français modernes, 1997, « Introduction », p. XLIV-XLVI).
7. Les premiers auteurs de contes de fées semblent avoir utilisé indifféremment
« contes des fées » et « contes de fée ». Le privilège des deux recueils de Murat est daté
du 20 janvier 1698, leur achevé d’imprimer du 31 janvier 1698. Le privilège du volume
de Préchac date du 7 mars 1698.
8. Le Mercure Galant, mars 1684, p. 50-51.
9. Charlotte de Caumont de La Force, Contes des contes, « Libraire au lecteur »,
2 vol., Paris, Simon Bénard, 1698, n.p. Pour l’étude de la création du genre, Mary
e
Elisabeth Storer, Un épisode littéraire de la fin du XVII siècle. La mode des contes de fées
(1685-1700), Paris, Honoré Champion, 1928, reste encore la source d’information la plus
complète.
10. Comtesse d’Auneuil, Nouvelles diverses du temps, La Princesse de Pretintailles,
par Mad. la Comtesse D. L., Paris, P. Ribou, septembre 1702, p. 3-4, 10.
11. L’Héritier de Villandon, Œuvres meslées, contenant l’Innocente tromperie,
l’Avare puni, Les Enchantemens de l’éloquence, les Aventures de Finette, nouvelles et
autres ouvrages en vers et en prose de Mlle L’H*** [L’Héritier de Villandon], avec le
triomphe de Mme Des Houlières tel qu’il a été composé par Mlle L’H***, op. cit., p. 12.
12. Comtesse d’Aulnoy, Contes nouveaux ou les Fées à la mode, op. cit, p. 377.
13. Voir, par exemple, L’Héritier dans Œuvres mêlées […], op. cit., « Les
enchantements de l’éloquence », p. 174.
14. Catherine Durand, Les Petits Soupers de l’été 1699, ou Aventures galantes, avec
l’Origine des fées, 2 vol., Paris, Jean Musier et Jacques Rolin, 1702, t. II, p. 313.
15. Pour plus d’informations sur le destin des contes de fées français en Angleterre,
voir surtout les articles de Melvin D. Palmer et Nancy G. Palmer (« The French Conte de
o
fée in England », Studies in Short Fiction, vol. 11, n 1, hiver 1974, p. 36-64), ainsi que
ceux de Christine A. Jones (« Madame d’Aulnoy Charms the British », The Romaníc
o
Review, vol. 99, n 3-4, mai-novembre 2008, p. 239-256) et de Gabrielle Verdier
(« Comment l’auteur des “Fées à la mode” devint “Mother Bunch”. Métamorphoses de la
o
comtesse d’Aulnoy en Angleterre », Merveilles & contes, vol. 10, n 2, décembre 1996,
p. 285-309).
16. Mémoires de la cour d’Espagne, 2 vol., Paris, Claude Barbin, 1690, t. 1, p. 1-2.
17. Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, op. cit., « Jardins, des », n. a.
18. Relation du voyage d’Espagne, 3 vol., Paris, Claude Barbin, 1691, t. I, p. 1.
19. Mémoires de la cour d’Espagne, op. cit., t. II, p. 415.
20. Mémoires de la cour d’Angleterre, par Madame D.***, 2 vol., Paris, Claude
er
Barbin, 1695, t. I, p. 1. L’achevé d’imprimer de l’œuvre est daté du 1 décembre 1694.
21. Sur la part des auteurs français dans les traductions en anglais du début du
e
XVIIIsiècle, voir W. H. McBurney, A Check-List of English Prose Fiction, 1700-1739,
Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1960.
22. Mémoires de madame la comtesse de M***, 2 vol., Paris, Claude Barbin, 1697,
t. I, p. 1-3. L’achevé d’imprimer est daté du 29 décembre 1696.
23. Ibid., t. II, p. 395-396.
24. Ibid., t. II, p. 40.
e
25. Antoine Adam, Histoire de la littérature française au XVII siècle, 5 vol., Paris,
Del Duca, 1949-1956, t. V, p. 314-319.
26. Les plaidoyers de la dissolution du mariage de La Force et Brion se trouvent à la
bibliothèque de l’Arsenal, dans le ms. 2851, fol. 37-72. Procès de femmes. Charlotte de
Caumont ; Marie-Anne de Châteauneuf-Duclos ; Hortense Mancini, duchesse de
Mazarin ; Émilie de Mascranny, marquise de Gesvres ; Madame Kornmann (Paris,
Calmann-Lévy, 1898) de Jacques Munier-Jolain, « avocat de la cour d’appel de Paris »,
est souvent cité lorsqu’il s’agit de la vie prétendument scandaleuse de La Force (p.3-53).
Pourtant aucune recherche, aucun examen minutieux de l’affaire n’apparaît dans cette
source.
27. Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 2851, fol. 37v.
28. Carolyn Lougee, Le Paradis des Femmes, op. cit., chap. III et IX.
29. Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 2851, fol. 10r.
30. Mark Cummings offre la meilleure introduction à la notion de rapt de séduction :
« Elopement, Family and the Courts : the Crime of rapt in Early Modern France »,
Proceedings of the Annual Meeting of the Western Society for French History, 1976,
p. 118-125.
31. Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 2851, fol. 45v.
32. Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 2851, fol. 46r.
33. Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 2851, fol. 37v.
34. Shirley Jones Day fait partie des rares chercheurs à proposer une lecture attentive
des fictions d’auteurs comme Aulnoy et La Force sans laisser leurs prétendues
biographies prendre le pas sur l’analyse. The Search for Lyonnesse. Women’s Fiction in
France, 1670-1703, Berne-New York, Peter Lang, 1999.

VII
FEMMES SAVANTES

1. Le Siècle de Louis le Grand, par M. Perrault de l’Académie Française, Paris, Jean


Baptiste Coignard, 1687, p. 1, 11.
2. Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, en ce qui regarde les
arts et les sciences, 4 vol., Paris, Veuve de Jean Baptiste Coignard et Jean Baptiste
Coignard fils, 1688-1697.
3. Ibid., t. I, p. 30-31.
4. Ibid., t. II, p. 33.
5. Ibid., t. II, p. 126-128.
6. Ibid., t. III, p. 149-150.
7. L’Apologie des Femmes, par Monsieur P.**, Paris, Veuve de Jean Baptiste
Coignard et Jean Baptiste Coignard fils, 1694, préface, n.p., p. 3.
8. Artamène, ou le Grand Cyrus, op. cit., t. X, p. 676-677.
9. Le Mercure Galant, mai 1698, p. 202-206.
10. Sur Barbier, voir English Showalter, « Writing Off the Stage : Women Authors
and Eighteenth-Century Theater », in Displacements. Women, Tradition, Literatures in
French, op. cit., p. 144-162, et Alicia Montoya, Marie-Anne Barbier et la tragédie post-
classique, Paris, Honoré Champion, 2007.
11. Arrie et Petus, Paris, Michel Brunet, 1702, préface, n.p.
12. Charles Perrault, Le Siècle de Louis Le Grand, op. cit., p. 7-10.
13. L’Iliade d’Homère, traduite en français, avec des remarques par Madame
Dacier, 3 vol., Paris, Aux Dépens de Rigaud, Directeur de l’Imprimerie Royale, 1711,
p. V, VI.
14. Œuvres de Nicolas Boileau-Despréaux, op. cit., 1, n.p.
15. Nicolas Boileau, Dialogue des héros de roman in Œuvres complètes, op. cit., t. I,
p. 489-490.
16. L’Iliade d’Homère, traduite en français, avec des remarques par Madame
Dacier, op. cit., p. XXI.
17. Dacier, Des causes de la corruption du goût, Paris, Aux Dépens de Rigaud,
Directeur de l’Imprimerie Royale, 1714, p. 9-10. La page de titre indique 1714, mais le
privilège prouve que le volume n’est paru qu’en 1715.
18. Le Mercure Galant, mai 1715, p. 257.
19. Gilles Ménage, Historia mulierum philosopharum, riptore Aegidio Menagio
accedit ejusdem Commentarius italicus in VII sonettum Francisci Petrarcha a re non
alienus, Lyon, Joan Posuel et Claudium Rigaud, 1690, dédicace ; Histoire des femmes
philosophes, trad. Manuela Vaney, Paris, Arléa, 2003, p. 11.
DRAMATURGES

EDWIGE KELLER-RAHBÉ
Deux témoignages, publiés à des dates clés du XVIIe siècle, attestent la
présence de femmes dramaturges dans le champ littéraire du temps. Le
premier se trouve dans un traité d’éducation et de morale écrit par
Élisabeth-Marie Clément (16 ?-16 ?) en 1664, au début du règne de
Louis XIV :

Melpomène […] est fort visitée des personnes de grand mérite qui composent des
comédies, comme Messieurs de Corneille, qui emportent le prix ; et il y en a encore
d’autres, comme Monsieur Desmarets, Monsieur Boyer, Monsieur Gilbert, Monsieur
Quinault, Mademoiselle Desjardins, Monsieur Lambert, Monsieur Chappuzeau, sans
oublier l’enjouée comédie du Baron de la Crasse, et l’auteur du Festin de Pierre,
Monsieur Montfleury, l’auteur de L’École des femmes, et Monsieur Boursault, qui
1
toutes ces personnes-là composent des poèmes dramatiques .

Le second vient clore l’entrée « Auteur » du Dictionnaire universel de


Furetière paru en 1690, aux lendemains de la création de la Comédie-
Française : « On dit aussi d’une femme, qu’elle s’est érigée en Auteur,
quand elle a fait quelque livre ou pièce de théâtre *1. »
Si l’un peut être suspect de complaisance — il émane d’une précieuse
acquise à la cause de son sexe —, il vaut toutefois pour sa liste nominative
propre à faire entrer l’élite du théâtre dans le livre. Au Panthéon des
dramaturges figure en bonne place une femme de lettres réputée, Marie-
Catherine Desjardins (1640 ?-1683), qui, en 1662, a fait représenter à
l’Hôtel de Bourgogne Manlius, une tragi-comédie 2. L’autre entérine pour la
première fois dans un dictionnaire de langue française la réalité de l’écriture
dramatique au féminin, en la singularisant et en la valorisant.
La terminologie de l’époque est un autre terrain d’observation privilégié
de l’accès des femmes à la scène. En plus des vocables « poète
dramatique » et « auteur », lequel est encore universel, les commentateurs
et les acteurs de la vie artistique usent volontiers du substantif « autrice »,
que nous utiliserons à leur suite. Dans La Muse historique du 27 mai 1662,
le gazetier Jean Loret rend compte du succès de Marie-Catherine Desjardins
en des termes recevables pour son illustre destinatrice, Marie de
Longueville, duchesse de Nemours :

Au carrousel de notre Roi,


La jeune autrice de Torquate,
Pièce charmante et délicate,
A fait en style net et fin,
Un carrousel pour le Dauphin.

Quant aux registres journaliers de la Comédie-Française, ils


mentionnent à plusieurs reprises la « part d’autrice » dont la troupe
s’acquitte auprès des femmes entrées à son répertoire. Poétique ou
administrative, la langue classique dispose donc de ressources lexicales
appropriées pour désigner une pratique bien installée : des femmes qui
écrivent pour la scène, s’y font représenter et en tirent à l’occasion un profit
économique.
Les ouvrages bibliographiques (listes, répertoires et dictionnaires
dramatiques) recensent environ 150 autrices de théâtre sous l’Ancien
Régime, soit 4 % seulement de l’ensemble de la production 3. Quelques
figures se sont essayées à cette forme d’écriture dès le XVIe siècle, à
l’exemple de Marguerite de Navarre, Louise Labé ou Catherine des
Roches 4 *2. Il faut cependant attendre la seconde moitié du XVIIe siècle pour
voir des femmes s’exercer à l’art dramatique avec des intérêts renouvelés,
ce qui corrobore un fait sociologique établi, à savoir l’essor des carrières
littéraires féminines à partir des années 1650, sous l’effet d’une
« spectaculaire émancipation 5 ».
On dénombre une vingtaine de femmes dramaturges en activité pour
cette période et jusqu’à la fin du règne de Louis XIV. Dans l’état actuel des
connaissances, la seule femme répertoriée avant 1650 est Dorothée de Croÿ,
dont la pièce Cinnatus et Camma (1637), une tragi-comédie en trois actes et
en vers avec chansons et prologue, est conservée à l’état de manuscrit 6. De
1650 à 1700 viennent à sa suite, par ordre alphabétique : Alberte-Barbe
d’Ernecourt, dite Madame de Saint-Balmon (1607-1660), Madeleine Béjart
(1618-1672), Catherine Bernard (1663-1712), Marthe Cosnard (1614-16 ?),
Antoinette Deshoulières (1638-1694) et sa fille, Antoinette-Thérèse
Deshoulières (1659-1718), Marie-Catherine Desjardins, dite Madame de
Villedieu, Catherine Durand (16 ?-1736), la Sœur de La Chapelle (16 ?
-16 ?), Anne de La Roche-Guilhen (1644-1707), Charlotte Legrand, épouse
Pitel de Longchamp (16 ?- ?), Françoise de Maintenon (1635-1719),
Françoise Pascal (1632-apr. 1689) et Madame Ulrich (vers 1665-apr. 1677).
Le début du XVIIIe siècle voit s’illustrer à leur tour Jeanne Bisson de la
Coudraye (16 ?-17 ?), Marie-Anne Barbier (1664-vers 1745), Louise-
Geneviève de Saintonge (1650-1718) et Madeleine-Angélique de Gomez
(1684-1770). Hormis la première, ces femmes poursuivent leur carrière au-
delà du règne de Louis XIV *3.
Une telle estimation est nécessairement incomplète. D’une part, le
théâtre religieux pratiqué dans les abbayes et les couvents est en grande
partie soustrait au champ d’observation ; d’autre part, la contribution
d’autres professionnelles des arts du spectacle demeure mal connue.
Quelques noms circulent encore à la marge : Isabelle Andriné par exemple
(en réalité une actrice italienne de la commedia dell’arte, Isabella Andreini,
autrice d’une pastorale dramatique en cinq actes, et prologue, Myrtille,
bergerie d’Isabelle Andreini, comediante des Jaloux, 1602, « mise en
français » par un certain Adradan) ou Marie de Brinon (la première
supérieure de la maison royale de Saint-Cyr aurait écrit plusieurs tragédies à
l’usage des pensionnaires, avant que Françoise de Maintenon ne mette un
terme à ce type d’expérimentations 7).
Les témoignages littéraires sont par ailleurs propices à la diffusion
d’informations invérifiables. Mademoiselle Beauchâteau, comédienne à
l’Hôtel de Bourgogne, aurait joué un rôle auprès de Philippe Quinault en lui
soumettant une esquisse de la tragi-comédie des Coups de l’Amour et de la
Fortune (1655). Une zone d’ombre persiste concernant Madame ou
Mademoiselle de Comeige et sa tragédie Mahomet, pourtant mentionnées
dans bon nombre d’ouvrages anciens consacrés à l’histoire des femmes. La
part prise par Marie-Anne Mancini à la tragédie en cinq actes et en vers
Mustapha et Zéangir (1705) enfin est incertaine (le bibliothécaire de la
duchesse de Bouillon, François Belin, a signé la pièce et la lui a dédiée).
Une périodisation plus serrée met en évidence trois moments. D’abord
les années d’émergence autour de la Fronde. L’année 1650 crée
l’événement grâce à la parution de deux tragédies de femmes en cinq actes
et en vers : Les Jumeaux martyrs et Les Chastes Martyrs arborent des titres
quasi identiques soulignant une orientation commune édifiante, sortent du
même atelier d’imprimeurs parisiens (Jean et Nicolas de La Coste) et sont
commercialisées par Augustin Courbé. À cette date, les pièces échappent
encore au circuit des théâtres officiels. L’infléchissement se produit autour
des décennies 1660-1680, époque à laquelle l’engouement pour le théâtre,
toujours hautement valorisé par le pouvoir monarchique, se mesure à la fois
par une activité dramatique intense partout dans le royaume et le
remarquable essor d’un secteur éditorial spécialisé. Non contentes de
s’autoriser l’accès à l’écriture dramatique, les femmes se frayent un chemin
jusqu’aux scènes professionnelles et connaissent de nouveaux succès dans
les boutiques des libraires parisiens à la mode, tels Claude Barbin, Louis
Billaine, Thomas Jolly, Guillaume de Luynes, Gabriel Quinet. La charnière
des XVIIe-XVIIIe siècles correspond à une phase de consolidation, voire de
consécration de cette féminisation, cinq autrices étant jouées de leur vivant
par les Comédiens-Français : Longchamp, Bernard, Ulrich, Barbier et
Gomez.
Certaines dramaturges sont issues de la haute aristocratie (la Lorraine
Saint-Balmon ; les Deshoulières mère et fille), d’autres de la noblesse
huguenote (La Roche-Guilhen, petite-nièce du poète Saint-Amant), et
d’autres encore de la petite noblesse désargentée (Desjardins). Beaucoup
sont roturières mais évoluent dans des milieux leur permettant de recevoir
une solide éducation et / ou d’avoir accès à la vie culturelle : Marthe
Cosnard est élevée dans une famille aisée de bourgeois catholiques de Sées
qui compte Pierre Corneille dans son cercle ; loin d’être une vraie enfant de
la balle, Madeleine Béjart appartient à la bourgeoisie parisienne et « savait
composer des vers à l’âge de seize ans 8 » ; Catherine Bernard est issue de
l’élite bourgeoise protestante de Rouen ; de milieu modeste, la Lyonnaise
Françoise Pascal entre au service de la puissante famille des Neuville de
Villeroy et développe ses talents littéraires, picturaux et musicaux auprès
des filles du Gouverneur. Par leur réseau de parenté, Charlotte de
Longchamp et Madeleine-Angélique de Gomez sont étroitement liées au
monde du théâtre parisien, tout comme Madame Ulrich. Les provinciales
qui s’engagent dans de véritables carrières littéraires ne tardent pas à gagner
Paris pour conquérir des publics élargis. L’abjuration de Catherine Bernard
propulse la jeune fille dans les cercles mondains parisiens où elle fréquente
le salon d’Antoinette Deshoulières. Au moment où elle compose et fait
jouer Rare en Tout (1677), Anne de La Roche-Guilhen, demeurée fidèle à sa
foi, est pour sa part établie à Londres comme demoiselle de compagnie de
la jeune duchesse de Grafton, dédicataire de sa comédie-ballet.
La variété des trajectoires se reflète dans les pratiques d’écriture. Sans
surprise, ce sont les autrices confirmées qui dominent (Pascal, Desjardins,
La Roche-Guilhen, Deshoulières, Bernard, Saintonge, Barbier, Gomez). La
plupart d’entre elles font le choix de carrières polygraphiques et se
distinguent par leur esprit d’innovation dans les genres poétiques, narratifs
et dramatiques. Certaines se sont acquis des titres de gloire, à commencer
par Antoinette Deshoulières, célébrée par ses contemporains, et surtout
Catherine Bernard, qui remporte à trois reprises le prix de poésie de
l’Académie française et de même le prix de poésie de l’Académie des Jeux
floraux de Toulouse. Toutes deux sont admises à l’Académie des Ricovrati
de Padoue. Le savoir-faire poétique étant une compétence indispensable
pour prétendre composer un poème dramatique, il est à supposer que les
succès remportés dans ce domaine ont encouragé les femmes à se tourner
vers la scène. La contemporanéité de la publication de recueils de poésies et
de pièces de théâtre est avérée dans plusieurs cas, de même que la
publication de comédies au sein de recueils poétiques (L’Amoureux
extravagant et L’Amoureuse vaine, et ridicule sont insérées dans Diverses
poésies de Mademoiselle Pascal, 1657). Toutefois, les écrits théâtraux
occupent une place limitée dans les carrières féminines.
Attentives aux modes et aux goûts du public, les autrices s’essayent aux
petits comme aux grands genres avec une nette prédilection pour la
tragédie, qui assure légitimité et prestige social : comédie en un acte
(Ulrich, La Folle Enchère, 1691 ; Saintonge, L’Intrigue des concerts, 1714),
comédie sérieuse en cinq actes (Saintonge, Griselde, ou la Princesse de
Saluces, 1714), comédie-ballet (La Roche-Guilhen, Rare en Tout, 1677),
ballet (Desjardins, Le Triomphe de l’Amour sur l’Enfance, 1670), tragi-
comédie (Desjardins, Manlius), tragédie (Saint-Balmon, Les Jumeaux
martyrs, 1650 ; Desjardins, Nitétis, 1664 ; Deshoulières, Genséric, 1680 ;
Bernard, Laodamie, Reine d’Épire, 1689 ; Barbier, Arrie et Petus, 1702, et
Tomyris, 1707…), et même tragédie burlesque en un acte et en vers
(Deshoulières fille, La Mort de cochon, 1688). Très en vogue au tournant
du XVIIIe siècle, le théâtre chanté inspire à Louise-Geneviève de Saintonge
des livrets d’opéra pour les tragédies lyriques Didon (1693) et Circé (1694),
jouées à l’Académie royale de musique, ainsi que le premier opéra-ballet
français (Les Charmes des saisons, 1695). Le proverbe dramatique
constitue un genre à part qui se déploie à l’écart des structures officielles,
dans des cadres aristocratiques et privés. De forme libre et souple, il connaît
des déclinaisons différenciées selon qu’il est le produit d’un jeu lettré visant
le divertissement mondain 9 ou qu’il résulte d’exigences pédagogiques
comme celles de Françoise de Maintenon, qui s’inscrit dans la tradition du
théâtre d’éducation jésuite lorsqu’elle rédige une quarantaine de proverbes
pour les demoiselles de Saint-Cyr.
À l’intérieur de genres traditionnels où l’influence des autorités
masculines est perceptible dans des jeux d’échos et de reprises (Corneille
chez Cosnard et Saint-Balmon, Molière chez Pascal et Desjardins, Racine
chez Bernard, etc.), les femmes dramaturges opèrent des décalages
significatifs et revisitent sujets et personnages à la lumière des
préoccupations de leur sexe. Un type tel que celui de la coquette est
puissamment réactualisé sous les traits d’Elvire, insolemment libre,
triomphante et joyeuse (Le Favori, 1665), et de Madame Argante,
plaisamment coupable de déni de maternité par peur de déclin physique (La
Folle Enchère, 1691). Les amitiés féminines (Le Favori), le lien entre sœurs
(Laodamie, Reine d’Épire, 1689), la parentalité douloureuse (Les Jumeaux
martyrs, Brutus, 1690 ; Tomyris, 1707), les réalités triviales de l’amour
(Proverbes dramatiques), les relations entre les sexes et surtout l’agency
des femmes, qu’elles soient souveraines, princesses, veuves, épouses ou
amantes (Manlius, Nitétis, Laodamie et d’autres), sont autant de questions
nouvellement énoncées sur scène et doublement médiatisées au féminin, par
la voix de l’autrice et celle d’héroïnes dont les rôles sont sinon inventés du
moins largement étoffés.
À des titres divers — par leur personnalité, la nouveauté de leur geste
scénique, leurs pièces, leurs collaborations avec des dramaturges ou des
troupes, etc. —, plusieurs de ces autrices ont contribué à écrire l’histoire du
théâtre de femmes en France. Ainsi Madame de Saint-Balmon est-elle l’une
des premières femmes connues à avoir fait imprimer une tragédie sous son
nom, inscrit en toutes lettres sur la page de titre *4. L’intrigue des Jumeaux
martyrs transpose dans la Rome du IVe siècle les persécutions subies par la
Lorraine lors de la guerre de Trente Ans et promeut un idéal de constance,
de fermeté et de courage au travers du martyre exemplaire des jumeaux
Marc et Marcellin, convertis au christianisme. Comme dans Polyeucte
martyr (1643), la conversion et le supplice de la « troupe rebelle » (père,
mère, juge, amis, femmes, enfants) viennent parfaire le dénouement
édifiant.
La « Dlle Françoise Pascal, Fille lyonnaise », qui affiche fièrement son
identité sur les pages de titre de son théâtre imprimé, se singularise quant à
elle par une production dramatique abondante. Avec six pièces publiées à
Lyon entre 1655 et 1664 10, elle affiche le corpus théâtral féminin le plus
important du XVIIe siècle. Elle s’avère aussi la première des femmes
dramaturges françaises jouées par une troupe professionnelle en province.
Paris accueille sept ans plus tard une pièce de femme dans un théâtre
illustre. Manlius, de Marie-Catherine Desjardins, est créée par la Troupe
Royale, à l’Hôtel de Bourgogne, en avril-mai 1662. Tiré de l’Histoire
romaine de Tite-Live, le sujet traite de l’exécution de Manlius par ordre de
son propre père, le consul romain Torquatus. Tout juste âgée de 22 ans, la
dramaturge crée le scandale en imaginant que le père se refuse à faire
décapiter son fils. Pareille entorse à la vraisemblance suscite la polémique
mais la tragi-comédie reste à l’affiche près d’un mois. La tragédie Nitétis,
dont l’action se situe cette fois en Égypte, est également jouée par les
Grands Comédiens en avril 1663, avec un succès moindre (ill. 1). Pour la
tragi-comédie du Favori (originellement intitulée La Coquette ou le
Favori), l’autrice se tourne vers la troupe de Molière au Palais-Royal, où
elle est créée le 24 avril 1665. Aux vingt-six représentations parisiennes
(1665-1666) s’ajoute une représentation dans les jardins de Versailles,
devant Louis XIV en personne, le 13 juin 1665. Les moyens mobilisés sont
à la hauteur du « puissant souverain » : Vigarini signe la scénographie,
Lully la musique, sans oublier Molière qui figure dans le prologue « en
marquis ridicule ». Pour prendre la mesure de la supériorité de ce
« véritable chef-d’œuvre 11 », il suffit de rappeler qu’au palmarès des
25 auteurs français joués par la troupe de Molière à Paris, l’autrice se situe
au 11e rang, loin derrière Corneille, Donneau de Visé et Scarron, mais
devant Desmarets, Rotrou et Boyer 12. La future Madame de Villedieu aura
donné trois pièces de théâtre en un temps resserré et reste l’unique femme à
avoir composé pour Molière, dont elle a croisé le chemin précocement dans
sa carrière, lors de la publication du Récit de la farce des Précieuses (1659).
1. Nitetis, tragedie par Mademoiselle Desjardins, Paris, Gabriel Quinet, 1664,
dans Œuvres de Mademoiselle Desjardins, Paris, Gabriel Quinet, 1664.

Une dizaine d’années plus tard, en 1677, une autre femme est jouée
devant un grand monarque européen. Anne de La Roche-Guilhen a
l’honneur de se voir commander par Charles II, pour son anniversaire, une
comédie-ballet en trois actes et en vers. C’est ainsi que la pièce d’une
autrice étrangère, Rare en Tout, est créée le 29 avril 1677 à Whitehall, le
théâtre royal de Londres, peut-être par une troupe française venue s’y
produire. L’unique représentation se serait soldée par un échec dont les
motifs sont mal élucidés.
Les professionnelles que sont Madeleine Béjart et Charlotte de
Longchamp permettent de questionner les mécanismes d’effacement des
femmes dans le monde du théâtre sous un angle très concret. De Madeleine
Béjart, les Scudéry notent avec admiration qu’elle « écrivait fort joliment en
vers et en prose 13 ». De fait, elle s’inscrit dans la catégorie particulière des
comédiens-poètes, très nombreux au XVIIe siècle. L’articulation entre la
profession d’actrice et l’écriture dramatique a par ailleurs été mise en
lumière 14 et l’on sait qu’elle devient plus explicite au siècle suivant 15. Le
cas de cette célèbre comédienne qui a côtoyé durablement Molière intéresse
pour rappeler les pratiques de co-élaboration de l’œuvre au sein du couple,
hautement vraisemblables même si elles demeurent indémontrables 16.
Fille, sœur, épouse de comédiens et souffleuse 17, Charlotte de
Longchamp est la première femme à avoir été jouée de son vivant à la
Comédie-Française, le mardi 4 novembre 1687 à l’Hôtel Guénégaud, avec
Le Voleur ou Titapapouf. Les registres journaliers nous apprennent que cette
petite comédie en prose et en un acte a été donnée avec Britannicus et que
deux autres représentations ont eu lieu les vendredi 7 et samedi 8 novembre.
Charlotte de Longchamp a tiré au total 900 livres de part d’autrice.
Catherine Bernard peut quant à elle se prévaloir de succès romanesques
et poétiques lorsqu’elle en vient à écrire pour le théâtre. Son exemple
infirme l’idée selon laquelle l’activité dramatique serait une erreur de
jeunesse chez les femmes et que les inévitables échecs de leurs pièces les
détourneraient ensuite de la scène. Elle crée deux tragédies en cinq actes et
en vers à la Comédie-Française, Laodamie, Reine d’Épire (Hôtel
Guénégaud, 11 février 1689) et Brutus (Théâtre de la rue des Fossés-Saint-
Germain, 18 décembre 1690). Un troisième projet a même été mis en
chantier sans voir le jour 18.
Marie-Anne Barbier lui rendra hommage dans la préface qu’elle écrit
pour la publication de sa tragédie Arrie et Petus :

[…] je me contente de parler ici des excellents ouvrages en prose et en vers de


l’illustre Mademoiselle de Scudéry, des belles poésies de Madame la Comtesse de la
Suze, de Madame Deshoulières, et de sa spirituelle fille qui marche si bien sur ses
traces. Les prix d’Académie, qui sont pour ainsi dire devenus l’apanage des dames
depuis que deux de celles que je viens de nommer leur en ont ouvert la carrière, sont
des preuves incontestables du mérite de notre sexe ; et s’il faut y ajouter quelque chose
au sujet du poème dramatique, les tragédies de Mademoiselle Bernard sont trop
19
récentes pour être effacées de la mémoire des envieux de notre gloire .

Le compliment n’est pas seulement l’expression d’une admiration


réciproque énoncée dans le cadre d’une relation amicale ; il entre dans une
dynamique de gratitude propre à fonder une généalogie dramatique
féminine. Par l’énoncé de cette filiation, Marie-Anne Barbier donne corps à
une tradition, fût-elle « récente », contrairement à celle des hommes qui
remonte à l’Antiquité, et procure aux femmes l’instrument de légitimité qui
leur faisait défaut dans l’histoire du théâtre, l’instrument apte à cautionner
leur démarche artistique.
Couvrant la fin du règne de Louis XIV et la Régence, à l’ère de la
« tragédie post-classique 20 », la carrière littéraire de Marie-Anne Barbier est
presque exclusivement dédiée au théâtre — on la retrouvera dans la partie
consacrée au XVIIIe siècle.
On doit convenir que la production théâtrale féminine embrasse des
modes de performance variés selon les époques, les conditions d’écriture et
les buts poursuivis. Toutes les pièces ne sont pas données publiquement au
temps de leur création, loin de là. La confidentialité des représentations ne
doit pourtant pas être corrélée à celle des textes. Les proverbes dramatiques
de Françoise de Maintenon ont été joués par les demoiselles en privé à
Saint-Cyr, lors de « représentations très contingentées accordées à un public
extérieur choisi, dont au premier chef le Roi et son entourage », mais ils le
sont aussi dans des couvents et des lieux éducatifs profanes liés de près ou
de loin à la maison royale, et ce grâce à la circulation autorisée de copies
manuscrites 21. En revanche, la plupart des pièces connaissent une diffusion
postérieure à la représentation via l’impression. Dans le cadre de la
Comédie-Française, les manuscrits des souffleurs remaniés et annotés par
les comédiens lors du travail de plateau, et peut-être aussi par les autrices en
personne, ont pu être réutilisés pour le travail éditorial après copie et
réécriture 22. L’impression est l’occasion de prolonger le succès scénique ou,
s’il n’a pas été au rendez-vous, de trouver un autre public que celui qui
fréquente les théâtres. La publication devient également un moyen de
réénoncer le texte dramatique et de multiplier les signes d’une auctorialité
pleinement assumée : nom d’autrice sur la page de titre (Saint-Balmon,
Pascal, Desjardins, Barbier, Gomez) ou seule divulgation du sexe (Madame
Deshoulières) ; épîtres dédicatoires affichant des réseaux de protection
illustres ; écrits liminaires où sont promus des considérations sur
l’esthétique théâtrale en même temps que des propos à la gloire des
femmes ; privilèges d’impression personnels assurant une forme de
propriété intellectuelle et d’indépendance économique ; approbations de
censeurs royaux à partir du début du XVIIIe siècle qui légitiment et valorisent
les écrits, à plus forte raison quand les signataires sont eux-mêmes des
dramaturges occupant une position sociale éminente (tel est le cas des
académiciens Fontenelle et Danchet qui se voient confier l’examen des
pièces de Barbier et Gomez).
C’est en outre par la voie du texte imprimé qu’il est possible
d’appréhender la « condition inhumaine » 23 des femmes dramaturges. Le
dispositif péritextuel constitué de manière convenue d’épîtres, auxquelles se
surajoutent progressivement des pièces auctoriales plus personnelles, des
« Avis au lecteur », plus tard des préfaces (celles de Bernard, Ulrich,
Barbier et Gomez), donne à voir les facteurs socio-culturels qui
compliquent voire entravent l’accès des femmes au théâtre. En amont de la
création dramatique continue de se poser le problème des compétences
intellectuelles acquises par l’éducation. Françoise Pascal le soulève avec
une distance ironique propre à la rhétorique de la prétérition :

[…] je ne te donne pas cette pièce, comme une chose rare, et où toutes les règles
de la poésie de ce temps soient observées : mon sexe, le peu d’expérience que j’ai dans
cet art et la bassesse de mon esprit, ne me permettent pas d’avoir des pensées si
hautes, et si relevées que ces Apollons, qui y réussissent si bien tous les jours, se
24
composant avec leurs merveilleux ouvrages des couronnes d’immortalité .

Que l’éducation fasse défaut au sexe féminin est avéré. Même si depuis
la Renaissance, on apprend aux demoiselles de la cour à « composer un
rondeau, une chanson et, plus tard, un sonnet ou une épigramme 25 », on
enseigne aux femmes « à peine la grammaire, rarement l’orthographe et
jamais les canons de la poétique 26 ». Le théâtre est un genre difficile à ce
titre, et principalement la tragédie qui requiert des connaissances érudites
dans les domaines de l’histoire, des langues anciennes, de la rhétorique et
de la poétique, que possèdent rarement les femmes exclues des circuits
d’éducation académiques. Il incombe aux hommes présents dans
l’entourage de ces femmes — auteurs liés aux milieux théâtraux ou
dramaturges — de pallier ces lacunes et de faire office de modèles, de
médiateurs, de conseillers, de mentors littéraires, comme l’attestent les
nombreux exemples. Dans l’édition originale des Chastes Martyrs (1650),
Corneille signe un poème d’hommage à Marthe Cosnard ; Marie-Catherine
Desjardins a bénéficié de l’expérience de l’abbé d’Aubignac et travaille
avec Molière ; Françoise de Maintenon a été l’épouse de Scarron et reçoit
chez elle les plus grands écrivains de son temps ; à Londres, Anne de La
Roche-Guilhen a rencontré Saint-Évremond chez Hortense Mancini ;
Antoinette Deshoulières compte le poète Jean Dehénault et le dramaturge
Jacques Pradon dans son cercle ; le même Jacques Pradon est un proche de
Catherine Bernard ; Marie-Anne Barbier a collaboré avec Boursault et
connu Fontenelle, tout comme Catherine Bernard.
Anticipant les critiques que pourrait s’attirer sa tragédie, Marthe
Cosnard fait état du risque encouru par les femmes à transgresser l’interdit
fondamental, celui qui consiste à s’exposer en public précisément par la
publication (« J’ai eu beaucoup de peine à me résoudre de donner cette
pièce au public »). L’argument de l’autorité littéraire masculine lui sert alors
d’écran protecteur et de caution morale :

[…] tu seras peut-être bien aise de savoir où j’ai pris le sujet de cette tragédie ;
c’est dans ce beau livre intitulé Agatonphile, l’on reconnaît assez l’excellence de son
auteur [Jean-Pierre Camus, évêque de Belley] ; et ce ne m’est pas peu de gloire
d’avoir en quelque façon suivi les traces d’un homme dont les œuvres et les ouvrages
27
sont irrépréhensibles .

Il est compréhensible que certaines autrices aient privilégié le genre de


la tragédie chrétienne pour rester dans les bornes de la respectabilité, que
d’autres encore n’aient pas porté leur texte à la scène ou l’aient circonscrit
aux espaces de représentation privés. Une autrice désireuse de faire jouer sa
pièce est amenée à fréquenter des milieux encore réprouvés et méprisés par
la société ; elle doit assister aux répétitions, s’imposer face à des comédiens
aguerris et, en l’absence de metteur en scène au sens moderne du terme,
défendre son projet artistique auprès du chef de troupe. Un tel degré
d’implication s’accommode mal avec les préceptes moraux inculqués aux
femmes.
En aval de la création dramatique surgissent les attaques misogynes
émises par les instances critiques que sont les doctes et les « censeurs ». Le
discours préfaciel construit à cet égard une scène de réception violente du
théâtre de femmes. L’accusation la plus injurieuse est le déni d’auctorialité,
qui oblige les femmes à justifier leurs écrits de production en production.
Malgré l’assurance formulée dans l’« Avis au lecteur » d’Agathonphile que
sa « seule veine en a tous produit les vers », Françoise Pascal ouvre sa pièce
suivante, L’Endymion, en rappelant qu’on a soupçonné quelques personnes
d’y avoir mêlé leur style (ill. 2). Marie-Anne Barbier contre-attaque par la
provocation ironique : « Mais comment les hommes nous céderaient-ils une
gloire qui n’est pas à nous, puisqu’ils nous disputent même celle qui nous
appartient ? » (Arrie et Petus, « Préface »), tandis que Madeleine-Angélique
de Gomez s’autorise de « celles qui ont immortalisé leur nom » pour
stigmatiser ses détracteurs :

On ne peut donc, sans […] offenser généralement [mon sexe], me ravir le mérite
que j’ai d’avoir fait cette pièce, seule, et sans aucun secours ; et je ne puis m’imaginer
qu’il y ait des personnes assez hardies pour dire ou faire entendre qu’elles ont eu part
dans les vers ou dans la conduite (Habis, « Préface »).

L’enjeu du procès est de présenter les faits de collaboration, avérés ou


non, dans le meilleur des cas comme une mise sous tutelle — l’apport des
femmes aux pièces qu’elles écrivent serait insignifiant comparativement à
celui des hommes —, dans le pire, comme une supercherie littéraire : les
hommes « diront sans doute que nous ne faisons que prêter notre nom à
tous les ouvrages qu’on nous attribue », s’offusque Marie-Anne Barbier
(Arrie et Petus, « Préface »). De cette entreprise de dénigrement il subsiste
des traces préjudiciables tant par leurs effets que par leur durée. La
retentissante affaire du Brutus de Catherine Bernard, plagié par Voltaire et
réattribué à Fontenelle à partir de 1730, en fournit une magistrale
démonstration par ses prolongements jusqu’au XXe siècle.
Les obstacles ressaisis dans les paratextes offrent ainsi des clés de
compréhension au faible investissement du genre dramatique par les
femmes, et sans doute aussi au nombre élevé de pièces qu’il leur est arrivé
de laisser à l’état d’ébauche. L’argument économique a certainement achevé
de dissuader beaucoup d’entre elles de s’y essayer ou d’y persister 28. Des
autrices impécunieuses comme Desjardins ou Bernard ont pu privilégier des
formes littéraires plus ouvertes et plus rapidement rémunératrices telles que
la nouvelle historique et galante et le conte de fées.
2. L’Endymion, tragi-comedie ; composée par Françoise Pascal Fille Lyonnoise. Dedié
a Mademoiselle de Villeroy, Lyon, Clement Petit, 1657.
*1. Voir, sur la provenance et l’originalité de cette formule pour l’époque, Joan DeJean,
« Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. I.
*2. Voir les observations d’Éliane Viennot, « La fin de la Renaissance », chap. II.
e
*3. Voir XVIII siècle, chap. II.
*4. Sur cette autrice hors du commun, voir supra, « Un grand siècle pour les femmes
auteurs », chap. II.
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Notes

1. Élisabeth-Marie Clément, Dialogue de la princesse sçavante et de la dame de


famille, contenant l’art d’élever les jeunes dames dans une belle et noble éducation,
Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1664, p. 254-255.
2. L’abbé de Pure promeut le même canon dramatique quatre ans plus tard : « Nous
voyons tous les jours éclore de nouvelles et admirables productions et tragiques et
comiques, et un nombre considérable d’excellents poètes et de grands ouvrages.
Messieurs Corneille le jeune, Desmarets, Molière, Quinault, Gilbert, Boyer, Racine, et
Mademoiselle Desjardins ont droit aux plus justes louanges qu’on ait jamais données »
(Idée des spectacles anciens et nouveaux, Paris, Brunet, 1668, livre 2, chap. II, De la
comédie, p. 165).
3. Voir, entre autres titres : Henry Carrington Lancaster, A History of French
Dramatic Literature in the Seventeenth Century. The Period of Molière, 1652-1672,
Baltimore, Johns Hopkins Press, 1929, rééd. New York, Gordonian Press, 1966 ; Nadeige
e e
Bonnifet, « Répertoire des femmes auteurs dramatiques de langue française du XVI , XVII
e
et XVIII siècles et de leurs œuvres », mémoire de DEA, sous la dir. de Martine de
Rougemont, université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, 1988 ; Cecilia Beach, French Women
Playwrights before the Twentieth Century et French Women Playwrights of the Twentieth
Century, Westport (Connecticut)-Londres, Greenwood Press, 1994 et 1996.
e
4. Voir Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, t. I, XVI siècle, éd. Aurore Evain,
Perry Gethner et Henriette Goldwyn, Paris, Classiques Garnier, 2014. Voir également les
observations d’Éliane Viennot, p. 294 et 351.
5. « La vie de salon, la crise des structures et celle des valeurs héroïques et des
engagements politiques favorisent une spectaculaire émancipation des femmes, jusque-là
e
fort assujetties. » (Jean Rohou, Le XVII siècle, une révolution de la condition humaine,
Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 289).
6. Bibliothèque municipale de Valenciennes, Ms. 451 ; BnF, Collection de pièces de
théâtre, formée par M. de Soleinne, Ms. Fr. 9282.
7. Anne Piéjus, Le Théâtre des demoiselles : tragédie et musique à Saint-Cyr à la fin
du Grand Siècle, Paris, Société française de musicologie, 2000, p. 94-97 et p. 128-130.
8. Georges Forestier, Molière, Paris, Gallimard, coll. NRF Biographies, 2018, p. 39.
9. Les Comédies en proverbes de Catherine Durand sont publiées en 1699 dans Le
Voyage de campagne, de la comtesse de Murat. La première d’entre elles est insérée dans
l’intrigue à la fin du tome I, les autres en sont séparées et sont regroupées à la fin du
tome II.
10. Agathonphile martyr, pièce à machine écrite autour de 23 ans (Clément Petit,
1655) ; L’Endymion (Clément Petit, 1657) ; Sésostris (Antoine Offray, 1661), et trois
« pièces comiques » en un acte et en vers : L’Amoureux extravagant, suivi de
L’Amoureuse vaine, et ridicule (Simon Matheret, 1657) ; Le Vieillard amoureux, ou
l’Heureuse Feinte (Antoine Offray, 1664).
11. Perry Gethner, « Traduire Le Favori en anglais », in Autour d’un anniversaire
(1665-2015) : représenter, lire et éditer Le Favori de Marie-Catherine Desjardins de
Villedieu, Actes de la journée d’étude organisée à Lyon le 16 juin 2016, sous la dir.
d’Edwige Keller-Rahbé. Voir également le site madamedevilledieu.univ-lyon2.fr/
[consulté le 29 juillet 2019].
12. Philippe Cornuaille, Les Décors de Molière. 1658-1674, Paris, PUPS, 2015,
p. 270-271.
13. Madeleine et Georges de Scudéry, Almahide ou l’Esclave reine, Paris, Augustin
Courbé, 1660-1663, livre I, vol. 5, p. 1536-1537.
14. Aurore Evain, L’Apparition des actrices professionnelles en Europe, Paris,
L’Harmattan, coll. Univers théâtral, 2001.
15. Voir Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, « Femmes et théâtre », dans Valérie
André, Huguette Krief et alii (dir.), Dictionnaire des femmes des Lumières, t. II, L-Z,
Paris, Honoré Champion, 2015, p. 1125-1126.
16. Ibid.
17. Sur ce statut professionnel particulier, voir Martial Poirson, « “Souffler n’est pas
jouer” : pratiques et représentations du copiste-souffleur (1680-1850) », dans Mara Fazio
et Pierre Frantz (dir.), La Fabrique du théâtre. Avant la mise en scène (1650-1880), Paris,
Desjonquères, 2010, p. 51-69.
18. « le Samedy 4me juillet 1693 la Compagnie s’est assemblée pour entreprendre la
lecture de la Tragédie de Scylla de Mademoiselle Bernard » (cité dans Catherine Bernard,
Œuvres, t. I, Romans et nouvelles, éd. Franco Piva, Fasano-Paris, Schena / Nizet, 1993,
p. 40).
19. Marie-Anne Barbier, Arrie et Petus (Michel Brunet, 1702), dans Théâtre de
e e
femmes de l’Ancien Régime, t. III, XVII -XVIII siècle, éd. Aurore Evain, Perry Gethner et
Henriette Goldwyn, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. La
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20. Alicia Montoya, Marie-Anne Barbier et la tragédie post-classique, Paris, Honoré
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22. Sont conservés dans les fonds d’archives de la Bibliothèque-Musée de la
Comédie-Française les manuscrits de souffleurs des pièces suivantes : Brutus (Ms 22), Le
Faucon (Ms 87), La Folle Enchère (Ms 20), Habis (Ms 72). Voir Martial Poirson, « Le
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plateau à l’œuvre. Du manuscrit de souffleur au relevé de mise en scène (XVII -
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XXI siècles) », Revue d’Histoire du théâtre, n 237, 2008, 1, p. 5-11.
23. Henriette Goldwyn, « Femmes auteurs dramatiques au dix-septième siècle : la
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condition inhumaine », Les Cahiers du dix-septième siècle, vol. 4, n 1, 1990, p. 51-62.
24. Françoise Pascal, Agathonphile martyr, Paris, Clément Petit, 1655, « Avis au
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25. Évelyne Berriot-Salvadore, Les Femmes dans la société française de la
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26. Myriam Maître, « Éditer, imprimer, publier : quelques stratégies féminines au
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XVII siècle », in L’Écrivain éditeur, I. Du Moyen Âge à la fin du XVIII siècle, textes
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27. Marthe Cosnard, Les Chastes Martyrs, tragédie (1650), « Avis au lecteur », texte
présenté par Hannah Fournier. Disponible en pdf sur le site Margot, projet Femmes
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28. Alain Viala a montré combien était « ingrate » la situation financière des auteurs
dramatiques qui travaillaient sous la coupe réglée des comédiens (Naissance de
l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1985,
p. 98).
QUATRIÈME PARTIE

LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE
1715-1793

CHRISTIE MCDONALD
Traduit de l’anglais (États-Unis)
Introduction

La littérature et la philosophie de la période qui s’étend de 1715 à 1793


sont marquées de profonds changements. De nombreux principes qui
conduiront à la Révolution de 1789 sont exprimés d’abord dans des romans,
des pièces de théâtre, des essais et des traités qui tous se soucient de liberté
et d’égalité, et considèrent la possibilité d’un nouveau type de contrat
social.
La place des femmes auteurs au cœur de tels changements remet en
cause l’idée selon laquelle leur condition se modifierait peu pendant cette
période si on la compare à l’effervescence enregistrée auparavant (au
e
XVII siècle) et surtout ensuite (pendant la Révolution et au cours du
e
XIX siècle). En réalité, les femmes auteurs abordent les incertitudes de

l’heure selon de multiples perspectives, à la croisée des sciences, de la


pensée socio-politique, de la philosophie et de la littérature, démarche déjà
postmoderne dans sa diversité. Au carrefour de la pensée critique et de la
réflexion sur l’histoire, les Lumières désignent moins une période révolue
qu’une attitude persistante, « une critique permanente » du temps auquel
nous appartenons, comme le précise Foucault relisant la définition que Kant
donnait des Lumières en 1784 ; c’est un temps pendant lequel aucune sorte
d’humanisme ne prévaut mais où coexistent un grand nombre de ses
formes, qu’elles soient religieuses ou laïques.
Une telle situation n’empêche pas les femmes auteurs d’affronter de
sérieuses difficultés : de violents débats ont pour objet leur usage de
l’imagination, de la raison et des sentiments ; des définitions concurrentes
font d’elles des créatures tantôt déterminées par la biologie, tantôt par la
culture. Le choix d’écrire et de publier, la volonté d’acquérir une forme de
légitimité grâce à leurs œuvres exigent d’elles de réelles capacités
d’adaptation, une évidente détermination quand elles interviennent dans les
débats qui leur importent, ceux de la philosophie, de la science, de
l’éducation, ceux qui portent sur le mariage, le couple et la famille comme
entité fondamentale de la société, et bien d’autres encore.
Les femmes pénètrent dans la République des Lettres et dans le réseau
de penseurs qui la constitue par la publication d’ouvrages de toutes sortes,
dans tous les genres. Elles entrent dans la sphère publique à leurs risques et
périls. Oser apprendre et écrire implique en effet une double gageure :
écrivant dans un cadre explicitement hiérarchisé (elles sont considérées
comme mineures et plus tard comme jouissant d’une citoyenneté
« passive »), les femmes produisent des textes fictionnels et non fictionnels
portant sur l’égalité des sexes et la liberté, l’éthique et les injustices de
l’histoire, l’éducation, les sciences et la vérité, sur les femmes comme êtres
humains, disposant comme tels de droits spécifiques. Elles sont en dialogue
avec des écrivains et des philosophes masculins, avec Rousseau, Voltaire,
Diderot et les Encyclopédistes tout particulièrement. D’un point de vue
littéraire et philosophique, la période n’en est pas néanmoins habitée de
contradictions nombreuses, d’ambitions naissantes et de contraintes
pénibles, mais aussi du désir d’interroger l’autorité, qu’elle soit
théologique, politique ou sociale, en traitant de sujets regardant l’identité
personnelle, la société et la tradition.
Les femmes auteurs réussissent à franchir les frontières entre genres et
domaines de savoir à l’occasion de dialogues féconds : « la littérature », on
le sait, comporte alors la philosophie, l’anthropologie, la réflexion socio-
politique et le domaine des découvertes scientifiques (la séparation des
disciplines en humanités, sciences sociales et sciences ne surviendra qu’au
e
XIX siècle). Les compétences des femmes en matière de théâtre, roman,
poésie, essai et lettres, brochures, pamphlets et articles de journaux ainsi
que dans le domaine de la traduction ont notoirement contribué à la culture
et à la société du temps, et en ont infléchi le cours.
Le mot « féminisme » pose sans doute un problème par son
anachronisme. Même si le terme n’existe pas encore, des principes de
nature féministe sont toutefois bien à l’œuvre dans un contexte historique
en mutation : les débats, au sein même des œuvres, concernant la capacité
des femmes à raisonner et à assumer le pouvoir au sein d’une relation
hiérarchisée des sexes, ou encore les arguments visant à l’obtention de la
liberté d’agir et au fait d’être considérées comme les égales des hommes
participent directement de ce féminisme des Lumières. Pour autant, on le
verra, les positions ne sont pas toujours cohérentes, ainsi quand certaines
auteures épousent un point de vue égalitaire en matière d’éducation tout en
continuant de penser que les femmes trouvent leur destin « naturel » dans le
mariage et la maternité *1.
Dans cette partie consacrée au XVIIIe siècle, nous avons identifié
quelques figures phares qui seront étudiées en détail (beaucoup d’entre elles
ont été redécouvertes à l’occasion de la deuxième vague du féminisme dans
les années 1970), mais aussi de nombreuses femmes auteurs, aujourd’hui
oubliées ou peu s’en faut, mais qui ont joui d’une grande notoriété en leur
temps.
Dans sa Collection des meilleurs ouvrages français composés par des
femmes (1786-1788), Louise de Keralio (1756-1822) projette d’« élever un
monument à la gloire des femmes françaises 1 » sous la forme d’une
anthologie exhaustive, et ce afin de prouver leur « génie » (ill. 1). D’abord
imaginée comme un ensemble devant compter trente-six volumes,
disponibles par souscription, sa Collection n’en compte en réalité que
douze. Keralio n’a jamais fourni autre chose pour le XVIIIe siècle qu’une
liste de noms de femmes auteurs : au nombre de celles-ci (toutes mortes en
1788, au moment où l’édition des volumes s’arrête), elle avait prévu
d’inclure Marie-Anne Barbier (1664-1745 ?), Émilie du Châtelet (1706-
1749), Anne Dacier (1645-1720), Madeleine-Angélique de Gomez (1684-
1770), Françoise de Graffigny (1695-1758), Jeanne de Montégut-Ségla
(1709-1752) et Gabrielle-Suzanne de Villeneuve (1695 ?-1755). Notre
travail entend élargir cette liste et y inclure bien d’autres auteures, parmi
lesquelles, outre Anne-Marguerite Dunoyer (1669-1719), Fanny de
Beauharnais (1737-1813), Anne-Louise Élie de Beaumont (1729-1783),
Anne-Marie Du Bocage (1710-1802), Isabelle de Charrière (1740-1805),
Louise d’Épinay (1726-1783), Félicité de Genlis (1747-1830), Olympe de
Gouges (1748-1793), Marie Huber (1695-1753), Anne-Thérèse de Lambert
(1647-1733), Suzanne Necker (1737-1794), Jeanne-Marie Leprince de
Beaumont (1711-1780), Henriette de Marans (1719-1784), Madeleine de
Puisieux (1720-1798), Marie-Jeanne Riccoboni (1713-1792), Manon
Roland (1754-1793), Germaine de Staël (1766-1817) et Claudine de Tencin
(1662-1749).
Nous avons également consulté le Dictionnaire historique, littéraire et
bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France
(1804) de Fortunée Briquet (1782-1815), et De l’influence des femmes sur
la littérature française, comme protectrices des lettres et comme auteurs, ou
Précis de l’histoire des femmes françaises les plus célèbres (1811), de
Félicité de Genlis. Ainsi, si nous avons pris en compte la manière dont les
contemporains masculins ont considéré leurs homologues féminins, nous
avons surtout privilégié la manière dont les femmes ont elles-mêmes
présenté leur situation et leur production littéraire.
Les trois chapitres qui constituent cette partie consacrée au XVIIIe siècle
rendent compte des multiples luttes menées par les auteures des Lumières,
ainsi que des perspectives adoptées au sein d’une société contrainte, compte
tenu des structures politiques et sociales dominantes, dans laquelle elles ont
vécu et travaillé.
Le premier chapitre, intitulé Libertés, examine la manière dont les
femmes ont participé aux Lumières à travers leur propre expérience de
l’écriture (qui inclut compréhension, imagination et sensibilité) et comment
elles ont composé avec les traditions ainsi qu’avec les attentes du rôle social
qu’elles étaient censées jouer, tout en briguant également, dans nombre de
cas, un rôle intellectuel, et même politique.
Le deuxième chapitre, Égalités, traite d’abord de la traduction, puis des
réécritures d’œuvres existantes et enfin de théâtre. Le principe d’égalité
universelle est bien plus une aspiration qu’une réalité pour les femmes
auteurs de la période traitée, et un rêve sinon brisé, du moins fort loin d’être
accompli en 1793. Pourtant, ne se bornant pas à être de simples « vers
luisants » en mal de visibilité, pour reprendre une métaphore de Suzanne
Necker explicitée plus loin, quelques-unes se distinguent par leur génie,
d’autres par leur voix particulièrement déterminée. Travailleuses acharnées,
ces femmes ont rencontré d’éclatants succès ; elles méritaient et méritent
toujours d’être mises en lumière.
Plutôt que de porter le titre attendu de Fraternité, la dernière section est
à dessein intitulée Dilemmes. Elle a pour sujet les difficultés et les conflits
que les femmes auteurs ont affrontés d’abord et surtout dans un genre
littéraire d’invention récente, le roman, leurs réflexions, les différences en
littérature et leurs droits, ainsi que les stratégies adoptées pour faire
entendre leur voix.
La construction ternaire que nous avons adoptée est constituée
d’approches transversales qui croisent différents thèmes et genres littéraires
en même temps qu’elle respecte une progression peu ou prou
chronologique. Mettant l’accent sur le caractère pluriel qui s’observe dans
chacune des parties plutôt que sur un discours universaliste d’idéaux
réalisés, les sections, on le verra, traitent de tendances et de périodes sans se
trouver redevables d’un ordre linéaire et rigide qui conduirait
nécessairement au progrès. Le lecteur notera par ailleurs qu’un certain
nombre d’auteures apparaissent dans plus d’une partie et sont prises en
compte selon différents aspects de leurs œuvres. Les problématiques qui
sont abordées dans les différents chapitres peuvent également se recouper :
comment réfléchir, par exemple, à la liberté, sans se demander qui en jouit
et sans s’interroger sur l’égalité ? De tels chevauchements aboutissent
précisément aux dilemmes, de valeurs et d’objectifs, continuellement
rencontrés par les femmes auteurs.
Au fil des chapitres de cette partie, nous avons inventorié les types
d’écrits que les femmes se sont senties autorisées à illustrer, mais également
la manière dont elles sont passées d’un genre littéraire à l’autre. La question
des choix des femmes auteurs et de leur aptitude à négocier les difficultés
propres à leur activité se trouve placée au cœur de la littérature, de même
que leurs droits en tant que « droits de l’Homme », auxquels s’ajoutent les
valeurs et les structures d’une société en profonde mutation. Les Lumières
ne se sont pas achevées en 1793. Dans le cas de nombre d’œuvres de
femmes auteurs (certaines d’entre elles demeurent connues pendant tout le
e
XIX siècle, ce qui n’est pas le cas de bien d’autres), il faudra attendre de

nouvelles éditions et interprétations à partir des années 1960 2 pour les voir
retrouver toute leur force et leur importance.
Inlassablement débattue à l’époque des Lumières, la question
concernant les droits des femmes reste en partie inaboutie : la Révolution
avait promis de les reconnaître ; ils n’ont manifestement pas été accordés
équitablement à tous les membres de la société, et le règlement de cette
question est toujours en cours. Comment, grâce à la littérature, la culture et
la politique, les femmes du XVIIIe siècle ont-elles posé les bases de la société
à venir ? Les sections composant les trois chapitres qui viennent d’être
évoqués tenteront d’apporter des éléments de réponse à cette question,
éléments liés aux tendances propres à l’époque bien plus qu’à une
quelconque avancée linéaire du progrès *2.
1. Louise de Keralio, Collection des meilleurs ouvrages françois, composés
par des femmes ; dédiée aux femmes françoises, Paris, Lagrange, 1786. Frontispice
et faux-titre du tome premier.

e
*1. On retrouvera cette contradiction au XIX siècle, voir Introduction.
*2. Je tiens à remercier Caleb Shelburne, Henry Shreffler et Ian Van Wye, ainsi que Sanam
Esfahani-Nader et Kylie Sago, et de même Matthew Barfield et Odile Harter, qui ont contribué
aux recherches nécessitées par la rédaction de ce travail. Je tiens également à exprimer toute ma
gratitude au Summer Humanities and Arts Research Program et à la faculté des arts et des
sciences de Harvard.
Chapitre premier
LIBERTÉS

La question de la liberté est la plus intéressante que nous puissions


examiner, puisque l’on peut dire que de cette seule question dépend
toute la morale.

ÉMILIE DU CHÂTELET, « De la liberté »

CONTROVERSES

De la « nature » des femmes

Il faut être instruite pour écrire lorsqu’on est une femme, et pour être
instruite il faut être considérée comme capable de penser ; ni l’un ni l’autre
n’étant alors considéré comme allant de soi, en débattre s’impose.
Au cours du XVIIIe siècle, la question portant sur la nature de l’être de
sexe féminin voit s’opposer ceux qui considèrent que « la femme » relève
d’une catégorie définie par la biologie (dès lors que les êtres de sexe
féminin peuvent seules s’épanouir et trouver le bonheur dans la sphère
privée), et ceux qui voient « la femme » comme une catégorie relevant de la
culture, indépendante de la biologie (ces derniers plaident pour l’égalité des
sexes, dans la sphère privée comme dans la sphère publique).
L’argumentation d’ordre biologique remonte au moins aussi loin dans le
temps que les théories d’Aristote et s’inscrit dans une controverse globale
sur le processus de reproduction. On s’en souvient, les philosophes
aristotéliciens soutiennent que les femmes ne sont rien de plus que des
réceptacles, des porteuses de la matière qui deviendra un être humain, et
que seuls les hommes possèdent la « semence » qui donne aux enfants âme
et intelligence ; de là provient le dualisme entre le principe maternel ancré
dans la physiologie et le principe paternel ancré dans l’immatérialité de
l’esprit ou intellect. Les aristotéliciens considèrent les femmes comme
d’éternels enfants. Les disciples d’Hippocrate, plus tard ceux de Galien,
soutiennent de leur côté que l’homme et la femme contribuent l’un comme
l’autre à la « semence » à l’origine du nouvel enfant, position plus égalitaire
à laquelle Descartes finit par se rallier.
Aristote influence pourtant durablement la pensée française sur le sujet :
la réflexion de Diderot et de Rousseau sur les femmes témoigne d’une sorte
de renaissance de l’aristotélisme. Dans le même temps, appuyée sur les
principes de l’empirisme, une meilleure compréhension de l’anatomie et de
la reproduction est sensible 1. À mesure qu’une philosophie laïque
commence à se substituer aux croyances religieuses, loin de cesser, la
controverse se poursuit, qui porte notamment sur la part active que les
femmes peuvent prendre dans la société. Les théories sur ce qui constitue le
champ du féminin et celui du masculin, du matériel et de l’immatériel,
conduisent aux débats sur l’importance de l’éducation, ainsi qu’aux prises
de position institutionnelles sur les rôles sociaux et politiques de chacun des
sexes.
Antoine-Léonard Thomas ouvre un débat public sur la nature de la
femme à l’occasion de la publication, en 1772, de l’Essai sur le caractère,
les mœurs et l’esprit des femmes dans les différents siècles 2, auquel
réagissent aussitôt Louise d’Épinay et Denis Diderot dans la
Correspondance littéraire : une femme est-elle déterminée par la culture et
l’éducation ou bien par la loi « naturelle » (les données biologiques)
uniquement ? Est-elle identique à l’homme ou différente ? Peut-elle jouir
des mêmes droits ? Faisant étrangement écho aux vues d’Aristote sur la
reproduction, Diderot, dans « Sur les femmes 3 », affirme que les femmes
sont définies par leur anatomie (leur utérus), qu’elles ne peuvent éprouver
pleinement le plaisir sexuel et qu’elles sont incapables de raisonnement
systématique. Il leur reconnaît toutefois la possibilité d’un certain type de
génie. Ce génie, précise-t-il, consiste en une forme d’irrationalité
imaginative, une sorte d’hystérie. La crainte d’une imagination féminine
trop vive ou trop violente est ainsi intégrée à sa vision de la femme en tant
qu’autre.
Louise d’Épinay répond en privé à l’économiste italien Ferdinando
Galiani avec qui elle entretient alors une abondante correspondance. Elle
conteste la position de Thomas comme celle de Diderot. La culture et
l’éducation, affirme-t-elle pour sa part, jouent un rôle déterminant dans la
constitution des femmes, y compris la faiblesse de leur anatomie. Faisant
suite aux arguments du philosophe cartésien François Poullain de La Barre
dans De l’égalité des deux sexes (1673), elle dénonce l’inégalité des sexes
fondée sur l’opposition entre le corps et l’esprit, allègue que les femmes et
les hommes possèdent la même faculté de raisonner malgré des différences
biologiques, et insiste sur la séparation radicale entre l’humain et l’animal.
Les femmes sont en tout point égales aux hommes : « … en tout pays,
rappelle-t-elle, la valeur des femmes, la trempe de leur esprit et de leur âme
est en proportion exacte de la valeur des hommes 4 ». La condition des
femmes dépend selon elle de la société dans laquelle elles vivent. En
d’autres termes, l’erreur à ses yeux consiste à attribuer à la « nature » ce qui
relève en réalité d’une construction sociale. Hommes et femmes présentent
des imperfections similaires ; les femmes ne sont pas des victimes en raison
de leurs caractéristiques anatomiques mais parce qu’elles ont eu accès à un
moindre degré à l’éducation. Même si Poullain de La Barre pense qu’à peu
près n’importe qui (femmes comprises) est capable de comprendre la
pensée cartésienne, il n’en reconnaît pas moins qu’une telle aptitude
requiert un degré d’éducation dont les femmes ne disposent généralement
pas ; ainsi, l’argument d’une compréhension égale pour les deux sexes se
trouve-t-il freiné dans la pratique par l’absence d’une véritable égalité en
matière d’éducation. À la fin du siècle, Olympe de Gouges affirmera sans
équivoque que les femmes ont été créées égales aux hommes et que,
disposant de « toutes les facultés intellectuelles », elles détiennent de ce fait
des droits « inaliénables et sacrés 5 » ; elle-même se juge composée pour
une part de courage masculin, pour une autre de faiblesse féminine 6. Même
s’il faut s’opposer à Thomas, Diderot et Rousseau, les femmes n’entendent
pas rester muettes au moment où il devient possible de s’affranchir des
théories déterministes et de la hiérarchie sociale : la perfectibilité par
l’éducation leur ouvre une ligne de défense possible.
Mademoiselle Fontette de Sommery (17 ?-1790) procède à des analyses
voisines de celles de Louise d’Épinay dans Doutes sur différentes opinions
reçues dans la société (1783), de même que Madame de Coicy (17 ?-1841)
dans Les Femmes comme il convient de les voir ou Aperçu de ce que les
femmes ont été, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être (publié
anonymement en 1785) : pour elles, la différence entre les sexes réside
uniquement dans les organes reproducteurs et n’a rien à voir avec
l’intelligence. Madame de Coicy en veut pour preuve l’existence de femmes
célèbres égales des hommes en philosophie et en littérature, qui occupent
des postes de conseillères à l’armée ou même dans la direction de l’État (à
côté de figures connues, comme Anne-Thérèse de Lambert, elle en cite
d’autres, peu connues, comme des lettrées chinoises du XIVe siècle). À
l’instar de Louise d’Épinay et d’autres, elle affirme que le décalage entre
l’inégalité naturelle et l’inégalité au sein de la société résulte en réalité
d’une insuffisance en matière d’éducation.
Dans les débats en cours, l’imagination des femmes, leur capacité à
écrire des textes où elles font preuve de raison, et, ultimement, la crainte
d’une confusion des sexes prédominent largement. Ainsi, dans le sillage des
idées défendues par Rousseau, Thomas soutient-il que les femmes
manquent de pénétration, qu’elles sont incapables d’idées nouvelles ou de
découvertes de principes fondamentaux. Tous deux tiennent néanmoins
pour acquis qu’elles ont plus d’imagination que les hommes, mais avec des
résultats différents.
Dans l’article « Imagination » de l’Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772), Voltaire
distingue deux types d’imagination : l’une passive et servile, l’autre active
et créatrice. L’imagination active mobilise la mémoire, exige le jugement et
constitue un don de la nature. Considérée sous cet angle, elle explique
l’invention dans les arts et les sciences, au cœur d’une tradition remontant à
Homère, Virgile et Horace 7 : c’est le domaine de l’imagination masculine.
L’imagination passive de son côté met en jeu la perception des objets grâce
aux sens (ils sont gardés en mémoire) et une réaction réflexe commune avec
les animaux (elle est sujette aux passions et aux erreurs) ; elle a pour
conséquence l’esprit grégaire qui conduit, entre autres maux, à la
superstition et au fanatisme : telle est l’imagination des femmes.
Même particulièrement douées, les femmes ne sont pas capables de
produire de grandes œuvres littéraires (Rousseau énoncera la même idée).
Thomas estime néanmoins qu’elles doivent être éduquées, soulignant leur
malléabilité formée par les contingences, comme le climat ou la culture,
contrairement à ce qu’il a défini comme leurs traits essentiels. De telles
affirmations mettent en évidence les contradictions qui habitent les débats
sur les femmes et sur ce qu’on attend d’elles durant tout le siècle : elles
doivent être instruites mais ne doivent pas faire étalage de leur érudition en
public ; leur imagination leur est utile quand elles lisent, mais il est
préférable qu’elles n’écrivent pas, ceci afin de préserver l’« ordre naturel »
de la sphère publique. Si elles se sentent vraiment des dispositions pour
écrire, elles doivent considérer des genres jugés mineurs, le roman ou la
lettre, pour lesquels il existe des modèles féminins, Scudéry, Lafayette ou
Sévigné. Dans une telle perspective, il est légitime de se demander si, en
ambitionnant de se voir reconnues, les femmes oublient leur place
« naturelle » dans la société, ou si la société accorde une importance
excessive à leur réputation.
Les interminables controverses qui avaient constitué la Querelle des
femmes se poursuivent au milieu du XVIIIe siècle avec une question
continûment posée : comment penser l’égalité des hommes et des femmes ?
Si le clergé, détenteur du savoir, prive les femmes d’une éducation solide,
l’argument de leur incapacité (elles ne diffèrent guère des enfants) constitue
le point nodal d’une telle disposition 8 *1. Louise d’Épinay, comme Émilie du
Châtelet, a dû composer avec les contradictions du modèle féminin de son
époque : si elle a collaboré activement à la Correspondance littéraire, c’est
néanmoins à la fin de sa vie qu’elle a publié sous son propre nom le premier
ouvrage qu’elle avait écrit et qui prenait en compte la dimension sociale de
la pédagogie, Les Conversations d’Émilie (1774).
En substituant à des arguments d’ordre théologique et biologique des
écrits de nature sociale et politique, des auteures comme Henriette de
Marans, Fanny de Beauharnais, Félicité de Genlis, Olympe de Gouges et
Germaine de Staël ont réfuté toute idée justifiant de donner aux femmes une
éducation moins étendue qu’aux hommes et de les maintenir dans la sphère
privée. Henriette de Marans exprime sa colère face à la situation des
femmes dans les sérails turcs, et déclare dans ses Pensées errantes (1758) :
« … mon âme n’est pas d’une autre espèce que celle des hommes, et […]
ma vertu m’appartient tout entière 9 ». Un personnage des Lettres du
marquis de Roselle (1764) d’Anne-Louise Élie de Beaumont soutient de son
côté que « la nature a donné [à la femme], comme à l’homme, une raison
susceptible de perfection et de culture 10 ». Dans À tous les penseurs, salut
(1774), Fanny de Beauharnais traite avec ironie un interlocuteur qui
déclare : « Presque tous vos défauts [ceux des femmes] sont le crime des
hommes, de ce sexe vain, qui prend son usurpation pour des droits et votre
bonté pour de la faiblesse 11. » Olympe de Gouges enfin définit l’égalité des
femmes comme un ensemble de droits et plaide en faveur de la maternité 12.

Bonheur, liberté, lecture

Dans sa réflexion sur le bonheur, Émilie du Châtelet déclare que la


condition du bonheur pour les femmes est de pouvoir choisir ce qu’elles
veulent faire 13. Cette déclaration s’appuie sur une définition générale de la
liberté qu’elle a donnée dans « De la liberté » (vers 1735), essai longtemps
considéré comme écrit par Voltaire mais dont elle semble bien être
l’auteure 14 : « J’appelle liberté le pouvoir de penser à une chose, ou de ne
pas y penser, de se mouvoir, ou de ne se mouvoir pas, conformément au
choix de son propre esprit 15. » « La question de la liberté est la plus
intéressante que nous puissions examiner, écrit-elle encore, puisque l’on
peut dire que de cette seule question dépend toute la morale 16. »
Particulièrement sensible à l’exclusion des femmes des sciences et des arts,
Du Châtelet ne se contente pas de joindre les positions de Descartes,
Newton et Leibniz pour concilier les sciences et la métaphysique dans ses
Institutions physiques adressées à son fils (auquel elle a enseigné seule la
géométrie), elle montre également, dans son essai sur la liberté toujours,
que la voie vers le droit naturel à la liberté est, pour les femmes, celle de
l’éducation : « La véritable et la seule liberté est donc le pouvoir de faire ce
qu’on choisit de faire… 17 ».
Émilie du Châtelet considère que s’il y a eu si peu d’œuvres de génie
écrites par des femmes, le manque d’éducation en est la cause, et beaucoup
de ses contemporains en sont eux aussi convaincus. Elle se demande
pourquoi les femmes, si semblables aux hommes dans leur aptitude à
comprendre, se sont heurtées à ce que l’on appelle aujourd’hui un « plafond
de verre » en termes d’éducation, alors que celle-ci devait être un droit. Elle
rêve de pallier les carences de l’éducation des femmes et imagine les
mesures qu’elle prendrait si elle était roi — « je réformerais un abus qui
retranche, pour ainsi dire la moitié du genre humain. Je ferais participer les
femmes à tous les droits de l’humanité 18 ». L’éducation est indispensable au
bonheur des femmes, juge-t-elle en termes particulièrement éloquents :
« L’amour de l’étude [est] la passion la plus nécessaire à notre bonheur ;
c’est une source de plaisirs inépuisable… 19 ».
Apprendre suppose le goût de la lecture et les compétences que cette
activité requiert ; apprendre doit s’accompagner du sentiment du besoin de
s’instruire. Les lecteurs et lectrices ont longtemps été définis comme ceux
et celles qui étaient capables de lire et qui lisaient pour les autres ; à partir
du milieu du siècle on compte des lectrices qui lisent pour la reine et les
femmes de l’aristocratie, ainsi que des religieuses qui, dans les réfectoires
des couvents, lisent à voix haute, comme c’est l’usage 20 *2. Le nombre de
lectrices non religieuses augmente durant la seconde moitié du siècle, en
partie en raison de l’influence du protestantisme et de la contre-réforme de
l’Église catholique, en partie par l’attention grandissante accordée aux
facultés intellectuelles des femmes et à leur éducation. La culture des salons
offre également aux femmes de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie
l’occasion de débattre de leurs lectures scientifiques et philosophiques.
Lire représente pour les femmes un acte de liberté qui leur permet de
quitter la sphère privée par l’imagination, de se transporter dans d’autres
sphères, littéraires, philosophiques ou scientifiques. La lecture ne leur
donne pas seulement accès à une tradition littéraire qui remonte à
l’Antiquité, mais leur offre la possibilité d’être informées, et d’être parties
prenantes de sujets d’intérêt qu’elles partagent, des traités pédagogiques et
moraux aux ouvrages de fiction sur les femmes.
Au cours du siècle, le public des lectrices s’accroît, proportionnellement
à la conscience de l’importance de l’éducation. Beaucoup de femmes
auteurs ont eu accès aux livres grâce aux ressources de bibliothèques
familiales : Anne Dacier, Félicité de Genlis ou Louise de Keralio en
témoignent, tandis que Manon Phlipon, future Madame Roland, fait état du
peu de livres à disposition dans le milieu de petite bourgeoisie qui est le
sien (son père est graveur). D’autres mentionnent l’existence de fonds
publics : Fortunée Briquet, par exemple, grandit à Niort, ville qui compte
une bibliothèque municipale ouverte en 1771, une « Chambre de lecture »
instituée en 1775 par le libraire Elies et des bibliothèques de couvent
ouvertes à un lectorat non religieux 21.
Beaucoup d’interrogations demeurent quant à l’accès de ces femmes
aux bibliothèques et à la nature de leurs lectures. Textes scientifiques et
littéraires ont leur préférence. Mais, en dehors d’œuvres d’auteurs
rencontrant un grand succès, tel Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau
(1761), lisent-elles aussi des livres écrits par des femmes ? Les témoignages
de Fortunée Briquet et Félicité de Genlis rappellent qu’un grand nombre de
lectrices lisent des ouvrages de femmes, et tout particulièrement des romans
(dont les protagonistes des deux sexes ont eux aussi le goût de la lecture),
mais la plupart des lectrices ne se limitent pas à ce seul genre,
contrairement à ce qui est parfois affirmé un peu vite. Les publications
portant sur l’éducation des femmes visent manifestement un lectorat
féminin, de même que les périodiques, de plus en plus nombreux ainsi que
nous le verrons plus loin.

ÉDUCATION ET PÉDAGOGIE

Les progrès dans le domaine de l’éducation des femmes ne sont pas


linéaires. Ils se trouvent entravés par de multiples contraintes politiques,
religieuses et sociales qui exigent bien des tractations. De nombreux
manuels d’instruction et des traités de savoir-vivre règlent l’éducation et la
conduite des femmes : à l’« Avis d’une mère à sa fille » de Lambert, publié
en 1728 dans Avis d’une mère à son fils et à sa fille (mais très
vraisemblablement écrit entre 1688 et 1692, ill. 2), font écho les Conseils à
une amie (1749) de Madeleine de Puisieux, le Magasin des enfants, ou
Dialogues d’une sage gouvernante avec ses élèves de la première
distinction… (1758) de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Les
Conversations d’Émilie de Louise d’Épinay (publié anonymement en 1774,
sous sa signature en 1782 et couronné par l’Académie française en 1783) ou
encore Adèle et Théodore ou Lettres sur l’éducation (1782) de Félicité de
Genlis, pour ne citer que quelques ouvrages d’importance et aux objectifs
sensiblement différents. Tous attestent la nécessité, collectivement ressentie,
de réfléchir sur l’éducation des filles et d’élaborer une pédagogie à leur
intention 22.
2. [Anne-Thérèse de Lambert] Avis d’une mere a son fils et a sa fille, Paris, Étienne
Ganeau, 1728. Page de titre.
Celles-ci sont plus nombreuses à accéder à l’école à la ville qu’à la
campagne. Les écoles qui leur sont destinées se donnent généralement pour
objectif d’enseigner les principes chrétiens et consolident la vision du rôle
traditionnel des femmes dictée par la religion. L’éducation prend une
importance d’autant plus manifeste que les éducatrices, qu’il s’agisse de la
tradition protestante, luthérienne ou catholique, se recrutent ensuite dans les
rangs de ces jeunes filles instruites 23 *3. Dans les institutions religieuses, les
programmes reposent sur les préceptes augustiniens, et les écoles
catholiques pratiquent une stricte ségrégation des sexes afin d’empêcher
toute mixité, sous peine d’excommunication. Les objectifs diffèrent selon
les sexes, avec un plus grand pourcentage de manuels religieux dans les
écoles de filles. Si elle reconnaît les insuffisances de l’enseignement
dispensé dans les couvents, débat ancien, amorcé dès les années 1680,
Genlis n’en prend pas moins la défense de ceux-ci au vu de l’indifférence
générale dont souffre l’éducation des filles 24 ; sur ce point, sa position
rejoint celle de Jeanne Campan (1752-1822), première femme de chambre
de Marie-Antoinette, plus tard directrice de la maison d’éducation
d’Écouen.
Dans les institutions charitables surpeuplées, destinées à ne les
accueillir que quelques années, les filles acquièrent un certain nombre de
compétences pratiques. Les écoles se conforment aux différences regardant
aussi bien l’appartenance sociale que de sexe. Émilie du Châtelet pour sa
part se prononce en faveur du respect des différences de classes alors même
qu’elle conteste toute discrimination concernant le sexe ; consciente des
limites imposées aux femmes, elle n’en invoque pas moins sa position
sociale (et son intelligence exceptionnelle) pour légitimer l’ambition
d’étudier et d’écrire. En d’autres termes, l’exception justifie à ses yeux la
règle. Les femmes des classes supérieures, on ne s’en étonne pas, sont plus
susceptibles d’être instruites : les statistiques des taux d’alphabétisation
établies à partir de l’étude des testaments montrent que, alors que les
contrats de mariage ont été signés par 27 % des femmes seulement, les
testaments devant notaires l’ont été par 80 % d’entre elles 25.
Pendant la première moitié du siècle, les principes pédagogiques portent
principalement sur le développement individuel des femmes au sein de la
classe à laquelle elles appartiennent ; pendant la seconde moitié, ils tiennent
davantage compte du rapport à la nature, du bonheur et de la formation d’un
être moral, auquel s’ajoute souvent, esquissé à grands traits, un plaidoyer en
faveur de l’éducation. Les questions portant sur la vertu et sur la relation
des femmes à leurs maris demeurent posées tout du long.
Anne-Thérèse de Lambert résume l’état de l’éducation des femmes dans
la première phrase de son « Avis d’une mère à sa fille », qui s’inscrit dans le
prolongement d’une critique de l’éducation déjà présente au XVIIe siècle
(particulièrement chez Madeleine de Scudéry *4) :

On a dans tous les temps négligé l’éducation des filles ; l’on n’a d’attention que
pour les hommes, et comme si les femmes étaient une espèce à part, on les abandonne
à elles-mêmes sans secours, sans penser qu’elles composent la moitié du monde ;
qu’on est uni à elles nécessairement par des alliances ; qu’elles font le bonheur ou le
malheur des hommes […], que l’éducation des enfants leur est confiée dans la
26
première jeunesse, temps où les impressions se font plus vives et plus profondes .

Pensionnaire dans un couvent pendant peu de temps, l’auteure, comme


nombre d’autres, s’est principalement instruite toute seule, par ses lectures
et par la fréquentation de penseurs dans son salon. Elle marque ainsi la
transition qui va de l’âge classique à une période de réflexion « éclairée »
qui est celle de son temps. Son salon est le point de convergence de grandes
figures intellectuelles et littéraires, telles que Fontenelle, Marivaux et
Montesquieu ; elle-même juge la publication inconvenante pour les femmes
de son rang (quand ses œuvres paraîtront, sans son consentement, elle en
rachètera les exemplaires pour en empêcher la diffusion). Si elle utilise sa
position sociale pour servir les carrières de quelques hommes (elle soutient
notamment l’élection de Montesquieu à l’Académie française), elle
conseille néanmoins à sa fille de perfectionner son intelligence et d’en faire
usage — « il faut s’accoutumer à penser. L’esprit s’étend et s’augmente par
l’exercice […] », écrit-elle. Elle associe ce type de formation à la classe à
laquelle elle appartient, et le bonheur à la paix de l’esprit ; elle considère
néanmoins que l’on a pour premier devoir de penser aux autres et non à soi.
La sincérité, la probité, la sûreté de jugement et l’humilité (vertus
religieuses adaptées à la vie sociale) constituent les valeurs cardinales, et,
ajoutée à la vertu, la politesse cimente à ses yeux la marche harmonieuse de
la société. Son Traité sur la vieillesse, qui ne sera connu qu’à l’occasion de
la publication posthume de ses œuvres (Œuvres de Madame la Marquise de
Lambert, 1747), offre une réflexion intéressante sur le déclin de la vie et
l’acceptation de valeurs différentes de celles de la jeunesse ; il soutient que,
dans une société extrêmement soucieuse d’apparence, les femmes peuvent
rechercher une autre forme de bonheur une fois que leur beauté s’en est
allée.
Anne-Thérèse de Lambert laisse en héritage le sentiment, même
sensiblement bridé par la société qui est la sienne, d’une vraie conscience
féminine. Ses écrits commencent à paraître en 1727 et rencontrent un vif
succès. Dans son Dictionnaire historique (1804), Fortunée Briquet déclare
qu’en les ajoutant à la lettre 136 des Lettres du marquis de Roselle d’Anne-
Louise Élie de Beaumont et aux lettres de Madame de Maintenon à la
duchesse de Bourgogne, on obtient « un traité complet sur la conduite que
doit tenir une femme 27 ». Dans la lettre imaginée par Élie de Beaumont, une
mère dispense à sa fille des conseils sur le mariage, décrit les devoirs
imposés aux femmes dans une union faite de service et de sacrifice : elle
prône une forme de pouvoir en creux de la part des femmes, leur
soumission, leur soutien et leurs encouragements leur permettant de tirer
bénéfice du pouvoir masculin. En d’autres termes, leur conduite ne peut être
dissociée d’une éducation qui les prépare à tenir un rôle précis dans la
société, et se présente par conséquent comme un problème structurel
puisque le mariage n’est que le reflet de la société patriarcale d’Ancien
Régime.
Au milieu du siècle, Madeleine de Puisieux propose d’abord, dans ses
Conseils à une amie (1749), une sorte de pédagogie éclairée qui comprend
l’égalité des sexes. Adoptant le point de vue d’une femme au couvent
s’adressant à une jeune fille sur le point de quitter l’institution pour entrer
dans le monde, elle conseille la lecture de livres d’histoire et non de
romans, et recommande d’éviter les sujets controversés tels la théologie et
la politique 28. Elle publie également une pseudo-traduction, La Femme
n’est pas inférieure à l’homme (1750), rééditée en 1751 sous le titre Le
Triomphe des dames *5, texte inspiré de l’ouvrage de François Poullain de
La Barre, et qui se distingue clairement des positions de Diderot. Deux
décennies plus tard, Puisieux affirmera aussi sa différence avec Rousseau
dans son « Prospectus d’un plan d’éducation pour les enfants du peuple »,
publié en 1772 en annexe à un Prospectus sur un ouvrage important, pour
lequel la Convention lui octroiera une pension en 1795. Elle y expose un
projet pédagogique pour les garçons et pour les filles des classes favorisées,
et affirme elle aussi que l’éducation des filles a été trop longtemps négligée.
Quand elle aborde à son tour la question de l’éducation morale des
filles, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont se montre particulièrement
subtile : elle demande aux filles de réfléchir aux romans qu’elles lisent afin
de se préparer à penser. Leprince de Beaumont (qui traite également de
pédagogie et de religion) évite par ailleurs une forme traditionnellement
réservée aux enfants et aux jeunes filles au profit de fictions courtes dans
lesquelles on se courtise, on se marie, et où les questions des relations
familiales sont abordées. Elle croit au pouvoir de la narration pour exposer
des préceptes moraux et, dans son Magasin, associe récits bibliques et
contes de fées.
Ses principes d’éducation, présentés dans Lettres diverses et critiques
(1750) et en particulier dans l’« Avis aux parents et aux maîtres sur
l’éducation des enfants », annoncent en réalité ceux de Rousseau dans
l’Émile : les pères ont pour devoir d’éduquer leurs enfants, le précepteur
doit être dévoué à celui qu’il éduque et s’en faire un ami, le programme
pédagogique doit être aussi diversifié que possible. Même si elle ne remet
pas en cause l’ordre patriarcal et recommande aux femmes l’obéissance, le
respect de leurs devoirs et la soumission, elle laisse entendre, à l’instar
d’autres femmes, qu’il est possible de trouver la liberté dans la vie de
l’esprit. L’« Avertissement » au Magasin des enfants annonce en quoi
consiste sa défense de l’éducation des filles : « Oui, Messieurs les tyrans,
j’ai dessein de les tirer de cette ignorance crasse, à laquelle vous les avez
condamnées. Certainement, j’ai dessein d’en faire des logiciennes, des
géomètres, et même des philosophes. Je veux leur apprendre à penser, à
penser juste, pour parvenir à bien vivre 29. »

Pour et contre Rousseau

De nombreuses femmes auteurs, parmi lesquelles Isabelle de Charrière,


Olympe de Gouges et Germaine de Staël, approuvent le plaidoyer de
Rousseau pour une société égalitaire, exposé dans Du contrat social ou
Principes du droit politique (1762). En revanche, elles refusent de souscrire
à l’idée de la passivité « naturelle » des femmes, ainsi qu’à leur relégation
dans un rôle secondaire dans tous les domaines de la vie sociale et
politique, idées qui se trouvent exposées dans Émile ou De l’éducation
(1762). Dans cet ouvrage, et malgré le caractère laïque de sa réflexion
sociale et politique qui lui permet d’éviter la question du péché originel,
Rousseau retombe dans les querelles idéologiques à propos du danger
représenté par les femmes, pernicieuses filles d’Ève, et de la nécessité de
les tenir en lisière ; incapables de s’assumer, elles doivent obéir 30.
La réaction des femmes aux propos de Rousseau permet de mesurer
l’impact, combien controversé, du philosophe, et son rôle dans les débats
sur la place des femmes dans la société ainsi que sur leur éducation.
Rousseau affirme en effet que les femmes sont limitées à leurs sens, tandis
que les hommes sont capables d’élaborer un jugement d’ordre moral fondé
sur la compréhension ; aussi longtemps qu’elles s’en tiennent à leurs
compétences, limitées, estime-t-il, les femmes sont dans leur rôle et
complémentaires des hommes. Ces derniers sont actifs et forts tandis que
les femmes sont passives et faibles ; elles ont pour seule mission de leur
plaire : « Ces rapports et ces différences doivent influer sur le moral ; cette
conséquence est sensible, conforme à l’expérience, et montre la vanité des
disputes sur la préférence ou l’égalité des sexes ; comme si chacun des
deux, allant aux fins de la nature selon sa destination particulière, n’était
pas plus parfait en cela que s’il ressemblait davantage à l’autre ! » Les
devoirs des femmes découlent de ces postulats. Elles ont par conséquent
tort de se plaindre de l’inégalité dans laquelle elles se trouvent : celle-ci
tient à la « nature » et non aux institutions, argument qui ne suit pas la
propre théorie de Rousseau sur le fondement contractuel de la société. La
structure de la famille patriarcale demeure intacte, et les femmes jouent un
rôle déterminant dans le maintien de la hiérarchie et de la morale (par la
maternité). Si les femmes deviennent de vraies mères et les hommes de
vrais pères, la société se réformera. Rousseau écarte toutefois d’un revers de
main leurs entreprises littéraires — « depuis qu’elles se sont mises à juger
les livres et à en faire à toute force, elles ne se connaissent plus à rien ».
Leur place est dans la famille en qualité de mères.
L’éducation des femmes doit en tous points se plier aux attentes des
hommes : elles doivent leur plaire, les respecter et les honorer, être aimées
d’eux et leur être utiles. Tels sont leurs devoirs fondés sur la « nature » 31.
Les enfants dépendent des mères pour être nourris et éduqués pendant les
toutes premières années de leur vie. Rousseau effectue une distinction
radicale entre l’éducation des jeunes garçons (Émile) qui entreront dans la
société après en avoir été protégés, et celle des jeunes filles (Sophie) qui ne
quitteront pas la sphère privée, y exerçant leur raisonnement concret et dans
une certaine mesure, curieusement, leur conscience. À la différence des
garçons, les femmes naissent pour céder face aux hommes : là où les
hommes s’insurgeront contre l’injustice en se fiant à leur sens moral, les
femmes régleront le leur différemment afin de tolérer l’injustice venant des
hommes 32.
Pour extrême qu’ait été la position de Rousseau sur la place des femmes
dans l’éducation et dans la société, une forte résistance, sous forme de
dialogue, s’était amorcée avant même qu’il n’énonce sa philosophie
pédagogique, dialogue qui sera ensuite poursuivi jusqu’à l’approche de la
Révolution.
Quelques années après la publication d’Émile qui devait déclencher de
vives polémiques, plusieurs académies mettent au concours des questions
portant sur l’éducation des femmes et son rôle dans la société. En 1776,
l’Académie des sciences, des belles-lettres et des arts de Besançon lance un
concours qui a pour sujet : « Comment l’éducation des femmes pourrait
contribuer à rendre les hommes meilleurs ? » Quelques années plus tard, en
1783-1784, celle de Rouen propose le sujet suivant : « Le peu de soin que
l’on donne à l’instruction des femmes, vouées par leur éducation actuelle à
l’oisiveté ou à des occupations frivoles, n’est-il pas la cause immédiate de
l’altération des mœurs 33 ? » La formulation ne laisse pas forcément augurer
une réponse négative, mais en 1783, l’Académie de Châlons-sur-Marne
imagine pour sa part un thème de réflexion formulé de manière plus
positive : « Quels sont les moyens de perfectionner l’éducation des
femmes ? »
Dans son compte rendu sur les ouvrages d’éloquence reçus en réponse
au sujet de concours de Besançon, l’abbé Talbert explique, lors de la séance
publique du 24 août 1777, pourquoi l’Académie n’a donné aucun prix et
remet le sujet au concours l’année suivante. Dans les textes soumis, « on
n’accorde point assez aux femmes ; on les suppose physiquement
incapables de faire de grandes choses, et par conséquent de donner aux
hommes de grands exemples ; des conseils audacieux ou profonds ;
douceur, sensibilité, ascendant né de cette faiblesse même si propre à
intéresser la pitié, talent de séduire plutôt que de persuader : telles sont les
qualités auxquelles on voudrait les réduire ». La plupart des discours
présentés paraissent être le fait de maris qui reprennent les préjugés
communément partagés : les femmes sont des êtres faibles et faites
seulement pour obéir à leur époux. « Non, non, continue l’abbé, les femmes
ne contribueront à la perfection des hommes que par des sentiments élevés,
des vertus mâles, des principes invariables, des connaissances choisies ; et
pour qu’elles puissent féconder dans les autres le germe des grandes
qualités, il faut que l’éducation l’ait développé chez elles 34. »
Quand l’Académie de Besançon demande à nouveau en quoi
l’éducation des femmes peut contribuer à parfaire les hommes, un
« capitaine dans la légion des campements au service de sa majesté le roi de
Sardaigne », le comte de Costa, remporte le concours. Son raisonnement
reprend les arguments de Thomas et de Talbert, entre autres, mais exprime
sur les femmes, sur leur rôle dans la société et leurs devoirs à l’endroit des
hommes, des opinions caractéristiques, voire emblématiques, de l’époque.
La « nature » des femmes y est décrite comme faible par essence, associée à
des enseignements négatifs que renforce la vie en société (les formes
courantes de l’éducation des femmes ne suscitent pas en elles de valeurs
durables) et qui expliquent leurs vices : « Ainsi, le sort des femmes est de
trouver le bonheur dans une vie obscure, partagée entre des travaux utiles,
et les jouissances du sentiment ; mais il faut que la Philosophie épure ces
sentiments, anoblisse ces travaux ; il faut qu’elle fortifie leur esprit, et les
arrache à la tyrannie des préjugés 35. » Le mot « philosophie » prend ici un
sens manifestement « genré » : chez les hommes, elle est une forme élevée
de la pensée et un champ d’étude (dont les femmes sont exclues) ; chez les
femmes, elle est une forme de tempérance qui leur permet d’accorder leur
plaisir à leurs devoirs. S’il insiste sur l’égalité entre les sexes, voire la
supériorité des femmes sur les hommes, le comte de Costa juge que
l’influence des femmes se voit en permanence limitée au foyer : cet univers
est magnifié par la représentation de l’économie domestique comme une
forme de science à sa manière, et il n’est de spectacle plus réconfortant que
celui d’une maisonnée bien ordonnée et d’une heureuse famille. L’essai
reste muet sur les objectifs de l’éducation des femmes, hormis ceux
d’assurer l’éducation de leurs fils, d’aider leur mari à adopter une conduite
vertueuse, de permettre de comprendre la place d’une femme dans la
société et de se conformer elles-mêmes (et leurs filles) à cette manière de
voir.
La future Madame Roland soumet elle aussi un essai à l’Académie de
Besançon, de même que Bernardin de Saint-Pierre, essai qui, sans être
couronné, est néanmoins publié. Elle y démontre qu’il convient de débattre
de l’éducation dans le cadre plus vaste des mœurs et du gouvernement,
s’alignant en cela sur les positions de Rousseau ; mais elle y insiste : un seul
sexe ne doit pas s’amender simplement pour améliorer l’autre, de la même
façon que les lois sont nécessaires au perfectionnement de tous. Autrement
dit, un nouvel ordre politique est nécessaire 36.
Laclos de son côté écrit son essai sur les femmes et l’éducation juste
après la publication des Liaisons dangereuses (1782). Il répond à la
question proposée par l’Académie de Châlons-sur-Marne en soutenant que
dans une société où les femmes sont esclaves, il ne peut exister de
perfection de l’éducation (il prolonge les analyses de Rousseau sur
l’inégalité sociale afin de réfuter sa conception d’une éducation distincte
pour Sophie).

Épinay, Sommery, Genlis


Si, comme Rousseau, Louise d’Épinay, « aigle dans une cage de gaze »
selon Voltaire, souscrit au principe de la religion naturelle, sa pédagogie
personnelle, consignée dans Les Conversations d’Émilie 37, ne se borne pas
à adhérer aux analyses de ce dernier ; elle voit l’éducation laïque sous un
autre jour, en particulier pour ce qui est de l’égalité de l’instruction pour les
deux sexes. Dans son ouvrage, elle encourage sa petite-fille (Émilie de
Belsunce 38), et par extension toutes ses jeunes lectrices, à réfléchir à son
propre bonheur (indissociable de celui de son époux) et, au-delà de sa
condition privilégiée, à celles qui sont moins favorisées. Elle se prononce
également en faveur d’une éducation en pensionnat, plutôt que reçue à la
maison, éducation plus susceptible selon elle de mettre les femmes sur un
pied d’égalité avec les hommes ; elle recommande l’apprentissage des
langues, la métaphysique, la morale, l’histoire, la géographie et autres.
Comme Leprince de Beaumont et Lambert, elle juge que ces savoirs
contribuent à l’acquisition de la liberté personnelle et donneront aux
femmes le type d’indépendance et d’autonomie que Rousseau n’accorde
qu’aux hommes. « Ce sont des biens que personne ne peut vous enlever, qui
vous affranchissent de la dépendance des autres, puisque vous n’en avez pas
besoin pour vous occuper et pour être heureuse ; qui mettent au contraire les
autres dans votre dépendance… » Elle envisage ainsi l’instruction et le
mariage dans un large contexte social et politique, convaincue que « plus on
a de talents et de lumières, plus on devient utile et nécessaire à la
société 39 ».
Louise d’Épinay, comme nombre de ses contemporains, peine à trouver
pour les femmes une position satisfaisante au sein d’un modèle assurément
conflictuel : socialement et politiquement, les mères jouent un rôle
important dans la société (sur ce point elle est d’accord avec Rousseau) et
pourtant les filles doivent recevoir une éducation qui les rende utiles à la
société. Émilie n’est cependant pas la Sophie de Rousseau ; on lui
apprendra à être vertueuse et tolérante, mais indépendante également. Le
4 janvier 1771, l’auteure écrit dans ce sens à l’abbé Galiani : l’étude est
« un moyen sûr de se suffire à soi-même, d’être libre et indépendante, de se
consoler des injustices du sort des hommes, […] on n’est jamais plus
chérie, plus considérée d’eux que lorsqu’on n’a pas besoin 40 ». Néanmoins,
elle continue de cantonner les femmes à la sphère privée, se privant ainsi,
pour ce qui la concerne, de la juste reconnaissance de ses talents dans son
propre pays *6.
Comme Louise d’Épinay, Mademoiselle Fontette de Sommery
acquiesce au modèle rousseauiste tout en le contestant. L’éducation actuelle,
observe-t-elle dans Doutes sur différentes opinions reçues dans la société,
cherche trop à donner aux filles les compétences nécessaires à assurer leur
réputation et leur position sociale. Si l’auteure ne différencie pas
explicitement les sexes, elle estime toutefois que l’éducation domestique
des filles ne doit pas commencer trop tôt. De plus, elle rejette le principe de
l’éducation particulière entre un seul maître et une seule élève, et
recommande à la place un enseignement public. L’éducation, affirme-t-elle
six ans avant l’ouvrage de Condorcet sur l’instruction publique, est un
microcosme de l’État : « Les classes sont de petites républiques ; et ce n’est
que dans le sein des républiques que les caractères vertueux, courageux,
généreux, peuvent se former 41. »
De son côté, Félicité de Genlis, elle-même en grande partie autodidacte,
influence la réflexion sur l’éducation pendant la période 1770-1789 presque
autant, sinon plus, que Rousseau. L’une des femmes auteurs les plus
fécondes de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle rencontre un
succès considérable en France et en Europe. Moins sceptique à l’égard des
Lumières qu’antiphilosophe pour des raisons religieuses, sa pensée durant
deux décennies de turbulences se concentre principalement sur l’éducation
(elle enseigne la morale dans une société monarchique et de tradition
chrétienne) et non sur la politique. D’un côté, elle s’inscrit dans la ligne des
idées de l’Émile de Rousseau et adhère à certains de ses principes
fondamentaux (l’importance des parents dans l’éducation par exemple), de
l’autre elle l’accuse d’avoir plagié Sénèque, Montaigne, Locke et Fénelon,
et souligne l’importance d’une éducation qui, au-delà de la bonté naturelle,
doit développer la vertu (garante de l’amour et du bonheur).
Son ouvrage pédagogique le plus marquant est Adèle et Théodore ou
Lettres sur l’éducation, déjà mentionné, qui peut se souvenir en partie des
Conversations d’Émilie de Louise d’Épinay, des Lettres du marquis de
Roselle d’Anne-Louise Élie de Beaumont et du Traité de l’éducation des
femmes et cours d’instruction complet (1779-1789) de Madame de
Miremont. Adèle et Théodore est traduit dans plusieurs langues, tandis que
l’English Review salue « de loin la meilleure méthode d’éducation jamais
publiée en France 42 », véritable camouflet à l’adresse de Rousseau.
Profondément catholique, Genlis ne se conforme pas au modèle de ce
dernier en fondant le savoir et la pédagogie sur la morale. Tandis qu’elle
reconnaît son postulat fondamental — les femmes seraient mieux faites
pour le travail de l’imagination que pour la réflexion logique —, elle-même
transgresse clairement les limites et contraintes que le philosophe veut
imposer à ces dernières. Aux yeux de Genlis, les mères sont les éducatrices
légitimes de leurs enfants, capables d’allier le savoir à un enseignement
moral. Là où Rousseau se pose en théoricien de l’éducation d’Émile, Genlis
concentre son attention sur la pédagogie au quotidien ; elle détaille les
méthodes à appliquer, les sujets à enseigner, les textes à lire (de courtes
leçons de morale sous la forme de saynètes publiées dans son Théâtre à
l’usage des jeunes personnes, 1779-1780, par exemple).
En 1779, Genlis a été nommée « gouverneur » des enfants du duc de
Chartres, neveux du roi (parmi lesquels le futur Louis-Philippe) ; un tel
honneur n’a jamais été accordé à une femme et elle-même insiste sur
l’utilisation du terme masculin. Installée avec eux dans un pavillon à
Bellechasse, elle réalise l’une des expériences éducatives les plus originales
jamais menées 43. Elle associe à son rôle de pédagogue celui d’éducatrice
morale. Le débat se poursuit à ce propos tout le temps de la Révolution : à
l’éducation privée revient l’enseignement de la morale, à l’instruction
publique l’acquisition des connaissances. Si les femmes sont en majorité
favorables à l’éducation privée — c’est encore la position d’Olympe de
Gouges et de Mary Wollstonecraft (1759-1797) —, c’est parce que ce type
d’éducation propose un programme éducatif réformiste qui reste dévolu aux
parents, en particulier aux mères.
Comme Louise d’Épinay et d’autres, Félicité de Genlis manifeste une
attitude ambivalente à l’égard des femmes auteurs, inférieures à leurs
homologues masculins, mais pourtant importantes en tant que telles ; elle
aussi attribue clairement à l’éducation et à la culture la différence entre les
hommes et les femmes dans ce domaine. Dans De l’influence des femmes
sur la littérature française, elle reconnaît l’importance de Lambert, Dacier,
Graffigny, Leprince de Beaumont, Tencin, Riccoboni et bien d’autres. Elle
reproche à ses contemporains d’accorder leur préférence aux genres que
seuls les hommes sont jugés capables de produire et préconise de réévaluer
ce qui constitue la « bonne littérature ». Elle plaide en particulier pour que
le roman et l’art épistolaire figurent au nombre des genres reconnus pour
tels ; elle juge l’écriture compatible avec la vie domestique et même
préférable à celle-ci, et démontre ainsi de manière aussi brillante
qu’ironique que les femmes peuvent concilier leurs devoirs de maîtresse de
maison avec leurs activités intellectuelles.

L’éducation en temps de révolution

Au début de la Révolution, dans Discours sur l’éducation de M. le


Dauphin et sur l’adoption (1790), Discours sur la suppression des couvents
de religieuses et sur l’éducation publique des femmes (1790), où une
citation de Lambert figure en épigraphe, et Discours sur l’éducation
publique du peuple (1791), Genlis adopte des positions assez
contradictoires : elle est favorable à la monarchie et à l’éducation
chrétienne, mais critique de l’éducation au couvent, assimilant par ailleurs
la religion à la raison. Représentative sur ce point des positions de l’Ancien
Régime, elle est convaincue que le véritable objectif des Lumières est de
substituer la vertu, pas nécessairement par la raison, à la superstition. Pour
elle, une éducation « nationale » doit transcender la simple école, ou encore
la lecture, allier loi, morale et religion : « La véritable instruction pour le
peuple, la seule qui puisse lui donner des idées justes et former ses mœurs,
c’est un bon code des lois ; c’est le parfait accord de la religion, de la
morale, et des lois 44. » Genlis élargit ainsi l’objectif de l’éducation : former
de bons époux et de bons parents, mais préparer aussi les bons citoyens de
demain. L’Assemblée nationale définit les principes et les valeurs
fondamentales, conciliant la raison et la morale. Genlis se satisfait du
nouveau rôle de l’État dans la vie de l’individu ; une telle forme d’autorité
est cohérente avec sa position à l’encontre des libertés individuelles prônées
par les philosophes. Il faut enseigner aux femmes la religion, la lecture,
l’arithmétique écrite, le dessin, l’éducation des enfants et les premiers
soins ; la formation doit être conçue en fonction de la personne et de sa
classe sociale, les filles brillantes étant particulièrement faites pour la vie
d’enseignante ou de gouvernante.
L’idée du passage d’une éducation principalement religieuse et morale à
une éducation laïque, fondée sur la raison, s’amplifie durant la Révolution.
L’idéal de l’individu qu’on pouvait former à la vertu et au bonheur ouvre la
voie aux objectifs politiques et sociaux d’une communauté de citoyens
libres et égaux. L’éducation nationale fait l’objet de plusieurs projets, ceux
de Babeuf, Mirabeau, Talleyrand, Condorcet et Lepeletier de Saint-Fargeau.
Pour les uns, l’instruction publique doit être limitée à l’acquisition
intellectuelle des connaissances, tandis que l’éducation morale, religieuse et
philosophique relève de l’éducation donnée par la famille (Condorcet) ;
pour les autres, elle doit prendre en compte ces deux aspects (Rousseau,
Lepeletier).
Dans l’ébauche du Discours sur l’éducation nationale (1791), Mirabeau
expose les rapports entre l’éducation et la société future que les instigateurs
de la Révolution aspirent à créer et rappelle : « les abus formaient un
système dont toutes les ramifications s’entrelaçaient et s’identifiaient avec
l’existence publique […] pour tout reconstruire, il fallait tout
désorganiser 45 ». La création d’un nouveau système d’éducation s’impose à
l’heure où s’élaborent les fondements d’une constitution libre. Alors que la
hiérarchie sociale a jusqu’ici été dictée par la naissance, et la monarchie par
le droit divin, la société révolutionnaire doit être une association volontaire
dans laquelle l’instruction est accessible à tous. La distinction entre
l’éducation en tant que morale et l’instruction vue comme l’acquisition des
connaissances demeure décisive. Il faut à l’instruction publique des écoles,
des collèges et des académies, des livres pour la lecture et des instruments
pour le calcul. L’éducation nationale exige des théâtres, des jeux publics et
des fêtes nationales. Mirabeau préconise l’éducation pour tous, l’instruction
pour quelques-uns. Dans cette période porteuse d’espoir, il affirme
qu’enseigner la liberté, l’égalité et la fraternité affranchirait le peuple du
passé et poserait les bases de l’avenir. De son côté, Condorcet plaide pour
l’égalité de l’éducation des femmes dans son Rapport et projet de décret sur
l’organisation générale de l’instruction publique présenté à l’Assemblée
nationale (1792). La raison devant gouverner l’éducation, encore faut-il
savoir qui est capable de raison et qui ne l’est pas.
Favorable à la Révolution et venue en France pour en mesurer les effets,
l’Anglaise Mary Wollstonecraft quant à elle dédie la deuxième édition de sa
Défense des droits des femmes à Talleyrand et répond à ses positions sur
l’éducation des femmes en ces termes :

Monsieur,
J’ai lu, avec beaucoup de plaisir, votre ouvrage sur
l’éducation nationale. C’est ce qui me détermine à vous dédier
ce volume […].
Je vous somme donc aujourd’hui de peser ce que j’ai avancé,
relativement aux droits de la femme, et à l’éducation nationale.
— Et je vous rappelle à ce devoir avec la voix forte de
l’humanité ; car j’ose croire, Monsieur, avoir raisonné sans
passion. — Je plaide pour mon sexe, j’en conviens, mais non
pour moi-même. Je regarde depuis longtemps l’indépendance,
comme le plus grand bonheur de cette vie, et même comme la
base de toute vertu ; et cette indépendance, je me l’assurerai
toujours, en resserrant mes besoins, dussé-je vivre sur des landes
stériles 46.

Wollstonecraft a perçu une sérieuse contradiction dans l’argumentation


de Talleyrand qui reprend celle de Rousseau : l’égalité pour tous ne doit en
principe exclure personne ; or il leur semble naturel à tous deux que, pour le
bien commun, les femmes ne participent pas à la vie politique. Elle associe
les principes fondamentaux au droit à l’éducation : « … si la femme n’est
point préparée par l’éducation à devenir la compagne de l’homme, elle
arrêtera le progrès des Lumières. Car la vérité doit être commune aux deux
sexes, ou nous courons le risque de la voir sans effet par rapport à son
influence dans la pratique générale ». Si la liberté ne renforce pas sa raison,
la femme ne peut comprendre pourquoi il lui faut être vertueuse et
contribuer à l’amour du bien commun. Bien qu’elle reconnaisse que
l’éducation et la position d’une femme l’excluent pour l’instant de l’égalité
sociale et politique, Wollstonecraft demeure optimiste dans sa critique :
« Rousseau s’évertue à prouver que tout était bien originairement ; une
foule d’auteurs que tout est bien aujourd’hui, et moi que tout sera bien un
jour 47. » En d’autres termes, quand elles recevront la même éducation que
les hommes, les femmes ne seront pas différentes d’eux quant à leurs
droits ; Olympe de Gouges en est tout aussi convaincue.

RÉSEAUX

Les salons et leurs auteur(e)s

Le réseau de communautés intellectuelles et philosophiques dont


l’origine remonte au moins à la Respublica litterarum d’Érasme prend au
e
XVIII siècle différentes formes : les salons tenus par des femmes qui

n’écriront jamais et par d’autres qui écrivent (l’attribution d’ouvrages écrits


par elles aux hommes de leur entourage sera pratique courante), le dialogue
intellectuel mis en place par les académies et leurs concours, les
partenariats véritables enfin que les femmes créent entre elles jusqu’à la
Révolution 48.
Les salons impriment un nouvel élan à la République des Lettres
des XVIe et XVIIe siècles, mais ils jouent un nouveau rôle, abandonnant le
modèle plus ancien des précieuses qui aspiraient à la civilité (ill. 3) 49 *7.
Claudine de Tencin reçoit dans son salon Fontenelle, Marivaux, Prévost et
Marmontel (à partir de 1733) pour ne citer qu’eux. Le salon de Marie du
Deffand 50 accueille Fontenelle, Voltaire, Montesquieu et d’Alembert ; il
concurrence le célèbre salon de Marie-Thérèse Geoffrin 51 (1699-1777) que
fréquentent, de 1750 à 1777, d’Alembert, Fontenelle et Voltaire, mais aussi
Diderot, Turgot, Maupertuis, Helvétius, Rousseau, Raynal, Rameau,
Marivaux et Sophie d’Houdetot (1730-1813, dont Rousseau tombe
éperdument amoureux) ; Julie de Lespinasse (1732-1776) et Suzanne
Necker poursuivent ce nouveau modèle, où la conversation débouche sur
des débats d’ordre politique, philosophique et artistique.
Hormis quelques exceptions, ce sont surtout des hommes qui
fréquentent les salons. Néanmoins, Madame du Deffand reçoit aussi chez
elle des femmes de l’aristocratie. Madame de Lambert a accueilli dans le
sien la duchesse du Maine, l’actrice Adrienne Lecouvreur (1692-1730),
ainsi que des femmes auteurs, Marie-Catherine d’Aulnoy (1650 ?-1705),
Catherine Bernard (1663-1712), Charlotte-Rose de La Force (1650-1724),
Charlotte-Élisabeth Aïssé (1695 ?-1733) et Henriette de Murat (1670-1716).
Elle a constitué son salon sous la Régence, dans la tradition instituée par les
précieuses, mais elle a eu pour ambition d’introduire les idées modernes et
de réunir une société ouverte aux femmes et aux institutions 52. Madame
Necker compte parmi ses habituées la maréchale de Luxembourg, Sophie
d’Houdetot et Adelaïde de Souza (1761-1836), elle-même salonnière puis
émigrée entre 1792 et 1799 (son premier mari, Alexandre de Flahaut, sera
guillotiné en 1794).

3. L’Assemblée au salon, vers 1770, gravure d’après Nicolas Lavreince,


Paris, musée du Louvre, coll. Rothschild.
La définition du salon est toujours celle d’un espace aménagé dans une
résidence privée et destiné aux réunions en société dans lequel les femmes
jouent un rôle déterminant 53. Fréquenter un salon a pu favoriser la mobilité
sociale, moins dans les rangs de l’aristocratie que dans ceux des
représentants de la République des Lettres. Le salon entraîne un
affaiblissement du pouvoir politique centralisé au profit d’échanges
autonomes qui formeront le socle de la contestation, quand bien même
dissimulée d’abord, de la monarchie, et l’élaboration d’idées nouvelles sur
la liberté et l’égalité. Les salons tenus par des femmes passent, sinon de
façon avouée du moins implicitement, de l’espace de divertissement à un
nouveau type d’institution 54, à une forme de communauté propre à favoriser
la créativité et le dialogue. Les aristocrates se retrouvent avec des gens de
lettres et des philosophes dans un projet qui est précisément celui des
Lumières : les femmes à la tête de salons transforment les modalités de
diffusion de la culture et du savoir ; elles font des réunions de société un
projet collectif qui confère à ceux et celles qui les fréquentent une forme de
distinction désormais non fondée seulement sur la naissance. Leur objectif
n’est pas de ceux auxquels les hommes peuvent ouvertement prétendre (la
gloire, la renommée) mais bien l’éducation sociale et intellectuelle des
femmes qui les animent ; c’est une sorte de carrière non rétribuée, qui exige
en fait de disposer d’importantes ressources financières. Dans ce domaine,
les femmes se choisissent des modèles féminins : Anne de Bourbon,
duchesse du Maine (1676-1753), pour Marie du Deffand, Claudine de
Tencin pour Marie-Thérèse Geoffrin, cette dernière pour Suzanne Necker et
pour Julie de Lespinasse 55.
Les préceptes non écrits de l’éducation féminine pour quelqu’un comme
la grand-mère de Madame Geoffrin (Madame Chemineau) et les femmes de
sa génération consistaient à apprendre à une jeune femme à lire, mais non à
écrire, et à lui inculquer une éducation principalement religieuse ; les
femmes pouvaient ensuite se tirer d’affaire par la conversation et par
l’esprit. Les salons offrent aux femmes une forme d’éducation ad hoc grâce
aux intellectuels qui les fréquentent ; quant à la discipline et à la régularité
qu’implique la tenue d’un salon, elles sont tout sauf simples. Suzanne
Necker prend exemple sur la Grande Catherine pour ce qui est de la
discipline exigée par ce type de gouvernance : « L’impératrice-reine n’avait
jamais eu le goût du plaisir, et ce caractère fut une des causes de sa
grandeur ; c’est le goût du plaisir qui nuit à la considération de toutes les
femmes 56. » Les salons ne constituent pas le lieu de dissipation que
Rousseau y a vu, mais un endroit où se rencontrer, dialoguer, débattre et
exercer son esprit critique, un réseau de gens partageant les mêmes valeurs.
À partir des années 1760, les discussions de salon deviennent un modèle
pour la société en général, et la correspondance le moyen par excellence de
communiquer.
Les textes composés par les hôtes des salons peuvent, avant leur
publication, circuler et faire l’objet de débats : leurs auteurs peuvent en
donner lecture dans un ou plusieurs des salons qu’ils fréquentent.
L’existence de réseaux d’échanges signifie que les manuscrits circulent
également en dehors des salons et diffusent la pensée des Lumières auprès
d’un public beaucoup plus large. La transformation progressive des salons,
de la sphère intime de l’élite de l’Ancien Régime en une nouvelle forme de
République des Lettres, en France et par-delà ses frontières, est tributaire de
réseaux ostensiblement libres et égalitaires, mais continuant en réalité de
reproduire la hiérarchie des sexes.
Dans quelle mesure le projet collectif des Lumières inclut-il les femmes
grâce aux salons ? Auteures, elles doivent se plier aux codes de conduite de
l’aristocratie pour éviter de passer pour trop « intellectuelles » et risquer de
voir leur salon boycotté *8. Certaines salonnières parmi les plus célèbres,
comme Du Deffand, Lespinasse ou Necker, ne publient pas de leur vivant.
Même celles qui écrivent des textes littéraires cherchent parfois à s’assurer
qu’ils ne dépasseront pas le cercle des familiers de leur salon. Il en est ainsi
de Marie-Charlotte de Boufflers (1725-1800), qui compose une pièce de
théâtre. Julie de Lespinasse n’envisage pas de publier la correspondance qui
lui vaut aujourd’hui sa réputation d’écrivaine (elle ne le sera qu’en 1809) ;
elle ordonne que les portraits littéraires et les jeux de synonymes qu’elle a
composés dans le cadre de son salon soient brûlés après sa mort. Elle écrit
également deux chapitres qui pastichent le Voyage sentimental de Sterne,
mais sans jamais avoir d’autre ambition que d’en faire la lecture dans le
salon de Madame Geoffrin 57.
Quelques femmes semblent toutefois avoir été autorisées à se considérer
comme auteures en raison de l’appui de « salonniers » (terme qui pourrait
s’appliquer aux hommes qui fréquentent avec régularité un ou plusieurs
salons, Montesquieu et Voltaire par exemple), ainsi Madame Galien (1709-
1756) qui avoue : « … je suis auteur par le choix d’un homme
incomparable, et par les acclamations d’une illustre et spirituelle assemblée
[…] » 58 ; ou encore Françoise-Thérèse-Antoinette Legroing-La
Maisonneuve (1764- ?) qui collabore à des périodiques comme le Mercure
et l’Étoile 59.
Au milieu du siècle, Anne-Marie Du Bocage s’affirme à la fois comme
une salonnière de renom et comme une femme auteur célèbre : sa traduction
du Paradis perdu (1748) de Milton, sa tragédie Les Amazones (1749) et son
épopée La Colombiade (1756) connaissent un très grand succès. Ouvert en
1733, son salon accueille pendant un demi-siècle des intellectuels parmi les
plus célèbres de l’Europe : Samuel Johnson, Horace Walpole, Lady Mary
Montagu (1689-1762), Benjamin Franklin, Francesco Algarotti, Carlo
Goldoni et l’abbé Galiani, mais aussi des hommes de lettres comme
Fontenelle, Marivaux, Helvétius, Condillac, Condorcet, et bien d’autres
encore 60. Ouvertement catholique, proche du haut clergé, protectrice de
Charles Palissot, elle n’adhère pas aux idées des philosophes en matière de
religion ; elle n’en fait pas moins bon accueil à des esprits tels que
Condorcet, Condillac, Clairaut et La Condamine. Grimm, qui voit en elle
une ennemie du parti qu’il défend, note, dédaigneux : « Elle est bonne
femme ; elle est riche ; elle pouvait fixer chez elle les gens d’esprit et de
bonne compagnie ; sans les mettre dans l’embarras de lui parler avec peu de
sincérité de sa Colombiade ou de ses Amazones 61. »
Suzanne Necker, épouse du banquier genevois Jacques Necker et mère
de la future Germaine de Staël, renonce à ses ambitions littéraires à la
demande expresse de son époux et crée en 1766 un salon influent, lieu de
débats intellectuels et non politiques, fréquenté par Buffon, Diderot,
Grimm, d’Alembert, Thomas et Marmontel. Connue dès lors surtout
comme salonnière, n’ayant publié de son vivant que deux textes sur le bien
commun (Hospice de charité, 1780, et Des inhumations précipitées, 1790),
elle écrit pourtant pendant toute sa vie, notamment des notes consignées
dans son journal intime, ou « Spectateur intérieur » (elle inverse ainsi la
notion de journalisme public pour l’appliquer au domaine privé 62) ; ces
notes comportent de nombreuses observations morales et littéraires et
prennent la forme de maximes, de portraits, de lettres et de pensées émanant
de conversations tenues dans son salon.
Suzanne Necker recourt à l’image de la luciole pour expliquer pourquoi
elle-même, comme bien d’autres femmes, préfère rester dans l’ombre :
« Les vers luisants sont l’image des femmes : tant qu’elles restent dans
l’obscurité, on est frappé de leur éclat ; dès qu’elles veulent paraître au
grand jour on les méprise et l’on ne voit que leurs défauts 63. » C’est
seulement après sa mort, en 1794, que son mari publie son opuscule contre
la loi de 1792 autorisant le divorce, ainsi que les Mélanges extraits des
manuscrits de Madame Necker (1798), nettement plus volumineux, puis les
Nouveaux Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker (1801).
Une fois publiée, elle demeure néanmoins connue comme épouse du grand
homme d’État 64.
Le discours critique de la fin du XXe siècle a souligné le fait que
l’écriture a pu constituer une part des activités de la vie des salonnières,
qu’elles aient ou non publié de leur vivant. Écrire, en tant que pratique
quotidienne, est parfaitement lié à l’activité de salonnière de Suzanne
Necker, attentive à l’écoute comme au règlement des échanges entre ses
hôtes. Cette activité consiste autant à préparer les sujets sur lesquels va
porter la conversation qu’à réfléchir ensuite à ce qui a été dit, ainsi qu’elle
le rappelle : « On est plus propre à la conversation, quand on a écrit et pensé
avant de se livrer à la société, soit qu’on se rappelle à propos quelques idées
qu’on a eues dans la solitude, soit que les nerfs aient pris du calme, et que
les platitudes inquiétantes se soient éloignées 65. » Son admiration pour les
Confessions de Rousseau prouve qu’elle comprend que l’écriture permet
d’accéder à sa propre intériorité, à ses pensées, à ses secrets. Rousseau les a
rendues publiques, elle-même a choisi de préserver l’intimité de ses
réflexions personnelles. La conversation a ainsi été la marque de son
personnage public, comme elle a été, pour un nombre considérable
d’hommes et de femmes, une manière d’exprimer en public leurs pensées
privées sous la forme d’une « première ébauche ».
Fille de Suzanne Necker, véritablement élevée dans le salon maternel,
Germaine de Staël choisit un angle d’approche radicalement différent : elle
s’avance sans crainte dans l’espace public, à Paris d’abord, puis à Coppet,
dans le canton de Vaux, où elle accueille les émigrés fuyant la Révolution *9.
Ses premiers écrits comptent des pièces de théâtre, un portrait de son père
(1785), des nouvelles, Sophie ou les Sentiments secrets (1786), Jane Gray
(1787, 1790), Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques
Rousseau (1788), Réflexions sur le procès de la reine (1793) et De la
littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales
(1800). Elle est témoin de la fin de l’Ancien Régime, puis des événements
révolutionnaires, avant de se trouver personnellement en conflit avec
Napoléon *10.
De la littérature (1800) se fera l’écho de la brutalité des événements
révolutionnaires mais répétera l’indéfectible souhait de Staël, celui du
progrès de la pensée, de la société, et de la littérature entendue au sens large
du terme, progrès qui a partie liée avec la liberté : « Les progrès de la
littérature, c’est-à-dire, le perfectionnement de l’art de penser et de
s’exprimer, sont nécessaires à l’établissement et à la conservation de la
liberté 66 », observera-t-elle avant de préciser : « … parmi les divers
développements de l’esprit humain, c’est la littérature philosophique, c’est
l’éloquence et le raisonnement que je considère comme la véritable garantie
de la liberté 67. » Elle se montrera par ailleurs extrêmement sensible à la
condition de « paria » dans laquelle se trouve toute femme qui tente, par son
savoir et par son talent, de se faire valoir. Les hommes se sont servis de la
Révolution sur le plan politique et moral pour faire régresser les femmes,
s’ingéniant à les réduire à une médiocrité absurde ; ainsi la Révolution n’a-
t-elle modifié en rien leur condition, alors que toute avancée d’ordre social
ou politique demande qu’hommes et femmes soient également « éclairés » :
« Éclairer, instruire, perfectionner les femmes comme les hommes, les
nations comme les individus, c’est encore le meilleur secret pour tous les
buts raisonnables, pour toutes les relations sociales et politiques auxquelles
on veut assurer un fondement durable 68. »
Malgré les changements de personnes et de centres d’intérêt, les salons
continuent de placer les femmes en porte-à-faux. Manon Phlipon, dont, à
partir de 1791, le salon républicain s’ouvre aux nouveaux acteurs de la vie
politique, parmi lesquels Brissot, Pétion et Robespierre, l’illustre à sa
manière. Si elle est devenue une figure emblématique de la Révolution, elle
n’a jamais aspiré à devenir auteure, ainsi qu’elle le rappelle dans ses
Mémoires, rédigés pendant son incarcération en 1793 *11 : « Jamais je n’eus
la plus légère tentation de devenir auteur un jour ; je vis de très-bonne heure
qu’une femme qui gagnait ce titre, perdrait beaucoup plus qu’elle n’avait
acquis. Les hommes ne l’aiment point, et son sexe la critique : si ses
ouvrages sont mauvais, on se moque d’elle, et l’on fait bien ; s’ils sont
bons, on les lui ôte 69. » Elle a néanmoins collaboré à plusieurs publications
de son mari, des articles pour l’Encyclopédie méthodique d’abord, puis des
articles et des pamphlets pour lesquels il est difficile de déterminer avec
certitude ce qui lui revient. Avec son mari toujours, elle a notamment
contribué au journal révolutionnaire de Brissot, Le Patriote français, organe
des Girondins. Sa réaction horrifiée face à la violence des événements après
1792, de même que son engagement en faveur des Girondins lui valent
d’être jugée puis guillotinée le 8 novembre 1793. Elle demeure dans les
mémoires pour la phrase qu’elle aurait lancée alors qu’on la conduisait à
l’échafaud, et qu’a rapportée Sébastien Mercier : « Ô Liberté, que de crimes
on commet en ton nom 70 ! »
Peut-être connue surtout pour ses activités de salonnière, Sophie de
Grouchy, marquise de Condorcet (1763-1822), accueille chez elle, à partir
de 1787, des philosophes, puis des penseurs républicains parmi lesquels
Thomas Paine, Thomas Jefferson, Mirabeau et peut-être Olympe de
Gouges. Son salon interrompt ses activités pendant la Terreur (Condorcet
meurt brutalement à la suite de son arrestation en mars 1794) et n’est pas
rouvert ensuite. Sophie de Condorcet n’entreprend de publier les écrits de
son mari qu’après sa mort, ainsi que ses propres traductions ; elle a par
ailleurs travaillé avec lui en qualité de journaliste et l’on estime qu’elle a
contribué pour beaucoup au caractère féministe de Sur l’admission des
femmes au droit de cité (1790), dans lequel il plaide pour une égale
reconnaissance de leurs droits civiques.
Fanny de Beauharnais tient elle aussi un salon réputé pendant la
Révolution. Elle y reçoit hommes et femmes de lettres de renom, dont
Anne-Marie Du Bocage. Son salon opère la transition entre des modes de
réception et d’échanges intellectuels d’Ancien Régime et ceux que le siècle
suivant va à son tour mettre au goût du jour.

« Salons épistolaires »
La rédaction de lettres permet le passage de la conversation orale à une
forme de discours public dont le lectorat peut être sensiblement plus large,
et même européen, depuis la Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui
voient (1749) de Diderot ou la Lettre à d’Alembert (1758) de Rousseau aux
échanges de vues dans les journaux, tel le plaidoyer de Voltaire lors de
l’affaire Calas, et aux lettres ouvertes et pamphlets plus avant dans le siècle.
Les correspondances constituent une part importante de la vie de salon et
son prolongement quasi contractuel ; c’est le cas des lettres de Louise
d’Épinay à l’abbé Galiani ou celles de Françoise de Graffigny à François-
Antoine Devaux, mais aussi de la correspondance d’Isabelle de Charrière
avec David-Louis Constant d’Hermenches, Benjamin Constant et James
Boswell, ou encore de celle de Germaine de Staël avec son père, Jacques
Necker, plus tard Constant, Charles de Villers, traducteur de Kant, et
Thomas Jefferson. Émanation de la vie de salon elle aussi, la
Correspondance littéraire, périodique manuscrit, élargit les horizons de la
France à ceux de l’Europe.
Isabelle de Charrière, née Isabelle van Zuylen, appartient à la grande
aristocratie hollandaise et écrira toute sa vie en français. Fixée en Suisse
après son mariage, elle entretient également une abondante correspondance
avec Benjamin Constant, Boswell et David-Louis Constant d’Hermenches,
ainsi qu’avec son traducteur allemand, Ludwig Ferdinand Huber,
correspondance que l’on a comparée à un « salon épistolaire » ou un « salon
virtuel » 71. Sa production littéraire permet d’élargir la notion de salon en y
incluant cette fois un réseau d’interlocuteurs communiquant par lettres.
L’idée de « salon épistolaire » permet de comprendre comment Charrière
actualise et modernise l’image de la grande dame d’Ancien Régime. Elle
s’intéresse aux questions touchant à l’autonomie et à l’indépendance des
femmes, ainsi qu’à la possibilité pour les jeunes filles de décider de leur
avenir. Son dédain pour le style et la frivolité de certaines salonnières la
place dans une situation paradoxale : elle est une salonnière moderne, tout
autant que la preuve vivante de l’aptitude d’une femme à écrire et à penser.
À l’image d’autres épistolières prolixes comme Françoise de Graffigny ou
Louise d’Épinay, Charrière a pu dépasser les contraintes de sa position et
donner à sa vie intime une dimension dramatique et littéraire, la
correspondance secrète constituant l’un des modèles romanesques du
temps. Les auteures de romans épistolaires se sont peut-être senties attirées
par ce mode d’expression parce qu’il leur permettait de traduire en mots
l’un des rares types d’expérience qu’il leur était donné de vivre. Ainsi, se
souvenant de Molière, la future Isabelle de Charrière choisit Agnès comme
nom de plume pour sa correspondance « interdite » avec Hermenches,
transformant la signataire des lettres en une sorte de personnage de sa
dramaturgie personnelle. Elle ne craint pas d’interroger les convenances
sociales et religieuses de l’époque, en se demandant par exemple, dans ses
lettres à Hermenches toujours, s’il lui est possible, à elle protestante,
d’épouser un catholique. Dans ce cas précis, la correspondance a
manifestement tenu lieu de galop d’essai avant l’écriture de romans,
épistolaires pour nombre d’entre eux.
La correspondance de Marie-Jeanne Riccoboni avec l’acteur
britannique David Garrick, de même qu’avec David Hume et Sir Robert
Liston, peut à son tour être lue comme une pièce de théâtre 72. La nature
performative des lettres de femmes et leur maîtrise des conventions
montrent que les tactiques littéraires en jeu dans ces échanges constituent
aussi un moyen d’attirer l’attention des hommes par la narration ; en
transformant ainsi leur vie en un récit captivant, elles parviennent dans une
certaine mesure à inverser la dynamique de pouvoir entre les hommes et les
femmes. Sous son apparence conventionnelle, la correspondance ouvre un
espace de liberté et d’audace qui va trouver sa forme canonique dans le
roman.
La correspondance de Françoise de Graffigny est considérée
aujourd’hui comme l’une de ses productions les plus remarquables, sinon
comme son chef-d’œuvre. De 1738, date à laquelle elle quitte sa Lorraine
natale pour vivre à Paris, à sa mort survenue en 1758, elle écrit à un rythme
soutenu à son ami François-Antoine Devaux, surnommé Panpan.
L’ensemble forme quelque 2 500 lettres au total 73. Ces lettres témoignent de
la grande érudition de l’auteure, de ses lectures dans des domaines très
variés, de ses contacts assidus avec les libraires (elle servira de véritable
« agent littéraire » auprès de ses amis 74). Si elles jettent un éclairage
intéressant sur de nombreux aspects de la vie de celle qui, après sa
séparation d’un mari brutal, la mort de trois enfants puis son veuvage,
entreprend de gagner sa vie en écrivant, elles éclairent également son séjour
à Cirey en 1738 chez Voltaire et Émilie du Châtelet, épisode qui devait la
brouiller avec ses hôtes 75. Graffigny est ensuite introduite dans la vie de
société parisienne par l’entremise de l’actrice Jeanne Quinault (dite
Quinault la cadette, 1699-1788) qui a quitté les planches et tient salon ;
dans ce dernier, elle rencontre le comte de Caylus, Crébillon fils, Duclos,
La Chaussée et Piron, qui l’encouragent à écrire. Elle ouvre ensuite son
propre salon, marie sa nièce Anne-Catherine de Ligniville (dite Minette) au
philosophe Helvétius, et connaît un immense succès en publiant, d’abord
anonymement, les Lettres d’une Péruvienne dont il sera question plus loin.
Qu’il s’agisse de Marie du Deffand, de Louise d’Épinay, de Françoise
de Graffigny, de Marie-Jeanne Riccoboni, d’Isabelle de Charrière et de bien
d’autres encore, les femmes, grâce à la pratique de la correspondance, ont
dépassé les limites de la sphère privée et ont traité de sujets qui ne se
limitaient pas à la vie personnelle, loin s’en faut. Toutefois, les institutions
littéraires et scientifiques ne leur demeuraient guère favorables, et il
continuait de leur être difficile de participer ouvertement aux débats
d’idées. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles elles ont pu
songer à participer à des concours.

Concours et académies
L’Académie de Dijon demeure sans doute dans les mémoires pour avoir
couronné les brillants essais de Rousseau à ses concours de 1750 (« Si le
progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les
mœurs »), puis de 1753 (« Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les
hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle »).
Les concours de l’Académie française, qui a repris une tradition
médiévale remontant aux Jeux floraux de Toulouse, ainsi que ceux des
académies de province constituent en réalité une composante majeure de la
vie intellectuelle de l’époque. Généreusement dotés, ces concours suscitent
une participation massive : on compte 15 000 contributeurs entre 1670 et
1793, année où le gouvernement révolutionnaire met fin à cette pratique.
Les grandes figures masculines de l’époque, le mathématicien Jacques
Bernoulli, Fontenelle, Rousseau, Voltaire et bien d’autres encore, s’y
distinguent. De 1710 à 1719, on recense 80 concours ; on en compte 475
entre 1780 et 1789 76. Cette pratique gagne également les pays étrangers.
Pendant la période de transition entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, les sujets
deviennent peu à peu plus critiques. Compte tenu du type d’éducation
qu’elles reçoivent, les femmes semblent s’illustrer davantage en vers qu’en
prose. Au fur et à mesure que l’on avance dans le siècle, un nombre
croissant d’entre elles abandonnent néanmoins les joutes poétiques au profit
de compétitions en prose. Même si quelques auteures se limitent aux
concours directement liés aux questions regardant les femmes, dont
l’éducation, beaucoup d’entre elles se risquent à toutes sortes de sujets et de
formes, tel l’éloge : Claire Mazarelli, marquise de Saint-Chamond (1731-
17 ?), fait l’éloge de Maximilien de Béthune, duc de Sully, en 1763 et de
Descartes en 1765 ; Marie-Adélaïde de France (1732-1800) fait celui de
Montesquieu pour l’Académie de Bordeaux dans les années 1780. Certaines
s’affranchissent même de leurs supposés domaines de compétences, ainsi
Émilie du Châtelet quand elle publie anonymement une « Dissertation sur la
nature et la propagation du feu », qu’elle soumet à l’Académie royale des
sciences (1738). L’essai ne remporte pas le prix mais il est publié, chose
très inhabituelle pour une femme de sciences 77. Au total, on estime à une
centaine le nombre de femmes ayant participé à ces concours et à 24 le
nombre de celles qui ont remporté un prix 78.
L’Académie française, on le sait, est demeurée fermée aux femmes
jusqu’en 1980, date de l’élection de Marguerite Yourcenar (Marguerite de
Crayencour, 1903-1987), même si certains de ses membres ont été
favorables à l’admission des femmes dès les années 1650 *12. L’Académie
des Ricovrati les a reçues à partir de 1678 : c’est le cas de Marie-Jeanne
L’Héritier (1664-1734), et de Madeleine de Scudéry avant elle 79. Les
académies de province comptent également dans leurs rangs un certain
nombre de femmes auteurs : Antoinette Des Houlières (1638-1694) avait
été membre de l’Académie d’Arles en 1689 ; lauréate de l’Académie des
sciences, belles-lettres et arts de Rouen en 1746, Anne-Marie Du Bocage
est également la première femme admise dans cette académie à titre de
membre correspondant, tandis qu’elle est reçue dans les académies de Lyon,
Padoue et Rome. En 1787 et en 1789, Louise de Keralio, Marie Le Masson
Le Golft (1749-1826) et Mademoiselle du Chastellier sont reçues à
l’Académie d’Arras en qualité de membres honoraires, soit 3 femmes pour
124 membres au total 80. Si aucune femme n’est couronnée par l’Académie
française entre 1701 et 1815, une vingtaine de femmes auteurs au cours du
siècle remportent un ou plusieurs prix émanant d’autres académies.
L’anonymat des concours a pu encourager les femmes à se porter
candidates ; il a pu également contribuer à introduire une sorte d’égalité
dans ce domaine, même si les formulations liminaires qui accompagnent
l’envoi de manuscrits se signalent généralement par une modestie et même
une auto-dévalorisation très révélatrices. Au vu de l’instruction très inégale
entre les hommes et les femmes, des différences entre Paris et la province,
et du statut de la poésie, on peut se demander dans quelle mesure les
concours sont vraiment placés sous le signe de l’égalité et exempts de partis
pris.
Madame Brisson remporte le prix de l’Académie de Marseille en 1775
avec son Éloge de Madame la Marquise de Sévigné, écrit, selon Fortunée
Briquet, « avec pureté, élégance et délicatesse ». Elle remporte de même le
concours de 1777 sur l’éducation et les femmes, auquel a participé Manon
Phlipon. Mademoiselle de Bermann se voit décerner le premier prix
d’éloquence de l’Académie de Nancy en 1761 et le deuxième prix de
l’Académie de Besançon sur la question de savoir ce qui serait le plus utile
au siècle ; sous le nom de Madame de Châteauregnault, Anne Pérard est
primée en 1782 pour son Éloge historique d’Anne de Montmorency envoyé
à l’Académie de La Rochelle. Isabelle de Charrière a songé à soumettre son
Éloge de Jean-Jacques Rousseau pour le prix de l’Académie française en
1790, mais elle a préféré le faire publier, peut-être consciente du décalage
de son propos avec le ton révolutionnaire du moment ; elle y analyse la
sensibilité de Rousseau, sa qualité de « rêveur » et son génie, ainsi que le
hiatus entre son idéal du passé et la situation présente 81.
Les prix de l’Académie des jeux floraux de Toulouse sont attribués à
une série de femmes poètes : à Marie-Claire de Catellan en 1713 et 1717 ; à
Jeanne de Montégut-Ségla en 1739, 1741 et à une date inconnue ; à
Madame de La Gorce en 1756 et 1757, à Madame la comtesse d’Esparbès
en 1779 et 1780. L’Académie de Rouen distingue Madame de L’Étoile en
1770 et 1771 et Julie d’Assier de La Chassagne, comtesse de Laurencin
(1741- ?) en 1774 et 1777 82. Parmi les femmes récompensées, seule Jeanne
de Montégut-Ségla figure dans l’anthologie de Keralio. Celle-ci s’en tient
plutôt à la première moitié du siècle. Elle ignore de plus l’importante
contribution des femmes dans le domaine du journalisme, à l’époque où
celui-ci devient peu à peu un moyen de diffusion des écrits, des idées, et
plus largement des opinions.
JOURNALISME

Nouvelles, feuilles et « magasins »

e
Au cours du XVIII siècle, grandes lectrices de journaux et revues, les
femmes participent au monde de la presse en qualité de journalistes ; elles
fondent également quelques journaux et périodiques ou en assurent la
direction. En France, on compte toutefois moins de publications à
destination d’un public féminin et écrites par des femmes qu’en Allemagne
ou en Angleterre. Le poids de l’élite, moindre dans ces pays, de même
qu’un contexte éditorial particulier, auquel s’ajoute le fait que plusieurs
périodiques en français sont rédigés à l’étranger (à Londres et surtout à
La Haye, à cause de la présence d’une forte communauté protestante),
figurent au nombre des raisons de cette différence. Dans la France du
temps, publier peut être périlleux sur le plan politique et religieux en raison
du système de censure et de l’obligation d’autorisation de publication (par
accord tacite ou par privilège royal). Si quelques femmes journalistes
publient anonymement, beaucoup toutefois ne dissimulent pas leur sexe.
Les éditrices de journaux sont connues pour ajouter au besoin des
contributions qu’elles signent d’autres noms ou de manière anonyme quand
la copie fait défaut (leurs confrères en font autant). Même si certaines ont
été éphémères, les publications dont elles s’occupent n’en méritent pas
moins d’être mentionnées, car elles constituent de la part des femmes une
courageuse incursion dans un domaine alors relativement neuf. Plusieurs
femmes journalistes et deux périodiques en particulier, la Quintessence des
nouvelles et le Journal des Dames, se détachent du lot.
Anne-Marguerite Du Noyer (1663-1719) est la seule et unique
rédactrice de la Quintessence des nouvelles historiques, critiques,
politiques, morales et galantes, qu’elle publie entre 1711 et 1719 à un
rythme bihebdomadaire. Même si son travail appartient pleinement au
« siècle de Louis XIV » (il est traité dans la partie précédente *13), elle n’en
e
est pas moins la première femme journaliste du XVIII siècle. On en
compte 23 jusqu’en 1793.
Plusieurs autres femmes auteurs s’essaient au journalisme pendant de
brèves périodes. C’est le cas de Marie-Anne Barbier qui publie Les Saisons
littéraires ou Mélanges de poésie, d’histoire et de critique en 1714 et en
1722 : il s’agit d’un périodique trimestriel sous forme épistolaire, tradition
inaugurée avec le Mercure. Jeanne Vaucher et Michel Guyot de Merville
publient à La Haye Le Nouvelliste sans fard (1723, 1725) ainsi que Le
Nouvelliste universel (1724), feuille d’information politique et littéraire
contenant de brèves anecdotes mais également des sujets plus originaux,
abordés néanmoins dans une perspective conservatrice 83.
Depuis l’Angleterre où elle réside, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont
publie le Nouveau Magasin français, ou Bibliothèque instructive et
amusante de 1750 à 1752 sur le modèle du Spectator. Le titre s’inspire de
même du magazine littéraire anglais qui fournit un ensemble d’informations
« sur un sujet déterminé pour un groupe déterminé de lecteurs, avec des
articles traitant de sujets d’ordre général, etc. 84 » Cette publication a été
appelée couramment le « Magasin des dames 85 ». Leprince de Beaumont en
rédige la plus grande partie elle-même, mais elle fait également appel à la
collaboration de François Baculard d’Arnaud et d’Anne-Marie Du Bocage,
ainsi qu’à celle de membres de l’Académie de Rouen, dont elle est
originaire.
Le périodique contient une grande variété de rubriques : contes, poésie,
fiction, histoire, science, critique d’ouvrages nouveaux, mémoires,
réflexions morales, conseils aux lectrices et réponses à leurs lettres,
actualités anglaise et russe, observations sur l’éducation des femmes. Une
fois le journalisme abandonné, Leprince de Beaumont continue d’écrire des
textes pédagogiques pour la jeunesse, utilisant le terme « magasin » pour
désigner un nouveau type de produit éditorial : Magasin des enfants (1762),
Magasin des adolescentes (1760) et Magasin des jeunes dames (1772). Les
« magasins » de celle que Voltaire a surnommée la « magasinière » se
proposent d’apprendre aux filles à devenir elles-mêmes des relais
d’information indépendants en faisant usage de leur intelligence pour
apprendre, renouveler et partager culturellement la « marchandise » qu’elle
leur offre dans ses manuels pédagogiques 86.
De son côté, Marie-Françoise, dite Marie-Claudine, de Mézières,
marquise de Saint-Aubin (1717-1790), lance un journal de mode, Le
Courrier de la nouveauté. Feuille hebdomadaire à l’usage des dames
(1757-1758), qui traite de questions relevant de la toilette. Il est
accompagné de publicité de perruquiers, de coiffeuses, de couturiers et
marchands de tissu, de fleuristes et d’organisateurs de réception ; elle leur
ouvre les colonnes de son journal pour autant qu’ils signent leurs articles.
Malgré ses efforts (y compris le choix d’un pseudonyme masculin pour
obtenir l’autorisation de publier), Madame de Saint-Aubin renonce à son
entreprise journalistique pour écrire un roman, Le Danger des liaisons
(1763) *14.
En 1758, Marie-Jeanne Riccoboni publie L’Abeille, journal sur le
modèle du Spectator, puis l’intègre à plusieurs livraisons du Monde comme
il est de Jean-François de Bastide 87, avec une première ébauche des Lettres
d’Adélaïde de Dammartin, comtesse de Sancerre (1767), imaginé comme
une suite à La Vie de Marianne de Marivaux ; dans sa correspondance avec
Bastide, elle demande que son sexe soit tenu secret et que ses publications
demeurent anonymes. Irritée de ne pas avoir pu poursuivre la publication de
son propre périodique, elle expose les difficultés d’un projet plus féministe
que ne le laissent entendre ses romans 88, et insiste avant tout sur la nécessité
d’une solide éducation pour les filles : « Nous, négligées de nos pères, trop
souvent regardées comme des êtres inutiles, à charge, qui viennent enlever
une portion de l’héritage d’un fils […] on nous abandonne aux soins d’une
vieille femme de chambre 89. »
Les quatre fragments indépendants que Riccoboni fait paraître (qui
portent sur le choix du nom l’Abeille, un conte de fées mettant en scène un
jeune homme qui recouvre la vue, une critique des valeurs patriarcales et
une histoire de jeunes mariés et de guerre) ont pour fil rouge l’ambiguïté
sexuelle de la voix narrative. « Je tais mon sexe, seulement pour laisser le
plaisir de le deviner 90 », écrit-elle. La question de savoir comment mêler le
privé et le public dans une publication journalistique, de même que celles
de la traduction en tant qu’adaptation et de la continuation d’œuvres
romanesques inachevées convergent manifestement dans son cas.

Journal des Dames et Correspondance littéraire

Que veulent les femmes, et que peuvent-elles faire en tant que


journalistes ? Le Journal des Dames a connu de multiples inflexions, d’un
ton léger, et assez condescendant, à un ton sensiblement plus engagé. En
1759, son fondateur et rédacteur en chef, Charles Thorel de Campigneulles,
entend offrir aux dames un « rien délicieux » pour les amuser dans leur
ennui, ciblant clairement les « esprits mineurs ». Les lectrices s’insurgent
rapidement contre de tels partis pris, mais aussi contre les poèmes publiés,
de qualité médiocre quand ils ne sont pas franchement grivois. Elles
souhaitent lire des choses plus sérieuses et se mettent à envoyer à l’éditeur
des textes de meilleure qualité ; c’est le cas de Madame de Beaumer ( ?
-1766) et de Madeleine de Puisieux. Campigneulles ne fait pas long feu à la
direction du périodique 91. Après lui, trois femmes vont assurer la direction
du Journal des Dames : Beaumer elle-même, à partir de 1761, puis
Catherine de Maisonneuve (17 ?-1774) et Marie-Émilie de Montanclos
(1736-1812).
Bien que l’on sache très peu de choses sur Madame de Beaumer, sa
position avouée à la tête d’une publication qui se veut désormais
progressiste ne laisse aucun doute quant à ses convictions :
L’honneur de la Nation semble intéressé à la continuation du Journal des
Dames… Ce début est singulier, ridicule, absurde… Arrêtez, Messieurs les Critiques,
sachez que c’est une Femme qui parle, qu’elle s’est chargée du soin de ce Journal et
qu’elle n’en saurait dire assez en faveur de ce sexe, qui peut-être a seul le droit de
vous adoucir […] Je n’ai d’autre mérite que celui de connaître tout ce que vaut mon
sexe, et de vouloir contribuer à sa gloire et à son amusement. Que je serai heureuse de
pouvoir le venger de cette idée injurieuse où sont encore quelques barbares parmi nos
92
Concitoyens qui ont de la peine à nous accorder la faculté de penser et d’écrire !

Elle conçoit le Journal comme un service à l’égard du public et plaide


pour la tolérance religieuse ; elle dénonce l’ambition, de même que
l’inégalité des sexes ; elle prétend plus loin dans son propos que seules les
femmes sont capables d’humanité une fois nommées à la tête d’un pays 93.
Beaumer publie une lettre de Mme *** à Mlle ***, dans laquelle elle
encourage les femmes auteurs et les artistes ; leur œuvre survivra à leur
beauté : « Croyez-vous que, si les Dacier, les Du Châtelet, et les Du Bocage
avaient beaucoup d’imitatrices, les hommes seraient aussi présomptueux,
aussi insolents, tranchons le mot ? », demande-t-elle. « Courage Mesdames,
point de quartier, faisons […] voir que nous pouvons penser, parler, étudier,
critiquer comme eux […] J’attends cette révolution avec impatience. Je
m’efforcerai d’être une des premières à l’exciter 94. » Elle espère que l’on ne
dira bientôt plus que les femmes se soucient seulement de leur apparence,
mais qu’elles se trouveront entourées, non plus de « toiletteries », mais de
livres, ceux de Racine, Corneille, Crébillon, Voltaire et Montesquieu (elle
ne mentionne pas de femmes auteurs).
Pendant le temps où elle dirige le Journal, elle publie des éloges de
grandes figures féminines du passé. Quand elle loue ses contemporaines,
elle ne formule pas pour autant une théorie de l’exception ; elle reconnaît et
encourage les réalisations de femmes moins visibles, de tous les métiers et
de toutes les origines, mais elle omet parfois de signaler aussi la production
de romancières de son temps 95. Le pouvoir royal voit d’un mauvais œil de
tels sujets, la considère comme une « fauteuse » de trouble, mais,
curieusement, ne s’offusque pas de ses positions éclairées concernant les
femmes. Diffusé en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Russie, pays en
guerre avec la France, le Journal des Dames dirigé par Beaumer finit par
éveiller la méfiance du pouvoir et des censeurs, qui interviennent pour
limiter ses propos sur la politique, mais non ses convictions féministes.
Le Nouveau Journal des Dames, dont elle se proclame haut et fort
l’« autrice » et l’« éditrice », voit le jour en 1762, une fois que Beaumer
s’est établie en Hollande (ill. 4). Catherine de Maisonneuve, dont la famille
appartient au milieu de la finance, relance le périodique, le rapatrie de
La Haye à Paris (où il est publié par Panckoucke), lui donne une inflexion
conservatrice, et réussit à attirer de nombreux souscripteurs. Même si elle
continue de plaider pour l’activité intellectuelle des femmes, en
collaboration avec les hommes, elle demeure convaincue que celles-ci ne
doivent pas s’occuper de politique, et se félicite d’avoir sauvé le journal de
l’influence de Beaumer. Elle s’acquiert la collaboration de Joseph Mathon
de La Cour qui, convaincu que les lectrices veulent également être
entretenues des mêmes sujets que les hommes (il présume ainsi de leur
égalité), s’attache davantage aux questions regardant la politique,
l’économie, l’industrie, la science et les phénomènes naturels, accompagnés
de faits divers, ceci afin d’alléger la lecture du Journal.
4. Mme de Beaumer, Nouveau Journal des dames dédié à son altesse sérénissime
e
Mademoiselle de Condé, La Haye, mars 1762, t. I, 3 partie. Page de titre.

Le Journal s’interrompt entre 1769 et 1774, à la suite de l’arrivée au


pouvoir de René de Maupeou, Joseph Terray et Antoine de Sartine,
ministres qui inaugurent une période de musellement de la presse ; les
opinions de Mathon sont jugées subversives. Ce dernier a néanmoins réussi
à inclure les femmes dans une culture en cours de transition, où la
contestation, la discorde et la provocation sont imaginables. Beaumarchais
de son côté rédige une série de mémoires dans lesquels il ne mâche pas ses
mots à l’égard du pouvoir et qui lui valent pourtant l’appui du prince de
Conti et de Marie-Antoinette. Tentant d’exercer quelque influence sur la
culture à défaut de pouvoir agir sur la politique, la reine approuve en 1773
le prospectus qui annonce la publication d’un nouveau Journal des
Dames 96.
Marie-Émilie de Montanclos, résidant à Aix-en-Provence, se distingue
par son indépendance d’esprit mais apparaît d’un caractère plus égal que
Beaumer. Elle estime par ailleurs que les femmes ont le droit de mener de
front une carrière de journaliste et de dramaturge. Dix ans après la
publication de La Nouvelle Héloïse de Rousseau, elle défend l’importance
des femmes dans la société et de leur rôle dans la famille en qualité de
mères : en 1774, elle se qualifie de « Jean-Jacques du sexe féminin 97 ». À la
différence de Rousseau toutefois, elle soutient que la participation des
femmes à la sphère privée et à la sphère publique est possible. Pour elle, ses
responsabilités de mère de famille et ses activités de journaliste n’ont rien
d’incompatible. En tant que directrice d’une publication d’envergure, elle
appelle les femmes à s’instruire afin de remplir leurs multiples rôles, de
mères, filles, épouses et citoyennes, et presse ses lecteurs et lectrices de
reconnaître le bien-fondé d’une telle situation. Elle écrit :

Ce n’est pas moi qui veux briller, mais c’est moi je l’avoue qui veux forcer les
normes et rendre aux femmes la justice que les hommes leur refusent comme à plaisir.
Qu’importe à notre gloire qu’ils adorent les charmes que la nature nous a donnés s’ils
veulent dénigrer les vertus ou les talents que le ciel nous a départis. Je veux faire
savoir que nous pouvons tout savoir car notre esprit est ardent et flexible. Que nous
pouvons faire tout le bien dont l’humanité est capable parce que notre âme nous y
porte, et je me promets bien de ne pas tarir sur les preuves. Rien ne me paraîtra plus
digne du prix de mes travaux que les hommages que j’aurais acquis aux femmes
étrangères et nationales. Je les invite avec insistance à me seconder et à ne point
98
écouter une timidité nuisible .

Montanclos s’indigne par ailleurs du musellement de la presse. Elle


encourage les femmes à s’exprimer et associe ainsi au périodique le thème
plus large de « résistance », ce qui est loin de faire l’unanimité : Marie-
Antoinette souhaite une revue consacrée à la mode tandis que Madame du
Deffand condamne l’existence d’un tel journal. Montanclos acquiert un
privilège royal et met ainsi le périodique à l’abri des contrefaçons et de la
censure. Lorsqu’elle décide de vendre le Journal à Louis-Sébastien Mercier,
elle fait en sorte d’obtenir les pouvoirs de son mari 99, signe que
l’indépendance juridique et les droits réclamés par les femmes prennent
quelque consistance ; elle ne doute pas que son entente intellectuelle avec
Mercier sera la garantie de la poursuite de la ligne éditoriale qu’elle a
choisie.
Beaucoup plus connue, la Correspondance littéraire est diffusée sous
forme clandestine par Friedrich Melchior, baron de Grimm, qui l’a reprise à
son fondateur, l’abbé Raynal, en 1748. Grimm en est le rédacteur entre
1753 et 1773, après quoi il cède la main à Jacques-Henri Meister. Une
partie de la rédaction de cette Correspondance est confiée à Louise
d’Épinay et à Denis Diderot. Circulant dans l’Europe entière, les lettres
servent de vitrine à l’esprit des Lumières ; elles s’adressent à des
souscripteurs au nombre très restreint mais éminemment distingués, parmi
lesquels Frédéric II de Prusse, la reine de Suède, Louise-Ulrique, sœur de
Frédéric, le grand-duc Léopold de Toscane, le roi de Pologne, Stanislas
Poniatowski, et l’impératrice de Russie, Catherine II. Les lettres informent
un lectorat international de l’actualité littéraire, culturelle (musique,
peinture, philosophie, science, économie, pédagogie) et intellectuelle à
Paris, la ville étant alors la capitale culturelle de l’Europe, et le français la
langue la plus communément lue. Elles comportent des articles, des
transcriptions de conférences, des critiques de livres et de pièces de théâtre,
des comptes rendus d’exposition, des essais, des lettres et de la poésie
— les Salons de peinture de Diderot y sont intégrés de 1759 à 1781, au
rythme de deux par an.
Plus discrètes sont les contributions de Louise d’Épinay, durant vingt
ans collaboratrice aussi indépendante qu’indispensable. C’est elle qui
sollicite des articles, rédige, met en forme, coécrit ; elle tient même le rôle
de seule et unique rédactrice en chef de 1771 à 1772, en l’absence de
Grimm. Lié à elle de longue date, Grimm n’a jamais mentionné la
collaboration considérable d’Épinay à la Correspondance, même à
l’occasion de l’éloge funèbre qu’il a rédigé à sa mort. Sa contribution est
pourtant irremplaçable au vu des ambitions de semblable publication. Les
articles les plus marquants de Louise d’Épinay sont écrits entre 1756 et
1761, puis entre 1771 et 1775 ; beaucoup ne sont pas signés, d’autres sont
simplement attribués à Mme ***. Pendant la première période, elle publie
de nombreux textes personnels (extraits de lettres à ses amis, de Lettres à la
gouvernante de ma fille, 1756, et de Lettres à mon fils, 1756-1758) ; ses
contributions plus tardives consistent pour l’essentiel en recensions
théâtrales et en articles touchant à la politique, l’économie et la pédagogie
(une partie de ses Conversations d’Émilie figure aussi dans la
Correspondance), en comptes rendus d’ouvrages *15.
Louise d’Épinay a notamment recensé De l’homme d’Helvétius et
Observations sur les commencements de la société du professeur écossais
John Millar, faisant au passage l’éloge du Discours sur l’inégalité de
Rousseau, l’année même où celui-ci l’éreintait dans ses Confessions. Dans
son compte rendu de l’Éloge de Colbert de Jacques Necker, elle plaide,
sous le couvert de l’anonymat, pour une redistribution radicale de la
fortune. Fidèle à son impartialité, et malgré ses réserves sur le « Croquis
d’un dialogue sur les femmes » de son ami et correspondant, l’abbé Galiani,
elle n’en publie pas moins son intervention dans une discussion sur la
nature des femmes qui privilégie clairement la thèse de leur infériorité
physique. Peu disposée à se mettre en avant, Épinay n’en fait pas moins
progresser la cause des femmes comme celle des philosophes grâce à sa
participation à la Correspondance littéraire, participation qui ne sera
toutefois portée à la connaissance du public qu’à partir de 1812.

D’autres tentatives, et des chiffres


Avec la disparition du Journal des Dames (1777), les projets de création
d’une publication conçue par des femmes pour les femmes se raréfient.
Adélaïde Dufrénoy (1765-1825) publie le Courrier lyrique et amusant ou
Passe-temps des toilettes, également appelé L’Hebdomadaire des femmes
(1785-1789), proposant de la musique et de la poésie, des anecdotes
françaises, anglaises et italiennes, auxquelles s’ajoutent des commentaires
sur la mode masculine, mais qui ne traite pas de politique.
L’ancienne actrice Madeleine-Joseph Fauconnier (1725-1784) acquiert,
avec l’aide de Charles Palissot auquel elle est alors liée, un privilège pour la
publication du Journal des deuils (1761-1764). Fondatrice de ce journal et
sa rédactrice principale, elle annonce les décès à la Cour et les commente ;
disposant de revenus confortables, elle donne plus d’ampleur à son sujet, et
poursuit en publiant Ordre chronologique des deuils (1766) qui inclut des
éloges funèbres rédigés par Palissot, puis d’autres publications encore, tel le
Journal de Paris, jusqu’en 1789.
Lorsque Charlotte d’Ormoy (1732 ?-1791) reprend le Journal de
Monsieur (1778-1780), la revue a déjà publié des articles très divers, parmi
lesquels un débat sur les Anciens et les Modernes. Les contributions portent
également sur des questions d’actualité, dont l’actualité littéraire ; elles
comptent de même des recensions de livres et de pièces de théâtre, ainsi que
des « poésies fugitives ». Déjà auteure d’un roman d’éducation qui connaît
un grand succès (Les Malheurs de la jeune Émélie, pour servir d’instruction
aux âmes vertueuses et sensibles, 1777), la présidente d’Ormoy 100 s’attire
des éloges ambigus dans les Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la
république des lettres… (1762-1787) de Bachaumont :

Entre tous les Journaux dont nous sommes inondés, le Journal de Monsieur est
sans contredit le meilleur actuellement, soit par le choix et la variété des pièces, soit
par une hardiesse un peu plus grande dans les censures. Il fait honneur à Mad. la
Présidente Dormoy, d’autant plus qu’on n’avait pas une haute opinion de cette femme
auteur. Il est vrai qu’elle a soin de n’y rien mettre du sien ; mais au moins doit-on lui
savoir gré de s’être donné des coopérateurs en état de jeter de l’agrément, de
l’instruction et du piquant dans son Journal, surtout d’éviter cette partialité, défaut
101
dont sont infectés tous les autres .

Que l’auteure n’ait pas publié d’autres ouvrages ni donné au Journal un


ton personnel est considéré comme un point positif. Si cette publication ne
semble guère avoir rencontré de succès, n’ayant jamais trouvé vraiment sa
place et son public, Frédéric de Prusse ainsi que les colons américains en
ont toutefois eu connaissance 102.

I. Femmes journalistes, 1789-1800.

Le graphique montre le nombre de femmes journalistes françaises


produisant des périodiques entre 1789 et 1800 ; l’activité de dix-sept d’entre
elles est confirmée (dont celle de Leprince de Beaumont, Charrière,
Dufrénoy, Keralio et Staël) ; deux d’entre elles publient en Suisse. Ces
femmes se répartissent en deux groupes : le premier écrit entre 1789 et
1792 ; le second prend la plume à partir de 1797 mais son nombre décline
vers 1800.
Les journalistes du premier groupe ont toutes cessé d’écrire quand
celles du second prennent la relève, même si l’une d’entre elles au moins
(Keralio) échappe aux violences révolutionnaires. Les nouvelles venues de
la période 1789-1790 sont environ deux fois plus nombreuses que leurs
homologues d’avant la Révolution ; on peut citer Leprince de Beaumont,
Louise de Keralio, Cornélie de Vasse (1737-1802) et Madame Mouret. En
1793, aucune d’elles ne continue à publier.
Au siècle précédent, très rares ont été leurs consœurs à rester plus de
deux ans en activité, mais la vague de 1789 à 1792 correspond à la période
révolutionnaire : les femmes n’ont jamais été si nombreuses, en effet, à
s’engager dans le journalisme, même si elles y renoncent ensuite. Sophie de
Grouchy fonde Le Républicain en 1791 avec son mari ; elle y diffuse des
vues radicales sur l’institution républicaine, notamment avec la
collaboration du girondin Jacques Brissot et de Thomas Paine, qu’elle est
en train de traduire. La publication de ce journal cesse au bout d’un mois,
les auteurs craignant pour leur vie après les massacres du Champ-de-
Mars 103. La seconde vague compte davantage de journalistes (dix), certaines
surtout connues par leur production dans d’autres genres, à commencer par
Isabelle de Charrière et Germaine de Staël.
II. Journaux publiés ou rédigés par des femmes, 1789-1800.

Ce graphique montre le nombre de périodiques publiés ou rédigés par


des femmes entre 1789 et 1800. Plusieurs d’entre elles publient dans
différents journaux (les périodiques dont le titre change ne sont comptés
qu’une seule fois). Louise de Keralio, par exemple, cofonde, avec son père
et son mari, un journal politique, Le Journal d’État et du citoyen, dont elle
est la rédactrice principale (il paraît d’août à décembre 1789) ; elle écrit
ensuite régulièrement dans le Mercure national et Révolutions de l’Europe
(publication qui, par son titre, se pose en concurrent du puissant Mercure de
France de l’Ancien Régime), soit un total de 204 numéros (à un rythme
d’abord hebdomadaire, puis bi-hebdomadaire et enfin quotidien) et 6 700
pages de contenu politique, culturel et judiciaire 104. Résolument
républicaine, la publication ne touche néanmoins que peu de lecteurs.
Même à cette époque, déterminante pour la revendication de l’égalité,
Louise de Keralio soutient le paradoxe selon lequel les femmes doivent
publier mais sans pour autant s’impliquer activement dans la sphère
publique. Elle se prononce pour une distinction rigoureuse entre les
capacités des femmes (en particulier dans le domaine de la littérature) et
leur place dans l’espace public. Contestant les positions de Condorcet ou
celles d’Etta Palm (1743-1799, espionne d’origine hollandaise qui crée le
premier cercle politique uniquement constitué de femmes, les Amies de la
Vérité), elle récuse la participation des femmes à la vie politique et de
même l’égalité de leurs droits, alors même que tout le monde s’accorde sur
le besoin de maintenir les femmes dans leur rôle traditionnel. Sa Collection
des meilleurs ouvrages français, composés par des femmes (un ensemble de
douze volumes publiés entre 1786 et 1788) se propose pourtant de valoriser
et de faire connaître les œuvres marquantes des femmes au fil de l’histoire ;
dans sa vaste anthologie, elle inclut par exemple des extraits de La Cité des
Dames de Christine de Pizan (1364-1430).
Le graphique II compte également trois périodiques, tous publiés très
vraisemblablement en 1790, et rédigés par des sociétés de femmes : Les
Événements du jour, par une société de citoyennes, La Feuille du soir, par
une société de femmes de lettres, Le Véritable Ami de la reine, ou Journal
des Dames, par une Société de Citoyennes. Jusqu’en 1793, la plupart des
périodiques traitent bien entendu de politique, à l’exception de
l’hebdomadaire littéraire d’Adelaïde Dufrénoy, créé en 1785 et qui disparaît
en 1789. En 1793, les sociétés composées exclusivement de femmes sont
interdites, ce qui rend impossible toute publication de ce type. Les femmes
perdent leurs droits politiques, mais leur droit à ce que Kant appelle la
« raison publique », c’est-à-dire l’aptitude à écrire et à penser librement, ne
s’éteint pas pour autant. Aucun périodique ne paraît en 1793 ; un seul est
publié à Lausanne entre 1794 et 1796, après quoi la presse entre dans une
nouvelle phase d’expansion. La seconde vague de femmes journalistes
publie en majorité des périodiques littéraires ; on recense également
quelques feuilles politiques éphémères, leur durée de vie n’excédant
généralement guère deux mois.
À l’évidence, dans une profession très largement masculine, les femmes
figurent comme autant d’exceptions. Elles expriment des opinions
divergentes, qui vont du conservatisme le plus manifeste au féminisme le
plus radical et à l’engagement républicain. Leur attitude souligne ainsi la
complexité d’un siècle où les idées changent peu à peu sur bien des points.
Si, malgré tout, écrire a été possible, l’égalité en revanche continue de
demeurer un souhait non réalisé.

*1. Voir « La fin de la Renaissance », chap. I.


e
*2. Voir XIX siècle, chap. IV.
e
*3. Voir XIX siècle, chap. II.
e
*4. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. II.
*5. Voir infra, chap. II.
*6. Rien sans doute n’éclaire aussi bien la position complexe de Louise d’Épinay que son
ouvrage Histoire de Madame de Montbrillant, vraisemblablement terminé vers 1762 et auquel
elle n’a pas donné de titre (c’est sous celui de Mémoires et correspondance de Madame
d’Épinay qu’il sera publié pour la première fois en 1818, sensiblement réduit et modifié). Il
faudra attendre près de deux siècles pour qu’une édition complète, revue sur les manuscrits
conservés, paraisse enfin. Roman (épistolaire) à clefs, roman de mœurs, autobiographie
déguisée, « contre-confessions » imaginées en réponse à celles de Rousseau ? Si Histoire de
Madame de Montbrillant emprunte à la lettre (véritable) et au roman par lettres, s’il plaide le
vrai et le faux aimanté par la querelle qui oppose à Rousseau son auteure et ses amis, il n’en
raconte pas moins la vie d’une femme qui ressemble trait pour trait à Louise d’Épinay et
constitue un document inestimable sur les Lumières et ses principaux acteurs. Par le choix
même d’une forme difficilement identifiable, il rappelle la place problématique qu’occupent les
femmes dans le domaine des lettres, leurs réticences à poser en « auteur » comme à raconter leur
vie. Voir Les Contre-Confessions. Histoire de madame de Montbrillant, éd. Élisabeth Badinter,
Paris, Mercure de France, coll. Le Temps retrouvé, 1989.
e
*7. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. III.
*8. Dans sa pièce-charge intitulée Les Philosophes (1760), Charles Palissot laisse entendre
que les hommes de lettres exploitent les salonnières en mangeant à leur table et en les payant de
mots creux tout en s’en moquant, et que celles qui publient font en réalité écrire leurs ouvrages
par les auteurs qui fréquentent leur salon.
e
*9. Voir XIX siècle, chap. III.
e
*10. Sur Germaine de Staël, voir XIX siècle, chap. V.
e
*11. Voir XIX siècle, chap. IV.
e e
*12. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. III, et XIX siècle,
chap. III.
e
*13. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. IV.
*14. Voir à ce propos infra, chap. II.
*15. Dans un compte rendu des Confidences d’une jolie femme (1775), Louise d’Épinay
raconte que, lorsque Mademoiselle d’Albert fut contrainte d’avouer être l’auteure d’un premier
roman paru anonymement, « fort gai, fort plaisant », mentionnant des gens importants et des
faits récents, elle se trouva dans une situation périlleuse : son roman fut saisi (tous les
exemplaires furent rachetés au libraire) et elle-même envoyée à la Bastille ; relâchée grâce à
l’intervention de Marie-Louise de Rohan (1720-1803), elle se retira ensuite dans un couvent.
Après avoir révélé ce que risque une femme auteur, Louise d’Épinay rend compte du deuxième
livre d’Albert, et salue « une vérité, une finesse, une délicatesse dans les détails, qui supposent
dans l’auteur une grande connaissance du cœur humain » (Correspondance littéraire, op. cit.,
t. VIII, p. 440-441, janvier 1775). Le Journal des savants (janvier 1771, p. 12) rapporte une
autre anecdote sur les dangers de la publication : en 1749, Jeanne de Montégut-Ségla (1709-
1752) remet quelques-uns de ses manuscrits à un imprimeur avant de les récupérer et de les
brûler en partie en rentrant chez elle. Le Journal publiera ensuite une critique positive des
Œuvres mêlées de madame de Montégut (Desaint, 1768) publiées, à titre posthume, par son fils.
Chapitre II
ÉGALITÉS

Le genre masculin ne sera plus regardé, même dans la grammaire,


comme le genre le plus noble, attendu que tous les genres, tous les
sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles.

« Requête des femmes de l’Assemblée


1
nationale », article 3, 1792 .

TRADUIRE POUR SE FAIRE ENTENDRE

Pour les femmes auteurs du XVIIIe siècle, la traduction représente une


forme de contrat tacite les autorisant à écrire un texte nouveau, conforme à
sa source, qui assure l’arrivée de l’original dans une langue et un contexte
culturel différents. Hier comme aujourd’hui, la traduction ne se limite pas à
passer du sens littéral du texte d’une langue à l’autre ; c’est un acte de
communication et de transmission, de transformation de l’original sous la
double action de la lecture et de l’écriture. Comme l’observe Walter
Benjamin, une sorte de génie philosophique est à l’œuvre dans la
traduction 2. Les femmes auteurs, d’Anne Dacier à Sophie de Condorcet, ne
se sont pas vantées de leurs prouesses (en particulier dans les préfaces de
leurs traductions), préférant tenir compte des contraintes sociales imposées
à leur sexe et craignant en retour une réaction négative sur leur travail.
Cédant au plaisir rhétorique de la prétérition, elles ont prétendu, puisqu’il
était entendu que les femmes manquent de génie, choisir la traduction, s’en
servant pour mettre en évidence leur incontestable talent dans le domaine de
la création littéraire. Anne-Marie Du Bocage ou Émilie du Châtelet ont,
avec bien d’autres, compris l’importance de leur travail : depuis la
Renaissance, les traductions des textes classiques grecs et latins en langues
vernaculaires faites par des femmes font autorité 3.
À une époque où les disciplines d’aujourd’hui cohabitent encore sous le
nom de « littérature », les traductrices considèrent toutes sortes de sujets, du
chef-d’œuvre de Milton, Le Paradis perdu, à l’innovation scientifique que
constituent les Principia de Newton ou encore à la philosophie morale et
politique d’Adam Smith ; elles traduisent toutefois presque toujours des
auteurs masculins. Nombre d’entre elles ont l’impression de trouver une
voix, et un public, « genrés » dans nombre de cas, à travers les
traductions qu’elles proposent. Même lorsqu’elles ne signent pas leurs
traductions, elles en attribuent souvent le mérite à quelque « Mme de
*** » 4.
Si, comme l’attestent les dictionnaires, le terme « traduction » désigne
en 1694 la version obtenue après la transposition d’une langue à l’autre, en
1762 il signifie également l’apport du traducteur ou de la traductrice au
texte traduit 5. Le terme implique une idée de transfert, de déplacement, de
la translatio antérieure (dont le terme anglais est issu), il fait de l’écriture
un acte de transformation 6. Quand la traduction devient une adaptation, elle
le fait soit en acclimatant une pensée étrangère (principalement anglaise au
e
XVIII siècle) pour un public français dont le goût est français, soit en
conférant au texte une certaine « étrangeté » au moyen de différences
linguistiques et culturelles 7. De nombreuses traductions choisissent la
première option, recourant à l’adaptation, à la délocalisation, voire à la
réécriture, dans la tradition des belles infidèles 8 — ainsi Voltaire par
exemple, quand il choisit d’introduire en France des traductions peu
rigoureuses pour servir ses idées, donnant à Shakespeare un ton plus
philosophique et se gardant d’éclaircir les références à la Bible pour mieux
les tourner en ridicule 9 ; les romans, en revanche, recourent souvent à la
seconde, ainsi qu’on le verra dans la troisième partie.
De quelle manière ces traductrices ont-elles envisagé leur activité
comme une entreprise littéraire ? À l’instar de beaucoup d’autres, Émilie du
Châtelet la considère explicitement comme la tâche la plus noble que les
femmes puissent ambitionner, alors même qu’elle est l’auteure d’une œuvre
personnelle admirable bien qu’insuffisamment reconnue (Institutions de
physique, Sur la liberté et Du bonheur). Certaines donnent à la traduction
une dimension éducative : elles destinent leur travail à des lectrices qui
n’auraient pas eu accès sans cela aux ouvrages qu’elles ont traduits. À une
époque où l’éducation des garçons comprend l’apprentissage du latin et du
grec, langues quasiment absentes de l’éducation des filles, la traduction
permet aux textes anciens de trouver un lectorat plus important, celui qui est
privé d’instruction dans ce domaine, et de circonvenir l’idée selon laquelle
les langues anciennes constituent une sorte de code pour l’élite
intellectuelle masculine. Considérée ainsi, la traduction marque le début de
la démocratisation de la lecture et de l’écriture, et de sa diffusion à l’échelle
du monde. Pour des auteures comme Dacier et Du Châtelet, la traduction
permet d’intervenir, pourvues d’arguments solides, dans les controverses du
temps, la Querelle des Anciens et des Modernes pour la première, l’avenir
de la science et de la philosophie pour la seconde.

La femme savante :
pour ta gouverne, Molière !

e
Ainsi que les pages consacrées au XVII siècle l’ont rappelé *1, Anne
Dacier est peut-être la plus illustre « femme savante » de son temps, une
femme « hors pair » qui défriche le terrain en qualité de philologue et de
traductrice de la prose grecque en français. Elle fait paraître ses traductions
de l’Iliade en 1711 et de l’Odyssée en 1716 de même que des traductions
d’œuvres de Sapho et d’Aristophane. Elle choisit ainsi de s’inscrire dans
une longue tradition, remontant à l’Antiquité, et de la transmettre en prenant
une part active à la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes : elle y
défend avec énergie les auteurs anciens.
Anne-Thérèse de Lambert voit en Madame Dacier un modèle pour
toutes les femmes :

Notre Sexe lui doit beaucoup : Elle a protesté contre l’erreur commune qui nous
condamne à l’ignorance. Les hommes autant par dédain que par supériorité, nous ont
interdit tout savoir : Mad. [Dacier] est une autorité qui prouve que les femmes en sont
capables. Elle a associé l’érudition et les bienséances : car à présent on a déplacé la
pudeur. La honte n’est plus pour les vices ; et les femmes ne rougissent plus que de
leur savoir. Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenait captif sous ce préjugé ; et
10
elle seule nous maintient dans nos droits .

Si, dans aucun de ses ouvrages publiés, Dacier ne fait état de son
opinion sur les femmes, le mariage ou la société, les annotations qui
accompagnent sa traduction de l’Odyssée témoignent néanmoins de son
attention à de tels sujets : « Homère était donc persuadé qu’une femme
prudente et habile est un présent du ciel », note-t-elle par exemple, avant de
comparer cette affirmation à une citation de Salomon dans le Livre des
proverbes : « Une femme sage construit sa maison ».
Dans ses Réflexions nouvelles sur les femmes, Anne-Thérèse de
Lambert n’est pas timide non plus, et récuse le dénigrement traditionnel à
l’égard des femmes instruites. L’ouvrage, publié en 1727 sans son
autorisation, constitue un manifeste pour la seconde vague de la
« préciosité ». Elle fustige Molière, qui a ridiculisé les « femmes savantes »,
et qui a rendu aussi honteux le « savoir des femmes qu[e les] vices qui leur
sont le plus défendus ». Lorsque les lettres et le savoir sont ainsi
dévalorisés, le désordre s’installe, écrit-elle, et de demander sur le mode de
l’interrogation rhétorique pourquoi les femmes ne peuvent pas dire aux
hommes : « Quel droit avez-vous de nous défendre l’étude des sciences et
des beaux-arts ? » Elle ne se fait pas seulement l’avocate du droit des
femmes à l’instruction ; elle défend aussi l’importance, pour tous, du goût,
de la sensibilité, de l’esprit et de l’imagination. « Une dame », écrit-elle
sans nommer Dacier, soutient que le goût est « une harmonie, un accord de
l’esprit et de la raison… ». Sans la supériorité de l’« esprit » résultant de la
« sensibilité » et sans la force de l’imagination, il n’est ni humanité ni
générosité 11. Lorsqu’ils critiquent les « mœurs » des femmes, les hommes
sont tout aussi blâmables de s’être éloignés de celles-ci ; la « politesse, la
« douceur » et la « fine délicatesse » des femmes leur seraient fort
profitables. Lambert déplore la disparition de l’« ancienne galanterie »
même si elle comprend qu’un changement s’impose.
Comme pour les romancières du début du siècle (Tencin, par exemple),
le travail des femmes que nous venons d’évoquer se trouve pris dans les
turbulences de la transition entre Anciens et Modernes, et dans ce que cette
transition a signifié pour les femmes auteurs en particulier.

D’un domaine à l’autre

Les travaux récents ont dégagé la personne et l’œuvre d’Émilie du


Châtelet de l’ombre de Voltaire, avec lequel elle a collaboré activement et
auquel elle a été longuement liée, résidant avec lui (avec le consentement
tacite de son mari) dans sa propriété de Cirey, en Lorraine 12. Saluée de son
vivant comme une vraie femme de sciences dans un monde dominé par les
hommes, elle se qualifie de « géomètre » et de « physicienne », ses travaux
œuvrant à rapprocher les sciences exactes de la pensée humaniste. Admirée
pour son intelligence et son instruction, elle est raillée pour son ambition à
vouloir être reconnue et comptée au nombre de l’élite culturelle
européenne 13, au centre de laquelle se trouve Voltaire. Émilie du Châtelet
vit à une époque où la philosophie aristotélicienne a perdu sa valeur de
référence, où celle de Descartes, après s’être un moment imposée, est
remise à son tour en question, où une philosophie expérimentale
(empirique) prend une importance grandissante, en Grande-Bretagne
comme en France, en même temps que s’élaborent des modèles
mathématiques pour l’étude de la nature. Prodige des mathématiques à
l’avant-garde de la physique newtonienne, Émilie du Châtelet s’intéresse
aussi à Leibniz (futur adversaire de Newton sur la question de l’espace-
temps), à une période où la pensée de Newton n’est pas encore
universellement acceptée. Quand la traduction de Il Newtonianismo per le
dame (1737) paraît à Paris en 1739, elle reproche à son auteur, le célèbre
érudit vénitien Francesco Algarotti, d’avoir choisi un traducteur (Castera) et
un dédicataire (Fontenelle), adversaires de Newton 14 ; elle écrit à son
propos : « Ce n’est ni comme femme, ni comme newtonien qu’il a eu cet
hommage. Il n’est pas plus l’un que l’autre 15. » Les traducteurs, juge-t-elle
avec d’autres, doivent se trouver d’accord avec l’auteur qu’ils traduisent,
leur rendant ainsi hommage.
Émilie du Châtelet affirme par ailleurs que la traduction-adaptation lui
offre un moyen d’exprimer ses propres idées : d’abord avec The Fable of
the Bees (1714) de Bernard Mandeville, qui lui permet de participer à un
débat plus général sur le luxe, puis avec sa traduction des Principia de
Newton, qui demeure aujourd’hui encore la seule édition complète en
français 16. Sa connaissance des langues (latin, italien, anglais, flamand)
égale celle de ses homologues masculins. Elle engage Maupertuis comme
professeur particulier de mathématiques et correspond avec le maître de
celui-ci, Johann Bernoulli. C’est une femme exceptionnelle, dotée certes
des moyens financiers nécessaires pour développer ses dons comme elle
l’entend, mais dans le cadre des limites qui lui sont imposées : « Si j’étais
homme, je serais au mont Valérien avec vous, et je planterais là toutes les
inutilités de la vie. J’aime l’étude avec plus de fureur que je n’ai aimé le
monde, mais je m’en suis avisée trop tard », confie-t-elle à Maupertuis 17.
En traduisant La Fable des abeilles, Émilie du Châtelet souligne
l’importance de la traduction dans la diffusion de la littérature universelle.
Elle considère Mandeville comme une sorte de Montaigne anglais, et son
ouvrage « le meilleur livre de morale qui ait jamais été fait, c’est-à-dire
celui qui ramène le plus les hommes à la véritable source des
sentiments 18 ». Médecin d’origine hollandaise, ce dernier vit alors à
Londres et la traductrice maîtrise suffisamment la langue pour se risquer à
en donner une version en français. Elle adopte une conception libérale de la
traduction, c’est-à-dire qu’elle adapte le texte à la sensibilité française, tout
comme elle adapte en prose l’original en vers ; elle abrège certains passages
et signale les changements opérés avec des commentaires de son cru. Elle
se pose en « entrepreneur » de la pensée morale de Mandeville : « Les
traducteurs sont les négociants de la république des lettres 19 », affirme-t-
elle. Elle s’en remet au génie des grands hommes comme Voltaire et fait
l’éloge de la traduction, genre mineur bien qu’exigeant, et qui confère
moins de gloire. Elle n’en exprime pas moins sa gratitude à Coste, le
traducteur de Locke, pour avoir introduit la philosophie moderne en France
malgré son manque de connaissance de l’anglais (à l’époque, les Français
étudient moins l’anglais que les Anglais n’étudient le français, et disposent
de moins d’ouvrages traduits). Aux yeux d’Émilie du Châtelet, le
« traducteur infidèle » n’est pas celui qui s’écarte du texte original, mais
celui qui traduit mot à mot ou qui ne réussit pas à rendre l’éclat d’une
pensée dense.
Elle entend prouver qu’il est injuste d’exclure les femmes du domaine
scientifique en apposant son nom uniquement sur de bons livres. En réalité,
elle modifie considérablement le texte de Mandeville, se l’approprie
véritablement, mais finalement ne publie pas sa traduction. Elle écrit dans la
préface : « Je sens tout le poids du préjugé qui nous [les femmes] exclut si
universellement des sciences, et c’est une des contradictions de ce monde,
qui m’a toujours le plus étonnée, car il y a de grands pays, dont la loi nous
permet de régler la destinée, mais il n’y en a point où nous soyons élevées à
penser 20. »
Elle choisit ensuite de se mesurer à l’un des textes scientifiques les plus
difficiles et les plus novateurs de son temps : les Principia de Newton. Dans
l’éloge qu’il rédige à la mort d’Émilie du Châtelet en 1749, Voltaire loue
cette remarquable réalisation : « Cette traduction [des Principia] que les
plus savants hommes de France devaient faire, et que les autres doivent
étudier, une dame l’a entreprise et achevée, à l’étonnement et à la gloire de
son pays. » Il ajoute : « On a vu deux prodiges ; l’un que Newton ait fait cet
ouvrage, l’autre qu’une dame l’ait traduit et l’ait éclairci. » Voltaire loue
également les choix opérés par la traductrice : « c’est une femme savante »
qui ne parle de science qu’avec savants et se protège ainsi de la curiosité
publique 21 ; elle écrit avec tant de précision, tant d’exactitude qu’elle se
règle sur des modèles masculins (les philosophes Pascal ou Nicole) et non
féminins (Madame de Sévigné), encore qu’elle sache juger des sentiments
— alors qu’elle terminait sa traduction, elle s’intéressait aussi aux
sentiments et à l’amour et rédigeait Du bonheur.
C’est à Émilie du Châtelet que l’on doit l’introduction courageuse de la
philosophie naturelle dans la République des Lettres. À cet égard, elle joue
un rôle de premier plan dans le passage de l’adhésion massive à la physique
telle qu’elle est conçue par Descartes à celle de Newton. En 1740, elle a
publié anonymement ses Institutions de physique sous la forme d’un
manuel pédagogique (à l’usage de son fils) ; elle y donne une base aux
travaux de Newton en y intégrant la pensée de Leibniz et de Wolff. Dans sa
traduction magistrale des Principia, qu’elle dépose à la Bibliothèque du roi
juste avant sa mort, elle procède à une véritable édition et à une clarification
de l’original grâce à ses entretiens avec le mathématicien Alexis-Claude
Clairaut. C’est lui qui publie l’état final des Principes après avoir vu se
confirmer le retour de la comète de Halley en 1759 22. Émilie du Châtelet
nourrit manifestement de sa pensée l’Encyclopédie, sans jamais pourtant en
être créditée (à l’exception de l’article de D’Alembert sur la « philosophie
newtonienne »).
La qualité d’auteure et de traductrice des femmes a été souvent
estompée, voire effacée. Louise Colet (1810-1876) reprend la position
d’Émilie du Châtelet : « N’est-ce pas aux femmes qui tiennent une plume
de revendiquer ces touchantes et nobles mémoires trop souvent méconnues
par la postérité ? Les femmes sont un peu traitées par les historiens et par
les moralistes comme on traite les nations vaincues, c’est-à-dire que leur
personnalité s’efface, disparaît, ou tout au moins se confond dans celles de
l’homme qui les a dominées 23. »
À l’instar d’Émilie du Châtelet, Geneviève Thiroux d’Arconville (1720-
1805) est une femme fortunée que ses multiples intérêts intellectuels
conduisent à traduire des textes très divers, notamment des traités
scientifiques, des romans et de la poésie. Elle est également l’auteure
d’essais de morale, de pièces de théâtre et de poèmes. Son œuvre compte
quelque soixante-dix volumes, parmi lesquels sa traduction des Leçons de
chymie de Shaw (1759), ses Romans traduits de l’anglais (de George
Lyttelton et d’Aphra Behn, 1761) et Mélanges de poésie anglaise (1764),
son Essai pour servir à l’histoire de la putréfaction (1766) et sept volumes
de Mélanges de littérature, de morale et de physique (1775). Dans son
édition du Traité d’ostéologie tiré de l’Anatomy of the Human Bones de
Monro (1726), elle insère des commentaires et des illustrations, parmi
lesquelles le premier squelette féminin reproduit sous forme de gravure.
Elle adapte, reconstruit, ajoute des éléments propres à satisfaire ses lecteurs,
et fait entendre clairement sa voix d’auteure 24. Bien que ne résidant pas à
Paris, elle fréquente par ailleurs l’élite cultivée, littéraire et scientifique de
son temps, Voltaire, Diderot, Jussieu et Lavoisier.
Comme nombre de ses contemporaines, Geneviève d’Arconville ne
signe pas ses traductions, pas plus que ses écrits personnels, ayant
intériorisé l’opinion qu’on se fait des femmes savantes, même dans le cas
de quelqu’un d’aussi productif qu’elle l’a été. Pourtant reconnue pour ses
connaissances en chimie, elle permet d’entrevoir les contradictions
auxquelles se heurtent de nombreuses femmes auteurs des Lumières : si elle
est une femme de sciences, son esprit n’en est pas moins naturellement
porté à la religion (dans la veine janséniste) ; elle se présente comme une
adversaire du matérialisme et de l’anticléricalisme des penseurs de son
temps, tout en étant fermement convaincue que le savoir et la diffusion des
connaissances doivent participer au progrès moral de la société.
Comme c’est le cas pour Émilie du Châtelet, l’œuvre de Geneviève
d’Arconville est peu à peu sortie de l’oubli : elle s’est vue peu à peu
débarrassée des critiques et des attributions erronées qui ont été le lot de
bien des femmes auteurs dans l’histoire des arts et des sciences 25. Traduire a
permis à celles-ci de prouver leur originalité et leurs capacités
intellectuelles sans devoir affronter le scepticisme des hommes. Il est plus
difficile de rejeter une traduction sans autre forme de procès que de
critiquer un ouvrage original ; on peut éreinter un livre pour ses idées et son
style, alors que seul le style est en cause quand il s’agit de traduction. Le
défi que doivent relever les femmes auteurs ne tient pas au style, mais au
contenu de leurs ouvrages. Pourtant placée sous le signe des femmes (du
fait de son statut jugé secondaire), la traduction soulève une question plus
générale, celle de sa place dans un réseau qui lie culture, auteur(e),
traducteur ou traductrice, lecteur ou lectrice 26, ainsi que celle de la langue.

Des ouvrages anglais

Au milieu du XVIIIe siècle, la traduction de l’anglais en français est à la


mode. Elle s’apparente même à une sorte d’anglomanie. Avec le recul du
temps, on constate néanmoins que les traducteurs le plus souvent cités sont
des hommes. L’abbé Prévost signe la traduction de Clarissa de Richardson
en 1751, Desfontaines celles de Joseph Andrews de Fielding en 1743 et de
Gulliver’s Travels (Les Voyages de Gulliver) de Jonathan Swift, La Place
celles de Tom Jones de Fielding en 1750, L’Orpheline anglaise de Sarah
Fielding (1710-1768) et, avant Madame d’Arconville, Oroonoko d’Aphra
Behn (1640-1689) en 1745.
Certains traducteurs s’intéressent à des femmes auteurs : Crébillon père
adapte The Fortunate Foundlings (Les Heureux Orphelins) d’Eliza
Haywood (1693 ?-1756) en 1744, Gaspard Monod Henriette Wyndham de
Charlotte Lennox (1730-1804) en 1775, Adrien-Nicolas La Salle traduit
History of Lucy Wellers (Histoire de Lucy Wellers) d’Ann Smythies (1724-
17 ?) en 1766 et Andronica or the Fugitive Bride (Andronica ou l’Épouse
fugitive) de Mary Charlton (1794-1824) en 1799 ; Pierre de La Montagne
traduit également plusieurs ouvrages de femmes : Features of life, or a
Summer Visit (La Visite d’été, ou Portraits modernes) en 1788, Letters
Written in France, in the Summer 1790, to a Friend in England (Lettres
écrites de France à une amie en Angleterre pendant l’année 1790) de Helen
Maria Williams (1761-1827).
Afin d’exprimer leurs idées, les femmes recoururent à la traduction pour
se faire entendre sous une forme qui évoque à certains égards le
« ventriloquisme ». La Femme n’est pas inférieure à l’homme de Madeleine
de Puisieux en constitue un exemple significatif, et compliqué. D’abord
publié anonymement en 1750 avec l’indication « traduit de l’anglais 27 », le
texte est republié à Londres, en 1751, sous le titre Le Triomphe des dames 28.
La question de savoir s’il s’agit d’une traduction de l’anglais ou d’une
traduction fictive de Woman Not Inferior to Man paru en 1730 sous le
pseudonyme de Sophia et désignant Lady Mary Wortley Montagu (1689-
1762), suivant elle aussi une publication anonyme, a enfin été résolue par
son attribution à Puisieux (et non à son mari).
Il s’agit d’un geste polémique d’une réelle audace, qui annonce ce
qu’Olympe de Gouges écrira quelques années plus tard sur l’égalité entre
les femmes et les hommes 29. À propos de ces derniers, Puisieux affirme :
« nous les voyons avec une ambition de dominer qui ne peut être satisfaite
que par une autorité absolue, briguer l’esclavage le plus vil, en prostituant
leur raison à leurs passions grossières, en laissant captiver leur bon sens par
les préjugés, et sacrifiant à une coutume peu judicieuse, l’équité, la vérité et
l’honneur ». S’ils étaient philosophes, et on en compte si peu, fait-elle
observer, les hommes verraient qu’il existe « une égalité parfaite entre les
deux sexes 30 ». La traduction de Madeleine de Puisieux attire l’attention sur
la condition des femmes au moment où Rousseau commence à composer
son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les
hommes dans lequel il aborde la question générale de l’inégalité. Le
problème d’attribution dont a souffert la traduction de Puisieux peut se
comprendre comme la résistance de la critique à l’encontre d’une femme
auteur d’abord, mais aussi à l’égard des idées radicales exprimées dans cet
ouvrage par comparaison avec ses autres écrits.
Considérée à part, comme une figure aussi complexe qu’intéressante,
Octavie Du Rey de Meynières (1719-1805), connue sous le nom d’Octavie
Belot, du nom de son premier mari, est également traductrice d’ouvrages
anglais, parmi lesquels Histoire de Rasselas de Samuel Johnson en 1760 et
Ophélie de Sarah Fielding en 1763. Même si sa situation est
économiquement modeste, elle a reçu une éducation bourgeoise ; elle
préfère toutefois considérer des sujets plus sérieux, « virils », comme la
politique ou les questions soulevées dans l’ouvrage philosophique de David
Hume, Histoire d’Angleterre (1763-1765). Elle ne sous-estime ni le travail
ni le caractère sérieux de la traduction, s’opposant ainsi à l’habitude de la
considérer comme une activité récréative. On lui doit aussi des
Observations sur la noblesse et le tiers-état (1758), texte dans lequel elle
examine les caractéristiques de l’économie et de la politique aussi bien
« démocratiques » que monarchiques. L’auteure s’intéresse davantage à la
situation matérielle du peuple qu’à la théorie politique. Elle voit sous un
jour positif les individus constituant le tiers-état (paysans, soldats,
marchands et artisans) et se montre favorable à la liberté des marchés ; elle
croit également à la mobilité sociale et à l’égalité au sein des différentes
classes sociales (inutile pour elle d’avoir une « noblesse commerçante »).
Octavie Belot signale clairement sa qualité de femme, même si elle ne
se nomme pas, dès le titre de ses Réflexions d’une provinciale sur le
Discours de M. Rousseau paru à peine plus d’un an après l’essai de ce
dernier. Le rédacteur en chef de L’Année littéraire salue sa charge contre
l’écrivain : « Les femmes mêmes mettent la main à la plume pour venger
l’espèce humaine dégradée et avilie par le Philosophe de Genève 31. » À la
lecture de ses Réflexions, Voltaire, qui critique lui aussi le Discours, loue
une femme capable de critiquer Rousseau : « Vous m’avez fait […] votre
admirateur, écrit-il. Je serais enchanté de vos ouvrages si vous n’étiez qu’un
homme ; jugez quels sont mes sentiments quand je sais que vous êtes de ce
sexe qui a civilisé le nôtre, et sans lequel nous n’aurions été que des
sauvages, comme Jean-Jacques veut que nous soyons 32. » Sa réfutation lui
vaut les éloges unanimes de la critique, et le Mercure de France n’hésite
pas à déclarer que son analyse « ferait honneur à l’homme le plus
instruit 33 » *2.
Anne-Marie Du Bocage est considérée comme la femme poète la plus
remarquable de son temps ; elle est l’auteure d’une tragédie, d’une épopée,
de même que de nombreux poèmes, dont des poèmes de circonstance. Elle
traduit en vers Le Temple de la renommée (1737) de Pope, mais on lui doit
surtout une adaptation du chef-d’œuvre de Milton, intitulée Le Paradis
terrestre, poème imité de Milton (1748, ill. 5), qu’elle signe de ses seules
initiales. Cette traduction est la deuxième à paraître en France, l’ouvrage du
grand poète anglais bénéficiant au total de quinze traductions partielles,
imitations et parodies, et de neuf traductions intégrales.
5. Anne-Marie Du Bocage, Le Paradis terrestre, poème imité de Milton, Londres, 1748.
Page de titre.

S’inspirant d’une traduction antérieure du poème épique de Milton, elle


propose une adaptation qui met en valeur la beauté de la langue, ainsi que
les idées les plus propres à séduire un lectorat français : l’innocence
bucolique de l’humanité, l’influence corruptrice de la société et les vertus
morales. Sa version réduit à six les douze chants de l’original, faisant
d’Adam et Ève le couple central d’un récit qui paraît évoquer un tableau de
Fragonard 34, réduisant Satan à un rôle secondaire, modifiant le langage
biblique afin de l’accorder à la tonalité laïque du milieu du siècle. On
compte trois éditions de cette traduction en 1748, suivies de trois autres et
d’une traduction en italien (de Luisa Bergalli Gozzi) 35, d’après laquelle
Goldoni publie une adaptation. Comme beaucoup d’œuvres écrites par des
femmes, sa traduction est oubliée dès la Restauration. L’année suivante, elle
donne une tragédie, Les Amazones (1749) et, plus tard, La Mort d’Abel
(1760), ouvrage dans lequel elle imite la poésie pastorale en prose sur le
modèle de Salomon Gessner.
Ancienne actrice de la Comédie-Italienne, séparée de son mari puis
veuve, soucieuse de gagner sa vie en écrivain une fois la quarantaine venue,
Marie-Jeanne Riccoboni publie trois romans anonymes qui rencontrent un
immense succès *3, les deux premiers sous la forme de pseudo-traductions :
Lettres de Mistriss Fanni Butlerd (1757), Histoire de M. le marquis de
Cressy (1758) et Lettres de Milady Juliette Catesby (1759). Elle publie
ensuite une traduction-adaptation du roman sentimental de Henry Fielding,
Amelia (Amélie, 1762) 36, sous son propre nom (elle y fait disparaître la voix
du narrateur 37), puis une série de pièces de théâtre sous le titre Nouveau
Théâtre anglais (1768, 1769).
Dans la préface d’Amélie, Riccoboni minimise la qualité de son travail,
le qualifie de « traduction très infidèle », et s’excuse pour sa compréhension
imparfaite de l’anglais, mais non pour ses coupes et ses corrections dans le
texte original 38. En réalité, elle modifie considérablement le roman : elle le
raccourcit de moitié, en élimine de nombreux personnages mineurs ou
déplaisants, et fait la part moins belle aux dialogues qu’aux descriptions.
Elle modifie même quelques éléments de l’intrigue (alors qu’Amelia a le
nez cassé pendant tout le roman, l’Amélie de Riccoboni retrouve
rapidement sa beauté). L’auteure adaptatrice fait également disparaître une
bonne partie de la subtilité de Fielding quand elle trace le portrait moral des
protagonistes en termes tranchés et coupe toutes les révélations inattendues
de leur véritable caractère. Qu’Amélie constitue sa première œuvre publiée
avec sa signature semble indiquer néanmoins que l’auteure est bien entrée,
grâce à la traduction, dans la sphère publique, celle de la reconnaissance
officielle, même si l’attention qu’elle porte aux sentiments en même temps
qu’un sens aigu de l’analyse rationnelle sont déjà présents dans ses
romans 39. Quant au Nouveau Théâtre anglais, il constitue un remarquable
travail de traduction et d’adaptation de pièces anglaises à la mode. À
l’époque, Riccoboni est en correspondance avec l’acteur et dramaturge
David Garrick qui lui fournit des informations sur les pièces à succès du
moment et la guide dans ses choix *4.
De son côté, Cornélie de Vasse a déjà publié des textes de fiction
lorsqu’elle s’attelle à la Traduction du théâtre anglais depuis l’origine des
spectacles jusqu’à nos jours, divisée en trois époques (1784-1787), ainsi
qu’à celle de pièces de théâtre qu’elle publie séparément, avec sa sœur
Marie-Thérèse Wouters. Elle traduit de même Les Imprudences de la
jeunesse en 1788 (d’Agnes Maria Bennett et Fanny Burney, 1752-1840), Le
Mariage platonique, en 1789 (de Madame H. Cartwright), et une
Traduction du Plutarque anglais : Contenant la Vie des hommes les plus
illustres d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande (British Plutarch de Thomas
Mortimer, Paris, Couturier, 1785-1786). Elle laisse en manuscrits,
aujourd’hui perdus, des traductions de traités du Dr Watson sur l’oxygène et
les avancées de la chimie.
C’est en 1793, année de l’arrestation puis de la condamnation à mort de
son mari, que Sophie de Condorcet commence la traduction de la Theory of
Moral Sentiments (1759, Théorie des sentiments moraux) d’Adam Smith.
Travaillant à partir des traductions en français d’Eidous (1764) et de Blavet
(1774-1775), elle est la seule à bénéficier des révisions apportées par Smith
pour l’édition définitive de son ouvrage. Il est intéressant de noter que dans
cette période de grande violence politique, elle choisit de considérer la
notion de « sympathie » chez Smith et poursuit la « conversation »
rousseauiste portant sur les rapports des individus et de la société, et sur la
possibilité de constituer une société civile. Elle ne publiera ce travail qu’en
1798, en même temps qu’une série d’essais sur la sympathie. Entreprendre
un tel travail a assurément constitué pour Sophie de Condorcet un acte de
courage inspiré par un deuil personnel mais également par un deuil
collectif, celui de la société réglée d’Ancien Régime. En reconnaissant chez
Smith le besoin pour la société d’une base cohérente que le principe de
« sympathie » peut constituer, elle reconnaît dans le même temps
l’importance de l’éducation et de la Révolution. Sa traduction d’une langue
et d’une culture à d’autres se transforme ainsi en un plaidoyer implicite
pour une compréhension de l’ensemble de la communauté et un moyen de
progresser vers une société plus unie.
Tout au long du siècle, la traduction constitue ainsi pour les femmes une
forme de participation active à la culture littéraire et philosophique du pays
et que ce dernier exporte à son tour. Sous son couvert, les traductrices ont
non seulement acquis une certaine forme de liberté mais, par la création
d’une œuvre à partir de l’appropriation et de l’interprétation de celle d’un(e)
autre, elles ont également atteint une sorte d’égalité, qu’elles aient ou non
inscrit leur qualité de femme dans le contenu ou la forme de leur travail.

RELECTURES, RÉÉCRITURES

Les remaniements et les collaborations prennent de nombreuses formes


durant le siècle, du journalisme à la traduction et à la réécriture d’œuvres
publiées ; beaucoup de ces opérations se sont passées d’attribution ou n’ont
été que partiellement identifiées.
On sait que Riccoboni ajoute une suite, favorablement accueillie, à La
Vie de Marianne de Marivaux (reprise, avec un avertissement, dans son
Recueil de pièces détachées, 1765), de même qu’Olympe de Gouges au
Mariage de Figaro de Beaumarchais.
Anne-Louise Élie de Beaumont (1729-1783) est de celles qui ont
reconnu avoir imaginé une suite à une œuvre déjà publiée. Outre les Lettres
du Marquis de Roselle, elle rédige la troisième partie des Anecdotes de la
cour et du règne d’Édouard II, roi d’Angleterre (1776), faisant suite aux
deux premières parties publiées par Claudine de Tencin. À la demande des
héritiers de celle-ci, il ne s’agit pas d’une collaboration au sens habituel du
terme : Beaumont, dont le nom apparaît sous la forme de « Mme E.D.B. »
dans la version publiée, est reconnue pour être l’auteure qui a achevé
l’ouvrage 40. Convaincue qu’il n’existe aucun rapport entre la « nature »
d’une femme et sa condition, elle jouit de son vivant d’une si grande
réputation d’auteure que Fortunée Briquet note dans son Dictionnaire : « Le
mérite littéraire de Madame Élie de Beaumont était si bien établi, que le
public prétendit qu’elle travaillait aux ouvrages de son époux 41. » Ce
dernier, Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont (1732-1786), membre du
parlement de Normandie, est l’auteur de plusieurs mémoires judiciaires, le
plus connu d’entre eux étant le Mémoire à consulter, et consultation pour la
dame Anne-Rose Cabibel, veuve Calas, et pour ses enfants (1762), Voltaire
étant devenu la voix emblématique de cette affaire célèbre avec son Traité
sur la tolérance. Qu’on imagine Anne-Louise Élie de Beaumont derrière les
écrits de son mari inverse l’affirmation communément répandue selon
laquelle ce sont les maris qui écrivent les ouvrages de leurs épouses.
Si Claude-Joseph Dorat passe pour être l’auteur des Sacrifices de
l’amour, ou Lettres de la vicomtesse de Sénanges, et du Chevalier de
Versenay (1772), l’ouvrage a en réalité été écrit en collaboration avec Fanny
de Beauharnais 42. Ils se sont réparti la tâche : Beauharnais compose les
lettres écrites par l’héroïne, Dorat celles du protagoniste masculin 43.
En matière de travail passé sous silence, que sait-on, en dehors du
milieu des théologiens ou des spécialistes de l’histoire intellectuelle, de la
dette de Rousseau à l’égard des écrits d’une protestante genevoise, Marie
Huber, portant sur la religion naturelle et son recours au sentiment et à la
raison cartésienne ? Les publications de cette dernière — Lettres sur la
religion essentielle à l’homme, distinguée de ce qui n’en est que
l’accessoire (1738), Le Monde fou préféré au monde sage (1731, 1733,
1744) et Le Système des théologiens anciens et modernes (1731, 1733,
1739) — sont anonymes et ont généralement été considérées comme ayant
été écrites par des hommes. Il a fallu attendre 1740 pour voir naître un débat
sur la paternité de ces ouvrages et sur la capacité des femmes à intervenir
dans le champ de la théologie. Marie Huber est également l’auteure de
Sentiments différents de quelques théologiens (1731), rédigé sous forme de
lettres, qui connaît un énorme retentissement dans la pensée de son époque
et compte plusieurs rééditions, ainsi que des traductions en allemand et en
anglais 44.
Fortunée Briquet, quant à elle, mentionne Le Monde fou et Le Système.
Elle cite Voltaire, qui hésite encore, en 1767, à en attribuer la rédaction à
Marie Huber tout en faisant l’éloge de ses Lettres sur la religion essentielle
à l’homme : « La religion essentielle à l’homme est dans ce qu’on doit faire,
et non dans ce qu’on ne peut comprendre. L’intolérance est à la religion
essentielle ce que la barbarie est à l’humanité, la cruauté à la douceur 45 »,
rappelle-t-il. Dans cet ouvrage, l’auteure plaide pour l’existence d’une
religion naturelle en chaque individu ; elle se démarque sur ce point des
théologiens de son temps, ce qui lui attire les foudres des protestants
comme des catholiques. Rousseau incorpore ces idées dans sa Profession de
foi du vicaire savoyard, au livre V de l’Émile ; il en va de même pour
D’Alembert dans l’article qu’il consacre à la théologie genevoise dans
l’Encyclopédie. L’argumentation rousseauiste sur la sensation, encore
fondée sur le cogito cartésien 46, trouve sa première formulation chez
Huber 47, de même que la croyance selon laquelle le but de la religion est
d’activer les facultés innées conduisant à la bonté. C’est ainsi que Marie
Huber et Rousseau prônent tous deux une religion dans laquelle la foi et la
raison se fondent dans une certaine mesure sur des sentiments universels.
Les droits de propriété intellectuelle n’existant pas en matière de
publication, il n’est pas, à l’époque, inhabituel d’omettre les attributions
— même si Rousseau reconnaît ses emprunts aux écrits d’autres
contemporains masculins. S’il est difficile de parler de Lumières religieuses
en soi, on peut néanmoins affirmer que le travail de Marie Huber a
influencé des penseurs déistes et de libres-penseurs en matière de religion
tel Rousseau ; elle-même a été accusée de piétisme, alors que les critiques
voient en elle une rationaliste 48.
Peu de commentateurs ont par ailleurs souligné l’intérêt du roman de
Marie-Françoise de Mézières, marquise de Saint-Aubin (1717-1790), Le
Danger des liaisons (Genève, 1763), et vu en lui le précurseur des Liaisons
dangereuses de Laclos (1782), dont la vogue ne s’est pas démentie jusqu’à
aujourd’hui. On sait peu de choses sur la vie de Madame de Saint-Aubin,
bien que son rôle ait été reconnu dans le projet du Courrier de la nouveauté
(1757-1758) dont nous avons parlé plus haut et que les Mémoires, en forme
de lettres, de deux personnes de qualité (1765) lui soient également
attribués. Voltaire lui a dédié un poème :

À Madame la marquise de Saint-Aubin, auteur du livre intitulé Le Danger des liaisons

J’ai lu votre charmant ouvrage :


Savez-vous quel est son effet ?
On veut se lier davantage
49
Avec la muse qui l’a fait .
C’est sans doute parce que Laclos récrit en quelque sorte l’ouvrage de
Madame de Saint-Aubin que son imprimeur l’a dissuadé d’en reprendre le
titre. Certes, les différences entre les deux textes sont frappantes (Saint-
Aubin utilise tout du long un ton mélodramatique, à la différence de la
brillante variété de ton des lettres imaginées par Laclos), mais l’œuvre de
Laclos reprend deux éléments importants du roman de Madame de Saint-
Aubin : l’utilisation de la forme épistolaire et les types de personnages. Le
roman se compose d’une série d’histoires constituant la trame d’une
narration ambitieuse dont tous les protagonistes, à l’exception d’un seul,
sont des femmes dans la même situation 50. Les portraits de femmes
vertueuses devenues les victimes de personnes — amis, amants,
conseillers — qui les ont détournées du droit chemin préfigurent les liens
entre les figures libertines de Madame de Merteuil et M. de Valmont, et les
personnages à l’âme innocente, Cécile et la Présidente de Tourvel. La
distinction entre passion et raison y est souvent évoquée, et la narratrice
principale déclare : « […] mon but principal a été, en les [les lettres]
écrivant, de prouver aux jeunes personnes qui les liront, que les plus
dangereux ennemis de leur innocence ne sont pas toujours leurs propres
passions. Une femme vertueuse serait trop heureuse, si elle n’avait à
combattre, pour l’être toujours, que ses seuls penchants 51 ».
Dans les Liaisons de Saint-Aubin, un point est particulièrement
manifeste : le danger des amitiés féminines ; en effet, c’est presque
exclusivement une amie qui est à l’origine de la liaison de l’héroïne avec
l’homme ou les hommes qui profitent d’elle : « Hélas !, observe-t-elle, c’est
à ma liaison avec cette dangereuse amie, que je dois mon infortune » ; elle
résume plus loin : « La haine de ma mère, la trahison de mon amie, la
crédulité de mon amant, voilà les causes de tout ce que j’ai souffert 52. » La
forme épistolaire du roman de Laclos renvoie à des plaintes de même
nature, car les lettres sont censées être privées et constituer des espaces sûrs
où des échanges sincères peuvent avoir lieu. Dans les deux romans, ceux
qui profitent de la franchise et de la fragilité qui vont de soi dans l’amitié
comme dans l’« espace épistolaire » commettent essentiellement un abus de
pouvoir et subvertissent ou dénaturent le contrat de ce type de relations.
Que Laclos ait délibérément ou non utilisé l’œuvre de Saint-Aubin, les
deux romans en tout cas peuvent se lire comme une sorte de diptyque, voire
comme les deux faces du même objet : les personnages de Saint-Aubin sont
tous vertueux, et bien que le lecteur se trouve confronté à un certain nombre
de personnages licencieux et qu’il assiste à leurs manigances et aux
conséquences de celles-ci, il ne le fait pas moins à travers le seul point de
vue des figures vertueuses. Laclos en revanche place le lecteur dans la
position privilégiée du spectateur qui voit l’intrigue se dérouler d’abord et
surtout depuis la perspective de ceux qui la manipulent, Valmont et
Merteuil, alors que Saint-Aubin rapproche ses lecteurs des victimes
vertueuses à mesure qu’elle détaille les faits et les conséquences de leur
triste histoire. La version de Laclos a résisté à l’épreuve du temps, celle de
Saint-Aubin est tombée dans l’oubli 53.
Olympe de Gouges se déclare elle-même auteure dans la préface de sa
comédie, Le Mariage inattendu de Chérubin (1784), d’abord intitulée Les
Amours de Chérubin et inspirée par son admiration pour La Folle Journée
ou le Mariage de Figaro de Beaumarchais dont la représentation en 1784 a
remporté un vif succès. « Je suis femme et auteur, déclare-t-elle ; j’en ai
toute l’activité. Mon premier mouvement est semblable à une tempête ;
mais dès que l’explosion est faite, je reste dans un calme profond : tel est
l’effet qu’éprouvent toutes les personnes vives et sensibles 54. » Dans la
pièce qu’elle imagine, geste qui sera imité par un certain nombre d’autres
auteurs de l’époque (aucun de ces textes n’a été conservé), Olympe de
Gouges concentre son attention sur Chérubin, ce qui exaspère
Beaumarchais. Devenu grand seigneur, Chérubin souhaite disposer du
même droit de cuissage que le comte Almaviva, et ce dans l’unique but d’y
renoncer (il reproduit ainsi l’ambivalence du comte envers cette ancienne
prérogative masculine) et d’épouser Fanchette, qui se trouve être la fille
illégitime de don Fernand d’Espagne.
L’intrigue n’est pas sans lien avec la propre vie d’Olympe de Gouges,
elle-même fille naturelle de Lefranc de Pompignan, académicien célèbre
appartenant à la noblesse toulousaine 55. Si elle s’est d’abord intéressée au
caractère et à la personnalité de son père biologique, une fois devenue
veuve, Marie Gouze, en prenant pour nom de plume Olympe de Gouges, a
réussi une sorte de fabrication de soi, d’autocréation par la littérature. La
pièce de Beaumarchais porte à croire que son auteur prend fait et cause pour
les femmes ; la dramaturge fut néanmoins amèrement déçue qu’il ne l’ait
pas aidée à faire jouer sa pièce. Cet épisode n’est que le premier d’une suite
d’innombrables difficultés rencontrées par Olympe de Gouges pour faire
jouer ses pièces : seul un petit nombre d’entre elles ont été produites.

ÉCRIRE POUR LE THÉÂTRE

Dans une note à la Lettre à d’Alembert sur les spectacles, Rousseau fait
l’éloge de Cénie (1750), la pièce de Françoise de Graffigny, exception à sa
vision, dans l’ensemble négative, des femmes auteurs :

Ce n’est point par étourderie que je cite Cénie en cet endroit, quoique cette
charmante Pièce soit l’ouvrage d’une femme ; car, cherchant la vérité de bonne foi, je
ne sais point déguiser ce qui fait contre mon sentiment ; et ce n’est pas à une femme,
mais aux femmes que je refuse les talents des hommes. J’honore d’autant plus
volontiers ceux de l’auteur de Cénie en particulier, qu’ayant à me plaindre de ses
discours, je lui rends un hommage pur et désintéressé, comme tous les éloges sortis de
56
ma plume .

Mais dans sa réponse à D’Alembert qui, dans son article « Genève » de


l’Encyclopédie, préconise d’y construire un théâtre, Rousseau, on le sait,
condamne farouchement l’idée même de théâtre. Aussi son éloge de la
pièce de Graffigny l’incrimine-t-il en réalité doublement elle et ses
semblables : non seulement elles écrivent, mais de plus il leur arrive
d’écrire pour le théâtre.
Publier une pièce implique de franchir divers obstacles, avec peu de
garanties pour l’auteur(e) d’un droit quelconque sur son sujet, et encore
moins de voir jouer sa pièce. Le milieu de la librairie et de l’imprimerie est
alors largement masculin et le sera plus nettement encore au siècle suivant.
La profession de « libraire *5 » jouit d’un prestige particulier en raison
de son statut juridique. L’apprentissage demeure fermé aux femmes, qui ne
peuvent pas constituer non plus leur propre fonds de commerce (Louise de
Keralio se verra refuser l’autorisation d’ouvrir une imprimerie). Seules les
veuves sont admises dans la guilde des libraires, car, après la mort de leur
mari, elles deviennent légalement chefs de famille ; elles peuvent hériter du
privilège du fonds de leur mari et poursuivre son activité, ainsi que leurs
filles, dans une certaine mesure, mais peu le feront. Dans quelques cas, elles
sont autorisées à gérer l’héritage de leurs enfants mineurs en vertu du
« droit des tutelles » ; dans d’autres, elles préfèrent travailler avec ceux-ci
plutôt que de passer la main. Au cours du siècle, le pourcentage de veuves
d’imprimeurs passe de 16 à 27 % ; il est élevé dans les années 1740 et 1750
et tombe brutalement à 8 % en 1781 57.
Même si les femmes participent à la gestion des affaires financières, il
est difficile de savoir combien d’entre elles ont la qualité de libraire-
imprimeur et sous quelle forme elles l’exercent. On en recense néanmoins
quelques-unes qui sont particulièrement actives : Anne-Marie Guiard (16 ?
-1753), veuve de Jacques Estienne, dirige sa librairie de 1731 à 1743, date à
laquelle elle s’associe avec son fils, également appelé Jacques ; elle publie
notamment des recueils de sermons et de conférences ecclésiastiques, ainsi
que plusieurs histoires de la Rome antique. Catherine-Michelle Chauchat
(17 ?-vers 1808), veuve de Nicolas Desaint, reprend la librairie de son mari
en 1771 ; elle collabore en tant que libraire et éditrice avec l’associé de son
mari et produit sans discontinuer une grande diversité de livres pendant
trente ans, y compris pendant la Révolution.
Marie-Antoinette Cailleau (17 ?-1793), veuve de Nicolas-Bonaventure
Duchesne, issue d’une famille de libraires, hérite de l’entreprise lucrative de
son mari à la mort de celui-ci en 1765 et devient ensuite l’une des libraires
les plus en vue de son temps. Elle imprime et publie des centaines
d’ouvrages, notamment littéraires, et compte parmi ses auteurs Voltaire,
Rousseau et Beaumarchais, mais également Graffigny (Lettres d’une
Péruvienne, 1773, dont son mari a publié la deuxième édition en 1752) et
Du Bocage. La veuve Duchesne doit sa notoriété à ses publications
d’auteurs dramatiques de premier plan, de périodiques de théâtre et d’une
poignée de femmes auteurs, Françoise-Albine Benoist (1738-1819),
Françoise-Cécile Falconnet (1738-1819), Madame de Fourqueux (1728-
1798), Olympe de Gouges (ill. 6) et Justine Favart (1727-1772).
6. [Olympe de Gouges] Le Couvent, ou les Vœux forcés, drame en trois actes, Paris, Veuve
Duchesne et Veuve Bailly, mars 1792. Page de titre.

Par ailleurs, la question des droits de l’auteur sur sa propriété artistique


est de plus en plus clairement posée. Deux publications portent
expressément sur les droits d’auteur pendant la période de transition entre le
privilège monarchique et la notion moderne de propriété intellectuelle :
dans sa Lettre sur le commerce de la librairie (1763), Diderot affirme que la
création intellectuelle d’un individu lui appartient ; dans les Fragments sur
la liberté de la presse (1776), Condorcet se montre de son côté favorable à
l’institution d’une responsabilité des auteurs en tant que propriétaires de
leurs œuvres, qui se substituerait à la réglementation de la publication par la
censure du gouvernement 58. Condorcet considère pourtant l’œuvre publiée
comme appartenant à tous, personne ne pouvant s’affirmer propriétaire des
idées du seul fait de les avoir créées ; elles émanent de la « nature », fait-il
valoir.
En matière d’œuvres dramatiques, les directeurs de théâtre détiennent
les privilèges accordés aux œuvres existantes et publiées jusqu’en 1790. À
partir de 1791, la loi fait des auteurs les créateurs et les propriétaires de leur
œuvre ; elle supprime le système qui gouvernait l’édition jusqu’alors (la
censure royale et les privilèges) et institue des formes restreintes du droit
d’auteur (modifiées au profit d’un contrôle accru sur les idées républicaines
en 1793). La notion moderne d’auteur, ainsi que celle d’œuvres tombées
dans le domaine public (qui permet à la nation d’hériter en quelque sorte de
son patrimoine artistique), s’impose au moment où les droits civils et
politiques des femmes sont supprimés 59. Les femmes auteurs occupent des
positions complexes dans ce spectre de possibilités théoriques et pratiques,
et il est malaisé d’affirmer à quel point de telles difficultés ont entravé leur
goût pour l’écriture théâtrale et la possibilité de faire jouer leurs pièces.
Voir l’une de ses pièces représentées tient de la prouesse pour les
auteurs en général et pour les femmes en particulier, la représentation d’une
œuvre dramatique supposant une procédure compliquée d’acceptation au
sein d’une troupe de comédiens. Cette procédure empêche peut-être de
nombreuses pièces d’être représentées dans les théâtres officiels, mais elles
peuvent être données ailleurs, notamment dans les salons et les théâtres
privés ; elles peuvent également n’être jamais publiées, ou bien publiées
sans jamais être jouées.
La collecte d’un certain nombre de statistiques permet une vue
d’ensemble de la situation et de son évolution au cours du siècle :
88 femmes écrivent pour le théâtre et produisent un ensemble de
278 pièces 60, dont 151 ont été représentées et un nombre conséquent d’entre
elles publiées. Sur les pièces examinées, plus de la moitié sont des
comédies, elles-mêmes écrites pour moitié après 1785, malgré des exemples
remontant aussi loin que 1714. On écrit des tragédies tout au long du siècle,
mais avec plus de chances, semble-t-il, de les voir jouées avant 1750 61 ; on
ne recense aucun drame antérieur à 1750, la plupart ont été écrits dans les
années 1780.

III. Types de pièces représentées ou publiées, 1700-1799.

Placée au sommet de la hiérarchie des genres littéraires, la tragédie est


généralement considérée comme un genre ne convenant pas aux femmes ;
le XVIIe siècle le pensait, le XIXe siècle le répétera. Il n’en est pas moins vrai
que les femmes en écrivent, mais en petit nombre. Les pièces en vers, parmi
lesquelles des tragédies, semblent très appréciées : sur les 65 pièces en vers
recensées, près des trois quarts ont été jouées. Environ deux tiers des pièces
identifiées sont écrites en prose, et la moitié seulement ont été produites. De
plus, près de 70 % des comédies et tragédies en cinq actes ont été
représentées, soit plus que celles qui n’épousent pas cette forme, canonique.
Au cours du siècle, les pièces écrites par des femmes figurent de plus en
plus souvent à l’affiche et cette tendance se reflète dans le nombre annuel
de pièces publiées 62. Sur les 88 femmes identifiées comme dramaturges,
66 ont eu au moins une pièce portée à la scène ; 38 d’entre elles, soit 43 %,
ont publié une pièce qui n’a pas été représentée (la plupart de celles qui
l’ont été ont été publiées) ; 10 d’entre elles enfin ont écrit plus de cinq
pièces 63.
Les chiffres que nous avons réunis peuvent servir d’indice aux
difficultés rencontrées par les femmes qui ont souhaité écrire des pièces de
théâtre et les voir jouées ; aucune apparemment n’a vraiment réussi à faire
carrière au théâtre.
Même si les grandes figures du XVIIe siècle, Racine, Corneille ou
Molière, mais aussi Louise-Geneviève de Saintonge (1650-1718) et Marie-
Catherine de Villedieu (1640 ?-1683), hantent la mémoire des théâtres et
celle des auteurs dramatiques, on sait néanmoins que les pièces de
Crébillon, Voltaire, Marivaux et Beaumarchais ont connu un succès
considérable, supérieur à l’intérêt porté à celles de Diderot et de Rousseau.
IV. Nombre de pièces par femme dramaturge

V. Dates de la première représentation de pièces de femmes dramaturges


VI. Dates de la première représentation ou publication de pièces de femmes dramaturges

e
Comme la partie consacrée aux dramaturges du XVII siècle le rappelle,
Marie-Anne Barbier doit sa renommée à quatre tragédies, toutes
représentées ; elles sont régulièrement reprises ensuite dans des anthologies
publiées en 1707, 1719, 1723, 1724, et par ses propres soins dans un
ouvrage publié en 1745 64. Elle est également l’auteure de livrets pour
l’opéra-ballet. Alors que les musicologues ont longtemps attribué ceux des
Fêtes de l’été (1716) et des Plaisirs de la campagne (1719) à l’abbé
Pellegrin, la recherche récente a établi que ces derniers étaient bien de la
main de Barbier. Les Fêtes de l’été ont connu à Paris un véritable triomphe ;
le Mercure Galant rend hommage au talent et aux maximes de la librettiste.
L’opéra-ballet se signale par sa complexité dramatique : Barbier y mène ici
trois ou quatre intrigues à la fois, exploitant des registres différents, figurant
les mœurs et les modes vestimentaires de l’époque. Son deuxième livret
d’opéra, Le Jugement de Pâris (1718), est accueilli avec plus
d’enthousiasme encore. Barbier reprend un sujet antique, dont Watteau a
fait un tableau, et relance la Querelle des Anciens et des Modernes en se
rangeant dans le camp des Modernes. Moquant les mythes antiques,
mobilisant l’attention sur les soupçons et les infidélités des héros des
légendes, le texte préfigure la défense du roman en tant que genre littéraire
moderne dont débattront des critiques plus tardifs, comme Nicolas Lenglet
Du Fresnoy, ainsi que nous le verrons plus loin. L’œuvre semble avoir
connu une portée considérable à en juger par son influence sur les théâtres
populaires comme ceux de la Foire ; les plus grands théâtres parisiens
imitent son style d’une manière qui demeure encore exceptionnelle à ce
jour.
Bien qu’elle-même jouisse de louanges exceptionnelles, Marie-Anne
Barbier mesure bien l’injustice faite à toutes les femmes et en appelle à la
tradition pour prouver qu’il y a eu et qu’il y a toujours de grandes auteures.
Dans sa préface à Arrie et Petus, elle écrit à propos des femmes auteurs :

À l’égard du reste on l’a trouvé assez bon, et peut-être meilleur que je n’aurais dû
le souhaiter, puisque certaines gens en ont pris occasion de dire qu’une femme n’était
pas capable de si bien réussir. En vérité je ne me serais jamais imaginé que ce qui a plu
dans mon ouvrage eût dû me nuire, ni qu’on refusât aux personnes de notre sexe le
mérite de produire de bonnes choses. Je sais bien qu’on ne pouvait mieux louer ma
pièce qu’en la trouvant au-dessus de la portée d’une femme, et que cela doit flatter ma
vanité. Cependant j’avoue que je n’ai pas été insensible à cette injustice, et que je n’ai
pu voir sans un peu de dépit qu’on ait voulu me ravir le fruit le plus précieux de mon
travail. À la vérité je ne doute point que le peu de capacité que les hommes accordent
aux femmes n’ait donné lieu au bruit que quelques-uns ont affecté de répandre.
Cependant, sans chercher dans l’Antiquité, notre siècle a fourni assez de Dames
Savantes pour détruire cette prévention, et je pourrais en citer une infinité pour
65
autoriser ce que j’avance .

Annonçant à la fois le « drame bourgeois » et le roman sentimental, elle


privilégie les sentiments plutôt qu’une intrigue bien structurée : « L’action
principale à laquelle toutes les autres se rapportent est des plus simples, et
je l’ai choisie ainsi pour éviter l’inconvénient où tombent la plupart des
auteurs, qui chargeant leurs pièces de trop d’incidents ne s’attachent pas
beaucoup à y faire régner les sentiments, parce que le soin de débrouiller
leur intrigue les occupe entièrement. » Les affaires du cœur relèvent de la
morale : « Je croyais qu’il était du devoir d’un auteur de tragédies de
corriger les mœurs de ses héros, et de s’attacher davantage à peindre leur
cœur que leur esprit 66. » Dans le choix de ses sujets, Barbier fait la part
belle à des femmes fortes (Arrie, Cornélie, Tomyris) dans un monde dominé
par les hommes ; elle expose sa réflexion sur le pouvoir et sur le mariage
qui en est l’instrument dans La Mort de César 67. Elle ne voit néanmoins pas
comment s’opposer à la structure de ce pouvoir.

Qui a peur des Amazones *6 ?

Placée entre deux siècles, Madeleine-Angélique de Gomez (1684-1770)


est une auteure prolifique issue d’une famille de comédiens. Elle vit de sa
plume et s’est illustrée dans de nombreux genres, parmi lesquels le théâtre
et le roman 68. Comme Barbier, elle souhaite la renommée, s’insère en toute
connaissance de cause dans la tradition des ouvrages de femmes auteurs
(Scudéry, La Suze, Deshoulières mère et fille, pour ne citer qu’elles), et,
dans ses préfaces, s’adresse souvent à une lectrice potentielle. Ses pièces
s’inspirent de celles de Corneille et de Racine, alors les modèles par
excellence de la tragédie et à l’aune desquelles toutes les œuvres
dramatiques de l’époque sont jugées. Elle fait jouer et publier des tragédies
dont les sujets sont historiques et ethnographiques : ainsi pour Habis, qui
connaît vingt-six représentations à la Comédie-Française en 1714 et est
reprise en 1732, Sémiramis, représentée de même à la Comédie-Française
en 1716 (Voltaire écrit une pièce portant le même titre en 1748), Cléarque,
tyran d’Héraclée (représentée en 1717 et 1724) et Marsidie, reine des
Cimbres (représentée en 1716, publiée en 1724 et rééditée en 1735). De
même que Barbier, elle annonce sur certains points le drame bourgeois,
genre hybride qui va bientôt s’affirmer, et se montre soucieuse de défendre
sa position de dramaturge contre les erreurs d’attribution :

Je suis trop jalouse de ma gloire pour souffrir patiemment qu’on me l’ôte ou


qu’on la partage, et je rougirais de honte si j’étais capable de recevoir des louanges qui
appartiendraient à un autre […]. On ne peut donc, sans l’offenser généralement, me
ravir le mérite que j’ai d’avoir fait cette pièce, seule, et sans aucun secours, et je ne
puis m’imaginer qu’il y ait des personnes assez hardies pour dire ou faire entendre
69
qu’elles ont eu part dans les vers ou dans la conduite .

Justine Favart, danseuse polonaise devenue actrice sous le nom de


« Mademoiselle Chantilly », et dont le mari, dramaturge, dirige l’Opéra-
Comique (et lui donne son nom), triomphe à La Comédie-Italienne quand
les deux établissements fusionnent en 1762 ; ses œuvres, souvent attribuées
à son mari, incluent Les Amours de Bastien et Bastienne (écrit avec Harny
de Guerville en 1753), parodie du Devin de village de Rousseau (1752) et
qui inspire le libretto de l’opéra composé par le jeune Mozart en 1768 70.
Entre 1717 et 1749, seules trois pièces de femmes ont les honneurs de la
Comédie-Française : Cléarque, de Madeleine-Angélique de Gomez (1717-
1718), Le Faucon, de Marie-Anne Barbier (1719-1720) et Thélamire de
Denise Lebrun (1739-1740) — mais l’attribution est douteuse. On les donne
également au Théâtre-Italien, à la Comédie-Italienne, à Versailles, au
château de Sceaux et sur des scènes privées.
Anne-Marie Du Bocage est la quatrième, qui fait jouer sa tragédie en
vers, Les Amazones, à la Comédie-Française en 1749 et la dédie « Aux
femmes ». Émilie du Châtelet, qui met alors la dernière main à sa traduction
de Newton en reçoit, comme Voltaire, un exemplaire à titre d’hommage et
tous deux prennent connaissance avec enthousiasme (comme ils l’avaient
fait pour son poème « De l’influence mutuelle des arts et des sciences »,
couronné à Rouen en 1746). Bien que, dans la pièce, les femmes accèdent
au pouvoir, l’intrigue demeure assez conventionnelle, hormis son triste
dénouement : Orithie se suicide par honte d’avoir trahi la cause des
Amazones et par amour pour Thésée. On peut voir dans le choix d’une telle
fin une façon peu convaincante de résoudre le conflit entre le patriarcat et
les Amazones, ou bien un acte d’émancipation, comme pour la Roxane des
Lettres persanes, quand aucune autre issue ne paraît possible.
Avec Les Amazones, Du Bocage compose une tragédie de facture et de
ton raciniens et met en scène deux reines dans une monarchie où les
femmes exercent le pouvoir suprême, situation inverse de la réalité en
France. L’auteure suit sur ce point une tradition étudiée par l’historien
Claude-Marie Guyon (Histoire des amazones anciennes et modernes,
1740), qui évoque le souvenir des femmes ayant gouverné à travers les âges
et montré qu’elles sont capables des mêmes prouesses que les Amazones ;
La Nouvelle Colonie ou la Ligue des femmes de Marivaux (1750) s’en
inspire peut-être. Selon la définition du Dictionnaire de l’Académie
française (1694), l’amazone est une « femme de courage mâle et guerrier »,
vertu que l’on peut considérer comme utopique ou dystopique. La pièce
analyse avec finesse les rapports entre l’amour et les conflits de pouvoir
qu’il suscite ; tout en plaçant les femmes dans une position de pouvoir, Du
Bocage réinvente le mariage en faisant des relations sexuelles un simple
moyen de faire des enfants et en remplaçant ironiquement la justification
religieuse du mariage par une simple « importation » d’hommes dans une
communauté de femmes.
Dans la Correspondance littéraire, Grimm juge sévèrement Les
Amazones et La Colombiade : selon lui, les personnages manquent de
consistance, les Amazones sont de bien piètres amoureuses ; l’auteure n’y
montre ni génie ni art ; il excuse Du Bocage au nom de son sexe mais juge
« inouïe » l’inscription figurant au bas de son portrait, « Forma Venus, arte
Minerva 71 ». En sa qualité de philosophe, Grimm n’imagine pas de
cautionner une auteure qui s’est déclarée ouvertement catholique. En
revanche, Fontenelle, pour ne citer que lui, reconnaît le génie d’Anne-Marie
Du Bocage qui substitue habilement au pouvoir de l’épée celui de la plume,
et salue « une autre illustre Amazone du Parnasse ».
Forte de trois éditions et de traductions dans plusieurs langues, La
Colombiade (1756) retient par ailleurs l’attention de la critique. Le Mercure
de France publie une ode à la gloire de l’auteure : « Dis-moi quelle est
l’enchanteresse, / Dont le génie utile à l’Univers, / Plaît sous ton nom,
m’instruit et m’intéresse. / Que j’admire ses dons divers 72 ! » Le Journal
des savants en fait l’éloge dans un long article, et salue l’auteure pour avoir
choisi un genre sublime et ardu entre tous, l’épopée en vers 73. Bien
qu’Anne-Marie Du Bocage ait été reçue par le pape et admise dans les
académies de Padoue, de Bologne et de Rome, son œuvre tombe dans
l’oubli au XIXe siècle, et ne sera redécouverte que dans les années 1990.
L’année qui suit la représentation des Amazones, Françoise de Graffigny
voit sa première tragédie, Cénie (1750), également montée à la Comédie-
Française. Le succès de la pièce est considérable (elle connaît
25 représentations, puis 32 reprises entre 1750 et 1763). L’expérience de
Graffigny avec Cénie illustre toutefois les difficultés auxquelles continuent
de se heurter les femmes auteurs : l’héroïne de Cénie est invitée à se taire en
même temps qu’à s’exprimer avec audace. Quant à l’auteure, l’épigramme
que lui décoche le satiriste Charles Roi lui fait un moment souhaiter de
déprogrammer sa pièce : il associe en effet son « bel esprit » à la
prostitution pratiquée par les femmes quand il ne leur reste ni jeunesse ni
beauté 74. Quelques années plus tard, en 1758, une nouvelle tragédie, La
Fille d’Aristide, connaît un échec complet 75.

Drame bourgeois,
théâtre d’éducation et de société

Les années 1750 et 1760 voient s’affirmer le drame sérieux. Cette


nouvelle forme esthétique ravive notamment le débat autour desdites
valeurs familiales. Avant et pendant la Révolution, les penseurs
s’intéressent, de façon discontinue mais féconde, à de nombreuses questions
qui sont encore celles d’aujourd’hui : la relation de l’individu à la
collectivité dans la famille et dans la société, ainsi que le « contrat sexuel »
entre les femmes et les hommes. Seul le drame bourgeois, également appelé
genre sérieux, tragédie bourgeoise ou, plus simplement, drame, paraît
capable de s’adapter à un modèle familial en pleine mutation, considéré
comme fondement d’une vie contractuelle harmonieuse au sein de la
société ; il offre ainsi un modèle narratif montrant combien fragile tout
consensus peut se révéler. Le drame sérieux existe déjà dans les œuvres de
Barbier et de Gomez, mais c’est Diderot qui en devient le théoricien officiel
avec Entretiens sur le Fils naturel (1757), De la poésie dramatique (1758)
et Éloge de Richardson (1762). Diderot ne reconnaît pas ouvertement sa
dette envers Graffigny qui, au milieu du siècle, a joué un rôle certain dans le
développement du drame avec les tragédies Cénie et La Fille d’Aristide, où
ses portraits de père et de mère étayaient une nouvelle idée de la famille.
Beaumarchais lui emboîte le pas avec Essai sur le genre dramatique sérieux
(constitué de la préface d’Eugénie [1767] et des préfaces de sa trilogie).
Mercier le suit avec Du théâtre ou Nouvel Essai sur l’art dramatique
(1773) 76.
Le nouveau genre, dans lequel la vertu et la bonté triomphent sans le
secours d’une vérité fondamentale, redéfinit la fonction des individus dans
la famille et semble offrir, par-delà une schématisation morale explicite, la
possibilité d’un usage éthique de la fiction. La critique de Beaumarchais est
à certains égards la formulation la plus solide du drame bourgeois. Il dit
écrire des drames sérieux, qu’il situe entre la tragédie héroïque et la
comédie légère, afin de convaincre le public par le sentiment ou l’émotion
et non par la raison, et de remplacer les préceptes ou l’abstraction par
l’exemple 77. Le cœur humain, plutôt que l’aptitude à raisonner, lui sert de
modèle. Puisque l’émotion fonde les spécificités de l’action, le lecteur ou le
spectateur, argumente-t-il, éprouvera de l’empathie ou de la compassion
pour le personnage 78. Si certaines femmes dramaturges ont bien écrit des
drames, de tels principes sont néanmoins repris avec plus de force par les
romancières qui écrivent dans la veine sentimentale.
Un certain nombre de pièces écrites par des femmes ont été, pour des
raisons multiples, parmi lesquelles les difficultés propres à l’accès aux
théâtres déjà mentionnées, représentées en privé, dans les salons des
aristocrates et des bourgeois, par des acteurs en majorité amateurs, une
partie d’entre elles ayant d’ailleurs été composées uniquement à cette
intention. D’autres ont participé du théâtre d’éducation. Félicité de Genlis a
débuté sa carrière par un immense succès, le Théâtre à l’usage des jeunes
personnes, ensemble de petites pièces d’abord représentées avec ses filles
en 1776 puis publiées (en 1779-1780 pour les quatre premiers volumes,
puis en 1785 pour les sept suivants) ; l’œuvre a été traduite dans plusieurs
langues et rééditée jusqu’au milieu du XIXe siècle.
Le théâtre d’éducation continue ensuite d’être joué dans les
établissements scolaires, parfois dans les habitations privées, dans un but
essentiellement moral : souvent lu, il encourage le sentiment et la vertu dans
le contexte d’une morale chrétienne ; il privilégie la vertu, condamne le vice
et récompense la force morale et non l’ingéniosité. Il incarne les idéaux
bourgeois en matière d’éducation (des filles), les valeurs familiales,
l’importance de l’enfance et de l’entrée dans l’âge adulte dans une société
fondée sur le respect des autres, le tout dans une perspective harmonieuse
qui ne suppose pas de changement radical. Genlis avait assimilé
l’enseignement des philosophes, mais les conteste pour des raisons morales
et religieuses. En 1787, elle écrit La Religion considérée comme l’unique
base du bonheur et de la véritable philosophie dans le but de démontrer la
vérité de la religion et de combattre les positions des philosophes
responsables d’avoir prêché la laïcité dès le mitan des Lumières 79.
Madame de Laisse (1742-1790) est l’auteure de romans, de proverbes et
de contes moraux 80 ; à la fin des années 1770, elle publie également, sous le
titre de Proverbes dramatiques et Nouveau genre de proverbes
dramatiques, quelques pièces dont aucune n’a été produite, entre autres :
L’Heureux Repentir, L’Innocence éclairée, À l’amour tout est possible,
L’Erreur du moment, Les Deux Cousines et Le Concert projeté. Comme
Genlis, elle aborde le théâtre d’éducation. Elle met en scène des femmes
vivant dans un espace uniquement féminin, pour un auditoire composé très
vraisemblablement de jeunes femmes. Elle demeure une auteure
conventionnelle adhérant à une vision conservatrice de la condition des
femmes, parce qu’elle estime comme Rousseau que leur vertu se limite à la
sphère privée. Si elle demeure dans les mémoires, c’est pour son différend
avec Marie-Émilie de Montanclos en juin 1774 : celle-ci avait dénoncé son
manque d’imagination. En 1775, Madame de Laisse a également écrit une
lettre ouverte à Fanny de Beauharnais, voyant en elle, qui a dédié aux
femmes quelques-uns de ses ouvrages, un modèle pour leur sexe 81.
Beauharnais a cherché à se faire un nom en littérature grâce à un cercle
d’amis, parmi lesquels Dorat et Cubières. Auteure d’une comédie, La
Fausse Inconstance (1775, représentée en 1787 mais retirée après avoir été
huée au troisième acte), elle est également l’auteure d’une brochure en
l’honneur d’Anne-Marie Du Bocage et d’un pamphlet intitulé À tous les
penseurs, salut (1774) 82.
Avant 1789, trois théâtres bénéficient du privilège royal : l’Académie
royale de musique, la Comédie-Italienne et la Comédie-Française. La loi Le
Chapelier de 1791 proclame la liberté des théâtres (désormais dégagés de la
censure). De nombreuses salles s’ouvrent dans la foulée : leur nombre passe
de quatorze à trente-cinq en une seule année, qui voit notamment
l’ouverture du Théâtre-Français comique et lyrique, du Théâtre national
Molière, du Vaudeville, du Cité-Variétés, du Liberté, du Concorde. Le
théâtre classique continue d’être joué jusqu’en 1793, et certaines œuvres de
son répertoire sont revues et corrigées pour se conformer à l’idéologie
révolutionnaire. De nombreuses pièces exploitent des sujets historiques,
Beaumarchais achève sa trilogie avec La Mère coupable (situé dans la
France de 1790, représenté en 1792, et dans lequel la vision nouvelle de
l’autorité paternelle, de la famille et du divorce continue de s’articuler
autour de la mère, pivot moral de l’intrigue). En 1790, le catholicisme
cessant d’être religion d’État, de nombreux textes polémiques et pièces de
théâtre abordent le thème des couvents, parmi lesquels le Discours sur la
suppression des couvents de religieuses et sur l’éducation publique des
femmes (1790) de Félicité de Genlis qui prend leur défense, et Le Couvent,
ou les Vœux forcés, drame en trois actes d’Olympe de Gouges, donné au
Théâtre-Français comique et lyrique en 1790 (publié en 1792), qui les
accable 83.
Le théâtre de la Révolution cherche avant tout à éduquer le public par
des exemples de vertu républicaine à la gloire de la nation ; le drame
bourgeois prend le pas sur les genres antérieurs, préludant au mélodrame.
Julie Candeille (1767-1834) compose les paroles et la musique de
Catherine ou la Belle Fermière, une comédie donnée en 1792 (son cadre
pastoral dissimule le discours féministe de son héroïne, rôle qu’elle tient
elle-même 84) et entrée au répertoire de la Comédie-Française. Pour la seule
année 1793, au nombre des pièces patriotiques à l’affiche, on recense Les
Montagnards de la citoyenne Monnet (au Théâtre national) ainsi que deux
pièces de Sophie Bogé (la citoyenne Villeneuve), Les Crimes de la noblesse
ou le Régime féodal, pièce en 5 actes en prose, à grand spectacle (qui fait
un triomphe au Théâtre des Sans-Culottes) et Le Véritable Ami des lois ou
le Républicain à l’épreuve (au Théâtre Molière). Telles sont quelques-unes
des voies empruntées par les dramaturges de la période révolutionnaire,
particulièrement friande de spectacles et de théâtre en particulier.

Façonner le changement
Olympe de Gouges travaille au changement de la société dès la fin de
l’Ancien Régime et pendant les premières années de la Révolution. Elle
écrit des comédies mais aussi des drames et, bien qu’elle ait été critiquée
pour son manque d’érudition et son style peu élégant (sa langue maternelle
est l’occitan), elle compte parmi les auteurs les plus audacieux (peut-être
même est-elle la plus intrépide) qui se sont mesurés à des figures littéraires,
philosophiques et politiques considérables, comme Beaumarchais,
Rousseau ou Robespierre, pour débattre de l’état du monde en général, des
droits des femmes et des esclaves en particulier.
Dans Molière chez Ninon ou le Siècle des grands hommes (1788), elle
rend hommage au grand homme de la comédie (Voltaire avait déjà fait de
Ninon un personnage du Dépositaire en 1769) 85. Le Molière d’Olympe de
Gouges raconte l’histoire d’une jeune fille qui quitte sa famille pour
rejoindre la troupe de Molière et qui finit par épouser le dramaturge. Deux
modèles très différents se retrouvent ici : Molière pour la tradition du
théâtre comique, et Ninon de Lenclos (1620-1705) qui figure en femme
forte du XVIIe siècle. Les acteurs, qui mettent aux voix le choix des œuvres,
refusent de jouer la pièce.
Ninon de Lenclos n’en demeure pas moins un modèle : salonnière
matérialiste et libertine (au sens philosophique du terme), elle se prononce
en faveur de l’égalité des hommes et des femmes. Ses lettres apocryphes au
marquis de Sévigné sont publiées en 1750 dans un roman attribué à Louis
Damours ou à Crébillon fils, si proche de ses idées qu’il en paraît
authentique 86. Très peu d’écrits de sa main ont subsisté : La Coquette
vengée (1658), récit qui traite de l’âge et de la mort, et ses lettres sur le
vieillissement à Saint-Évremond, disciple de Gassendi (1697, 1698). Pour
sa part, Félicité de Genlis dénonce les dangers du dogmatisme antireligieux
de Lenclos et son rôle subversif ; elle fait en sorte de discréditer celle
qu’elle considère comme une créature dépravée, ne constituant pas un
exemple de femme de lettres (elle doute d’ailleurs de l’authenticité de ses
écrits) 87. Ninon doit peut-être sa notoriété à sa vie de courtisane et à son
salon, mais Gouges, lorsqu’elle la choisit comme modèle de femme forte,
s’intéresse davantage à sa hardiesse, à sa capacité à être reconnue par des
figures de pouvoir (dont les convictions diffèrent pourtant grandement des
siennes), à sa philosophie de l’amour et de l’égalité. Elle fait également de
Ninon un personnage de Mirabeau aux Champs Élysées, écrite en 1789 et
représentée à la Comédie-Italienne en 1791. Dans cette pièce, Marie de
Sévigné, Ninon de Lenclos et Antoinette Deshoulières figurent aux côtés de
Montesquieu, Voltaire et Benjamin Franklin. L’éloge de Ninon de Lenclos
par Joseph de La Porte pourrait sans doute s’appliquer à Olympe de
Gouges : « Elle joignit toutes les vertus de notre sexe aux grâces du sien ;
ce qui l’a placée peut-être au-dessus des plus grands hommes 88. »
La figure la plus compliquée à laquelle Olympe de Gouges se mesure
est clairement celle de Rousseau. Comme nombre de femmes auteurs, elle
adhère à certaines de ses vues, mais pas à d’autres. Dans son essai Le
Bonheur primitif de l’homme ou les Rêveries patriotiques (1789), elle salue
l’art et le génie de Rousseau ; elle analyse les origines de la société, l’idéal
de la liberté originelle et le rôle de la raison qui permettront de développer
le potentiel de l’humanité ; elle invoque aussi Voltaire et la tolérance en
matière de religion. Elle s’écarte toutefois de la pensée de Rousseau quand
elle aborde la question du mariage et défend la liberté de choix pour les
deux partenaires. Précisant ses idées sur l’inégalité qui caractérise la
situation des femmes, elle déclare, en désaccord sur ce point avec
Rousseau, que sans elles la société dégénère : « Les femmes ne forment-
elles pas la moitié de la Société ? Et malheureusement leur peu d’émulation
contribue à la perte de l’autre moitié. » Elle insiste sur la nature inséparable
des deux sexes : « tous deux, à l’avenir, concourront au bien général, et la
postérité s’applaudira à jamais de ce changement 89 ». Sa critique la plus
sévère à l’égard de Rousseau, Gouges la formule indirectement lorsqu’elle
propose de créer un théâtre national pour les femmes ; contournant l’attaque
qui figure dans la Lettre à d’Alembert, elle imagine une utopie théâtrale. Ce
faisant, elle perpétue le modèle de Molière et propose de représenter avant
tout et surtout ses propres pièces. Dans sa « Préface pour les dames, ou le
Portrait des femmes » (1788), elle affirme que les femmes peuvent agir à la
fois dans l’espace public et dans la sphère privée :

Les hommes soutiennent que nous ne sommes propres exactement qu’à conduire
un ménage ; et que les femmes qui tendent à l’esprit et se livrent avec prétention à la
littérature, sont des êtres insupportables à la société ;… mais mon sentiment est que les
90
femmes peuvent réunir les avantages de l’esprit avec les soins du ménage .

Olympe de Gouges n’est pas seule à se heurter à un problème central de


l’héritage rousseauiste. Si elle accepte les fondements de sa théorie sociale
de l’égalité, elle refuse la relégation des femmes dans la sphère privée. Se
démarquant nettement de ceux qui ont invoqué le topos de la modestie pour
préserver la réputation des femmes auteurs, elle se déclare l’égale de
Voltaire et plus utile que beaucoup : « … je prouve qu’une femme peut
encore être plus utile à l’humanité, à la Nation, à son Roi, que tant
d’hommes à charge de la société 91 ». Se comparant à Rousseau, elle se
présente elle-même comme victime de harcèlement et aspirant à la solitude
— « il est vrai qu’on me traite et persécute en grand homme 92 ».
Les préfaces de ses pièces et ses pamphlets plus avant dans le siècle
marquent aussi sa différence avec des femmes auteurs telles que Tencin,
Gomez, Graffigny, Charrière ou Riccoboni, beaucoup moins enclines à
afficher leurs opinions politiques, même si elles aussi défendent leur qualité
d’auteure par d’autres voies que les hommes. Dans la seconde préface de
Mirabeau aux Champs Élysées (1791), Olympe de Gouges écrit encore :
« Le lecteur ne manquera pas de dire, cette femme aime bien à préfacer :
patience, lecteur, je vais tâcher que celle-ci soit du moins utile 93. » Les
préfaces deviennent ainsi un espace où réfléchir aux questions litigieuses 94 ;
elles révèlent les aléas de la production et de la publication des pièces, et
font état des difficultés qu’elle a rencontrées dans son travail de dramaturge.
Elles constituent un lieu où débattre des relations difficiles avec le Théâtre-
Français comique et lyrique 95, ainsi qu’avec d’autres auteurs, et livrent aux
lecteurs l’opinion sans fard d’une femme de lettres.
Olympe de Gouges estime que son œuvre lui appartient et utilise ses
préfaces comme autant de tribunes où exprimer des idées provocatrices
propres à la déconsidérer. Outre son souci d’une lecture « correcte » de
l’ouvrage 96, elle entend corriger les injustices du passé et démontrer que les
femmes, malgré les lacunes de leur éducation, ont été capables de parler au
pouvoir le langage de la vérité. Dans la préface à sa pièce incendiaire (mais
laquelle ne l’est pas ?) Le Couvent, ou les Vœux forcés (1790), elle dit avoir
trouvé sa source d’inspiration « dans le sein de l’Assemblée nationale »
pour camper des hommes d’Église corrompus.
Elle se considère à la fois comme une exception (l’équivalent d’un
« grand homme »), mais aussi comme la représentante de toutes les
femmes, solidaire de toutes celles qui n’ont pas connu sa réussite, et même
de celles qui ne l’ont guère bien traitée : « Je connais ses défauts [ceux de
son sexe], ses ridicules, mais je sens aussi qu’il peut s’élever un jour ; c’est
à cela que je veux m’attacher 97. »

Dénoncer l’esclavage (Gouges et Staël)

Durant les années 1780, Olympe de Gouges et Germaine de Staël


dénoncent toutes deux l’esclavage, liant ainsi abolitionnisme et proto-
féminisme 98.
Olympe de Gouges estime être la première dramaturge à aborder de
front l’histoire, réelle autant que déplorable, de l’esclavage dans sa pièce
Zamore et Mirza ou l’Heureux Naufrage (1783 ou 1784) 99. L’esclavage a
néanmoins déjà retenu l’attention d’un certain nombre d’auteurs : Marivaux
avec L’Île des esclaves (1725), Montesquieu avec De l’esprit des lois,
Voltaire avec Candide, Alzire, ou son Essai sur les mœurs. Dans le Contrat
social, Rousseau en fait une métaphore : « L’homme est né libre, et partout
il est dans les fers 100. » Gouges entretient de plus des liens avec la Société
des amis des Noirs fondée en 1788. Avant elle, Condorcet a publié
Réflexions sur l’esclavage des nègres sous le pseudonyme de M. Schwartz,
« pasteur du Saint-Évangile à Bienne » (1781) ; il y qualifie l’esclavage de
crime et pose les fondements des droits de l’homme. Par ailleurs, les lettres
de Charlotte Aïssé, ancienne esclave turque achetée par le beau-frère de
Claudine de Tencin, Charles de Ferriol, et ramenée en France, paraissent à
la veille de la publication de Paul et Virginie (1788) avec des notes de
Voltaire ; sa vie avait déjà inspiré l’Histoire d’une Grecque moderne à
l’abbé Prévost (1740) et sa correspondance privée avait été publiée à titre
posthume 101.
À l’époque, la France est divisée sur la question de l’esclavage : d’une
part son implication est intense dans le commerce triangulaire atlantique,
d’autre part les idées des Lumières ouvrent la voie à l’abolition de
l’esclavage en 1794. Nombre de ceux qui militent pour cette cause utilisent
l’esclavage comme une métaphore politique ; c’est le cas de Rousseau, qui
réclame un changement dans ce domaine, tout en fermant les yeux sur les
réalités de la traite. Les auteurs utilisent également cette image pour décrire
la condition des femmes dans le mariage, et ce de Françoise de Graffigny à
Choderlos de Laclos 102, avant que les discours révolutionnaires ne
dénoncent avec vigueur l’inégalité des unions 103.
Le Code noir, institué en 1685, l’année de la révocation de l’édit de
Nantes, réglemente l’esclavage dans les colonies et en expulse les juifs ; il
prévoit le baptême et l’instruction des esclaves dans la religion catholique,
tout autre culte étant interdit. Aucune de ces dispositions ne sera
entièrement abandonnée avant la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789.
Olympe de Gouges commence par s’interroger sur les conditions d’un
changement susceptible de lier activement le féminisme et l’abolition du
racisme. Dans « Réflexions sur les hommes nègres » (1788), elle écrit :
« Un commerce d’hommes !…. grand Dieu ! et la nature ne frémit pas ! »,
puis elle poursuit : « Je n’entends rien à la politique. On augure qu’une
liberté générale rendrait les hommes nègres aussi essentiels que les
blancs. » Critiquant les stéréotypes concernant moi et l’autre, elle insiste sur
leurs points communs : « S’ils sont des animaux, ne le sommes-nous pas
comme eux ? Et en quoi les blancs diffèrent-ils de cette espèce ? C’est dans
la couleur… 104. » Après que les partisans de la traite ont interrompu les
représentations de Zamore et Mirza, elle publie la pièce, et en change le titre
en L’Esclavage des Noirs (elle est jouée en 1789, publiée en 1792) 105.
S’inspirant du personnage de Voltaire, Zamore, l’Inca de sa pièce Alzire
(1736), elle reprend plusieurs fois son texte, partant d’une première version
indienne (les colonies autres que l’Afrique détournaient en réalité
l’attention des territoires où s’effectuait l’essentiel de la traite 106) dans
laquelle le problème abordé est celui de l’esclavage et non de la race, pour
aboutir aux Antilles. Elle fonde son argumentation morale sur la
compassion, sur l’affaiblissement de la figure du père ou de l’autorité, et sur
le droit des hommes à l’émotion et à la sensibilité. Elle s’interroge sur ce
qui fait un citoyen — l’obéissance, la raison, l’empathie ou la pitié ? —,
demandant implicitement en quoi consiste le rapport entre le sexe et la
citoyenneté. Abolitionniste avant de se faire l’avocate des femmes, Gouges
n’en crée pas moins un personnage de femme blanche, Sophie (fille
naturelle d’un aristocrate), qui sauve des esclaves noirs des mains de Blancs
prêts à les condamner. Redoutant la violence alors qu’elle défend la place
de la monarchie et du patriarcat, même si elle les remet en question, elle
tergiverse quand il s’agit de considérer jusqu’où aller. L’auteure reprendra
cette rhétorique quand elle dépeindra les femmes en esclaves du mariage et
qu’elle abordera la question des droits.
Comme Olympe de Gouges, Germaine de Staël est abolitionniste, et dès
ses premiers écrits sa position s’aligne sur l’évolution du mouvement qui va
de la fin des Lumières à la période romantique. Elle aborde elle aussi la
question de l’esclavage et du commerce négrier sous l’angle du sentiment et
de la morale. Elle écrit à ce sujet deux de ses premières fictions, deux
nouvelles, Mirza ou Lettre d’un voyageur et Histoire de Pauline (1786),
assez voisines des ouvrages de Gouges et du très apprécié Paul et Virginie
(1788) de Bernardin de Saint-Pierre, mais qui n’ont été publiées qu’en
1795. Par un curieux concours de circonstances, le contrat de son mariage
arrangé avec le baron suédois de Staël-Holstein comprend l’octroi d’un titre
et d’une île où vivent des colons français et quelque quatre cents esclaves
(Saint-Barthélemy, dans les Antilles françaises). Le lien entre les femmes et
les esclaves prend ici une importance symbolique manifeste 107. De plus,
c’est Marie-Charlotte de Boufflers, dont le salon accueille Diderot,
Rousseau, Hume, Grimm, Prévost et Beaumarchais entre autres, qui s’est
entremise. Son futur époux, gouverneur du Sénégal et installé en résidence
dans l’île de Gorée en 1785, ramène en France, en 1786, une jeune esclave
du nom d’Ourika (il en fait « cadeau » à sa tante et son oncle, les Beauvau-
Craon). Jacques Necker a vu la jeune fille, et sans doute la future Germaine
de Staël aussi, ce qui l’a peut-être incitée à écrire Mirza 108.
La nouvelle commence ainsi : « Permettez que je vous rende compte,
madame, d’une anecdote de mon voyage [Note de l’auteur : Cette anecdote
est fondée sur des circonstances de la traite des nègres, rapportées par les
voyageurs au Sénégal.] J’appris à Gorée […] que monsieur le gouverneur
avait déterminé une famille nègre à venir demeurer à quelques lieues de là,
pour y établir une habitation pareille à celles de Saint-Domingue ; se
flattant sans doute qu’un tel exemple exciterait les Africains à la culture du
sucre, et qu’attirant chez eux le commerce libre de cette denrée, les
Européens ne les enlèveraient plus à leur patrie, pour leur faire souffrir le
joug affreux de l’esclavage. […] Vainement les écrivains les plus éloquents
ont tenté d’obtenir cette révolution de la vertu des hommes ;
l’administrateur éclairé désespérant de triompher de l’intérêt personnel,
voudrait le mettre du parti de l’humanité… 109». La nouvelle met en scène le
personnage de Mirza, nom qui figure dans les Lettres persanes de
Montesquieu, ainsi que dans Zamore et Mirza et dans L’Esclavage des
Noirs de Gouges, mais également le personnage d’Ourika (femme du seul
esclave affranchi qui participe au projet du gouverneur) *7. Dans la pièce de
Gouges comme dans la nouvelle de Staël, le gouverneur est un homme
foncièrement bienveillant. Dans la nouvelle, les personnages africains sont
dépeints en êtres humains et libres, doués des vertus du cœur, dignes
d’éloges, et méritant en tant qu’individus d’être émancipés.
Dans Histoire de Pauline écrit la même année, Staël compare la
situation des femmes et l’esclavage. Dans le Saint-Domingue
prérévolutionnaire, sous un climat torride, « où les hommes, uniquement
occupés d’un commerce et d’un gain barbares [l’esclavage] semblent, pour
la plupart, avoir perdu les idées et les sentiments qui pourraient leur en
inspirer l’horreur, une jeune fille […] avait été mariée, à l’âge de treize ans,
à un négociant fort riche 110 ». Mais Pauline, dont la vie débute dans le
monde colonial, n’est pas la Sophie du récit de Gouges ; elle s’éprend de
Théodore, dont la peur de l’esclavage — des sentiments cette fois —
oriente l’histoire vers un emploi métaphorique du terme. Il s’agit ici d’une
Créole arrivant au Havre qui sera transformée par le savoir et la lecture,
mais restera confrontée aux souvenirs culpabilisants d’un passé
indissociable de l’esclavage. Les termes qui, dans les deux nouvelles,
rattachent les histoires sentimentales et personnelles à l’analyse politique de
l’abolitionnisme seront repris plus tard par Staël, lorsqu’elle s’exprimera
dans l’Europe entière en faveur de l’abolition de l’esclavage 111.

Grâce à la traduction, grâce aux principes démocratiques du drame


bourgeois dans lequel les sentiments, l’empathie et les rapports sociaux ont
pour objet de transcender classe sociale et différence de sexe, les femmes
auteurs exercent non seulement leur liberté, mais concrétisent leur désir
d’affirmer leur égalité en tant qu’écrivaines. En trouvant le moyen d’écrire,
de publier et de produire leurs œuvres dans la culture combien hiérarchisée
de l’Ancien Régime, et ce jusqu’à ce que la Révolution finisse par leur
interdire toute action politique, elles montrent leur remarquable capacité de
résilience. La Révolution accomplie, le constat toutefois n’est pas
rassurant : dans De la littérature, Germaine de Staël déclare sans détours :
« … dans les monarchies, [les femmes qui cultivent les lettres] ont à
craindre le ridicule, et dans les républiques la haine 112. » Le terme de
fraternité, troisième élément de la devise révolutionnaire, s’affirme
résolument masculin par son étymologie, de même que le choix du mot
homme, et non humains, pour qualifier les droits 113 : les femmes ne feront
pas partie de la fraternité politique. Toutefois, grâce à leur capacité à
traverser les langues et les genres, elles sont activement présentes sur la
scène littéraire. Elles concentrent leur attention sur les dilemmes de la
société qui est la leur, ainsi qu’on va le voir dans le chapitre suivant.

e
*1. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. VII.
*2. Après son mariage en 1765 avec le président du Rey de Meynières qui appartient à
l’une des grandes familles de parlementaires, elle jouit d’une notoriété certaine dans la société
parisienne mais cesse d’écrire ; elle compte Voltaire parmi ses relations mais également
Geneviève d’Arconville et Françoise de Graffigny ; elle rencontre Hume pendant le séjour de ce
dernier à Paris.
*3. Voir les pages consacrées à ses romans dans le chap. III.
*4. Diderot est lui aussi en contact suivi avec Riccoboni en matière de théâtre ; il y fait
explicitement allusion dans Le Paradoxe sur le comédien qu’il rédige entre 1773 et 1777.
e
*5. Voir « La fin de la Renaissance », chap. II, XVII siècle, « Un grand siècle pour les
e
femmes auteurs », chap. I, et les observations qui concernent le XIX siècle, chap. I.
e
*6. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. II.
*7. Celle-ci accédera plus tard à la notoriété dans un roman éponyme de 1823 que l’on doit
à Claire de Duras (1777-1828).
Chapitre III
DILEMMES

Examinez l’ordre social, […] et vous verrez bientôt qu’il est tout
entier armé contre une femme qui veut s’élever à la hauteur de la
réputation des hommes.

GERMAINE DE STAËL, De la littérature

FICTIONS

Les femmes auteurs prennent pour sujets de fiction ce qu’elles


connaissent, le pouvoir de l’amour, mais aussi l’éthique de la vie privée,
leur rôle d’épouses (et ce qu’il implique : inclination, mariage, devoir,
contrat, sacrement), de mères et d’éducatrices à une époque où peu à peu ce
rôle est l’objet de nombreux débats. Avant même que la traduction des
romans de Richardson ne contribue grandement au succès du genre
romanesque en France, les auteurs s’en remettent à une sensibilité que
Rousseau va codifier sous le nom de cogito sensible (« Je sens, donc je
suis »), reprenant la pensée cartésienne sur l’existence mais l’intériorisant
par l’émotion et la conscience. L’aptitude à la sensibilité (empathie, pitié,
compassion sociale) accorde à l’individu sens et relations dans ce que nous
pouvons qualifier de mutation féministe, même chez les femmes auteurs les
plus conventionnelles, qui veulent voir les femmes tenir toutes sortes de
rôles dans la société et qui souhaitent rendre égal un état assurément
difficile dans la structure systémiquement inégalitaire de l’Ancien Régime.
Dans cette perspective, les hommes aussi peuvent être sensibles, de même
que leurs rôles d’époux et de père peuvent être adoucis ; les femmes auteurs
et leurs personnages peuvent ainsi contester le mariage en tant qu’état où
leur inégalité se fait sentir avec le plus d’acuité.
Écrire constitue certes pour les femmes un apprentissage de la liberté
mais crée ce faisant des dilemmes que leurs vies révèlent autant que leurs
œuvres. Le premier de ces dilemmes tient à leur activité traditionnelle
d’épistolières, d’auteures de lettres intimes qui, une fois publiées, dépassent
la distinction entre le privé et le public. Anne-Marie Du Bocage par
exemple, alors qu’elle voyage en Europe, adresse à sa sœur de nombreuses
lettres et écrit de même une lettre sur l’opéra-comique avant d’imaginer
publier la moindre de ces lettres sous son nom 1 ; Anne-Marguerite Du
Noyer divulgue une partie de sa correspondance privée dans ses Lettres
historiques et galantes 2 ; l’ancienne esclave turque Charlotte-Elisabeth
Aïssé voit sa correspondance privée publiée à titre posthume.
Une part de ces publications est non autorisée, ce qui n’est pas sans
poser divers problèmes, éthiques et éditoriaux. Suzanne Necker consigne
régulièrement des notes et des réflexions dans un journal, afin de préparer
les conversations de son salon, mais son mari (qui refuse qu’elle publie quoi
que ce soit de son vivant) ne fait paraître ses écrits qu’après sa mort. De
1769 à 1782, Louise d’Épinay, que nous avons déjà vue défendre l’égalité
des femmes et leurs activités de journalistes, tient une chronique de
l’actualité parisienne pour le spirituel abbé Galiani, très apprécié de Diderot
et de Grimm, et que Voltaire compare tour à tour à Platon et à Molière. Des
extraits des lettres échangées par Épinay et Galiani paraissent dans la
Correspondance littéraire, tous deux ayant vraisemblablement pressenti que
leurs échanges seraient publiés un jour 3. Marie du Deffand et Julie de
Lespinasse sont de ces salonnières qui ont entretenu des correspondances
conséquentes, de même que Riccoboni, Genlis, Staël et Charrière, qui ont
écrit des romans épistolaires et se sont efforcées de donner une spécificité
féminine à leurs ouvrages 4. La correspondance que Graffigny entretient
vingt-cinq ans durant avec François-Antoine Devaux n’a été publiée qu’à la
fin du XXe siècle. Les lettres de Rosalie Jullien (1745-1824), mère et épouse
d’un homme politique issu de la bourgeoisie, député de la Drôme à la
Convention et Montagnard, n’ont paru qu’en 2016 et apportent un
témoignage de premier ordre sur la vie d’une femme pendant et après la
Révolution 5. Ainsi le corpus d’écrits privés de femmes ne cesse-t-il de
croître.
Au cours du XVIIIe siècle, les auteurs masculins se sont approprié
l’écriture épistolaire des femmes pour les besoins de leur fiction, au premier
rang desquels Montesquieu, Richardson, Rousseau et Laclos, avec
l’immense succès que l’on sait. De nombreux romans écrits par des
hommes ont de plus pour titre le nom de l’héroïne : Manon Lescaut,
Clarissa, Marianne 6. Pour les femmes toutefois, écrire demeure un
problème et fait encourir le risque, même si elles ne publient pas ou le font
de manière anonyme, de chercher à abolir la différence claire des rôles de
l’un et l’autre sexe fixés par la société. On se rappellera pour preuve, entre
autres, les sarcasmes de Coyer dans L’Année merveilleuse ou les propos de
Rousseau dans l’Émile.

Du rôle des romans

L’association entre femmes et romans, on le sait, remonte au


e *1
XVII siècle . Elle se maintient tout au long du siècle suivant. Si elle

rappelle le caractère mineur d’un genre littéraire qui se trouve en partie


illustré par des femmes, elle est également l’indice d’une volonté originale,
celle de souligner leur rôle dans la vie privée et de montrer comment ce rôle
se trouve lié plus largement aux transformations en cours dans la société. Le
pouvoir des mémoires fictifs et des romans épistolaires, qui prétendent
parfois être des traductions, ne transparaît pas toujours dans les propos de la
critique, mais la faveur dont jouissent alors de nombreux romanciers et
romancières auprès d’un lectorat féminin témoigne d’une culture en
mutation 7.
Pour certains critiques contemporains, le roman de cette période se
caractérise par son féminocentrisme, en ceci que les femmes y jouent un
rôle déterminant et constituent parfois le centre de l’intrigue 8. De nombreux
romans ont en effet pour sujet l’entrée d’un personnage féminin dans la
société et concentrent leur attention sur la manière dont les réponses de ce
personnage face aux dangers qu’il peut rencontrer déterminent ensuite sa
vie en société. Alors que les genres antérieurs (poésie épique, roman de
chevalerie et histoire) s’en tenaient en grande partie à l’expérience vécue
par des hommes dans les principaux sous-genres du roman, mémoires fictifs
et romans épistolaires en particulier, des voix féminines s’imposent souvent
par protagoniste interposé ou par le recours à la première personne.
Les critiques de l’époque commencent à débattre des mérites du genre
romanesque et, soucieux de leur public, sur sa capacité à conduire les
lecteurs sur le chemin du vice ou de la vertu. La plupart de leurs écrits et
traités se fondent sur une définition assez vague du genre. Même si chaque
auteur, pris individuellement, veille à détailler ses sources avec soin, on ne
trouve guère de qualités à porter au crédit du roman au-delà d’une
définition négative : ce n’est pas de l’histoire, ce n’est pas une fable ou un
poème épique. Les critiques s’accordent néanmoins sur un point : le roman
est bien un genre à part, et les traits qu’on lui associe ressortissent à
différentes manières de voir. Le roman est une fiction en prose ; il montre
non des fables mais des exemples « réels » de l’expérience humaine
auxquels le lecteur peut s’identifier ; il traite de conflits relationnels, en
particulier dans le domaine sentimental ; les femmes en constituent
habituellement le centre moral. Il peut ainsi être appréhendé comme
l’exposé d’une série de problèmes traités par la narration, le style et le défi
de la contradiction. Bien que genre littéraire relativement récent et peu
canonique, son succès se maintient sans discontinuer jusque très avant dans
les années 1800 malgré la Révolution et la baisse sensible de publications
dans ce domaine en 1793 et 1794 9. Qu’ils condamnent ou défendent le
roman, les critiques conviennent dans leur grande majorité que le genre
renvoie à un ensemble de valeurs différentes et plus modernes. Les valeurs
naguère révérées, comme le talent guerrier et le devoir patriotique inspirés
par les récits historiques et les épopées, sont remplacées par des questions
d’ordre moral concernant la vertu et le cœur, comme lieux de sensibilité
hérités d’une morale chrétienne. L’importance grandissante de la sensibilité,
associée au monde empirique des émotions et de la conscience, se trouve
alliée aux valeurs, protestantes, de l’individu. Les tenants d’une vision
laïque et moderne des valeurs humaines reconnaissent ainsi dans le roman
l’emblème d’une morale nouvelle et contingente.
Dans un écrit de jeunesse intitulé Essai sur les fictions, commencé peut-
être en 1794, bien que publié en 1813, Germaine de Staël fait l’éloge de
l’imagination, aptitude humaine déterminante pour le bonheur en ce monde.
La raison et l’imagination sont les deux facultés essentielles permettant de
diriger et d’éclairer la pensée ; cachée à la vue, observe-t-elle, la
philosophie sous-tend la fiction qui exerce une influence principalement
morale lorsque le lecteur est ému. Stigmatisant la médiocrité de nombreux
romans, Staël insiste sur l’importance d’ouvrir la réflexion, par le drame
d’une histoire d’amour, à une logique de l’intériorité dans la vie intime et
non dans les faits extérieurs. Le roman doit conduire le lecteur à une
compréhension de la morale que ne lui apportera jamais aucun traité, et le
sensibiliser aux tensions et aux périls qui mettent en danger la vie et la
raison 10. Staël ne prend pas pour exemple de sa démonstration l’œuvre
d’une femme, mais La Nouvelle Héloïse de Rousseau, où la passion et un
contrat social en mutation trouvent leur solution dans l’extension de la
famille.
L’auteure de l’Essai témoigne de contradictions semblables à celles que
ses devanciers avaient déjà exprimées quand ils jugeaient les femmes
auteurs de fiction ou de non-fiction. Dans De la littérature, Staël rappelle
que les femmes ont attiré l’attention de tous, même des hommes, sur la vie
privée : « Les romans, ces productions variées de l’esprit des modernes,
sont un genre presque entièrement inconnu aux anciens […] mais avant que
les femmes eussent créé des intérêts dans la vie privée, les aventures
particulières captivaient peu la curiosité des hommes ; ils étaient absorbés
par les occupations politiques 11. » Tout au long de l’histoire, explique-t-elle
encore, les femmes ont tout ignoré du monde extérieur hormis l’amour (que
ce soit un trait essentiel ou contingent) et leurs contributions se sont fondées
sur le regard exceptionnel qu’elles portaient sur la société : « Les femmes
ont découvert dans les caractères une foule de nuances que le besoin de
dominer ou la crainte d’être asservies leur a fait apercevoir : elles ont fourni
au talent dramatique de nouveaux secrets pour émouvoir 12. » Rappelant
tacitement les principes du drame bourgeois évoqué dans la deuxième
partie, Staël montre ce qu’implique un tel supplément à l’expérience :
« Tous les sentiments auxquels il leur est permis de se livrer, la crainte de la
mort, le regret de la vie, le dévouement sans bornes, l’indignation sans
mesure », « enrichissent la littérature d’expressions nouvelles ». Semblables
apports soulignent ce que les femmes ont de positif à offrir, même si les
limites de ces apports existent : « Les femmes n’étant point, pour ainsi dire,
responsables d’elles-mêmes, vont aussi loin dans leurs paroles que les
sentiments de l’âme les conduisent 13. » Examinant la tradition littéraire en
général et romanesque en particulier, Germaine de Staël, à la différence de
Briquet, Keralio et Genlis, retient toutefois très peu de noms de femmes et
reste quasiment muette sur ses contemporaines, hormis Charrière, Genlis,
Sophie Cottin (1770-1807) et quelques autres, auxquelles elle rend
hommage sans doute, mais dont les noms figurent dans une simple note 14.
La compréhension de la psychologie féminine que Staël met en avant ne
s’éloigne guère de celle des philosophes de son temps, eux qui naturalisent
et essentialisent leur vision du monde, et là réside le problème pour Staël.
Elle reconnaît d’emblée un rôle actif aux femmes dans la littérature
moderne, à laquelle elles contribuent avec courage malgré les contraintes
qu’elles rencontrent, elle ne les juge pas moins incapables de s’en
affranchir. Selon Staël, les femmes sont sentimentales (capables de
littérature), alors que les hommes sont empiriques et savent convaincre
(capables de philosophie), ce qui assure leur domination ; toutefois, elle ne
prend pas pleinement en compte le contexte économique, religieux et social
qui est celui des femmes qui écrivent.
Sous l’Ancien Régime, les femmes ont pu aider les hommes dans le
domaine politique, mais elles n’en ont guère été les actrices ; Staël elle-
même est plus sensible aux vertus du sentiment qu’à celles de la raison,
suivant en cela la vision de Rousseau, même si elle n’adhère pas à son idée
d’une éducation séparée pour Sophie, telle qu’elle est exposée dans Émile 15.
Dans ses Lettres sur les écrits et le caractère de Jean-Jacques Rousseau,
Staël voit La Nouvelle Héloïse comme un roman moral : en épousant
l’homme que son père lui a choisi, Julie trouve le bonheur et la vertu dans
l’éducation de ses enfants. Elle excuse son auteur, homme excentrique
persuadé d’avoir eu raison en abandonnant ses propres enfants ; ce génie de
l’abstraction aurait dû, selon elle, vivre à l’écart de la société 16. Ce faisant,
elle n’applique manifestement pas la même norme morale aux hommes et
aux femmes.
La contribution des femmes à la littérature relève ainsi d’un objectif
moral qui, même s’il ne peut pas être atteint, est d’une importance
déterminante pour le progrès de l’humanité. Comme le signale Germaine de
Staël, les femmes auteurs de l’Ancien Régime, si elles n’ont pas pu ou n’ont
pas voulu réagir aux railleries et au mépris public (transformé en haine
pendant la période révolutionnaire), ont su habilement imaginer dans leurs
romans des correctifs à leur situation 17.

Défenseurs et détracteurs

Les critiques de l’époque ont considéré la place croissante des héroïnes


de diverses manières, généralement conformes à leur vision du statut idéal
des femmes 18. En soulignant l’influence grandissante des femmes dans la
société, Staël devait susciter un intérêt nouveau de tous les genres
littéraires, et du roman en particulier.
Tout au long du siècle, ce dernier ne cesse de faire débat. Pour Nicolas
Lenglet Du Fresnoy, auteur de De l’usage des romans (1734), les
contempteurs du genre se répartissent en deux groupes : les tenants de la
religion et ceux de la raison. Les critiques religieux reprochent
généralement au roman de promouvoir un code moral d’inspiration laïque
incitant le lecteur à se détourner de la Bible ; ses détracteurs rationalistes
dénoncent un goût dangereux pour la fantasmagorie et le sentimental. De
nombreux penseurs, de nombreuses publications puisent des arguments
d’un côté comme de l’autre pour mieux tenter de persuader un large public.
Défenseur du roman, Du Fresnoy décrit le genre en ces termes :

Parlons seulement de ceux qui traitent d’un amour sage et modéré, conduit avec
toutes les bienséances qu’exige la politesse des mœurs, et qui n’ont contre eux que de
représenter sous des images feintes le cours ordinaire de la vie humaine, et d’en tirer
19
même des instructions salutaires .

Et de poursuivre : eussent-ils été écrits en grec ou en latin et non en


langue vernaculaire, on aurait salué en eux des exemples moraux. Lui-
même avoue sans ambages préférer les romans contemporains à l’histoire
car, se présentant d’emblée comme fictionnels, ils n’égarent pas le lecteur 20.
Le roman permet d’exposer une sagesse morale utile pour l’avenir et de
rendre l’humanité compréhensible ; les royaumes gouvernés par des
femmes se révèlent d’ordinaire plus stables que ceux régis par des hommes,
et les souveraines n’hésitent pas à s’entourer de bons conseillers dans les
domaines qui échappent à leur entendement, fait-il observer. Ses arguments
en faveur du roman restent toutefois plus flous, mais ils convergent pour
conforter une nouvelle conception de la lecture, fondée sur la
compréhension de la subjectivité de l’individu et de l’amour.
De leur côté, les adversaires du roman répètent à l’envi que le roman
suscite des attentes irréalistes et un vif désir d’amour et de mariage ;
l’attention portée au cœur et aux sentiments compromet la suprématie de
l’esprit ; le réalisme fictif des romans éloigne la pensée de la vérité
religieuse 21, de l’histoire et des sciences, rendant le genre dangereux et peu
propice à l’éducation en ceci qu’il incite à l’immoralité — « Jamais fille
chaste n’a lu de romans 22 », répète Rousseau dans sa préface à La Nouvelle
Héloïse. Par le portrait positif qu’on trace d’elles, comme femmes et
comme mères, les femmes se voient créditées de plus de raison et de
moralité que la tradition ne leur en imputait jusqu’à présent. En vertu de
quoi, les romanciers comme les romancières trompent leurs lecteurs
masculins sur les aptitudes réelles des femmes en exagérant la vertu et
l’intelligence de leurs héroïnes. Ces descriptions trop convaincantes,
pensent les adversaires du roman, risquent de conduire à la tyrannie des
femmes sur leurs maris.
Si les critiques considèrent les personnages féminins de roman, ils ont
également un avis sur les lectrices. Lenglet Du Fresnoy imagine l’histoire
d’une jeune fille faisant ses débuts dans le monde en quête d’expériences ne
présentant pas de danger et considérant les romans comme des « études de
cas », des exemples moraux de situations conflictuelles. Dans son Avis
d’une mère à sa fille (1728), Anne-Thérèse de Lambert dissuade pourtant sa
fille de lire des romans, qu’elle juge plus dangereux que la poésie ;
Riccoboni quant à elle, condamne, non sans ambivalence, leur lecture dans
son propre roman, Lettres de Milady Juliette Catesby. Ni l’une ni l’autre ne
présume que l’inaptitude des femmes à la raison en fait logiquement des
lectrices de romans ; elles veillent avant tout à leur statut dans la société 23.
Ayant posé qu’aucune femme vertueuse n’a jamais lu de roman, laissant
entendre, comme l’avait fait Armand-Pierre Jacquin dans ses Entretiens sur
les romans (1755), que tout ouvrage de ce type constitue la porte d’entrée
aux vices les plus révoltants, Rousseau affirme que lecteurs et lectrices ne
peuvent trouver leur salut que dans la fin édifiante qu’il a imaginée pour
son propre roman, La Nouvelle Héloïse 24 ; il autorise ainsi son lectorat à lire
des ouvrages sur la passion, mais corrigée par la morale. Son génie de la
contradiction, les dilemmes dans lesquels il précipite son héroïne ont fait de
son roman l’un des plus lus du siècle. Toutefois, comme Lenglet Du
Fresnoy, Rousseau, s’il reconnaît l’existence d’un lectorat féminin, le
définit en fonction de sa compréhension personnelle du féminin et des
capacités propres aux femmes. En déclarant que les femmes ont inspiré un
intérêt nouveau pour la vie privée, Staël prend le contre-pied de Rousseau,
bien qu’implicitement, en valorisant les femmes qui écrivent aussi bien que
celles qui lisent, et en reconnaissant la demande existante de livres portant
sur les femmes.
Les auteurs de romans parmi les plus célèbres et les plus lus au
e
XVIII siècle comptent quelques femmes. Ces dernières ne représentent
toutefois que 3 % de l’ensemble des écrivains des deux sexes comptabilisés
en 1789 (ces chiffres ont depuis été revus légèrement à la hausse) 25. S’il
demeure difficile de s’accorder sur les chiffres en matière de publication de
romans, le nombre de rééditions pendant le XVIIIe siècle et jusqu’au début du
e
XIX siècle peut toutefois servir d’indicateur à la vogue des romancières. De
1701 à 1750, on dénombre 1 011 romans publiés et 1 808 rééditions ; de
1751 à 1800, 2 663 œuvres nouvelles paraissent, auxquelles s’ajoutent
3 439 rééditions. Entre 1701 et 1750, Françoise de Graffigny figure en
troisième position des auteurs les plus réédités avec 69 rééditions (avec les
Lettres d’une Péruvienne, elle se place directement après Montesquieu et
Lesage) ; Tencin se trouve en dixième position (avec 47 rééditions des
Mémoires du comte de Comminge), après l’abbé Prévost et Zadig (1747) de
Voltaire notamment. Entre 1751 et 1788, le Magasin des enfants de
Leprince de Beaumont est en neuvième position (avec 46 rééditions) dans
une liste où Candide (1759) arrive en tête (95), Julie ou la Nouvelle Héloïse
est en deuxième position (88) et Émile ou De l’éducation en cinquième
position (70) ; les Lettres de Milady Juliette Catesby de Riccoboni occupent
la seizième place (35) 26. Entre 1789 et 1800, aucune femme auteur ne figure
dans la liste. À l’étranger, pour la période qui va de 1701 à 1820, c’est
Voltaire qui triomphe (1 023) ; Riccoboni est la femme la plus rééditée
(190), suivie de Leprince de Beaumont (147), Genlis (95), Tencin (87) et
Graffigny (70) 27.
L’œuvre de Riccoboni a été traduite dans plusieurs langues et rééditée
pendant tout le XIXe siècle, à la différence de celle d’autres femmes auteurs.
Si celle de Graffigny figure de même en bonne place, tel n’est pas le cas de
Charrière par exemple, à peu près inconnue de son vivant en dehors de son
cercle (elle publie le plus souvent en Suisse, et à compte d’auteur). Pour
tenter de comprendre un peu mieux les raisons pour lesquelles tant
d’auteures sont tombées dans l’oubli, il est nécessaire de comprendre quels
paradoxes et dilemmes du temps de leurs œuvres ont été légués au
e
XXI siècle.

Dilemmes

Un premier dilemme apparaît dans la volonté d’introduire une


dimension réaliste dans le roman en dépit de l’impératif consistant à lui
donner une dimension morale : comment en effet présenter un personnage
dans toute sa vérité en faisant du roman une sorte de traité de morale en
action ? Faute de modèles précis, les auteurs ont imaginé des formes
inédites (pseudo-mémoires, journaux personnels, fiction historique et
épistolaire) pour donner à leurs œuvres un caractère réaliste et empirique et
pour dépeindre l’amour dans l’espace-temps d’une narration.
Les années 1720 et 1730 voient paraître un grand nombre de romans,
les uns signés par Tencin et Gomez, les autres par des auteures moins
connues mais alors très appréciées : Catherine Bédacier (1670-1736) qui
devait publier sous son nom de jeune fille, Durand 28, Louise Levesque
(1703-1745), qui compte une vingtaine de titres dans divers genres 29,
Catherine de Lintot (1728?-1816) 30, Marie-Madeleine de Lubert (1702-
1785) qui, avec Villeneuve et Levesque, est l’auteure de contes et nouvelles
publiés dans les années 1730 et 1740 31. Madame Méheust de son côté est
peut-être la première femme à considérer l’amour sous un angle cynique
dans Histoire d’Émilie ou les Amours de Mademoiselle de *** (1732) 32.
Marguerite de Lussan (1682-1758) est l’auteure d’une œuvre composite,
caractéristique de la production du temps (elle compte quelques volumes
d’anecdotes historiques, de nouvelles pastorales et de biographies 33).
Un deuxième dilemme alimenté par la critique relève du lieu commun
selon lequel les femmes sont prédestinées par « nature » à écrire des
romans. L’émergence du roman comme un genre admis par et pour les
femmes a ainsi conduit au mythe de romancières au talent « inné », mythe
qui allait servir à déprécier le genre en l’associant aux productions de
femmes dans le but de préserver les grands genres, le théâtre et la poésie, et
à discréditer celles qui abordaient des domaines censés être réservés aux
hommes, comme la philosophie et la théologie. Le roman a ainsi pu être
doublement méprisé, et parce qu’il était lu et écrit par des femmes, et parce
que ses sujets portaient en grande partie sur la vie domestique 34.
Liée aux différences physiques que l’on retrouve évoquées dans les
arguments sur la « nature » des femmes, cette supposée propension
« naturelle » à l’écriture romanesque se prête à diverses interprétations.
Claude-Joseph Dorat, par exemple, la considère sous un jour positif :

Les femmes auteurs conservent, pour la plupart, dans leur style, un caractère de
tendresse et de séduction qui les distingue : elles ont […] plus de souplesse dans le
cœur, et possèdent, mieux que nous, le grand art des développements : l’on dirait que
l’attrait de leur sexe se communique à leurs ouvrages : elles excellent, surtout, dans les
peintures où l’amour est la nuance qui domine : l’habitude de ce sentiment leur en
facilite l’expression, et en général toutes les passions sont faites pour leur âme et pour
35
leur pinceau .

Certaines auteures, comme Anne-Thérèse de Lambert, reprennent


d’ailleurs ce lieu commun à leur compte et considèrent d’un regard très
positif le lien qui rattache la création romanesque à une tradition féminine
de l’honnêteté et de la sensibilité sur le modèle de Madame de Lafayette 36.
Cette association toutefois peut se retourner contre les femmes auteurs, le
procès du roman débouchant assez régulièrement sur celui des femmes.
Dans son Lycée (1798), La Harpe considère certes Mesdames Tencin, Élie
de Beaumont, Graffigny et Riccoboni comme les meilleures romancières du
siècle, mais il ne les juge pas moins dénuées de la profondeur de vues et de
la puissance intellectuelle des hommes ; selon lui, les femmes ne réussissent
à écrire des romans que parce qu’il y est question d’amour 37. Pourtant,
l’amour dans un roman permet aux romanciers des deux sexes d’interroger
les rapports de classe et l’ordre social ; dans la continuité de nombreuses
œuvres du XVIIe siècle, les récits de passion peuvent aussi, à partir de
problèmes de classe, prendre en compte la différence des sexes et ses
multiples conséquences 38.
On attendait des héroïnes de romans qu’elles se conforment à ce qui est
communément apprécié chez les femmes (la délicatesse, la grâce, la pudeur,
la modestie, etc.) ; on espérait la même conduite de la part des auteures. Un
certain nombre d’entre elles ont été vivement critiquées pour la
contradiction manifeste entre leur vie et leurs ouvrages. La violence des
jugements portés contre Claudine de Tencin, par exemple, révèle à quel
point les femmes auteurs ont pu se trouver directement confrontées aux
valeurs admises à leur époque (celle de la Régence, jugée dissolue, dans le
cas de cette dernière) *2. Joseph de La Porte et avec lui d’autres critiques du
temps n’en loue pas moins l’exceptionnel talent de romancière de Tencin,
notamment dans deux de ses romans, Le Siège de Calais (1739) et les
Mémoires du comte de Comminge (1735), volontiers comparé à La
Princesse de Clèves (des extraits de ces deux romans figurent dans
plusieurs anthologies de l’époque). « Il serait bien à souhaiter qu’on tirât un
semblable parti de nos meilleurs romans ; et l’ouvrage de Madame de
Tencin sera toujours compté au nombre des productions les plus
intéressantes de ce genre 39 », écrit-il. Claudine de Tencin ne signe pas ses
romans (sa signature n’est apparue que longtemps après sa mort), mais,
selon un usage très répandu à l’époque, se déclare éditrice de documents
authentiques et crée un narrateur éponyme, autant de tactiques révélant sa
prudence en matière de publication. Certaines éditions et traductions ont
attribué les Mémoires du comte de Comminge à Baculard d’Arnaud, qui
adapte l’ouvrage pour le théâtre en 1764 40. Si, malgré tout, La Harpe et
Voltaire apprécient l’un comme l’autre le roman, tel n’est pas le cas de
Genlis qui réprouve les écrits de pareille « intrigante ». Les Mémoires du
comte de Comminge vont néanmoins au-delà des thèmes conventionnels
attendus par le lectorat, et annoncent La Nouvelle Héloïse de Rousseau :
même histoire sentimentale contrariée par les vues d’un père autoritaire
soucieux du rang. Toutefois, la protagoniste ne se laisse pas faire, elle prend
sa vie en main et défie la famille, la société et la religion. Un tel roman a été
jugé caractéristique d’une époque « dissolue » et un exemple regrettable de
l’utilisation par les femmes, à des fins sociales, de leur pouvoir de séduction
(ce que l’on retrouvera chez Madame de Merteuil dans Les Liaisons
dangereuses).
Claudine de Tencin est également l’auteure des Malheurs de l’amour
(1747), des Anecdotes de la cour et du règne d’Édouard II, roi
d’Angleterre, achevé en 1776 par Anne-Louise Élie de Beaumont. Elle
figure en bonne place dans La Bibliothèque universelle des romans,
constituée de 224 volumes d’œuvres littéraires françaises ou traduites en
français couvrant la période 1775-1789, et qui rencontre un grand succès
auprès du lectorat féminin en particulier 41. Salonnière nourrie des idées des
Lumières, auteure de romans à succès (en témoignent les éditions piratées
comme les éditions complètes en français et en anglais publiées tout au long
du siècle), Claudine de Tencin a ainsi, à sa manière, stigmatisé l’ordre
patriarcal et vécu comme elle l’entendait.

ALTÉRITÉS

Auteure de pièces de théâtre, Madeleine-Angélique de Gomez publie


également des récits historiques, des contes et des romans d’amour.
Diverses influences se font entendre dans sa production, des chroniques
historiques de Plutarque et de l’historien romain Justin aux romans de La
Calprenède et de Scudéry, en passant par les Nouveautés galantes de Du
Noyer, ainsi qu’un vif intérêt pour l’Orient : bien documentées, ses
Anecdotes ou Histoire secrète de la maison ottomane (1722) et ses
Anecdotes persanes (1727), s’inspirent directement d’ouvrages du siècle
précédent 42. Lenglet Du Fresnoy avait fait valoir qu’il préférait les romans à
l’histoire car, contrairement à cette dernière, ils offraient des dénouements
heureux à des gens de bien. Gomez et d’autres romancières se font
médiatrices entre histoire et fiction : elles connaissent les faits et en offrent
des sources fiables, mais elles les transforment afin de susciter la curiosité
de leurs lecteurs. Histoire secrète de la conquête de Grenade (1719) ou
encore Crémentine, reine de Sanga (1727) témoignent de l’intérêt de
Gomez pour des femmes d’autres cultures. Dans le premier roman, celles-ci
sont intelligentes, belles et bienveillantes, quoique moins puissantes que
leurs pères et leurs époux ; elles s’allient pourtant pour s’entraider et se
présentent en gardiennes de la paix. Dans le second, l’auteure ne peut
s’empêcher de les admirer :

Pour moi, j’avouerai que je n’ai pu me défendre d’une satisfaction intérieure, en


voyant dans une nation si différente de la mienne, une personne de mon sexe, digne de
l’admiration des hommes. J’en ai même tiré une espèce de vanité, croyant que puisque
dans des pays si lointains, et parmi des peuples qui ne sont point éclairés de nos
favorables préjugés, il se trouvait de tels héros, il en devait naître des milliers dans ma
nation, qui naturellement belliqueuse, joint à ses nobles inclinations les lumières de la
43
véritable religion .

Il est difficile de juger ici de son éventuelle causticité en matière de


religion, mais la position de Gomez, attentive à une autre culture et à cet
égard ethnographe avant la lettre, lui permet de s’abriter derrière la
comparaison de la situation en France.
Grimm n’en reproche pas moins à Gomez son inconsistance et La Porte
juge négativement ses Journées amusantes (1722-1731), fiction dans la
veine de L’Heptaméron de Marguerite de Navarre qui reprend le modèle de
la conversation-cadre où un ensemble de narrateurs et narratrices échangent
des anecdotes, et qui connaissent un grand succès ; il compare l’ouvrage de
Gomez à la profondeur d’Anne-Thérèse de Lambert quand elle traite de
sujets féminins (mais en reconduisant des vues traditionnelles). À en croire
les lecteurs pourtant, le roman est très réussi. Nombre d’œuvres de Gomez
connaissent de multiples rééditions ; les Journées amusantes sont traduites
en anglais par Eliza Haywood (et connaissent huit éditions), en italien, en
allemand et en espagnol, et figurent dans La Bibliothèque universelle des
romans (1776). Les Cent Nouvelles nouvelles (1732-1739) qu’elle publie
ensuite sont traduites en russe. Pour les lecteurs anglais, son œuvre annonce
les romans de Richardson et de Fielding compte tenu de l’importance
accordée aux émotions et aux sentiments. Pour les lecteurs français, Gomez
témoigne d’une intuition remarquable en attirant l’attention sur les Indes
orientales et occidentales par le biais de la fiction. Dans ses Entretiens
nocturnes de Mercure et de la Renommée (1731), elle fait tenir à Mercure
des propos en faveur de l’égalité des femmes, tout aussi aptes que les
hommes, selon lui, à s’illustrer en philosophie, en histoire et en poésie, mais
aussi en peinture, en architecture et en musique, à étudier les sciences. Il
attribue la résistance à de telles idées au souci de la renommée. L’histoire
prouve le bien-fondé de ces propos avec l’exemple de grandes reines et
princesses, les Marguerite, Isabelle, Elizabeth et Christine, de France,
d’Espagne, d’Angleterre et de Suède. Au lieu de se montrer jaloux des
femmes ou de les craindre, les hommes devraient plutôt les aider à
s’instruire, elles qui en sont réduites à des préoccupations futiles et à la
vanité d’une beauté que le temps finit par détruire 44. La Porte fustige encore
la longueur des romans de Gomez ; il évoque également la polémique de
l’époque sur la vraisemblance et l’exactitude historique dans le roman, mais
passe rapidement sur le courage avec lequel l’auteure aborde franchement
des questions aussi importantes que difficiles : le traitement des femmes
savantes, à propos desquelles Gomez rejoint les positions de Du Châtelet et
Du Bocage, ou l’attention portée à d’autres cultures, annonçant en ceci
Françoise de Graffigny.
Au cours de l’extraordinaire efflorescence littéraire du milieu du
e
XVIII siècle, cette dernière voit son talent salué dans l’Europe entière. En

1745, elle publie deux textes brefs dans des recueils imaginés par le comte
de Caylus, Le Mauvais Exemple produit autant de vertus que de vices.
Nouvelle espagnole et La Princesse Azerolle ou l’Excès de la constance.
Deux ans plus tard, souhaitant publier un roman, elle sollicite directement
Malesherbes, responsable de la censure royale (et soutien actif de
l’Encyclopédie). Elle publie alors les Lettres d’une Péruvienne (1747) qui
devient l’un des succès de librairie les plus importants du siècle : l’ouvrage
est traduit en neuf langues 45 et connaît ensuite de très nombreuses
rééditions (la dernière en français date de 1836). Si, soucieux de contrer la
consécration du genre romanesque, Charles Palissot éreinte un « roman
dans lequel on trouve quelquefois du sentiment et de la passion ; mais plus
souvent une métaphysique alambiquée et précieuse, mise à la mode par
quelques beaux-esprits qui croyaient imiter le style de Fontenelle 46 », le
plus généralement la critique vante le caractère profondément original des
Lettres, un roman épistolaire et philosophique. Ses seuls concurrents en
matière de succès littéraires seront, dans la décennie suivante, Candide, La
Nouvelle Héloïse et Paul et Virginie (1787).
Pourquoi le roman suscite-t-il un tel intérêt ? Dans sa quête de savoir,
l’héroïne, Zilia, allie le sentiment et l’intelligence. Princesse inca formée
pour gouverner son pays avec son fiancé, Aza, elle quitte le Pérou sur un
navire espagnol, puis se trouve transférée sur un navire français ; celui-ci
fait route vers la France, pays où Zilia se retrouve bientôt et qu’elle
découvre avec une grande curiosité. Tout ceci est l’objet de lettres qu’elle
adresse fidèlement à son fiancé auquel la violence des conquistadors vient
de l’arracher. À la différence d’Usbek et de Rica, les protagonistes des
Lettres persanes de Montesquieu, elle doit apprendre la langue du pays dans
lequel elle débarque et en comprendre les mœurs. Zilia écrit du point de vue
d’une Péruvienne que sa situation de femme et d’étrangère fragilise
doublement ; elle interroge une culture à laquelle elle se voit contrainte de
s’adapter 47. Comme Usbek, par le même scénario d’ethnographie inversée,
elle rend étrange ce qui est familier au lecteur. Ses observations sur le
fonctionnement de la société française se font rapidement extrêmement
critiques. Parce que « l’autorité est entièrement du côté des hommes », ce
sont eux, et non les femmes, qui sont responsables « de tous les désordres
de la société », déclare-t-elle. Les femmes le savent bien : « Comment ne
seraient-elles pas révoltées contre l’injustice des lois qui tolèrent l’impunité
des hommes, poussée au même excès que leur autorité ? » Le mariage est
par ailleurs l’état où l’inégalité s’exprime de la manière la plus directe : le
mari « est autorisé à punir rigoureusement l’apparence d’une légère
infidélité en se livrant sans honte à toutes celles que le libertinage lui
suggère 48 ». L’intérêt considérable que rencontre le roman s’explique sans
doute par le ton « authentique » des observations d’une étrangère qui finit
par faire ses propres choix et par trouver sa place, ainsi que par son
dénouement exceptionnel : Zilia refuse en effet d’épouser son protecteur et
guide, Déterville, afin de conserver une parfaite indépendance et de se livrer
tout entière au « plaisir d’être ».
Féru de poésie, ami de Françoise de Graffigny avant de devenir
contrôleur général des finances sous Louis XV, Jacques Turgot juge pour sa
part qu’elle va plus loin que Montesquieu (qui n’aurait revendiqué la
paternité des Lettres persanes qu’après le succès de Graffigny 49) en faisant
des Lettres d’une Péruvienne un véritable roman (en ceci que l’observation
de la société est intégrée à la narration). Les recensions de l’abbé Raynal et
de Pierre Clément soulignent le côté novateur du roman — la narration
d’une histoire d’amour empreinte de considérations philosophiques et de
critiques d’ordre culturel — mais n’en moquent pas moins la femme de
lettres 50. Dans la sienne, datée d’avril 1749, Fréron blâme les deux premiers
critiques et aborde la question de l’éducation des femmes, qu’il juge
insuffisante ; il se montre favorable à un accès égal pour les deux sexes à
l’histoire, la géographie, la philosophie, la littérature, le latin et les sciences.
Genlis salue un « roman charmant, digne de sa réputation, et le premier
ouvrage de femme écrit avec élégance 51 ». « Ce roman ingénieux, plein de
grâces et de délicatesse, a placé son auteur au nombre des écrivains
célèbres 52 », renchérit La Porte. Il commente le choix d’une héroïne
originaire du Pérou (l’auteure s’est notamment inspirée d’Alzire de Voltaire
et a puisé ses informations dans Le Commentaire royal, ou l’Histoire des
Incas, rois du Pérou de Garcilaso de la Vega), rappelle l’importance de la
contextualisation historique des infortunes des Incas, de l’introduction des
« quipos » comme forme d’écriture, et de l’expression des sentiments. À
l’instar de certains amis de l’auteure (Fréron et Turgot), La Porte regrette
toutefois le dénouement. Il laisse entendre qu’éconduire Déterville, un
Français qui s’est montré si généreux envers Zilia, revient à insulter son
pays. Françoise de Graffigny refuse toutefois de clore son roman sur l’union
heureuse des deux jeunes gens, et de se conformer ainsi aux attentes
traditionnelles du genre romanesque. La jeune Péruvienne se pose en
étrangère sceptique et en critique, et devient jusqu’à un certain point un
personnage politique.

7. Françoise de Graffigny, Lettres d’une Péruvienne. Nouvelle édition augmentée


de plusieurs lettres et d’une introduction à l’histoire, Paris, Duchesne libraire, 1752.
Frontispice et page de titre du tome I.
8. Françoise de Graffigny, Lettres d’une Péruvienne. Nouvelle édition augmentée
de plusieurs lettres et d’une introduction à l’histoire, Paris, Duchesne libraire, 1752.
Frontispice et page de titre du tome II.

Le roman connaît des ajouts, deux suites, un pamphlet anonyme et les


Lettres d’Aza, ou d’un Péruvien que l’on doit à Ignace Hugary de
Lamarche-Courmont (lequel réconcilie les deux héros), parfois jointes à
l’ouvrage de Graffigny (ill. 7 et 8) ; il inspire également une comédie, La
Péruvienne (1748), due à Louis de Boissy. L’abbé Prévost dédie sa
traduction de Clarissa (1751) à Françoise de Graffigny ; il la compare à
Richardson. Rousseau excepté, la plupart des critiques se répandent en
éloges sur l’auteur, la plaçant sur le même pied que ses homologues
masculins. Ce court roman signe l’apparition d’un genre nouveau, à mi-
chemin entre la veine philosophique et ethnographique.
Madeleine de Puisieux, dont il a déjà été question, est l’auteure de
plusieurs romans publiés entre 1753 et 1768, parmi lesquels deux fictions
orientales, L’Éducation du marquis de ***, ou Mémoires de la comtesse de
Zurlac (1753), Zamor et Almanzine (1755) et Alzarac ou la Nécessité d’être
inconstant (1762) ; elle voit dans la forme romanesque la meilleure façon
d’enseigner la morale aux lecteurs. Elle y aborde divers sujets, parmi
lesquels le bonheur, le plaisir, le mariage et la société. Bien que très
indépendante, elle souscrit néanmoins, par souci de réalisme, à l’idée d’une
« nature » différente chez les hommes et les femmes, et soutient que les
femmes trouvent la liberté dans l’amour 53.
Ainsi un certain nombre de femmes auteurs ont-elles fait le choix de
cultures lointaines, d’héroïnes appartenant à des pays étrangers à tous
égards ; cette distance avec leur propre culture, ce regard ethnographique en
quelque sorte 54 leur ont permis d’interroger, à travers le regard d’une autre,
leur rôle et leur place de femmes dans la société de leur temps et de la
critiquer.

La Belle et la Bête

Nulle destinée littéraire n’illustre peut-être mieux la complexité de la


condition des femmes que les variantes successives du conte La Belle et la
Bête et sa longévité exceptionnelle. Couvrant la période médiane du siècle,
des années 1740 à la fin des années 1770, ce conte permet l’expression des
craintes et des contradictions en matière d’amour, de mariage, d’identité de
soi et de l’autre. Les oppositions binaires entre corps et esprit, nature et
culture, animalité 55 et humanité, ainsi que la question des origines sont au
centre des interrogations anthropologiques et philosophiques du temps (le
Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de
Rousseau en apporte un illustre exemple). L’histoire d’une union
improbable entre une jeune fille et une bête se situe au cœur d’un
enchevêtrement de questions sur la capacité d’agir, de même que sur la
sexualité, l’importance de la compassion et de la dignité au sein de la
société. Les questions qui y sont soulevées ont retenu l’attention jusqu’à
aujourd’hui : l’immense succès rencontré encore de nos jours par le conte
en témoigne 56.
Trois femmes ont proposé leur version de cette histoire : Gabrielle-
Suzanne de Villeneuve en fait un roman publié anonymement en 1740 57 ;
Leprince de Beaumont élague considérablement l’intrigue pour en donner la
sienne en 1756, sans mentionner sa dette envers Villeneuve ; Genlis enfin
adapte la version de Leprince de Beaumont pour la scène (1779) *3.
Toutes les versions existantes explorent les mêmes thèmes : devoir,
amour, sexualité, fidélité, beauté, laideur et bonté, imposture et apparence,
relation de l’être humain à la bête. Toutes offrent une relecture originale
d’un épisode de la mythologie grecque et de récits évoquant l’histoire
d’Europe, dont l’enlèvement par Zeus pose la question difficile de la
différence entre le viol et la séduction 58.
Les histoires imaginées par Villeneuve, Leprince de Beaumont et Genlis
mettent à nu la dynamique particulière de l’institution du mariage,
l’impuissance des jeunes femmes dans l’échange patriarcal dont elles sont
l’objet et la promesse selon laquelle tout aura une fin heureuse si elles
s’effacent et font abstraction de leurs désirs 59. Elles diffèrent néanmoins par
la manière d’opérer de l’héroïne et par la question de savoir si l’abnégation
de soi représente la seule option pour les honnêtes femmes.
Lorsqu’elle publie sa première nouvelle, Le Phénix conjugal (1734),
Villeneuve, alors veuve depuis peu, a peut-être déjà rencontré Crébillon
père, auteur dramatique et censeur royal, avec qui elle vivra ensuite,
officiellement comme « intendante », jusqu’à sa mort en 1755. Cette
cohabitation lui ouvre à n’en pas douter une ample perspective sur la
littérature de l’époque, comme en témoigne Casanova dans ses Mémoires.
L’œuvre romanesque de Villeneuve — Le Beau-frère supposé (1752), La
Jardinière de Vincennes (1753) et Le Juge prévenu (1754) — exploite la
narration rétrospective dans laquelle s’intercalent des histoires ; elle est
signée « Mme D. V… » ou « Mme de V.*** ».
Sa version de La Belle et la Bête adopte la forme du Decameron de
Boccace ou de L’Heptaméron de Marguerite de Navarre, les historiettes
imaginées servant à faire passer le temps à l’occasion d’une traversée de
l’Atlantique dans un bateau à destination de Saint-Domingue. Elle figure
dans un ensemble de contes regroupés sous le titre La Jeune Amériquaine et
les contes marins, dont elle constitue le premier récit 60. Une violence
souterraine, gommée dans les versions ultérieures, irrigue l’intrigue. Quand
elle accepte de remplacer son père prisonnier au château de la Bête, la Belle
craint d’abord d’être mangée, puis se trouve confrontée à la question
insistante de la Bête : « Voulez-vous que je couche avec vous ? »
L’apparence et la réputation constituent depuis longtemps pour les
femmes les conditions d’obtention de l’approbation de la société, et la
duplicité est au nombre des artifices qu’elles ont appris à maîtriser. Le conte
dissuade de se fier aux apparences, erreur contre laquelle une tante-fée de la
Belle la met en garde : « Courage, la Belle, lui dit-elle ; sois le modèle des
femmes généreuses […]. Tu seras heureuse, pourvu que tu ne t’en rapportes
pas à des apparences trompeuses 61. » Pour trouver le bonheur, la Belle est
invitée à donner la priorité au devoir sur l’inclination, et sa transformation
vertueuse repose sur sa bonté naturelle. Dans toutes les versions la question
de savoir d’où vient cette générosité, qualifiée de magnanimité, de
grandeur d’âme, de libéralité est posée. Des conseils moraux des autres
(son père, la fée) ou bien de la propre nature de l’héroïne ? La Belle est
mise à l’épreuve sur le plan personnel et social, et chaque fois, l’abnégation
et la générosité triomphent : renonçant à suivre son cœur, elle accepte la
Bête, qui se trouve être en réalité le bel homme qu’elle a vu en rêve dans la
version de Villeneuve. Elle n’a donc plus l’obligation de sacrifier son
inclination aux exigences de son devoir.
Le roman de Villeneuve fait les délices de Graffigny, ainsi que de
nombreux contemporains : « Tout Paris en a été fou. Pour moi il m’a fort
amusée, et je ne m’en crois pas plus sotte : c’est que je n’ai pas peur de
l’être, moi 62. » D’autres saluent l’influence de Villeneuve sur Leprince de
Beaumont et Le Cabinet des fées (1786) reproduit sa version de l’histoire.
La Porte préfère ses « contes de fées […] écrits avec assez d’esprit, de
légèreté et de finesse 63 » à ses romans et reproche à Leprince de Beaumont
de ne pas avoir mentionné son emprunt. La Correspondance littéraire y
revient en février 1772 64.
Le texte de Leprince de Beaumont prend le pas sur la critique subtile du
mariage formulée par Villeneuve, au profit d’un projet qui consiste à
apprivoiser la bête sexuelle et à apaiser l’appréhension de l’union ; de son
côté, la Bête transcende son apparence monstrueuse et fait preuve
d’intelligence, de générosité et de bonté. Le message adressé aux jeunes
femmes par l’entremise du conte est parfaitement conservateur : si celles-ci
réussissent à plaire à leur époux et à s’en contenter, le mariage sera
harmonieux et la société ne s’en trouvera pas changée.
Félicité de Genlis enfin adapte La Belle et la Bête à l’intention de son
jeune public ; sa pièce figure dans son Théâtre à l’usage des jeunes
personnes où elle se fait l’écho de ses devancières : « Ces pièces ne sont
que des traités de morale mis en action, et l’on a pensé que les jeunes
personnes pourraient y trouver des leçons intéressantes et persuasives 65. »
La pièce en deux actes est réduite à trois personnages, le père, la fille et la
Bête. Ici, c’est la pitié et non l’attirance qui fonde les obligations envers
autrui, l’héroïne, Zirphée, se trouvant prise entre deux « bêtes », l’homme
que souhaite lui voir épouser sa famille et le monstre, Phanor, qui finira par
la sauver.
Des trois versions de La Belle et la Bête, il ne se dégage aucune unicité
en matière de morale ou de point de vue. Dans la première, la monstruosité
de la Bête met en évidence la tyrannie du père sur la fille ; dans les versions
ultérieures, la jeune femme, par un mélange de bonté naturelle et de
conseils moraux, s’adapte à l’union prévue. En entrelaçant les fils de
morales différentes et souvent conflictuelles, ces versions explorent
finement la question du mariage tout en ouvrant le champ au jeu subtil de
l’interprétation et de la critique. Les réécritures se font ainsi pédagogiques
autant que politiques.
Leprince de Beaumont imagine par ailleurs de répondre à l’ouvrage
satirique de Gabriel-François Coyer, ancien jésuite, auteur d’une série de
pamphlets publiés sous le titre de Bagatelles morales, parmi lesquels
L’Année merveilleuse (1748). Exploitant la métaphore de la prédiction
astrologique, ce dernier prophétise une inversion des sexes — « les hommes
seront changés en femmes, et les femmes en hommes » — et annonce les
effets catastrophiques d’une telle confusion. Au passage, il stigmatise les
femmes auteurs, qui ont usurpé le rôle, masculin, de critique littéraire,
embouché la trompette de Milton (Du Bocage), envahi les sciences et donné
ses lettres de créance à Leibniz (Du Châtelet), commenté saint Augustin
(Marie Huber) et se sont approprié l’esprit des hommes aux seules fins de
les dominer. Alors que l’Église et les lois ont conforté le pouvoir des maris
dans la société, les femmes prennent à présent les commandes : « L’homme
n’a jamais voulu être gêné dans ses amours, ou les lois lui ont permis
plusieurs femmes, ou il se les permet lui-même. Les femmes au contraire
attachées à un seul mari, s’y tenaient assez fidèlement, mais en approchant
de leur transformation elles ont élargi leur cœur et étendu leur liberté 66 »,
fait observer le pamphlétaire. N’en déplaise à la pièce de Madame Du
Bocage (Les Amazones), les hommes sont faits pour gouverner, les femmes
pour suivre.
Dans sa Lettre en réponse (1748) Leprince de Beaumont s’attaque aux
trois qualités que les hommes ont en apanage selon Coyer : « parler peu,
peser beaucoup et dominer ». « Pour que le silence fût préférable à la
parole, il faudrait que le néant fût au-dessus de l’existence 67 », réplique-t-
elle dans le dialogue qu’elle imagine avec une autre femme. Reprenant le
mode binaire de l’opposition des sexes sur lequel se fonde la satire de
Coyer, elle défend la supériorité des femmes moins en défiant et en
changeant la société qu’en suscitant une prise de conscience de la part des
femmes et en louant une différence qu’elles expriment par la parole et
l’écriture. Les quatre romans épistolaires de Leprince de Beaumont
— Lettres de Madame Du Montier (1756), Lettres d’Émérance à Lucie
(1765), Mémoires de Madame la baronne de Batteville (1766), La Nouvelle
Clarice (inspirée par Richardson et Rousseau, 1767) — se réfèrent tous aux
thèmes qu’elle traite dans sa réponse aux attaques de Coyer : l’importance
de l’éducation des femmes, leur indépendance et leur supériorité, la valeur
morale de leurs écrits 68.

Les romans du sentiment

Les romans centrent leur attention sur la vie privée en général et sur les
« préoccupations féminines » en particulier ; certaines femmes auteurs de la
seconde moitié du siècle se font fort d’exposer les tensions entre la
conformité aux conventions habituelles de la fiction et une rupture
souhaitée avec les normes sociales alors en vigueur 69.
À la suite de la traduction par l’abbé Prévost des romans de Richardson,
la forme romanesque sert de vecteur aux sentiments et à la sensibilité et, à
travers l’adoption de la forme épistolaire, à la morale. Ainsi qu’on l’a noté
plus haut, les œuvres « féminocentrées » d’auteurs masculins ou féminins
illustrent l’influence grandissante des femmes : si elles n’ont pas suscité un
changement immédiat de leur position dans la société, elles n’en ont pas
moins ouvert un large éventail de perspectives, et ce, à ne considérer que les
femmes auteurs, aussi bien pour le moralisme religieux d’une Genlis que
pour la critique sociale d’une Olympe de Gouges.
Marie-Jeanne Riccoboni s’impose comme une figure majeure de la
sensibilisation au monde privé des femmes. Son premier roman, Lettres de
Mistriss Fanni Butlerd (1757), prétend être la traduction d’un roman
épistolaire anglais monophonique par une traductrice qui oscille entre
fiction et autobiographie, Adelaïde de Varançai. Le recours au dispositif de
la pseudo-traduction permet la transposition culturelle d’une histoire
sentimentale ordinaire entre deux personnages de rang social différent dans
un cadre culturel distinct. Avant la Julie de Rousseau, Fanni écoute avant
tout son cœur et est la seule héroïne des romans de Riccoboni à se donner à
l’homme qu’elle aime : « je n’ai point cédé ; un moment de délire ne m’a
point mise dans ses bras : je me suis donnée ; mes faveurs sont le fruit de
l’amour, sont le prix de l’amour 70 ». Le sentiment de la duplicité des
hommes, comme le talent des femmes à s’exprimer par écrit, se retrouve
dans les Lettres de Milady Juliette Catesby (1759), qui tient davantage du
journal, et Histoire de Miss Jenny (1764), qui s’apparente davantage aux
mémoires. Son dernier roman, Lettres d’Élisabeth-Sophie de Vallière
(1772), associe les formes du journal et des mémoires.
Si l’amour est un thème dominant des romans de Riccoboni, l’attention
portée à la conduite des femmes et à leur réputation en est un autre, que l’on
retrouve dans les romans du temps, de même que dans la vie des femmes
exposées au regard public, comme auteures et comme salonnières. À la
suite de la publication des Liaisons dangereuses (1782), Riccoboni est
brièvement en correspondance avec Laclos à propos de la vraisemblance du
personnage de Merteuil : « C’est en qualité de femme, Monsieur, de
Française, de patriote zélée pour l’honneur de ma nation, que j’ai senti mon
cœur blessé du caractère de Madame de Merteuil », lui écrit-elle. À ses
yeux, le personnage de Merteuil défie les conventions de la société et le
rend égal voire supérieur à n’importe quel libertin, à Valmont par exemple,
ce qui ne lui semble pas possible : « On n’a pas besoin de se mettre en
garde contre des caractères qui ne peuvent exister, j’invite M. de Laclos à
ne jamais orner le vice des agréments qu’il a prêtés à Mme de Merteuil. » À
quoi l’auteur répond que la sensibilité des femmes embellit tout ce qu’elles
touchent et « crée les objets tels qu’ils devraient être… », tandis que les
hommes, « condamnés à un travail plus sévère, ont toujours suffisamment
bien fait quand ils ont rendu la nature avec exactitude et fidélité ». « Je vous
pardonne de tout mon cœur », affirme Riccoboni à la fin de cet échange.
Laclos de son côté prédit que son interlocutrice, dont il admire les romans,
ne tombera pas dans l’oubli : « nos petits-neveux parleront aussi de vous à
leur tour ; et si après vous avoir lue, ils ne regardaient pas comme une
privation de ne plus avoir à vous lire, j’estimerais bien peu le goût de la
postérité. Je vous pardonne de me trouver ces torts par le plaisir que je
trouve à m’en justifier 71 ».
Dans ses romans, Riccoboni traite de l’origine de ses personnages, du
viol, du mariage, de la grossesse et du suicide dans diverses situations de
fortune ; des jeunes femmes de l’aristocratie y traversent des événements
éprouvants avant de mieux comprendre ce qu’elles attendent des hommes et
la manière de parvenir au bonheur. Bien que ne pratiquant pas l’essai,
Riccoboni, en critique avisée, apporte au genre romanesque sa contribution
de moraliste, notamment par une utilisation généreuse de la maxime.
Contrairement à Laclos, elle cherche à peindre des personnages d’une
générosité et d’une bonté exemplaires, augurant d’une amélioration possible
des relations entre les sexes 72. Alors que Charrière exprime le refus de la
condition des femmes de son époque en laissant planer l’incertitude quant
au dénouement de ses romans, Riccoboni conclut les siens sans laisser de
place au doute ; elle y fait preuve d’un féminisme discret mais constant.
Ernestine, l’héroïne d’Histoire d’Ernestine (1762), une jeune artiste peintre
qui exerce son art pour subsister, paraît son image en miroir.
Genlis place ses romans au-dessus de ceux de l’abbé Prévost, même si
elle critique l’immoralité de certains de ses protagonistes (elle la blâme
d’avoir imaginé le suicide de son héroïne dans Histoire de M. le marquis de
Cressy, 1758, roman que La Porte apprécie tout particulièrement). Palissot
l’attaque pour plagiat, tandis que Diderot, Adam Smith ou encore Rétif de
La Bretonne disent tout le bien qu’ils pensent de sa production
romanesque 73. La Porte cite Milady, l’héroïne des Lettres de Milady Juliette
Catesby, qui note ironiquement que les hommes blâment les femmes afin de
protéger leur propre vulnérabilité :

Les hommes nous regardent comme des êtres placés dans l’univers, pour
l’amusement de leurs yeux, pour la récréation de leurs esprits, pour servir de jouet à
cette espèce d’enfance, où les assujettit la fougue de leurs passions, l’impétuosité de
leurs désirs, et l’impudente liberté qu’ils se sont réservée, de les montrer avec
hardiesse, et de les satisfaire sans honte. L’art difficile de résister, de vaincre ses
penchants, de maîtriser la nature même, fut laissé par eux au sexe qu’ils traitent de
faible, qu’ils osent mépriser comme faible : esclaves de leurs sens, lorsqu’ils
paraissent l’être de nos charmes, c’est pour eux qu’ils nous cherchent, qu’ils nous
servent. Ils ne considèrent en nous, que les plaisirs qu’ils peuvent goûter par nous.
L’objet de leurs feintes adorations n’atteint jamais jusqu’à leur estime ; et si nous leur
montrons de la force d’esprit, de la grandeur d’âme, nous sommes d’inhumaines
créatures ; nous passons les limites qu’ils ont osé nous prescrire ; et nous devenons
74
injustes sans le savoir .

De son côté, Jacqueline-Aimée Brohon (1731-1778) publie Les Amants


philosophes ou le Triomphe de la raison (1755), puis deux contes intitulés
Les Grâces de l’ingénuité et Les Tablettes enchantées (parus dans le
Mercure en 1756 et 1758). Voltaire lui fait obtenir une pension, mais elle
renonce à l’activité littéraire et au monde pour rejoindre à Gisors un
couvent de religieuses annonciades. Elle aspire à réconcilier le catholicisme
avec l’évolution des idées du siècle, en particulier la philosophie de
Rousseau en matière de sentiment, dont elle s’est inspirée pour son premier
roman. Ses prophéties sont publiées dans les années 1790, avant qu’elle ne
disparaisse des mémoires (au XIXe siècle, ses écrits ont été accusés de
corrompre une réflexion religieuse en réalité visionnaire par le recours à la
forme romanesque).
REDÉPLOIEMENTS TACTIQUES

Les années 1757 et 1758 sont particulièrement fécondes mais


dangereuses pour qui écrit, et en particulier pour les femmes qui interrogent
la religion, la théologie et l’inégalité entre les sexes. Un décret royal
menace de mort quiconque incite à attaquer la religion. Les philosophes
subissent le tir nourri des jansénistes (dans leurs Nouvelles ecclésiastiques),
des jésuites (dans le Journal de Trévoux), de la Cour et de la coterie de
Fréron 75 tandis que les dévots s’opposent aux encyclopédistes. Alors que
Riccoboni publie Histoire de M. le marquis de Cressy, Gomez Les Cent
Nouvelles nouvelles, Voltaire Candide, Diderot Le Père de famille, et
Rousseau sa Lettre à d’Alembert tout en travaillant à La Nouvelle Héloïse,
paraît un petit roman épistolaire inachevé et surprenant, Les Pensées
errantes, avec quelques lettres d’un Indien (1758, ill. 9). Il consiste en
quatre-vingt-quatorze « pensées », de courtes déclarations portant sur des
sujets divers et tournant notamment en ridicule les préliminaires d’usage
dans ce type d’ouvrages, où l’auteur s’absout généralement de toute
responsabilité et déprécie son talent.
9. [Henriette de Marans] Les Pensées errantes avec quelques lettres d’un Indien, Londres
et Paris, Hardy, 1758. Page de titre.
Œuvre longtemps attribuée à Bonne-Charlotte Bénouville.
Puisant dans ses propres journaux intimes rédigés entre 1752 et 1764 76,
la femme qui signe l’ouvrage ne craint pas de s’inscrire dans la tradition de
Pascal et de Montaigne, et de faire suite au Diderot des Pensées
philosophiques (1746) ou De l’interprétation de la nature (1754). Elle traite
de philosophie et de théologie, de littérature. Prenant en compte les
penseurs grecs et latins, mais aussi Descartes et Malebranche, elle affirme
son admiration pour Montesquieu et Voltaire, ce qui ne l’empêche pas de
les critiquer. Pour elle, la littérature a une mission qui dépasse de simples
considérations esthétiques : elle doit proposer des idées nouvelles 77. Il est
très inhabituel qu’une femme livre des réflexions fragmentaires sur de
grandes questions philosophiques, oscillant entre l’apologie du
christianisme (mais sans la profession de foi qui vaudra à Rousseau d’être
condamné) et le type de procès fait par Diderot aux institutions religieuses
(ainsi dans La Religieuse, publiée en 1796, par exemple).
Longtemps attribué à Bonne-Charlotte Bénouville (1709 ?- ?), ce livre
singulier l’est aujourd’hui à Henriette de Marans 78. La contribution de cette
dernière aux controverses philosophiques et théologiques de l’époque
s’articule autour de la notion de hasard, mécanisme de la vie quasi-
déterministe mais qui échappe à la connaissance ; elle tend donc vers un
scepticisme partagé par les philosophes. Proche de Voltaire par ses positions
ambiguës sur l’utilité et l’explication de la religion, Marans s’invite dans le
débat sur la nature de l’âme, qu’elle affirme immortelle et, surtout, égale
chez tous. Pour elle, les philosophes « s’amusent seulement à détruire : cela
ne me paraît pas satisfaisant 79 » ; elle se rangerait avec ceux qui rejettent
l’Église s’ils avaient quelque chose de « solide » à lui opposer. La raison
étant limitée, la religion devrait combler les manques (elle exclut par là que
les progrès de la philosophie soient tels que celle-ci finisse par la
remplacer). Dans un système moral global qui prend en compte la
résignation, Marans se fait également l’écho des réflexions de Du Châtelet
sur la réalisation de soi grâce à l’étude des sciences et de la philosophie et
annonce les analyses de Genlis sur le caractère inséparable de la morale et
de la religion 80.
Dans sa « Préface qui contient tout », Marans s’inspire de
l’Encyclopédie, qui prévoyait « de rassembler les connaissances éparses sur
la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec
qui nous vivons, et de le transmettre aux hommes qui viendront après nous,
afin que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux inutiles
pour les siècles qui succéderont 81 ». Elle classe ses fragments, les Pensées,
par ordre alphanumérique ; ceux-ci servent également de renvois à un livre
encore non publié, sorte de point de convergence absent. Elle promet d’y
livrer des portraits dans la tradition des moralistes, interrompus par des
épisodes narratifs et des digressions ; elle annonce ainsi Tristram Shandy de
Laurence Sterne (dont la parution débute un an plus tard, en 1759) et
Jacques le fataliste de Diderot (1796). Enfin, dans la trame finale de ses
réflexions littéraires, philosophiques et théologiques, elle fait figurer une
anagramme qui renvoie à sa vie et à son nom : « Voilà ma préface achevée
et il se trouve que l’histoire qui doit la suivre n’est pas encore en état. En
voici la raison, c’est que Narsam n’est autre que moi-même et mon histoire
n’est pas finie 82. »
Sa vie comme la préface de son ouvrage étant toujours en cours, aucune
œuvre toutefois ne peut faire suite à la préface. À la place, Marans accole
les Lettres d’un Indien, suite de missives adressées par un Indien à son ami
maure, où il est question d’esclavage, de conversion religieuse et de
tolérance : bien plus conventionnel que la préface, l’ensemble de lettres, qui
fait écho aux Lettres d’une Péruvienne, demeure inachevé. Zurac, le
protagoniste de Lettres d’un Indien, inverse ce qu’on augure d’un roman
épistolaire à caractère autobiographique : il instaure une distance manifeste
et rend impossible toute identification à l’auteure.
Pensées errantes permet de faire entendre quelques-uns des dilemmes
auxquelles les femmes doivent faire face. À ces dilemmes, Marans propose
une réponse tactique, le « louvoyement », et illustre ainsi notre hypothèse
centrale sur l’écriture des femmes : il s’agit de savoir comment approcher
au mieux un amant téméraire, un interlocuteur condescendant ou, par
extension, quiconque détient ou s’arroge le pouvoir sur l’autre :

[…] si l’on faisait un pas de trop en avant, j’en ferais deux en arrière et il en
arriverait que peu à peu on me perdrait tout-à-fait, en croyant gagner plus que de
raison. Cette manière de battre tout doucement en retraite est, je crois, bien meilleure
83
et plus sûre que de faire d’abord un grand fracas qui ne saurait durer .

Marans formule sa position en langage militaire, et la centre sur


l’inutilité d’un assaut frontal : la colère conduit à des erreurs, qui nuiront à
terme à la cause des femmes. À la place, elle envisage des retraites
tactiques, laissant l’adversaire croire à sa victoire tout en conservant elle-
même le plus de capacité de mouvement possible. N’ayant pas été
pleinement élaborée, sa proposition n’expose pas une théorie aboutie qui
indiquerait un point de rupture obligeant à faire face et à se battre, mais elle
fait écho aux principes de redéploiement tactique que Charrière va énoncer
explicitement par la suite.
Louvoyer est un processus qui, comme dans le roman-essai de Marans,
demeure inachevé. À la différence des auteures dont l’œuvre a été publiée
sans leur autorisation ou à titre posthume, Marans conserve la main dans le
choix des pensées intimes qu’elle divulgue. Bien que le débat soit posé en
termes universels, avec un « livre à venir » qui en formera le noyau, elle
attire l’attention sur l’art de manœuvrer nécessaire aux femmes : comment
faire avec la frustration suscitée par les limites imposées à la liberté des
femmes de raisonner publiquement par l’écriture (Kant), et la difficulté de
se placer sur un pied d’égalité (souvent exprimé par le désir d’être un
homme 84), qui exige d’agir de biais pour avancer (ou renoncer) ? Tout en
reconnaissant l’attrait de la lecture de romans dans la Pensée S2, Marans dit
préférer les ouvrages plus abstraits (histoire, ouvrages de morale et de
théologie) pour instruire le cœur et l’esprit par des modèles, mais elle-
même, en réalité, décrit les mouvements cartographiés dans une grande
partie de la littérature écrite par des femmes.
Alors que Grimm éreinte l’ouvrage dans la Correspondance littéraire et
que Fréron le critique dans L’Année littéraire, le Journal des savants salue
le respect manifesté par Marans à l’égard de la religion ; seules la critique
du Journal encyclopédique et celle du Journal des Dames de Jean-Charles
de La Louptière mentionnent que l’auteur est une femme. Ce dernier salue
son érudition, sa connaissance du latin et son savoir sur les mœurs de
l’Inde, et l’invite à se faire connaître : « Il n’y a point de genre de sciences
sur lequel Madame de *** ne s’exerce avec succès ; d’où je conclus que ce
ne sera qu’en se nommant qu’elle pourra nous persuader que tout ceci est
l’ouvrage d’une femme ; […] d’avoir le courage de taire son nom au
moment où tout invite à s’en faire honneur, c’est le plus digne effort de la
modestie : c’est ressembler en quelque sorte aux Dieux, qui cachés à nos
yeux par des étoiles, se contentent de se faire connaître par leurs
merveilles 85. »
Comme les hommes, les femmes, dans une proportion qui reste à
déterminer, ont en effet cherché à dissimuler leur nom ; elles ont choisi
l’anonymat, mais ont le plus souvent conservé en revanche l’indice de leur
sexe. La célébrité venue avec la publication de leurs ouvrages a pu servir de
pré-signature en quelque sorte (ce qui s’observe pour Graffigny), avant
qu’elles ne se décident à faire figurer leur nom sur la page de titre (à chaque
étape, leurs éditeurs peuvent les avoir encouragées à prendre ces partis). Du
Bocage et Riccoboni appartiennent à cette catégorie ; d’autres ne semblent
pas avoir été prêtes à ce geste aux implications multiples. Le siècle ne voit
aucune pratique dans ce domaine s’imposer véritablement et les questions
d’attribution demeurent nombreuses.

Mariage, famille, société


Les discours sur le mariage, la famille et l’État sont intimement liés ;
leurs rapports sont à la fois rhétoriques et symboliques, philosophiques et
littéraires, et reflètent les changements en cours dans la société civile.
Graffigny et Gouges, Rousseau et Diderot, entre autres, illustrent la remise
en question progressive des idées sur le mariage, la possibilité du célibat, le
rôle des individus des deux sexes. Dans les Lettres d’Émérance, Leprince
de Beaumont n’hésite pas à affirmer : « Je conseille à celle qui veut jouir de
la vie, comme on parle dans le monde, je lui conseille, dis-je, de se vouer au
célibat, c’est le seul état qui lui convienne 86. »
Pour Diderot, aucun ordre hiérarchique naturel ne confère le droit de
commander autrui ; la seule autorité naturelle est paternelle. Néanmoins, il
distingue clairement la famille et la société dans la notion de contrat
social 87. Dans Fragments politiques, il écrit qu’un père peut être roi dans sa
famille, mais qu’aucun roi, aussi bon soit-il ne peut être père de la société
— le roi n’est qu’un intendant 88. Alors qu’il réfléchit aux rapports entre la
famille et la société, Rousseau songe un moment à supprimer la famille,
mais la rétablit dans Du contrat social et en fait le modèle de la société. Les
questions philosophiques sur le fondement de la société et l’instauration de
la famille ne s’en tiennent pas aux faits ; elles posent des hypothèses, et les
débats sur le droit naturel jettent les bases du contrat social. Néanmoins,
dans les romans, les représentations des membres d’une famille se sont peu
à peu distinguées de la tradition et l’effet de telles représentations a
commencé à se faire sentir.
L’article « Mariage » de l’Encyclopédie, à la rubrique théologie, voit
dans la relation conjugale un contrat naturel, un contrat civil et un
sacrement. Selon la doctrine chrétienne sur le gouvernement de la famille
énoncée dans l’Épître aux Éphésiens, les femmes, les enfants et les
serviteurs doivent obéissance au maître de la maison de la même façon que
les chrétiens obéissent à Dieu 89. L’autorité du père de famille et celle de
Dieu se légitiment réciproquement, de même que toute autre forme
d’autorité *4. Dans L’Année merveilleuse mentionnée plus haut, Coyer
dénonce, sous une forme satirique, ce qui pourrait en effet se passer dans le
cas contraire : les hommes seraient subordonnés aux femmes et celles-ci
pourraient quitter la sphère privée pour la sphère publique — quelles en
seraient alors les conséquences ?
Une nouvelle conception du mariage émerge peu à peu au sein de
l’élite. L’impossibilité de choisir son conjoint figure depuis longtemps au
nombre des topoï du théâtre et des romans, l’ordre social étant rétabli par un
heureux dénouement ; au milieu du siècle toutefois la question des droits
commence à se poser en matière de contrat de mariage. L’idée, moderne,
d’une union dictée par l’amour entre des partenaires plus ou moins égaux se
fait jour. Dans la recherche d’un contrat de famille plus démocratique que
ne l’autorisait jusqu’ici l’Ancien Régime, l’adhésion à une définition
fondée sur l’idée de nature perturbe la notion d’égalité. Le droit naturel,
estime-t-on, n’est pas bafoué quand les hommes et les femmes peuvent
suivre une vocation dite « naturelle » : le pouvoir et la vie publique pour les
hommes, la maternité et la famille pour les femmes. De nombreux romans
confirment, mais aussi contestent, cette différence entre les hommes,
autorité principale, et les femmes, subordonnées, responsables de la
régénération naturelle de la famille et de la société. Il ne s’agit plus dans le
mariage d’un simple lien entre familles ; l’attente du bonheur et la
réciprocité des sentiments s’imposent, ce dont le roman sentimental se fait
l’écho. Ce qu’il propose diffère profondément du roman libertin, où la
sexualité n’est pas liée à la reproduction : c’est une notion alimentée par la
conscience grandissante de l’individu en tant que personne autonome et
digne de respect, une veine que Graffigny, Gomez, plus tard Riccoboni, par
exemple, ont commencé à explorer sous le couvert de la forme épistolaire.
L’harmonie et la pureté des cœurs sont désormais à l’ordre du jour, nourries
par les idéaux rousseauistes.
De nombreux romans sentimentaux débutent par un mariage (d’amour
ou de convenance) et traitent des tribulations de la vie conjugale : Lettres de
Madame Du Montier et Mémoires de Madame la baronne de Batteville, ou
la Veuve parfaite de Leprince de Beaumont, Histoire de M. le marquis de
Cressy de Riccoboni ou encore Lettres de Mistriss Henley de Charrière.
D’autres peignent la détresse de quelque jeune femme alors qu’elle
considère le mariage : Lettres de Milady Juliette Catesby et Lettres
d’Adélaïde de Dammartin (1767) de Riccoboni, Lettres d’une Péruvienne
de Graffigny. Caroline de Lichtfield (1786) d’Isabelle de Montolieu (1751-
1832) se place dans l’interstice, habituellement occulté, entre la célébration
du mariage et sa consommation 90. Dans À tous les penseurs, salut, Fanny de
Beauharnais fait observer :

L’union qui devrait être la plus délicieuse devient la source de vos peines, j’oserai
le dire, de vos fautes. La Nature en gémit, la raison s’y oppose, et l’Être suprême n’a
pu le vouloir ; il donna une compagne à l’homme ; il se plut à l’embellir, et ce fut le
présent d’un Dieu.
Il ne dit point : je te livre une esclave ; tu ne pourrais la mériter, je te permets de
91
l’asservir. Il dit : je t’associe une créature digne de moi .

Derrière la frivolité des femmes, réplique Beauharnais à ceux qui ne


cessent de l’attaquer sur ce point, il y a une autre réalité : « Remplir ses
devoirs et les aimer, c’est la philosophie mise en action ; c’est la seule. »
Les romans énoncent ainsi une forme de philosophie active, qui convoque
l’émotion autant que la raison et s’aligne sur les idéaux des philosophes.
« Être citoyenne, épouse, mère tendre, amie vraie, fille respectueuse et
sensible, telle est notre frivolité 92 », poursuit Beauharnais. Les multiples
façons de tenir ces rôles définissent de fait l’histoire du roman.
Dans les années 1760, on assiste à une reconfiguration du bien commun
à travers le couple auteur(e)-lecteur ou lectrice ; de nouveaux types de
liberté et d’égalité dans la « redistribution du sensible » se font jour, qui
montrent l’inégalité dans le choix puis la vie avec les partenaires du
mariage 93.
Pour Isabelle de Charrière, la question de la maîtrise des femmes sur
leur vie et sur leur avenir figure comme la préoccupation centrale de toute
son œuvre. Tout au long de sa carrière de romancière, d’essayiste, de
dramaturge, d’épistolière, mais aussi de musicienne, elle traite de sujets
prérévolutionnaires, le mariage et la famille, débouchant sur les thèmes
révolutionnaires de l’indépendance et de l’autonomie, la vie des émigrés, la
théorie opposée à la pratique. Elle imagine d’abord une nouvelle
philosophique dans le style de Voltaire, Le Noble (1763), dans laquelle sa
Julie est prisonnière, comme celle de Rousseau, d’un dilemme moral : il lui
faut choisir entre son devoir envers son père (obsédé par son rang) et sa
passion pour le jeune bourgeois qu’elle aime — « les arguments pour le
devoir, qu’avait toujours employés le père, étaient encore moins solides que
ceux de l’amant pour l’amour 94 », fait observer l’héroïne. Brisant les
convenances, elle détruit le portrait d’un illustre aïeul, façon de résister
symboliquement à ses origines, avant que le roman ne se termine bien, sur
une réconciliation avec le père et un mariage avec l’homme aimé (horrifiés
d’un tel récit, les parents de l’auteure retirèrent tous les exemplaires du livre
mis en vente et la pressèrent de ne plus jamais recommencer). En revanche,
Lettres de Mistriss Henley (1784) met en scène l’incompatibilité de
caractère entre une femme et un mari indifférent à ses aspirations
personnelles au bonheur dans l’espace étroit d’un mariage parfaitement
réussi en apparence. Dans Lettres écrites de Lausanne (1785), Charrière
prend cette fois pour sujet la relation entre les mères et leurs filles, montrant
comment les jeunes femmes peuvent louvoyer à travers les conventions et
se libérer des contraintes d’une vie et d’un mariage conformes aux
convenances. La mère de Cécile dénonce les contradictions de la conduite
qu’on attend d’une femme, qui se doit d’être à la fois « franche et
réservée » (dilemme qui se retrouve chez un certain nombre de femmes
auteurs). « Voilà comme, observe-t-elle encore, avec des mots qui se
laissent mettre à côté les uns des autres, on fabrique des caractères, des
législations, des éducations et des bonheurs domestiques impossibles. Avec
cela on tourmente les femmes, les mères, les jeunes filles, tous les imbéciles
qui se laissent moraliser 95 ». La leçon n’est pas tant de savoir comment
supporter les contradictions qui caractérisent la vie des femmes (la jeune
fille rêve de ne pas dépendre de son mari une fois mariée, tandis que la
mère rêve d’un matriarcat social) ; l’important est qu’en mettant à nu les
mécanismes de l’ordre social le roman de Charrière n’aboutit pas à une
quelconque conclusion mais se termine par une question : que va-t-il
advenir de Cécile ?
Après ce texte particulièrement original, Charrière enchaîne avec une
suite, sous-titrée Caliste, plus conventionnelle. Malgré leur éducation et
leurs sensibilités très comparables, Caliste meurt de l’échec de l’amour
alors que Cécile survit 96. Germaine de Staël prétend avoir lu dix fois
Caliste ; en 1783, elle écrit à son auteure et lui fait savoir que l’absence
d’épilogue à ses romans la navre : « je ne sais rien de plus pénible que votre
manière de commencer sans finir 97 ». À quelques années près, cette
déclaration aurait pu s’appliquer à la société française alors qu’elle se
trouve prise dans un grand mouvement de transformation révolutionnaire.
Par ailleurs, comme bien d’autres auteures du temps, Charrière est une
grande lectrice des œuvres de Rousseau, tout particulièrement de l’Émile,
qui devait susciter une réaction extrêmement hostile du fait de son contenu
religieux, et de La Nouvelle Héloïse, dans laquelle la passion conduit au
mariage (et fait ensuite retour). Rousseau l’affirme à ses lecteurs : le
caractère immoral de la passion est en quelque sorte compensé par la
création d’une famille modèle dans une société devenue plus égalitaire.
Pour Germaine de Staël, la moralité du roman se fonde sur l’obéissance
consentie de Julie à son père et à son époux : « … malheur à celle qui se
croirait le courage de résister à son père 98 », note-t-elle dans Lettres sur les
ouvrages et le caractère de J. J. Rousseau. Marie-Armande Gacon-Dufour
(1753-1835), Charlotte de Bournon-Malarme (1753-1830 ?) ou encore
Manon Roland sont toutes lectrices enthousiastes de La Nouvelle Héloïse et
suivent Rousseau sur ce point. Amie de Pierre-Alexandre Du Peyrou,
dépositaire des manuscrits de Rousseau, Charrière rédige elle aussi un éloge
du philosophe (1789-1790), mais elle y adopte la voix de Thérèse, sa
compagne et la mère de leurs enfants abandonnés ; elle défend celle-ci
contre les allégations de Staël, qui lui attribue la mort de Rousseau 99.

Écrire pendant la Révolution

La base de données que nous avons constituée 100 fait apparaître une
augmentation continue d’écrits de femmes dans la deuxième moitié du
e
XVIII siècle, tous genres littéraires confondus : 141 pour la période 1750-

1759, 171 pour 1760-1769, 209 pour 1770-1779 ; soit un total de 875
publications de 1750 à 1789. Pour la seule année 1788, nous recensons 56
publications, avant une augmentation spectaculaire à partir de 1789 101.
Les débuts de la Révolution inspirent en effet une volonté d’écrire et de
publier qui se traduit directement dans le nombre de publications : nous y
avons recensé quelque 216 œuvres. Les traductions, pour beaucoup
anonymes, de romans continuent de paraître ; les romans sentimentaux à
connotation bucolique sont toujours à la mode, comme Zilia, roman
pastoral en cinq chants, d’Anne-Marie de Beaufort d’Hautpoul (1763-
1837), Tout s’arrange à la fin, ou Histoire de M. Melfort (1790) d’Élisabeth
Haudry de Montullé (1727-1800) 102. Les femmes rédigent des lettres
(Mademoiselle de Bethomas à M. de Frondeville, président du parlement de
Normandie, 1789), des adresses et des pétitions : c’est le cas de Sophie-
Rémi Courtenai de La Fosse-Ronde, d’Etta Palm, de Madame Grandval ou
de Madame Levacher de Valincourt. Cornélie de Vasse rédige un Mémoire à
l’Assemblée nationale (1790, ill. 10), dans lequel elle demande que la
citoyenneté, et les droits qu’elle implique, soit accordée aux juifs, tandis
que Gouges, Keralio ou encore Marie-Madeleine Jodin (1741-1790)
publient des discours politiques. La question des couvents est plus que
jamais d’actualité : des romans y reviennent, comme Sophie, ou Mémoires
d’une jeune religieuse écrits par elle-même, 1790, de Madame Gautier-
Lacépède ainsi que des protestations et pétitions anonymes écrites par des
femmes, dont Sur la suppression des couvents de Félicité de Genlis 103.
Charrière envoie à la reine sa nouvelle intitulée Aiglonette et Insinuante, ou
la Souplesse (1791), précédée d’un message d’avertissement sur les
relations entre l’autorité et le pouvoir ; la « souplesse » y est recommandée,
tactique nécessaire 104.
La période 1792-1793 compte 31 ouvrages produits par des femmes, cet
effondrement confirmant ce que nous-même et d’autres avions pu observer.
Mary Wollstonecraft publie sa Défense des droits des femmes (1792),
Marie-Françoise de Keralio ( ?-1790, mère de Louise de Keralio) Les
Visites (1792), qui mêle à une déploration de la disparition du monde
d’autrefois des considérations sur la Révolution. Des écrits politiques, ainsi
le Discours de Manon Roland 105 et l’adresse d’Olympe de Gouges au
tribunal révolutionnaire devant lequel elles comparaissent, ou encore les
Réflexions sur le procès de la reine (1793) de Germaine de Staël montrent
que les femmes n’ont pas été brusquement réduites au silence, même si
leurs prises de position en politique ont parfois été payées de leur vie
— Manon Roland et Olympe de Gouges sont guillotinées en
novembre 1793.
10. [Cornélie de Vasse] Mémoire à l’Assemblée nationale.
Pour démontrer aux François les raisons qui doivent les déterminer à admettre les Juifs
indistinctement aux droits de Citoyens, Paris, Baudouin, 1790, p. 1 :
« Quoique je sois femme, j’ose me mêler à ceux qui ont parlé en faveur des Juifs. Quand
il s’agit de plaider la cause de la justice, il n’y a plus de distinction de rang ni de sexes… »

Déclarer ses droits


En 1791, Olympe de Gouges compose sa Déclaration des droits de la
femme et de la citoyenne : elle contient 17 articles à peu près démarqués de
ceux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen parue deux ans
auparavant. Le geste met expressément en cause des principes tenus pour
universels mais qui excluent en réalité les femmes. Au moment de sa
publication, la brochure de Gouges, imprimée en 5 exemplaires seulement,
et adressée aux membres de la Constituante alors en séance, ne semble pas
avoir suscité grand écho 106. Elle est totalement oubliée ensuite — quelques
extraits paraissent en 1840 ; il faudra attendre 1986 pour disposer de la
version complète. Le caractère volontairement provocant et novateur d’un
tel texte est néanmoins patent, même si l’idée de l’égalité véritable entre
hommes et femmes est alors dans l’air 107.
Gouges n’est pas la première femme à réclamer l’égalité : au
e
XVII siècle, avant Poullain de La Barre déjà évoqué, Marie de Gournay

avait écrit Égalité des hommes et des femmes (1622) ; à la fin du siècle
suivant, Marie-Armande Gacon-Dufour publie Mémoire pour le sexe
féminin contre le sexe masculin (1787) tandis que Condorcet, sous
l’influence de sa femme Sophie de Grouchy, plaide en faveur de l’égalité
dans Sur l’admission des femmes au droit de cité (1790), et que Mary
Wollstonecraft fait paraître à Londres A Vindication of the Rights of Woman
(1792), aussitôt traduit en français (Défense des droits des femmes).
« Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la
question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit 108 », affirme Olympe de
Gouges en ouverture à un texte dédié à Marie-Antoinette. L’auteure accuse
aussitôt l’« empire tyrannique » de l’homme, qui veut « commander en
despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles », et défie la
hiérarchie révolutionnaire, masculine, de prétendre à des principes
« universels » face à l’inégalité de fait infligée aux femmes. Dans le
« Préambule », elle convoque « les mères, les filles, les sœurs,
représentantes de la Nation » pour déclarer les droits inaliénables et sacrés
des femmes ; dans le « Postambule », elle appelle les femmes à se réveiller
et à comprendre que les hommes, en s’affranchissant de l’« esclavage » du
régime monarchique, ont fait preuve d’injustice en maintenant les femmes
dans un état de servitude et de dépendance. Quand donc, demande
l’auteure, les femmes cesseront-elles d’être aveugles ?
L’article I de sa « Déclaration » l’affirme avec force : « La femme naît
libre et demeure égale à l’homme en droits. » Comment des droits peuvent-
ils se prétendre universels lorsqu’ils ne répondent pas aux critères d’une
reconnaissance universelle ? Et de rappeler à l’article X le droit inaliénable,
des femmes comme des hommes, à l’expression de leurs opinions : « Nul
ne doit être inquiété pour ses opinions même fondamentales, la femme a le
droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la
tribune. » À l’article XI, Gouges requiert que les femmes puissent tenir les
pères pour responsables de leurs enfants (effaçant implicitement la
stigmatisation des filles mères), et prédit que les adversaires de sa position
s’inscriront dans une longue tradition de tartuffes, d’hommes d’Église et de
dévotes.
La situation des femmes dans le mariage est comparée à celle de
« l’esclave achetée sur les côtes d’Afrique ». Dans cette perspective,
Gouges propose, dans le « Postambule » toujours, un nouveau contrat entre
des partenaires réellement égaux et permettant d’accéder à la représentation
politique (« Forme du contrat social de l’homme et de la femme ») ; le
divorce découle logiquement de l’autonomie et de l’indépendance des
conjoints. « Le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour »,
juge-t-elle. Elle exige des droits pour « les veuves et les demoiselles
abusées par de fausses promesses », ainsi que des droits semblables pour les
enfants légitimes et illégitimes (le texte de Benjamin Franklin sur miss
Polly Baker, repris par Diderot et Raynal, dans lequel une femme de
l’Amérique coloniale conteste les lois qui la punissent d’avoir eu des
enfants hors mariage, n’est pas sans résonner ici 109). Elle souhaite
également « raccommoder » le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif :
« Je considère ces deux pouvoirs comme l’homme et la femme qui doivent
être unis, mais égaux en force et en vertu, pour faire un bon ménage ».
Les prises de position d’Olympe de Gouges pendant la Révolution ne
sont pas sans présenter quelques contradictions. Royaliste et patriote, elle
défend Necker, Mirabeau et les Girondins. Elle ne craint pas de prendre
violemment Robespierre à partie. À la fin de l’automne 1792, elle le blâme
d’inciter à la violence et lui oppose l’exemple de sa personne et de son
attitude, moins égoïstes dans leur conception de la citoyenneté et du
patriotisme : « Je te plains, Robespierre, et je t’abhorre. Vois quelle
différence entre nos âmes ! La mienne est véritablement républicaine, la
tienne ne la fut jamais. » Elle en appelle à la pensée des Lumières pour
limiter son pouvoir : « la sainte philosophie entravera tes succès ; et, quel
que soit ton triomphe du moment et le désordre de cette anarchie, tu ne
gouverneras jamais des hommes éclairés 110 ». Qualifiant Robespierre de
despote, Gouges décrit en ces termes les sinistres conséquences de ses
ambitions : « Tu te dis l’unique auteur de la Révolution, tu n’en fus, tu n’en
es, tu n’en seras éternellement que l’opprobre et l’exécration […] Le peuple
français, devenu républicain, ne deviendra pas un peuple d’assassins 111 ».
Écrivant au nom des philosophes qui ont condamné la tyrannie et les
tyrans, elle pressent par ailleurs les condamnations à mort à venir, celles du
roi mais aussi celles des Girondins, de Pétion, de Roland, de Condorcet.
Quand elle écrit à la Convention pour tenter de sauver Louis XVI de
l’échafaud, elle est vivement attaquée, mais elle n’entend pas fuir ceux qui
la calomnient 112. Le surlendemain du 21 janvier 1793, jour de l’exécution
de Louis XVI, sa pièce de théâtre, L’Entrée de Dumouriez à Bruxelles ou
les Vivandiers, est jouée au Théâtre de la République (nom alors donné à la
Comédie-Française). Gouges a en effet décidé de produire une pièce sur les
hauts faits de l’armée française, de se déclarer clairement contre la tyrannie,
mais en faveur de la Révolution et de son expansion militaire. Elle entend
célébrer le grand militaire, mais s’interroge : « Sans doute fallait-il une
autre plume que la mienne pour les raconter, pour peindre à la fois le
vaillant soldat et le vrai philosophe ; il fallait le génie du grand Corneille
pour rendre cette ardeur belliqueuse d’un peuple régénéré, né pour la
liberté… Il n’est plus de Corneille. » Gouges plaide en faveur d’une
littérature vivante produite par ceux qui se soucient réellement d’une France
nouvelle. Elle réfute des critiques imaginaires en leur opposant son amour
du pays et de l’armée, et soutient, dans un geste d’autodépréciation peu
habituel, que c’est son patriotisme qui lui permet d’écrire des pièces en cinq
actes davantage que son talent. Elle pose en actrice du changement et
souhaite exporter la Révolution en Belgique : « vous reconnaîtrez que si les
pièces de nos grands philosophes ont produit la Révolution française, la
pièce d’une femme peut produire véritablement celle de la Belgique, et
celle de tous les peuples encore à régénérer 113 ». La pièce, toutefois, ne
rencontre aucun succès.
Interrogeant la différence des sexes comme celle de l’humain et de
l’animal (et annonçant ainsi les débats actuels sur l’identité sexuelle et
transsexuelle), Olympe de Gouges déclare par ailleurs : « Je suis un animal
sans pareil ; je ne suis ni homme ni femme. J’ai tout le courage de l’un, et
quelquefois les faiblesses de l’autre. Je possède l’amour de mon prochain et
la haine de moi seul. Je suis fier, simple, loyal et sensible 114. » Sorte
d’Amazone des temps modernes, dotée des qualités d’une femme et de
celles que la tradition attribue au guerrier, elle se qualifie d’« animal
amphibie ». Une telle définition de soi s’oppose au modèle de Robespierre
ou Rousseau en ceci qu’il suppose que les femmes sont capables d’occuper
des rôles d’hommes 115. Cette position intermédiaire entre hommes et
femmes, radicaux et modérés, entre classes et même entre nations n’aurait
certes pas été ratifiée par Rousseau, ni par Robespierre, par bien des
hommes et des femmes du temps non plus (ainsi le marquis de *** créé par
Charrière dans Lettres trouvées dans des porte-feuilles d’émigrés déclare-t-
il : « Les êtres amphibies sont ce que j’aime le moins dans la création 116 »).
Dans son « Testament politique » remis à la Convention, aux Jacobins, à
la commune de Paris et aux journalistes, Gouges prend la défense du parti
auquel elle a adhéré, la Gironde modérée, dont la chute a accompagné celle
de la haute bourgeoisie et de l’aristocratie, et s’offre avec emphase au
sacrifice : « Vous cherchez le premier coupable ? C’est moi ; frappez […]
J’ai tout prévu, je sais que ma mort est inévitable. » Elle détaille ce que doit
être son héritage philosophique et symbolique :

Je lègue mon cœur à la Patrie, ma probité aux hommes (ils en ont besoin). Mon
âme aux femmes, je ne leur fais pas un don indifférent ; mon génie créateur aux
auteurs dramatiques, il ne leur sera pas inutile […] ; mon désintéressement aux
ambitieux, ma philosophie aux persécutés, mon esprit aux fanatiques, ma religion aux
athées, ma gaieté franche aux femmes sur le retour, et tous les pauvres débris qui me
restent d’une fortune honnête, à mon héritier naturel, à mon fils, s’il me survit.
117
Quant à mes pièces de théâtre […], je les donne à la Comédie française .

Les dispositions testamentaires d’Olympe de Gouges pourraient sans


doute être celles de nombreuses femmes auteurs de son temps ; quant à son
legs au XXIe siècle, il peut peut-être s’entendre dans les dernières répliques
de sa pièce Mirabeau aux Champs Élysées (1791) transmis par la voix de
Ninon de Lenclos :

Et de qui dépend cette révolution : en vain l’on fera de nouvelles lois, en vain l’on
bouleversera les royaumes ; tant qu’on ne fera rien pour élever l’âme des femmes, tant
qu’elles ne contribueront pas à se rendre plus utiles, plus conséquentes, tant que les
hommes ne seront pas assez grands pour s’occuper sérieusement de leur véritable
118
gloire, l’état ne peut prospérer : c’est moi qui vous le dis .

Si aucune révolution n’est imaginable sans que les femmes n’en soient
partie prenante, Gouges ne se montre pas moins lucide sur le peu de
chances pour elle d’infléchir la situation politique ; elle craint de se voir
condamnée « impitoyablement comme une femme qui n’a que des
paradoxes à offrir, et non des problèmes faciles à résoudre 119 ».

CODA :
ÉCRIRE POUR LOUVOYER

Trois femmes d’Isabelle de Charrière porte en épigraphe Cogitans


dubito (« je pense donc je doute »), mais dans les années qui suivent la
Terreur le doute n’est plus à même de garantir la certitude cartésienne du
sujet, et encore moins du sujet féminin. Le doute va en réalité conduire à
une attitude critique. Par ce roman, achevé en 1795 et publié ensuite non
sans difficultés 120, Charrière répond à trois grands penseurs : à Rousseau et
au principe d’une éducation distincte pour les hommes et les femmes (le
personnage appelé Émilie répond à l’Émile) ; à Kant (les dilemmes éthiques
posés par chacun des personnages défient son essai Sur l’expression
courante : « il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne
vaut rien » 121) ; à Voltaire enfin (par le choix du conte philosophique et la
question de savoir quelle pertinence ont conservée des genres littéraires
antérieurs à la Révolution). La reconnaissance de Kant comme le
philosophe officiel du gouvernement français après Thermidor, sa défense
d’une raison universelle et d’un républicanisme laïc pour contrer la
demande d’œuvres de fiction, a pour effet d’écarter les femmes et de
désigner certains auteurs comme « officiels » ; Kant exclut explicitement du
droit de vote les femmes et les mineurs tout comme le gouvernement
révolutionnaire a exclu les femmes des droits de l’homme, prétendument
universels.
Charrière définit une autre voie que celle de l’engagement politique
direct (et des paradoxes qu’il induit inévitablement). Elle est la première à
réécrire la question à laquelle ont répondu Kant et Mendelssohn : « Qu’est-
ce que les Lumières 122 ? ». Kant pose que la morale nous enseigne la
manière de nous rendre « dignes du bonheur », et elle doit également être
pertinente pour l’expérience. Isabelle de Charrière, depuis plusieurs années
en dialogue avec les membres de son petit cercle sur la pensée du
philosophe, retravaille sa théorie depuis la position de qui s’est vu
pratiquement refuser cette dignité pleine et entière, annonçant ainsi les
réflexions sur le savoir et le pouvoir de Foucault au XXe siècle. Pointant les
déficiences morales des gens de bien, les femmes de son roman n’hésitent
pas à formuler les questions que soulèvent les positions de Kant tandis que
l’auteure fait dialoguer différentes philosophies morales et interroge un
universalisme qu’elle juge trop rigide.
Trois émigrées, passées en Allemagne à la suite de la Révolution, se
retrouvent privées d’héritage et confrontées à une série de choix (sur
l’argent, l’amour et le souci d’autrui), qu’elles opèrent en toute liberté.
Leurs positions morales allient la philosophie kantienne à l’utilitarisme
empirique. Toutes sortes de questions sont évoquées. Constance, l’une des
protagonistes, passe les grands hommes en revue et s’interroge : « Aurions-
nous voulu vivre avec Jean-Jacques ? Non, sans doute ! s’est écrié chacun.
[…] Je doute que Rousseau ait jamais rien vu comme il était », et demande
à quoi l’on juge les penseurs intervenant sur la scène publique, aux
intentions ou bien aux résultats ; à cet égard, elle fait observer : « Le clergé
philosophe est aussi clergé qu’un autre, et ce n’était pas la peine de chasser
le curé de Saint-Sulpice pour sacrer les prêtres du Panthéon. »
Constance la bien nommée craint le désordre et, en matière politique,
plaide pour l’évolution et non la révolution : « n’excitez pas ce grand
mouvement dans les esprits ; n’essayez d’arriver au mieux possible que par
degrés ; il faut se contenter de louvoyer, comme dit le sage Malesherbes en
parlant d’un certain édit sur les Protestants [l’édit de Nantes, 1598] ». À
quoi le protagoniste kantien, Théobald, réplique que ce mode de navigation
a été utilisé pendant presque un siècle. Constance marque une pause, puis
déclare : « Mais mon esprit s’est porté sans dessein sur la France, sur le
monde et je me suis arrêtée, et j’ai douté, et j’ai béni mon destin de n’avoir
à conduire qu’une petite nacelle 123. »
Dans Trois femmes, Charrière montre que les femmes sont en mesure
d’aller au-delà de la simple application de doctrines morales et de lois
créées par l’autorité masculine, qu’elles sont capables d’infléchir leur vie et
celle d’autrui par l’amitié et l’empathie.
Chacune à leur manière, Marans et Charrière expriment ce que de
nombreuses femmes auteurs ont appris à faire : agir par vents contraires,
non seulement contre les hommes, traditionnellement supposés invincibles,
infatigables, infaillibles, mais aussi contre l’inégalité systémique, en
révélant les structures qui se sont perpétuées dans le passage de la
monarchie à la république et ensuite.
À la fin du roman, deux des protagonistes quittent tout bonnement la
scène ; on n’en entend plus parler en raison de la guerre. Leur disparition
est assez analogue à la façon dont la constitution du canon littéraire a,
pendant plus d’un siècle et demi, précipité un grand nombre d’auteures du
e
XVIII siècle dans le silence et l’oubli. Il nous reste à les inscrire à nouveau

dans notre paysage intellectuel, et dans notre vision du futur.

e
*1. Voir XVII siècle, « Un grand siècle pour les femmes auteurs », chap. II, ainsi que les
e
propos sur le roman au XIX siècle, chap. VI.
*2. On a volontiers stigmatisé son état de religieuse défroquée, sa conduite sur le plan
sentimental et familial (elle abandonne ses trois enfants, parmi lesquels le futur D’Alembert),
son caractère d’intrigante et de manipulatrice, preuve que la vie de l’auteure continuait
d’entretenir des liens avec la réputation de ses ouvrages.
*3. L’histoire est également adaptée au théâtre par le dramaturge Pierre-Claude Nivelle de
La Chaussée en 1742 (Amour pour amour) et se trouve à l’origine d’autres adaptations, dont un
opéra-ballet de Marmontel et Grétry (Zémire et Azor, 1771).
*4. « Dès l’origine du christianisme, rappelle Jean-Louis Flandrin, la famille a été
considérée comme une monarchie de droit divin. » Des années 1500 aux années 1700, le
renforcement de l’autorité paternelle et maritale s’accompagne de celle qui vise les biens
privés ; les termes de l’échange restent l’obéissance en retour de la protection. Dans le domaine
e
juridique, les femmes ont perdu du terrain à partir du XIII siècle en raison de l’affirmation de la
patrilinéarité et de leur incapacité à remplir des obligations de réciprocité. Au siècle suivant
apparaissent l’usage du patronyme, l’exclusion des femmes du trône de France, l’incapacité
pour elles de transmettre le droit d’accéder au trône, et en particulier les restrictions juridiques
qui leur sont dès lors imposées (Familles. Parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société,
Paris, Éditions du Seuil, 1984, p. 117-124).
Bibliographie

ŒUVRES CITÉES

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plusieurs anecdotes sur l’histoire du tems, depuis l’année 1726
jusqu’en 1733, Paris, La Grange, 1787. [Lettres à Madame C., éd.
Benedetta Craveri, Paris, Payot & Rivages, 2009.]
[BACHAUMONT, Louis Petit de et al.] Mémoires secrets pour servir à
l’histoire de la république des lettres en France depuis MDCCLXII
jusqu’à nos jours ; ou Journal d’un observateur, 36 vol., Londres,
John Adamson, 1783-1789.
BARBIER, Marie-Anne, Arrie et Petus, in Aurore Evain, Perry Gethner
et Henriette Goldwyn (éd.), Théâtre de femmes de l’Ancien
Régime, t. III, XVIIe-XVIIIe siècle, Saint-Étienne, Publications de
l’Université de Saint-Étienne, coll. La Cité des dames, 2011.
BEAUHARNAIS, Fanny de, À tous les penseurs, salut, Amsterdam et
Paris, 1774.
[BEAUHARNAIS, Fanny de et] DORAT, Claude-Joseph, Les Sacrifices de
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BEAUMARCHAIS, Pierre-Augustin Caron de, Œuvres, éd. Pierre
Larthomas, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1988.
[BELOT, Octavie] Observations sur la noblesse et le tiers-état, Rouen,
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[BELOT, Octavie] Réflexions d’une provinciale sur le Discours de
M. Rousseau, citoyen de Genève, touchant l’origine de l’inégalité
des conditions parmi les hommes, éd. Édith Flammarion, Arras,
Artois Presses Université, 2015.
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errantes, avec quelques lettres d’un Indien [1758], éd. Huguette
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Notes

INTRODUCTION

1. Louise de Keralio, Collection des meilleurs ouvrages français composés par des
femmes, Paris, Lagrange, 1786, t. 1, p. ix.
2. Dans le domaine de la critique, il faut signaler le travail pionnier de Georges May,
e
Le Dilemme du roman au XVIII siècle. Étude sur les rapports du roman et de la critique,
1715-1761, New Haven-Londres-Paris, Yale University Press / Presses universitaires de
France, 1963.

I
LIBERTÉS

1. Voir Jacques Roger, Les Sciences de la vie dans la pensée française du


e
XVIII siècle [1963], Paris, Armand Colin, 1971. Voir aussi Thomas Laqueur, La Fabrique
du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, coll. NRF Essais,
1992.
2. Antoine-Léonard Thomas, Essai sur le caractère, les mœurs et l’esprit des femmes
dans les différents siècles, Paris, Moutard, 1772.
3. Denis Diderot, Sur les femmes et autres textes, éd. André Billy et Michel Delon,
Paris, Gallimard, coll. Folio 2 €, 2013.
4. Louise d’Épinay, peut-être en collaboration avec Diderot, in Friedrich Melchior
Grimm (1723-1807) et Denis Diderot (1713-1784), Correspondance littéraire,
philosophique et critique de Grimm et de Diderot depuis 1753 jusqu’en 1790, éd. Jules-
Antoine Taschereau et A. Chaudé, Paris, Furne, 1829, t. VII, p. 456,
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5. Olympe de Gouges, Écrits politiques, éd. Olivier Blanc, Paris, Côté-femmes,
1993, t. I, p. 206.
6. Olympe de Gouges, « Réponse à la justification de Maximilien Robespierre »,
ibid., t. II, p. 163-168.
7. Cf. mes observations dans « Imagination ethnographique », in Christie McDonald
et Susan Robin Suleiman (dir.), French Global. Une nouvelle perspective sur l’histoire
littéraire, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 223-240.
8. Voir Éliane Viennot (dir. avec la coll. de Nicole Pellegrin), Revisiter la « Querelle
des femmes ». Discours sur l’égalité / inégalité des sexes, de la Renaissance aux
lendemains de la Révolution, tome I, De 1750 aux lendemains de la Révolution, Saint-
Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012, p. 88-89.
9. Bénouville, Bonne-Charlotte [Marans, Henriette de] Pensées errantes, avec
quelques lettres d’un Indien, éd. Huguette Krief, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 131.
Publié en 1758, ce texte a été attribué à plusieurs auteures, parmi lesquelles Marie-Anne
Barbier et Bonne-Charlotte Bénouville, qui est l’attribution conservée pour l’édition
Garnier. La recherche récente a démontré qu’Henriette de Marans est l’auteure du livre.
10. Anne-Louise Élie de Beaumont, Lettres du marquis de Roselle, Paris, L. Cellot,
1764, t. II, p. 79.
11. Fanny de Beauharnais, À tous les penseurs, salut, Amsterdam et Paris, 1774,
p. 13.
12. Voir Olympe de Gouges, Le Prince philosophe. Conte oriental, Paris, Briand,
1792, t. II, p. 11-12.
13. Émilie du Châtelet, Discours sur le bonheur, éd. Robert Mauzi, Paris, Les Belles
Lettres, 1961, p. 16.
14. Voir Essai inédit de Madame du Châtelet, chap. V, « Sur la liberté » [minutes
avec corrections autographes], Saint-Pétersbourg, National Library of Russia, Voltaire
Collection, vol. IX, p. 126.
15. Émilie du Châtelet, « De la liberté », in Ira O. Wade, Studies on Voltaire With
Some Unpublished Papers of Madame Du Châtelet, Princeton, Princeton University
Press, 1947, p. 93.
16. Ibid., p. 92.
17. Ibid., p. 102.
18. Émilie du Châtelet, « Préface du traducteur » (de la Fable des abeilles), 1735, in
Ira O. Wade, Studies on Voltaire With Some Unpublished Papers of Madame du Châtelet,
op. cit., p. 136.
19. Émilie du Châtelet, Discours sur le bonheur, op. cit., p. 23.
20. Le Dictionnaire de l’Académie française de 1762 en témoigne, avec bien
d’autres.
21. Nicole Pellegrin, « Introduction », in Fortunée Briquet, Dictionnaire historique
des Françaises connues par leurs écrits, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg,
2016, p. 22-23. Voir Sandrine Aragon, « Pour une rhétorique de la lecture féminine… »,
in Isabelle Brouard-Arends (dir.), Lectrices d’Ancien Régime, Rennes, Presses
universitaires de Rennes, 2003, p. 455-473.
22. Voir Nadine Bérenguier, « Mères, gouvernantes et livres de conduite : guerre ou
alliance ? », in Isabelle Brouard-Arends et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.),
Femmes éducatrices au siècle des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes,
2007, p. 585-597.
23. Voir Roger Chartier, Dominique Julia et Marie-Madeleine Compère, L’Éducation
e e
en France du XVI au XVIII siècle, Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur,
1976.
24. Dans Discours sur la suppression des couvents de religieuses et sur l’éducation
publique des femmes, Paris, Librairie Onfroy, 1790, Genlis compare les opinions sur les
Noirs et sur les femmes, reprenant la question de Montesquieu demandant pourquoi les
Européens ne voient pas les Noirs comme des égaux ; les hommes, observe-t-elle,
ignorant tout des institutions religieuses de femmes, considèrent celles-ci comme faibles
d’esprit.
25. Martine Sonnet, L’Éducation des filles au temps des Lumières, Paris, Éditions du
Cerf, 1987, p. 83.
26. Anne-Thérèse de Lambert, « Avis d’une mère à sa fille », in Avis d’une mère à
son fils et à sa fille, Paris, Étienne Ganeau, 1728, p. 97-98.
27. Fortunée Briquet, Dictionnaire historique des Françaises connues par leurs
écrits, op. cit., p. 43.
28. Signalé par Michel Delon dans Diderot cul par-dessus tête, Paris, Albin Michel,
2013, p. 225.
29. Leprince de Beaumont, « Avertissement », in Le Magasin des enfants, Lyon,
Veuve Rusand, 1798, p. 12.
30. Jean-Jacques Rousseau, Émile, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard,
coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1969, t. IV, p. 709.
31. Ibid., p. 693, 673 et 703 successivement.
32. Ibid., p. 750-751.
33. Antoine-François Delandine, Couronnes académiques, ou Recueil des prix
proposés par les sociétés savantes…, Paris, Cuchet, 1787, t. II, p. 106-107. Voir Jeremy
Caradonna, The Enlightenment in Practice. Academic Prize Contests and the Intellectual
Culture in France, Ithaca, Cornell University Press, 2011, p. 268.
34. Séance publique de l’Académie des sciences, des belles-lettres et des arts de
Besançon, tenue le 24 août 1777, Besançon, s. d., p. 4-6, http://babel.hathitrust.org/cgi/pt?
id= mdp.39015074758288;view=1up;seq=1
35. M. le Comte de Costa, Discours qui a remporté le prix d’éloquence au jugement
de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, en l’année 1778…,
Charmet, 1779, p. 28, http://memoirevive.besancon.fr/ark:/48565/a011290090127QgLJ47
36. Jeanne-Marie Roland, Mémoires, Paris, Baudouin fils, 1820, t. I, p. 245-246.
37. Les Lettres à mon fils de Louise d’Épinay sont écrites avant la publication
d’Émile (1759).
38. La Grande Catherine devait rédiger un « Abécédaire » de maximes inspirées des
Conversations d’Émilie, et faire don d’un médaillon de diamants à Émilie de Belsunce, en
gage d’estime. Voir Ruth Plaut Weinreb, Eagle in a Gauze Cage. Louise d’Epinay, femme
de lettres, New York, AMS Press, 1993.
39. Louise d’Épinay, Les Conversations d’Émilie, éd. Rosena Davison, Oxford, The
Voltaire Foundation, coll. Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1996, p. 249.
40. Lettres de l’abbé Galiani à Madame d’Épinay. Voltaire, Diderot, Grimm, le
baron d’Holbach, Morellet, Suard, d’Alembert, Marmontel, la vicomtesse de
Belsunce, etc., éd. Eugène Asse, Paris, Charpentier, 1881, t. I, p. 205.
41. Mademoiselle Fontette de Sommery, Doutes sur différentes opinions reçues dans
la société, Lausanne, Mourer Cadet, 1785, p. 294 ; Jean-Antoine-Nicolas de Caritat de
Condorcet, Cinq Mémoires sur l’instruction publique, éd. Charles Coutel et Catherine
Kinzler, Paris, Flammarion, 1994 [1791].
42. Gillian Dow, « “The best system of education ever published in France” :
Adelaïde and Theodore en Angleterre », in François Bessire et Martine Reid (dir.),
Madame de Genlis. Littérature et éducation, Rouen, Presses universitaires de Rouen et
du Havre, 2009, p. 41-49.
43. Voir la préface à l’édition d’Adèle et Théodore ou Lettres sur l’éducation
d’Isabelle Brouard-Arends (Presses universitaires de Rennes, 2006), les contributions sur
le sujet dans Madame de Genlis. Littérature et éducation, op. cit., et la biographie de
Genlis par Gabriel de Broglie (Madame de Genlis, Paris, Perrin, 2001, chap. VII).
44. Discours sur l’éducation publique du peuple, Paris, Chez Onfroy, libraire, 1791,
p. 5.
45. Discours et opinions de Mirabeau, Paris, Kleffer et Caunes [3 vol., 1820, cité
dans Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l’époque révolutionnaire, éd.
Bronislaw Baczko, Paris, Garnier, 1982, p. 71], III, p. 502. Discours attribué à Chamfort
mais publié ici comme œuvre posthume de Mirabeau.
46. Mary Wollstonecraft, Défense des droits des femmes, suivie de quelques
considérations sur des sujets politiques et moraux, Paris, Busson ; Lyon, Bruyset, 1992,
p. 2-3.
47. Ibid., p. 6-7 et 11.
48. Voir Antoine Lilti, Le Monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au
e
XVIII siècle, Paris, Fayard, 2005.
49. Dena Goodman, « Enlightenment Salons : the Convergence of Female and
o
Philosophic Ambitions », Eighteenth-Century Studies, vol. 22, n 3, « The French
Revolution in Culture », printemps 1989.
50. Voir Benedetta Craveri, Madame du Deffand et son monde, Paris, Éditions du
Seuil, 1999, ainsi que la préface de Chantal Thomas aux Lettres de Madame du Deffand,
Paris, Mercure de France, 2002.
51. Sur ce salon, et sur le mécénat de la salonnière, voir Maurice Hamon, Madame
Geoffrin. Femme d’influence, femme d’affaires au temps des Lumières, Paris, Fayard,
2010.
52. Benedetta Craveri, L’Âge de la conversation, Paris, Gallimard, 2002.
53. Voir Reinhart Koselleck, Critic and Crisis. Enlightenment and the Pathogenesis
of Modern Society, Cambridge, The MIT Press, 1988, et Jürgen Habermas, The Structural
Transformation of the Public Sphere, trad. Thomas Burger, Cambridge, Polity Press,
1989.
54. Dena Goodman, art. cité, p. 331.
55. Ibid., p. 333.
56. Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, 3 vol., éd. Jacques Necker,
Paris, C. Pougens, 1798, t. I, p. 298.
57. Ibid., p. 91. Voir Lettres de Mademoiselle de Lespinasse, suivies de deux
chapitres dans le genre du Voyage sentimental de Sterne, 2 vol., Paris, Léopold Collin,
1809.
58. [Madame Galien,] Apologie des dames appuyée sur l’histoire par M. de ***,
Paris, Didot, 1748.
59. Carla Hesse, « French women in print, 1750-1800 : An essay in historical
bibliography », in Haydn Mason (dir.), The Darnton Debate. Books and Revolution in the
Eighteenth Century, Oxford, The Voltaire Foundation, 1998, p. 65-82.
e
60. Grace Gill-Mark, Anne-Marie du Boccage. Une femme de lettres au XVIII siècle,
Paris, Honoré Champion, 1927, p. 26.
61. Correspondance littéraire, philosophique et critique de Grimm et de Diderot,
er
op. cit., t. IV, 1 nov. 1764, p. 104 ; voir François Bessire et Martine Reid (dir.), Forma
Venus, Arte Minerva. Sur l’œuvre et la carrière d’Anne-Marie Du Bocage (1710-1802),
Rouen, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2017, p. 32.
62. Voir Dena Goodman, « Le Spectateur intérieur : les journaux de Suzanne
o
Necker », Littérales, n 17, « L’invention de l’intimité au Siècle des lumières », dir.
Benoît Mélançon, 1995, p. 91-109.
63. Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, éd. Jacques Necker, op.
cit., t. I, p. 285.
64. Il faudra attendre les années 1980 pour que l’on s’intéresse à ses lettres ainsi
qu’à sa production dans divers genres littéraires. Voir Antoine de Baecque, « Madame
Necker ou la poésie du cadavre », in La Gloire et l’Effroi. Sept morts sous la Terreur,
Paris, Grasset, 1997, p. 215-251 ; Jean-Denis Bredin, Une singulière histoire de famille.
Jacques Necker, Suzanne Necker et Germaine de Staël, Paris, Fayard, 1999 ; Dena
Goodman, « Suzanne Necker’s Mélanges : Gender, Writing, and Publicity », in Elizabeth
C. Goldsmith et Dena Goodman (dir.), Going Public. Women and Publishing in Early
Modern France, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1995, p. 210-223.
65. Mélanges extraits des manuscrits de Madame Necker, op. cit., t. I, p. 300.
66. Germaine de Staël, De la littérature considérée dans ses rapports avec les
institutions sociales, éd. Jean Goldzink, in Œuvres complètes, dir. Stéphanie Genand,
série I, Œuvres critiques, tome II, De la littérature et autres essais littéraires, Paris,
Honoré Champion, 2013, p. 121.
67. Ibid., p. 32.
68. Ibid., p. 338.
69. Jeanne-Marie Roland, Mémoires, op. cit., t. I, p. 195-196.
70. Pierre Cornut-Gentille, Madame Roland, Paris, Perrin, 2004, p. 343.
71. Voir Jacqueline Letzter, Intellectual Tacking. Questions of Education in the
Works of Isabelle de Charrière, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1998 ; Monique Moser-
e
Verrey, Isabelle de Charrière salonnière virtuelle. Un itinéraire d’écriture au XVIII siècle,
Paris, Hermann, 2013 ; Judith Still, « A Fictional Response to the Categorical Imperative.
Women Refugees, Servants, and Slaves in Charrières’ Trois Femmes », in Maike Oergel
(dir.), (Re)-Writing the Radical. Enlightenment, Revolution, and Cultural Transfer in
1790s Germany, Britain and France, Berlin, De Gruyter, 2012, p. 142-156.
72. Jürgen Siess, « La place de l’autre et l’image de soi dans les lettres de Marie-
Jeanne Riccoboni », in Brigitte Diaz et Jürgen Siess (dir.), L’Épistolaire au féminin.
e e
Correspondance de femmes (XVII -XX siècle), Caen, Presses universitaires de Caen, 2006,
p. 17.
73. En 1820 paraissait une trentaine de lettres relatant le séjour qu’elle fit chez
Madame du Châtelet et Voltaire à Cirey en 1738-1739 ; le reste de sa correspondance ne
devint disponible que dans les années 1960. Bénéficiant de l’acquisition en 1967 par la
Beinecke Library de l’université Yale et la J. P. Morgan Library de New York, une équipe
de chercheurs de l’université de Toronto, dirigée par J. Alan Dainard et David Smith, ont
réalisé sous les auspices de la Voltaire Foundation à Oxford l’édition en quinze volumes
de la correspondance de Françoise de Graffigny : Correspondance de Madame de
Graffigny, éd. English Showalter, Oxford, The Voltaire Foundation, Taylor Institution,
1985-2016. Voir aussi English Showalter, « Graffigny at Cirey : a fraud exposed »,
er
French Forum, 1 janvier 1996, p. 29-44.
74. François Bessire, « Françoise de Graffigny : femme de lettres et femme du
o
livre », Revue de la BNF, vol. 39, n 3, p. 28-37.
75. En 1820, la publication falsifiée d’une partie de ces lettres, présentées comme
contenant des révélations sur le couple célèbre (Vie privée de Voltaire et de Madame du
Châtelet pendant un séjour de six mois à Cirey), a contribué à déformer le regard porté
sur elle et sur l’entourage du philosophe. Les lettres se signalaient par des passages
dramatiques, un style emphatique, des digressions sur sa propre personne et une
glorification de Voltaire (voir English Showalter, « Graffigny at Cirey : a fraud exposed »,
art. cit.). Cette édition était due à l’érudit Louis Du Bois, bibliothécaire et coéditeur des
Œuvres complètes de Voltaire. Dans Portraits de femmes (1839), Sainte-Beuve devait
passer quasiment sous silence les Lettres d’une Péruvienne et Cénie et centrer
principalement son propos sur la Vie privée revue et corrigée (Causeries du lundi, Paris,
Garnier, 1882-1885, t. II, p. 208-225).
76. Voir Jeremy Caradonna, The Enlightenment in Practice, op. cit.
77. Émilie du Châtelet, Dissertation sur la nature et la propagation du feu, Paris,
Prault fils, 1744.
78. Jeremy Caradonna, The Enlightenment in Practice, op. cit., p. 108 et sq.
79. Jane Stevenson, Women Latin Poets. Language, Gender, and Authority from
Antiquity to the Eighteenth Century, New York, Oxford University Press, 2005, p. 316-
317.
80. Carla Hesse, The Other Enlightenment. How French Women Became Modern,
Princeton, Princeton University Press, 2001, p. 89, n. 20.
81. Isabelle de Charrière, Éloge de Jean-Jacques Rousseau, in Œuvres complètes,
Genève, Slatkine, 1981, t. X, p. 195-211. Charrière est proche de Pierre-Alexandre du
Peyrou, l’imprimeur-libraire de Rousseau, et l’a aidé à publier la seconde partie des
Confessions.
82. Voir John Iverson et Marie-Pascale Pieretti, « Académicienne », in Huguette
Krief et Valérie André (dir.), Dictionnaire des femmes des Lumières, Paris, Honoré
Champion, 2015, p. 27-30.
83. François Moureau, « Le Nouvelliste universel », in Jean Sgard (dir.),
Dictionnaire des journaux 1600-1789, 2 vol., Paris, Universitas, 1991 (notice 1069).
84. « Magazine », Oxford English Dictionary.
85. Patricia Clancy, « Le Nouveau Magasin français », in Jean Sgard (dir.),
Dictionnaire des journaux, 2 vol., Oxford, The Voltaire Foundation, 1991 (notice 985).
86. Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, La Jeune Américaine et les contes marins (La
Belle et la Bête). Les Belles Solitaires ; Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Magasin
des enfants (La Belle et la Bête), éd. Elisa Biancardi, Paris, Honoré Champion,
coll. Bibliothèque des génies et des fées, 15, 2008, p. 907-912. Jeanne-Marie Leprince de
Beaumont est également l’auteure d’autres Magasins : le Magasin des pauvres, artisans,
domestiques, et gens de la campagne (1768), ou La Dévotion éclairée ou Magasin des
dévotes (1779).
87. Marie-Jeanne Riccoboni, Recueil de pièces détachées, Paris, Humblot, 1765.
88. Marijn S. Kaplan, « Marie Jeanne Riccoboni’s Original Abeille : Gender in Early
o
Modern Journalism », The French Review, vol. 86, n 5, 2013, p. 924-934.
89. Marie-Jeanne Riccoboni, Collection complète des œuvres de Madame Riccoboni,
Neuchâtel, Société typographique, 1783, t. IX, p. 148-149, cité par Marianne Charrier-
Vozel, « Féminité et masculinité selon Madame Riccoboni et Laclos : la pluralité des
genres », in Suzanna van Dijk et Madeleine van Strien-Chardonneau (dir.), Féminités et
masculinités dans le texte narratif avant 1800. La question du « gender », Louvain,
Peeters, 2002.
90. « L’Abeille », in Œuvres complètes, Paris, Volland, 1786, t. I, p. 2, 3, cité in
Vicky Mistacco, « Le masculin, une vieille histoire. Riccoboni et Sand », in Françoise
Rétif (dir.), Le Masculin dans les œuvres d’écrivaines françaises, Paris, Classiques
Garnier, 2016, p. 140.
91. Nina Rattner Gelbart, Feminine and Opposition Journalism in Old Regime
France. Le Journal des Dames, Berkeley, University of California Press, 1987.
92. Madame de Beaumer, « Avis », Journal des Dames, octobre 1761, p. iii.
93. Ibid., novembre 1761, p. 101-102.
94. Madame de Beaumer, « De Mme de *** à Mlle *** », ibid., octobre 1761, p. 78-
80.
95. Suzanna van Dijk et Madeleine van Strien-Chardonneau (dir.), Féminités et
masculinités dans le texte narratif avant 1800. La question du « gender », op. cit., p. 252.
96. Ibid., p. 178.
97. Marie-Émilie de Montanclos, Journal des Dames, décembre 1774, p. 191, cité in
Gelbart, Feminine and Opposition Journalism in Old Regime France, op. cit., p. 206.
98. Marie-Émilie de Montanclos, Journal des Dames, cité in Évelyne Sullerot,
Histoire de la presse féminine en France, Paris, Armand Colin, 1966, p. 23-24.
99. Gelbart, Feminine and Opposition Journalism in Old Regime France, op. cit.,
p. 200-201.
100. Elle est aussi l’auteure de La Vertu chancelante, ou la Vie de Mademoiselle
d’Amincourt, 1778, et de Zelmis ou la Jeune Sauvage, opéra comique en un acte, mêlé
d’ariettes sur des airs connus, 1780.
101. Louis Petit Bachaumont, Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la
république des lettres en France depuis MDCCLXII jusqu’à nos jours ; ou Journal d’un
observateur, Londres, John Adamson, vol. 15, p. 104, 24 mars 1780 [1781].
102. John Paul Jones, l’un des premiers commandants de la marine américaine, que
le périodique a fait connaître en France, écrit à Madame d’Ormoy en 1780 et lui offre un
encrier qu’elle utilisera, espérait-il, « pour instruire l’humanité et soutenir la dignité et les
droits de la nature humaine » (John Henry Sherburne, The Life and Character of John
Paul Jones, a Captain in the United States Navy, New York, Adriance-Sherman, 1851,
p. 330-332. Sherburne traduit lui-même les lettres, écrites à l’origine en français).
103. Sandrine Berge, « Sophie de Grouchy on the Cost of Domination in the Letters
on Sympathy and Two Anonymous Articles in Le Républicain », The Monist, vol. 98,
o
n 1, janvier 2015.
104. Anne Geffroy, « Louise de Keralio-Robert : pionnière du républicanisme
o
sexiste », Annales historiques de la Révolution française, n 344, avril-juin 2006, p. 110.

II
ÉGALITÉS

1. Cité par Éliane Viennot, dans Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin !
Petite histoire des résistances de la langue française, Paris, Ixe, 2014.
2. Christie McDonald, « Lectures », in Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy
(dir.), Les Fins de l’homme à partir du travail de Jacques Derrida [1981], Paris,
Hermann, 2013, p. 270-281.
3. Antoine Berman, « De la translation à la traduction », Traduction, terminologie,
o
rédaction [TTR], vol. 1, n 1, 1988, p. 23-40.
4. Voir Julie Candler Hayes, Translation, Subjectivity and Culture in France and
England, 1600-1800, Stanford, Stanford University Press, 2009, p. 144. Hayes analyse
l’évolution du rôle du traducteur au cours du siècle, à mesure que le respect du texte
original prend une importance grandissante.
5. Dictionnaire de l’Académie française, 1762.
6. Antoine Berman, art. cit., p. 31.
7. Lawrence Venuti, The Translator’s Invisibility. A History of Translation, Londres,
Routledge, 1995, 2008, p. 81.
8. Le débat sur le degré de liberté admis dans une traduction au regard de la fidélité
(linguistique et culturelle) au texte original porte notamment sur la restitution du passé par
rapport au présent et sur la transmission de la culture à travers la langue. Il a aussi
conduit, à une époque plus récente, à analyser comment la traduction néoclassique est
devenue ethnocentrique. Voir Julie Candler Hayes, Translation, Subjectivity and Culture
in France and England, 1600-1800, op. cit.
9. André Billaz, « Voltaire traducteur de Shakespeare et de la Bible : philosophie
implicite d’une pratique traductrice », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 97,
o
n 3, 1997, p. 375-378.
10. « Lettre au R. P. B[uffier] jésuite, sur Homère », s. d., in Œuvres de Madame la
Marquise de Lambert, avec un abrégé de sa vie, Lausanne, Marc-Michel Bousquet et Cie,
1747, p. 383. Cité in Éliane Itti, Madame Dacier, femme savante du Grand Siècle (1645-
1720), Paris, L’Harmattan, 2012, p. 293-294.
11. Anne-Thérèse de Lambert, Réflexions nouvelles sur les femmes [1727], Paris,
Côté-femmes, 1989, successivement p. 39, 45-46 et 49-50.
12. Émilie Du Châtelet. Selected Philosophical and Scientific Writings, éd. Judith
Zinsser, trad. Isabelle Bour et Judith Zinsser, Chicago, University of Chicago Press, 2009.
13. Judith Zinsser, La Dame d’esprit. A Biography of the Marquise Du Châtelet,
New York, Viking Penguin, 2006, p. 9.
14. Francesco Algarotti, Le Newtonianisme pour les dames, ou Entretiens sur la
lumière, sur les couleurs, et sur l’attraction, 2 vol., trad. Louis-Adrien du Perron
de Castera, Paris, Montalant, 1738.
o e
15. Lettre n 136 au duc de Richelieu, 17 février 1739, in Lettres du XVII et du
e
XVIII siècle. Lettres de la marquise du Châtelet, réunies pour la première fois, revues sur
les autographes et les éditions originales […], éd. Eugène Asse, Paris, Charpentier, 1878,
p. 330.
16. Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, trad. Émilie
du Châtelet, éd. Michel Toulemonde, 2 vol., Ferney-Voltaire, Centre international d’étude
e
du XVIII siècle, 2015.
17. Les Lettres de la marquise du Châtelet, éd. Theodore Besterman, Genève,
Institut et Musée Voltaire, 1958, t. I, p. 267.
18. Ira O. Wade, « Preface », traduction de Fable of the Bees, in Studies on Voltaire
With Some Unpublished Papers of Madame Du Châtelet, op. cit., p. 137.
19. Émilie du Châtelet, « Préface du traducteur 1735 », ibid., p. 133.
20. Ibid., p. 135.
21. Voltaire, Éloge historique de Madame la Marquise du Chastellet, in Les Œuvres
complètes de Voltaire, Oxford, The Voltaire Foundation, vol. 32A, 2006, p. 381, 382
et 387. Voltaire l’écrit en préface à la traduction des Principia par Du Châtelet ; le texte
est republié dans le Mercure en 1754.
22. Judith Zinsser, La Dame d’esprit, op. cit., p. 243.
23. Louise Colet, Émilie du Châtelet, « Lettres inédites au maréchal de Richelieu et à
Saint-Lambert », Revue des deux mondes, vol. 11, 1845, p. 1011.
24. Marie-Pascale Pieretti, « Construction de l’identité auctoriale de Madame
e
Thiroux d’Arconville », in La Traduction des genres non-romanesques au XVIII siècle, éd.
Annie Cointre et Annie Rivara, Metz, Centre d’étude de la traduction, 2003, p. 269-283.
25. Marc André Bernier et Marie-Laure Girou-Swiderski, Madame d’Arconville,
moraliste et chimiste au siècle des Lumières. Études et textes inédits, Oxford, The Voltaire
Foundation, coll. Oxford University Studies in the Enlightenment, 2016.
26. Sherry Simon, Gender in Translation, New York, Routledge, 1996, p. 83.
27. La Femme n’est pas inférieure à l’homme, traduit de l’anglais, Londres [Paris],
1750. Dans le catalogue de la BnF, le texte est attribué à Madeleine de Puisieux et
Philippe-Florent de Puisieux (1713-1772).
28. Le Triomphe des dames, traduit de l’anglais de Miledi P****, Londres, 1751
(attribué dans le catalogue de la BnF à Madeleine et Philippe-Florent de Puisieux).
29. Voir Alice M. Laborde, Diderot et Madame de Puisieux, Saratoga, ANMA Libri,
1984, p. 58-63 ; Michel Delon, Diderot cul par-dessus tête, op. cit., p. 224.
30. La Femme n’est pas inférieure à l’homme, op. cit., p. 7 et 20.
31. L’Année littéraire, année 1756, Amsterdam-Paris, Lambert, 1756, t. III, lettre IV,
p. 73, cité dans Réflexions d’une provinciale sur le Discours de M. Rousseau, citoyen de
Genève, touchant l’origine de l’inégalité des conditions parmi les hommes, éd. Édith
Flammarion, Arras, Artois Presses Université, 2015, p. 31.
32. Voltaire, Œuvres complètes, Paris, Garnier, 1877, t. XL, p. 67, cité ibid.
33. Mercure de France, cité dans Réflexions d’une provinciale sur le discours de
M. Rousseau, op. cit., p. 8.
34. Charlotte Simonin, « “Les feux purs de l’amour ou l’amour de la sexualité dans
la traduction du Paradise Lost de Madame Marie-Anne du Boccage (1748) », in Annie
Cointre, Florence Lautel et Annie Rivara (dir.), La Traduction du discours amoureux
1660-1830, Metz, Université Paul Verlaine, 2005, p. 323-346. Voir aussi Jean Gillet, Le
Paradis perdu dans la littérature française de Voltaire à Chateaubriand, Paris,
Klincksieck, 1977.
35. Rotraud von Kulessa, « Les Amazones de Madame du Boccage dans la traduction
italienne de Luisa Bergalli Gozzi », in Annie Cointre, Florence Lautel et Annie Rivara
(dir.), La Traduction du discours amoureux 1660-1830, op. cit., p. 261.
36. Amélie, roman de Fielding traduit de l’anglais par Madame Riccoboni, Paris,
Brocas et Humblot, 1762.
37. Susan Sniader Lanser, Fictions of Authority : Women Writers and Narrative
Voice, Ithaca, Cornell University Press, 1992, p. 58-59.
38. Riccoboni, « Lettre à M. Humblot, libraire », in Amélie, op. cit., p. 2-5.
39. Voir Joan Hinde Stewart, Gynographs, Lincoln, University of Nebraska Press,
1993, p. 34-35.
40. Anne-Louise Élie de Beaumont, Anecdotes de la cour et du règne d’Édouard II,
roi d’Angleterre par M. de L.M.D.T., et M. de E.D.B., Paris, Pissot, 1776.
41. Fortunée Briquet, Dictionnaire historique des Françaises connues par leurs
écrits, op. cit., p. 121.
42. Le roman est encore attribué au seul Dorat : voir l’édition d’Alain Clerval, Paris,
Le Promeneur, 1995.
43. Dorat est par ailleurs l’auteur d’un nombre considérable d’ouvrages, parmi
lesquels une série d’héroïdes et Amants malheureux, ou le Comte de Comminges (1764)
inspiré du roman de Tencin (ses œuvres complètes comptent 20 vol.). Beauharnais
poursuit de son côté la publication de nombreux romans, dont Lettres de Stéphanie,
roman historique (1778), L’Abailard supposé, ou le Sentiment à l’épreuve (1780) ou Le
Somnambule, œuvres posthumes en prose et en vers, où l’on trouve l’histoire générale
d’une isle très singulière découverte aux Grandes Indes en 1784.
44. Voir Jacob Vernet, Lettres critiques d’un voyageur anglais sur l’article
« Genève » du Dictionnaire encyclopédique, et sur la Lettre de M. d’Alembert à
M. Rousseau touchant les spectacles, Copenhague [Genève], 1766. Voir Yves
Krumenacker, « Marie Huber : une théologienne entre piétisme et Lumières », in Refuge
et Désert. L’évolution théologique des Huguenots de la Révocation à la Révolution
française, éd. Hubert Bost et Claude Lauriol, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 99-115.
45. Fortunée Briquet, Dictionnaire historique des Françaises connues par leurs
écrits, op. cit., p. 205.
46. Rousseau, « Profession de foi », Émile, op. cit., p. 346.
47. Marie Huber, Lettres sur la religion essentielle à l’homme, distinguée de ce qui
n’en est que l’accessoire, Amsterdam, Wetstein et Smith, 1738.
48. Yves Krumenacker, « L’évolution du concept de conscience chez Marie Huber »,
o
Dix-huitième Siècle, n 34, 2002, p. 225-237.
49. Voltaire, Œuvres complètes, op. cit., t. X, p. 574.
50. Laurent Versini, dans Choderlos de Laclos, Œuvres complètes, Paris, Gallimard,
coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1979, p. 1163.
51. Marie-Françoise de Mézières, marquise de Saint-Aubin, Le Danger des liaisons,
ou Mémoires de la baronne de Blémon, Genève, 1763, t. I, p. 2-3.
52. Ibid., t. 1, p. 141 et t. 3, p. 109.
53. À l’époque toutefois, Alexandre Robineau fait jouer une comédie intitulée Le
Danger des liaisons, comédie en un acte, représentée en 1783 et publiée chez Cailleau en
1784. Abbé défroqué, Robineau prit le pseudonyme de Beaunoir (anagramme de son
nom) après s’être séparé de l’Église, et sa femme, Louise-Céline Cheval (1766-1821),
signa plusieurs de ses ouvrages, jugés trop libertins pour sa fonction de bibliothécaire du
roi.
54. Œuvres de Madame de Gouges, Paris, Cailleau, 1788, t. I, p. iii. Il semblerait
qu’il existe aussi des versions antérieures du Mariage inattendu de Chérubin.
e
55. Olivier Blanc, Marie-Olympe de Gouges. Une humaniste à la fin du XVIII siècle,
Paris, René Viénet, 2003, p. 17-66.
56. Rousseau, Lettre à d’Alembert sur les spectacles, in Œuvres complètes, op. cit.,
note, p. 44. Il ajoute : « Les femmes en général, n’aiment aucun art, ne se connaissent à
aucun, et n’ont aucun génie. Elles peuvent réussir aux petits ouvrages qui ne demandent
que de la légèreté d’esprit, du goût, de la grâce, quelquefois même de la philosophie et du
raisonnement. Elles peuvent acquérir de la science, de l’érudition, des talents, et tout ce
qui s’acquiert à force de travail. Mais ce feu céleste qui échauffe et embrase l’âme, ce
génie qui consume et dévore, cette brûlante éloquence, ces transports sublimes qui portent
leurs ravissements jusqu’au fond des cœurs, manqueront toujours aux écrits des femmes ;
ils sont tous froids et jolis comme elles ; ils auront tant d’esprit que vous voudrez, jamais
d’âme ; ils seraient cent fois plutôt sensés que passionnés. Elles ne savent ni décrire ni
sentir l’amour même. La seule Sapho, que je sache, et une autre, méritèrent d’être
exceptées […] Or partout où dominent les femmes, leur goût doit aussi dominer ; et voilà
ce qui détermine celui de notre siècle » (ibid., p. 94-95).
e
57. Sabine Juratic, « Les femmes dans la librairie parisienne au XVIII siècle », in
Frédéric Barbier, Sabine Juratic et Dominique Varry (dir.), L’Europe et le livre. Réseaux et
e e
pratiques du négoce de librairie, XVI -XIX siècles, Paris, Klincksieck, 1996, p. 247-276.
58. Denis Diderot, Lettre sur le commerce de la librairie. La propriété littéraire au
e
XVIII siècle, éd. Georges Guiffrey, Paris, Hachette, 1861 ; Jean-Antoine-Nicolas de
Caritat de Condorcet, Œuvres complètes, 21 vol., éd. Sophie de Grouchy, Paris,
Heinrichs, 1804.
59. Carla Hesse, « Enlightenment Epistemology and the Laws of Authorship in
o
Revolutionary France, 1777-1793 », Representations, n 30, « Law and the Order of
Culture », printemps 1990, p. 109-137.
e
60. Six de ces femmes auteurs appartiennent au XVII siècle. Toutes les données ont
été rassemblées par Caleb Shelburne. La plupart des sources proviennent de l’ouvrage de
Cecilia Beach, French Women Playwrights Before the Twentieth Century, recoupées avec
celles de David Trott, « Bases numérisées et bilans : pour un survol du rôle des femmes
dans le théâtre français entre 1700 et 1789 »,
http://homes.chass.utoronto.ca/~trott/femme.htm
61. C’est le cas pour Barbier, Bernard, Du Bocage, Charrière, Deshoulières, Gomez,
Marron, Saintonge et Staël.
62. Caleb Shelburne a procédé à l’analyse statistique des graphiques.
63. Parmi celles-ci : Genlis, 46 ; Laisse, 21 ; Montesson, 15 ; Gouges, 11 ; Favart, 9 ;
Marron, 9 ; Barbier, 8 ; Graffigny, 7 ; Riccoboni, 7 ; et Charrière, 6.
64. Tragédies de Mademoiselle Barbier, Paris, Ribou, 1707, comprend les trois
premières tragédies ; Les Tragédies et autres poésies de Mademoiselle M.-A. Barbier,
Leyde, B. J. Vander Aa, 1719, 1723, 1724 (et à Amsterdam en 1749, le nom de Barbier
étant changé en M.*** B.***), les quatre tragédies principales et de la poésie ; Théâtre de
Mademoiselle Barbier, Paris, Briasson, 1745, les quatre tragédies principales et Le
Faucon, comédie en un acte.
65. Marie-Anne Barbier, Arrie et Petus, in Théâtre de femmes de l’Ancien Régime,
e e
tome III, XVII -XVIII siècle, éd. Aurore Evain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn, Saint-
Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, coll. La Cité des dames, 2011,
p. 367-368.
66. Ibid., p. 365 et 367-368
67. Élisabeth Rallo, « Marie-Anne Barbier », in Dictionnaire des femmes des
Lumières, op. cit., p. 99.
68. Voir Madeleine-Angélique de Gomez, Œuvres mêlées, Paris, G. Saugrain, 1724.
69. Madeleine-Angélique de Gomez, Habis, Utrecht, E. Neaulme, 1732, « Préface ».
70. Justine Favart, Les Amours de Bastien et Bastienne, Paris, Veuve Delormel et fils
et Prault fils, 1753.
71. Correspondance littéraire, philosophique et critique de Grimm et de Diderot,
op. cit., t. II, p. 116-117.
72. Mercure de France, avril 1757, vol. 1, p. 119.
73. Anne-Marie Du Bocage, La Colombiade, ou la Foi portée au nouveau monde,
Paris, Desaint, Saillant et Durand, 1756, p. 164-179.
74. George Noël, Une « primitive » oubliée à l’école des « cœurs sensibles ».
Madame de Graffigny, 1695-1758, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1913.
75. English Showalter, « Writing Off the Stage : Women Authors and Eighteenth-
Century Theater », in Displacements. Women, Tradition, Literatures in French, Londres-
Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1991, p. 154-162.
76. Le drame bourgeois connaît un succès considérable de 1757 à 1771. Ses
défenseurs en sont Madame d’Épinay, Grimm et Voltaire ; ses ennemis, Fréron, Palissot et
Collé. L’immense popularité de Sedaine pour Philosophe sans le savoir (1765) annonce
celui du Père de famille (1769) de Diderot.
77. Beaumarchais, Œuvres, éd. Pierre Larthomas, Paris, Gallimard,
coll. Bibliothèque de La Pléiade, 1988, p. 119. Beaumarchais suit l’Éloge de Richardson,
dans lequel Diderot loue Richardson d’avoir mis en action ce que Montaigne, La
Rochefoucauld et d’autres avaient laissé en maximes : « Une maxime est une règle
abstraite et générale de conduite dont on nous laisse l’application à faire. Elle n’imprime
par elle-même aucune image sensible dans notre esprit » (Diderot, Œuvres esthétiques,
éd. Paul Vernière, Paris, Garnier, 1965, p. 29).
78. Diderot tient que le monde se répartit en ceux qui prennent plaisir à la vie et ceux
qui souffrent ; il s’identifie seulement à ceux qui souffrent (Éloge). Sur la vérité et le
mensonge, il écrit : « Ô Richardson ! j’oserai dire que l’histoire la plus vraie est pleine de
mensonges, et que ton roman est plein de vérités. L’histoire peint quelques individus ; tu
peins l’espèce humaine : l’histoire attribue à quelques individus ce qu’ils n’ont ni dit, ni
fait ; tout ce que tu attribues à l’homme, il l’a dit et fait […]. Le cœur humain, qui a été,
est et sera toujours le même, est le modèle d’après lequel tu copies » (Éloge, in Œuvres
esthétiques, op. cit., p. 39-40).
79. Pour une analyse approfondie, voir Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Madame
e
de Genlis et le théâtre d’éducation au XVIII siècle, Oxford, The Voltaire Foundation, coll.
Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 1997.
80. De même que Marie-Élisabeth de La Fite (1750 ?-1794), femme du prédicateur
protestant Jean-Daniel de La Fite avec qui Laisse a collaboré, qui a publié Entretiens,
drames et contes moraux à l’usage des enfants, La Haye, Detune, 1778.
81. Madame de Laisse, Proverbes dramatiques, mêlés d’ariettes connues,
Amsterdam, Veuve Duchesne, 1777, t. 1, p. ix-xii.
82. Ce texte met en scène un homme se ralliant à la thèse de l’égalité des femmes
alors que la thèse de la supériorité des hommes est défendue par une femme. En tenant le
rôle d’une femme qui défend des croyances obsolètes, Beauharnais crée une situation
absurde, dans laquelle l’outrance de l’argumentation ruine pour finir la démonstration
même. Elle ridiculise les hommes qui autorisent les femmes à s’essayer à certaines
formes artistiques mais pas à d’autres, vilipende le déterminisme biologique en matière de
sexe et déplore que les femmes soient limitées à la vie domestique. Elle jette une lumière
crue sur la question de savoir qui peut s’exprimer au nom des femmes dans le contexte
d’une féminisation accrue de la sphère privée au moment même où le savoir se
masculinise davantage.
83. Les Victimes cloîtrées (1791) de Jacques-Marie Boutet de Monvel, Le Couvent
ou les Fruits du caractère et de l’éducation (1790) de Pierre Laujon, ou encore Les
Rigueurs du cloître (1790) de Joseph Fiévée exploitent la même veine.
84. Jacqueline Letzer et Robert Adelson, Women Writing Opera. Creativity and
Controversy in the Age of the French Revolution, Berkeley, University of California
Press, 2001.
85. Olympe de Gouges, Molière chez Ninon ou le Siècle des grands hommes, Paris,
Caillau, 1788.
86. Lettres de Ninon de L’Enclos au marquis de Sevigné, 2 vol., Amsterdam,
François Joly, 1750.
87. Genlis évoque Ninon dans la partie de De l’influence des femmes consacrée à
Madame de Sévigné, stigmatisant son dogmatisme en matière de religion et laissant
entendre que les « philosophes » (Voltaire, d’Alembert…) la tiennent en trop haute
estime (De l’influence des femmes sur la littérature française, Paris, Maradan, 1811,
p. 134-144).
88. Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françoises, Paris, Lacombe,
1769, t. I, p. 332.
89. Olympe de Gouges, Le Bonheur primitif de l’homme ou les Rêveries
patriotiques, Amsterdam et Paris, Royer et Bailly, 1789, successivement p. 68 et 105.
90. Olympe de Gouges, Préface pour les dames, ou le Portrait des femmes, in
Œuvres de Madame de Gouges, op. cit., t. I, p. 1.
91. Ibid., p. 122.
92. Olympe de Gouges, Mirabeau aux Champs Élysées, Paris, Garnéry, 1791,
« Préface », p. x.
93. Ibid., p. xiii.
94. Voir Angeles Sirvent Ramos, « Fonction des préfaces dans l’œuvre d’Olympe de
Gouges », in Angeles Sirvent Ramos et al. (dir.), Femmes auteurs du dix-huitième siècle.
Nouvelles approches critiques, Paris, Honoré Champion, 2016, p. 133-148.
95. Gouges décrit un metteur en scène qui tente de lui voler l’attribution de l’une de
ses œuvres ; il lui demande s’il peut couper quelques mots ici et là et ajoute une scène
entière à son insu ; elle est si incongrue que les acteurs ne parviennent pas à garder leur
sérieux (voir Le Couvent, ou les Vœux forcés, Paris, Veuve Duchesne et Veuve Bailly,
1792, p. 36, préface).
96. Gérard Genette, Seuils, Paris, Éditions du Seuil, 1982.
97. Olympe de Gouges, Mirabeau aux Champs Élysées, op. cit., p. x.
98. Christopher L. Miller, The French Atlantic Triangle. Literature and Culture of
the Slave Trade, Durham, Duke University Press, 2008, p. 100.
99. « D’après tous les soins que les grands hommes et les nations se sont donnés,
pour détruire cet affreux préjugé qui a rendu cette espèce d’hommes esclave depuis tant
de siècles, ce drame est devenu une pièce de circonstance : c’est le premier sujet
dramatique où il est mention de leurs mœurs et de leur véritable histoire » (Olympe de
Gouges, Le Bonheur primitif de l’homme ou les Rêveries patriotiques, op. cit., p. 84).
100. Rousseau, Du contrat social, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard,
coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1964, t. V, p. 351.
101. Lettres à Madame C… qui contiennent plusieurs anecdotes sur l’histoire du
tems, depuis l’année 1726 jusqu’en 1733, Paris, La Grange, 1787 ; Charlotte-Élisabeth
Aïssé, Lettres à Madame C., éd. Benedetta Craveri, Paris, Payot & Rivages, 2009.
102. Laclos écrivait : « Partout où il y a esclavage, il ne peut y avoir éducation ; dans
toute société, les femmes sont esclaves ; donc la femme sociale n’est pas susceptible
d’éducation », Discours pour l’académie de Châlons-sur-Marne, in Œuvres complètes,
op. cit., p. 391.
103. Le Moniteur, 30 août 1792.
104. Olympe de Gouges, Réflexions sur les hommes nègres, Paris, Cailleau, 1788,
p. 93-95. Pour un commentaire de cette pièce, voir Doris Y. Kadish et Françoise
Massardier-Kenney (dir.), Translating Slavery. Gender and Race in French Women’s
Writing, 1783-1823, Kent-Londres, The Kent State University Press, 1994.
105. Olympe de Gouges, L’Esclavage des Noirs ou l’Heureux Naufrage, Paris,
Veuves Duchesne et Bailly, 1792.
106. Christopher L. Miller, op. cit., p. 126.
107. Ibid., p. 143.
108. Voir Germaine de Staël, Lettres de jeunesse, 1777-1788, in Correspondance
générale, éd. Béatrice W. Jasinski, Paris, Pauvert, 1962, t. I, p. 104.
109. Germaine de Staël, Mirza ou Lettre d’un voyageur, in Œuvres de jeunesse, éd.
Simone Balayé, Paris, Desjonquères, 1997, p. 159.
110. Germaine de Staël, Histoire de Pauline, ibid., p. 199.
111. Voir Christopher L. Miller, op. cit., p. 145-157. Voir aussi Appel aux souverains
réunis à Paris, pour en obtenir l’abolition de la traite des nègres (1814), in Œuvres
complètes de Madame la Baronne de Staël-Holstein, Paris, Didot, 1836, t. 2, p. 292-293.
112. Germaine de Staël, De la littérature, op. cit., t. 1, p. 302.
113. Voir Éliane Viennot, « “L’homme” : une construction politique et langagière des
Lumières françaises », Discours prononcé à l’Assemblée nationale à l’occasion du
lancement de la campagne pour la Déclaration des droits humains des citoyennes et des
citoyens, avril 2015, http://www.elianeviennot.fr/Langue/DDH-2avril
III
DILEMMES

1. Anne-Marie Du Bocage, Lettre de Madame *** à une de ses amies sur les
spectacles, et principalement sur l’opéra comique, 1745 ; Lettres sur l’Angleterre, la
Hollande et l’Italie, in Recueil des œuvres de Madame Du Bocage, Lyon, Frères Périsse,
1762, t. III.
2. Anne-Marguerite Du Noyer, Lettres historiques et galantes, Londres, Jean
Nourse, 1741.
e
3. La correspondance de Galiani a été publiée au XIX siècle, les lettres d’Épinay
dans les années 1920. Voir l’édition critique dirigée par Georges Dulac : Ferdinando
Galiani et Louise d’Épinay, Correspondance, 5 vol., Paris, Desjonquères, 1992-1997. Voir
aussi Francis Steegmuller, A Woman, a Man, and Two Kingdoms. The Story of Madame
d’Epinay and the Abbé Galiani, New York, Knopf, 1991.
4. Suzan van Dijk, « Les topoi “féminins” dans les fictions épistolaires et des
correspondances véritables : Mesdames de Graffigny, Riccoboni et Charrière », in
e e
L’Épistolaire au féminin. Correspondance de femmes (XVII -XX siècle), op. cit., p. 39-50.
5. « Les affaires d’État sont mes affaires de cœur ». Lettres de Rosalie Jullien, une
femme dans la Révolution, 1775-1810, éd. Annie Duprat, Paris, Belin, 2016.
6. Outre l’ouvrage de Georges May déjà mentionné, voir Henri Coulet, Le Roman
jusqu’à la Révolution [1967], Paris, Armand Colin, 2000, et Angus Martin, Vivien Mylne
et Richard Frautschi, Bibliographie du genre romanesque français 1751-1800, Londres,
e
Mansell, 1977. Romans de femmes du XVIII siècle, éd. Raymond Trousson, Paris, Robert
Laffont, coll. Bouquins, 1996, constitue une excellente anthologie ; voir aussi Le Second
e
Triomphe du roman du XVIII siècle, sous la dir. de Philip Stewart et Michel Delon,
Oxford, The Voltaire Foundation, 2009.
7. Voir Isabelle Brouard-Arends (dir.), Lectrices d’Ancien Régime, op. cit. ; Georges
e
May, Le Dilemme du roman au XVIII siècle, op. cit. ; Roger Chartier, Lectures et lecteurs
dans la France d’Ancien Régime, Paris, Éditions du Seuil, 1987, et Martine Sonnet,
L’Éducation des filles au temps des Lumières, op. cit.
8. Voir Nancy K. Miller, « The Exquisite Cadavers : Women in Eighteenth-Century
o
Fiction », Diacritics, vol. 5, n 4, hiver 1975, p. 37-43, où l’auteure analyse comment
l’accusation de « féminocentrisme » dans le roman par des hommes (auteurs et critiques)
cherche à déstabiliser le pouvoir grandissant des femmes dans la société, et en particulier
en amour. Elle identifie deux « destins » précis auxquels se trouvent confrontées les
héroïnes : l’intégration euphorique ou réussie dans la société (le mariage), après qu’elles
ont réaffirmé la conscience de leur place dans la société, et le sacrifice dysphorique ou
catastrophique (habituellement la mort) résultant de choix immoraux ou contraires aux
convenances.
9. Henri Coulet, « Préface », in Huguette Krief, Anthologie des romancières de la
période révolutionnaire 1789-1800, Oxford, The Voltaire Foundation, 2005.
10. Germaine de Staël, Essai sur les fictions, in Œuvres de jeunesse, op. cit., p. 131-
133.
11. Germaine de Staël, De la littérature, in Œuvres complètes, op. cit., t. II, chap. IX,
p. 198.
12. Ibid., « Une sensibilité rêveuse et profonde est un des plus grands charmes de
quelques ouvrages modernes ; et ce sont les femmes qui, ne connaissant de la vie que la
faculté d’aimer, ont fait passer la douceur de leurs impressions dans le style de quelques
écrivains. En lisant les livres composés depuis la renaissance des lettres, l’on pourrait
marquer à chaque page, quelles sont les idées qu’on n’avait pas, avant qu’on eût accordé
aux femmes une sorte d’égalité civile » (ibid.).
13. De la littérature, ibid. (citations successives).
14. Dans Essai sur les fictions, elle cite néanmoins Lafayette, Tencin, Fanny Burney
(1752-1840), qu’elle a rencontrée en 1793, et Riccoboni (op. cit., p. 167). Voir Martine
Reid, Des femmes en littérature, Paris, Belin, 2010, p. 34-41.
15. « Toutes les vertus des anciens étaient fondées sur l’amour de la patrie ; les
femmes exercent leurs qualités d’une manière indépendante. La pitié pour la faiblesse, la
sympathie pour le malheur, une élévation d’âme, sans autre but que la jouissance même
de cette élévation, sont beaucoup plus dans leur nature que les vertus politiques » (De la
littérature, op. cit., p. 199).
16. Germaine de Staël, Lettres sur les ouvrages et le caractère de J. J. Rousseau, in
Œuvres complètes, Paris, Honoré Champion, 2008, t. I, p. 91.
17. Voir Joan Hinde Stewart, Gynographs. French Novels by Women of the Late
Eighteenth Century, Lincoln, University of Nebraska Press, 1993.
18. Pour Armand Pierre Jacquin, l’intérêt porté par la société aux préoccupations des
femmes témoigne de leur montée en puissance et de la destruction de l’ancienne structure
patriarcale qui les assujettissait à la volonté de leur père et de leur époux (voir Entretiens
sur les romans, 1755). Nicolas Lenglet Du Fresnoy, dans De l’usage des romans, y voit la
reconnaissance tardive des capacités d’agir féminines dont elles faisaient depuis
longtemps la preuve, notamment dans la culture des salons.
19. Nicolas Lenglet Du Fresnoy, De l’usage des romans, Où l’on fait voir leur
utilité & leurs differens caractères : avec une bibliothèque des Romans, Accompagné de
Remarques critiques sur leur choix & leurs Éditions, Amsterdam, Veuve de Poilras, 1734,
t. I, p. 7-8.
20. Ibid., p. 58-59.
21. Charles Porée condamne le roman en 1736 (De libris qui vulgo dicuntur
Romanenses…, Paris, Marc Bordelet). Voir le compte rendu dans Journal de Trévoux ou
Mémoires pour servir à l’histoire des sciences et des arts, 1736, p. 1450 et sq.
22. Jean-Jacques Rousseau, « Préface », La Nouvelle Héloïse, in Œuvres complètes,
Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1964, t. II, p. 6.
23. Cette idée est exprimée par Diderot dans Sur les femmes, op. cit.
e
24. Jean-Jacques Rousseau, cité in May, Le Dilemme du roman au XVIII siècle, op.
cit., p. 211.
25. Voir Robert Darnton, Gens de lettres, gens du livre, Paris, Odile Jacob, 1990,
p. 107-108. Carla Hesse indique que si le nombre de femmes auteurs augmente peu entre
les années 1750 et les années 1780, il croît nettement après 1789. Elle cite Briquet, dont
les 583 fiches de femmes auteurs témoignent d’une « explosion à la fin du
e
XVIII siècle… » (The Other Enlightenment. How French Women Became Modern, op.
cit.). Martine Reid cite plusieurs sources divergentes et montre que le nombre de romans
écrits par des femmes varie peu, se maintenant autour de 10 % dans la deuxième moitié
e
du XVIII siècle (Des femmes en littérature, op. cit., p. 139-143).
26. Statistiques fournies par Angus Martin, « La survie des textes romanesques du
e
XVIII siècle : l’enseignement des rééditions », in Le Second Triomphe du roman du
e
XVIII siècle, op. cit., p. 171-193, notamment p. 177-178.
27. Ibid., p. 181. Entre 1820 et 2005, la liste des ouvrages le plus souvent réédités ne
comporte aucune œuvre de femme. Comme le souligne Angus Martin, de nombreuses
auteures n’ont été rééditées que récemment. En témoigne le volume Romans de femmes
e
du XVIII siècle, éd. Raymond Trousson, op. cit., suivi de rééditions, de romans
principalement, chez un certain nombre d’éditeurs, dont Des Femmes, Indigo-Côté
femmes et Desjonquères.
28. Bien qu’elle n’ait pas signé ses ouvrages, on sait que Catherine Durand s’est
illustrée dans plusieurs genres, en particulier le roman. Le catalogue de la BnF
mentionne : La Comtesse de Mortane, 1699 ; Les Mémoires secrets de la cour de
Charles VII, 1700 ; Le Comte de Cardonne, ou la Constance victorieuse, histoire
sicilienne, 1702 ; Les Belles Grecques, ou l’Histoire des courtisanes les plus fameuses de
la Grèce, 1712 ; Amarante, ou le Triomphe de l’amitié, 1715.
29. Louise Levesque est notamment l’auteure de : Le Prince des Aigues-Marines et
le Prince invisible, 1722 ; Célénie, histoire allégorique, 1732 ; Le Siècle, ou les Mémoires
du Cte de S***, 1736.
30. Catherine de Lintot publie Trois Nouveaux Contes de fées, 1735, préfacé par
l’abbé Prévost ; Histoire de Mademoiselle de Salens, 1740 ; Histoire de Mlle d’Atilly,
1745.
31. Dans Tecserion, 1737, Marie-Madeleine de Lubert plaide pour l’importance du
seul plaisir, et non de la morale, dans la lecture. Elle est également l’auteure de contes, La
Princesse Couleur de rose et le Prince Céladon (1743), La Princesse Lionnette et le
Prince Coquerico (1743), Blancherose (1751), et du roman Mourat et Turquia, histoire
africaine (1752).
32. Voir Robert Mauzi, « L’idée du bonheur dans la littérature et la pensée
française », thèse de l’université de Paris, 1960, p. 466.
33. De son roman galant, Histoire de la comtesse de Gondez (1725), à ses nouvelles
pastorales des Veillées de Thessalie (publiées en 1731, suivies de quatre rééditions
jusqu’en 1786), son roman historique, Anecdotes de la cour de Philippe-Auguste (1733-
1738), son Histoire de la révolution du royaume de Naples, dans les années 1647 et 1648
(1757), à la Vie de Louis Balbe-Berton de Crillon, surnommé le Brave (1756), traduit en
anglais et « révisé » par Richardson (1760).
e
34. Georges May, Le Dilemme du roman au XVIII siècle, op. cit., p. 237.
35. Claude-Joseph Dorat, « Extrait des Mémoires du comte de Comminges », in
Lettres en vers et œuvres mêlées, Paris, Delalain, 1792, t. 1, p. 38.
36. Roger Marchal, Madame de Lambert et son milieu, Oxford, The Voltaire
Foundation, 1991, p. 226.
37. Jean-François La Harpe, Lycée, ou Cours de littérature ancienne et moderne
[1798], Paris, Didier, 1834, p. 701.
38. Nancy K. Miller, « 1735 : the Gender of the Memoir-Novel », in Denis Hollier
(dir.), A New History of French Literature, Cambridge, Harvard University Press, 1995,
p. 436-442.
39. Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises, op. cit., t. III,
p. 261.
40. Deux traductions de l’ouvrage en témoignent : Memoirs of the Count of
Comminge. From the French of Monsieur D’Arnaud, Londres, G. Kearsly, 1774 ; The
Fatal Legacy ; or Memoirs of the Count of Comminge. From the French of Monsieur
d’Arnaud, Dublin, C. Jackson, 1781.
41. Angus Martin, La Bibliothèque universelle des romans, 1775-1789.
Présentation, table analytique et index, Oxford, The Voltaire Foundation, coll. SVEC,
vol. 231, 1985, p. 222.
42. Notamment l’Histoire générale du sérail de Michel Baudier (1624), l’Histoire de
l’état présent de l’Empire Ottoman de Paul Rycaut (traduit de l’anglais en français, 1670)
et la Nouvelle Relation de l’intérieur du sérail du Grand Seigneur de Jean-Baptiste
Tavernier (1675). Voir Anecdotes ou Histoire secrète de la maison ottomane, Lyon,
Marcellin Duplain, 1724, « Préface ».
43. Madeleine-Angélique de Gomez, Crémentine, reine de Sanga, histoire indienne,
Paris, Pierre Prault, 1727, t. I, « Préface », n. p.
44. Madeleine-Angélique de Gomez, Entretiens nocturnes de Mercure et de la
Renommée, au jardin des Thuilleries, Paris, Le Clerc et al., 1731, p. 99-103.
45. Les traductions existent en danois, polonais, portugais, russe et suédois, ainsi
qu’en anglais, allemand et italien, avec plusieurs éditions en anglais. Plusieurs éditions
bilingues français-italien à vocation pédagogique ont de même été publiées. Pour la liste
complète de ses ouvrages, voir David Smith, Bibliographie des œuvres de Madame de
e
Graffigny, Ferney-Voltaire, Centre International du XVIII siècle, 2016.
46. Charles Palissot de Montenoy, Mémoires pour servir à l’histoire de notre
er
littérature, depuis François I jusqu’à nos jours, Paris, Crapelet, 1803, t. I, p. 371.
47. Voir Janet Gurkin Altman, « A Woman’s Place in the Enlightenment Sun : the
o
Case of F. de Graffigny », Romance Quarterly, vol. 38, n 3, août 1991, p. 261-272.
48. Françoise de Graffigny, Lettres d’une Péruvienne, Paris, Duchesne, 1752, p. 67-
69.
49. Janet Gurkin Altman, « A Woman’s Place in the Enlightenment Sun : the Case of
F. de Graffigny », art. cit.
50. Guillaume Thomas Raynal, Nouvelles littéraires manuscrites (1747-1755), in
Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal,
Meister, etc., éd. Maurice Tourneux, Paris, Garnier Frères, 1877, t. I, p. 132 (lettre 14).
51. Stéphanie-Félicité de Genlis, De l’influence des femmes sur la littérature
française, op. cit., p. 272.
52. Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises, IV, op. cit., p. 115.
53. Madeleine de Puisieux, L’Éducation du marquis de ***, ou Mémoires de la
e
comtesse de Zurlac, La Haye, Monnier, 1755, 2 partie, p. 29, cité in Huguette Krief et
Valérie André (dir.), Dictionnaire des femmes des Lumières, op. cit., p. 951.
54. Voir mes observations dans « Imagination ethnographique », op. cit., p. 223-240.
55. Le Dictionnaire de l’Académie française de 1762 définit l’animal comme un
« être composé d’un corps organisé et d’une âme sensitive ». Le mot « bête », « animal
irraisonnable » au sens littéral, de même que le mot « animal » désignent au figuré une
personne « stupide » ou « qui n’a point d’esprit ».
56. Voir l’anthologie Beauty and the Beast. Classic Tales About Animal Brides and
Grooms from Around the World, éd. Maria Tatar, New York, Random House, 2017.
57. In La Jeune Amériquaine et les contes marins, 2 vol., La Haye, 1740.
58. La Belle et la Bête entretient une parenté indiscutable avec l’histoire de Psyché et
Cupidon, dont on trouve les premières versions écrites dans L’Âne d’or d’Apulée, que La
Fontaine a adapté en 1669 et dont Molière, Quinault et Corneille ont tiré une tragédie-
e
ballet (1671). Il renvoie aussi à certains contes de fées du XVII siècle, par exemple Le
Mouton, de Marie-Catherine d’Aulnoy, ou Riquet à la houppe dans les versions de
Catherine Bernard et de Charles Perrault (voir Maria Tatar, « Introduction », in Maria
Tatar (dir.), The Cambridge Companion to Fairy Tales, Cambridge, Cambridge University
Press, 2015).
59. Voir Marina Warner, « Reluctant brides : Beauty and the Beast I », in From the
Beast to the Blonde. On Fairy Tales and Their Tellers, New York, Noonday Press, 1996,
p. 272-297 ; Tatiana Korneeva, « Desire and desirability in Villeneuve and Leprince de
o
Beaumont’s “Beauty and the Beast” », Marvels & Tales, vol. 28, n 2, 2014, p. 233-251.
60. Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, La Jeune Américaine et les contes marins (La
Belle et la Bête). Les Belles Solitaires ; Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, Magasin
des enfants (La Belle et la Bête), éd. Elisa Biancardi, op. cit.
61. Ibid., p. 51.
62. Ibid.
63. Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises, op. cit., t. IV,
p. 263 ; cité in Villeneuve, op. cit., p. 53.
64. « Il y a, à la vérité, de savants critiques qui réclament le conte de La Belle et la
Bête comme appartenant à madame de Villeneuve ; mais je ne connais pas cette madame
de Villeneuve, je ne veux pas avoir à partager ma reconnaissance, et je la garde tout
entière à madame Le Prince de Beaumont qui a voulu prouver à ses enfants en magasin,
que la bonté est, à la longue, une qualité à laquelle personne ne résiste, et que, même
dépourvue de beauté, elle finit par se faire aimer pour elle-même : cette morale est
certainement bonne à prêcher aux enfants » (Correspondance littéraire, philosophique et
critique de Grimm et de Diderot, op. cit., t. VII, p. 411, février 1772).
65. Stéphanie-Félicité de Genlis, Théâtre à l’usage des jeunes personnes, Paris,
Panckoucke, 1779, t. I, p. 3-4, « Préface de l’éditeur ».
66. Gabriel-François Coyer, « L’année merveilleuse », in Bagatelles morales,
Londres-Paris, Duchesne, 1754, p. 57 et 68.
67. Jeanne-Marie de Beaumont, « La lettre en réponse à “L’année merveilleuse” », in
Contes et autres écrits, éd. Barbara Kaltz, Oxford, The Voltaire Foundation, 2000, p. 81.
68. Voir Joan Hinde Stewart, Gynographs, op. cit., p. 23 et sq.
69. Dans Gynographs, Joan Hinde Stewart fait des romancières de la fin du
e
XVIII siècle des féministes de la première heure qui entretiennent des conversations
codées sur les « préoccupations féminines », le mariage, l’adultère, la maternité et la
vertu. Elle reconstitue une histoire des romancières à qui ce genre littéraire offre un
espace où les femmes sont relativement libres de communiquer entre elles et de remettre
en question la société.
70. Marie-Jeanne Riccoboni, Lettres de Mistriss Fanni Butlerd, éd. Joan Hinde
Stewart, Genève, Droz, 1979, p. 50, lettre 30.
71. « Correspondance entre Mme Riccoboni et M. de Laclos, avril 1782 », in Laclos,
Œuvres complètes, op. cit., p. 757-765.
72. Henriette Ritter, « Féminité et masculinité selon Madame Riccoboni et Laclos :
la pluralité des genres », in Suzan van Dijk et Madeleine van Strien-Chardonneau (dir.),
Féminité et masculinités dans le texte narratif avant 1800. La question du « gender », op.
cit., p. 245-269.
73. Julia Kavanagh, Women in France during the Eighteenth Century, Philadelphie,
Lea & Blanchard, 1850, t. II, p. 17. La critique récente a attiré l’attention sur un
changement marquant survenu dans l’œuvre de Riccoboni : la « sensiblerie », peut-être un
peu ridicule au premier abord, marquerait le passage de la frivolité élégante à la gravité
(Joan Hinde Stewart, « The Novels of Mme Riccoboni », North Carolina Studies in the
o
Romance Languages and Literatures, n 8, 1976).
74. Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises, op. cit., t. V, p. 29.
75. Voir Élisabeth Badinter, Les Passions intellectuelles, Paris, Fayard, 1999, t. II,
p. 274.
76. Une femme d’encre et de papier à l’époque des Lumières. Henriette de Marans
(1719-1784), éd. Mathilde Chollet et Huguette Krief, Rennes, Presses universitaires de
Rennes, 2017.
77. « Introduction », in Bonne-Charlotte Bénouville [Henriette de Marans], Pensées
errantes, avec quelques lettres d’un Indien, op. cit., p. 23.
78. Mathilde Chollet, « Une ambition féminine au siècle des Lumières. Éducation et
culture au château : les journaux de Madame de Marans (1719-1784) », thèse de doctorat,
université du Maine, Le Mans, 2014.
79. [Henriette de Marans] Pensées errantes, op. cit., p. 144-145.
80. Madame de Genlis écrit dans ses Mémoires : « D’Alembert […] me dit
amicalement qu’il me conseillait de ne jamais parler à l’avenir de la religion, parce que
cette mode était passée ; qu’il fait employer ma belle imagination sur des sujets seulement
moraux […]. Je répondis qu’il m’était impossible de séparer la religion de la morale […].
Que non seulement je parlerais sans cesse de la religion, mais que je combattrais de tous
mes faibles moyens la fausse philosophie qui l’attaque et la calomnie » (Mémoires inédits
de Madame la comtesse de Genlis, sur le dix-huitième siècle et la révolution française,
Paris, Ladvocat, 1825, t. III, p. 102-104, cité par François Bessire dans « Madame de
Genlis ou l’“ennemie de la philosophie moderne” », in Madame de Genlis. Littérature et
éducation, op. cit., p. 279).
81. Diderot, « Encyclopédie », in Diderot et d’Alembert (dir.), Encyclopédie
raisonnée des sciences, des arts et des métiers, Paris, Briasson, 1751-1765, t. V. Voir
Christie McDonald, « The Utopia of the Text », in The Dialogue of Writing. Essays in
Eighteenth-Century French Literature, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, 1984.
82. [Henriette de Marans] Pensées errantes, op. cit., p. 146.
83. Ibid., p. 93.
84. Le 23 octobre 1762, Isabelle de Charrière écrit au baron Constant
d’Hermenches : « Vous n’êtes pas le premier qui ait des regrets que je ne sois pas un
homme ; j’en ai eu moi-même bien souvent. Non qu’il soit bien sûr que je fusse un
homme si admirable, mais je serais apparemment une créature moins déplacée que je ne
le parais à présent. Ma situation donnerait plus de liberté à mes goûts, un corps plus
robuste servirait mieux un esprit actif… » (Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 143).
85. Journal des Dames, mai 1761, t. I, p. 178-179.
86. Leprince de Beaumont, Lettres d’Émérance à Lucie, Lyon, Bruys et Ponthus ;
Paris, Saillant, 1765, t. I, p. 16, lettre 2.
87. « Autorité politique », in Encyclopédie, op. cit., t. I, p. 898-900.
88. Diderot, « Pensées détachées ou fragments politiques échappés du portefeuille
d’un philosophe », in Œuvres complètes, op. cit., t. X, p. 74-75.
89. « Mariage (Théol.) », in Encyclopédie, op. cit, t. X, p. 103-104.
90. Voir Joan Hinde Stewart, Gynographs, op. cit., p. 136.
91. Fanny de Beauharnais, À tous les penseurs, salut, op. cit., p. 14-15.
92. Ibid., p. 20-21.
93. Jacques Rancière, Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La
Fabrique, 2000.
94. Isabelle de Charrière, Le Noble, conte moral, in Œuvres complètes, op. cit.,
t. VIII, p. 32.
95. Isabelle de Charrière, Lettres écrites de Lausanne, ibid., p. 138, lettre 1.
96. Jacqueline Letzter, Intellectual Tacking, op. cit., p. 38-48.
97. Germaine de Staël, dans Isabelle de Charrière, Correspondance, in Œuvres
complètes, op. cit., t. IV, p. 162, lettre 1104, 27 août 1793.
98. Germaine de Staël, Lettres sur les ouvrages et le caractère de J. J. Rousseau, op.
cit., p. 59-60.
99. Isabelle de Charrière, Éloge de Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, op.
cit., t. X, p. 195.
100. “Works of Fiction and Non-Fiction in French by Women in the Eighteenth
Century”, Nader-Esfahani Sanam (dir.), 2019, https://doi.org/10.7910/DVN/DXFSR6,
base de données constituée à partir du fonds de la BnF.
101. Carla Hesse recense le nombre de femmes françaises publiées : 73 de 1754 à
1765 ; 55 de 1766 à 1777 ; 78 de 1777 à 1778 ; 329 de 1789 à 1800, soit 320 textes
publiés par des femmes entre 1789 et 1793, date limite de notre étude (op. cit., p. 37-40).
D’après Darnton, même si le nombre total d’auteurs masculins triple pendant la seconde
moitié du siècle, on ne comptait qu’environ 3 % de femmes auteurs (proportion qui ne
s’est accrue que progressivement). Voir Robert Darnton, Gens de lettres, gens du livre, op.
cit., p. 107-118. Nous remercions notre collègue pour une discussion à ce sujet.
102. Élisabeth Haudry de Montullé est également auteure de deux traductions de
l’anglais : Emma, ou l’Enfant du malheur (1788) et Le Fils naturel, ou Mémoires de M. de
Gréville (1790).
103. Éliane Viennot, Et la modernité fut masculine. La France, les femmes et le
pouvoir 1789-1804, Paris, Perrin, 2016.
104. Voir Jacqueline Letzter, Intellectual Tacking, op. cit.
105. Jeanne-Marie Roland, « Projet de défense au tribunal », in Mémoires de
Madame Roland, éd. Paul de Roux, Paris, Mercure de France, 1966, p. 371-374.
106. Voir Dominique Godineau, « Olympe de Gouges », in Christine Bard (dir.),
Dictionnaire des féministes, Paris, PUF, 2017, p. 660-667.
107. Voir Benoîte Groult, Ainsi soit Olympe de Gouges. La Déclaration des droits de
la femme et autres textes politiques, Paris, Grasset, 2013 ; voir aussi Olivier Blanc,
Olympe de Gouges. Une femme de libertés, Paris, Syros, 1989. Dans Le Deuxième Sexe
(1949-1950), Simone de Beauvoir cite Gouges et Wollstonecraft au nombre des auteurs
ayant écrit sur la nature et le destin des femmes.
108. Olympe de Gouges, Droits de la femme, in Écrits politiques, éd. Olivier Blanc,
op. cit., t. 1, p. 204-215.
109. Voir Christie McDonald, « Opérateurs du changement : de miss Polly Baker à
o
Murphy Brown », Œuvres et critiques, vol. 19, n 1, 1994, p. 70-78.
110. Olympe de Gouges, « Réponse à la justification de Maximilien Robespierre »,
in Écrits politiques, op. cit., t. II, p. 163-168.
111. Olympe de Gouges, « Pronostic sur Maximilien Robespierre », ibid., p. 169-
173.
112. « Laissant à part mon sexe, l’héroïsme et la générosité sont aussi le partage des
femmes et la Révolution en offre plus d’un exemple. Je suis franche et loyale
républicaine, sans tache et sans reproche […] Je crois Louis fautif comme roi ; mais
dépouillé de ce titre proscrit, il cesse d’être coupable aux yeux de la république […] Il ne
suffit pas de faire tomber la tête d’un roi pour le tuer ; il vit encore longtemps après sa
mort ; mais il est mort véritablement, quand il survit à sa chute » (lettre du 16 décembre
1792, in Écrits politiques, op. cit., t. II, p. 192-193).
113. Olympe de Gouges à Dumouriez, 22 janvier 1793, ibid., p. 215.
114. Olympe de Gouges, « Pronostic sur Maximilien Robespierre », ibid., p. 169.
115. Rousseau écrit à propos de Ninon de Lenclos : « […] elle s’était faite
homme […] Mais avec toute sa haute réputation, je n’aurais pas plus voulu de cet
homme-là pour mon ami que pour maîtresse » (Émile, op. cit., p. 736).
116. Isabelle de Charrière, Œuvres complètes, op. cit., t. VIII, p. 436.
117. Olympe de Gouges, « Testament politique », in Écrits politiques, op. cit., t. II,
p. 234-241 et p. 240 successivement.
118. Olympe de Gouges, Mirabeau aux Champs Élysées, in Œuvres complètes, tome
I, Théâtre, éd. Félix-Marcel Castan, Montauban, Éditions Cocagne, 1993, p. 256.
119. Olympe de Gouges, Le Bonheur primitif de l’homme ou les Rêveries
patriotiques, op. cit., p. 23. Voir l’argumentation établie, à partir de la notion de paradoxe,
par Joan W. Scott dans Only Paradoxes to Offer. French Feminists and the Rights of Man,
Cambridge, Harvard University Press, 1996.
120. Voir l’introduction au roman dans Œuvres complètes, op. cit., t. IX, p. 23-34.
121. Emmanuel Kant, Sur l’expression courante : il se peut que ce soit juste en
théorie, mais en pratique cela ne vaut rien, 1793…, trad. Louis Guillermit, Paris, Vrin,
1992.
122. Voir Carla Hesse, « Kant, Foucault and Three Women », in Foucault and the
Writing of History, éd. Jan Goldstein, Cambridge, Mass., Blackwell, 1994, p. 81-98.
123. Isabelle de Charrière, Trois femmes, in Œuvres complètes, op. cit., t. IX, p. 100-
101 (lettre du 25 décembre 1794), 106 (lettre du 5 janvier 1795) et 110 (lettre du
23 janvier 1795).
INDEX DES NOMS *1
Moyen Âge - XVIIIe siècle

*1. Les femmes sont classées à leur propre nom, c’est-à-dire à leur nom de naissance et
non pas au nom de leur époux ; chaque fois que nécessaire, on a procédé à un renvoi. Les reines,
souveraines, religieuses, saintes et fées sont classées à leur prénom.
Abbé, l’ (in Parallèle des Anciens et des Modernes de Charles Perrault) 637-638
ABÉLARD 24, 36, 40, 42, 50, 135, 146-147

Abonde du Four (in Les Evangiles des Quenouilles) 168


ACARIE, Barbe : voir Avrillot, Barbe
ACCIAIUOLI, Andreina (dédicataire de De claris mulieribus) 288
Achille (in Iliade) 644
Adam 24, 27, 803

ADAM, Antoine 488, 526, 631-632, N8, N21, N25, N31


ADAM DE PERSEIGNE (chapelain de Marie de Champagne) 57

ADDISON, Joseph 530


e er
ADÉLAÏDE DE LOUVAIN, reine d’Angleterre [Aaliz, Adeliza] (2 épouse d’Henri I Beauclair,
roi d’Angleterre) 54-55
ADENET LE ROI 59-61, 86, 156-157, N9
A.D.L. : voir Loynes, Antoinette de
ADRADAN (traducteur de Myrtille, bergerie d’Isabelle Andreini, comediante des Jaloux) 694

A.D.S.D. (auteur des Comptes du monde adventureux, où sont récitées plusieurs belles
histoires mémorables… ; Antoine de Saint-Denis ?) 335, 421
AELDERS VAN NIEUWENHUYS, Etta (épouse de Christian Palm) 786, 887

AELIZ DE CONDET [Aeliz ou Adélaïde] (épouse de Robert de Condet ; mère de Roger) 54-55
AELRED DE RIEVAULX 93
AGNES CELAYNE (servante de John Ravensthorpe) 160

AGNÈS D’HARCOURT (abbesse de Longchamp) 94-96, 158, 185


Agnodice (in Agnodice de Catherine des Roches) 393
AGRIPPA, Henri Corneille 247, 310

AÏSSÉ, Aïcha, puis Charlotte-Élisabeth, dite Mademoiselle 756, 835, 842, N101
AKHMATOVA, Anna N2
ALAIN CHARTIER 105-107, 158-159, 339, 405
Alberico da Romano : voir Bieiris de Romans
ALBERT, Marie-Madeleine de Bonafons, dite Mademoiselle d’ N*15

ALBIZZI DE’ DEI, Maria 284


ALCÉE DE MYTILÈNE 416

Alceste (chez Euripide) 296


ALEMBERT, Jean Le Rond d’ 591, 756, 761, 796, 808, 813, N*2, N80, N81, N87
ALEXANDRE DE VILLEDIEU (chanoine de la cathédrale d’Avranches) 140

Alexandre (in Le Parfait du paon de Jean de le Mote) 103


ALEXIS, Guillaume 253

ALFRED le Grand, roi de Wessex 89


ALGAROTTI, Francesco 760, 793, N14

ALIÉNOR D’AQUITAINE, reine de France puis d’Angleterre (petite-fille de Guillaume IX ;


épouse de Louis VII puis d’Henri II Plantagenêt ; mère de Marie de Champagne, Alis de
Blois et Richard Cœur de Lion) 55-56, 59, 74, 78, 91, 94
Alinda (princesse ; in Le Proumenoir de Monsieur de Montaigne de Marie de Gournay) 357-
358, 403
ALIS DE BLOIS (fille cadette d’Aliénor d’Aquitaine et Louis VII ; sœur de Marie de
Champagne et demi-sœur de Richard Cœur de Lion ; épouse de Thibaut V, comte de Blois
et de Chartres) 57, 59
Alis (suivante de Flamenca ; in Flamenca) 67
er e
ALIX DE CHAMPAGNE, reine de France [Adèle de Champagne] (sœur d’Henri I le Libéral ; 3
épouse de Louis VII) 74
Almaviva, comte (in Le Mariage inattendu de Chérubin d’Olympe de Gouges) 811
ALMUCS DE CASTELNOU (trobairitz) 69, 74
Alsinois, comte d’ et Alsinois, Valentine : voir Denisot, Nicolas
AMBOISE, Catherine d’ 336, 340, 343-344, 364, 382, 387, 410, N11, N32, N68,
N120
Amelia (in Amelia de Henry Fielding) 804
Amélie (in Amélie, roman de Fielding traduit de l’anglais par Mme Riccoboni) 804
AMFRYE, Guillaume, abbé de Chaulieu 632
A.M. ou A.D.M. : voir Marquets, Anne de
Amphion 410
AMYOT, Jacques (évêque d’Auxerre ; aumônier du roi) 289, 310
ANACRÉON 642
Anacréon (in Apothéose de mademoiselle de Scudéry de Marie-Jeanne L’Héritier) 556
ANASTAISE (enlumineresse) 53, 126
ANDREINI, Francesco (époux d’Isabella Canali ; acteur et dramaturge) 329
ANDREINI, Isabella [Isabelle ANDRINÉ] : voir Canali, Isabella
ANDRÉ LE CHAPELAIN 73
ANDRIEU CONTREDIT (trouvère d’Arras) 102
ANGÈLE DE FOLIGNO 185
ANGENNES, Charles d’, marquis de Rambouillet 490-492, 494, 581
ANGENNES, Julie d’ (fille de Catherine de Vivonne et Charles d’Angennes, marquis de
Rambouillet ; épouse de Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier ; gouvernante du
Grand Dauphin) 494
er
ANGOULÊME, François d’ : voir François I
ANNE (sainte) 39, 289, N38
ANNE D’AUTRICHE, reine, régente de 1643 à 1652 505, 507, 510-511, 513, 522, 562
re
ANNE BOLEYN, reine d’Angleterre (mère d’Élisabeth I ) 249
ANNE DE BRETAGNE, reine de France (épouse de Charles VIII et de Louis XII) 148, 277,
281, 283, 288, 290, 295, 301, 307, 310, 384, N13, N14, N39

ANNE D’ESTE, duchesse de Guise puis de Nemours (petite-fille de Louis XII ; fille de Renée de
er e
Ferrare et Ercole d’Este ; épouse de François I de Lorraine, 2 duc de Guise, puis de
e
Jacques de Savoie, duc de Nemours ; mère d’Henri de Lorraine [3 duc de Guise],
Catherine de Lorraine [duchesse de Montpensier], Charles de Lorraine [Charles de
Savoie-Nemours], Louis de Lorraine [cardinal de Guise]) 283, 308, 313, 321, 328,
348, 375, 410, 413, 422, N21
ANNE DE FRANCE [Anne de Beaujeu], régente (fille de Charlotte de Savoie et Louis XI ;
épouse de Pierre de Beaujeu, duc de Bourbon ; mère de Suzanne de Bourbon) 64, 157,
276-277, 280, 282-283, 288, 291, 295, 301, 310, 326, 354, 361, 381, 394,
411, N15, N17, N36, N38
ANSELME DE CANTORBÉRY (saint) 98
Antiope, reine des Amazones 506
ANTIPATER de Thessalonique 419, N136

Antoine (fils d’Aye d’Avignon, in Tristan de Nanteuil) 46


ANTOINE BUSNOYS 108
ANTOINE DE LA SALE 64, 158, 354

ANTOINE VÉRARD (imprimeur-libraire parisien) 137, N41


ANTOINE, Jean (époux de Marguerite d’Auge) 427

ANYTÊ 419
Apollon 173-174, 345, 400-401, 410, 416
Apollon (in Apothéose de mademoiselle de Scudéry de Marie-Jeanne L’Héritier) 556

Apollon (in Le Triomphe de madame Deshoulières de Marie-Jeanne L’Héritier) 556


APULÉE (Lucius Apuleius) N58

Arachné (in La Cité des Dames de Christine de Pizan) 140


ARAGONA, Tullia d’ 430

ARBALESTE, Charlotte, dame de Mornay (épouse de Philippe de Mornay, seigneur du Plessis ;


mère de Philippe de Mornay [1579-1605]) 336, 359
ARBLAY, Madame d’ : voir Burney, Fanny
ARBOUR, Roméo 273, N7
Arcita (in Beau romant des deux amans Palamon et Arcita… d’Anne de Graville) 354-355
ARCONVILLE, Geneviève Thiroux d’ : voir Darlus ou d’Arlus, Marie-Geneviève-Charlotte

ARÉTIN, Pietro Aretino, en fr. l’ 292


Argante, Madame (in La Folle enchère de Madame Ulrich) 698
ARIOSTE, Ludovico Ariosto, en fr. l’ 297
ARISTOPHANE 640, 642, 791
ARISTOTE 28, 30, 222, 291, 330, 399, 728-729

ARNAUD (Frère ; traducteur du Memoriale d’Angèle de Foligno) 185


ARNAUD, François Thomas Marie de Baculard d’ 773, 855
ARNAUT DE MAREUIL (troubadour) 70
Arrie (in Arrie et Petus de Marie-Anne Barbier) 822

ARSANT, Marie-Madeleine d’ (épouse de Philippe-Florent de Puisieux) 722, 736, 741,


775, 799-800, 864, N27, N28, N53
Artefila (in Aretefila de Lucantonio Ridolfi) 284
ARTÉMISE II d’Halicarnasse 289, 302
ARTOIS, Robert II, comte d’ 61
ASCHBACH, Joseph 151
ASCOLI, Georges 487
ASPASIE 42
ASSIER DE LA CHASSAGNE, Julie d’, comtesse de Laurencin 771
ASTROLABE (fils d’Héloïse et Abélard) 36
Athéna 419
AUBIGNAC, François Hédelin, abbé d’ 705
AUBIGNÉ, Françoise d’, marquise de Maintenon (fille d’Isabelle de Cardillac et de Constant
d’Aubigné, fils d’Agrippa ; épouse de Paul Scarron et de Louis XIV) 693-694, 697,
703, 705, 740
AUBIGNÉ, Louise Arthémise d’ (fille d’Agrippa d’Aubigné ; épouse de Benjamin de Valois,
sieur de Villette) 304
AUBIGNÉ, Marie d’ (fille d’Agrippa d’Aubigné ; épouse de Josué de Caumont d’Ade) 304

AUBIGNÉ, Théodore Agrippa d’ 303-304, 337, N6, N45


AUBOURG DE LA BOVE, Anne Marie Madeleine d’ (épouse de Thomas François de Miremont)
750
Aucassin (in Aucassin et Nicolette) 34

AUDEFROI LE BÂTARD (trouvère français) 45


AUDIGUIER, Vital d’ 402

AUGE (ou DAUGE), Marguerite d’ (épouse de Jean Antoine) N150


AUGÉ, Paul 76
AUGET DE MONTHYON, Marie-Louise (épouse de Michel Bouvard de Fourqueux) 814

AUGUSTIN (saint) 30, 174, 178, 869


AULNOY, Madame d’ : voir Le Jumel de Barneville, Marie-Catherine
AUNEUIL, comtesse d’ : voir Bossigny, Louise de
Aurélie (in Les Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse Aurélie de Jean
Regnault de Segrais) 560

AUSSERRE, Pierre d’ 330, 396, N85


AVRILLOT, Barbe (épouse de Pierre Acarie ; en rel. Marie de l’Incarnation) 323

Aye d’Avignon (in Tristan de Nanteuil) 46


Aza (fiancé de Zilia in Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny) 860, 864
AZALAÏS DE PORCAIRAGUES (trobairitz) 69, 71-72, 183

BABEUF, François dit Gracchus 753


BACHAUMONT, Louis Petit de 783, N101
e
BADE, Catherine (3 fille d’Hostelye Philippe et Josse Bade ; épouse de Michel de Vascosan)
273, 312
e
BADE, Jeanne (2 fille d’Hostelye Philippe et Josse Bade ; épouse de Jean de Roigny) 273,
312

BADE, Josse (imprimeur-libraire ; époux d’Hostelye Philippe) 273, 312


e er
BADE, Madeleine (4 fille d’Hostelye Philippe et Josse Bade ; épouse de Jacques I Du Puis)
273, 312
er
BADE, Perette (fille aînée d’Hostelye Philippe et Josse Bade ; épouse de Robert I Estienne ;
mère de Jeanne, Catherine et Marie Estienne) 273-274, 312, N10
BADERE, Baptiste 421
BAÏF, Jean-Antoine de 303, 426

BAILLON, Marie de (épouse de René Crespin du Gast) 334, 422, N3


Baker, Polly (in « The Speech of Miss Polly Baker » de Benjamin Franklin) 891, N109

BARBIER, Frédéric 272, N3, N57


BARBIER, Marie-Anne 640-641, 693-697, 702-707, 722, 772, 820-824, 827, N9,
N10, N38, N61, N63, N64, N65

BARBIN, Claude (libraire parisien) 563, 565-566, 572, 575-579, 585, 588, 590, 592,
594, 599-600, 612, 625-626, 642, 695, N4, N6, N7, N7, N10, N11, N16,
N18, N19, N20, N20, N21, N22, N24, N34
BARBIN, veuve : voir Cochait, Marie
BARBOT, Gabrielle-Suzanne (épouse de Jean-Baptiste de Villeneuve) 722, 853, 865-868,
N59, N60, N63, N64, N86
BARRAL, Pierre 596
BASCHET, Jérôme 28, N8

BASTIDE, Jean-François de 774


BAUDIER, Michel N42

BAUDONIVIE 94, 181-182, N24


BAUDRI DE BOURGUEIL (moine de l’abbaye de Bourgueil puis archevêque de Dol) 147
BAYLE, Pierre 604-605, 625, N4, N17, N26

BÉATRICE D’ANGLETERRE (fille d’Éléonore de Provence et Henri III ; épouse de Jean II de


Bretagne) 146
BÉATRICE DE BOURGOGNE, comtesse de La Marche et d’Angoulême (épouse d’Hugues XIII de
Lusignan) 61

BÉATRICE DE NAZARETH (moniale cistercienne) 184


e er
BÉATRIX DE BOURGOGNE, impératrice du Saint-Empire (2 épouse de Frédéric I Barberousse)
84

BÉATRIX D’ORNACIEUX (sainte) 95


BEAUCHÂTEAU, Mademoiselle 694
BEAUCHÂTEL, Louise de 186
BEAUFORT D’HAUTPOUL, Anne-Marie de : voir Montgeroult, Anne-Marie Gaultier de
BEAUHARNAIS, Fanny de : voir Mouchard de Chaban, Marie-Anne-Françoise

BEAUJEU, Anne de : voir Anne de France


BEAUJEU, Pierre de, duc de Bourbon (époux d’Anne de France ; père de Suzanne de Bourbon)
276-277
BEAULIEU, Jean-Philippe 344, N1, N8, N18, N21, N26, N69

BEAULIEU, Marie de 287, 329, 350, 354, 358, 365, 374-375, 380-381, 403, 416-
417, N135
BEAUMARCHAIS, Pierre-Augustin Caron de 778, 806, 811-812, 814, 818, 827, 829,
831, 838, N77
BEAUMER, Madame de 775-777, 779, N92, N94
BEAUNOIR : voir Robineau
BEAUVAIS, Esther de 331, 337
BEAUVAU-CRAON, Charles Juste de 838
BEAUVAU-CRAON, Marie-Charlotte de : voir Rohan-Chabot, Marie-Charlotte de
BEAUVILLIERS, Anne de (épouse de Pierre Forget de Fresnes, secrétaire d’État) 375

BEAUVOIR, Simone Lucie Ernestine Marie Bertrand de (fille aînée de Françoise Brasseur et
Georges Bertrand de Beauvoir ; sœur d’Hélène de Beauvoir) N107
BÉCOURT, Marguerite de, dame de Santes 156, N6

BECTOZ [BECTONE], Claude de 331, 366, 421, 431, N1, N138


BÉDACIER, Catherine : voir Durand, Catherine
BEHN, Aphra 797-798

BÉJART, Madeleine 693-695, 701


BELIN, François 694
er
BELLEGARDE, Roger I de Saint-Lary, seigneur de (maréchal de France ; époux de Marguerite
de Saluces) 376
Belle (in « La Belle au bois dormant » de Charles Perrault) 619

Belle (in La Belle et la Bête) 867-868


BELOT, Octavie : voir Guichard, Octavie
BELSUNCE, Émilie de (petite-fille de Louise d’Épinay) 747, N38

BEMBO, Pietro 292, 311


BÉNARD, Simon (libraire) 614, N9

BENEDEIT (ou Benoît) 54, N1


BENJAMIN, Walter 788
er
BENNET, Isabella, comtesse d’Arlington (épouse d’Henri FitzRoy, 1 duc de Grafton) 696
BENNETT, Agnes Maria 805
BENOIST, Françoise-Albine : voir Puzin de La Martinière, Françoise-Albine

BENOÎT DE NURSIE (saint) 24


BENOÎT DE SAINTE-MAURE 56, N6

BENOÎT XIV (Prospero Lambertini) 825


BÉNOUVILLE, Bonne-Charlotte de : voir Hue de Langrune, Bonne-Charlotte
BÉRAUD DE LA HAIE DE RIOU, Charlotte-Jeanne (épouse de Jean-Baptiste de Montesson) N63

Bérénice (in Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques de Scudéry) 502
BERGALLI GOZZI, Luisa 803, N35
BERMANN, Mademoiselle de (autrice de « Lequel serait plus utile dans notre siècle, d’écrire
des ouvrages purement de Belles-Lettres ou de Morale ? », 1761, et de « Combien les
mœurs donnent de prix au talent », 1763) 770
BERNARD ARNAUD 71, N37
BERNARD DE CLAIRVAUX 91-92, 422, N19
BERNARD DE SEPTIMANIE (époux de Dhuoda ; père de Guillaume) 143, 182

BERNARD DE VENTADOUR (troubadour) 55, 70


BERNARD, Catherine 605, 611, 693-697, 701-702, 704-705, 707, 756, N5, N58,
N61
BERNARD, Chrestienne 334

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Jacques-Henri 747, 837


BERNIER, Fortunée (épouse d’Hilaire-Alexandre Briquet) 722, 735-736, 740, 770, 807-
808, 847, N21, N25, N27, N41, N45

BERNOULLI, Jacques 768


BERNOULLI, Johann 794
BEROALDE DE VERVILLE, François Brouard, dit François 331, 421, 425, N3, N146

BERRIOT-SALVADORE, Évelyne 410, N9, N44, N119, N120


BERTAUT, Françoise (épouse de Nicolas Langlois, seigneur de Motteville) 562-563, 575,
590, N9

BERTAUT, Jean (évêque de Sées ; aumônier de Marie de Médicis) N102


Berthe de Corne (in Les Evangiles des Quenouilles) 168
BERTKEN (Sœur) 187
BERTRAND DE BORN (troubadour) 72
BÉRULLE, Pierre de 323
Bête (in La Belle et la Bête de Madame Leprince de Beaumont) 868
Bête (in La Belle et la Bête de Madame Villeneuve) 867-868

BETHOMAS, Mademoiselle de 886


BÈZE, Théodore de (théologien calviniste) 256, N36
BIEIRIS DE ROMANS (« Alberico da Romano ») 49, 183

BILLAINE, Louis (libraire parisien) 695


BILLET, Adélaïde Gillette (épouse de Simon Petit-Dufrénoy) 782, 784, 787
BILLIOT, Esprit (imprimeur-libraire parisien) 644, N33
BILLON, François de (secrétaire du cardinal Jean du Bellay) 308, 424, N23, N143

BINET, Claude 421


BINS, Anne 338

BIRAGUE, Flaminio de 422, N21


BISSON DE LA COUDRAYE, Jeanne 693-694
Bizarre (fée ; in « La Princesse de Pretintailles » de Madame d’Auneuil) 616

BLAEU, Jean (libraire à Amsterdam) 539


Blanche (in Blanche ou l’Oubli d’Aragon) 152

BLANCHE DE CASTILLE, reine de France, régente de 1226 à 1236 (épouse de Louis VIII ; mère
de saint Louis) 266, 280, 288
BLANCHE DE FRANCE (fille de Marguerite de Provence et Louis IX ; épouse de Ferdinand de la
Cerda, infant de Castille) 60-62, 86, 157
BLANCHE DE FRANCE [Blanche d’Orléans] (fille de Jeanne d’Évreux et Charles IV ; épouse de
Philippe de Valois, duc d’Orléans) 156

BLANCHE DE LANCASTRE (fille d’Henri de Grosmont, duc de Lancastre ; épouse de Jean de


Gand) 62
BLANCHE DE NAVARRE, duchesse de Bretagne (belle-mère de Béatrice d’Angleterre) 146
Blanchefleur (in Floire et Blancheflor) 70
BLAVET, Jean-Louis 805

BLOSSEVILLE 107
BLOUNT, Martha 530
BOCCACE, Giovanni Boccaccio, en fr. Jean 40, 43, 76, 126-129, 139-140, 156-158,
251-252, 284, 288, 344, 354-355, 357, 369, 557, 866, N12, N21, N26,
N36, N38
BODIN, Jean 262-263, N31
BOÈCE (Anicius Manlius Severinus Boetius) 117, 155, 344, 382

BOGÉ, Sophie (citoyenne Villeneuve) 830


BOILEAU-DESPRÉAUX, Nicolas 530, 550-556, 590, 614, 631, 636, 638-640, 644-645,
647, N15, N31, N32, N33, N37
BOISLEVESQUE, Geneviève de 334, 378

BOISOT, Jean-Baptiste 550


BOISSY, Charlotte Gouffier de (gouvernante de François de France, futur François III de
Bretagne) 281
BOISSY, Louis de 864

BONAVENTURE (saint) 63, 150


BONIFACE VIII (Benedetto Caetani) N54

BONVESIN DE LA RIVA 97, N*1


BOREL, Pierre 43, N40
BØRRESEN, Kari Elisabeth 178, N4

BOSSE, Abraham 508


BOSSIGNY, Louise de (épouse de Louis Claude d’Auneuil) 568, 615-616, 618-621, 623-
624, N10

BOSWELL, James (précepteur des frères d’Isabelle van Zuylen) 765


BOUCHARD, Amaury (conseiller du roi de Navarre) 311
BOUCHET, Jean 106, 308, 343

BOUÉE, Marie-Élisabeth (épouse de Jean-Daniel de La Fite) N80


BOUFFLERS, Marie-Charlotte de : voir Campet de Saujon, Marie-Charlotte Hippolyte de

BOUFFLERS, Stanislas Jean de (gouverneur du Sénégal) 838


BOUQUETOT, Suzanne de (épouse de Gabriel II de Montgommery) 375

BOURBON, famille de 276, 322, 486


BOURBON, Anne Louise Bénédicte de (épouse de Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine)
756, 758
BOURBON, Antoine de, duc de Vendôme, roi de Navarre (époux de Jeanne d’Albret) 359,
370, 379, 408

BOURBON, Catherine de : voir Catherine de Bourbon


BOURBON, Charles de, cardinal (oncle d’Henri IV) 322

BOURBON-CONDÉ, Anne-Geneviève de, duchesse de Longueville (fille de Charlotte de


e
Montmorency et d’Henri II de Bourbon, 3 prince de Condé ; épouse d’Henri II
d’Orléans, duc de Longueville ; sœur du prince de Condé et du prince de Conti) 511,
515-516, 520-521, 535
er
BOURBON, Henri de, duc de Beaumont [1551-1553] (1 fils de Jeanne d’Albret et Antoine de
Bourbon) 370
er
BOURBON, Louis I de : voir Condé, Louis, prince de
BOURBON-MONTPENSIER, Gabrielle de, vicomtesse de Thouars (nièce d’Anne de Beaujeu ;
épouse de Louis II de La Trémoille, vicomte de Thouars) 155, 335-336, 343, 362,
381, 410, N119
BOURBON, Pierre de : voir Beaujeu, Pierre de

BOURBON, Suzanne de (fille d’Anne de France et Pierre de Beaujeu ; épouse de Charles III de
Bourbon, duc de Montpensier) 64, 277, 326, 354, 361, 394, 411
BOURBON-VENDÔME, Marguerite de (1516-1559), duchesse de Nevers (sœur aînée d’Antoine
er
de Bourbon ; épouse de François I de Clèves, duc de Nevers) 296, 308

BOURCIER, Louise : voir Bourgeois, Louise


BOURCIER, Martin (époux de Louise Bourgeois) 363

BOURGEOIS, Louise (épouse de Martin Bourcier) 329, 363, 365, 375, 382, 390-391
BOURGES, Clémence de 284, 338, 376, N81, N141
BOURGES, Louise de 331, 378, 380

BOURG, Marguerite de 284


BOURGOGNE, duchesse de (1363-1424) : voir Marguerite de Bavière

BOURGOGNE, duchesse de (1393-1442) : voir Marguerite de Bourgogne


BOURGOGNE, duchesse de (1397-1471) : voir Isabelle de Portugal
BOURGOGNE, duchesse de (1685-1712) : voir Marie-Adélaïde de Savoie

BOURNON, Charlotte de (épouse de Jean-Étienne de Malarme) 886


BOURSAULT, Edme 691, 705

BOURSAULT, Guillonne (« Gelonis » ; épouse de Salmon Macrin) 381, 421


BOUTET DE MONVEL, Jacques-Marie N83
BOUZRARA, Nancy Erickson N24

BOYER, Claude 691, 699, N21


BRABANT, Marie de, dame de Blacy 330, 365, 371, 384

BRACHART, Jeanne-Charlotte de Bréchard, dite Charlotte de 329, 372, 382, 388, 398,
N73, N96
BRAMES, sieur de (gouverneur de Cusset ; père de Marie de Brames) 349, 377, 413-414
BRANTÔME, Pierre de Bourdeilles, abbé de (mémorialiste) 281, 287, 304, 360, 380,
416, N14, N46

BRICHANTEAU, Pierre de, sieur de Saint-Martin-de-Nigelles (époux de Claude de


Chateaubriant) 330
BRIÇONNET, Guillaume (évêque de Meaux) 315
BRIET, Marguerite : voir Hélisenne de Crenne

BRIGITTE DE SUÈDE (sainte ; Brigitte Birgersdotter) 149, 274, 362


BRINON, Marie de 694

BRINON, Pierre de N35


BRION, Charles de (époux de Charlotte-Rose de Caumont de La Force) 633-635, N26
BRION, Claude de (père de Charles) 633-635
BRIQUET, Fortunée : voir Bernier, Fortunée
BRISSON, Madame (autrice d’Éloge de Madame la Marquise de Sévigné) 770

BRISSON, Barnabé (président du Parlement de Paris ; époux de Denise de Vigny) 329, 349,
413
BRISSOT DE WARVILLE, Jacques Pierre Brissot, dit 763-764, 785
BROCKDEN BROWN, Charles N38

BROHON, Jacqueline-Aimée 873


BROUSSEL, Pierre 513-514

BRUNEAU, Marie (épouse de Charles de Rechignevoisin, sieur des Loges) 489-490, 492,
504, N4
BRUNEHAUT ou BRUNEHILDE, reine des Francs 266

BRUNETE, Gabrielle 428


BUCHANAN, George 296, 313, 421
BUFFET, Marguerite 553, N36

BUFFON, Georges-Louis Leclerc, comte de 761


BURGES, Nicolas de (imprimeur rouennais) 420

BURNEY, Frances dite Fanny (épouse d’Alexandre d’Arblay) 805, N14


BUSSY, Roger de Rabutin, comte de (cousin de Marie de Rabutin-Chantal) 593-595
BYNUM, Caroline Walker 98, N27

CABIBEL, Anne-Rose (épouse de Jean Calas) 807


CABRIANE DE LA GUYONNIÈRE, Louise, dame de Lignerolles (épouse de Philibert de
Lignerolles) 304
CAILLEAU, Marie-Antoinette (libraire parisienne ; épouse de Nicolas-Bonaventure Duchesne)
814, N53
CAILLOT, Catherine (épouse du comte de Lintot) 853, N30
CAILLY, Catherine de 334

CALAS, Anne-Rose : voir Cabibel, Anne-Rose


CALAS, Jean 765

« Callianthe » : voir L’Aubépine, Madeleine de


CALLIMAQUE 642
« Callipante » : voir Marguerite de Valois

CALVIN, Jean 319, 400


CAMBIS, Louis de, baron d’Alez (père de Marguerite) 377, N57

CAMBIS, Marguerite de (épouse de Pons d’Aleyrac, baron d’Aigremont) 329, 362, 377,
380
CAMPAN, Jeanne : voir Genet, Jeanne
CAMPET DE SAUJON, Marie-Charlotte Hippolyte de (épouse d’Édouard de Boufflers-Rouverel)
759, 838

CAMUS, Jean-Pierre (évêque de Belley) 706


CANALI, Isabella (épouse de Francesco Andreini ; actrice de la troupe des Gelosi) 328-329,
365, 381, 694

Candale, duc de (in Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière de Madame de


Villedieu) 602
CANDEILLE, Amélie Julie (épouse de Jean Simons puis d’Hilaire Périé) 830

Carenza (personnage de tenson) 75


Carmenta ou Carmentis (in La Cité des Dames de Christine de Pizan) 43, 126, 128
CARNÉADE DE CYRÈNE 390, N*15

CARRELET DE LOISY, Marie-Anne (épouse de Gaspard-Constant Marron, baron de Meillonnas)


N61, N63
CARTWRIGHT, Mrs. H. (autrice de Platonic Marriage) 805

CASANOVA, Giacomo 866


Cassandre 43
Cassandre (in La Cité des Dames et l’Advision Cristine de Christine de Pizan) 43, 128,
173

Cassandre (in Roman de Troyle de Louis de Beauvau) 76


CASTELAS, Philippe de (commis de Georgette de Montenay) 374
CASTELLOZA (trobairitz) 69-70, 183
CASTELNAU, Henriette-Julie de, comtesse de Murat (épouse de Nicolas de Murat) 610, 613-
614, 623-624, 629-632, 635, 756, N7, N28

CASTERA, Louis-Adrien Du Perron de 793, N14


Castianire (in Amours d’Olivier de Magny) 334

CASTIGLIONE, Baldassare 292, 308, 311


CATELLAN, Marie-Claire Priscille Marguerite de 771
CATHERINE D’ALEXANDRIE (sainte) 40, 43, 94, 128

CATHERINE DE GÊNES (sainte ; Caterina Fieschi) 323


CATHERINE DE SIENNE (sainte ; Caterina Benincasa) 147, 186
CATHERINE DE BOURBON, duchesse de Lorraine (petite-fille de Marguerite de Navarre ; sœur
d’Henri IV ; épouse d’Henri de Lorraine, duc de Bar) 285, 298, 328, 353, 387,
409-410
CATHERINE DE FRANCE (fille d’Isabeau de Bavière et Charles VI ; épouse d’Henri V
d’Angleterre) 43, N*9
CATHERINE DE MÉDICIS, reine de France et régente (épouse d’Henri II ; mère de François II,
Élisabeth de France, Claude de France, Charles IX, Henri III, Marguerite de France [de
Valois], François de Franc 263, 279, 281, 283-285, 289-290, 293, 296-298, 302-
305, 308, 321-322, 328, 347, 350, 375, 379, 397, 412-413, N32, N36, N42

CATHERINE II, impératrice de Russie, dite la Grande Catherine (Sophie Frédérique d’Anhalt-
Zerbst) 758, 780, N38
CATHERINE DE VILLIERS 155

Cathos (in Les Précieuses ridicules de Molière) 542


CATON 311

CAVELIER, Louise (épouse Levesque) 853, N29


CAYLUS, Anne Claude Philippe de Lévis, comte de 767, 859
C.B.D.C. (autrice d’un sonnet dans Brief Discours sur la mort de la Royne de Navarre
advenue à Paris le IX. Jour de juin 1572) 426

CÉCILE DE LA VOUTE (béguine de Roubaud) 156


Cécile (Cécile de Volanges ; in Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos) 810

CELTIS, Conrad 150-151


Cénie (in Cénie de Françoise de Graffigny) 826
Cérès 390-391
CERVANTÈS SAAVEDRA, Miguel de 557
CHAMFORT, Sébastien Roch Nicolas, dit N45

CHAMPIER, Symphorien 310


CHAMPION, Pierre 44, 105, N4, N13, N34, N44

CHANTAL, Christophe de Rabutin, baron de (époux de Jeanne de Chantal) 372


CHAPELAIN, Jean 490, 496-497, 501, 533, 539-540, N2, N7
CHAPERON, Jean 177, N2

CHAPPUZEAU, Samuel 691


Charite (in Dialogue de Charite et Sincero de Catherine des Roches) 352, 404

Charites ou Grâces 285, 392, 425


er
CHARLEMAGNE (Charles I ) 38, 322

CHARLES D’ANJOU, roi de Naples et de Sicile (frère de saint Louis et d’Isabelle de France) 95
CHARLES DE BOURGOGNE, dit le Téméraire (père de Marie de Bourgogne) 108
CHARLES DE DURAZZO [Charles III de Naples, Charles II de Hongrie] (neveu par alliance de
re
Jeanne I de Naples) 244
e er
CHARLES de France [Charles II d’Orléans] (3 fils de François I ) 311
CHARLES II Stuart, roi d’Angleterre 529, 701

CHARLES II de Navarre (fils de Jeanne II de Navarre) 242


er
CHARLES I d’Orléans (époux de Marie de Clèves ; père de Louis XII) 62, 104-105, 158,
N13
e
CHARLES IV, roi de France, dit le Bel (3 fils de Philippe IV) 156, 242
CHARLES V, roi de France 110-111, 115, 120, 147, 166, 174, 358, N5

CHARLES QUINT, empereur germanique 278


CHARLES VI, roi de France (époux d’Isabeau de Bavière) 43, 53, 62, 104, 111, 120,
136, N4
CHARLES VII, roi de France 106, 139, 300

CHARLES VIII, roi de France (fils de Charlotte de Savoie et Louis XI ; frère d’Anne de France)
277, 295, 301, 326, 347
CHARLES IX, roi de France (fils de Catherine de Médicis et Henri II) 263, 279, 284, 302-
303, 571
CHARLOTTE DE FRANCE (nièce de Marguerite de Navarre) 381
CHARLOTTE DE SAVOIE, reine de France (épouse de Louis XI ; mère d’Anne de France et
Charles VIII) 156, 277, N8

CHARLTON, Mary 798-799


CHARNES, Jean-Antoine de 590
CHARRIÈRE, Isabelle de : voir Zuylen, Isabelle van
CHASSÉRIAU, Théodore 107
CHATEAUBLANC, Diane de Joannis de (épouse de Dominique de Castellane puis de Charles de
Vissec de Latude, comte de Ganges) 602-603

CHATEAUBRIANT, Claude de, dame du Petit-Grassay (épouse de Pierre de Brichanteau) 330,


334
CHÂTEAUMORAND, Diane de, marquise d’Urfé (épouse d’Anne puis d’Honoré d’Urfé) 287,
358

CHÂTEAUREGNAULT, Anne Pérard, dite mademoiselle de 770


CHAUCHAT, Catherine-Michelle (imprimeuse-libraire parisienne ; épouse de Nicolas Desaint)
814
CHAUMET, Charlotte (épouse de Claude Martin d’Ormoy ; mère d’Anne-Jeanne-Félicité
d’Ormoy, épouse de Simon-Pierre Mérard de Saint-Just) 783, N100, N102

CHAUMONT, Françoise-Cécile (épouse d’Ambroise Falconnet) 814


CHAUVEAU, François 508, 520-521, 524, 536

CHAZAUD, Alphonse-Martial N9, N25


CHEMERAUT, Madeleine 337, 392
CHEMINEAU, Madame : voir Duguet, Marie
Cheneville, Madame de (in Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin) 594
Chérubin (in Le Mariage inattendu de Chérubin d’Olympe de Gouges) 811

CHERUÉ, demoiselle de (belle-sœur d’Étienne du Tronchet) 334, 378


CHERUÉ, Jean Perrin, seigneur de 378

CHEVAL, Louise-Céline (épouse d’Alexandre Robineau) N53


CHEVILLION, veuve : voir Grelay, Françoise
CHEVREUSE, duchesse de : voir Rohan, Marie de

Chloé (in Amours pastoralles de Daphnis et Chloé de Louise Labé) 366


CHODERLOS DE LACLOS, Pierre Ambroise François 747, 809-811, 836, 843, 871-872,
N50, N71, N72, N89, N102
CHOLIÈRES, Nicolas de 433

CHRÉTIEN DE TROYES 40, 54, 57, 124


CHRISTINE DE PIZAN 25, 27, 35-36, 40-44, 47, 49, 53, 65-67, 78, 90, 107, 109-
113, 115-144, 146, 149, 151-152, 156, 159-164, 166, 169-174, 176-180, 186,
251, 268, 274, 306, 327, 345, 358, 361, 370, 382, 419, 423, 432, 787,
N*1, N*3, N*21, N1, N2, N3, N3, N3, N3, N4, N5, N5, N5, N7, N7,
N9, N13, N17, N18, N18, N19, N20, N20, N22, N23, N26, N28, N29,
N30, N31, N34, N35, N40, N52
er
CHRISTINE DE FRANCE, princesse de Savoie (sœur de Louis XIII ; épouse de Victor Amédée I
de Savoie) 533, 858
CHRISTINE, reine de Suède 554, 858

CICÉRON (Marcus Tullius Cicero) 42, 128, 412


Circé 298, 697
CLAIRAUT, Alexis Claude 760, 796

CLAIRE-EUGÉNIE, Infante d’Espagne (fille d’Élisabeth de France [fille de Catherine de


Médicis] et Philippe II) 322-323
Claire (in La Claire de Louis Le Caron) 334-335

CLARA D’ANDUZA 183


Clarete (in Parfait du paon de Jean de le Mote) 103
CLARO, Giulio 330

CLAUDE DE FRANCE [1499-1524] (fille aînée d’Anne de Bretagne et Louis XII ; épouse de
er
François I ) 277, 281, 290, 316, 335, 340, 375
e
CLAUDE DE FRANCE [1547-1575] (2 fille de Catherine de Médicis et Henri II ; épouse de
Charles III de Lorraine) 297, 382, N32

CLAUDIEN 371-372
CLAVIER, Tatiana N10, N22, N25

Clélie (in Clélie, histoire romaine de Scudéry) 535-536, 544, 554, 586, 638
CLÉMENCE DE BARKING (moniale de l’abbaye bénédictine de Barking) 40, 52, 92-94, 183,
N21
CLÉMENCE DE HONGRIE, reine de France (veuve de Louis X) 154, 156

CLÉMENCE ISAURE 48, 73


CLÉMENT V (Bertrand de Goult) N54
CLÉMENT VI (Pierre Roger ; pape d’Avignon) 147, 155

CLÉMENT VII (Robert de Genève ; pape d’Avignon) 174


CLÉMENT, Élisabeth-Marie 691, N20

CLÉMENT, Jacques (meurtrier d’Henri III) 322


CLÉMENT, Pierre 861
Cléopâtre (in Les Femmes illustres de Scudéry) 555

CLERC DE TROYES (auteur du Roman de Renart le Contrefait) 85


CLERMONT, Claude-Catherine de, comtesse de Retz (fille de Jeanne de Vivonne et Claude de
Clermont ; épouse de Jean d’Annebault, comte de Retz, puis d’Albert de Gondi) 285,
304, 309, 337, 392, N20
er
CLÈVES, Catherine de, duchesse de Guise (fille de Marguerite de Bourbon et François I de
e e
Clèves ; épouse d’Henri de Lorraine, 3 duc de Guise ; mère de Charles de Lorraine, 4
duc de Guise) 321, 328, 348
CLÈVES, Henriette de, duchesse de Nevers 1542-1601 (sœur de Catherine de Clèves ; épouse
de Ludovic de Gonzague, duc de Mantoue et de Nevers ; mère d’Henriette de Gonzague)
285

CLÈVES, Sibylle de, Électrice de Saxe [Sibylle von Jülich-Kleve-Berg] (épouse de Jean
er
Frédéric I de Saxe) 316
Clèves, prince de (in La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette) 589

Clèves, princesse de (in La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette) 589


Clitandre (in Les Femmes savantes de Molière) 642
Cloelia (in Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques de Scudéry) 502

CLOTAIRE (fils de Frédégonde) 266


Clytemnestre 391

C.M. : voir L’Aubépine, Madeleine de


C.M.D.L. : voir L’Aubépine, Madeleine de
COCHAIT, Marie (libraire parisienne ; veuve de Claude Barbin) N22

COICY, Madame de (autrice des Femmes comme il convient de les voir) 730
COIGNARD, Gabrielle de (épouse de Pierre de Mansencal, sieur de Miremont ; mère de Jeanne
et Catherine de Mansencal) 329, 342, 376, 392, 401, 410, N121

COLETTE DE CORBIE (sainte ; Colette Boëllet) 62, 95, 159, 186


COL, frères : voir Gontier Col et Pierre Col
COLIGNY, Gaspard II de Châtillon, comte de (fils de Louise de Montmorency et Gaspard de
Coligny ; époux de Charlotte de Laval) N4

COLIGNY, Henriette de, comtesse de La Suze (petite-fille de l’amiral de Coligny ; épouse de


Gaspard de Champagne, comte de La Suze) 702, 822
COLIGNY, Louise de, princesse d’Orange (fille de Charlotte de Laval et Gaspard de Coligny ;
er
épouse de Guillaume I de Nassau, prince d’Orange) 328, 348

COLIN, Jacques 292, 310


COLLÉ, Charles N76

COLLETET, Guillaume N44


COLONNA, Vittoria, marquise de Pescara (épouse de Ferrante d’Avalos) 430
COMBES, Claudine de 330, 377, 415, N130
COMEIGE, Madame ou Mademoiselle de 694
COMMELET, Jacques (père jésuite) 410

COMMERCY, Maheut de (sœur de la comtesse de Linaige) 103


COMTESSE DE DIE (Beatritz de Dia, trobairitz) 50, 69-72, 157, 183
CONDÉ, famille de 521-522, 534

CONDÉ, Éléonore de : voir Roye, Éléonore de


er
CONDÉ, Louis I de Bourbon, prince de (frère d’Antoine de Bourbon ; époux d’Éléonore de
Roye) 346-347

CONDÉ, Louis II de Bourbon, prince de [1621-1686] (dit le Grand Condé ; frère de la duchesse
de Longueville et de Louis Armand de Conti ; époux de Claire-Clémence de Maillé)
511, 520-523, N18, N19
CONDÉ, princesse de : voir Maillé, Claire-Clémence de

CONDILLAC, Étienne Bonnot de 760


CONDORCET, Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de (époux de Sophie de Grouchy)
749, 753-754, 760, 764, 785-786, 805, 816, 835, 889, 892, N41, N58
CONDORCET, Sophie de : voir Grouchy, Sophie Marie Louise de

CONRART, Valentin 489, 492, 533, 539-540, 594, N4, N5, N17
Consalve (in Zayde de Madame de Lafayette) 586
CONSTANCE (religieuse, correspondante de Baudri de Bourgueil) 147
CONSTANCE DE RABASTENS 174, 186
Constance (in Trois femmes d’Isabelle de Charrière) 896-897
CONSTANT DE REBECQUE, Benjamin 765

CONSTANT D’HERMENCHES, David-Louis (oncle de Benjamin Constant) 765-766, N84


CONTAMINE, Philippe N2

CONTI, Louis Armand de Bourbon [1629-1666], prince de (frère de la duchesse de


Longueville et du Grand Condé) 511, 521-522
CONTI, Louis François de Bourbon, prince de (cousin de Louis XV) 778
CONTI, Marie-Anne de Bourbon, princesse de (Mademoiselle de Blois ; fille de Louise de La
Vallière) 375, 608-609, 613

CORINNE (poétesse grecque) 419


CORNEILLE, Pierre (dit Corneille l’Aîné) 505, 554, 590, 640, 691, 695, 697, 699,
705, 776, 818, 823, 892, N58

CORNEILLE, Thomas (dit Corneille le Jeune) 691, N21


Cornélie (in Cornélie, mère des Gracques de Marie-Anne Barbier) 822
CORNIFICE (CORNIFICIA) 43

CORROZET, Gilles 421


COSNARD, Marthe 693-695, 697, 705, N46

COSSÉ-BRISSAC, Marie de (épouse de Charles de La Porte, duc de La Meilleraye, maréchal de


France) 506, 508
COSTA, comte de (auteur de Combien l’éducation des femmes pourrait contribuer à rendre les
hommes meilleurs, 1778) 746, N35

COSTE, Hilarion de 336


COSTE, Pierre 795
COTIN, Charles, dit l’abbé 553, N35

COTTEBLANCHE, Marie de 329, 363, 368-369, 371, 375, 380, 432, N39, N51
COTTIER, Gabriel (imprimeur lyonnais) 330

COTTIN, Sophie : voir Ristaud, Marie Sophie


COUET, Jacques (pasteur) 410
COULANGES, Henriette de N27

COURBÉ, Augustin (imprimeur-libraire parisien) 501, 513, 516-517, 519-520, 522,


528-529, 537, 539, 557, 563, 613, 695, N1, N1, N2, N2, N4, N9, N10,
N13, N15, N18, N32, N40
COURTENAI DE LA FOSSE-RONDE, Sophie-Rémi de 887

COUSIN l’Ancien, Jean 302


COUSIN, Victor 527, N17, N19
COUSTELIER, Antoine-Urbain N*1
COVILLE, Alfred 112, N6
COYER, Gabriel-François 843, 869-870, 881, N66

CRANACH l’Ancien, Lucas 316


CRÉBILLON, Claude-Prosper Jolyot de, dit Crébillon fils 767, 831

CRÉBILLON, Prosper Jolyot de, dit Crébillon père 641, 776, 798, 818, 866
Cressy, marquise de (madame de Raisel ; in Histoire de M. le marquis de Cressy de Jeanne-
Marie Riccoboni) 873
CROŸ, Dorothée de 693
CUBIÈRES, Michel de 829
Cupidon 416

CURCHOD, Suzanne (épouse de Jacques Necker ; mère de Germaine Necker) 722-723, 756,
758-759, 761-762, 842, N62, N64
Cydippe 417
Cydippe (in Héroïdes d’Ovide) 288, N*19
Cyrus (in Artamène, ou le Grand Cyrus) 515, 519-522, 524, 530, 638
Cyrus (in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508

DACIER, André (époux d’Anne Le Fèvre) 641-643, 645


DACIER, Anne : voir Le Fèvre, Anne
DACIER, Henriette Susanne (fille d’Anne Le Fèvre et André Dacier) 646
DACIER, Jean André (fils d’Anne Le Fèvre et André Dacier) 646
Dagoucin (in L’Heptaméron de Marguerite de Navarre) 405

Dame de Fayel (in Roman du Castelain de Couci et de la Dame de Fayel) 47


Dame d’Escalot (in La Mort le roi Artu) 146

Dames des Cordelières (collectif féminin) 329


Damon (Damon et Phyllis) 403
Damon (in Missives de Catherine des Roches) 403

DANCHET, Antoine 704


DANTE ALIGHIERI 28, 64, 66, 129, 157, 169, N*19, N1

Daphnis (in Amours pastoralles de Daphnis et Chloé de Louise Labé) 366


DARLUS ou D’ARLUS, Marie-Geneviève-Charlotte (épouse de Louis-Lazare Thiroux
d’Arconville) 796-798, N*2, N24

DAT, Gabriel de, seigneur de Saint-Julien 402


DAUVRELAT (ou d’AUVRELAT), Marguerite 334, 402, 420
David (in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508

DAVIS, Natalie Zemon 239, N11, N15, N17, N55


DECOUSUN, Marguerite 334, 422

DEHÉNAULT, Jean 705


DELAGRIVE, Jean 649-650
DELANDINE, Antoine-François 592, N33

DELORME, Philibert (architecte du roi Henri II) 302


DELSAUX, Olivier N10

DENIS FOULECHAT N5
DENISOT, Nicolas (dit le comte d’Alsinois ; précepteur d’Anne, Jane et Margaret Seymour)
313, 334, 421, 430
DENIS PIRAMUS 78, 81-82, 84, 160, 177, 180, N13
DENTIÈRE, Marie d’Ennetières, dite Marie 317, 328, 350, 366, 375, 388, 391, 396-
397, 407-408, 411, N70, N84, N89, N113, N123
DERUET, Claude 505-506
DES ROCHES, dames : voir Fradonnet, Catherine et Neveu, Madeleine
DESAINT, Catherine-Michelle : voir Chauchat, Catherine-Michelle
DESAINT, Nicolas (époux de Catherine-Michelle Chauchat ; libraire parisien) 814, N*15
DES AUTELZ, Guillaume 334, 421
DESBORDES, Marceline Félicité (épouse de François Prosper Valmore) 44, N*5
DESCARTES, René 728, 734, 769, 793, 796, 876

DESCHAMPS, Madeleine 337


DESFONTAINES, Pierre-François Guyot, abbé 798
DESHOULIÈRES ou DES HOULIÈRES, Antoinette : voir Du Ligier de La Garde, Antoinette
DESHOULIÈRES ou DES HOULIÈRES, Antoinette-Thérèse (fille d’Antoinette) 693-695, 697,
702, 822
DESJARDINS, Dauphine 334

DESJARDINS ou DES JARDINS, Marie-Catherine, dite Madame de VILLEDIEU 543, 559, 561,
563, 565-566, 571, 576-578, 580, 599-602, 604-605, 625, 630, 635, 691-
697, 699, 703, 705, 707, 818, N4, N10, N11, N21, N21
DES LOGES, Charles de Rechignevoisin, sieur (époux de Marie Bruneau) 489-490
DES LOGES, Marie : voir Bruneau, Marie
DESMARETS DE SAINT-SORLAIN, Jean 691, 699, N21
DES PERIERS, Bonaventure 366
DESPORTES, Philippe 284, 304, 336, 350, 368, 421, N44
e
DES ROCHES, François Eboissard, seigneur de La Villée et sieur (2 époux de Madeleine
Neveu) 314
DESROSIERS-BONIN, Diane N1, N21, N25, N153
Déterville (protecteur et guide de Zilia, in Lettres d’une Péruvienne de Françoise de
Graffigny) 860-861
DEVAUX, François-Antoine, dit Panpan 765, 767, 843
DHUODA (épouse de Bernard, duc de Septimanie ; mère de Guillaume) 143, 182, N1, N2
Diane (déesse) 285, 302
« Diane » : voir Marguerite de Valois
DIANE DE FRANCE (fille légitimée de Filippa Duci et Henri II) 297
Dictynne (nymphe suivante de Diane) 285
« Dictynne » : voir CLERMONT, Claude-Catherine de
DIDEROT, Denis 591, 720, 728-730, 741, 756, 761, 765, 780, 797, 816, 818,
827, 838, 842, 873-874, 876-877, 880, 891, N*4, N3, N4, N23, N58,
N76, N77, N78, N81, N88
Didon (Elisa) 103, 107, 355, 357, 384
Didon (in La Cité des Dames de Christine de Pizan) 163, N*1
Didon (in Héroïdes d’Ovide) 288, 384
DI MORA, Isabella 430
DIONYSIA DE MUNCHENSY (Denyse de Monchensy) 64
D.L., comtesse de : voir Bossigny, Louise de
Dolent fortuné, le (auteur du Garant des dames contre les calomniateurs de la noblesse
féminine) 307
DONNEAU DE VISÉ, Jean 567-569, 571, 579, 588-589, 610-611, 619-620, 647, 699

DORAT, Claude-Joseph 807, 829, 854, N35, N42, N43


DORAT, Jean 312

DORRON, Claude 421


DOUCELINE DE DIGNE (sainte) 95, 99
DOUCET, Roger 272, N4

DOUDET, Madame : voir Lefèvre, Theodore


DOUTREPONT, Georges 44, N15, N42, N43

DRING, Thomas 553, N15


DRONKE, Peter N2
DRUSAC, Gracien du Pont, seigneur de 253, 308, N23

DU BELLAY, Jean (cardinal) 308


DU BELLAY, Joachim 293, 296, 313, 370, 373, 421, 425, N37

DU BOCAGE, Anne-Marie : voir Lepage, Anne-Marie


DU BOIS, Louis N75
DU BOSC, Jacques 503, 508, 510, 515, N2, N9, N16

DUBY, Georges 50, 146, N17, N59


Du Cardonnoy, comtesse (in Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière de Madame de
Villedieu) 602
DU CHASTELLIER, Mademoiselle (membre de l’Académie d’Arras en 1789) 769-770
DU CHÂTELET, Émilie : voir Le Tonnelier de Breteuil, Gabrielle Émilie
DU CHÂTELET, Florent Claude (époux d’Émilie) 793
DU CHÂTELET, Louis Marie Florent (fils d’Émilie ; époux de Diane Adélaïde de
Rochechouart) 734, 796
DUCHESNE, Marie-Antoinette : voir Cailleau, Marie-Antoinette

DUCHESNE, Nicolas-Bonaventure (époux de Marie-Antoinette Cailleau ; libraire parisien)


814
DUCHESSE DE LORRAINE (poétesse) 103, 184
DUCLOS, Charles Pinot 767
DUCREST DE SAINT-AUBIN, Stéphanie Félicité (épouse de Charles Alexis Brûlart de Sillery,
comte de Genlis) 722-723, 732, 735-736, 738, 749-752, 828-830, 832, 843,
847, 852, 856, 861, 865-866, 868, 870, 872, 877, 887, N24, N43, N51,
N63, N65, N80, N87
DU CREUX, Madame (couturière) 621
DUCROLLAY, Rosalie (épouse de Marc-Antoine Jullien, dit Jullien de la Drôme [1744-1821] ;
mère de Marc-Antoine Jullien [1775-1848]) 843
DU DEFFAND, Madame : voir Vichy-Chamrond, Marie de

DUFRÉNOY, Adélaïde : voir Billet, Adélaïde


DU GAST, Présidente : voir Baillon, Marie de
Duguesclin (in Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roi Charles V de Christine de Pizan)
134
DUGUET, Marie (épouse de Louis Chemineau ; mère d’Angélique Thérèse Chemineau ; grand-
mère maternelle de Marie-Thérèse Geoffrin) 758
DU GUILLET, Pernette 328, 340-341, 371, 401, 421, 431, N12, N40, N101

DU HERLIN, Robert (secrétaire de Louis XI puis de Charles VIII) 105


DU LIGIER DE LA GARDE, Antoinette, dame Deshoulières ou des Houlières (épouse de
Guillaume de Lafon de Boisguérin, seigneur des Houlières ; mère d’Antoinette-Thérèse)
556, 609, 693-697, 702-703, 705, 769-770, 822, 832, N61
DU MONCEL, Marie 334, 420
DU MONIN, Élisabeth 334, 421

DU MONIN, Jean-Édouard 425, N145


DU MOULIN, Antoine 420, 423, 431
DU NOYER ou DUNOYER, Anne-Marguerite : voir Petit, Anne-Marguerite
DUPATY, Emmanuel 597, N18
DU PEYROU ou DUPEYROU, Pierre-Alexandre (imprimeur-libraire de Rousseau) 886, N81

DU PRAT, Anne : voir Séguier, Anne


DU PRAT, Anne (fille d’Anne Séguier et François du Prat) 337
DU PRÉ, Jean 307
DURAND DE CHAMPAGNE (confesseur de Jeanne de Navarre, épouse de Philippe IV) 63
DURAND, Catherine (épouse Bédacier) 614, 623-624, 693-694, 853, N14, N28, N28
DURAS, Claire de : voir Kersaint, Claire Louise de
DU REY ou DUREY DE MEYNIÈRES, Octavie : voir Guichard, Octavie
DU RONCERAY ou DURONCERAY, Marie-Justine-Benoîte (épouse de Charles-Simon Favart)
814, 823, N63, N70
DU THIER, demoiselle 334, 422

DU TRONCHET, Étienne (époux de Marguerite Perrin) 413, 421


DU VAL, Madeleine 334, 420
DU VAL, Marie 334, 420

DU VAL, Pierre 420, 430


DU VERDIER, Antoine 334, 337-338, 421

DUFOUR, Antoine 310


DUFOURNAUD, Nicole 231, N7, N10, N20, N20, N23
DUPLESSIS-MORNAY : voir Mornay, Philippe de, seigneur du Plessis

DUPUIS, Modeste 338


DURFORT, Hector Regnault de, baron de Bajaumont 402

Écho (in L’Epistre Othea de Christine de Pizan) 171-173, N*3


E.D.B., Madame : voir Élie de Beaumont, Anne-Louise
EDME DES ROUAUDIÈRES, Henriette Marie (épouse de Louis-Joseph de Vanssay de Marans)
722, 732-733, 875-879, 896, N9, N77, N78, N79, N82
ÉDOUARD le Confesseur, roi d’Angleterre 93-94
ÉDOUARD III, roi d’Angleterre (fils d’Isabelle de France, sœur aînée de Louis X ; époux de
Philippa de Hainaut) 62, 242
ÉGÉRIE (Éthérie) 148-149, 181

EIDOUS, Marc-Antoine 805


e er
ÉLÉONORE D’AUTRICHE (sœur de Charles Quint ; 2 épouse de François I ) 290
ÉLÉONORE DE POITIERS (fille d’Isabelle de Sousa et Jean de Poitiers, seigneur d’Arcis-sur-
Aube) 108-109, 187, N39
ÉLÉONORE D’ESTE (fille de Renée de Ferrare et Ercole d’Este) 283, 313
er
ÉLÉONORE DE VERMANDOIS (fille de Raoul I , comte de Vermandois et de Valois) 61

Eliduc (in Ille et Galeron de Gautier d’Arras) 84-85


Eliduc (in Lai d’Eliduc de Marie de France) 85

ÉLIE DE BEAUMONT, Anne-Louise : voir Morin-Dumesnil ou Morin Du Mesnil, Anne-Louise


ÉLIE DE BEAUMONT, Jean-Baptiste-Jacques (époux d’Anne-Louise Morin-Dumesnil) 807
ELIES, Pierre (imprimeur-libraire à Niort) 735

Elisa : voir Didon


re
ÉLISABETH I Tudor, reine d’Angleterre 263, 328, 346-347, 426, 858
ÉLISABETH D’AUTRICHE, reine de France (épouse de Charles IX) 328, 348, 364, 858
er re
ÉLISABETH DE BOSNIE, régente de Hongrie (épouse de Louis I de Hongrie ; mère de Marie I
de Hongrie) 244

ÉLISABETH DE FRANCE [Isabelle d’Espagne] (1545-1568) (fille de Catherine de Médicis et


Henri II, épouse Philippe II d’Espagne en 1559) 296-297, 322, 858
ÉLISABETH DE SCHÖNAU (sainte) 91, 174, 182

ÉLISABETH DE VERMANDOIS, comtesse de Flandre (cousine de Marie de Champagne) 74


ELOY D’AMERVAL 170, 256, N*3
Elvire (in Le Favori de Marie-Catherine Desjardins) 697-698

ELZEVIR, famille (imprimeurs-libraires hollandais) 510, 600-601


Émile (in Émile ou De l’éducation de Rousseau) 744, 750

Emilia (in Teseida delle nozze d’Emilia de Boccace) 354


Émilie (in Les Conversations d’Émilie de Louise d’Épinay) 748
Émilie (in Trois Femmes d’Isabelle de Charrière) 895-896
re
EMMA I , reine des Francs (tante d’Hugues Capet) 242
Énée (in La Cité des Dames de Christine de Pizan) 163
Englesac, comte d’ (in Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière de Madame de
Villedieu) 602-604, 630
Ennasuite (in L’Heptaméron de Marguerite de Navarre) 405

ÉPINAY, Louise d’ : voir Tardieu d’Esclavelles, Louise Florence


ERART DE LEZINNES (chanoine puis évêque d’Auxerre) N*1
ÉRASME (Desiderius Erasmus) 308, 313, 755, N23

ERCOLE II d’Este (époux de Renée de Ferrare ; père d’Anne d’Este) 313


ÉRINNA DE TÉLOS 419

Érinne (in Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques de Scudéry) 502
ERMENGARDE DE NARBONNE 71, 74-75, N5
ERNECOURT, Alberte-Barbe d’ (épouse de Jean-Jacques de Haraucourt, seigneur de Saint-
Balmon ou Saint-Baslemont) 504-507, 693-695, 697-698, 703, N*4

Ernestine (in Histoire d’Ernestine de Marie-Jeanne Riccoboni) 872


« Éryce » : voir Marguerite de Valois

ÉSOPE 640
ESPARBÈS, comtesse d’ (autrice de « Céphise et Célimène », 1780) 771
ESPENCE, Claude d’ (théologien catholique, recteur de l’université en 1540) 369, 376, 421
Esther 107, 410
ESTIENNE CASTEL (époux de Christine de Pizan) 111-113, 115, 117-118, 121, 139, 178

ESTIENNE, Antoine 256


e er
ESTIENNE, Catherine (2 fille de Perette Bade et Robert I Estienne, sœur d’Henri II Estienne)
274, 312, N10
e er er
ESTIENNE, Charles (3 fils de Guyonne Viart et Henri I Estienne, frère de Robert I
Estienne ; époux de Geneviève de Verly) 306
er
ESTIENNE, Henri II (fils aîné de Perette Bade et Robert I Estienne) 274, 312, 418, N9
er
ESTIENNE, Jacques I [1668-1731] (époux d’Anne-Marie Guiard) 814
er
ESTIENNE, Jacques II (fils aîné d’Anne-Marie Guiard et Jacques I Estienne) 814
er
ESTIENNE, Jeanne (fille aînée de Perette Bade et Robert I Estienne) 312
e er
ESTIENNE, Marie (3 fille de Perette Bade et Robert I Estienne) 312

ESTIENNE, Nicole (fille de Geneviève de Verly et Charles Estienne ; épouse de Jean Liébaut)
328, 337, 350, 373-374, 381-382, 386, 388, 421, 425, N23, N44, N66
ESTIENNE, Paul (fils d’Henri II Estienne) N10
ESTIENNE, Perette : voir Bade, Perette
er e er
ESTIENNE, Robert I (2 fils de Guyonne Viart et Henri I Estienne, époux de Perette Bade)
312
ÉTAMPES, duchesse d’ : voir Heilly, Anne d’

Étanges, baron d’ (père de Julie ; in Julie ou la Nouvelle Héloïse de Rousseau) 848, 856,
884-885
Étanges, Julie (in Julie ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau) 848, 851, 856, 871, 884-
885
ÉTIENNE DE FOUGÈRES (évêque de Rennes puis chapelain d’Henri II d’Angleterre) 32, N16
ÉTIENNE DE LA MISÉRICORDE (moine cistercien) 76
EUDES DE SOISSONS 91

EUGÈNE III (Bernardo Paganelli di Montemagno) 91


EURIPIDE 289, 296, 640
Europe (enlevée par Zeus) 866

EUSTACHE DESCHAMPS (Eustache Morel) 109-110, 124, 164, 170, 180, N1


EUSTOCHE (Eustochium ; fille de sainte Paule) 174
Ève (Evain) 23-24, 743, 803
EVERAT (Evrat) 57

Falbalas, princesse des (in « La Princesse de Pretintailles » d’Auneuil) 616


FALCONNET, Françoise-Cécile : voir Chaumont, Françoise-Cécile
Fanchette (in Le Mariage inattendu de Chérubin d’Olympe de Gouges) 812

Fanni (in Lettres de Mistriss Fanni Butlerd de Marie-Jeanne Riccoboni) 871


FAREL, Guillaume 407

FAUCHET, Claude 77
FAUCONNIER, Madeleine-Joseph 782-783
FAULQUIER, Janne de 334

FAVART, Justine : voir Duronceray ou du Ronceray, Marie-Justine-Benoîte


Fée (tante-fée de la Belle in La Belle et la Bête de Madame de Villeneuve) 867

Fée (in Lanval de Marie de France) 80, 177


« Féliciane » : voir Pioche de La Vergne, Marie-Madeleine
Femme généreuse, la 507

FÉNELON, François de Salignac de La Mothe- 750


Fénice (in Cligés de Chrétien de Troyes) 40

FÉRAUD, Jean-François 652


FERDINAND DE LA CERDA, prince héritier de Castille (époux de Blanche de France, fille de
Louis IX) 60, 157
FERGUSON, Gary N15, N112, N116

Fernand d’Espagne (in Le Mariage inattendu de Chérubin d’Olympe de Gouges) 812


FERRIOL, Charles de, baron d’Argental (beau-frère de Claudine de Tencin) 835

FEURS, Philiberte de 334, 337


Fiametta (in Elegia di Madonna Fiametta de Boccace) 157

FIELDING, Henry 798, 803-804, 858


FIELDING, Sarah (sœur de Henry) 798, 800
FILLEUL, Adelaïde (épouse d’Alexandre de Flahaut de La Billarderie puis de José Maria de
Souza Botelho) 756

Finette (in « Finette Cendron » de Madame d’Aulnoy) 610, 620


FITZ GILBERT, Constance 55

FITZ GILBERT, Ralf 55


Flamenca (in Flamenca) 42, 67, 70, 157
FLAMINIO, Marco Antonio 341, 371, 375

Floire (in Floire et Blancheflor) 70


FLORE, Jeanne 429
FLORES, Juan de 429
FLORUS, Lucius (historien romain) 642
FOIX, Esclarmonde de 75-76
FOIX, Raymond-Roger, comte de 76
FONTAINE, Catherine 428
FONTE, Moderata 430

FONTENELLE, Bernard Le Bovier de 605, 704-705, 707, 740, 756, 760, 768, 793,
825, 859
FONTETTE DE SOMMERY, Mademoiselle 730, 749, N41
FORÇAY, Hillaire de 338, 430, N9

FORD, Philip 399, N12, N16, N52, N98, N101


FORTIA, Marie de (religieuse à Poissy) 331, 384

FOSSIER, Robert N58


FOUCAULT, Michel 577, 719, 895, N22, N122
FOURQUEUX, Madame de : voir Auget de Monthyon, Marie-Louise

FRADONNET, Catherine (fille de Madeleine Neveu et André Fradonnet) 314, 329, 342-343,
352-354, 366, 371-373, 376, 378, 381, 386, 389-391, 393, 397, 403-405,
422, 693, N17, N53, N64, N65, N76, N82, N87, N108
FRAGONARD, Jean-Honoré Nicolas 803

Français, le (in Dialogue des héros de roman de Boileau) 645


FRANCESCA DE RIMINI (in L’Enfer de Dante [Francesca da Polenta, épouse de Gianciotto
Malatesta]) 157, 417, N*19

FRANCESC EIXIMENIS 37
FRANCESCO DA BARBERINO 36
FRANÇOIS DE SALES (saint ; évêque de Genève) 321, 323
er
FRANÇOIS I (fils de Louise de Savoie et Charles d’Orléans, comte d’Angoulême ; époux de
Claude de France ; père de François de France, Henri II, Charles de France, Marguerite de
France) 177, 228, 277-279, 281, 289, 292, 296, 300-302, 307, 311, 315,
327, 346, 357, 374, N40
FRANÇOIS II (fils aîné de Catherine de Médicis et Henri II) 263, 279, 302-303, 305, 379,
413

FRANÇOIS DE FRANCE [1518-1536] [François III de Bretagne] (fils aîné de Claude de France et
er
François I ) 278-279, 281
FRANÇOIS DE FRANCE [1554-1584] [François d’Alençon, François d’Anjou] (frère de
Marguerite de Valois) 249, 302-303
FRANÇOIS VILLON 32, 37, 171, 177, N*1, N*2, N25
FRANKLIN, Benjamin 760, 832, 891

FRÉDÉGONDE, reine de Neustrie 266


FRÉDÉRIC II DE PRUSSE, dit Frédéric le Grand 780, 784

FRÉRON, Élie 801, 861, 874, 879, N76


Fresne (in Galeran de Bretagne) 37
FRESNES, dame de (épouse d’un secrétaire d’État) : voir Beauvilliers, Anne de

FRONDEVILLE, Thomas Louis César Lambert de 886


FURETIÈRE, Antoine 496-497, 546, 558, 569, 691

FURIA CAMILLA (correspondante de saint Jérôme) 169


GACE BRULÉ 57, N7
GACON, Marie-Armande Jeanne (épouse de Jules-Michel Dufour de Saint-Pathus) 886, 889

Gaia 419
GAILLARDE, Jeanne 334, 420, 422, 432, N1, N138

GALARD, Jean de 402


Galeron (in Ille et Galeron de Gautier d’Arras) 84-85

GALIANI, Ferdinando (abbé) 729, 748, 760, 765, 782, 842-843, N3


GALIEN 728
GALIEN, Madame 760, N58

GALIGAÏ, Leonora Dori, dite Leonora 249, N97


GALLAND, Antoine 624

GAMBARA, Veronica 430


GANGES, marquise de : voir Chateaublanc, Diane de Joannis de
GARCILASO DE LA VEGA, Gómez Suárez de Figueroa, dit 861

Gargantua (in Pantagruel de Rabelais) 225


GARNIER, Robert (dramaturge ; époux de Françoise Hubert) 331, 351, 421, 431

GARRICK, David 766, 804


GARSENDA DE FORCALQUIER, comtesse de Provence 184
GASSENDI, Pierre Gassend, dit 832
GASTON PHEBUS 174
GAULCEM FAIDIT (troubadour) 73

GAUTIER D’ARRAS 59, 84-85, N15


GAUTIER DE COINCI 24, 52, N3

GAUTIER-LACÉPÈDE, Madame (autrice de Sophie, ou Mémoires d’une jeune religieuse) 887


GEFFREY GAIMAR (historiographe anglo-normand) 55, N3
Gelonis : voir Boursault, Guillonne
GENET, Jeanne Louise Henriette (épouse de Pierre Dominique François Berthollet dit
Campan) 738
GENLIS, Stéphanie Félicité de : voir Ducrest de Saint-Aubin, Stéphanie Félicité

GENT, Francis Gifford (premier traducteur anglais d’Artamène) 514, N15


GEOFFRIN, Marie-Thérèse : voir Rodet, Marie-Thérèse
GEOFFROI V D’ANJOU [Geoffroi Plantagenêt] (époux de Mathilde l’Emperesse ; père d’Henri II
d’Angleterre) 77

GEOFFROY DE MONMOUTH 56
GERBERGE (abbesse de Gandersheim ; fille de Liutpold de Saxe) 150

GESSNER, Salomon 803


GIFFARD, Guyon 421

GIGGS, Margaret [Margaret Clement] (fille adoptive de Thomas More) 313


GILBERT DE TOURNAI 99
GILBERT, Gabriel 544, 691, N21

GILLES DE ROME 28, 38


GILLET, Didière 329, 350, 374-375, 381, 410, 415, N45, N118, N132

GILLOT DE BEAUCOURT, Louise-Geneviève (épouse de Sain[c]tonge, avocat au Parlement)


693-694, 696-697, 818, N61
GIOVANNI D’ANDREA [Jean André] (père de Novella d’Andrea) 129
GIRARD, Théodore (libraire parisien) N6

GIRAUT DE BORNEILH (troubadour) 165


GIUNTA, Jacob (père de Joanna) 396, N85
GIUNTA, Jeanne (Joanna) 330, 377, 396, N85
GODEAU, Antoine, évêque de Vence N18
GOLDONI, Carlo 760, 803

Goliath (in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508


Gomberde la Faee (in Les Evangiles des Quenouilles) 168

GOMBERVILLE, Marin Le Roy, sieur de 504


GOMEZ, Madeleine-Angélique de : voir Poisson, Madeleine-Angélique
GONDI, Albert de (époux de Claude-Catherine de Clermont) 285

GONDI, Antoine 281


GONTIER COL 118-119, N5

GONZAGUE [GONZAGUE DE CLÈVES], Henriette de, duchesse de Nevers (fille d’Henriette de


Clèves ; épouse d’Henri de Lorraine, duc de Mayenne) 298, 305, 337, 353
GONZAGUE, Élisabeth de, duchesse d’Urbino 292
Gorgibus (in Les Précieuses ridicules de Molière) 542

GORMONDE DE MONTPELLIER 74, 183


GOUGES, Olympe de (pseudonyme de Marie-Olympe Gouze ; fille naturelle de Jean-Jacques
de Pompignan) 722, 730, 732-733, 742, 751, 755, 764, 799, 806, 811-812,
814-815, 830-839, 870, 880, 887, 889-894, N5, N6, N12, N63, N85, N89,
N90, N92, N94, N95, N97, N99, N104, N105, N106, N107, N108, N110,
N111, N112, N113, N114, N117, N118, N119

GOUJON, Jean 302


GOURDON, Marguerite de 334

GOURNAY, Marie Le Jars de 107, 287, 329, 346, 349, 357-358, 365, 371, 374,
377, 382, 388-390, 398, 403, 405, 414, 889, N3, N27, N71, N74, N78,
N95, N110
Gouverneur (in L’Esclavage des Noirs d’Olympe de Gouges et Mirza ou Lettre d’un voyageur
de Germaine de Staël) 838
Grâces : voir Charites

GRAFFIGNY, Françoise de : voir Issembourg d’Happencourt, Françoise d’


GRAFTON, duchesse de : voir Bennet, Isabella

GRANDVAL, Madame 887


GRAVILLE, Anne Malet de 281, 335, 339-340, 354, 373, 375, 380, 382, 389, 403-
404, N26, N42
er
GRÉGOIRE I le Grand N26
GRÉGOIRE XIII (Ugo Buoncompagni) 320
GRELAY, Françoise (imprimeuse-libraire ; veuve de Robert Chevillion) 615

GRENAILLE, François de N16


GRÉTRY, André-Ernest-Modeste N*3

GRÉVIN, Jacques 296


GRIGNAN, Pauline Adhémar de Monteil de, marquise de Simiane (petite-fille de Sévigné ;
épouse de Louis Charles de Simiane, marquis de Simiane et d’Esparron) 593-594, 596,
N16
GRIMM, Friedrich Melchior, baron de 760-761, 780-781, 825, 838, 843, 858, 879,
N4, N76
Grisélidis (in Decameron de Boccace) 157
Grisélidis (in De insigni obedientia et fide uxoria de Pétrarque) 153

GROUCHY, Sophie Marie Louise de (épouse de Nicolas de Condorcet) 764, 785, 788, 805,
889, N58, N103
GRUGET, Claude 384
Guénélic (in Les Angoysses douloureuses qui procedent d’amours d’Hélisenne de Crenne)
355
Guenièvre 80
GUERSANS, Jules de 421

GUEZ DE BALZAC, Jean-Louis 489-490, 504, 512, 533, 597, N6


er
GUIARD, Anne-Marie (épouse de Jacques I Estienne ; mère de Jacques II) 814

GUIBERT DE GEMBLOUX (secrétaire d’Hildegarde de Bingen) 146


GUICHARD, Octavie (épouse de Charles Edme Belot puis de Jean-Baptiste-François Du Rey ou
Durey de Meynières) 800-801, N*2
GUI DE CAVALHON (troubadour) 184

GUI D’USSEL 72, 184


GUI DES PRÉS (trouvère) N*2

Guigemar (in Lai de Guigemar de Marie de France) 80, 82, 175


GUIGNARD, Jean (imprimeur) 609, N3, N4, N42
Guildeoëc (in Lai d’Eliduc de Marie de France) 85

GUILLARD, Catherine 334, 422


GUILLARD, Charlotte 330, 377
Guillaume (in Flamenca) 71, 157

GUILLAUME IX D’AQUITAINE, dit le Troubadour (grand-père d’Aliénor d’Aquitaine) 55, 59


er
GUILLAUME I DE HAINAUT (père de Philippa de Hainaut) 62

GUILLAUME DE LORRIS 159, N13


GUILLAUME DE MACHAUT 39, 81, 127, 147, 155, 158, 164-165, N8, N31
e
GUILLAUME DE MANDEVILLE, 3 comte d’Essex 89
GUILLAUME LE MARÉCHAL, comte de Pembroke 89
GUILLAUME DE PARIS [Guillaume Humbert] (confesseur de Philippe IV, inquisiteur au procès
de Marguerite Porete) 101

GUILLAUME DE SAINT-PATHUS (confesseur de Marguerite de Provence, puis de Blanche de


France) 61
GUILLAUME DE SEPTIMANIE (fils de Dhuoda et Bernard de Septimanie) 143

GUILLAUME DE THIGNONVILLE (écuyer panetier de Marie de Clèves) 104


GUILLAUME DE TIGNONVILLE (chambellan de Charles VI puis prévôt de Paris) 120
GUILLAUME TIREL DIT TAILLEVENT 63

GUILLEM DE FIGUEIRA (troubadour toulousain) 74


GUILLEMETE DE LA ROCHELLE 174

GUILLERAGUES, Gabriel Joseph de Lavergne, comte de 566, N12


Guilliadon ou Gualadun (in Eliduc de Marie de France) 80, 85, 177

GUIOT (scribe des œuvres de Chrétien de Troyes) 57


GUISE, Anne de : voir Anne d’Este
GUISE, Catherine de : voir Clèves, Catherine de
e
GUISE, Charles de Lorraine, 4 duc de (fils de Catherine de Clèves et Henri de Lorraine) 321
e
GUISE, Henri de Lorraine, 3 duc de (fils d’Anne d’Este et François de Lorraine, duc de
Guise ; frère de Louis II ; époux de Catherine de Clèves) 280, 321, 348, 413

GUISE, Louis II de Lorraine, cardinal de (fils d’Anne d’Este et François de Lorraine, duc de
Guise ; frère d’Henri) 280, 321, 348, 413
Guise, duc de (in La Princesse de Montpensier de Madame de Lafayette) 571

GUYON, Claude-Marie 824


GUYOT DE MERVILLE, Michel 773
HABERT, François 308, 311

HABERT, Suzanne 336, 411


HACQUEVILLE, Jacqueline de (épouse de Jean Bochart, seigneur de Noroy, conseiller au
Parlement de Paris) 108, 187
HADEWIJCH D’ANVERS 99, 184
Hallewes (in Le Morte d’Arthur de Malory) 40
HARNY DE GUERVILLE (co-auteur des Amours de Bastien et Bastienne) 823

HASENOHR, Geneviève 156, N24


HAUDRY, Élisabeth Françoise (épouse de Jean-Baptiste-François de Montullé) 886, N102

HAYDE, Madame : voir Hyde, Anne


HAYWOOD, Eliza 798, 858
Hector (in L’Epistre Othea et la Mutacion de Fortune de Christine de Pizan) 134, 144, 147

HEILLY, Anne Pisseleu d’, duchesse d’Étampes (épouse de Jean IV de Brosse, duc d’Étampes)
296, 300, 302, 308, 382
HELDRIS DE CORNUÄLLE N17

Hélène (de Troie) 107, 146, 384


Hélène (in Héroïdes d’Ovide) 146, 288, 384

HELENE KOTTANNER 187


HÉLISENNE DE CRENNE (pseudonyme de Marguerite Briet) 328, 344, 349, 355, 369-370,
372, 376, 378, 381, 386-387, 389-392, 396-397, 403-404, N69, N75, N77,
N90
Hélisenne (mère d’Amadis in Amadis de Gaule de Garci Rodríguez de Montalvo) 369

HÉLOÏSE 24-25, 35-36, 40, 42, 47, 50, 135, 146-147, 176-178, 182
HELVÉTIUS, Anne-Catherine : voir Ligniville d’Autricourt, Anne-Catherine de

HELVÉTIUS, Claude-Adrien 756, 760, 767, 782


er
HENRI I , comte de Champagne et de Brie, dit le Libéral (époux de Marie de France) 57,
59, 74
HENRI II Plantagenêt, roi d’Angleterre (époux d’Aliénor d’Aquitaine) 55-56, 77-79, 94,
183

Henriette-Sylvie (in Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière de Madame de


Villedieu) 601-604, 630-631
e er
HENRI II (2 fils de Claude de France et François I ) 278-279, 281, 290, 293, 297, 300,
302, 412, 496

HENRI III, roi d’Angleterre (époux d’Éléonore de Provence ; père de Béatrice d’Angleterre)
146
HENRI III de Brabant, dit le Débonnaire (père de Marie de Brabant) 59
e
HENRI III (3 fils de Catherine de Médicis et Henri II) 263, 279-280, 302-305, 321-323,
348, 387, 413-415, N44

HENRI IV (Henri de Navarre ; frère de Catherine de Bourbon) 279, 285, 298, 303, 321,
323, 349, 353, 359-360, 379, 387, 409, 413-414, 485, 489, 491, 532, 648,
N*2, N*8
HENRI VIII Tudor, roi d’Angleterre 249

HENRY DE BAULME (confesseur de sainte Colette) 62


HENRY DE SALTREY 89
HEREFORD, Cécile (épouse de Roger FitzMiles, comte de Hereford) 32

HÉRODOTE 525, 528


HÉROËT, Antoine 291, 308

HERRADE DE LANSBERG (abbesse de Hohenburg) 182


HESSEIN, Marguerite (épouse d’Antoine de Rambouillet, sieur de La Sablière) 494
HESTEAU, Clovis, sieur de Nuysement 331, 402, 421

HILDEGARDE DE BINGEN 90-91, 94, 146, 151, 182, 274, N19


HIPPOCRATE 728

Hippolyte, reine des Amazones 506


Holopherne 506

Holopherne (in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508


HOMÈRE 416, 419, 638, 642-644, 731, 791, N10
Homère (in Apothéose de mademoiselle de Scudéry de Marie-Jeanne L’Héritier) 556

HORACE 127, 154, 311, 642, 731


HOUDETOT, Sophie d’ : voir Lalive de Bellegarde, Élisabeth Sophie Françoise

HOUEL, Nicolas 289


HROTSVITA DE GANDERSHEIM 150, 179, 182, N9, N54
HUBER, Ludwig-Ferdinand 765
HUBER, Marie 722, 807-809, 869, N44, N47, N48
HUBERT, Françoise (épouse de Robert Garnier) 331, 431

HUE DE LANGRUNE, Bonne-Charlotte (épouse d’Antoine Gillain de Bénouville) 876, N9,


N77
HUET, Pierre Daniel 527, 552-553, 560, 585, 587-588, 636-637, 641, N8, N22,
N34

HUGO, Victor 628


HUGUES DE DIGNE (prédicateur franciscain, frère de Douceline) 100
HUGUES DE SAINT-VICTOR N*1

HUGUES XIII DE LUSIGNAN, comte de La Marche et d’Angoulême (époux de Béatrice de


Bourgogne) 61
HUME, David 766, 800, 838, N*2
re
HYDE, Anne (1 épouse de Jacques, duc d’York, futur Jacques II) 627
Hypermnestre (Danaïde) 384

Hypermnestre (in Héroïdes d’Ovide) 288, 384


Hypolite (in Histoire d’Hypolite, comte de Duglas de Madame d’Aulnoy) 608
Hypsipyle (reine de Lemnos) 384

Hypsipyle (in Héroïdes d’Ovide) 288, 384


I.D.B.A. [Joachim Du Bellay Angevin] : voir Du Bellay, Joachim

I.D.V. (Epistre d’une Damoiselle françoise) 329, 349, 376


I.F. (« Loyale en Foy », in Commentaire […] sus l’Edict des secondes noces de Le Caron)
335, 373
IGNACE DE LOYOLA (saint) 320

Ille (in Ille et Galeron de Gautier d’Arras) 84-85


INNOCENT III (Lothaire de Segni) 28

INSTITORIS, Heinrich Krämer, dit Henri 246, N20


Iris (in Dialogue d’Iris et Pasithée de Catherine des Roches) 394
re
ISABEAU D’ALBRET [Isabelle de Navarre] (fille de Catherine I de Navarre et Jean III
er
d’Albret ; épouse le 16 août 1534 René I de Rohan) 307
ISABEAU DE BAVIÈRE, reine et régente de France (épouse de Charles VI) 62, 65, 120, 154,
161-162, 266, 276, 280, 307, 382, N1
ISABELLE D’ANGLETERRE, dame de Couci (fille aînée de Philippa de Hainaut et Édouard III
d’Angleterre ; épouse d’Enguerrand VII de Couci) 62, 858
ISABELLE DE FRANCE [1225-1270] (sœur de saint Louis et de Charles d’Anjou) 94-95, 858

ISABELLE DE FRANCE [Isabelle de Navarre, 1242-1271] (fille de saint Louis ; épouse de


Thibaud II de Navarre) 63, 361, 858, N*1
ISABELLE DE FRANCE [1295-1358] (sœur aînée de Louis X ; épouse d’Édouard II d’Angleterre)
242-243, 858
er
ISABELLE DE PORTUGAL (1397-1471), duchesse de Bourgogne (fille de Jean I de Portugal ;
épouse de Philippe III de Bourgogne ; mère de Charles le Téméraire) N12
Iseut 89, 157

Iseut (in Tristan en prose) 146


ISEUT DE CAPION (trobairitz) 69, 74
ISIDORE DE SÉVILLE 30, N12

Isis 122
ISRAHEL VAN MECKENEN 33

ISSEMBOURG D’HAPPENCOURT, Françoise Paule d’ (épouse de François Huguet de Graffigny)


722, 751, 765-768, 812-814, 826-827, 834, 836, 843, 851-852, 854, 859,
861, 864, 867, 880, 882-883, N*2, N4, N47, N48, N63, N73, N74, N75
I.V. (« Aux dames françoises », in La Claire de Le Caron) 335, 376
JACQUES BAUCHANT (traducteur d’Elisabeth de Schönau) 174

JACQUES BRUYANT 153


JACQUES DE VORAGINE (Iacopo da Varazze) 61, 96
er
JACQUES I D’ÉCOSSE (père de Marguerite d’Écosse) 105
er
JACQUETTE DE LUXEMBOURG, duchesse de Bedford (épouse de John Lancaster, 1 duc de
Bedford) 249

JACQUIN, Armand-Pierre 850, N18


Jaël 506, 508
JAILLE, Marie 335

JAMET DE TILLAY (écuyer) 106


JAMYN, Amadis 331, 421

JAN III DE BAENST (commanditaire de la traduction de La Cité des Dames en flamand) 49,
160
JANOT, Denis 137
Jason (in Héroïdes d’Ovide) 288, 501
JAUCOURT, Louis de 591
JEAN (saint, Évangéliste) 62, 133

JEAN LE FÈVRE DE RESSONS 24, 26-27, 30-31, 39, 42, 131, 275, N*1, N1, N2,
N24
JEAN DE LE MOTE 62, 103, N11, N33
JEAN DE LORRAINE (poète) 104
JEAN Chrysostome (saint) 178
JEAN BOUCHET 142

JEAN CASTEL (fils de Christine de Pizan et Estienne Castel) 111, 119, 137, 142-144
JEAN D’OUTREMEUSE 96
er
JEAN DE CALABRE [Jean II d’Anjou] (fils d’Isabelle de Lorraine et René I d’Anjou) 104
er e
JEAN DE GAND, 1 duc de Lancastre (3 fils de Philippa de Hainaut et Édouard III) 62

JEAN DE JOINVILLE (fils de Beatrix de Bourgogne et Simon de Joinville) 61, 165-166, N6


JEAN LASCARIS 419
JEAN DE MEUN 36, 118-119, 124, 128, 131, 133, 137, 139, 147, 159, 179, 251,
253, 275, 307, N7, N13
JEAN DE MONTREUIL, Jean Charlin, dit (prévôt de Lille, notaire et secrétaire de Charles VI)
118, 128, N5
JEAN DE SALISBURY 179, N5

JEAN DE VIGNAY 96
JEAN DUPRÉ 48

JEAN FROISSART 62, 157


JEAN GERSON (chancelier de l’Université de Paris) 31, 38, 62, 120, N5, N30
er
JEAN I DE BOURGOGNE, dit Jean sans Peur, duc de Bourgogne, comte d’Artois et de Flandre
155
er
JEAN I DE BOURBON, comte de Clermont et de Forez (fils d’Anne d’Auvergne et Louis II de
Bourbon ; époux de Marie de Berry) 162
er
JEAN I DE BERRY (fils de Bonne de Luxembourg et Jean II dit le Bon) 63, 65, 154, 156
JEAN II DE BRABANT 60
JEAN LEMAIRE DE BELGES 170

JEAN LE MARCHANT 59, N8


JEAN-MARIE DE VERNON, Jean-Marie Du Cernot, en rel. 505, N6
JEAN MIÉLOT 28, N*2
JEANNE D’ALBRET [JEANNE III de Navarre] (fille de Marguerite d’Angoulême et Henri II
d’Albret, roi de Navarre ; épouse d’Antoine de Bourbon ; mère d’Henri de Navarre) 298,
308, 316-317, 328, 348, 359, 362, 370, 373, 375, 379, 382, 384, 408,
412, 421, 426, N50
JEANNE D’ARC 139, 245

JEANNE D’ARTOIS (épouse de Simon de Thouars, comte de Dreux ; « la damoiselle de Dreux »)


156
JEANNE DE CHANTAL (sainte ; Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal) 321

JEANNE D’ÉVREUX, reine de France (épouse de Charles IV ; mère de Blanche de France) 156
JEANNE FILLEUL (dame d’honneur de Marguerite d’Écosse) 106, 186
re
JEANNE DE FRANCE (sainte ; sœur d’Anne de France ; 1 épouse de Louis XII) N13
JEANNE DE FRANCE [JEANNE II de Navarre] (fille de Marguerite de Bourgogne et Louis X)
242-243
JEANNE DE JUSSIE (sœur) 329, 358-359, 378-379, 381, 412, N48

JEANNE DE LESTONNAC (sainte ; nièce de Montaigne) 321


re
JEANNE I de Naples (fille de Marie de Valois, sœur de Philippe VI, et de Charles de Calabre)
147, 155, 244, 288
JEANNE DE NAVARRE, reine de France (épouse de Philippe IV le Bel) 61, 63
JEANNE II de Navarre 243, : voir Jeanne de France
JEANNE III de Navarre : voir Jeanne d’Albret

JEAN REGNIER 124


JEFFERSON, Thomas 764-765
JEHAN ANDRÉ 137
JEHAN HENRY (auteur du Livre de meditation sur la reparation de nature humaine) 343
JÉRÔME (saint) 169, 174, 178-179, 388, N14
JÉSUS-CHRIST 24, 75, 93, 96-98, 109, 126, 133, 149, 170, 340, 344, 364, 382,
397, 407-408, N26
JODELLE, Étienne 296
JODIN, Marie-Madeleine 887
JOHANNES VON TEPL N10
JOHN RAVENSTHORPE 160

JOHNSON, Samuel 760, 800


JOLLY, Thomas (libraire parisien) 570, 573-574, 695, N15
JONES, John Paul N102
JOYEUSE, Catherine Henriette de, duchesse de Montpensier (épouse d’Henri de Bourbon, duc
e
de Montpensier, puis de Charles de Lorraine, 4 duc de Guise) N92, N125
JUAN RUIZ (auteur du Le Libro de Buen amor) 148
Judas 46, 397
Judith 107, 410, 506

Judith (in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508


JULIENNE DE NORWICH 185
JULLIEN DE LA DRÔME, Marc-Antoine Jullien, dit (époux de Rosalie Ducrollay) 843
JULLIEN, Rosalie : voir Ducrollay, Rosalie
JULYOT, Ferry 428

JUMEAU, Claude (amant de Marguerite d’Auge) 427


Junon (in L’Epistre Othea de Christine de Pizan) 171-172, N*3
Jupiter 172, 345, 386

Jupiter (in « L’Origine des fées » de Catherine Durand) 623


JUSSIEU, Antoine-Laurent de 797

JUSTIN (Marcus Junianus Justinus) 857


JUTTA VON SPANHEIM (maistre d’Hildegarde de Bingen) 90
JUVÉNAL 178
JUVENCUS (Gaius Vettius Aquilinus Juvencus) 422
KANT, Emmanuel 719, 765, 787, 879, 895, N121, N122
KATHERINE LA BOURCIÈRE 53
KELLY, Joan 221, 257, 432, N25
KERALIO, Louise Félicité Guinement de (épouse de Pierre-François Joseph Robert) 176-177,
722, 726, 735, 769-771, 784, 786, 813, 847, 887, N1, N1, N104
KERALIO, Louis Felix Guinement de (père de Louise Félicité de Keralio) 786

KERALIO, Marie-Françoise Abeille de (mère de Louise Félicité de Keralio) 887


KERSAINT, Claire Louisa Rose Bonne de Coëtnempren de (épouse d’Amédée de Durfort, duc
de Duras) N*7
KINOSHITA, Sharon 77, N12
KLOSOWSKA, Anna N13
KNOX, John 263
L’ANGELIER, Abel (imprimeur ; époux de Françoise de Louvain) N19
L’ANGELIER, Françoise : voir Louvain, Françoise de
L’AUBÉPINE, Claude de, seigneur de Hauterive (secrétaire d’État, père de Madeleine) 284,
357
L’AUBÉPINE, Madeleine de, dame de Villeroy (fille de Claude ; épouse de Nicolas IV de
Neufville, seigneur de Villeroy) 284, 305, 329, 336, 341, 345-346, 368, 373,
376, 401, N13, N14, N19, N33, N34
L’ESTOILE, Pierre de (époux d’Anne de Baillon) N3, N47
L’ÉTOILE, Madame de (autrice de « Cantique de Moïse », 1770, et « Le Réveil d’Abel », 1771)
771
L’HÉRITIER DE VILLANDON, Marie-Jeanne (nièce de Charles Perrault) 494, 501, 555-556,
568, 588, 609-610, 618, 623-624, 640-641, 652, 769, N3, N9, N11, N13,
N42, N43

L’HOSPITAL, Louise de (fille d’Anne de la Châtre et François de L’Hospital, seigneur de Vitry ;


e
2 épouse de Jean de Simiers [Seymer], maître de la garde-robe du duc d’Alençon) 336
L’HOSPITAL, Michel de 313

LABARRE, Albert 272, N5


LABÉ, Louise Charly, dite Louise 119, 129, 284, 314, 329, 338, 341, 345, 352,
354, 366, 371, 374, 376, 378, 380, 393, 400-401, 416, 418, 423-424, 430,
693, N12, N81, N99, N100, N134, N141
LABÉ, Pierre Charly, dit Pierre (père de Louise Labé) 313-314

LABORAS DE MÉZIÈRES, Marie-Jeanne (épouse de François Riccoboni) 722, 751, 766,


768, 774, 803-804, 806, 834, 843, 850, 852, 854, 870-872, 874, 880, 882-
883, N*4, N4, N14, N38, N63, N70, N71, N72, N72, N73, N87, N88,
N89, N90
LA BORDERIE, Bertrand de 308
LA BORIE, François Arnault de 308-309
LA CALPRENÈDE, Gautier de Coste de 857
LA CHARITÉ, Claude N19, N21, N31, N111, N150
LA CHASTRE, Jeanne de : voir Saint-Mort, Jeanne de
LA CHAUSSIE, dame de 102
LA CONDAMINE, Charles Marie de 760
LA COSTE, Jean et Nicolas de (imprimeurs parisiens) 695
LA CROIX DU MAINE, François Grudé de 337, 353, 368, 424
LAFAYETTE, Madame de : voir Pioche de La Vergne, Marie-Madeleine
LAFAYETTE, Armand Renaud de (fils cadet de Marie-Madeleine Pioche de La Vergne et
François Motier de Lafayette) 570, 583, N5

LAFAYETTE, François Motier, comte de Lafayette (époux de Marie-Madeleine Pioche de La


Vergne) 569-570, 581, 583-584, N5
LAFAYETTE, Louis de (fils aîné de Marie-Madeleine Pioche de La Vergne et François Motier
de Lafayette) 570, 582-583
LA FITE, Jean-Daniel de (époux de Marie-Élisabeth Bouée) N80
LA FITE, Marie-Élisabeth de : voir Bouée, Marie-Élisabeth
LA FONTAINE, Jean de N58
LA FONT, Jeanne de (épouse de Jacques Thiboust) 337, 354, N26
LA FORCE, Charlotte-Rose de Caumont de (épouse de Charles de Brion) 613, 628-629,
631-635, 756, N9, N26, N34

LA GORCE, marquise de 771


LAGRANGE-CHANCEL, François Joseph de 641
LA GUETTE, Catherine de : voir Meurdrac, Catherine

LA HARPE, Jean-François de 854-856, N37


LA HAYE, Marie de 334, 421, N7
LAILLET, Catherine 334, 420

LAIRE, Urbane de, dame du Chesne 338


LAISSE, Madame de 828-829, N63, N80, N81
LA JESSÉE, Jean de 366, 421
LALIVE DE BELLEGARDE, Élisabeth Sophie Françoise (épouse de Claude Constant d’Houdetot)
756
LA LOUPTIÈRE, Jean-Charles de Relongue de 879

LAMARCHE-COURMONT, Ignace Hugary de 864


LAMBERT, Anne-Thérèse de : voir Marguenat de Courcelles, Anne-Thérèse de

LAMBERT, Marie-Thérèse de (fille d’Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles et Henri de


Lambert) 740, 850, N26
LAMBERT, Michel 691
LA MEILLERAYE, Charles de La Porte, duc de, maréchal de France (époux de Marie de Cossé-
Brissac) 506

LA MEILLERAYE, maréchale de : voir Cossé-Brissac, Marie de


LA MONTAGNE, Pierre de 798-799

LA MOTTE-MESSEMÉ, François de : voir Le Poulchre, François


LA MOYSSIE, Catherine de 334, 336, 343

LANDO, Ortensio 378


LANDRÉ, Christophe 421
LANSON, Gustave 113

Lanval (in Lai de Lanval de Marie de France) 80


LA PLACE, Pierre-Antoine de 798

LA PORTE, Joseph de 832, 855, 858-859, 861, 867, 873, N39, N52, N63, N74,
N88
LA PORTE, Sibille de (imprimeuse lyonnaise) 330, 377
LA PUJADE, Antoine de 336, 338, 343, 421, 430, N9

LARNAC, Jean 48, N*6, N53


LA ROCHE ET DE BAUME, Perrine de 95-96, 186

LA ROCHEFOUCAULD, François de 494-495, 589, N4, N14, N77


LA ROCHEFOUCAUT, Françoise de, dame de Barbezieux (épouse de Claude d’Epinay-Duretal)
331, 333, 402
LA ROCHE-GUILHEN ou LA ROCHE-GUILHEM, Anne de (petite-nièce de Jean-Armand Lacoste,
dit Saint-Amand) 572, 628-629, 693, 695-697, 701, 705

LARSEN, Anne R. N17, N39, N51, N64, N65


LA SABLIÈRE, Marguerite de : voir Hessein, Marguerite

LA SALLE, Adrien-Nicolas 798


LA SUZE, comtesse de : voir Coligny, Henriette de
LA TAILLE, Jean de 305

LATHUILLÈRE, Roger 488, 547, N24


LA TOUR LANDRY, Anne de (fille de Geoffroi de La Tour Landry ; épouse de Jean de
Rochechouart) 37, 63, 158

LA TOUR LANDRY, Geoffroi de 37, 63


LA TOUR LANDRY, Jeanne de (fille de Geoffroi de La Tour Landry ; épouse de Louis de
Rochechouart) 37, 63, 158
LAUGEOIS, Étienne, sieur de La Vannière (époux d’Angélique Robineau) 548, N26

LAURE DE NOVES 293


LAURENT, Françoise 77

LAUTIER, Anne de 337


LAVAL, Antoine Mathé de 331, 421

LAVAL, Charlotte de (épouse de Gaspard II de Coligny) 334, 384, N4


LAVAL, Jeanne de, dame de Sennetaire [Senneterre] 305
LAVISSE, Ernest 112

LAVOISIER, Antoine-Laurent de 797


Lazare 126, N26

LEBRUN, Denise 824


LE CARON, Louis 293, 335, 369, 373, 376-377, 413, 421
LE CLERC, Alix 321

LECOUVREUR, Adrienne Couvreur, dite Adrienne 756


LE FÈVRE, Anne (fille de Tanneguy Le Fèvre ; épouse d’André Dacier) 641-648, 652, 722,
735, 751, 776, 788, 790-792, N17
LE FÈVRE, Tanneguy 641, 643, 645
LEFÈVRE, Theodore (sous le pseudonyme de Madame Doudet) 143

LEFÈVRE D’ÉTAPLES, Jacques 312


LE FÈVRE DE FONTENAY, Hardouin 647

LE FÈVRE DE LA BODERIE, Guy 292


LE GENDRE, Marie, dame de Rivery 329, 345, 353, 366, 375, 398, 401, N19, N34,
N94
LEGGE, Mary Dominica 92, N20

LEGRAND, Charlotte (épouse d’Henri Pitel de Longchamp) 693-696, 701


LEGROING-LA MAISONNEUVE, Françoise-Thérèse-Antoinette 760
LEIBNIZ, Gottfried Wilhelm 734, 793, 796, 869
LE JUMEL DE BARNEVILLE, Marie-Catherine (épouse de François de La Motte, baron
d’Aulnoy) 605, 608-609, 611-613, 624-629, 631-632, 635, 638, 652, 756,
N2, N6, N12, N15, N34, N58
LE MASSON LE GOLFT, Marie 769-770

LE MOYNE, Pierre 508-510, 515, 600, N10


LENCLOS, Anne Lenclos, dite Ninon de 594, 831-832, 894, N87, N115

Lenclos, Ninon de (in Le Dépositaire de Voltaire) 831


Lenclos, Ninon de (in Mirabeau aux Champs Élysées d’Olympe de Gouges) 832

Lenclos, Ninon de (in Molière chez Ninon ou le Siècle des grands hommes d’Olympe de
Gouges) 831
LENGLET DU FRESNOY, Nicolas 821, 849-851, 857, N18, N19
LENNOX, Charlotte 798

LE NOBLE, Eustache 629


LENOIR, Michel (imprimeur) 137

LE NÔTRE, André 648


LENVEGE, Mondina de 428
LÉON L’HÉBREU, Juda Abravanel, dit 312

Léonore (in « Marmoisan, nouvelle héroïque » de Marie-Jeanne L’Héritier) 610, 618


er
LÉOPOLD I , grand-duc de Toscane 780
LEPAGE, Anne-Marie (épouse de Pierre-Joseph Fiquet Du Bocage) 722, 760, 765, 770,
773, 776, 789, 801-802, 814, 824-825, 829, 842, 859, 869, 880, N1, N34,
N35, N61, N73
LEPELETIER DE SAINT-FARGEAU, Louis Michel 753
LE POULCHRE, François, seigneur de La Motte-Messemé 328, 338, 366, 368, 424, N34
LEPRINCE, Jeanne-Marie (épouse d’Antoine Grimard de Beaumont) 722, 736, 742, 748,
751, 773, 784, 852, 865-870, 880, 882, N29, N59, N60, N64, N67, N86,
N86

LEROUX DE LINCY, Antoine 47


LEROUX, Gaston 107
LESAGE, Alain-René 851

LESLIE, John (auteur de De Illustrium foeminarum in repub. administranda ac ferendis legibus


authoritate libellus) 421
LESNAUDERIE, Pierre de 160, N3, N17
LESPINASSE, Julie Jeanne Éléonore de (nièce illégitime de Madame du Deffand) 756, 758-
759, 843
LE TONNELIER DE BRETEUIL, Gabrielle Émilie (épouse de Florent Claude du Châtelet ; mère de
Françoise-Gabrielle Pauline [1726-1754] et Louis-Marie Florent [1727-1793]) 722,
727, 732-734, 738, 767, 769, 776, 789-790, 793-797, 824, 859, 869, 877,
N13, N15, N16, N18, N19, N19, N21, N23, N73, N75, N77
LEUNTIUM [Léonce, Leuntion] (philosophe) 128
LEVACHER DE VALINCOURT, Madame (autrice des Élans du coeur et de la raison, ou Justice
rendue à la Reine, 1789) 887
LE VASSEUR, Marie Thérèse (compagne de Rousseau) 886

LEVESQUE, Louise : voir Cavelier, Louise


LHOSTE, Denise 334

Lidoire (in Le Roman de Perceforest) 40


LIÉBAUT, Nicole : voir Estienne, Nicole
LIGNEROLLES, Madame de : voir Cabriane de La Guyonnière, Louise

LIGNIVILLE D’AUTRICOURT, Anne-Catherine de (nièce de Françoise de Graffigny ; épouse de


Claude Adrien Helvétius) 767
LINAIGE, comtesse de (sœur de Maheut de Commercy) 103

Linos 416
LINTOT, Catherine de : voir Caillot, Catherine
LISTON, Sir Robert 766
L.L.L. [Louïse Labé Lionnoize] : voir Labé, Louise

LOCKE, John 750, 795


LOMBARDA (trobairitz) 69, 71

LONGCHAMP, Charlotte de : voir Legrand, Charlotte


LONGUEVILLE, duchesse de : voir Bourbon-Condé, Anne-Geneviève de
LONGUEVILLE, Henri II d’Orléans, duc de (époux de Louise de Bourbon puis d’Anne-
Geneviève de Bourbon-Condé) 511
LONGUEVILLE, Marie d’Orléans-, duchesse de Nemours (fille de Louise de Bourbon et Henri II
d’Orléans, duc de Longueville ; épouse d’Henri II de Savoie, duc de Nemours ; belle-fille
de la duchesse de Longueville) 513, 535, 692
re
LONGWY, Jacqueline de, duchesse de Montpensier (1 épouse de Louis III de Bourbon-
Vendôme, duc de Montpensier) 426

LORET, Jean 692, N16


LORRAINE, Catherine de, duchesse de Montpensier (fille d’Anne d’Este et François de
e e
Lorraine, 2 duc de Guise ; 2 épouse de Louis III de Bourbon-Vendôme, duc de
Montpensier) 321-322
e
LORRAINE, Charles de (1524-1574), 2 cardinal de Lorraine 377, 431
LORRAINE, Charles IV de Vaudémont, duc de 504

LORRAINE, Henri de, duc de Bar (époux de Catherine de Bourbon) 409


LORRAINE-VAUDÉMONT, Marguerite de, duchesse de Joyeuse (sœur de Louise de Lorraine-
Vaudémont ; épouse d’Anne de Joyeuse) 376
LORYOT, François 366, 370, N38

LOUGEE, Carolyn 488, 547, 633, N7, N25, N28, N41


LOUIS DE BEAUVAU 76, 158, N7
LOUIS D’ESTE, cardinal d’Este, évêque de Ferrare (fils de Renée de Ferrare et Ercole d’Este)
313
LOUIS DE FRANCE, duc de Guyenne, Dauphin (fils d’Isabeau de Bavière et Charles VI ; époux
de Marguerite de Bourgogne) 65, 136
LOUIS DE FRANCE (le Grand Dauphin, fils de Louis XIV) 692

LOUIS D’ORLÉANS (frère de Charles VI) 53


LOUIS VII (époux d’Aliénor d’Aquitaine, puis d’Alix de Champagne) 55-57, 74
LOUISE DE LORRAINE-VAUDÉMONT, reine de France (épouse d’Henri III) 328, 376
LOUISE DE SAVOIE, duchesse d’Angoulême, régente de France (fille de Marguerite de Bourbon
et Philippe de Savoie ; épouse de Charles de Valois, duc d’Angoulême ; mère de
er
Marguerite et François d’Angoulême [Marguerite de Navarre et François I ]) 148, 277-
278, 281, 283, 288, 290, 292, 295, 301, 308, 326, 335, 358, 384, N15,
N28, N36, N40
LOUISE-ULRIQUE, reine de Suède (sœur de Frédéric II ; épouse d’Adolphe-Frédéric de Suède)
780
LOUIS IX (saint Louis) 60-63, 86, 94, 157, 166, 266, 289, 322, N*1
re
LOUIS X, dit le Hutin (fils aîné de Jeanne I de Navarre et Philippe IV) 62, 154, 242, N*2
LOUIS XI (fils de Marie d’Anjou et Charles VII) 105-106, 109, 156, 276

LOUIS XIII 222, 506-507


LOUIS XII [Louis d’Orléans] (époux d’Anne de Bretagne) 148, 233, 277, 301, 321,
N13
LOUIS XIV 177, 298, 485, 493, 511-513, 522-523, 535, 554, 558-559, 562, 568,
590, 595-598, 608, 615, 621, 633, 636, 641, 643, 647-649, 691-694, 699,
703, 772, N15

LOUIS XV 300, 861


LOUIS XVI 892, N53, N112

LOUIS-PHILIPPE : voir Orléans, Louis-Philippe d’, duc de Chartres


LOUVAIN, Françoise de (imprimeuse parisienne ; épouse d’Abel L’Angelier) N6
LOUVAIN, Guillamette de (épouse de Jean du Barry, seigneur de La Renaudie) 334, 384,
N4

LOYNES, Antoinette de (épouse de Jean de Morel ; mère de Camille, Lucrèce, Diane, Fédéric)
313, 331, 342, 368, 372, 381, 421, 425
L.S.D.L.L. (auteur de La Femme généreuse) 507, N8

Lubantine (in « La reine des fées » de Catherine Durand) 614


LUBERT, Marie-Madeleine de 853, N31
Lucrèce 391, 645
LUCRÈCE BORGIA 311
LUCRÈCE D’ESTE (fille de Renée de Ferrare et Ercole d’Este ; épouse de François Marie II
della Rovere, duc d’Urbino) 283, 313

LUC (saint) N26, N33


LULLY, Jean-Baptiste (Giambattista Lulli) 699
LUSSAN, Marguerite de 853

LUTHER, Martin 315-316, 318


LUXEMBOURG, maréchale de : voir Neufville de Villeroy, Marie Madeleine Angélique de

LUYNES, Guillaume de (libraire parisien) 541, 695, N11


LYTTELTON, George 797
MACLEAN, Ian 488, N1, N3, N16

MACROBE 25
Magdelon (in Les Précieuses ridicules de Molière) 542

MAGNY, Olivier de 293, 334, 421


MAHAUT D’ARTOIS, comtesse de Bourgogne (fille de Robert II d’Artois ; épouse d’Othon IV
de Bourgogne ; belle-mère de Philippe V et Charles IV) 155-156
MAHIEU LE POIRIER 157

MAILLÉ, Claire-Clémence de (épouse de Louis II de Bourbon, prince de Condé) 511


MAILLY, Louis de (filleul de Louis XIV) 612-613, 629, 651

MAINE, duchesse du : voir Bourbon, Anne Louise Bénédicte de


MAINTENON, Françoise de : voir Aubigné, Françoise d’

MAISONNEUVE, Catherine Michelle de 775, 777


MALEBRANCHE, Nicolas 876
MALESHERBES, Guillaume Chrétien de Lamoignon de 859, 896

MALLESSEC, Catherine de 331, 373, 402


MANCINI, Hortense, duchesse de Mazarin 705

MANCINI, Marie-Anne, duchesse de Bouillon (épouse de Maurice Godefroy de La Tour


d’Auvergne) 694
Mandane (in Artamène, ou le Grand Cyrus) 521, 524
MANDEVILLE, Bernard 794-795
Manlius (in Manlius de Marie-Catherine Desjardins) 699
MANSENCAL, Jeanne et Catherine de (filles de Gabrielle de Coignard et Pierre de Mansencal)
330, 342, 376, 384

MARANS, Henriette de : voir Edme des Rouaudières, Henriette Marie


Marc et Marcellin (in Les Jumeaux martyrs de Madame de Saint-Balmon) 698
MARC AURÈLE N55

MARCHANT DE SAINT-MICHEL, Elizabeth (épouse de Samuel Pepys) 529


MARCIA (peintre romaine) 126

MARCONVILLE, Jean de, seigneur de Montgoubert 257


Margarida (suivante de Flamenca in Flamenca) 67
MARGERY KEMPE 149-150, 186
MARGUENAT DE COURCELLES, Anne Thérèse de (épouse d’Henri de Lambert, marquis de
Saint-Bris ; mère de Marie-Thérèse de Lambert) 722, 730, 736-737, 739-740, 748,
751-752, 756, 791-792, 850, 854, 858, N11, N26
MARGUERITE D’AUTRICHE [Marguerite de Habsbourg] (gouvernante des Pays-Bas ; tante de
Charles Quint) 278, 283, 290, 310, 326, 347

MARGUERITE D’AUTRICHE [Marguerite de Parme] (gouvernante des Pays-Bas ; demi-sœur de


Philippe II d’Espagne) 326, 328, 858
er
MARGUERITE D’ÉCOSSE (fille de Jacques I Stuart ; épouse de Louis XI) 105-108, 186
MARGUERITE D’OINGT (prieure de la Chartreuse de Poleteins) 95-96, 98, 100, 109, 148-
149, 151, 185, N*1
MARGUERITE D’ORLÉANS (mère de Marie de Bretagne) 158
er
MARGUERITE DE BAVIÈRE (1363-1424), duchesse de Bourgogne (épouse de Jean I de
Bourgogne, dit sans Peur ; mère de Philippe III de Bourgogne, dit le Bon) 155, N4
er
MARGUERITE DE BOURGOGNE [1393-1442] (fille de Jean I de Bourgogne ; épouse du
Dauphin Louis de Guyenne) 65, 136
MARGUERITE DE CHAUVIGNY (scribe) 52

MARGUERITE DE NAVARRE [Marguerite d’Alençon, Marguerite d’Angoulême, Marguerite de


Valois] (fille de Louise de Savoie et Charles d’Orléans, comte d’Angoulême ; sœur de
er
François I ; épouse de Charles IV de Valois, duc d’Alençon, puis d’Henri II d’Albret ;
mère de Jeanne d’Albret) 63, 101, 119, 151, 177, 249, 268, 278, 281, 283,
289-292, 295-296, 298, 301-302, 307-308, 310-311, 315-316, 326-328, 330,
334, 340, 343-344, 346-348, 351-352, 357-358, 362, 370, 374-375, 381-382,
384-386, 388-389, 392, 394-396, 402-407, 410, 420-421, 434, 557, 693,
858, 866, N*9, N24, N29, N31, N37, N40, N41, N46, N103, N112
MARGUERITE DE PROVENCE, reine de France (fille de Béatrice de Savoie et Raymond-Bérenger
IV de Provence ; épouse de saint Louis IX) 63, 858

MARGUERITE DE ROHAN, comtesse d’Angoulême (fille de Marguerite de Bretagne et Alain IX


de Rohan ; épouse de Jean d’Orléans, comte d’Angoulême ; belle-sœur de Marie de
Clèves) 105
MARGUERITE DE SALIGNAC (dame d’honneur de Marguerite d’Écosse) 106

MARGUERITE DE SAVOIE [Marguerite de France, Marguerite de Valois] (fille de Claude de


er er
France et François I ; épouse Emmanuel-Philibert I , duc de Savoie, en 1559 ; peti
289, 293, 296, 302, 308, 311, 858
MARGUERITE DE SENS 53

MARGUERITE DE VALOIS [Marguerite de France] (fille de Catherine de Médicis et Henri II,


petite-nièce de Marguerite de Navarre ; épouse d’Henri de Navarre) 279, 285, 287,
291, 293, 298, 303-304, 328, 337, 349, 351, 360, 366, 370, 373, 375,
379-380, 382, 387, 392, 399, 412-414, 416, 496, 858, N*9, N21, N22,
N23, N31, N32, N35, N44, N59, N126, N133
MARGUERITE PORETE (béguine) 42, 99-102, 133, 151, 170, 179-180, 185, N30

Mariane (in Lettres portugaises, traduites en français) 566


Marianne (in La Vie de Marianne de Marivaux) 602
MARIE (sainte) 23, 31, 39-40, 52, 59, 62, 134-135, 174, 295, 320, 323, 340,
363, 410

Marie de Béthanie N26


Marie de Magdala N26

MARIE-MADELEINE (sainte) 52, 126, 289


MARIE (abbesse de Barking, sœur cadette de Thomas Becket) 77, 94
MARIE-ADÉLAÏDE DE FRANCE (fille de Marie Leczinska et Louis XV) 769

MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE (1685-1712), princesse de Savoie, duchesse de Bourgogne,


Dauphine (épouse de Louis de France, duc de Bourgogne, Dauphin ; mère de Louis de
France, duc d’Anjou, futur Louis XV) 741
MARIE-ANTOINETTE, reine de France 738, 778, 780, 887, 889

MARIE D’ANJOU, reine de France (fille de Louis II d’Anjou ; épouse de Charles VII ; mère de
Louis XI) 106, 108
MARIE D’ARAGON : voir Marie de Montpellier
er
MARIE DE BERRY (fille de Jean I , duc de Berry) 63, 65, 154, 156, N3
MARIE DE BOURGOGNE (fille d’Isabelle de Bourbon et Charles le Téméraire, héritière du duché
de Bourgogne) 108-109, N12
e
MARIE DE BRABANT, reine de France (fille d’Henri III, duc de Brabant ; 2 épouse de Philippe
III le Hardi) 59-61, 86, 89, 157
MARIE DE BRETAGNE (fille de Marguerite d’Orléans et Richard de Montfort ; abbesse de
Fontevraud) 155, 158-159, N5
MARIE DE CHAMPAGNE : voir Marie de France, comtesse de Champagne
e er
MARIE DE CLÈVES, duchesse d’Orléans (3 épouse de Charles I , duc d’Orléans ; « madame
d’Orléans ») 62, 104-105, 157-158, 186
MARIE Stuart, reine de France puis d’Écosse (épouse de François II) 263, 297, 328, 346,
364, 426

MARIE DE FRANCE (poétesse) 38, 43, 48-50, 59-60, 66, 76-90, 92, 109, 131, 151,
160-162, 175, 177, 180, 183, N9
MARIE DE FRANCE, comtesse de Champagne et de Brie (fille aînée d’Aliénor d’Aquitaine et
er er
Louis VII ; demi-sœur de Richard I d’Angleterre dit Cœur de Lion ; épouse d’Henri I
le Libéral, comte de Champagne et de Brie) 54, 57-59, 74

MARIE DE HONGRIE 290


Marie de l’Incarnation : voir Acarie, Barbe
MARIE DE MÉDICIS, reine et régente de 1610 à 1614 249, 363, 375, 382, 391, N9,
N17, N97

MARIE DE MONTPELLIER [MARIE D’ARAGON] (fille d’Eudoxie Comnène et Guilhem VIII de


Montpellier ; épouse de Pierre II d’Aragon) 75
MARIE DE PORTUGAL, princesse de Parme et duchesse de Plaisance (épouse d’Alexandre
Farnese) 328, 363, 411

MARIE ROBINE (dite Marie d’Avignon) 174, 186


MARIE-THÉRÈSE d’Autriche, reine de France 557-559, N15
MARIVAUX, Pierre Carlet de Chamblain de 602, 740, 756, 760, 774, 806, 818, 825,
835

MARMONTEL, Jean-François 756, 761, N*3


MAROIE DE DIERGNAU 102, 177, 185

MAROT, Clément 171, 177, 307, 420, 422-423


MAROT, Jean (père de Clément) 292, 307, 316, 327, 372, N*1

MARQUETS, Anne de 329, 341, 364, 369, 371, 374-377, 409, 421, 430, N15,
N116
MARRON, Madame de : voir Carrelet de Loisy, Marie-Anne
MARSILE FICIN 291, 311, 352

Marthe 126, N26


MARTIAL D’AUVERGNE 32
MARTIN LE FRANC 30-31, 46, 76, 107, 119, 170, 275, 307, N*2, N11, N11, N50

MARTIN, Daniel N1, N138


MARTIN, Jean 311, N4, N5, N14, N15

MASSON, Catherine N24


MATHEOLUS 27, 137
er
MATHILDE D’ANGLETERRE [Mahalt, Maud] (épouse d’Henri I Beauclair, roi d’Angleterre)
54
MATHON DE LA COUR, Charles-Joseph 777-778
MATRAINI, Chiara 430

MATTHIEU (saint) 134


MATTHIEU DE VENDÔME 140

MATTHIEU, Pierre 287, N24


MAULDE LA CLAVIÈRE, René de 222
MAUPEOU, René Nicolas Charles Augustin de (1714-1792) 778

MAUPERTUIS, Pierre Louis Moreau de 756, 794


Mausole (époux d’Artémise II d’Halicarnasse) 289

MAYON, Marie-Émilie (épouse de Charles Cuvelier-Grandin de Montanclos) 775, 779,


829, N97, N98
MAZARELLI, Claire-Marie (épouse de Charles-Louis de La Vieuville, marquis de Saint-
Chamond) 769
MAZARIN, Jules (Giulio Raimondo Mazzarino) 511, 522-523, 554
MCCASH, June Hall 77, N9, N25
MCCRACKEN, Peggy 77, N12

M.D. : voir Dentière, Marie


M.D.C. : voir Cotteblanche, Marie de
M.D.L. : voir Romieu, Marie de

M.D.R. Poetevine : voir Des Roches, dames


MECHTILD ou MATHILDE DE MAGDEBURG (béguine) 99, 184
Médée 43, 384, 391, 501
Médée (in Héroïdes d’Ovide) 288, 384, 501
MÉDICIS, famille 490

MÉDICIS, Julien de 292


MÉHEUST, Madame 853

MEISTER, Jacques-Henri 780


MELANIA la Jeune (sainte) 388
Mélibée (in Le Livre de Mélibée et Prudence de Renaut de Louhans) 153

MELUN, Prégente de (dame d’honneur de Marguerite d’Écosse) 106


MÉNAGE, Gilles 537, 573, 581-582, 589, 647, N1, N10, N19

MENDELSSOHN, Moses 895


Menéze, dom Francisco Gonsales de (in Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière de
Madame de Villedieu) 602-603
MENTZER, Raymond A. 319, N56

MERCIER, Louis-Sébastien 764, 780, 827


Mercure 345, 355, 400, 416, 423, 858

Mercure (in Dialogue des héros de roman de Boileau) 645


Mère l’Oye 625, 637

Merteuil, marquise de (in Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos) 810-811,
856, 871
MESSIE, Pero Mexia ou Mejía, en fr. Pierre de 363, N39
MEURDRAC, Catherine (épouse de Jean Mariot de La Guette) 506-507, N7

MÉZIÈRES, Marie-Françoise dite Marie-Claudine de (épouse de Pierre César Du Crest, marquis


de Saint-Aubin ; mère de Stéphanie Félicité de Genlis) 774, 809-811, N51
MICHEL, Francisque 47

MIDDLETON, Alice (belle-fille de Thomas More, fille d’Alice Harpur et John Middleton) 313
Milady (in Lettres de Milady Juliette Catesby de Marie-Jeanne Riccoboni) 873
MILLAR, John 782

MILTON, John 760, 789, 801, 803, 869


Milun (in Lai de Milun de Marie de France) 82

Minerve 107, 129, 302


MINUT, Charlotte de (abbesse) 330, 350, 375, 380, 409, 412, 415, N58, N117,
N124, N131
MINUT, Gabriel de (frère de Charlotte) 330, 350, 375, 409, 415, N124

MIRABEAU, Honoré Gabriel Riqueti, comte 753-754, 764, 891, N45


MIREMONT, Madame de : voir Aubourg de la Bove, Anne d’

MIREMONT, Jacqueline de 329, 350, 375, 382, 388, 391, 397-398, N*14, N72,
N88, N93
Mirza (in L’Esclavage des Noirs d’Olympe de Gouges) 838
Mirza (in Lettres persanes de Montesquieu) 838
Mirza (in Mirza ou Lettre d’un voyageur de Germaine de Staël) 838
Mirza (amante de Zamore ; in Zamore et Mirza d’Olympe de Gouges) 838

Misogyne, André (auteur de La Louenge des femmes en 1551) 257


M.L.D.D.N. : voir Orléans-Longueville, Marie d’
M.L.G. : voir Le Gendre, Marie

Moiro 419
MOLIÈRE, Jean-Baptiste Poquelin, dit 259, 540-544, 546, 554, 640, 642, 697, 699,
701, 705, 766, 792, 818, 831, 833, 843, N21, N32, N58

MONNET, citoyenne (autrice des Montagnards) : voir Moreau, Marie


MONOD, Gaspard Joël 798

MONRO, Alexander 797


MONTAGU, Mary Wortley : voir Pierrepont, Mary
MONTAIGNE, Michel Eyquem de 16, 258-261, 345-346, 357-358, 365, 377, 750, 794,
876, N*15, N27, N77

MONTANCLOS, Marie-Émilie de : voir Mayon, Marie-Émilie


MONTBRISON, Louis Bernard de 597, N18

MONTCORNET, Balthazar 506


MONTEFELTRO, Emilia Pia da 292
MONTÉGUT-SÉGLA, Jean-François de (fils de Jeanne de Ségla et François de Montégut) N*15

MONTÉGUT-SÉGLA, Jeanne de : voir Ségla, Jeanne de


MONTENAY, Georgette de 329, 341, 374-375, 380, 382, 408, N115
MONTESQUIEU, Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de 740, 756, 760, 769,
776, 832, 835, 838, 843, 851, 860-861, 876, N24
MONTESSON, Madame de : voir Béraud de La Haie de Riou, Charlotte-Jeanne

MONTFLEURY, Antoine de 691


MONTGEROULT, Anne-Marie Gaultier de (fille de Guillaume René Gaultier de Montgeroult,
sire de Coutance ; épouse de Pierre Balaguier de Beaufort puis de Charles-Benjamin
d’Hautpoul) 886

MONTGOMMERY, comtesse de (dédicataire d’Apologie pour les dames de Miremont) : voir


Bouquetot, Suzanne de
MONTOLIEU, Isabelle de : voir Polier de Bottens, Jeanne Pauline Isabelle
MONTPENSIER, famille de 322

MONTPENSIER, Anne Marie Louise d’Orléans, duchesse de (la Grande Mademoiselle ; fille de
Marie de Bourbon, princesse de Dombes, et Gaston d’Orléans ; cousine germaine de
Louis XIV) 375, 504, 511, 513, 523, 535, 557, 559-563, 569, 571-572, 575,
590-591, 594, N5, N6, N9
MONTPENSIER, Charles III de (époux de Suzanne de Bourbon) 361, 394

MONTPENSIER, duchesse de (1585-1656) : voir Joyeuse, Catherine Henriette de


MONTPENSIER, duchesse de (v. 1520-1561) : voir Longwy, Jacqueline de
MONTPENSIER, duchesse de (1552-1596) : voir Lorraine, Catherine de

MORATA, Olympia Fulvia 313, N51


MORATO, Fulvio Pellegrino (professeur des enfants de Renée de Ferrare et Ercole d’Este)
313, N51

MORAWSKI, Joseph N10


e
MORE, Alice [Alice Middleton, née Harpur] (2 femme de Thomas More) 313

MORE, Anne [née Cresacre] (épouse de John, fils de Thomas More) 313
MOREAU, Marie (épouse Monnet) 830
e
MORE, Cecily [3 fille de Jane Colt et Thomas More] 313
e
MORE, Elizabeth [2 fille de Jane Colt et Thomas More] 313
re
MORE, Jane [née Colt] (1 épouse de Thomas More) 313
MOREL, Antoinette de : voir Loynes, Antoinette de
MOREL, Camille de (fille d’Antoinette de Loynes et Jean de Morel) 313, 330-331, 337,
342, 366, 372, 384, 392, 399-400, 421, 425, N16, N98
MOREL, Diane de (fille d’Antoinette de Loynes et Jean de Morel) 313, 337, 425
MOREL, Fédéric (imprimeur-libraire, fils d’Antoinette de Loynes et Jean de Morel ; époux de
Jeanne de Vascosan, fille de Catherine Bade) 313, 425, N37

MOREL, Jean de (époux d’Antoinette de Loynes ; père de Camille, Lucrèce, Diane, Fédéric)
313, 330-331, 342, 369
MOREL, Lucrèce de (fille d’Antoinette de Loynes et Jean de Morel) 313, 331, 337, 425

MORE, Margaret [Margaret Roper] (1505-1544) (fille aînée de Jane Colt et Thomas More)
313
MORIN-DUMESNIL ou MORIN DU MESNIL, Anne-Louise (épouse de Jean-Baptiste Jacques Élie
de Beaumont) 722, 733, 740-741, 750, 806-807, 854, 856, N10
MORNAY, Charlotte de : voir Arbaleste, Charlotte

MORNAY, Françoise de (épouse de Gaspar de Saillans) 331, 378-379


MORNAY, Philippe de, seigneur du Plessis (gouverneur de Saumur ; époux de Charlotte
Arbaleste) 359
MORTIMER, Thomas 805
MOSELEY, Humphrey 553, N15
Mother Bunch 625

MOTTEVILLE, Françoise de : voir Bertaut, Françoise


MOUCHARD DE CHABAN, Marie Anne Françoise dite Fanny (épouse de Claude de Beauharnais,
oncle d’Alexandre de Beauharnais) 722, 732-733, 764, 807, 829, 883, N11,
N43, N82, N91
MOURET, Madame (Annales de l’Éducation du Sexe, ou Journal des Demoiselles, 1790) 784-
785
MOZART, Wolfgang Amadeus 824

MÜLLER, Catherine 340, N11, N26


MURAT, comtesse de : voir Castelnau, Henriette Julie de
MURET, Marc-Antoine 418

Musée 416
Muses 309, 313, 373, 410, 419, 425, 516, 616, N136

Myrô 419
Myrtis 419
Narcisse 171, 173
Narsam : voir Marans, Henriette de
NECKER, Anne Louise Germaine (épouse d’Erik Magnus de Staël-Holstein) 16, 722, 733,
742, 761-763, 765, 784-785, 835, 837-841, 843, 846-848, 851, 885-887,
N*10, N10, N11, N16, N61, N66, N97, N98, N108, N109, N110, N112

NECKER, Jacques (époux de Suzanne Curchod ; père de Germaine de Staël) 761-762, 765,
782, 838, 842, 891, N56, N63
NECKER, Suzanne : voir Curchod, Suzanne

NEGRI, Angelica Paola Antonia de’ 362-363


NEMOURS, duchesse de (1531-1607) : voir Anne d’Este
NEMOURS, duchesse de (1625-1707) : voir Orléans-Longueville, Marie d’

Nemours, Monsieur de (in La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette) 589


NESSON, Jammette de (poète) 107-108, 187

NESSON, Pierre de 107


NEUFVILLE, Catherine de, dame de Fresnes (épouse de Jacques ou Jacquemart de Lille,
seigneur de Fresne) 64
NEUVILLE DE VILLEROY, Catherine de (fille de Madeleine de Blanchefort de Créquy et Nicolas
V de Neuville de Villeroy) 695, 708

NEUVILLE DE VILLEROY, Françoise de (fille de Madeleine de Blanchefort de Créquy et Nicolas


V de Neuville de Villeroy) 695
NEUFVILLE DE VILLEROY, Marie Madeleine Angélique de (épouse de Joseph Marie de
Boufflers et de Charles François Frédéric de Montmorency-Luxembourg, maréchal de
France) 756

NEUVILLE ou NEUFVILLE, Nicolas IV de, marquis de Villeroy (secrétaire d’État ; époux de


Madeleine de L’Aubépine) 284, 329
NEUVILLE DE VILLEROY, Nicolas V de (gouverneur du jeune Louis XIV) 696

NEVERS, duchesse de (1516-1559) : voir Bourbon-Vendôme, Marguerite de


NEVERS, duchesse de (1542-1601) : voir Clèves, Henriette de
NEVERS, duchesse de (1571-1601) : voir Gonzague, Henriette de

NEVEU, Madeleine (épouse d’André Fradonnet puis de François Eboissard, seigneur de la


Villée et sieur des Roches ; mère de Catherine Fradonnet) 314, 329, 342-343, 352,
366, 371-373, 376, 378, 381, 397, 422, N17, N53, N87
NEVIZAN, Jean 262

NEWTON, Isaac 734, 789, 793-796, 824, N16


NICOLAS DE GONESSE (traducteur de Valère Maxime) 127
NICOLAS, Simon, seigneur de Ruffey 426
NICOLE ORESME (évêque de Lisieux) 125

NICOLE, Pierre 796


Nicolette (in Aucassin et Nicolette) 34

Niobé 391
NIVELLE DE LA CHAUSSÉE, Pierre-Claude 767, N*3
NONNE DE BARKING (auteure de La Vie d’Edouard le Confesseur) 183

Nossis 419
NOSTRADAMUS, Michel de Nostredame, dit 73

NOSTREDAME, Jean de (procureur au Parlement de Provence ; frère de Michel) 73


NOVELLA D’ANDREA (fille du canoniste Giovanni d’Andrea [Jean André]) 129
Nymphes 375
OCTOVIEN [OCTAVIEN] DE SAINT-GELAIS (évêque d’Angoulême) 148, 310
Odette (Odette de Crécy, épouse de Charles Swann ; in Du côté de chez Swann de Proust)
554
OEDE (damoiselle) 103
Œnone 384
Œnone (in Héroïdes d’Ovide) 288, 384
OLIVIER, Jacques (pseudonyme du père jésuite Alexis Trousset) N97
Orithie (in Les Amazones d’Anne-Marie Du Bocage) 824

ORLÉANS, Louis-Philippe d’, duc de Chartres (fils de Louis Philippe d’Orléans [1747-1793] ;
futur Louis-Philippe) 751
ORMOY, Charlotte d’ : voir Chaumet, Charlotte

Orphée 410, 416


Orphée (in Missives de Catherine des Roches) 403

ORSINI, Fulvio 418


OSBORNE, Dorothy, Lady Temple 529
OTFRIED DE WISSEMBOURG 143

Othéa ou Othée (déesse de sapience ; in L’Epistre Othea de Christine de Pizan) 43-44, 144,
147, 163
OTON DE GRANDSON 164
er
OTTON I de Saxe 150
Ouranos 419
OURIKA 838
Ourika (in Mirza ou Lettre d’un voyageur de Germaine de Staël) 838
Ourika (in Ourika de Claire de Duras) N*7

OVIDE (Publius Ovidius Naso) 73, 89, 118, 122, 125, 137, 146-147, 163, 171,
288, 310-311, 336, 357, 384, 501-502, 526, 640, N*19, N14
Ovide (in Apothéose de mademoiselle de Scudéry de Marie-Jeanne L’Héritier) 556

PAINE, Thomas 764, 785


Palamon (in C’est le beau romant des deux amans Palamon et Arcita et de la belle et saige
Emilia… d’Anne de Graville) 354
PALISSOT DE MONTENOY, Charles 760, 782-783, 859, 873, N*8, N46, N76

Pallas 345
Pallas (in Le Livre de Leesce de Jean Le Fèvre) 30

PALM, Etta : voir Aelders van Nieuwenhuys, Etta


PANCKOUCKE, André Joseph 76, 777
Pancrace (in Le Procès des précieuses de Somaize) 543

Pantagruel (in Pantagruel de Rabelais) 225


Panurge (in Tiers Livre de Rabelais) 258-259

PAOLO DA CERTALDO 37
Paolo (in La Divine comédie de Dante [Paolo Malatesta]) 157

Pâris (in Héroïdes d’Ovide) 146, 288


Parlamente (in L’Heptaméron de Marguerite de Navarre) 386, 394, 405
PARTHENAY, Catherine de, duchesse de Rohan (épouse de René II de Rohan ; mère d’Anne de
Rohan-Soubise) 316, 328-329, 337, 349, 353, 384, 387, 404, 414, N67,
N129
PARTHENAY-LARCHEVÊQUE, Antoinette Bouchard d’Aubeterre, dame de (mère de Catherine de
Parthenay ; épouse de Jean V de Parthenay, sieur de Soubise) 334, 384
PASCAL, Blaise 496, 796, 876
PASCAL, Eugénie 231, N6, N29, N34, N38
PASCAL, Françoise 693-699, 703-704, 706, 708, N43
Pasithée (l’une des Charites ou Grâces) 285
« Pasithée » : voir Clermont, Claude-Catherine de
Pasithée (in Dialogue d’Iris et Pasithée de Catherine des Roches) 394
Pasithée (in Solitaire premier et Solitaire second de Pontus de Tyard) 284
PASQUIER, Étienne 422, 430
PAUL (saint) 31, 97, 388, 399
PAULE de Rome (sainte) 174, 388
PAUL III (Alessandro Farnese) 320, 363
Pauline (Pauline de Gercourt ; in Histoire de Pauline de Germaine de Staël) 839
P.D.B. (autrice du Triomphe des dames) 329, 350, 369, 375, 382, 392, 398, 412,
N92
PEIRE CARDENAL 70
PELLEGRIN, Simon-Joseph 820

PELLISSON, Paul 537


PENA, Isabelle (épouse de Marc Pioche de La Vergne puis de Renaud de Sévigné ; mère de
Marie Madeleine Pioche de La Vergne) 580-581, 584, N27
Pénélope 146, 384
Pénélope (in Héroïdes d’Ovide) 146, 288, 384
Penthésilée, reine des Amazones 433-434, 506

PEPYS, Elizabeth : voir Marchant de Saint-Michel, Elizabeth


PEPYS, Samuel 529

PERLA, Johana 428


Peronne (in Voir Dit de Guillaume de Machaut) 39, 147
PERONNE, Claude 337

PERONNET, Antoinette (imprimeuse lyonnaise ; veuve de Gabriel Cottier) 330, 377, 380
PERPETUA 181
PERRAULT, Charles 609, 611-613, 619, 632, 636-640, 643-644, N2, N12, N58
PERRIN D’ANGICOURT N*2, N2
PERRIN, Marguerite (épouse d’Étienne du Tronchet) 334

PÉTION, Jérôme 763, 892


PETIT, Anne-Marguerite (épouse de Guillaume Dunoyer ou Du Noyer) 568-569, 722, 772,
842, 857, N2
PÉTRARQUE, Francesco Petrarca, en fr. 129, 153, 222, 251, 292-293, 371-372, 416,
N*8, N*1
Phanor (in La Belle et la Bête de Félicité de Genlis) 868
Phaon (in Héroïdes d’Ovide) 146, 288, 501, 526
Phaon (in « Histoire de Sapho » de Scudéry 526
Pharamond, roi des Francs 266
Phèdre 384
Phèdre (in Héroïdes d’Ovide) 288, 384
er
PHILIPPA DE HAINAUT, reine d’Angleterre (fille de Guillaume I de Hainaut ; épouse
d’Édouard III d’Angleterre) 62
PHILIPPE DE MÉZIÈRES 46, 117, 153-154, N2, N8, N49
PHILIPPE DE NOVARRE 35-36, 90, N20

PHILIPPE DE THAON 54, N2


PHILIPPE DE VITRY 32
er er
PHILIPPE I D’AUTRICHE (fils de Marie de Bourgogne et Maximilien I du Saint-Empire ;
re
époux de Jeanne I de Castille) 109
PHILIPPE II DE BOURGOGNE, dit le Hardi 65, 104, 120, 322

PHILIPPE III, dit le Hardi (fils de Saint Louis, destinataire des Enseignements) 60, 63, 86,
89
re
PHILIPPE IV, dit le Bel (époux de Jeanne I de Navarre) 38, 61, 101, 249, N54
e
PHILIPPE V (2 fils de Philippe IV) 242
PHILIPPE VI de Valois 242
PHILIPPE MOUSKES 38, N29

PHILIPPE, Hostelye (fille de l’imprimeur Nicolas Philippe ; belle-fille de Jean Trechsel ;


épouse de Josse Bade) 273, 312
Philomena (in Philomena de Chrétien de Troyes) 124

PHLIPON, Jeanne-Marie dite Manon (épouse de Jean-Marie Roland de La Platière) 722, 735,
747, 763, 770, 886-887, 892, N36, N69, N105
PHLIPON, Pierre Gatien (père de Manon ; maître graveur du comte d’Artois) 735
Phyllis (Damon et Phyllis) 403
Phyllis (in Missives de Catherine des Roches) 403
PICCOLOMINI, Alessandro 362, N19, N31
PIERRE D’AMBOISE 158
PIERRE COL 36, 118, 125, 130, 172, N5

PIERRE DUBOIS 38
PIERRE FOURIER (saint ; curé de Mattaincourt) 321

PIERRE GRINGORE (auteur des Folles entreprises) 44


PIERRE LOMBARD (théologien) N*1
PIERRE LE MANGEUR 26

PIERRE MICHAUT (auteur de L’Avocat des dames ou le Procès d’honneur féminin) 307
PIERREPONT, Mary (épouse d’Edward Wortley, Lord Montagu) 760, 799

PIERRE DE REIMS ou DE VAUX (confesseur de sainte Colette) 95


PIERRE LE VÉNÉRABLE 35
PIERREVIVE, Marie-Catherine de, dame du Perron (épouse d’Antoine Gondi ; mère d’Albert de
Gondi) 281, 285
e
PIOCHE DE LA VERGNE, Éléonor Armande (2 fille d’Isabelle Pena et Marc Pioche de La
Vergne) 581, N27
e
PIOCHE DE LA VERGNE, Isabelle Louise (3 fille d’Isabelle Pena et Marc Pioche de La Vergne)
581, N27
PIOCHE DE LA VERGNE, Marc (père de Marie-Madeleine) 580-581, 583-584, 592, N27
PIOCHE DE LA VERGNE, Marie-Madeleine (fille d’Isabelle Pena et Marc Pioche de La Vergne ;
épouse de François Motier, comte de Lafayette ; mère de Louis et Armand Renaud de La
Fayette) 16, 355, 487-488, 500, 560-561, 569-573, 575-576, 578, 580-584,
586-594, 596, 598-599, 601, 605, 629, 637, 732, 854, N1, N2, N4, N5,
N7, N8, N10, N14, N16, N18, N27

PIRON, Alexis 767


Placide (in Dialogue de Placide et Sévère de Catherine des Roches) 394

PLANTIN, Christophe (imprimeur et typographe) 418-419


PLATON 127, 260, 291, 352, 416, 642, 843
PLAUTE 642

PLUTARQUE 284, 289, 310, 857, N27


Pluton 386, 390

Pluton (in Dialogue des héros de roman de Boileau) 551


POERSON, Charles 506
POISSON, Madeleine-Angélique (épouse de Gabriel de Gomez) 693-696, 703-704, 707,
722, 822-824, 827, 834, 853, 856-859, 874, 882, N43, N44, N61, N68,
N69
POITIERS, Diane de (épouse de Louis de Brézé) 281, 283, 300, 302, N36
POLIER DE BOTTENS, Jeanne Pauline Isabelle (épouse de Benjamin-Adolphe de Crousaz puis
de Louis de Montolieu) 883
Polyxène 107

POMPIGNAN, Jean-Jacques Lefranc, marquis de 812


PONTAYMERI, Alexandre de 309
POPE, Alexander 530, 801

PORCELET, Philippa (auteure de Vie de Douceline de Digne) 95-96, 99, 185, N25
PORÉE, Charles N21

POSTEL, Guillaume 311


POTSHOEK, François de (frère de Philippe de Villiers) 582, N3
POULLAIN DE LA BARRE, François 309, 729-730, 741, 889

PRADES, Sança Ximenis d’Arenós, comtesse de 37


PRADON, Jacques 705

PRAXILLA DE SICYONE 419


PRÉCHAC, Jean de 612-613

Présidente du Gast : voir Baillon, Marie de


Pretintailles, princesse de (in « La Princesse de Pretintailles » de Madame d’Auneuil) 616,
620
PRÉVOST D’EXILES, Antoine François 530, 756, 798, 835, 838, 852, 864, 870, 873,
N30

Priam (in l’Advision Cristine) 173


PRIMATICE, Francesco Primaticcio, en fr. le 302
PRISCIEN 78, 89
PROBA FALCONIA (PROBE) 43, 181, 274, 418
Proserpine 381, 391
Proserpine (in Le Ravissement de Proserpine de Catherine des Roches) 386, 390
PSEUDO-BONAVENTURE (auteur des Méditations sur la vie du Christ) 410
Psyché 578, N58
PUISIEUX, Madeleine de : voir Arsant, Madeleine d’

PUISIEUX, Philippe-Florent de (époux de Madeleine d’Arsan) 799, N27, N28


PURE, Michel de 537-540, 542, 546, N11, N16, N19, N21

PUZIN DE LA MARTINIÈRE, Françoise-Albine (épouse de Jean-Marie Benoist) 814


Quézinstra (in Les Angoysses douloureuses qui procedent d’amours d’Hélisenne de Crenne)
355
QUINAULT, Jeanne-Françoise, dite Quinault la cadette 767, N21
QUINAULT, Philippe 691, 694, N58
QUINET, Gabriel (libraire parisien) 695, 700
RABELAIS, François 225, 258, N1, N23
RABUTIN-CHANTAL, Marie de (petite-fille de Jeanne de Chantal ; fille de Marie de Coulanges
et Bénigne de Rabutin-Chantal ; épouse d’Henri de Sévigné ; mère de Françoise
Marguerite et Charles de Sévigné) 16, 176, 487-488, 490, 506, 521, 532-533,
560, 572, 578, 580-581, 590, 592-599, 605, 646, 649, 732, 796, 832, N7,
N8, N9, N12, N13, N16, N17, N20, N21, N27, N87
Rachel 410

RACINE, Jean 529, 579, 697, 776, 818, 823, N21


RAIMBAUT D’ORANGE 72
RAIMON DE MIRAVAL 73
RAMBOUILLET, marquis de : voir Angennes, Charles d’

RAMBOUILLET, marquise de : voir Vivonne, Catherine de


RAMEAU, Jean-Philippe 756
RAVAILLAC, François 415

RAYMOND DE CAPOUE (directeur de conscience de Catherine de Sienne) 147


RAYMOND, Florimond de (conseiller au Parlement de Bordeaux) 317
RAYNAL, Guillaume Thomas 756, 780, 861, 891, N50
RAYNOUARD, François 73
REGNAULT LE QUEUX 105
REINALDA VAN EYMEREN (sainte) 323
RELIGIEUSE DE WALLONIE (auteure de la Legent doré) 96, 187
Renart (in Roman de Renart le Contrefait) 85
RENAUT (clerc, traducteur de la Vie de sainte Geneviève) 61

RENAUT DE BEAUJEU 64
RENAUT DE LOUHANS 63, 153

RENCLUS DE MOILIENS 31, N15


RENÉE DE FRANCE, duchesse de Chartres, puis duchesse de Ferrare (fille cadette d’Anne de
Bretagne et Louis XII) 277, 283, 313, 316, 321
er
RENÉ I d’Anjou 76, 104
RÉTIF DE LA BRETONNE, Nicolas-Edme 873
RETZ, comtesse de : voir Clermont, Claude-Catherine de

RETZ, Paul de Gondi, cardinal de 513


RIBOU, Jean (libraire) 541, 543, 564, N20, N22

Rica (in Lettres persanes de Montesquieu) 860


RICCOBONI, Marie-Jeanne : voir Laboras de Mézières, Marie-Jeanne
er
RICHARD I d’Angleterre, dit Cœur de Lion 59
RICHARD DE FOURNIVAL 24
RICHARDSON, Samuel 798, 841, 843, 858, 864, 870, N33, N77, N78

RICHELET, Pierre 496, 546, 604-605, N25, N26


RICHELIEU, Armand Jean du Plessis, cardinal de 492, 571
RICHEMONT, duchesse de : voir Stuart, Frances
RIDOLFI, Lucantonio 284, N18
RIGAUD, Benoît (éditeur lyonnais) 347-348, 422
RIGOLOT, François 400, N81, N99
RISTAUD, Marie Sophie (épouse de Jean Paul Marie Cottin) 847

ROBERT, Louise-Félicité : voir Keralio, Louise-Félicité Guinement de


ROBERT DE BLOIS 37, N26
ROBERT, Pierre-François Joseph (époux de Louise Félicité Guinement de Keralio) 786

ROBESPIERRE, Maximilien 763, 831, 891-893, N6, N110, N111, N114


ROBINEAU, Alexandre (Beaunoir) N53
ROBINEAU, Angélique (épouse d’Étienne Laugeois, sieur de La Vannière) 548, N26
ROBINEAU, Marie (sœur d’Angélique) 548, N26

RODET, Marie-Thérèse (épouse de Pierre François Geoffrin) 756, 758, 760


Rodogine (in Le Procès des précieuses de Somaize) 543
RODRÍGUEZ DE LA CÁMARA, Juan 275
ROGER DE CONDET (fils d’Aeliz de Condet) 55
ROHAN, duchesse de : voir Parthenay, Catherine de
ROHAN, Marguerite de, duchesse de Rohan, dame de Soubise (fille de Marguerite de Béthune-
Sully et Henri II de Rohan ; épouse d’Henri Chabot) 503
ROHAN, Marie de, duchesse de Chevreuse (épouse de Charles d’Albert de Luynes puis de
Claude de Lorraine, duc de Chevreuse) 512

ROHAN-CHABOT, Marie-Charlotte de (épouse de Charles Juste de Beauvau-Craon) 838


ROHAN, Marie-Louise Geneviève de (gouvernante de Louis XVI et de ses sœurs) N*15
ROI, Charles 826
Rolandine (in L’Heptaméron de Marguerite de Navarre) 386
ROLAND, Madame : voir Phlipon, Jeanne Marie dite Manon

ROLLE DE HAMPOLE, Richard 150


ROLLON 56

ROMIEU, Jacques de (frère de Marie) 284, 329, 368, 372, 376


ROMIEU, Marie de 328-329, 342, 350, 362, 368, 372, 374, 376, 381-382, 388,
391-392, 397-398, 403-404, 406, 421, 425, N19, N31, N86, N91, N145
RONSARD, Pierre de 285, 293, 297, 313, 368, 430-431, N33

ROSSIAUD, Jacques 240, N13


ROSSI, Pino de’ 377
ROTROU, Jean de 699
ROUBAUD, Jacques 49, 156
ROUCHE, Michel 238, N10, N12

ROUSE, Mary A. 52, N61


ROUSE, Richard H. 52, N61

ROUSSEAU, Jean-Jacques 720, 728, 730-731, 735, 741-744, 747-748, 750, 753-756,
758, 762, 765, 768, 771, 779, 782, 800-801, 807-809, 812-814, 818, 823,
829, 831-833, 835-836, 838, 841, 843, 846, 848, 850-851, 856, 864-865,
870-871, 874, 876, 880, 884-886, 893, 895-896, N*6, N22, N24, N30,
N46, N56, N81, N100, N115
ROUSSELET, Gilles 508

ROUSSELOT, Paul 229


ROVILLE ou ROUILLÉ, Guillaume (imprimeur) 284, 415

Roxane (in Lettres persanes de Montesquieu) 824


ROYE, Charlotte de (épouse de François III de La Rochefoucauld) 334, 384, N4
er
ROYE, Éléonore de, princesse de Condé (épouse de Louis I de Bourbon, prince de Condé)
349
RUBYS, Claude 400
RUTEBEUF N*1

SABLÉ, Madeleine de : voir Souvré, Madeleine de


SAILLANS, Gaspar de (époux de Françoise de Mornay) 331, 379, 421

SAINT-AMANT, Marc-Antoine Girard de 695


SAINT-AUBIN, Marie-Claudine de : voir Mézières, Marie-Claudine de
SAINT-BALMON ou SAINT-BASLEMONT, Madame de : voir Ernecourt, Alberte-Barbe d’

SAINT-BALMON ou SAINT-BASLEMONT, Jean-Jacques de Haraucourt, seigneur de (époux de


Barbe d’Ernecourt) 504
SAINT-CHAMOND, marquise de : voir Mazarelli, Claire-Marie

SAINT-ÉVREMOND, Charles de Marguetel de Saint-Denys de 629, 705, 832


SAINT-GELAIS, Madeleine de 334, 422, 431
SAINT-GELAIS, Mellin de 297

SAINT-JULIEN, Pierre de 400


SAINT-MORT, Jeanne de (épouse de Jean II de La Chastre) 309

Sainte, la (in Amoureux repos de Guillaume Des Autelz) : voir aussi Lhoste, Denise
SAINTE DES PREZ 102, N*2
SAINTE-BEUVE, Charles-Augustin 119, N75

SAINTE-MARTHE, Charles de 308


SAINTE-MARTHE, Gaucher, dit Scévole, de 313
SAINTONGE ou SAINCTONGE, Louise-Geneviève de : voir Gillot de Beaucourt, Louise-
Geneviève
SALEL, Hugues 334

Salomon 56, 792


er
SALUCES, Marguerite de, maréchale de Termes (épouse de Roger I de Saint-Lary de
Bellegarde) 369, 375-376, 380, 431

Saluces, Gaultier de (Gualtieri, marchese di Saluzzo ; in Decameron de Boccace) 157


SAMSON DE NANTEUIL 55

SAPHO ou SAPPHO 40, 43-44, 126-128, 146, 384, 416, 418-419, 432, 501-502,
524-525, 528, 537, 642, 791, N56
« Sapho » : voir Scudéry, Madeleine de
Sapho (in De mulieribus claris de Boccace) 43

Sapho (in Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques de Scudéry) 502, 524
Sapho (in Héroïdes d’Ovide) 146, 288, 384, 501, 526

Sapho (in « Histoire de Sapho » de Madeleine de Scudéry) 524, 526, 528, 535, 540,
548, 584
SARASIN, Jean-François 516, 522, 537, N10
SARTINE, Antoine de 778

SAUBONNE, Michelle de (épouse de Jean IV de Parthenay, seigneur de Soubise ; mère de Jean


V ; grand-mère de Catherine de Parthenay) 316, 329
SAULNIER, Verdun-Louis 369, N3, N36

SAUVAL, Henri 491-492, 497, 539, N11


SAVELLI, famille 490
SCARRON, Paul 532, 600, 699, 705

SCÈVE, Claudine (épouse de Matthieu de Vauzelles) 313, 328, 337, 355, 369, 403,
N36
SCÈVE, Jeanne (épouse de Jean du Choul) 313
SCÈVE, Maurice 293, 313, 337, 369
SCÈVE, Maurice (époux de Marguerite de Bourg ; père de Claudine, Jeanne, Maurice et
Sibille) 313, 429
SCÈVE, Sibille (épouse de Girolamo Tolomei) 313, 337

SCHNERB, Bertrand 156, N6


SCOTT, Walter 530
SCREECH, Michael Andrew 253, N23, N143

SCUDÉRY, Madeleine de 176, 488, 494-495, 499-500, 503-504, 507-508, 514, 516,
519-540, 542, 544, 546-559, 567, 578-579, 581-582, 584, 586-588, 599-600,
605, 607, 614, 630, 635, 638, 640-641, 647-648, 701-702, 732, 739, 769,
822, 857, N1, N4, N5, N6, N7, N13, N15, N18, N19, N21, N22, N29,
N32, N32, N39, N40
SCUDÉRY, Georges de 503, 515, 517, 526-527, 531, 533-535, 538-539, 548, 551,
553, 600, 701, N5, N21, N32

Sebile des Mares (in Les Evangiles des Quenouilles) 168


SECOND, Jean 337
SEDAINE, Michel-Jean N76

SÉE, Camille 125


SÉGLA, Jeanne de (épouse de François de Montégut) 722, 771, N*15

SEGRAIS, Jean Regnault de 557, 560, 572, 585, 587-589, 592, N8


SÉGUIER, Anne, dame de La Vergne (épouse de François du Prat, baron de Thiers, puis
d’Hugues de la Vergne ; mère d’Anne du Prat) 337
Seguin (amant de Valense in Seguin et Valense) 70

Sémiramis, reine d’Assyrie 506


Sémiramis (in La Cité des Dames de Christine de Pizan) 123
Sénanges, vicomtesse de (in Les Sacrifices de l’amour, ou Lettres de la vicomtesse de
Sénanges, et du Chevalier de Versenay) 807
SÉNÈQUE 750

Sévère (in Dialogue de Placide et Sévère de Catherine des Roches) 394


SÉVIGNÉ, Charles de (fils de Marie de Rabutin-Chantal et Henri de Sévigné) 594, 596-597
SÉVIGNÉ, Françoise Marguerite de (fille de Marie de Rabutin-Chantal et Henri de Sévigné ;
épouse de François Adhémar de Monteil de Grignan ; mère de Pauline de Grignan) 572,
594-596, 598, N17

SÉVIGNÉ, Henri de (époux de Marie de Rabutin-Chantal) 533, 581, 596, 831


SÉVIGNÉ, Madame de : voir Rabutin-Chantal, Marie de
SÉVIGNÉ, René Renaud, chevalier de (oncle d’Henri de Sévigné, l’époux de Marie de Rabutin-
e
Chantal ; 2 époux d’Isabelle Pena) 533, 537, 580
SEYMOUR, Anne, comtesse de Warwick (épouse de John Dudley, comte de Warwick) 328,
347, 372, 421
SEYMOUR, Jane 328, 347, 372, 421

SEYMOUR, Margaret 328, 347, 372, 421


SFORZA, Isabella 345

SHAKESPEARE, William 790, N9


Shéhérazade (in Les Mille et Une Nuits d’Antoine Galland) 624
SHELBURNE, Caleb N*2, N60, N62

Sibylle de Cumes (in Le Livre du Chemin de long estude de Christine de Pizan) 135
Sibylle de Monthault [Sibille de la Tour] (in Le Livre du duc des vrais amans et Le Livre des
Trois Vertus de Christine de Pizan) 146, 164

Sibylles 42, 289-290, 295, N29


Silence (in Le Roman de Silence d’Heldris de Cornuälle) 34-35, 122
SIMIERS, Louise de : voir L’Hospital, Louise de

SIMON DE COURCY (aumonier de Marie de Berry) 63


SIMON DE HESDIN (traducteur de Valère Maxime) 127

Sincero (in Dialogue de Charite et Sincero de Catherine des Roches) 352, 404
Siséra 506, 508

SIXTE QUINT (Felice Peretti) 350, 409, 412, 415, N58, N117
SMITH, Adam 789, 805, 873
SMYTHIES, Ann 798-799

SOCRATE 416
SŒUR DE LA CHAPELLE 693-694

SOMAIZE, Antoine Baudeau de 543-545, 582, N20, N21, N22, N41


SOMERSET PERCY, Anne, comtesse de Northumberland 328
Sophie (in Dialogue des chastes amours d’Eros et de Kalisti de Marie Le Gendre) 354

Sophie (in Émile ou De l’éducation de Rousseau) 744, 747-748, 848


Sophie (fille naturelle du gouverneur, M. de Saint-Frémont ; in Zamore et Mirza d’Olympe de
Gouges) 837, 839
SOPHRON 127
SOUBISE, Antoinette de : voir Parthenay-Larchevêque, Antoinette de
SOUBISE, Michelle de : voir Saubonne, Michelle de

SOUBISE, Jean V de Parthenay, sieur de (époux d’Antoinette de Parthenay-Larchevêque) 334


SOURDIS, François d’Escoubleau de 321

SOUSA, Isabelle de (épouse de Jean de Poitiers, seigneur d’Arcis-sur-Aube ; mère d’Éléonore


de Poitiers) 108
SOUVRÉ, Madeleine de (fille de Gilles de Souvré, maréchal de France et précepteur de Louis
XIII ; épouse de Philippe Emmanuel de Laval, marquis de Sablé) 494
SOUZA, Adelaïde de : voir Filleul, Adelaïde

SOZZI, Lionello 434, N57


Spargapise (fils de Thomyris ; in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508

SPRENGER, Jacques 246, N20


STAËL-HOLSTEIN, Erik Magnus de (époux de Germaine Necker) 837
STAËL-HOLSTEIN, Germaine de : voir Necker, Anne Louise Germaine

STAMPA, Gaspara 430


STANISLAS II Poniatowski, roi de Pologne 780

STENDHAL, Henri Beyle, dit 73


STERNE, Laurence 760, 877

STROZZI, famille 490


STUARD, Jacqueline de 334, 366, 421, 431, N1, N138
e
STUART, Frances (épouse de Charles Stewart, 3 duc de Richmond) 627

SULLY, Maximilien Henri de Béthune, duc de (maréchal de France ; ministre d’Henri IV)
287, 769
SURGÈRES, Hélène de Fonsèque, dame de (fille d’Anne de Cossé et René de Fonsèque, baron
de Surgères) 285

SURVILLE, Joseph-Étienne de 47
SURVILLE, Marguerite-Éléonore Clotilde de Vallon-Chalys de 47, 151, N52
Swann, Charles (in Du côté de chez Swann de Proust) 554

SWIFT, Jonathan 798


SYLVIUS, Symon (secrétaire de Marguerite de Navarre) 374

SYMON, Diane 337


TAILLEMONT, Claude de 308, 358
TAISAND, Pierre 549, N28

TALBERT, François-Xavier 745-746


TALLEMANT DES RÉAUX, Gédéon 336, 505, N3, N5, N8, N21

TALLEYRAND-PÉRIGORD, Charles-Maurice de 753-754


TALON, Denis 634
TAMISIER, Pierre 421

TANEGUY DU CHATEL 107


TANQUEREY, Frédéric-Joseph 144, N4

TARDIEU D’ESCLAVELLES, Louise Florence (épouse de Denis-Joseph de Lalive d’Épinay ;


compagne de Grimm) 722, 728-732, 736, 747-751, 765-766, 768, 780-782,
842-843, N*6, N*15, N3, N4, N37, N39, N76
TASSE, Torquato Tasso, en fr. le 298, 337, 353
TÉLÉSILLA d’Argos 419

TELLE, Émile 256-257, N24


TEMPLE, Sir William 529

TENCIN, Alexandrine Claudine Guérin, marquise de (mère de Jean Le Rond d’Alembert) 722,
751, 756, 758, 792, 806, 834-835, 851-856, N*2, N14, N43
Térée (in Philomena de Chrétien de Troyes) 124

TÉRENCE (Publius Terentius Afer) 150, 182, 310, 642-643


TERISSAN, Françoise de 336, 338, 402, N9, N106
TERMES, maréchale de : voir Saluces, Marguerite de

TERRACINA, Laura 430


TERRAY, Joseph Marie 778

TERTULLIEN (Quintus Septimius Florens Tertullianus) 252


TESTARD, Robinet 148
Thamaris (reine des Amazones, in La Cité des Dames, la Mutacion de Fortune et L’Epistre
Othea de Christine de Pizan) 163

THAMAR (peintre grecque [Tamaris, Thamyris ou Timarète, fille du peintre Micon]) 126
Théobald (in Trois femmes d’Isabelle de Charrière) 896-897

Théodore (in Histoire de Pauline de Germaine de Staël) 839


THEOPHRASTE 128
THÉRÈSE D’AVILA (sainte ; Teresa Sánchez de Cepeda Dávila y Ahumada, en rel. Teresa de
Jesús) 323

Thésée (in Les Amazones d’Anne-Marie Du Bocage) 824


Thessala (in Cligés de Chrétien de Troyes) 40

THIBOUST, Jacques (époux de Jeanne de La Font ; secrétaire de Marguerite de France [1523-


1574], duchesse de Berry) 337
THOMAS BECKET (saint) 77, 94
THOMAS D’AQUIN (saint) 28, 66, 245, 260, 370, N*1

THOMAS DE BOLOGNE : voir Thomas de Pizan


THOMAS DE MAUBEUGE 155

THOMAS DE PIZAN (Tommaso di Benvenuto da Pizzano, père de Christine) 110-111, 113,


115-117, 120, 130, 141, N8
THOMAS MALORY 40
THOMAS, Antoine-Léonard 728-731, 746, 761, N2

THOMAS, Artus 306, 434


THOREL DE CAMPIGNEULLES, Charles Claude Florent 775

TIBORS DE SARENOM (trobairitz) 69-70, 183


TILLIETTE, Jean-Yves 147

TIMMERMANS, Linda 488, N16


TINGHI, Philippe (cousin de Jeanne Giunta) 396
TIRAQUEAU, André 261, 311

Tirésias 122, 398


TITE-LIVE 699

Titus (in Les Femmes illustres, ou les Harangues héroïques de Scudéry) 502
TIXIER DE RAVISI, Jean (Ravisus Textor) 311
Tomyris (Thomyris, reine des Massagètes ; in La Femme héroïque de Jacques Du Bosc) 508

Tomyris (in Tomyris de Marie-Anne Barbier) 822


Torquatus (in Manlius de Marie-Catherine Desjardins) 699

Tourvel, Présidente de (in Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos) 810
TOUSSAINT, Jacques 330
Transeline du Croq (in Les Evangiles des Quenouilles) 168

TRISSIN, Gian Giorgio Trissino, en fr. Jean Georges 297


Trissotin (in Les Femmes savantes de Molière) 259

Tristan 89, 157


Tristan (in Lai du Chèvrefeuille de Marie de France) 80, 89
Trois de Turenne (Mathilde de Turenne, Elise ou Helis de Turenne, Marie de Turenne) 72

Trottaconventos (in Libro de Buen amor de Juan Ruiz) 148


TROTULA 420, N137

TROUSSET, Alexis : voir Olivier, Jacques


Troyle [Troïlus] (in Roman de Troyle de Louis de Beauvau) 76, 158
TULONNE, Anne 337

TURENNE, Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de 523


e
TURENNE, Marie de [Marie de Ventadour] (trobairitz ; 2 épouse d’Eble V de Ventadour) 69,
72, 183-184

TURGOT, Anne Robert Jacques, baron de l’Aulne 756, 861


TURNÈBE, Adrien 312

TYARD, Pontus de 284, 293, 311, N50


UC DE SAINT-CIRC (troubadour) 55
ULRICH, Madame 693-697, 704

Ulysse (in Héroïdes d’Ovide) 146, 288


URBAIN VI (Bartolemeo Prignano ; pape de Rome) 147

URFÉ, Diane d’ : voir Châteaumorand, Diane de


URFÉ, Honoré d’ 287
Usbek (in Lettres persanes de Montesquieu) 860

UTENHOVE, Charles (précepteur des enfants Morel) 313, 421, 430


UZÈS, Louise de Clermont-Tallard, duchesse d’ 296-297

Valense (amante de Seguin in Seguin et Valense) 70


VALÈRE MAXIME 127
VALINCOUR, Jean-Baptiste Henri Du Trousset de 590, 645
Valmont, vicomte de (in Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos) 810-811,
871

VAN DEN BUSSCHE, Alexandre 309


VARANÇAI, Adelaïde de : voir Riccoboni, Jeanne-Marie

VASSE, Cornélie de : voir Wouters, Cornélie


VAUCHER, Jeanne 773
VAUGELAS, Claude Favre de 493, 495-496, 539, 553, 637, N13

VAUMENY ou VAUX-MENIL, Isabeau de 337


VENANCE FORTUNAT 45, 94, N24

VENTADOUR, Marie de : voir Turenne, Marie de


Vénus 345, 389
VERGER, Jacques 227-228, N2

VERNON, Artuse de, dame de Téligny 337


Versenay, chevalier de (in Les Sacrifices de l’amour, ou Lettres de la vicomtesse de Sénanges,
et du Chevalier de Versenay) 807
Vestis ou Vesta 122
VIAU, Théophile de 532

VICHY-CHAMROND, Marie de (épouse de Jean Baptiste Jacques de La Lande, marquis du


Deffand) 756, 758-759, 768, 780, 843
VIGARINI, Carlo 699
VIGNON, Claude 508

VIGNY, Denise de (épouse de Barnabé Brisson) 328-329, 349, 377, 380, 413
VILLECOQ, Marie de 331

VILLEDIEU, Antoine de Boësset, sieur de 565-566, N10, N11


VILLEDIEU, Madame de : voir Desjardins, Marie-Catherine
VILLENEUVE, citoyenne : voir Bogé, Sophie

VILLENEUVE, Gabrielle-Suzanne de : voir Barbot, Gabrielle-Suzanne


VILLERS, Charles François Dominique de 765

VILLIERS, frères de : voir Villers, Philippe de et Potshoek, François de


VILLERS, Philippe de 582, N3
VINCENT DE BEAUVAIS 63, 155

VIRGILE (Publius Vergilius Maro) 261, 310, 731, N30


er
VISCONTI, Valentine, duchesse d’Orléans (épouse de Louis I d’Orléans, frère de Charles VI ;
er
mère du poète Charles I d’Orléans) 104, 157, N35

VITRY, Louise de : voir L’Hospital, Louise de


VIVONNE, Catherine de (fille de Giulia Savelli et Jean de Vivonne, marquis de Pisani ; épouse
de Charles d’Angennes, marquis de Rambouillet ; mère de Julie d’Angennes) 490-494,
532, 581, N8, N10
VOITURE, Vincent 496, 597
VOLLMAR (secrétaire d’Hildegarde de Bingen) 91
VOLTAIRE, François Marie Arouet, dit 707, 720, 731, 733, 747, 756, 760, 765, 767-
768, 773, 776, 790, 793, 795, 797, 801, 807-809, 814, 818, 823-824, 831-
833, 835-836, 843, 852, 855-856, 861, 873-874, 876, 884, 895, N*2, N9,
N21, N32, N49, N73, N75, N76, N87

WACE 55, N5
e
WALPOLE, Horace, 4 comte d’Orford 760
WALTER DE BIBBESWORTH 64
WALTER HILTON (auteur présumé de The Prick of Love) 150

WATSON, William 805


WATTEAU, Jean Antoine 623, 650, 821
WIER, Jean 247

WILLIAMS, Helen Maria 798-799


WOEIRIOT, Pierre 342

WOLFF, Christian von 796


WOLFF, Johann Christian 528, N23
WOLLSTONECRAFT, Mary (épouse de William Godwin ; mère de Mary Shelley) 751, 754-
755, 887, 889, N46, N107

Wolmar, M. de (mari de Julie d’Étanges in Julie ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau) 848,


884-885
WOUTERS, Cornélie (épouse Vasse) 784-785, 804, 887-888

WOUTERS, Marie-Thérèse (sœur de Cornélie) 805


XÉNOPHON 528
YOLANDE D’ARAGON, princesse héritière d’Aragon, duchesse d’Anjou N12

Yonec (in Lai de Yonec de Marie de France) 82


YOURCENAR, Marguerite Cleenewerck de Crayencour, dite Marguerite (fille de Fernande de
Cartier de Marchienne et Michel Cleenewerck de Crayencour) 769

Yphis (chez Ovide) 122


Yplis (chez Christine de Pizan) 122
YRANE (peintre grecque [Irene, fille du peintre Cratinus]) 126

Ysengrine du Glay (in Les Evangiles des Quenouilles) 168


Yseut (in Lai du Chèvrefeuille de Marie de France) 80, 89

Ysis (in L’Epistre Othea de Christine de Pizan) 163


YVER, Marie 334, 421
Zamore (in Alzire, ou les Américains de Voltaire) 836

Zamore (in Zamore et Mirza d’Olympe de Gouges) 836


Zeus 866

Zilia (princesse inca in Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny) 860-861, 864
Zirphée (in La Belle et la Bête de Félicité de Genlis) 868

Zurac (in Lettres d’un Indien d’Henriette de Marans) 877


ZUYLEN, Isabelle van Tuyll van Serooskerken van, dite Belle de Zuylen (épouse de Charles-
Emmanuel de Charrière) 722, 742, 765-766, 768, 771, 784-785, 834, 843, 847,
852, 872, 878, 883-887, 893-896, N4, N61, N63, N81, N84, N94, N95,
N97, N99, N123
ZWINGLI, Ulrich 315
Crédit des illustrations

PREMIÈRE PARTIE
LE MOYEN ÂGE

ill. 1 : Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits


français, MS fr 17001, folio 107v.
ill. 2 : Walkers Art Gallery, W.26, folio 64 / CC. BY. SA 3.0.
ill. 3 : Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
français, MS 794-RC-C-09563, folio 27.
ill. 4 : Bibliothèque de l’Arsenal, MS-3142, folio 1.
ill. 5 : Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
français, MS 12473, folios 126v et 141.
ill. 6 : Bibliothèque de l’Arsenal, MS-3142, folios 256r.
ill. 6 bis : Bibliothèque de l’Arsenal, MS-3142, folios 273r.
ill. 7 : Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
français, MS 835, folio 1.
ill. 8 : Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
français, MS 607, folio 2.
ill. 9 : Bibliothèque nationale de France, département des Manuscrits
français, MS 606, folio 1v.
ill. 10 : Bridgeman Images.
DEUXIÈME PARTIE
LA FIN DE LA RENAISSANCE

ill. 1 : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres


rares, RES-YE-1414, page de titre.
ill. 1 bis : Ibid, folio VI verso.
ill. 2 : The British Library, G.11827, UIN : BLL01000374263.
ill. 2 bis : Ibid.
ill. 3 : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres
rares, RES 4-lb30-144, page de titre.
ill. 4 : Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et
photographies, RES FOL-NA-22 (16).
ill. 5 : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres
rares, RES-YE-612, première de couverture.
ill. 5 bis : Ibid, folio 31v.
ill. 6 : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres
rares, RES. P- Z- 2013, première de couverture.
ill. 7 : Bibliothèque nationale de France, D-8596, première de
couverture.
ill. 8 : Bibliothèque nationale de France. Bibliothèque de l’Arsenal, MS
5116, Réserve. Ms-X, fol. 1v.

TROISIÈME PARTIE
LE DIX-SEPTIÈME SIÈCLE

I
UN GRAND SIÈCLE POUR LES FEMMES AUTEURS

ill. 1 : Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, 8-H-


28507, folio 36.
ill. 2 : Collection particulière.
ill. 2 bis : Collection particulière.
ill. 3 : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art,
YE-7955, 8-BL-28927, page de titre.
ill. 4 : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres
rares, RES P-Y2-1829, folio 58.
ill. 5 : image composite © Alan Chimacoff.
ill. 6 : Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, 8-BL-
18287, folio 10.
ill. 7 : Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, ARS
EST-368, folio 204.
ill. 8 : Bibliothèque nationale de France, département Estampes et
photographie, RÉSERVE FOL-QB-201, folio 71.
ill. 9 : Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans,
GE C-3843.
ill. 10 : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art,
Z-16715.

II
DRAMATURGES

ill. 1 : Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RES 8-


BL-14086, page de titre.
ill. 2 : Bibliothèque nationale de France, département Arsenal, RES 8-
BL-13004, page de titre.

QUATRIÈME PARTIE
LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE

ill. 1 : Bibliothèque nationale de France, Réserve des livres rares, RES-


Z-3186, tome I, frontispice et page de titre.
ill. 2 : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie,
Histoire, Sc-Homme — R-21918
ill. 3 : RMN-GP (musée du Louvre) / Michel Urtado.
ill. 4 : Collection particulière.
ill. 5 : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres
rares, 8-YE-2431, frontispice.
ill. 6 : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et Art,
8-YTH-23243, page de titre.
ill. 7 : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et Art,
Z-15580, frontispice et page de titre du tome I.
ill. 8 : Ibid, frontispice et page de titre du tome II.
ill. 9 : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et Art,
Z-17918, page de titre.
ill. 10 : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie,
Histoire, Sc-Homme, 8-LD184-40, folio 1.
© Éditions Gallimard, 2020.

Couverture : Illustration © Caroline Gamon.

Éditions Gallimard
5 rue Gaston-Gallimard
75328 Paris
http://www.gallimard.fr
Femmes et littérature
Une histoire culturelle, I
Sous la direction de Martine Reid
J. CERQUIGLINI-TOULE T, É. VIENNOT, J. DE JE AN, E. KELLER-R AHBÉ E T C.
MCDONALD

Femmes et littérature, une histoire culturelle offre pour la première fois un


ample panorama de la présence des femmes en littérature, du Moyen Âge
au XXIe siècle, en France et dans les pays francophones. Composé de deux
volumes, l’ouvrage rend compte des multiples formes que prend leur
production selon le temps auquel elles appartiennent : poésie, théâtre et
roman, correspondance, journal intime et autobiographie, essai, pratique
journalistique, littérature populaire et littérature pour enfants. Leur
participation active à la vie littéraire, leur présence dans les cours et
couvents, salons, cercles et académies, dans la presse et les médias, leur
rapport au manuscrit, au livre et à l’édition, leurs réflexions sur l’éducation
ainsi que sur leur « condition » spécifique sont analysés et mis en
perspective.
Fruit du travail collectif d’une dizaine de spécialistes, une telle synthèse
contribue à enrichir considérablement les connaissances existantes. Elle
rend ainsi toute sa place à une production littéraire souvent ignorée,
rarement reconnue à sa juste valeur.

Tome I :
Moyen Âge par Jacqueline Cerquiglini-Toulet
Fin de la Renaissance par Éliane Viennot
e
XVII siècle par Joan DeJean et Edwige Keller-Rahbé
e
XVIII siècle par Christie McDonald
Cette édition électronique du livre
Femmes et littérature - Une histoire culturelle I
de Collectifs Gallimard
a été réalisée le 24 février 2020 par les Éditions Gallimard.
Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage
(ISBN : 9782070465705 - Numéro d’édition : 286913).
Code Sodis : N74983 - ISBN : 9782072620911.
Numéro d’édition : 286915.

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