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Histoire de la littérature française

Questions/réponses

1. Évolution de la notion d’histoire, en particulier dans le domaine de la littérature, de


l’Antiquité à la fin du XVIIIe siècle

L’histoire est instrumentalisée, elle va venir servir un discours religieux et moral (pensée caractérisée
par le Moyen-Âge). Ce discours religieux est essentiellement chrétien, la religion chrétienne étant la
base commune et le mode de vie de l’époque.
Plutarque écrit entre 100 et 115 Vies parallèles. Il s’agit d’une œuvre qui met en parallèle des
biographiques, qui isole les grandes figures. Plutarque cherche les belles paroles, collectionne les
beaux mots et les bases marquantes. Il s’agit d’un objet de méditation personnel. Son œuvre sera
traduite en 1559 par l’évêque Amyot.
Vers la fin du XVIIe, Bossuet est chargé de l’éducation du Dauphin (il est le précepteur du futur
successeur). Il est une autorité religieuse et intellectuelle et écrira Discours sur l’histoire universelle
pour expliquer la suite de la religion et les changements des empires. Dans cette œuvre, Bossuet
souhaite tracer le fil de l’histoire avec une vision providentialiste.
L’histoire a une fonction différente, elle permet de comparer, d’apprendre du passé afin de mieux
vivre du présent. L’histoire repose sur un fondement chrétien providentialiste (Dieu gouverne la
destinée de l’Histoire). Pas encore une organisation de la discipline historique qui vit pour elle-même.
Son œuvre s’ouvre avec la Bible, et par des questionnements : Qu’est-ce que La Bible ? Son auteur ?
Multiples ? À quel genre appartient-elle ? Qu’est-ce qu’un auteur ? Qu’est-ce que l’Histoire ? Toute
son œuvre est sous une perspective eschatologique (on va la retrouver beaucoup à la même époque
dans de nombreux ouvrages).
3 parties :
1. La suite des temps
Remonte à une idéologie fondamentalement chrétienne avec Adam et la Genèse. Optique religieuse
et ciblée. S’arrête à Charlemagne pour montrer l’ancienneté de l’Histoire du roy de France, inspiration
pour le discours nationaliste du XVIIe et surtout de Louis XIV.
2. Les religions
Montrer comment l’Église succède à la synagogue. Montrer l’Ancien Testament comme la figure du
Nouveau Testament= figurisme. Pour montrer que seul le Nouveau Testament est vrai, montrer que
la religion chrétienne est la seule et véritable religion.
3. Les empires
Montrer que tous les empires s'écroulent et qu’au-dessus des hommes se trouvent les plans de Dieu,
pour forcer Louis XIV, ainsi que tout un chacun, à se plier à la providence.
Mélange 2 conceptions d’Histoire : circulaire (avec la naissance-apogée-décadence de chaque
empire) et continuum linéaire.

Charles Perrault écrit des contes et souhaite devenir « l’Ovide de la France ». En 1687 il prononcera
un discours sur l’histoire à l’Académie française qui fera scandale et qui réanimera la querelle des
anciens. Il a une vision laïque, insiste sur les sciences de l’Antiquité et sur les découvertes et donc
forcément sur les progrès en art. Il dit que leur roi est éclairé par la bonne lumière, ce qui n’était pas
le cas d’Homère, des auteurs de l’Antiquité. Cela veut dire qu’ils ne n’étaient pas aussi bien que le roi.
Ça ne plait pas beaucoup aux anciens.
Querelle des Anciens Versus Modernes (1650 -1750) Idée du progrès incontestable. « Nains juché sur
les épaules de géants » par De Chartres.
Voltaire est historiographe du roi, il lit et écrit en anglais. Il est très ambitieux, recontextualise
l’économie, les artistes, et ne fait pas l’impasse sur les choses graves. Il parle de l’esprit des hommes
et non d’un seul personnage illustre. Il commence à introduire les notions, de goût, de contexte, de
temps, de lieu.

Charles de Secondat, baron de la Brede et de Montesquieu, 1689-1755 : De l’Esprit des lois (1748) +
Considération sur les causes de la grandeur des romains et de leur décadence
 Relie l’Histoire à son contexte et ses conditions concrètes comme par exemple le climat. Défend
idée de progrès, que quelque chose est acquis.
Mais les précurseurs étaient les moines bénédictins de l’abbaye de St Maur (dont la principale était
Saint Germain des Prés à Paris) dom Rivet et ses collaborateurs, dom Clemencet, dom Taillandier,
œuvre Histoire Littéraire de la France  Ils essayent de théoriser l’Histoire, d’insérer une série
d’éléments pour être plus objectifs. Problème les critères géographiques de la France pas définis au
IVe siècle.
S’intéressent aux antiquités nationales et la littérature nationale. Abbaye = monument de l’érudition
nationale.
Extension des horizons littéraires et géographiques avec l’orientalisme (= obtention des sources de
l’Orient).
Prise de conscience sur l’importance de l’oralité dans les sociétés, surtout au Moyen-Âge par la
poésie et le chant. S’intéressent aux sources néolatines anciennes : le premier volume regroupe une
série de grandes figures étant nées sur le territoire français (Pétronne, Bénostède,).
Faire l’Histoire Littéraire à l’époque = rassembler des textes variés (juridiques, d’historiens) c’est-à-
dire toutes les œuvres d’érudition à partir du IVe siècle. Donc beaucoup de textes extralittéraires.
Notion d’auteur et de littérature très différente de celle d’aujourd’hui !

Mais avec Dom Mabillon (1632-1707), c’est l’apparition d’une déontologie impliquant une recherche
aigüe des sources. Il pose la question de la crédibilité que l’on peut accorder à un auteur et aux
témoins de l’époque. C’est donc une entreprise à vocation scientifique.
La première histoire rédigée avec le but d’en faire une historie est écrite par les Mauristes (Saint
Maur) – religieux attachés à une congrégation portant le nom de Saint Maur –. Les Mauristes se sont
spécialisés dans le domaine de l’étude des textes et de l’histoire. Les Mauristes sont
traditionnellement désignés par le nom de « Dom ».
Jean Mabillon écrit « Brèves Réflexions sur quelques règles de l'histoire ». Nous pouvons remarquer
dans son œuvre une volonté d’ordonner le savoir et d’y faire attention comme un discours rapporté.
Le travail sur les sources (les croiser, etc.) se développera au dernier quart du XVII e siècle.
Pierre Bayle (1647-1706) se réfugie aux Pays-Bas, étant protestant. Il est la base de l’histoire moderne
avec son œuvre intitulée Dictionnaire historique et critique (1697, 31 volumes). Il va aussi appliquer
ça à l’histoire biblique, il est très critique.

2. Évolution de la notion d’histoire, en particulier dans le domaine de la littérature, de la


fin du XVIIIe siècle à aujourd’hui.
Le XVIIIe siècle est le siècle de l’encyclopédie avec Diderot et d’Alembert, on veut que le savoir soit à la
portée de tous, on veut tout bien ranger. Le dictionnaire littéraire est avant la lettre, il y a une volonté
d’ordre.
Marmontel : travail entrée encyclopédie, va reprendre et compléter/rajouter des infos. Il écrit
Éléments de littérature (1787), « éléments » dans le sens « élémentaire ». Une série d’articles classés
alphabétiquement sur le beau, sur le goût, les stances (groupe de vers offrant un sens complet et
suivi d'un repos). Celui sur le goût est une introduction aux arts littéraires, c’est un véritable essai à
l’intérieur de l’œuvre. Il tient une réflexion sur la littérature et sa hiérarchie des littératures. Un article
consacré à l’Histoire et pose le problème d’impartialité (l’Histoire ne devrait pas appartenir aux
nations ni aux pays). Ouvrage censé être accessible au grand public. Il réhabilite des écrivains comme
Rousseau ou Fénelon.
Rousseau : dictionnaire sur la musique.
De la Harpe : proche de Voltaire, univers littéraire. Il ouvrira des cours littéraires payants après
l’ancien régime  Classement par genre et illustration par un auteur (Bossuet pour l’oraison, Racine
pour la tragédie). La poésie est au sommet, le roman en dernier. Pour lui, il y a éclosion de la littéraire
sous le roi Louis XIV. Après la Révolution Française, il y a un avènement du romantisme. Apparition de
la croyance en l’individu. L’humanisme déjà présent chez Voltaire et Hugo. Il est
l’auteur du Lycée ou Cours de littérature ancienne et moderne (1799). C’est LE manuel le plus utilisé,
mais le texte est très critiqué. Le style est sans éclat, il est le premier dans son genre, le point de vue
est extrêmement intéressant. C’est écrit de manière très originale pour l’époque (XIX e siècle
néoclassique). La Harpe décide que nous avons beaucoup écrit, qu’on est trop vieux et qu’on a peur
du mépris. Il a un regard méprisant pour le XIXe siècle, pour lui comme pour Voltaire le sommet
inégalable est le XVIIe siècle. Il fait une hiérarchie des genres qui est un emprunt direct à Aristote.
Certaines personnes vont penser que ce sont les littéraires et les philosophes qui ont conduits à la
révolution.
Victor Hugo porte l’accent sur l’individualité, c’est l’unicité propre à chaque auteur qui crée l’unicité
dans son ensemble
Sainte Beuve a lu énormément de choses, il s’intéresse aux femmes écrivaines. Il appartient au
romantisme, s’intéresse au Moyen Age ainsi qu’à la renaissance. Sa critique a un rôle considérable ce
qui va conduire à critique auteur. Il a un souci de style, il fait des chroniques tous les lundis. Il a l’idée
que l’Histoire est régie par la notion de progrès. Qu’il faut écrire l’histoire du passé à la lumière de
celle du présent.
Hyppolite Taine : Il déconstruit l’approche de Sainte Beuve ; pour définir le socle de l’histoire littéraire
il va montrer les races, le contexte d’émergence de la vie de l’auteur. Chez lui l’histoire cherche à
aboutir. On étudie plus les auteurs un par un mais sans contexte.

3. La chanson de Roland

3.1 Introduction
3.1.1 Contexte historique de la fin du XIe siècle
- Le grand schisme de 1054, séparation de l’Église d’Orient (orthodoxe) et l’Église d’Occident
(catholique)
- 1066, bataille d’Hastings : Guillaume Ier (le Conquérant) accède au trône d’Angleterre
 Le roi lui avait promis la couronne, mais l’a donnée à Harold. Il le tue et la récupère.
 Duc de Normandie = vassal du roi de France
 Mais aussi roi d’Angleterre => elle devient un foyer culturel pour la littérature française
 Ex : Marie de France, anglaise qui écrit en français
- Les Plantagenets lui succèdent. Henri II, roi d’Angleterre, hérite de la Normandie, à l’Anjou, est duc
d’Aquitaine par sa femme Aliénor (répudiée par Louis VII car pas d’enfants).
=> La moitié atlantique de la France appartient au roi d’Angleterre.
3.1.2 Définition de la chanson de geste
- Geste = haut fait ou série de hauts faits en lien avec l’histoire nationale
- Mise en forme d’une littérature orale disparue
- Lien au genre de l’épopée : œuvre narrative en vers, qui traite d’un sujet élevé (politique, militaire),
avec des interventions surnaturelles (liées à l’Histoire). => l’auteur cite les noms de Virgile et
Homère, et sait que son œuvre est du genre de l’épopée.
- Versification et aspects formels :
 Décasyllabe épique (dominant dans la chanson de geste). Le rythme est important : accent
sur la 4e et la 10e syllabe (assonances).
 Laisse = strophe, série de vers qui forme un tout sémantiquement et musicalement (même
voyelle tonique finale). 290 laisses de longueurs différentes et 22 assonances différentes.
 Vers d’intonation : ouverture de la laisse qui invoque un personnage.
 Vers conclusif : conclusion morale (pas tout le temps)
 Procédés de répétition : Charlemagne à la barbe = âgé (épithète homérique) ; les cadeaux de
Marsile à Charlemagne reviennent plusieurs fois. Effet structurant.

3.2 Portée religieuse et politique (question à 3 points)

o La dimension politique :

Il faut évoquer la figure de Charlemagne, qui jouit d’un statut très privilégié en tant qu’empereur et
donc en tant que vassal direct de Dieu. En effet, un parallèle peut être fait entre le lien qu’il entretient
avec Dieu et le lien qu’il a avec ses propres vassaux, ses pairs (dont Roland, son neveu et Olivier font
partis). La dimension politique met donc en avant la féodalité qui, nous le rappelons, n’est plus
d’actualité au moment où l’auteur écrit la Chanson de Roland.

Les douze pairs de Charlemagne ont juré fidélité à ce dernier et en échange, il leur assure sa
protection en tant que suzerain. Il en va de même, comme nous venons de le dire, pour Charlemagne
qui, par sa foi chrétienne, jure fidélité à Dieu. En échange, Dieu lui accorde sa protection, il devient
son suzerain. Les serments de fidélité au suzerain, que ce soit pour les douze pairs ou pour
Charlemagne, se font sur l’honneur (ex. don du gant droit), la valeur la plus importante de cette
époque. Ils ne peuvent la transgresser.

o La dimension religieuse :

Dans la Chanson de Roland, deux camps s’affrontent et s’opposent : d’un côté les chrétiens, dont font
partis Charlemagne, l’empereur, Roland et Olivier, et d’un autre, les païens, dont le roi est Marsile. Il y
a donc une opposition religieuse, une guerre pour déterminer le véritable Dieu. Charlemagne ressort
vainqueur, le peuple de Charlemagne triomphe sur les païens, c’est donc la victoire du monde
chrétien sur le monde païen, la victoire de Dieu. On met en avant leur foi, cette foi qui sans aucun
doute, leur a permis de gagner la guerre. On peut également relever la conversion de Bradimoine, la
femme du roi Marsile, qui représente également une victoire de foi, car la femme de l’ennemi se
converti au christianisme

Remarque : on s’aperçoit que même dans la dimension politique, la religion n’est en aucun cas
absente.

3.3 Structures formelles et sémantiques


3.3.1 Macrostructure de l’œuvre
- 1e laisse : valeur rétrospective, expose le conflit politique et le conflit religieux
- 1e partie :
 1e section, introduction au double conflit
 2e section, 1e bataille : rachat de Roland par sa mort pieuse
- 2nde partie :
 1e section : Roncevaux, derniers honneurs aux morts
 2e section, 2e bataille : victoire de Ch = miracle ; résolution du conflit religieux.
- Épilogue : 3e combat, Pinabel (côté Ganelon) vs Thierry (côté de Ch) ; résolution conflit politique.
- Dernière laisse : valeur prospective
3.3.2 Première section
- Lecteur omniscient : on connaît l’issue du récit et le « destin ».
- Conflit Roland VS Ganelon : R. s’oppose à la paix de Marsile, mais G. est pour. Seul le lecteur sait
qu’il a tort : sur les principes il a raison (= la voix de la sagesse). Le conseil approuve donc G., qui est
proposé ambassadeur par R. Ch. Lui donne son gant droit (symbole d’honneur), qui lui tombe des
mains => signe qu’il va trahir R et Ch. En effet, il va dire à M. la position des 12 pères.
- Rêve prémonitoire de Ch. (=> fatum, destin) : Ch. Confie, dans la souffrance, son destin à Dieu => il
sera récompensé pour cette confiance. Il n’a pas le choix, c’est un rapport de violence : il a du respect
pour Dieu, mais pas d’amour !
3.3.3 Deuxième section
- Première bataille : de Roncevaux.
- On voit d’abord le camp de Marsile, puis le camp de Roland, avec Olivier.
- Quand R. voit la trahison, il entre en conflit avec O (R est pieux, O est sage). O veut prévenir Ch
(c’est le vassal parfait : il pense à son seigneur et pas à lui-même). R, par orgueil, veut combattre.
Comme avec Ganelon, le lecteur sait qu’il a tort.
- Double corps du roi : mortel (= son lignage) et immortel (=la royauté donnée par Dieu).
=> O veut sauver le corps immortel, et pas R, c’est pourquoi il ne sera pas sauvé par un miracle divin
(il a privilégié son honneur à sa religion et à son souverain).
- R sonne du cor pour prévenir Ch quand il va mourir.
- Les personnages sont un symbole, une allégorie, grandis par le merveilleux chrétien.
- 1e mort = O dans les bras de R ; 2e mort = évêque Turpin : 3e mort : R s’allonge contre un arbre, face à
l’ennemi, et tend son gant droit à Dieu, qui lui pardonne (rachat de Roland par sa mort pieuse).
3.3.4 Seconde partie, première section
- Ch arrive à Roncevaux et ordonne qu’on rende les derniers honneurs aux morts. Les corps de R, O
et de Turpin sont ramenés en France.
- Ch s’arrache la barbe et les cheveux de souffrance. Image d’un vieil homme.
- 2nd rêve prémonitoire de Ch ou Ganelon prend la forme d’un ours.
3.3.5 Seconde partie, deuxième section
- Inverse la structure de la 1e bataille : on voit d’abord les forces françaises puis païennes,
supérieures en nombre.
- Duel Charlemagne vs Baligant : supériorité physique de B, cependant Ch gagne grâce à une
intervention divine (car il est resté pieux).
3.3.6 Épilogue
- Il faut trancher le conflit Roland VS Ganelon. Le conseil est pour G. Le peu de pouvoir du roi montre
une structure plus proche du IXe siècle que du XIe siècle.
- 3e combat : Pinabel, champion de Ganelon, assez costaud, contre Thierry, champion de
Charlemagne, chétif.
- Pourtant, Dieu tranche pour le côté de Charlemagne
=> Dénouement du conflit politique
3.3.7 Dernière laisse
- Image de la douleur de Charlemagne face aux nouvelles épreuves (les prochaines croisades).
=> La souffrance de l’Homme est toujours au centre.

3.4 Élaboration littéraire de la donnée orale (question à 3 points)


La Chanson de Roland comporte 4000 vers et a une forme circulaire, une forme de boucle ( s’il
demande, rappeler le parallélisme entre les trois affrontements Païens – Chrétiens/ Chrétiens –
Païens/ Charlemagne – Ganelon (et donc Thierri – Pinabel). On observe des effets de symétrie et de
parallélisme entre les différentes parties. On se rend compte que chaque partie est assez répétitive,
néanmoins, il y a des effets d’analepse (les deux rêves prémonitoires de Charlemagne) et de
prolepses, des annonces et des confirmations à ces annonces (toujours les rêves prémonitoires de
Charlemagne), qui sont des éléments essentiels de l’épopée. C’est le processus que l’on retrouve dans
la Bible, puisque le Nouveau Testament est la confirmation de ce que l’Ancien Testament annonçait.

De plus, les personnages ne sont pas tout noir ou tout blanc, ils ne sont pas manichéens.

Charlemagne a des images envoyées par Dieu // David ; Thierry VS Pinabel // David VS Goliath ; mort
de Roland // Mort du Christ

3.5 Survie du personnage dans la littérature européenne


- Au XIXe siècle, il y a eu controverse par certains qui pensaient que l’œuvre a été polie par plusieurs
versions et auteurs.
- Grand succès pour le courant romantique.
- Aujourd’hui, on estime que la chanson est basée sur des faits historiques avérés, mais modifiés. La
matière orale a dénaturé les faits historiques sur lesquels elle se basait.
- L’œuvre a ouvert le genre épique. Au XIVe siècle, le genre ne sera plus fécond.
- Influence du roman : évolution des chansons de geste (on traite plus la thématique de l’amour).
- Au XVe siècle, Roland = personnage de spectacles de marionnettes
- Renaissance : survie du personnage (Arioste : Orlando Furioso)
- Aujourd’hui : Virginia Woolf, Orlando

4. Comparer du point de vue historique, sociologique et poétique, l’épopée et le roman


médiévaux

4.1 Point de vue historique


Épopée Roman
Production au Xe siècle – Fléchissement au XIVe Naissance au XIIe siècle mais premier roman
siècle date du XIe
4.2 Point de vue sociologique
Épopée Roman
- Grandes prouesses collectives (exploits
- Grandes prouesses mais plus individuelles.
guerriers) qui puisent dans le fond national.
- Sentiment amoureux prime : modèle de la
lyrique d’oc (fine amor/amour courtois). Amour
individuel qui concilie passion (service de la
dame) et honneur (service du roi). Dilemme
- Sentiment amoureux secondaire cornélien. (Voir question sur les troubadours.)
- Chevalier errant qui devient un récréant (a cédé
au désir individuel et ne s’occupe plus d’être un
chevalier => doit repartir à l’aventure).

- « Merveilleux chrétien » : croyance en Dieu &


- Matière de Bretagne : univers celtique (fées,
anges, Chanson de Roland : conception
dragons, …). Grande place du merveilleux.
religieuse. Pas ressenti comme merveilleux, mais
comme vérité. (=> succès Chr. De Troyes dans domaine anglais
et anglo-américain).
- De même pdt Antiquité dans culte des dieux.

4.3 Point de vue poétique


Épopée Roman
- Écrit en vers mais peu à peu dérimé car fait +
- Écrite en vers vrai
- Destinée à être psalmodiée/chantée - Destiné à lecture à voix basse non chantée
devant petit nombre de personnes
- Rime : communauté de voyelle finale tonique
- Assonance : voyelle finale tonique commune mais aussi consonne qui précède et suit ;
alternance rime féminine et masculine

- Décasyllabes avec césure fixe (4,6) - Octosyllabes avec césure non-fixe (trop bref)

5. Les troubadours et la lyrique d’oc

Au XIIème siècle, dans le sud de la France, c’est-à-dire le domaine de la langue d’oc, réapparaît une
production de poésie lyrique. On compte environ 1500 pièces entre 1100 et la fin du XIIIème siècle.
La renaissance de la poésie lyrique est un événement majeur dans l’histoire de la littérature en
France. Remarquons que ce rayonnement sera extrêmement important : il sera à l’origine de la
poésie de François Villon (1431-1463), de Pierre de Ronsard (1524-1585), de Paul Verlaine (1844-
1896) …
Le succès extraordinaire de la culture du sud de la France s’observe dans l’énorme patrimoine
d’églises romanes. Elles ont été préservées grâce/à cause de la paupérisation du sud de la France, le
nord de la France ayant été envahi par l’art gothique. Au XII ème siècle, le sud connaît une explosion
culturelle comme le témoigne l’art des émaux par exemple : on met des produits chimiques dans du
métal creusé, on y met douze couleurs différentes, cette différence de couleur étant due à des
cuissons différentes. Cela demande une grande maîtrise technique puisqu’il faut calculer à la minute
près. Le sud de la France montre donc sa perfection dans le domaine musical, dans le domaine
architectural et dans le domaine du mobilier.
Dans le sud de la France, les poètes sont appelés troubadours. Dans le nord de la France,
c’est-à-dire dans le domaine de la langue d’oïl, ils sont appelés trouvères. En effet, au XII ème siècle,
avec Chrétien de Troyes, on voit l’émergence d’une poésie lyrique en langue d’oïl puis la poésie
lyrique connaîtra une extension en Allemagne avec les minnesänger où on utilise la thématique
amoureuse traditionnelle des maîtres chanteurs. En Italie, on peut citer La Divine Comédie de Dante
(1265-1321) écrite en langue d’oc et qui contient une partie lyrique, en une forme empruntée à la
poésie lyrique des troubadours. Pétrarque (1304-1374) sera, lui, le maître de la poésie italienne et
fera de nombreux emprunts à la poésie des troubadours. Il y a donc une diffusion énorme à travers
l’Europe entière. Guillaume IX, duc d’Aquitaine (1071-1127), septième comte de Poitiers, est le
premier troubadour connu. En 1086, il hérite de territoires formant un domaine beaucoup plus
important que celui du roi de France.
Le courant de la lyrique d’oc est renversé au XIII ème siècle. En effet, deux événements majeurs
s’y produisent : la croisade contre les Albigeois et la guerre de Cent Ans.
La croisade contre les Albigeois (1208-1249) est une croisade interne au territoire français.
Les Albigeois, les habitants d’Albi, sont des cathares - Le catharisme est un courant de pensée
religieuse du sud de la France qui a des conséquences dans le domaine religieux car il prône l’idée
que Dieu est le bien absolu : il est donc impossible que Jésus-Christ soit l’incarnation de Dieu, du
Bien, en raison de son corps mortel. C’est bien sûr de l’hérésie au regard du christianisme ; une
croisade est donc décidée pour arrêter cette atteint au christianisme. Remarquons que si, au début, il
s’agissait, paraît-il, d’une croisade religieuse, il fut clair que cette croisade n’avait d’autre but que de
rattacher à la France les terres du sud. Cette annexion de tous les territoires du sud à la France se
produit en 1226 ; commence alors l’effacement progressif de la culture du sud de la France.
Avec la guerre de Cent Ans (1337-1453), le midi de la France s’efface en tant que source de
culture. Guiraud Riquier (1230-1300) fut le dernier troubadour : il travaille pour Alphonse X, roi de
Castille, pendant dix ans, c’est-à-dire de 1270 à 1280. La lyrique qu’il pratique montre qu’elle est
dénaturée : ce n’est plus de la lyrique amoureuse et politique mais de la lyrique essentiellement
religieuse. On passe de la femme profane à la Sainte-Vierge.

Les apports des troubadours :


 La fine amor :

Nous n’avons qu’un corpus très réduit de Guillaume IX : onze chansons seulement et, parmi
ces onze chansons, six relèvent d’un registre comique et obscène. Remarquons que ces chansons
vertes et coquines vont vers la chanson gauloise. Il a ensuite laissé une chanson d’adieu et enfin
quatre chansons qui appartiennent à la thématique de la fine amor. Il faut bien comprendre que les
1500 pièces retrouvées des troubadours ne traitent pas toutes de la fine amor mais, bien que le
registre comique et la chanson d’adieu ne disparaîtront jamais, la fine amor jouera un rôle décisif. Elle
fait une apparition soudaine en langue vernaculaire : on trouve peu d’écho en latin. La fine amor est
l’image de pureté et d’amour purifié, le rapport amoureux unissant le poète à la dame qu’il aime
ayant longtemps été occulté. Une série de poètes use de cette théâtralisation du lien entre le poète
et la dame pour illustrer le rapport de vassalité. Avant, le rapport amoureux était considéré comme
une poésie individuelle mais il apparaît alors comme une poésie extrêmement codifiée.
Le rapport amoureux est presque stéréotypé : l’amant est pris de passion pour une dame
inaccessible. Pourquoi est-elle inaccessible ? Soit la dame est l’épouse du suzerain du poète ou d’un
personnage socialement supérieur ou elle-même est d’un rang supérieur, soit la dame est loin. Par
exemple, on peut citer Janfré Rudel qui est tombé amoureux de la comtesse de Tripoli uniquement
d’après les dires qu’il a entendus au sujet de sa beauté et de sa vertu. C’est l’image de la princesse
lointaine et inaccessible : c’est l’amour de loin. Remarquons que ce dernier est très présent dans
l’opéra. En langue d’oc, on dit lon(h) ; en langue d’oïl, on dit loin. Cette thématique a glissé vers la
thématique religieuse : la Vierge-Marie remplace la dame. On passe d’une tradition profane de
l’amour à une application religieuse.
Dans la fine amor, l’amour n’est pas désincarné. Il n’y a pas de désir caché : on trouve de
fortes connotations sexuelles. Cependant, la tension ne réside pas dans l’accomplissement de cet
amour mais dans l’inspiration du poète. Le poète ne demande en effet que deux choses à sa dame :
· Le guerredon, c’est-à-dire la récompense et reconnaissance. Par exemple, la
récompense physique que Guenièvre donne à Lancelot est une nuit d’amour.
· La merci, c’est-à-dire la pitié de la dame pour l’homme qui l’aime en vain. Il s’agit
donc d’une récompense spirituelle.
Thèmes annexes :
· Les Lauzangier où les jaloux s’opposent à l’amour du troubadour. Par exemple, on
peut citer ceux qui sont autour de Tristan et Iseult.
· La reverdie est la manière d’incarner le sentiment, venant de l’intérieur du poète qui
l’attire vers la dame. C’est l’image du printemps : une force monte en lui comme la sève
remontent dans les arbres ; c’est donc la force de l’amour qui lui donne véritablement la vie.
Toutes les œuvres font référence, dans la réflexion sur l’amour au XII ème siècle et au XIIIème
siècle, à la fine amor.

L’apport formel et l’apport technique :


Nous trouvons un arsenal de formes lyriques d’après la lyrique d’oc. Par exemple, on peut
citer les Ballades de François Villon.
- La canso :
Le genre central est la canso, la chanson. Dans une canso, la musique est toujours identique
d’un couplet à l’autre. Le poète va composer dans un genre souple : il n’impose rien au niveau
numérique. Il y a juste une obligation de cobla(s), d’une métrique identique : il faut une identité de
construction d’une strophe à l’autre. La canso se termine par une strophe plus courte : la tornada, le
principe de l’envoi. Là, le poète se tourne vers une personne précise.
Bernard de Ventadour (1145-1195) est le poète attaché au château de Ventadour. Il a eu une
véritable carrière de poète professionnel ; attaché au service d’Aliénor d’Aquitaine, il la suivra en
Angleterre quand elle en deviendra la reine. Les femmes sont présentes dès le début de la littérature.
La comtesse Béatrice de Die (1150-1212) en est un très bon exemple : elle fut l’épouse du troubadour
noble Guillaume de Poitiers. Elle se serait amourachée du eeigneur Raimbaut d'Orange et aurait donc
fait beaucoup de belles chansons à son sujet. On ne possède d’elle que cinq chansons.
- La tradition du sirventès :
Les sirventès sont des pièces agressives où le poète s’en prend aux mœurs et même parfois
directement à ses contemporains. C’est une poésie tenant du pamphlet. Les deux grands
représentants du genre sont Marcabru et Bertrand de Born.
- Le planctus :
Parmi les formes amenées à de grands succès, on trouve le planctus (= la plainte). Il s’agit par
exemple de la plainte de quelqu’un au sujet du départ d’un autre. Remarquons que cela s’écrit en
langue d’oc planh avec un h qui se lit comme un l mouillé. Le planctus a la forme de la déploration
avec la structure d’une chanson.
- L’alba :
L’alba est une chanson d’aube : c’est une forme particulièrement belle. Son cadre narratif est
fictif : le troubadour a reçu le guerredon de sa dame, c’est-à-dire une nuit d’amour, suivant cette
volonté de dimension sensuelle, dans la chambre. Le problème est bien sûr que la dame a soit un
mari soit un père très protecteur. Comme ils redoutent les jaloux, les amants postent des guetteurs
qui veilleront à ce que leur amour ne soit pas découvert et à ce qu’ils ne se fassent pas surprendre
par la venue du jour. La chanson d’aube est donc la chanson du guetteur qui doit empêcher toute
trahison.
Certaines formes sont présentes de manière marginale dans la lyrique d’oc mais deviendront
prépondérantes dans le domaine d’oïl.
- La pastourelle :
La pastourelle a quand même eu une certaine dominance dans le midi de la France mais de
façon marginale. Il s’agit de l’histoire d’une bergère et d’un chevalier : la bergère est tantôt favorable,
tantôt défavorable au chevalier. Le chevalier, dans le cas où la bergère ne veut pas de lui, soit
abandonne, soit la prend de force. La pastourelle montre donc un bonheur menacé et fragile. C’est
une forme dominante en France dès le XIII ème siècle.
- La ballade :
La ballade est une chanson à danser. On peut citer pour exemple la célèbre ronde du renard
qui passe, qui possède un rythme de danse. L’aspect de danse disparaîtra et ce sera une forme
dominante dans le domaine du sud de la France. François Villon fera de nombreuses ballades.
Notion du travail poétique accompli :
Le troisième héritage des troubadours est la naissance d’un rapport entre le créateur et sa
création. Les auteurs prennent conscience des registres poétiques mis à leur disposition et choisiront
l’un ou l’autre en fonction de leur visée. Il y a trois grands courants poétiques :
- Le trobar leu :
Le mot trobar renvoie à l’art de composer des poèmes : le trobar leu utilise une manière
limpide et claire pour communiquer. Cette volonté de clarté se retrouvera par exemple chez Bernard
de Ventadour. Cependant, ce n’est pas un art facile : il donne juste une impression de facilité par sa
clarté.
- Le trobar clus :
Avec le mot clus, on a une idée de fermeture : le trobar clus est une approche de la poétique
hermétique. C’est une forme où on ne peut entrer de pleins pieds ; c’est un art codé qui a ses
expressions et un mode d’écriture particulièrement complexe. Par exemple, on peut citer le
troubadour Rimbaut d’Orange dont était amoureuse la comtesse de Die.
Remarquons que le trobar leu et le trobar clus instaurent deux des registres de la poétique
traditionnelle. Ainsi, Pierre de Ronsard utilisera tantôt un style simple et limpide dans ses sonnets
pour Marie (Amours de Marie) et tantôt des jeux de mots faisant penser à l’Antiquité (Amours de
Cassandre). On observe la même chose chez Étienne Mallarmé, Paul Valéry...
- Le trobar ric :
Le mot ric renvoie au mot riche : avec le trobar ric, on a une approche de la chanson qui va se
concentrer sur les aspects formels. Au niveau du sens, on utilise des stéréotypes. C’est une approche
virtuose des cansos. Les troubadours vont poser des règles d’une extrême difficulté.
Arnaut Daniel va fixer le modèle de la sextine qui reviendra chez Dante. Il y a une volonté
d’éclat et de montrer sa maîtrise technique : il s’agit de six couplets dans six strophes de six vers. On
retrouve un mot clef dans le premier vers de la première strophe, dans le deuxième vers de la
deuxième strophe, dans le troisième vers de la troisième strophe... On retrouvera cela par la suite par
exemple chez Philippe Desportes, chez les rhétoriqueurs du XVI ème siècle qui accordent une très
grande importance à la forme, chez Théophile Gautier au XIXème siècle dont la forme est le but de la
poésie.
Dans cette réflexion sur la forme et le fond, ce sera ici l’aspect technique qui sera favorisé :
celui-ci est censé susciter la perfection de l’écriture par sa complexité formelle.

6. Chrétien de Troyes

6.1 Cadre biographique


- Sinon le premier, c’est un des plus anciens trouvères (le premier à avoir transposé la poésie lyrique
d’oc en langue d’oïl).
- 5 romans : Érec et Énide, Cligès, Le Chevalier au Lion, le Chevalier à la Charrette, le Conte du
Graal.
- Il dit en avoir écrit d’autres : une Philomène (référence à Ovide), et sur le Roi Marc et Iseult
(traitement original du sujet vu qu’il n’inclut pas Tristan).
- Il a travaillé à la cour de Champagne, au service de Marie de Champagne (fille d’Aliénor et Louis VII)
(elle lui a commandé Lancelot/Le Chevalier à la Charrette, qu’il a écrit à contrecœur).
- Philippe d’Alsace, comte de Flandre, lui commande par la suite le Conte du Graal, car il fait une cour
assidue à Marie de champagne.

6.2 L’art de Chrétien et la notion de conjointure (question à 3 points)

L’ordre de rédaction des romans de Chrétien de Troyes est plus ou moins certain, et bien qu’ils aient
tous une thématique commune, à savoir, l’amour dans la société, on observe tout de même une
conception de l’écrivain et de la notion du roman unique.

Il reconnait qu’il s’empare d’une matière préexistante (la matière arthurienne) et qu’il ne l’invente
donc pas. La matière de ses romans lui a souvent été imposée par des commanditaires (il n’a donc
pas vraiment le choix de l’épisode qu’il va mettre en œuvre). Même le sens, la symbolique du récit lui
est imposé.

Si on prend l’exemple de Lancelot, commande de Marie de Champagne, la conception de l’amour de


ce roman est totalement en contradiction avec la sienne. Il va donc chercher à être original sur la
seule chose qui ne lui a pas été imposée, c’est-à-dire, la forme, sur laquelle il fera un véritable travail
de poète. C’est là tout son art de pouvoir traiter une matière brute à la manière d’un grand poème.

C’est ici qu’on perçoit l’idée de conjointure :

 Idée d’unité, de proportions, de cohérence interne au roman (critères


formels)
 Cohérence et proportions internes à chaque roman (conception classique de
symétrie de l’ensemble)
 Les cinq romans forment un ensemble, une globalité car Chrétien de Troyes
tisse des échos d’une œuvre à l’autre.

6.3 Un temps et un lieu clos


- La cour du roi Arthur est en déliquescence : Arthur n’est pas un roi parfait, il a ses faiblesses, et il
est mal entouré (Guenièvre le trompe, Gauvain son neveu héritier qui devient un mauvais chevalier,
etc.)
- Lieu clos : les 12 chevaliers de la Table Ronde réapparaissent au fil de ses œuvres.
- Temps clos : temps de paix, assuré par Arthur (>< chanson de geste).

6.4 Érec et Énide, amour individuel et service du suzerain


- Érec est un chevalier errant. Il rencontre Énide, très belle et très vertueuse, mais très pauvre. Il
l’épouse et devient un récréant. Il part à l’aventure et suit une série d’épreuves pour se requalifier.
- Originalité de Chrétien de Troyes : Énide est amenée avec et c’est une requalification du couple :
l’amour conjugal = seule manière d’accorder l’amour individuel et le système féodal.
- Épreuve ultime : Érec tue un géant et sauve la cousine d’Énide. On voit que la dimension sociale est
plus importante (la prouesse a une vertu sociale).
- Ils rentrent à Tintagel et son couronnés par le roi et la reine de Petite Bretagne. Ils se sont
requalifiés. L’amour et la prouesse sont alliés.

6.5 Deux œuvres en miroir : Lancelot et Yvain (question à 3 points)


- Le même début : Guenièvre est enlevée par le fils de Gorre (vient de l’Autre Monde, le royaume des
morts). Tous les chevaliers partent pour la retrouver (=> Lancelot = anti-héros et Yvain = le vrai héros).
- Lancelot ou le Chevalier à la Charrette
 C’est un chevalier excellent, mais son adultère avec Guenièvre le tire vers le bas. Elle le force
à prouver son amour au détriment de son honneur (« chevalier à la charrette » car forcé de
monter sur une charrette d’un nain pour la rejoindre).
 Il va presque jusqu’à la mort pour elle, et elle lui accorde donc la pitié (une nuit d’amour).
 Trait caractéristique de Chrétien : il sort de sa fonction d’auteur et s’adresse directement au
lecteur pour dire qu’il « ne sait pas ce qu’il s’est passé ». Il montre ce qu’il a envie de montrer
au lecteur et a ainsi un rapport particulier avec celui-ci.
 Après : accumulation de prouesses sans sens précis.
 Il arrête son récit en plein milieu pour montrer sa désapprobation.
 Lancelot n’arrivera jamais à se requalifier, mais fera des prouesses pour le bonheur d’autrui
(pas que Guenièvre), ce qui montre qu’il est quand même un héros.
 Jeu de typologie : Lancelot = figure christique ; Chrétien passe du registre profane au registre
sacré.
 Succès de l’œuvre : ouverte et donc prolongée par d’autres auteurs.
- Yvain ou le Chevalier au Lion
 Tue le chevalier protecteur d’une fontaine, et épouse sa veuve. Devient protecteur à son
tour, jusqu’à ce qu’il tombe sur des chevaliers du roi Arthur (Gauvain), qui lui font prendre
conscience qu’il est un récréant.
 Il demande la permission à sa femme (dame de Landuc) de partir se requalifier, et obtient un
congé d’un an.
 Malheureusement, il le dépasse et sombre dans la folie (« état animal »).
 Il est aidé par un ermite (image de la religion), la dame de Noraison (avec un onguent
spécial ; image de l’amour et de la jeunesse).
 Enlève une épine de la patte d’un lion (// saint Jérôme)
 Fait une prouesse tournée vers autrui en libérant des femmes nobles forcées à travailler
(vue négative du travail). => Effet social de la prouesse.
 Finalement, il réussit à racheter son amour.

6.6 Évolution vers une dimension religieuse : Perceval ou le Conte du Graal (question
à 3 points)
- Double roman : parcours achevé (de Perceval) vs inachevé (Gauvain). Perceval = ascension, Gauvain
= chute.
- Perceval
 Jeune homme naïf : point de vue différent sur le système qui l’entoure
 Chevalerie a coûté la vie à son père et son frère => il a été élevé en-dehors de ces valeurs.
MAIS un jour il rencontre des chevaliers et les prend pour des anges.
 Il quitte sa mère pour devenir chevalier => il commet la faute essentielle qu’il devra racheter.
Il l’abandonne et elle meurt ; il commettra une série de fautes car elle ne le protège plus.
 Se rend à la cour du roi Arthur, où il dénote. Gornemant devient son mentor.
 Blanchefleur le prend sous son aile. Il lui promet de revenir et de l’épouser, mais il doit
d’abord aller s’assurer de la santé de sa mère.
 Il arrive chez le roi pêcheur : jeux de symboles qui unissent la lecture chrétienne et sexuelle
(blancheur/souillure).
 Il y aperçoit le Graal qui lui fait forte impression. À son réveil, le château est vide.
 Sa cousine lui apprend alors son nom et sa faute
 Passage à Gauvain : part à la recherche de la « lance qui saigne » (symbole de fécondité)
 5 ans passent : Perceval a oublié Dieu. Il rencontre alors un cortège de pèlerins, qui lui
reprochent (il a oublié le vendredi saint !!!)
 Rencontre un ermite (son oncle) : lui apprend que le Graal contient une hostie, qui permet
au roi pêcheur de vivre.
 Il communie, retourne à Dieu, et obtient le pardon de sa mère. Son parcours est terminé.
- Gauvain
 Accomplit des prouesses sans sens, et manque à l’amour en commettant un viol
 Chrétien arrête l’aventure en plein milieu

=> Le lecteur = Perceval (naïf, se pose des questions)


- Utilisation image fortes et entièrement ouvertes

7. Spécificités et innovations de la littérature au XIIIe siècle


1. La bourgeoisie
Mutation du contexte social : développement de la bourgeoisie. Elle veut une littérature pour elle et
va développer son propre mécénat.
2. La prose
Au XIIe siècle, la prose était utilisée surtout dans des traductions, dans des textes juridiques,
didactiques, religieux, là où il fallait une clarté de sens et de l’objectivité.
La prose littéraire n’aura sa reconnaissance qu’au XIIIe siècle. Dans l’entourage des comtes de
Flandres s’impose l’idée que la prose est plus apte à dire le vrai. On l’utilise alors dans des textes
historiques.
3. Le support
Auparavant, les manuscrits étaient coûteux. Faits avec des peaux tannées, copiés à la main, décorés.
Ils étaient réservés aux textes religieux et didactiques. A partir du XIIIe siècle, il y aura beaucoup plus
de manuscrits grâce aux ateliers de copistes. Les manuscrits en langue vernaculaire se multiplient, le
public devient plus large, les manuscrits sont moins riches mais moins coûteux  meilleure diffusion
des œuvres.

4. Une nouvelle littérature


a) Développement littéraire
Les formes brèves se développent. Ces nouvelles formes mélangent parfois le vers et la prose (=
prosimètres). Nouvelles réalistes :
- Jean Renart, L’escoufle : l’histoire se déroule dans un hôtel en ville.
- Jakemes, Roman du châtelain de Coucy et de la dame de Faye : la dame trompe son mari avec le
châtelain. Le mari le tue et lui arrache le cœur, qu’il fait manger à sa femme. Milieu urbain.
b) Aucassin et Nicolette
Le seul représentant du genre littéraire de la chantefable. Fait alterner prose et vers. Parodie des
grands romans courtois, de la fine amor. Ironie. Nicolette est intelligente, rusée, opposée à Aucassin
qui est con comme un pot de chambre.
c) Le roman de Renart
Le personnage est un goupil. 26 branches contradictoires écrites par une vingtaine d’auteurs
différents. Parodie l’univers des chansons de geste et des romans courtois. Peinture satyrique du
fonctionnement de la société. Personnages animaliers.
d) Les fabliaux
XIIIe siècle : émergence du corpus des fabliaux. 160 fabliaux retrouvés. Brefs récits satyriques en vers.
Primauté de la narration, bonne histoire. Histoires misogynes. Insistance sur la moralité. Faire rire et
réfléchir. Genre bas, valeurs bourgeoises (argent, sexe).
5. Sommes
On veut rassembler tous les savoirs, on veut une vision générale du monde. Pour l’exégèse biblique,
des modes de lecture tout à fait codifiés vont se développer. On ne cherche plus un sens, mais
plusieurs.

8. Apparition et développement de la littérature dramatique jusqu’au 15 e siècle

(8.1 Remarques introductives)


- Le théâtre n’apparaît pas subitement au Xe siècle.
- Hypothèse qu’il y n’y a pas eu d’interruption entre l’Antiquité et le MA. (Une typologie de
personnages a survécu.)
- Le déplacement des espaces de représentation entre l’église et le monde profane : les deux
existent. Le succès des pièces les fera transposer en représentations dans la ville ; ce n’est pas un lieu,
ni un genre littéraire, juste une pratique de représentations.
- On ne part pas du simple pour aller vers le complexe ; des pièces du XIe –XIIe sont plus élaborées
que certaines du XVIe siècle.

8.2 Développement dans les abbayes et cathédrales


- Xe siècle, abbaye de St Benoît sur Loire.
- Dramatisation : idée que le pouvoir de l’image est plus fort que celui du discours ; pouvoir de
l’incarnation de la chair. Les moines choisissent d’utiliser ce pouvoir.
- Grande production théâtrale en latin (car fait par des clercs, pour des clercs).
- 3 pièces latines d’Hilarius :
 But = vulgariser les Écritures et donner plus de force à ce qui est dit par le jeu de l’acteur
 Fermé au public car en latin
 Représenté dans l’église
 Représentations chantées

8.3 Début de vulgarisation


- Les pièces sont jouées en latin => compréhension difficile pour ceux qui ne connaissent pas le latin.
- Passage difficile vers langue vernaculaire car on touche au caractère sacré des écrits bibliques.
- Fin du XIe siècle, le Sponsus (l’époux) :
 Dramatisation d’un passage de l’Evangile de St Matthieu.
 Émergence de certains passages en langue d’oc. Ils résument et complètent les parties en
latin (Pour ceux qui ne comprennent pas).

Le drame liturgique et le Jeu d’Adam (2nde moitié du XIIe siècle) (question 3 pts)
Espace scénique :
 Joué dans l’Église et dans l’espace de celle-ci.
 Espace englobant (le spectateur n’est pas séparé du spectacle). Théâtre collectif et
englobant.
 Le texte dramatique est prononcé par les acteurs, il y a un véritable échange théâtral.
 L’acteur se déplace d’un lieu figuratif à un autre à chaque changement de lieu.
 Par la suite, l’espace sera de plus en plus frontal (avec toujours de différents lieux).
Niveau linguistique :
 Intégration de langue d’oïl c’est la première fois qu’elle prend autant d’importance.
 Il y a des chants liturgiques en latin ainsi que des didascalies (plus facile à lire pour les clercs)
Niveau idéologique :
 Les personnages ne sont ni bons, ni mauvais, mais doués de libre arbitre.
 L’Homme est doté d’une raison, et a des moyens de s’opposer au mal (il est donc responsable
s’il s’y abandonne).
 Il y a une notion psychologique.
- On n’a que les 3 premières sections : Adam et Ève, Abel et Caïn, le défilé des prophètes.

8.5 Le développement du théâtre urbain au XIIIe siècle


- À Paris :
 Les Miracles de notre Dame (Coincy, 1170)
 Le Miracle de Théophile (Rutebeuf, 1160)

8.6 Le cas d’Arras au XIIIe siècle (question 3 pts)


8.6.1 Contexte politique et religieux
- Pouvoir éclaté : pouvoir royal + pouvoir local assez autonome (échevins de famille bourgeoise) +
pouvoir clérical
- Ville de grande richesse : ville commerçante et drapière, et pratique le prêt à usure (normalement,
il n’est pas religieusement acceptable).
- Évolution linguistique : le francien devient le moyen-français
Liens entre la bourgeoisie et les jongleurs :
 La bourgeoisie locale est donc très riche et développe un mécénat.
 Sédentarisation des jongleurs, qui deviennent ménestrels et se réunissent confréries et
autres.
 80 poètes à Arras. Dvlpmt d’une Confrérie (association à but caritatif religieuse), qui unit les
bourgeois et les ménestrels.
 Grace au miracle de la sainte chandelle (1105) : c’est une chandelle miraculeuse dont la vue
guérit les blessés, donnée aux jongleurs par la Vierge, car ils s’étaient repentis du meurtre
qu’ils avaient commis. C’est donc un culte qui unit les bourgeois et les jongleurs.
=> Florescence du spectacle et du théâtre à Arras au XIIIe siècle.
8.6.2 Jean Bodel
- Il écrit divers types d’œuvres pour plaire à différents publics : chansons de geste, fabliaux, …
- Vers 1200 : Jeu de Saint-Nicolas
 Genre de la vie de saint
 Décors africain, mais vague
 Scène de taverne (qui se trouve à Arras) => le spectateur se sent concerné, il y a un effet de
réel, un sujet proche de la vie quotidienne.
 Développement du thème du travail : le sens négatif => positif (mais pas encore tout à fait …)
8.6.3 Adam de la Halle (seconde moitié XIIIe siècle)
- Changement du statut de l’auteur. Toute l’œuvre de celui-ci est rassemblée en un manuscrit (autre
exemple dans la personne de Rutebeuf).
- Acquisition de notoriété, l’auteur induit la logique de la copie.
- Manuscrit organisé par l’auteur en personne (poésie chantée, dramatisations, déclamations,
poèmes divers).
- Le Jeu de la Feuillée (1276) :
 Jeu de mot : la feuillée = la Folie
 Premier jeu profane en français, relativement court, mais complexe (jeu avec la réalité
historique).
 Dramatisation de genres de récits (vie de saints, fabliaux, …) ; Ici : le congé (le personnage
doit quitter la ville et doit dire au revoir à ses amis).
 Complicité entre les acteurs et les spectateurs, dimension collective
 L’auteur se met en scène lui-même (probablement tenait-il son propre rôle), ainsi que son
père et ses amis, dans un cadre arrageois : un jour de fête à Arras.
 Importance du théâtre comme union autour du modèle social. Il fait défiler tous les états de
la société : médecins, moines, dame de petite vertu, …
 Le jeu bascule dans un univers onirique, et se fait parodie du roman féodal par la figure du
poète récréant.
- Jeu de Robin et Marion :
 Dramatisation du genre de la pastourelle, qui a une dimension morale et religieuse, qui est
codifié, et rappelle la fragilité du bonheur de l’Homme. L’harmonie règne entre les hommes
et la nature qui pourvoit à tout. Un chevalier vient troubler cette harmonie.
 777 vers en octosyllabes, rimes plates
 Il y a des passages chantés (Adam de la Halle est poète ET musicien), avec une intégration
tout à fait naturelle. Saveur de musique populaire par les rythmes dansants.
 C’était un spectacle frontal, avec un rideau, et une séparation entre spectateurs et acteurs.

8.7 L’évolution de la littérature dramatique aux XIVe et XVe siècles (question à 3 points)
Le XVe siècle est une période difficile (Grande Peste, Schisme, Guerre de Cent Ans) et de transition :
les genres exploités auparavant ont été améliorés dans leur construction et dans leur cohérence
(comme les Miracles par exemple), mais nous avons perdu le sens de la nouveauté. Apparaissent
alors, petit à petit les nouveaux genres qui renouvelleront le théâtre et qui se divisent en deux
formes : brèves et longues.

1. Les formes brèves :

Deux types de formes brèves :

- La farce : chaque personnage a un nom et des relations sociales réalistes et précises unissent
les personnages. On se trouve dans le cadre urbain réaliste, le cadre du menu peuple : les
personnages sont des paysans, des artisans, des petits boutiquiers, … L’univers des farces est
semblable à celui des fabliaux, en ce sens que, le gentilhomme est remis à sa place, le moine
est un clerc paillard et débauché et le benêt triomphe. Les préoccupations des personnages
sont matérielles (l’argent, le sexe, le jeu, …). C’est le monde à l’envers (cf. monde
carnavalesque dans le baroque). L’une des farces les plus connues est La Farce de Monsieur
Pathelin
- La sottie : l’actions de la sottie est symbolique et les personnages sont allégoriques (le
Premier sot, le Deuxième sot, … qui représentent les travers humains, ainsi que la Mère
Sotte, le Prince des Sots, …). La sottie se présente sous la forme d’un jugement, d’une
condamnation des types de l’humanité. Elle a souvent été censurée (contrairement à la
farce). C’est le versant symbolique de la farce.

Attention, les formes brèves ne sont pas toujours distinctes dans une seule œuvre théâtrale, mais
elles peuvent être mélangées dans une même pièce. Elles sont même parfois mêlées à des formes
longues.

2. Les formes longues :


Deux types de formes longues :

- Les Mystères et les Miracles :


o Les Miracles : s’attachent à un grand moment de la vie d’un saint. L’épisode
représenté est en général celui où le saint accompli le miracle (ex. Le Miracle de
Théophile, qui représente un moment de la vie de Théophile, le moment du miracle
de la Vierge)
o Les Mystères : retracent l’ensemble du parcours biographique d’un saint (et non plus
seulement un moment précis comme dans les Miracles), c’est-à-dire de la naissance
du saint, en passant par son martyr et jusqu’à sa mort. Quand il s’agit de la vie du
Christ, on appelle alors cela « Mystère de la Passion » ou « Passion ». L’une des
Passions les plus connues est Le Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban (milieu du
XVe), composée de 35000 vers et divisée en quatre journées. On y compte des
centaines de personnages. On y mêle des éléments burlesques (personnages
ridicules, caricatures des juifs), des scènes réalistes (scènes dans les tavernes qui
décrivent le quotidien), des éléments pastoraux (crèche de Noël, messe de Pâques,
…) et des élément tragiques (plainte de la Vierge devant le corps mourant de son fils)

- La moralité : versant allégorique des Mystères et des Miracles.

9. Développement de la poésie déclamée de langue d’oïl jusqu’au XVe siècle


9.1 L’émergence d’une poésie didactique dite (fin XIIe siècle)
- Évolution de la poésie au XIIe siècle : scission entre littérature et musique qui mène à la poésie
déclamée.
- Rupture en deux temps :
 Apparition de formes non narratives brèves, didactiques et non chantées. Destinées à être
lue.
 Des formes poétiques et musicales deviennent essentiellement littéraire même si garde
forme musicale.
- Au XIIIe concurrence de la prose augmente, qui dit prose dit impossibilité de chanter =>
affranchissement de la dimension poétique de la dimension musicale.

(Voir question à 2 pts sur Hélinand de Froidmont)

9.2 La poésie personnelle dite au XIIIe siècle


- Développement de la poésie personnelle non chantée et non narrative apparaît au XIIe siècle.
- Incarne dimension morale, didactique ou religieuse.
- La tradition se poursuit XIVe et XVe siècle

Jean Bodel
- Ménestrel d’Arras, s’illustre aussi dans la poésie non chantée, et le théâtre (Jeu de St Nicolas, …).
- Reprise de la strophe d’Hélinand en 1202 : atteint de la lèpre, il écrit un poème avant de partir de la
ville avec ce modèle. Mais il utilise le « je », alors que le ton de Froidmont est plutôt celui d’un
prêche.
- À la différence d'Hélinand on a une dimension humaine.

Rutebeuf (question à 3 points)


Il entreprend sa carrière à Paris et fait partie de la génération de poètes qui mettent leur plume au
service d’un grand (travaillent à la commande).
Il participe à la querelle des ordres mendiants :

 Des ordres mendiants se sont développés (franciscains, cisterciens)


 Le principe : ils vivent dans la pauvreté et leur survie dépend de la charité
 Cette querelle divise les professeurs de la Sorbonne
 Rutebeuf a comme commanditaire des anciens professeurs, donc il les soutient dans leur
position malheureusement pour lui ce sont les nouveaux professeurs qui gagnent ; il n’a donc
plus de travail.
On ne sait cependant pas s’il était pauvre ou riche

- Grièches (d’hiver et d’été) (1260) :


 Désignait un jeu de dés
 Il s’y peint comme un homme pauvre
 « Je » théâtralisé, avec une visée morale/religieuse.
 Image d’un poète déchu : l’Homme est frappé par la chute. Dès lors, nous sommes entachés
par le mal. Montre dans la chair du texte qu’il est frappé par l’incapacité de la perfection (pas
qu’il l’est vraiment, mais c’est son message), la faiblesse du poète, obligé de travailler (vision
négative du travail), depuis la chute du paradis originel.
- Voie d’humilité (1262) :
 Il a des nouveaux protecteurs (des moines de l’abbaye de St Victor).
 Il se met en avant dans le ridicule, comme s’il n’était pas malin et qu’il faisait n’importe
comment ses vers, dans une forme d’autodérision.
 Encore une fois la volonté de montrer la faiblesse du poète.

9.3 L’émergence des formes lyriques non chantées


Guillaume de Machaut (1300 – 1377)
- Compositeur de musiques polyphoniques majeur : chants polyphoniques pouvaient être chantés
par plusieurs voix, même si souvent une seule était retenue et les autres remplacées par des
instruments, dans un souci de compréhension.
- Recueils autour de son œuvre ; manuscrits copiés sous sa direction.
- Il distingue les pièces chantées et récités (les plus nombreuses).
- Émancipe la poésie de la musique.
- Utilise la ballade :
 Forme strophique, 1 vers constant à la fin, un envoi
 La grande forme du XVe siècle ; c’est le canon de la poésie lyrique
9.4 La poésie personnelle dite au XVe siècle
Charles d’Orléans (question 2 pts)
- 1394 - 1465
- Capturé en 1415 par les Anglais à la bataille d’Azincourt, il revient en France 20 ans plus tard.
- Il écrit des ballades en Angleterre (Douvres), puis revenu en France, il s’adonne au rondeau.
- Rondeau :
 Forme à danser d’une liberté formelle très grande
 Il n’y a presque plus de dimension musicale : seul le refrain reste (répétition d’un simple
vers).
- On commence à conserver ces manuscrits autographes.
- Il compose son recueil :
 L’ordre des rondeaux n’est pas aléatoire, il y a une structure.
 Sensation qu’il retrace un parcours (auto)biographique, un parcours intérieur (non
vérifiable !)
 Grande diversité formelle et thématique
 Pratique le mécénat (Villon notamment écrira un poème dans son recueil)
François Villon (question 2 pts)
- 1431 – 1463 (disparu)
- Continue, est la fin et l’apogée de la tradition de la poésie personnelle non narrative.
- Orphelin, élevé par son oncle Guillaume de Villon (prend son nom) ; nombreux ennuis avec la
justice, mais sa reconnaissance en tant que poète constitue une protection qui lui évite la peine
capitale. Finira banni à vie, et disparaîtra, devenant un véritable personnage littéraire.
- Le Lai (« le petit Testament ») (1456) :
 Donations à ses amis et ennemis (le leg)
 Une sorte de congé transformé en testament
- Le (Grand) Testament :
 Premier grand recueil de la littérature française, œuvre ample et complexe
 Poèmes isolés qui ne font pas partie d’un ensemble
 Contient la ballade des pendus (épitaphe de Villon), on ne sait pas au début qu’il s’agit de
pendus.
 Univers de memento mori, de discours didactique et religieux.
 Recourt à des formes de la lyrique d’Oc mais non chantée. Huitains d’octosyllabes => fil de
trames qui reconstitue le parcours du poète. Au sein des huitains, on peut trouver d’autres
formes (ballades, lai, …).
 Raconte le parcours malheureux de Villon et le retour à Dieu (premier poète maudit ?)
 Bulles thématiques (ex : la femme)
 Imprimé en 1489 et édité très tôt, peut-être même reconnu de son vivant ; puis nouvelle
édition par Clément Marot en 1533.

10. Contexte historique et esthétique de la Renaissance française

Cette période ne naît pas à une date précise. Divers événements de la fin du XVe siècle modifient la
donne et annoncent la Renaissance. Parmi eux, on a l’invention de l’imprimerie par Gutenberg (1436)
et une autre date souvent citée est la prise de Grenade par les rois catholiques en 1492
(Reconquista), qui est aussi marquée par l’arrivée de Christophe Colomb au Nouveau Monde. On note
également d’autres découvertes qui montrent des aspects inconnus de la Terre de même que des
découvertes scientifiques : ainsi, la Terre ne sera plus plate mais ronde, le géocentrisme est remplacé
par l’héliocentrisme. L’homme qui se voyait au centre du monde voit sa perception du monde
modifiée. En France, la situation politique change considérablement. Le roi Louis XI modifie
considérablement les territoires de la France (écrasement des dernières maisons féodales). Il va se
battre contre la maison de Bourgogne qui s’étendra et dont les territoires se rapporteront au
Royaume de France. Un autre événement important à ce niveau est la mort du poète René d’Anjou en
1480, celui‐ci dirigeait une Cour très importe et, n’ayant aucun enfant, il lègue son territoire au roi de
France.
La Renaissance est une période terriblement complexe pour diverses raisons. La réforme
souhaite se couper avec le Moyen Age, on désire aller chercher un modèle avant le Moyen Age,
considéré comme une période de décadence : on retourne aux sources de l’Antiquité.
• 1517 : publication des 95 thèses contre les indulgences (Luther)
• 1530 : rupture entre catholicisme et protestantisme. La réforme va chercher son modèle sur les
récits évangéliques tandis que l’humanisme reprend comme modèle l’antiquité grecque et latine.
Jamais la langue française n’a été si riche qu’au XVe siècle et qu’au XVIe siècle : la lecture est
extrêmement difficile. Il faut maîtriser tout l’héritage médiéval et connaître l’héritage chrétien ainsi
que les littératures grecque et latine ; c’est un siècle où l’Espagne et l’Italie ont un rôle prépondérant
dont la France s’inspire. La Renaissance est donc une période complexe, en mutation et tiraillée entre
deux tendances – l’Humanisme (profane) et la Réforme (religieuse). Ces tendances sont proches par
une volonté de rupture par rapport au Moyen-Âge et une opposition à cet héritage, mais le sens de
cette rupture est différent selon l’angle : l’Humanisme se tourne vers l’Antiquité (développement de
la connaissance du grec et place centrale de l’homme) alors que la Réforme se tourne vers l’époque
de l’Église primitive dans toute sa pureté. La Réforme ne fait pas confiance en l’homme, à l’opposition
de l’Humanisme.
La Réforme conduit à de nombreuses ruptures qui vont déchirer l’Europe. En 1517, Martin
Luther publie ses 95 thèses contre l’indulgence : cette opposition contre la papauté entraînera son
excommunication en 1521. En ce qui concerne le retour aux modèles philosophiques grecs, il conduit
à l’interdiction, par la Sorbonne, de l’étude du grec en 1520. La faiblesse de l’homme est issue du
péché originel d’Adam et Ève : la nature est considérée comme mauvaise et souillée. Les humanistes
tentent de rendre un primat au rôle de la raison et mettent l’accent sur l’homme. Ces deux courants
concomitants secouent donc toute la première moitié du XVIe siècle. La situation est d’autant plus
complexe que ces deux mouvements sont entremêlés : chez les auteurs, l’attirance pour le courant
religieux de la Réforme s’allie presque toujours avec l’attirance pour l’Humanisme et cela de façon
inconsciente. Chez tous, l’ambiguïté du regard est toujours présente. On présente souvent la
Renaissance comme un temps de redécouverte de l’Antiquité qui aurait été oubliée au Moyen-Âge ;
cette vision est à présent rejetée. Le Moyen-Âge n’a pas du tout oublié l’Antiquité : le latin est
largement la langue de culture du Moyen-Âge et des auteurs comme Ovide, Virgile et Horace sont
parfaitement connus et étudiés. Ovide, surtout, est beaucoup lu : on reprendra ses oeuvres pour y
voir une vision morale, pour se servir de son texte et pour l’instrumenter dans une vision chrétienne
du monde. Il en est de même pour Virgile. L’Antiquité est une source prépondérante de toute la
littérature du Moyen-Âge.
Ce qui change profondément, c’est le regard porté sur ces textes : on les redécouvre non plus
pour une vision chrétienne mais pour comprendre ce que les auteurs ont réellement voulu dire. C’est
une relecture des textes pour eux‐mêmes. Du point de vue grec (excepté Aristote), la situation est
différente : le grec était beaucoup moins connu au Moyen-Âge, on va donc découvrir toute une série
de textes qui étaient inconnus jusque-là. Ils vont arriver par l’affluence en Italie de grands
intellectuels lors de la prise de Constantinople par les Turcs. On remarque une volonté d’aller
chercher dans les Abbayes des textes nouveaux ; on va rassembler tous ces manuscrits et commencer
à les étudier et à les comparer. Ils ne nous sont pas parvenus de manière parfaite mais par des
traditions scripturales différentes. Ils avaient été volontairement ou involontairement corrompus. Il y
a un rapport au texte tout à fait neuf qui singularise le regard occidental par rapport à un autre regard
sur le monde : on peut opposer ce rapport au texte avec celui des Musulmans. On va également
comparer les textes sacrés et se rendre compte que la parole de Dieu s’est corrompue au fil du temps.
Lors de la Réforme, on envoie des voyageurs dans tous les monastères de Grèce et de Turquie afin de
trouver les textes les plus anciens. La Réforme insiste sur le fait que ni l’Ancien Testament ni le
Nouveau Testament ne nous sont parvenus intacts : même les textes sacrés sont marqués par le
temps et par la fragilité. Ce regard est très différent de celui de l’Islam : dans le Coran, Dieu parle à
travers Mahomet alors que, dans la Bible, on ne fait que rapporter les paroles de Jésus. Le rapport au
texte religieux est le même pour l’Humanisme et la Réforme.

11. Pierre de Ronsard


11.1 Biographie
- Son parcours personnel atteste la reconnaissance sociale nouvelle accordée aux artistes. Ce qu’on
réservait aux figures de saints va se déplacer aux figures profanes ; on commence à « vénérer » les
lieux où les écrivains ont vécu ou dont ils parlent, etc.
- Au XVIe siècle : on commence à tout collectionner (idée de relique), conserve les lettres, les
manuscrits, brouillon, etc. comme les fruits d’un long travail, idée du génie à l’œuvre.
=> Nouveau statut socialement et spirituellement.
- 1524 – 1585
- Naissance dans une famille de noblesse provinciale.
- Commence la carrière militaire familiale, mais atteint de surdité et doit arrêter. Pour aider son
prince, il met dorénavant sa plume à son service. Il se propose de réunir le peuple autour d’un
modèle éthique, politique et religieux : la personne du roi.
- Étudie et prend une voie religieuse, devient clerc, et pourra ainsi obtenir des bénéfices (les prieurés,
fondés par des grandes familles, ont des terres qui produisent des bénéfices, et qui leur revient ; c’est
une sorte de placement financier). Ronsard aura 2 abbayes et 1 prieuré.
- Sous l’enseignement de Jean Dorat avec Antoine de Baïf (Du Bellay fréquentera aussi ce collège).
- 1549 : Art Poétique de Sébillet Incarne l’héritage des Rhétoriqueurs
- Cela révolte Du Bellay et d’autres auteurs, qui publient Défense et Illustration de la Langue
Française.
 Défense = défend la langue française, capable d’assumer tous les genres
 Illustration = enrichissement de la langue française pour lui permettre d’accéder aux grands
genres de l’Antiquité (ex : vocabulaire technique, néologismes ou archaïsmes, syntaxe
française sur base du latin, …)
 Modèles littéraires = ceux de l’Antiquité, les stances et le genre du sonnet
 Positionnement complexe qui prône les archaïsmes mais veut une certaine modernité
- 1553 : nomme le groupe dont il est le « meneur » la Pléiade

11.2 Les Odes (question à 3 points)


 4 premiers livres d’Odes de Ronsard qui vont faire de lui le chef de file de la Pléiade
 S’empare du genre de l’ode pour montrer qu’on peut en faire en français aussi bien que dans
l’Antiquité.
 Il veut briller dans tous les niveaux :
o Haut = Ode pindarique (< Pindare), composée d’une strophe, d’une antistrophe et qui
s’achève sur l’épode ; but de Ronsard = créer une image de la France autour de
laquelle une population pourra se réunir.
o Moyen = Ode horatienne (< Horace) : ode à la Fontaine de Bandusie // Bellerie (pour
Ronsard).
o Bas = Ode anacréontique (< Anacréon) : qui célèbre l’amour et la boisson
 On juge l’œuvre à la lumière de ce qu’elle imité (<aristotélisme) ; si l’imitation est bonne, il y a
catharsis.
 Il faut donc imiter les artistes qui ont eux-mêmes bien imité. Ronsard présente donc presque
des traductions en français de poèmes latins et grecs, mais il y ajoute des choses
personnelles.

11.3 Les Amours (question 3 pts)

- Recueil des Amours de Cassandre


 Cassandre Salviati, fille d’un banquier italien, célèbre pour sa beauté et sa culture
 Diverses formes : sonnets, stances, chansons
 Esthétique maniériste
 Maîtrise linguistique et mythologique (joue sur la Cassandre d’Homère, qui prophétise le
malheur).
 Il y aura une opposition à cause de la complexité de son œuvre. Marguerite de Navarre
calmera le jeu en mettant en avant la simplicité de l’œuvre.
- Petit à petit il passe à l’alexandrin et aux sonnets, sur le modèle de Pétrarque (2 quatrains + 2
tercets).
- Continuation des Amours et Nouvelle Continuation des Amours de Marie :
 C’est une petite paysanne, qui remplace l’aristocratique Cassandre par une représentation de
la France.
 Chant à la française, avec un changement de registre (chante la nature).
 Beaucoup plus limpide dans l’écriture. Élimination des références et syntaxe plus claire.
 Vision très sensuelle de l’amour, procédé de transcendance, de ravissement. L’amour aspire
l’Homme vers l’au-dessus.
 Renouvellement d’une poésie matérialiste.
- La supériorité de Ronsard est reconnue

11.4 Ronsard et le contexte politique et religieux


- Il est partagé entre la campagne et Paris, et écrit des poèmes politiques engagés (Discours sur les
misères de ce temps).
- Il estime que sa supériorité d’inspiration lui permet de parler de tous les sujets, et de ce qu’il ne
connaît pas.
- Il est au service du roi Charles IX.
- Position religieuse :
 Reste dans un catholicisme conservateur, qui veut un certain ordre et une fidélité dans la
communauté politique autour du roi. Mais ils sont tout de même séduits par certains
aspects du protestantisme.
 En 1562, quand les protestants prennent les armes, revirement de Ronsard qui s’attache au
roi.
 Il voit la guerre civile comme une attaque à la France unie, et se rattache au catholicisme
(même s’il garde un certain recul).
- La Franciade
 Épopée qui célèbre l’idée d’une nation française avec une grande cohésion
 Modèles d’Homère et de Virgile
 Reprend le sujet de Jean Lemaire des Belges
 Le héros = Francus
 Idée de la translatio imperii
 Mais il n’y croit pas vraiment (en plus, le royaume serait voué à disparaître… ?)
- Mort de Charles IX en 1574, Henri III monte sur le trône ; la Pléiade pâlit, certains sont morts ou
vieux…

11.5 Sous le règne d’Henri III


- Émergence d’une nouvelle poésie avec Philippe Desportes, poète attribué d’Henri III.
 Concurrent de Ronsard et de Malherbe
 Maître de la langue et attrait pour la forme. Froideur et netteté. Artificialité pour faire
ressortr la forme.
 Poésie de cour (/de salon) : à l’usage de la sociabilité mondaine.
 Épure le vocabulaire (comme Malherbe, à l’inverse de Ronsard)
- Ronsard lui répond personnellement : il donne une cinquième édition de ses œuvres en 1578.
- Publie des poèmes sur la Mort de Marie (une nouvelle, Marie de Clèves), des Sonnets à Hélène
(Hélène de Surgères, l’égérie de tous les salons mondains, aimée par le roi Henri III). Il retourne au
pétrarquisme et montre plus de limpidité (à l’instar de Desportes).
- Meurt en 1585. Il était âgé, sourd et aveugle, mais il a quand même dicté ses derniers poèmes à ses
amis qui les ont publiés posthume.

12. François Rabelais


12.1 Sa vie
- 1494 – 1553
- Né dans une ferme ; son père était avocat et d’une riche famille terrière. Richesse fermière, on
investit dans la formation des enfants.
- Il transpose son univers d’enfance dans ses romans.
- Adopte un regard d’enfant sur les adultes, ce qui donne un statut particulier à l’œuvre (bien que
linguistiquement ce soit vraiment brillant, l’œuvre sera privilégiée par des enfants).
- 1e formation à abbaye de Seuilly, dépendant de Maillezais. Pas assez d’argent pour avoir un
précepteur.
- Vision de l’éducation :
 À Anger, formation par les clercs.
 Héritage du MA, la scolastique.
 Education coupée de toute réalité, qu’il va ridiculiser dans toutes ses œuvres.
 Il y substitue un mode d‘enseignement basé sur ce qui l’entoure.
 Tendance à la laïcisation de l’enseignement.
- Pendant toute son histoire, il quitte la clôture pour le monde extérieur.
- Écrit à Guillaume Budé. Il est alors moine depuis 5 ans dans un ordre franciscain (ordre mendiant
qui remet les idéaux de pauvreté et de simplicité en avant). Ceux-ci rejettent également le savoir =>
c’est un choix assez particulier que d’avoir rejoint cet ordre.
- Il connaît le grec (livres chers et rares). Il se voit confisquer ses livres quand la Sorbonne interdit
l’étude du grec. Les humanistes voulaient retourner aux sources du texte de la Bible (qui était en fait
une vulgate, traduction du grec au latin). Notamment Erasme qui avait fait un commentaire sur la
Bible d’après la version grecque de Saint Luc.
- Rabelais devient secrétaire de l’évêque Geoffoy d’Estissac, son premier protecteur, qui va obtenir
chez le pape le passage de Rabelais chez les Bénédictins de Maillezais. Écrit des poèmes néo-latins.
- Entre à l’Université de Paris, quitte la clôture et devient clerc séculier, entre en contact avec le
monde. Commence un tour des universités de France pour écouter les professeurs réputés.
- S’inscrit à la faculté de médecine de Montpellier et devient bachelier en 3 mois. Science humaine
et formelle, sans pratique, mais principalement commentaire de textes d’Anciens.
- Se rend à Lyon, grande ville d’édition, où il édite une Critique des Apories d’Hippocrate. Nommé
médecin à l’Hôtel-Dieu.
- Contact épistolaire avec son ami Erasme ; fréquente Étienne Dolet, etc.

12.2 Diffuser ses idées auprès d’un large public


- Entre dans la République des Lettres, une petite communauté où les découvertes circulent vite,
mais le savoir n’en sort pas. Rabelais a une volonté de faire bouger les choses : le peuple doit être
touché par la pensée humaniste.
- Il utilise donc un discours accessible (un genre populaire).
- Il trouve un livret de colportage qui circule dans la populace, et comprend leur impact.
- Son œuvre relève du divertissement, il y a une facette joyeuse, mais elle sert à faire passer un
discours humaniste.

12.3 Pantagruel
- Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel, Roi de Dipsodes,
fils du Grand Géant Gargantua, ou Pantagruel (1532)
- Rabelais prend le pseudonyme d’Alcofribas Nasier
- Le héros : prend le fils de Gargantua (qu’il reprend des livres de colportage), et le nomme
Pantagruel (petit diable, qui devient un géant = univers de retournement).
- Crée un anti-genre : reprend les structures générales pour les retourner.
- Les géants = équivalent des saints.
- Étiologie : on attribue aux personnages la création de curiosités naturelles
- Le 1e ouvrage circule à la Foire de Lyon et connaît un grand succès ; les idées humanistes circulent
ainsi dans le peuple.
- Forme traditionnelle des livrets : 2 parties ; d’abord les origines et l’enfance du héros, puis tous les
hauts-faits du personnage.
- Royaume d’Utopie (référence à Thomas More).
- Première partie
 Enfance du héros, qui n’est pas banale. Accomplit ses premiers hauts-faits.
 Fait le tour des universités de France, accompagné de son maître Epistémon.
 Se rend à Paris pour parfaire son éducation. Y rencontre Panurge (personnage capable du
meilleur comme du pire : c’est l’Homme).
 Dialogue entre l’Homme et son idéal (le géant) ; le regard de Panurge y est celui de Rabelais
enfant sur son père considéré comme parfait.
- Seconde partie
 Gargantua (le père) a été enlevé par la fée Morgue et emmené dans le mode des fées.
Pantagruel quitte Paris pour le retrouver et part en voyage avec ses compagnons.
 Le Royaume voisin, voyant qu’il n’y a plus de roi, attaquent Utopie. Ce sont les Dipsodes (les
Assoifés).
 Goût de la Renaissance pour le voyage : devient un genre littéraire particulier. C’est un lieu
de confrontation des idées reçues.
 Pantagruel récupère son père et ils vont vaincre le roi des Dipsodes, Anarche (le désordre).
 Le ton populaire l’emporte : il copie le livret de colportage.
- Lettre de Gargantua à Pantagruel = sorte de manifeste de la Renaissance, qui proclame la fin de la
scolastique et promeut un nouvel enseignement. Début de la pensée sur la pédagogie
- Pas d’opposition religieuse dans cette pensée moderne. Il met en avant la charité et la générosité.
- Grand succès qui éveille l’intérêt de la Sorbonne, qui le condamne en 1533.

12.4 Gargantua
- La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, ou Gargantua
- Donne à Gargantua une généalogie différente de celle de Pantagruel => se moque du lecteur.
- Première partie
 Intérêt pour l’étymologie : se moque de ce faux savoir
 Premiers hauts-faits de l’enfant : à travers ses expériences pour trouver un « torche-cul », il
promeut l’expérimentation, rejette la scolastique (sur le mode de laquelle il est formé).
 On lui donne un nouveau précepteur : Pornocrates. Il est plus pris en compte et on l’aide à se
développer. L’étude est faite dans le monde, les moments de détente sont mis à profit
(sport), on diversifie les matières.
- Seconde partie
 Guerre de son père (Grandgousier) avec le voisin Picrochole (être envieux et méchant). Une
petite querelle de voisinage va mener à la guerre (// avec un événement de l’enfance de
Rabelais).
 Gargantua quitte Paris pour aider son père, et finalement il gagne avec l’aide du frère Jean
des Entommeurs, et rend son trône à son père.
 Pour remercier Jean, il lui bâtit l’Abbaye de Thélème, utopique et incarne la vision bon-enfant
de Rabelais.
 C’est une anti-abbaye : elle n’a qu’une règle, « fais ce que tu voudras ». Rabelais pense que
l’Homme est foncièrement bon.
 Idéal de la Renaissance : idée que les hommes et les femmes peuvent vivre ensemble et
échanger ; une civilisation de politesse en naît, ainsi que l’honnête homme du XVIIe siècle.
- Langue d’une grande richesse, reprend l’essence orale du livret de colportage. C’est son grand
apport : il reprend la structure et le style.
- Introduit des modèles de clarté et de simplicité.
- Rabelais quitte Lyon, va dans un monastère près de Paris, puis finit ses études de médecin et fait un
troisième voyage en Italie. Il évite Paris et la censure (// Clément Marot). 1543 : Gargantua
condamné.
12.5 Les trois derniers romans
- Le Tiers Livre
 Colonie d’Utopiens en Dipsodie, avec Panurge à la tête, mais il n’arrive pas à se gérer et veut
donc trouver une femme.
 Il va chercher des avis et tout le monde pense qu’il ne doit pas se marier.
 Successions de portraits (// Éloge de la Folie d’Érasme), création d’une galerie de
personnages qui vont revenir dans la littérature française.
 Rabelais fait défiler tous les moyens de consulter pour prendre une décision (aller chercher
hors de soi une réponse qui est en soi).
 Vont voir un oracle à la fin du Tiers Livre, qui leur annonce qu’ils doivent se rendre en Chine
pour voir l’oracle de la Dive Bouteille.
- Le Quart Livre
 Changement de structure narrative : ils vont voir un oracle en Chine, et ça devient un récit de
voyage.
 4e livre = navigation des protagonistes vers la Chine, avec des étapes imaginaires.
 Rabelais a une grande faculté d’invention et présente une série d’îles, dont celle des
chicaniers (la chicane = les avocats), où tous les personnages se font des procès. Il y a aussi
l’île des Andouilles ; l’île des Papes-figues (= ceux qui n’aiment pas le pape, les protestants).
 Rabelais reste attaché au catholicisme mais moins pour le fond que pour l’unité qu’il confère.
Pour ne pas choquer, il crée donc l’île des Papomanes (ceux qui aiment le pape).
 Episode des moutons de Panurge : il s’est disputé avec un marchand, puis fait semblant de
s’être réconcilié avec lui en lui achetant un mouton. Il le jette à l’eau, et tous les moutons
sautent, et le marchand suit.
 Fait intervenir François Villon comme moine qui fait du théâtre dans une abbaye.
 Condamné par la Sorbonne et le Parlement
- 1553 : Rabelais meurt
- 1562 : parution de la fin du Quart Livre, avec l’île sonnante (= Rome, satire de la Rome pontificale)
- Le Cinquième Livre
 Finalement arrivés à l’oracle, elle leur dit juste : « bois ». In vino veritas : la réponse se trouve
en toi.
 C’est une blague, mais il y a un propos derrière.
 Quelqu’un a complété entre le 17 e chapitre et la fin du Cinquième Livre (le ton est plutôt
protestant et opposé à celui de Rabelais).

12.6 Conclusion
1 - Rabelais est parti de l’idée de diffuser la pensée humaniste ; les autres ouvrages
humanistes étaient écrits en latin très compliqué, peu accessibles. Il voulait quant à lui
pénétrer dans le tissu social, et c’est pour cela que ses ouvrages ont été interdits, car ils
étaient très diffusés.

2 - Succès car Rabelais nourrit son inventivité narrative de son propre vécu. Il donne une
image de l’Homme, avec ses défauts, mais animé par un idéal. On trouvera plus de sa
descendance dans la littérature anglaise que française.

3 - Faculté à inventer des personnages et situations devenus part de la conscience collective.

4 - Grande maîtrise de la langue : affranchissement des grands modèles classiques


(cicéroniens). Prend le modèle des discutions. Nouveau rapport à la langue, qui sera
particulier à la langue française.
5 - Subtilité ; il prend de la distance par rapport aux idées humanistes.

Rabelais met en avant qu’il veut qu’on boive et qu’on ait du plaisir (épicurisme) = trait caractéristique
des penseurs humanistes français, >< Vision de l’Église. C’est une forme de laïcisation du rapport au
corps et au plaisir.

13. Michel Eyquem de Montaigne


(1533-1592)
13.1 Parcours autobiographique
- Michel Eyquem de Montaigne, bordelais.
- Famille enrichie dans le négoce. Son père, grâce à l’argent, est devenu gentilhomme. Fortune
utilisée pour l’éducation des enfants.
Émergence de la bourgeoisie :
 Postes d’état achetés (charges : revenus importants pour l’état).
 Or, le travail n’est pas habituel pour aristocrates (mal vu) ; esprit que la noblesse ne doit pas
travailler pour l’argent et le roi n’arrive pas à faire changer ça.
Noblesse de robe : riche par les terres et les charges, ne travaille pas. Classe instable et très
dynamique de par ce malaise (entre 2 classes, veut atteindre qqchose de supérieur).
- Son père : fonctions dans gestion communale de Bordeaux
- Mère : Antoinette de Louppes < Lopez ; origines juives et espagnoles. Réfugiée à Bordeaux.
Famille de Montaigne reflète bien les tensions sociales et religieuses.
- Sort de nourrice et éducation originale (grâce à son père).
 Langue maternelle = langue d’oc
 Précepteur allemand (Hordanus) : ils n’ont pu que parler latin. Parle donc latin
couramment.
 3e langue = français (choix marqué).
- Collège de Guyenne, Bordeaux, un des meilleurs de France. Avec Buchanan, Marc-Antoine Muret,
etc.
Mauvais souvenir de ce collège. Sa vision de l’éducation :
 Chapitre d’un essai où parle d’éducation des enfants (question importante chez
humanistes).
 Préconise une approche différente ; tire un trait sur éducation médiévale et met
accent sur appropriation du savoir (« mieux vaut la tête bien faite que la tête bien
pleine »). Veut accompagnement de l’élève par précepteur.
- Poursuit études de Droit à Toulouse.
- 1557, revient et rentre au parlement de Bordeaux. Rencontre Étienne de la Boétie. Éveille l’intérêt
pour les lettres de Montaigne. À sa mort, Montaigne veut poursuivre sa tâche.
- Va à Paris, à la cour. Il joue rôle d’aristocrate qu’il n’est pas (soi-disant pas érudit, pas écrivain, pas
important, etc.).
- 1568 : Mort du père de Montaigne. Revend sa charge au parlement et se replie dans sa tour (il
hérite et peut donc se le permettre).
- Traduction de la Theologie naturalis de Raymond de Sebande (1569) (pour donner accès aux textes
latins).
Ce texte fonde la foi chrétienne par la raison.
- Élu maire de Bordeaux pour 2 ans, puis réélu.
- La Peste éclate. Quitte la ville pour se préserver lui et sa famille
- 1588 : séjourne à Paris ; y rencontre mademoiselle de Gournay, coup de foudre intellectuel.
Devient sa fille d’alliance et une grande complicité en nait. C’est elle qui donnera dernière édition
(posthume) des Essais.
- Assassinat d’Henri III ; Henri IV, bourbon, reprend la couronne. Proche de chez Montaigne. Adresse
ainsi une lettre pour le féliciter (à laquelle le roi répondra personnellement).
- 1592 : décès de Montaigne
- La famille a donné le manuscrit (dernières notes d’ajout de Montaigne) à la bibliothèque de
Bordeaux (Essais devenus une œuvre universelle).

13.2 Les bibliothèques et le voyage


- Explique son choix de vivre reclus dans essai des « Trois commerces » (3 manières d’avoir des
échanges avec autrui) :
 Pour avoir le commerce le plus large avec le reste du monde
 Pas un endroit de repli, mais d’ouverture
- « Il convient de respecter le lieu et le temps où on a vu le jour » : avait une petite pièce à côté de sa
chambre pour soi-disant écouter la messe, mais ne le faisait probablement pas.
- 2e étage : sa bibliothèque.
 Dictait souvent et écrivait peu
 Presque que de la littérature antique, aussi des écrits religieux, …
 Fenêtre pour voir tout son domaine
- À côté : petite pièce, lieu d’hommage à Étienne de la Boétie
- Voyage (notamment en Italie) : en ramène un journal, publié plus tard (n’y était pas destiné)

13.3 Les Essais


- Tente, par son exemple, de nous aider dans la vie quotidienne.
- Essais = il s’essaie lui-même. Pas « nombriliste » : ça a une portée universelle.
13.3.1 Rapport singulier à la langue française
- Aurait pu écrire dans la langue d’oc, mais s’était fort effondrée.
- Choisit le français plutôt que le latin :
 Essais ne sont pas des traités de philosophie
 Ne cherche pas à instruite son lecteur
 Le français rabaisse l’œuvre, mais il admire les auteurs de la Pléiade et participe à imposer le
français.
 Écrit là-dessus dans son chapitre sur la présomption (il faut être présomptueux pour faire ce
choix).
13.3.2 Autoportrait en déshabillé
- Fait un autoportrait : se fait en peinture. Mais idée farfelue : il n’est pas un personnage illustre.
Dresse un portrait peu flatteur.
13.3.3 Style prétendument naturel
- Divague pour donner l’impression qu’il n’écrit pas sérieusement : il se pose comme un camarade
qui ne veut pas imposer sa pensée. Nouveau mode d’écriture « en déshabillé » mais aussi difficile à
lire.
- Donne une impression de « jeté », la forme et la construction générale donnent une impression de
désordre.
- Ce n’est qu’une apparence qu’il a voulu donner : le numérisme des Essais et leur structure semble
très important (l’Essai le plus important se trouve au cœur de l’ouvrage).
- Cela était lié à son désir d’obtenir le statut d’aristocrate, qui ne doit pas travailler pour vivre : il ne
se prétendait pas écrivain et disait qu’il n’écrivait pas vraiment. Malaise p/r à l’écriture.
- Édite à Bordeaux et pas à Paris (pourtant, il envoie un exemplaire à Henri III !).
13.3.4 Synthèse philosophique
Montaigne va fuir tout ce qui est dogmatique : c’est la réflexion pour elle-même qu’il cherche, pas la
vérité établie.
Il adhère à plusieurs philosophies :

 Le relativisme (philosophie pyrrhonienne) = scepticisme


 Au cœur de l’essai de l’Apologie de Raymond Sebond, essai le + vaste,
chapitre 12 du livre 2.
 Remet en doute l’existence de Dieu, mais pas censuré car l’œuvre est peu
accessible
 On peut douter de tout, sauf de la douleur (était atteint de gravelle) et de
la mort.

 Stoïcisme
 L’Homme essaye d’oublier la mort, or selon lui il faut y penser tout le
temps et s’y habituer. « Philosopher, c’est apprendre à mourir ».
Domestiquer la mort.

 Épicurisme
 Le plaisir est bien présent, il existe et son créateur est Dieu, ce qui signifie
que l’on ne peut le refuser. Ce serait manquer de respect (marque
d’originalité).

14. Évolution du lectorat au Moyen-Âge et à la renaissance

On peut constater qu’au fil des siècles, le nombre d’exemplaires des œuvres n’ont cessé de croître.
Des 5 manuscrits de la « Vie de Saint-Alexis » au 7 manuscrits de la « Chanson de Roland », on passe
à 300 manuscrits pour le « Roman de la Rose ». Ce qui atteste d’un lectorat de plus en plus
conséquent.
Les deux genres majeurs que sont l’épopée et le roman présentent des publics différents. Avec
l’épopée, on a une lecture chantée/psalmodiée à la foule. Avec le roman, il sera davantage question
d’une lecture non-chantée à voix basse avec un public aristocrate ; plus restreint.
Au XIIIème siècle, le moteur économique et intellectuel que représente la bourgeoisie ne cesse de
prendre de l’ampleur. Le roman domine au début du siècle et la prose s’impose face à la versification.
Les manuscrits étaient auparavant, trop coûteux et donc réservées à l’écriture prestigieuse qu’était le
latin. Mais avec le développement de cette bourgeoisie et de villes, il y a l’apparition des ateliers de
copie succédant aux abbayes de moines copistes. Ce qui entraîne une multiplication des manuscrits
et ainsi du lectorat. Les coûts alors diminuent et le nombre de mécènes augmentent conférant une
considération plus importante envers l’écriture.
On voit aussi apparaître un nouveau public bourgeois s’intéressant de plus en plus à la littérature. Ne
cessant de s’enrichir, il va vouloir posséder des manuscrits dans sa bibliothèque à l’instar de
l’aristocratie.
Avec cette littérature bourgeoise, il y aura un développement considérable d’une littérature en
langue vernaculaire s’accroissant au XIVème et XVème siècles.
Une littérature bourgeoise privilégiant la proximité avec le lecteur, un souci de réalisme et entraînant
de nouvelles valeurs telles que la lubricité, l’argent et la nourriture que l’on peut retrouver dans la
seconde partie de Jean de Meun du « Roman de la Rose » mais également dans le Décaméron de
Boccace ; le genre de la nouvelle apparaissant à la même époque.
A la Renaissance, le latin et le grec reviennent en force. On a besoin de connaissances linguistiques
complexes. Le rapport au texte change : on lit l’auteur pour lui.
A la Renaissance, la facette grecque apparaît. La maîtrise et la connaissance du grec se développent.
On va découvrir toute une série de textes qui étaient inconnus jusque-là. On a alors la faculté de lire
les Evangiles, Platon, Aristote… Il y a alors un changement dans la manière de voir les textes. On va
essayer de comprendre ce que les auteurs ont voulu dire, plutôt que les interpréter.
Naissance de la philologie : on va rassembler les écrits et les comparer, pour avoir un texte le plus
proche possible de l’original. Volonté de la Réforme de retourner au texte de base des Evangiles.
Les rhétoriqueurs s’inscrivent dans la tradition médiévale. Ils mettent leur plume au service de
protecteurs. Ce sont des professionnels de l’écriture.
Lyon est, avec Paris et Rouen, une des grandes villes d’édition. Les éditeurs se spécialisent dans
l’édition commerciale. On vend surtout de la littérature religieuse, mais aussi narrative et des livres
illustrés. S’y développent les salons.
Au XVIe siècle apparaît la nouvelle. La rareté et la véracité sont mises en avant. La brièveté et le
réalisme sont apparents. Apparition du baroque de 1570 à 1650 (approche plus soucieuse du naturel,
opposition idéal/médiocre).

15. Évolution du statut de l’œuvre littéraire au Moyen-Âge et à la Renaissance

« La séquence Sainte Eulalie » (880-881) est le premier texte à dimension littéraire. Il s’agit d’une
cantilène latine. La vie de saint est une des formes littéraires les plus développées : elle a un rôle
fondateur au Moyen-Âge. À la suite de cette vie en latin, le scribe copie une autre version en langue
vernaculaire. En effet, la vie en latin était uniquement comprise par les clercs.
La Chanson de Roland est la première grande œuvre en langue vernaculaire depuis l’Antiquité.
S’ouvre alors à la fin du XIe siècle une grande production de littérature épique avec un certain but de
moralité : il faut des exemples de bons comportements, d’actes héroïques.
Certaines œuvres seront le fruit d’une idée de l’auteur-même, mais certains travailleront « à la
commande », comme Chrétien de Troie qui écrivit par exemple Lancelot ou Le chevalier à la Charrette
pour Marie de Champagne. Outre une thématique commune (l’amour dans la société), on trouve
dans ses romans une conception de l’écrivain et de la notion de roman unique. En effet, Chrétien de
Troie reconnaît qu’il emprunte son sujet à la manière des colporteurs, à un conte. La matière de ses
romans lui a souvent été imposée par des commanditaires. Il n’aura même pas le choix de l’épisode à
raconter. Ce sont des sujets pris dans la matière colportée. De plus, la signification (donc le sens
même de l’œuvre) lui est également imposée. C’est alors sur la forme que va se distinguer Chrétien
de Troyes. Il fait là un véritable travail de poète. Il possède l’art de traiter une matière brute en grand
poème. On trouve alors là l’idée de conjointure :
- idée d’unité, de proportions, de cohérence interne au roman.
- cohérence et proportions internes à chaque roman. C’est la conception classique de symétrie de
l’ensemble.
- la conjointure est à étendre à l’ensemble de ses romans : ils forment un tout cohérent. Chrétien de
Troyes tisse des échos d’une œuvre à l’autre. C’est un tout ayant son autonomie. Son œuvre est une
globalité.
Chrétien de Troyes invente toutes les règles du roman moderne : il met en place les techniques
romanesques :
- temps et lieu précis
- personnages récurrents
Chrétien de Troyes inaugurera également le double roman, avec Perceval ou Le Comte du Graal dans
lequel on suit successivement les aventures de Perceval et de Gauvain, ayant tous deux un parcours
contraire.
Dans la deuxième moitié du XIIIe, siècle, la notion d’auteur change. Apparaît la volonté de rassembler
une œuvre autour d’un auteur, de posséder dans sa bibliothèque tout un auteur. Avant, en général,
on allait dans un atelier de manuscrits, on faisait un choix et on copiait ce qui tournait d’un genre (par
exemple, un manuscrit consacré au bestiaire, à la chanson de geste…). Au XIIIe siècle, on trouve des
manuscrits complets pour Adam de la Halle, Rutebeuf…Quant à Guillaume de Machaut, il est certain
qu’il a supervisé la copie de son propre manuscrit.
Dans la seconde moitié du XVe siècle, on voit l’émergence, de plus en plus nette, de l’individu, de sa
spécificité, de l’auteur. Derrière l’œuvre, il y a la présence de l’auteur, qui n’est plus vraiment
anonyme.
A la Renaissance, la majorité des œuvres seront touchées par l’ambiguïté du regard des écrivains
envers la Réforme (l’homme doit domestiquer ses passions, il est faible) et l’Humanisme (l’homme
est animé par des forces, des instincts positifs).
Au XVIe siècle, l’œuvre entre dans le sillage d’une figure. On va garder la trace matérielle de l’homme.
À partir de Ronsard, l’aspect documentaire se développe et on va vouloir conserver toutes les
reliques possibles de la personne. On veut garder des brouillons, des corrections, on veut voir le
génie à l’œuvre.
Avec François Rabelais, on verra apparaître une littérature critique d’intellectuels qui vont singer et
copier les genres médiocres. Il va également chercher à diffuser son savoir intellectuel dans toutes
les classes de la société, voulant rendre les principes humanistes accessibles à tous. Ce qui sera
également inédit, ce sera cette façon de conter son enfance dans ses romans. La dimension
personnelle et de métamorphose de l’enfance prend une allure d’épopée tout en étant dans la
réalité.
Michel Eyquem de Montaigne, avec ses Essais, invente un nouveau genre littéraire. Au contraire de
Ronsard, il donne un statut dépréciatif à son œuvre. Choisissant le français pour en montrer
l’infériorité (le latin était alors utilisé pour les traités de philosophie, les traités moraux, les « hauts
genres » quoi) et souligner qu’il ne s’agit pas d’un traité dogmatique cherchant à instruire mais un
autoportrait individuel qui laisse au lecteur sa propre réflexion, Montaigne instaure un rapport tout à
fait neuf et singulier avec lui-même : Montaigne l’auteur par rapport à Montaigne l’homme, ainsi que
Montaigne par rapport à ses lecteurs. Il va refléter les mouvements, les errances de sa pensée. Il
veut, dans son écriture, inscrire ce qui a été son cheminement. Sa prose vise au naturel. Il décrit le
mouvement aléatoire de sa pensée (qui fuit tout dogmatisme). Son style est éclaté, plein de rupture
et de choc, mais ce n’est pas de la négligence : c’est une ruse pour séduire le lecteur.

16. Le baroque
16.1 Circonstances de son apparition
- Vient du portugais « barroco » qui signifie « perle irrégulière »
- Apparu vers 1570
- Moins un courant qu’une tendance esthétique générale qui partage des traits caractéristiques avec
d’autres : // au gothique flamboyant dans la recherche d’instabilité, de mouvement, de
« surcharge ».
- Terme apparu postérieurement (18 e siècle), péjoratif à la base ; il faut attendre le 20 e siècle pour
devenir catégorie esthétique.
- Contexte de la réaction post-tridentine : Concile de Trente (1545-1563) : réaction face à la montée
des protestants.
 Intégration de certains traits du protestantisme
 Renforcement de spécificités catholiques

16.2 Le renforcement des spécificités catholiques


- Renforcement du culte des images. Jésuites promeuvent le saint comme intermédiaire et a plus de
poids que le Texte.
- Vision de l’Homme déchiré entre un idéal et la médiocrité. Composé d’ombre et de lumière. Chair
mortelle et sujette aux passions vs âme immortelle aux aspirations sublimes.

16.2.1 Renforcement du versant positif du dilemme et le culte du héros


- Exemples de peintres : Rubens, Poussin, Veyrier, Dubois, Vouet :
 Positions serpentines : mouvement vers le haut et le bas
 Utilisation de diagonales qui tirent le personnage vers le haut : tension et aspiration
 Spirales tournoyantes vers le haut : fréquent

(Parler de Pierre Corneille et le théâtre (question 3 pts))

16.2.1.2 Honoré d’Urfé et le roman (question 3 pts)


1. Importance dans l’histoire du genre
 Œuvre matricielle du roman du XVIIe siècle.
 Fait basculer le long roman héroïque vers le roman avec schéma narratif
simple et centré sur les passions.
 Prose musicale : écriture musicale qui emprunte beaucoup à la poésie
 Transposition d’une donnée personnelle :
 Monde de l’enfance
 Part de son expérience et en nourrit la trame narrative (tombé amoureux de sa belle-sœur)
 Liaison à un lieu précis et concret :
 Dans son enfance, vivait dans le Forez, région sauvage.
 Toute l’Astrée se déroule dans des lieux identifiables
 Situation dans un temps presque inconnu mais possédant la dimension « nationale » des
Gaulois :
 Plus ou moins Ve siècle PC
 Ambiance de fin du monde (christianisation de la Gaule et fin des Gaules).

1.Un roman baroque


 Dimension pastorale et ravages de l’amour :
 Jeu de créer une sorte d’Eden ; mais l’amour est le serpent de la bergerie.
 Modèle du roman d’amour
 Structure simple : 2 amoureux, mais tout vire au drame.
 Ce sont 2 enfants (ils se connaissent mal) : il leur faudra 5000 pages pour qu’ils soient prêts à
se retrouver.
 Roman de chevalerie : la bulle est fragile, menacée par l’entourage. Fait penser à Chrétien de
Troyes (le monde en déliquescence).
 Structure :
 Récits intercalés faits par des personnages secondaires
 Se font les reflets du thème principal.
 Caractéristique baroque >< classique qui a un récit très linéaire
 Chaque personnage apporte une vision différente sur le thème

2. Vision baroque de l’homme


 Tension baroque dans le rapport à l’amour :
 Aspiration des personnages vers des idéaux de perfection inatteignables.
 L’amour pousse les personnages à aller au-delà d’eux-mêmes.
 Amour = pas une force que négative

3. Caractéristiques formelles
 Prose sinueuse qui cherche à épouser les mouvements de la pensée
 Phrasés très longues, structure simple, mais plusieurs incises qui viennent s’ajouter (fait
penser à du Proust).

4. Un roman classique
 Devient un « bréviaire des courtisans », avec des modèles de sociabilité.
 Lucidité interne des personnages
 Soucis des autres
 Art du rapport humain
 Intérêt pour la psychologie humaine : développement du roman français comme un roman
psychologique. Intérêt pour les passions.
 Dimension autobiographique du roman français.
 Forme : Influence de la tragédie antique.
 5000 pages, 5 volumes // 5 actes de la tragédie
 Unité d’action, de lieu et de temps (6 mois)
À la fois l’apothéose de l’art baroque mais aussi un initiateur du classique.

- Plusieurs auteurs l’admirent : Fénelon, Rousseau, Chateaubriand.

- A été finie par Baro car mort d’Honoré d’Urfé entre-temps.

16.2.1.3 Théophile de Viau et la poésie


- Poète et dramaturge du courant du libertinage érudit (libertinage intellectuel)
- Traité de l’immortalité de l’âme -> condamné (à mort) mais juste banni à cause de ses idées
- Assume sa marginalité esthétique, par rapport aux poètes de cours, auxquels il s’oppose. S’assume
comme cet « autre poète ».
- Mélange des tons. ((Présence ridicule du poète, 2 e partie où il se présente comme libre et emporté
par sa force intérieure.))
Rousset a fait une anthologie de ces poètes : Caractéristiques du baroque
 Instabilité
 Mobilité (thèmes qui l’évoquent : l’eau, …)
 Métamorphose (vision d’un monde changeant ; image de la roue de la Fortune ; procédé de
la métaphore)
 Domination du décor : souligne qu’on ne peut aller au-delà de l’apparence. Hommes
masqués incapables de saisir leur propre psychologie et celle des autres.

15.2.2 Le renforcement du versant négatif et le burlesque (question 3 pts)


1. Origines
- Autre manière de redire dilemme baroque : souligne la faiblesse et le ridicule de l’homme
- Dans une tradition de base picaresque, espagnole
- Lazarillo de Tormes :
 Œuvre anonyme qui utilise un héros qui n’en est pas un
 Personnage très réel
 Il tire le roman vers le bas (>< le roman héroïque tire vers le haut)
 Influence sur le roman du XVIIe et XVIIIe
2. Romanciers burlesques
- Charles Sorel (1602 – 1674)
 Le berger extravagant
 Bourgeois parisien qui a trop lu l’Astrée et est devenu fou ; se fait appeler par un nom
pseudo-grec et veut vivre comme un berger. Tombe amoureux d’une « belle ».
 // avec Don Quichotte de Cervantès
 L’appelle « anti-roman » : montre une remise en cause du roman, inspirée des modèles
espagnols.
3. Poètes burlesques
- Antoine-Girard de Saint Amant (1594 – 1661)
 Monde du libertinage
 Un poème : La débauche. Parodie d’invocation poétique. Invite les poètes aà ne plus se
tourner vers les dieux « bateaux » (ex : Apollon) mais vers les festifs (Bacchus, …).
 Vision tragique de l’homme-masqué
 Tension entre le trop haut et le trop bas
4. Dramaturges burlesques
- Tristan l’Hermite
 La Folie du Sage
 Vision de l’homme baroque

16.3 Le renforcement de l’humanité des saints


- Vision du saint comme un intercesseur :
 Au départ, des hommes ordinaires, mais deviennent surhumains.
 Entrent dans la dualité entre aspiration et médiocrité du baroque
 Plus proches de l’homme que Dieu.
- Choix de modèles permettant l’identification du spectateur (culte de la Vierge, de l’enfant Jésus)

16.4 L’influence de la Réforme


- Sensibilité pour la simplicité et l’épuration
 Œuvres de dévotion épurées, qui s’éloignent parfois des évangiles
 « Comment faire du beau avec du laid ? ». Cette esthétique se développe au 17ème, est
théorisée au 18ème, devient le centre de l’art au 19ème : le concept du sublime.
- L’influence du jansénisme
 Se développe particulièrement à Port-Royal-des-Champs
 Souligne la mortalité humaine, sa fragilité
- Coexistence de deux tendances, jésuites et jansénistes :
Philippe de Champaigne
 Attaché à Bruxelles et à Rubens. Peint des choses plus baroques sous l’influence de ce
dernier.
 Peint aussi tableaux très classiques : calme, silence, peu de mouvement.
Marc-Antoine Charpentier
 Collabore avec Molière : lui compose un charivari (quand on estime un mariage non
équilibré, ici un mariage forcé dont on montre le ridicule).
 Burlesque et grotesque, loin du classique
 Mais, en même temps, compositeur des jésuites et de Port-Royal-de-Paris (VS jansénistes
Port-Royal-des-Champs) ; plus serein, équilibré et classique.
 Retour à une église primitive, épurée et simple.

17. Blaise Pascal


17.1 Vie
Jeunesse et « conversion » à Port-Royal-des-Champs
- Né en Auvergne, à Clermont-Ferrand, famille de parlementaires (bourgeois). Orphelin de mère,
élevé par son père.
- Père s’installe à Paris (1631) pour essor des enfants (grand potentiel).
- Découvre seul fondement de mathématiques
- Période mondaine : brille dans les salons.
- 1646 : découvre écrits des jansénistes et mène une vie plus réglée. Continue recherches
mathématiques.
- Sœur fait profession de foi.
- Avait un papier cousu dans sa silice : fait souffrir le corps pour rappeler la grandeur de l’âme.
- Se retire à Port-Royal-des-Champs, mais n’entre pas dans les ordres.

17.2 Conceptions philosophiques et religieuses de Pascal VS Descartes (question 3 points)


Pascal Descartes
Postulat hérité de Montaigne du scepticisme et Scepticisme cartésien
du doute.
Preuve de l’existence de Dieu :
 On ne peut prouver l’existence de Dieu : foi Veut trouver une preuve mathématique de
fondée sur un doute perpétuel. l’existence de Dieu, à l’aide de la raison :
 Le pari de Pascal : ne peut démontrer  Idée d’un Dieu parfait dans la tête d’un être
l’existence de Dieu, mais on n’a rien à y imparfait (Homme) -> seul l’être parfait
perdre en le croyant. peut être à la source de cette idée. Cet être
 La seule preuve possible est le miracle parfait ne peut être que Dieu.
 Être parfait -> est obligé d’exister pour être
parfait, ne peut pas être qu’une pensée
 Le miracle ne se reproduit pas => ne peut
être une preuve (une expérience).
Vision de l’Homme :
 Monstre incompréhensible  Dualisme de l’Homme : substance pensante
 Perdu, fuit vers le divertissement* (se fuit (étendue) vs substance
lui-même car aux prises avec sa condition corporelle (inétendue)
tragique)  Classicisme veut étudier les sens pour les
 Le roseau pensant : écrasé par l’univers, maîtriser (début de la psychologie)
mais il sait où il va grâce à la raison
 Décomposition infinie du monde vers le
petit et le grand : angoisse de l’Homme
 Les sens sont négatifs, source d’erreurs
La raison :
 Victime des mirages qui la troublent L’homme parvient à enchaîner les raisonnements
(imagination = force négative). grâce à l’usage de la raison.
 L’amour propre l’empêche d’atteindre son
but.  Mise en place d’une méthode :
 Raison divine, donnée par Dieu, mais 1) Doute systématique
descendue par le péché originel 2) Décomposition des questions complexes
 Éclatement de tout objet ; raison incapable 3) Procède du plus petit au plus grand pour
de tout saisir et d’enchaîner les reconstituer les unités complexes
raisonnements ; décomposition à l’infini 4) Être général et ne rien laisser de côté
 N’arrive pas à saisir l’objet car le sujet qui
observe est perdu entre l’infiniment petit
et l’infiniment grand
Le sujet :
 Éclate Sujet plutôt stable, ne doute pas de son existence
 Pensée change en fonction du point de (« cogito ergo sum »). ((Comme chez Montaigne))
vue ; impossible de donner une cohérence
Le divertissement :
 Condamné
Mais convient que l’autre position est tout aussi
raisonnable
17.3 Les Provinciales
17.3.1 Présentation
- Entre 1656 et 1657
- Prend masque d’un parisien naïf et rend compte des conflits théologiques. Naïf -> résume
grossièrement la théorie des jésuites, ce qui la rend grotesque et ridicule.
- Voltaire s’en inspirera.
17.3.2 La question de la grâce
- Dénonciation de la casuistique jésuite :
 Ils insistent sur libre arbitre de l’homme.
 Laissent un espoir de repentir pour l’Homme pour avoir l’ordre.
 Lui laissent une porte ouverte pour lui permettre de progresser
>< Jansénistes : retournent au texte de St Augustin (Augustinus de Jansénus).
 Pensée forte : présuppose que Dieu a déjà déterminé les sauvés et les damnés.
 Sépare le comportement et la grâce : le comportement doit être bien à titre gratuit.
 Pensée très dure et exigeante.
Tandis que les jésuites assurent la cohésion sociale, Jansénistes = danger pour la monarchie

17.4 L’Apologie de la religion chrétienne


17.4.1 Statut matériel du manuscrit et établissement d’un texte des Pensées
- 1658 : commence à écrire les Pensées.
- Meurt en 1662
- 1670, publié par ses amis de Port-Royal.
- Série de brouillon avec des fragments d’autres travaux. Fardes avec des titres ; 27 liasses titrées et
34 non-titrées et non-classées.
- Projet d’apologie de la religion chrétienne
17.4.2 Œuvre inachevée ou œuvre ouverte ?
- Œuvre inachevée à cause de sa mort ?
- Œuvre pensée pour être inachevée (pensée dominante aujourd’hui) :
 Montrerait incapacité de l’Homme à finir ce travail, la faiblesse de l’Homme (baroque).
 Entre dans tradition de l’œuvre inachevée.
 Homme incapable d’atteindre les profondeurs de la religion.
17.4.3 Saisir le général de l’œuvre
- Entretien de Pascal avec M. de Sacy. Lui répond en matière de théologie vu que Pascal n’est pas
théologien.
- Rejette Montaigne (vue sceptique de l’Homme trop bas) et les stoïciens (vue trop haute de
l’Homme).
- Structure de l’œuvre en deux parties :
1e partie : montre que système de Montaigne et la faiblesse de l’Homme ne va pas
(Montaigne peint l’Homme trop bas).
2e partie : la religion, à travers JC, lie les contraires, montre une interprétation du rébus de
l’Homme.
17.4.4 Techniques de séduction du lecteur
- Technique rhétorique :
 Dissout le sujet et montre plusieurs points de vue pour attraper le lecteur (piège !)
 Les lecteurs se reconnaissent et se font attraper
 Essaye de les ramener à son propre point de vue (religion chrétienne)
- Forme dialogique :
 Le « vous » est entraîné par le « je »
 Discours divers qui se réunissent dans la religion chrétienne
17.4.5 Un « philosophe baroque »
- Étirement de l’Homme -> textes annexes qui illustrent cette vision (le mouvement, asymétrie, etc.)
illustrés dans certaines pensées de Pascal.
- Vision baroque du mouvement : l’absence de celui-ci = la mort
- Vision de l’Homme qui va à la mort, la condition humaine ; troupeau de moutons qui vont à
l’abattoir
- L’illusion et la réalité : incapacité à saisir le réel qui nous échappe. « La vie est un songe, un peu
moins inconsistant »

18. Contexte politique et esthétique du classicisme

On va utiliser le classicisme pour constituer une image du prince et de son royaume. Avec François
Ier, on va voir une concentration du pouvoir autour de la personne du roi. Pour construire cette image
d’un roi dans laquelle l’ensemble des gens se reconnaît, il utilise l’art et la littérature
(instrumentalisation des arts). Un mécénat organisé et autoritaire s’organise entre le roi et les
artistes. Le rapport à la langue est aussi important dans cette nouvelle conception du pouvoir ; le roi
impose le français et l’utilisation du français à la cour par les accords de Villers-Cotterêts. Utilisation
de l’art pour renforcer le pouvoir et le sentiment national.
François de Malherbes serait le « père du classicisme ». Il ne se présente pas comme un poète inspiré
mais comme un artisan de la langue qui écrit dans un vocabulaire clair et raréfié. Le brillant doit
l’emporter sur le fond  accéder à la perfection formelle.
(Influence de Richelieu sur le classicisme, question 3 points)
Émergence du courant précieux : les salons précieux veulent instaurer une nouvelle sociabilité. On va
faire coexister dans un même endroit des hommes et des femmes, des rois et des artistes. Modèle du
courtisan, de l’homme social qui sait vivre et se comporter.
La psychologie classique sera extrêmement stable. On va observer les signes extérieurs pour aller vers
l’intérieur et saisir l’âme. Une fois que l’on a saisi l’homme dans son essence, celle-ci ne bouge plus.
Esthétique qui privilégie la symétrie, le silence, le statisme, la continuité et l’unité. Inspiration des
modèles antiques.
2 éléments clés :
- la mimésis (imitation) : l’autour doit puiser ses sources dans la nature, qu’il doit tenter d’imiter au
plus près. Imiter le réel.
- la catharsis (purgation) : on va provoquer un sentiment de pitié et de terreur. Ce sentiment de
compassion envers les autres va nous faire vouloir dévier des mauvaises passions.

18.1 Circonstances de son apparition


17.1.1 Origines du nom
- Mot « classicus » théorisé et revendiqué par les auteurs ; définitions :
1- De la meilleure classe sociale (rattachement fort au roi comme modèle)
2- Qui mérite d’être imité
3- Qui mérite d’être enseigné
18.1.2 Origines historiques du mouvement esthétique
- 2e moitié du XVIIe siècle, mais antécédents :
 François Ier, fait appel à artistes italiens, qui font eux-mêmes référence à des artistes antiques.
=> Création courant esthétique de la Renaissance française et conjonction entre le pouvoir
politique et les artistes. Le roi prône un pouvoir centralisé.
 Le modèle = le mécénat d’Auguste : Mécène organise le mécénat, et soutient Virgile, Horace
et Ovide. Par leurs œuvres, ils ont contribué à la gloire d’Auguste.
 Henri IV s'était choisi et attaché le poète le plus en vue, Malherbe (1555-1628) (Larmes du
sieur Malherbe et Larmes de St Pierre), qui était passé d'une poésie baroque à une poésie de
commande et au langage formel (vocabulaire raréfié) en passant au service du roi.

Le rôle de Richelieu dans le développement du classicisme (question 3 pts)


- Catherine de Médicis a renforcé ce lien entre art et pouvoir en appelant Richelieu à la cour, et en
lui confiant le mécénat de Louis XIII, et il organise un système de reconnaissance : le roi donne,
l'artiste célèbre le roi (propagande). Musèle les artistes.
- Création de l’Académie française (1634). Unification linguistique de la France sur le modèle de la
langue parlée par le roi. Fixe un modèle de langue qui se retrouve aujourd’hui.
 Dictionnaire de l’Académie : génération de jeunes auteurs, notamment Corneille qui travaille
sur la ponctuation. Projet repris de Défense et Illustration de la langue (Du Bellay). Le succès
des œuvres impose le modèle linguistique.
 Pour la première fois, des modèles français s’imposent en Europe (ce n’est plus les Italiens),
et surpassent le latin.
 Naissance de l’écrivain : il peut accéder à la noblesse par la plume, grâce à la reconnaissance
de son statut social.
- Crée d’autres académies pour organiser le mécénat (peinture, sculpture, sciences, …).
- Fixe le théâtre à Paris.
 Développement du théâtre (caractéristique de la modernité).
 Avant, les troupes étaient itinérantes (car pas assez de public). Il n’y avait pas de salles
adaptées pour le théâtre.
 Il fixe les troupes et crée des nouvelles salles de théâtre.
 Pour renouveler le public => établit des normes pour ne choquer personnes (pour que les
dames, les aristocrates et les savants puissent assister aux mêmes pièces).
 Il introduit ainsi les règles d’unité classique.
 Le genre de la tragi-comédie disparaît au profit du genre de la tragédie française (voir
Corneille).
 Création d’un répertoire qui débouchera sur la création de la Comédie Française par Louis XIV

18.2 Une nouvelle vision de l’homme et de son rapport au monde


18.2.1 Descartes et le Discours de la Méthode
- Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637)
- Affirme la stabilité de sa pensée par une méthode calquée sur les sciences dures (math, …)
- Basée sur l’observation, l’analyse, la division en problèmes simples.
- Dimension mécaniste a des effets néfastes sur les théories de Descartes, qui sont invalidées
aujourd’hui.
- S’oppose à Pascal sur la question du miracle : il pense que ça ne peut démontrer l’existence de Dieu
vu qu’on ne peut reproduire un miracle comme une expérience.
- Laïcisation du savoir : coupure nette entre les sciences concrètes et la métaphysique, la théologie.
- Démonstration de l’existence de Dieu par la raison, très forte (>< Pascal)
18.2.2 Descartes et le Discours sur les passions de l’âme
- Vision de l’Homme change en profondeur.
- Les passions de l’Homme sont considérées comme des forces négatives, que le classicisme étudie
pour les maîtriser.
- Les sens sont imparfaits, mais grâce à eux on peut accéder à la vérité.
- Début de la psychologie avec le courant précieux.
 Des ouvrages de civilité sont écrits, pris comme modèles par le courtisan et l’honnête
homme.
 La modalité du salon se répand, le plus célèbre : salon de la marquise de Rambouillet.
 Émergence d’une reconnaissance de l’écrivain
- Figure de Madeleine de Scudéry
 Œuvres : Artamène ou le grand Cyrus ; Clélie, histoire romaine
 Genre du roman, transposition distanciée de la réalité
 Traite de l’amour dans une conception épurée et platonique, où l’on retrouve la notion de
service de la dame (< Moyen Âge).
 L’amour y a un caractère codifié, qui sera notamment ridiculisé par Molière (Les précieuses
ridicules) ; mais il critique plus l’appropriation des codes dans la réalité, qui les rend
grotesques.
 Analyse de l’amour comme un serpent, une force qui peut mener au mieux comme au pire.
 Carte du tendre : donne une topographie de l’amour : c’est un fleuve, une inclination
inévitable. Elle donne un discours réfléchi pour naviguer au mieux vers les mers dangereuses
de la Grande Passion.
 => On cherche à comprendre l’Homme.
- L’Homme apparaît comme transparent : le visage n’est plus un masque (>< baroque), mais une
fenêtre ouverte sur l’intérieur.
- C’est ainsi que Charles Le Brun en arrive à comparer les traits du visage humain à ceux des animaux,
ou à dépeindre les différentes passions.
- Descartes, Traité des passions de l’âme : invente la glande pinéale, comme source d’unification des
sens et des réactions physiques ; il la place dans le cerveau, ce qui est tout à fait novateur.

18.3 Une nouvelle esthétique


18.3.1 Opposition systématique au baroque
- On va vers des valeurs de clarté, d’équilibre, de symétrie, de raison, d’universalité et de
domination de la structure.
- Exemple de la façade du Louvre :
 Le Bernin, italien, architecte du pape, avait rendu un projet où on a estimé qu’il y avait trop
de mouvement et de courbes.
 Claude Perrault est chargé de concevoir une autre façade, où l’alignement des colonnes
puissantes, la symétrie, la stabilité frappent.

18.3.2 Retour à la poésie d’Aristote


- Mimésis : l’objet d’art a une liaison au réel, il imite le réel. Le critère esthétique lui est donc
extérieur et plus intérieur.
- But de l’art = provoquer la catharsis ; retour à la fonction sociale qu’attribuait Aristote à l’art. La
catharsis rend l’Homme meilleur, réveille sa pitié, … => outil civilisateur.
- Ex : Nicolas Poussin :
 Impression de calme et de silence qui se dégage de ses tableaux
 Grand intérêt pour les passions qu’il veut peindre pour provoquer la catharsis.
 Retour à l’Antiquité dans la dimension historique et politique.
18.3.3 Coexistence avec une esthétique du sublime
- Le sublime : faire quelque chose de beau avec la chose laide (Ex : la tête de la méduse).
- L’artiste s’affranchit de la mimésis et de la catharsis au nom du sublime.
- Ex : Nicolas Poussin les Quatre Saisons :
 Le printemps = un beau tableau, avec Adam et Ève
 L’été = Ruth et Booz, image de la nature généreuse
 Automne : grappe de raisin à taille humaine
 Hiver : il choisit le déluge, gris, gelé, avec des serpents et des éclairs. => Laide nature mais
belle grâce au sublime, dont l’éclair est la symbolique.
19. Le mécénat de la Petite Académie
Introduction, attachement de l'art au pouvoir, antécédents de la doctrine :
- Pour comprendre la manière dont le mécénat de Louis XIV était organisé, il faut se rappeler d'un des
sens du mot classique, à savoir « ce qui désigne le plus haut rang, ce qui mérite d'être imité ».
- Le classicisme se manifeste donc par un attachement et une subordination de l'art par le pouvoir.
- Avait déjà des antécédents :
 François 1er qui avait fait venir des artistes italiens en France, et qui est directement inspiré
du mécénat d'Auguste.
 Henri IV s'était choisi et attaché le poète le plus en vue, Malherbe (1555-1628) (Larmes du
sieur Malherbe et Larmes de St Pierre), qui était passé d'une poésie baroque à une poésie de
commande et au langage formel (vocabulaire raréfié) en passant au service du roi.
- Catherine de Médicis a renforcé ce lien entre art et pouvoir en appelant Richelieu à la cour, et en
lui confiant le mécénat de Louis XIII, et il organise un système de reconnaissance : le roi donne,
l'artiste célèbre le roi.
- Il créa aussi l'Académie Française, instance de reconnaissance, qui travaille sur la fixation de la
langue (dictionnaire, ponctuation, et illustration de la langue).
- Louis XIV va créer des académies de peinture, sculpture, science, etc.
- Richelieu va également créer les premières troupes de théâtre, qui avant était itinérant, à Paris, et
faire disparaître la tragi-comédie au profit de la tragédie classique.

Mécénat de Louis XIV :


- Louis XIV règne de 1643-1715, donc 72 ans.
- Trois générations d'artistes s'y succèdent : les aristocrates de l'époque de la Fronde, la Petite
Académie, et le Petit Concile.

1ère génération :
Aristocrates de haute noblesse vivant dans le milieu des salons, aucun ne peut écrire pour vivre, car
cela n'est pas permis par leur statut social. Groupe de 3 amis qui passent leur temps ensemble :

François VI de la Rochefoucauld (question 3 pts) :


- 1613-1680, illustré dans le domaine militaire et lors de la Fronde, et banni jusqu'en 1666.
- Il commencera à fréquenter les salons.
- Proche de Port-Royal, cela se remarque dans les Maximes, qu'il ne voulait pas publier, mais leur
succès a fait que des copies de mauvaise qualité ont circulé, et il a préféré leur donner une
publication officielle plutôt que de les voir déformer.
- Comme Montaigne, ses recueils apparaissent comme un fatras inachevé, mais c'est une œuvre
achevée, pensée et cohérente.
- Ses Maximes sont des synthèses de discussion, mais aussi des supports de réflexion, mais de
philosophie nihiliste (il ramène tout à l'amour-propre). Il sera l'idéal de Nietzsche.

Marquise Chantale Rabutin de Sévigné (question 3 pts) :


- 1626-1696, noblesse d'épée par ascension sociale. Élevée par sa grand-mère St Jeanne de
Chantalle, qui ne s'occupe jamais d'elle (trop occupée à être une sainte), c'est pourquoi l'abbé de
Livry s'occupe d'elle et lui donne une excellente éducation.
- Elle sera vite célèbre pour sa beauté et son esprit.
- Elle écrira des lettres à Mademoiselle belle-sœur du roi, qui seront lues dans les salons, et
deviennent des supports de conversation.
- Son style négligent, féminin et aristocratique deviendra un modèle épistolaire. L'originalité de son
style est de montrer les choses sans les expliquer.
- Voltaire la prenait en idéal, mais ne la connaissait pas beaucoup, puisqu'elle ne fut tout à fait
découverte que plus tard : les copies de sa correspondance (brûlée à sa mort) avec sa fille Marguerite
ne furent découvertes qu'en 1862.
- Ses cousins voulaient la publier, mais elle ne voulait pas, malgré sa reconnaissance chez le roi (elle
était assise juste derrière lui au théâtre, et il lui demandait son avis sur la pièce).
- Influence sur Proust : manière de ne pas expliquer les choses, mais de les montrer. Laisse émerger
les apparences qui livrent le sens.

Comtesse de Lafayette (question 3 pts) :


- 1634-1693, petite noblesse de robe, elle était laide, mais avait une formation intellectuelle et
morale remarquable (proche de Port-Royal).
- Elle épouse le comte François Motier de Lafayette, et devient dame d'honneur de la reine-mère.
- Elle s'illustre dans les portraits et dans les cénacles, puis dans le roman (délicat pour sa situation
sociale).
- Réflexion sur le roman : dans Zaïde, la préface de Pierre-Daniel Huet dresse l'histoire du roman
depuis l'Antiquité.
- Son œuvre principale est La princesse de Clèves : roman expérimental, probablement écrit
collectivement avec ses deux amis (en jeu de rôle).
- Innovations :
1 – Plus de grands héros baroques ; figures d’anti-héros qui sortent détruits de cette
aventure
2 – Invention du roman historique : fondée sur toutes les sources
3 – Œuvre brève dans une langue nouvelle
4 – Réflexion psychologique centrale du personnage
=> Influence sur le roman moderne du XVIIIe – XIXe siècle.

2ème génération :
Jean Racine (question 3 pts) :
- 1639-1699, famille bourgeoise modeste. Orphelin dès 1643, confié à Port-Royal, à la Petite École, il
apprend le grec avec Jean Hamont (il se moquera de Corneille qui ne connaît pas le grec). Il demeure
très attaché au Jansénisme.
- Il faisait partie du cénacle de Nicolas Fouquet, ministre des finances, qui menait un cénacle dont les
artistes ont été récupérés par le roi, notamment Pelisson (qui a eu l'idée de l'Encyclopédie), qui est
entouré de gens comme La Fontaine, Charles Perrault.
- Il a été en prison avec Fouquet, puis récupéré par Chapelain, l'organisateur du Mécénat, et ils
organisent un cénacle avec JB Colbert, la Petite Académie.
- En 1659, il adresse un sonnet à Mazarin, le premier ministre, pour se positionner en poète officiel
pour obtenir des bénéfices financiers.
- Mais il est trop impatient, et choisit la voie du théâtre (et donc s'éloigne du Jansénisme), pour le
succès qu'elle procure, car c'est le genre le plus courtisé et le plus porteur.
- Il choisit la tragédie, classée par Aristote juste après l'épopée.
- Il écrit la Thébaïde (1664) et Alexandre (1665), et elles sont jouées par Molière.
- Il y a trois troupes concurrentes : l'Hôtel de Bourgogne (tragédie), la Troupe du Marais (grand
spectacle), la troupe de Molière (troupe du frère du roi).
- Il va séduire Marquise du Parc, actrice de Molière, et l'emmener à l'Hôtel de Bourgogne.
- Il mène une stratégie de destruction des rivaux. Andromaque (1667), puis Les Plaideurs (1668, sa
seule comédie, un échec). Son autre rival, c'est Corneille, et il l'attaque avec Britannicus (1669), puis
Bérénice (1670) (les sujets romains sont le domaine de prédilection de Corneille), que Corneille va
contrer avec Tite et Bérénice (1670), mais échouera. Corneille va l'emporter avec Psychée, sa victoire
dont on ne parlera plus par la suite.
- Racine se cantonne ensuite à la tragédie galante des passions, avec Phèdre (1677). L'amour y est
une passion négative. Les héros y sont détruits, ce qui rappelle la pensée de Port-Royal.
- Vers la fin des années 1670, il voit que le mécénat du Roi-Soleil décline. Il va changer de style, et
rentre à l'Académie Française (ce qui montre la supériorité de la tragédie sur la comédie). Il devient
bibliographe du roi, ce qui le rend très proche de lui.
- En 1679, il se rapproche de Port-Royal, avec l'affaire du scandale de l'empoisonnement, dans
laquelle le roi le protège.

20. Le mécénat du Petit Concile


3ème génération :
- 1685, révocation de l'Edit de Nantes, le roi change d'image pour prendre celle d'un roi chrétien.
- La Petite Académie se change en Petit Concile, organisé autour de Bossuet et de Fénelon (mécénat
religieux) qui veut rechristianiser la société française en s'appuyant sur l'éducation des jeunes
princes et des bâtards royaux.
- Ils écrivent donc des ouvrages éducatifs, comme le Discours sur l'histoire naturelle (Bossuet, 1681),
et Politique tirée de l'écriture sainte (Bossuet, 1670) et Dialogue avec les morts (Fénelon 1683), ainsi
que Les aventures de Télémaque (1699, important dans le développement d'une prose musicale), qui
était la dictée de référence à l'époque.
- Pour éduquer les enfants, il faut aussi éduquer les femmes, et Fénelon écrit un traité sur
l'éducation des femmes.
- Racine entre donc dans le Petit Concile, et traduit les Hymnes du bréviaire, et 4 cantiques
Spirituels.
- Mme de Maintenon, femme fortement ruinée et ancienne prostituée, épouse un homme malade.
Elle est maîtresse de Louis XIV, et crée l'institution de St-Cire.
- Dans ces écoles de jeunes filles, on pratique le théâtre en français, et Racine leur écrit Esther
(1689) et Athalie (1691), où il donne le coup décisif de l'évolution du théâtre, en empruntant à
l'Opéra (choeurs, musique, combats).
- On s'est beaucoup moqué d'Athalie, mais Voltaire la considère comme le chef d'œuvre de Racine.
- Louis XIV en fait son lecteur personnel, car il était le meilleur lecteur de tout son temps, et l’anoblit.
(Compléter cette question avec des éléments de la question précédente. Elles se complètent.)

21. Évolution des rapports entre littérature et oralité du Moyen Age à la fin du XVIIe siècle

Au début du Moyen-Âge, la littérature est faite pour être entendue, et non lue : la découverte d’une
œuvre littéraire (même en prose) se fait par l’oreille. Au XIIe siècle, personne n’aurait l’idée de faire
de la lecture silencieuse. Même au XIXe siècle, la lecture passera encore souvent par l’oreille (surtout
en poésie). Il ne faut donc pas compter des syllabes mais des sons : ce qui importe, c’est le rythme,
l’image du son.
L’évolution de la poésie après le XIIe siècle va mener à poésie à être déclamée. Tout d’abord, on voit
l’apparition de formes non narratives brèves, didactiques et non chantées. Ensuite, une série de
formes poétiques et musicales (ballade, rondeau, pastourelle) deviennent des textes seulement
littéraires. Dans la poésie lyrique, le texte et la musique sont liés, on psalmodie. Les romans, eux, ne
demandent pas une lecture chantée mais une lecture à voix haute devant un public relativement
restreint. Ainsi, dans le cadre du roman, la situation était plus complexe, puisque la lecture était
psalmodiée, mais que les lais étaient chantés.
Au XIIIe siècle, la concurrence de la prose augmente, notamment dans les genres de la chanson de
geste et du roman. Qui dit prose dit impossibilité de chanter.
Le développement d’une poésie personnelle, non narrative et non chantée, apparaît à la fin du XIIe
siècle (ex : les vers de la mort d’Helinand de Froidmont).
La fin du XIIIe siècle marque la fin de l’écriture destinée au chant. Il ne reste que les paroles. On a
toujours des strophes (refrains) avec une construction musicale mais le créateur n’ajoute pas la
musique.
Le rondeau est une grande forme canonique des XIVe et XVe siècle. Avec le rondeau, on quitte le
geste « musique et texte » pour un geste purement textuel, sans nécessité musicale. Les rondeaux
sont destinés à être lus et non chantés. Cette forme impose la présence d’un refrain.
Cependant, François Rabelais, lui, avait un goût pour le pur plaisir sonore de la langue et du
vocabulaire. Son roman Pantagruel était destiné à une lecture publique. La langue est profondément
nouvelle : elle est très éloignée de la tradition gréco-latine, de Ronsard…La langue renvoie à l’art de
l’improvisation des conteurs (rappelons qu’au Moyen-Âge, l’oralité des textes littéraires entraînaient
beaucoup de modifications suivant le goût de celui qui le contait). On a ici l’écho d’une littérature
orale qui entre dans la littérature écrite produite par un grand intellectuel. On est dans le domaine du
pastiche. La référence à l’oralité va fixer un modèle qui se retrouvera chez Pascal et Voltaire. On ne va
pas choisir un grand modèle de la rhétorique, mais copier la manière de parler. Il y a une recherche
de naturel, d’évidence, de non savant.

2. Exemples de questions comptant pour 3 points

1. La littérature française avant la Chanson de Roland

La Séquence de Sainte Eulalie (880-881) :

La Séquence de Sainte Eulalie (ou Cantilène) est le premier texte à dimension littéraire. Ce
manuscrit est conservé à la bibliothèque de Valenciennes.

Il s’agit d’une cantilène latine. La vie de saint est une des formes littéraires les plus
développées : elle a un rôle fondateur au Moyen-Âge. À la suite de cette vie en latin, le scribe copie
une autre version en langue vernaculaire (la vie en latin était uniquement comprise par les clercs). La
séquence suit le texte en latin. Elle est le fait de clercs rompus à la langue latine dans les vies de
saints. C’est un tout petit texte, très bref mais extrêmement important. Il se compose de 29 vers
assonancés deux à deux. Dans la Séquence de Sainte Eulalie, il s’agit d’assonances et pas de rimes. On
observe une voyelle finale tonique commune (dans le cas d’une rime, on aurait eu une consonne
commune en plus). Il n’y a pas de communauté des consonnes entourant cette voyelle finale tonique.
La Séquence de Sainte Eulalie correspond au type le plus basique du genre de la vie de saint.
Elle fixe un stéréotype des personnages et elle a une structure très importante. Le récit est agencé en
deux grandes parties : le martyr et l’accès au titre de saint. Une vie de saint dépeint l’époque des
Païens suppliciés par d’affreux empereurs païens. Il y donc un coté de résistance, une dimension
héroïque. Cette forme de la vie de saint sera reprise notamment au XIIIe siècle avec Rutebeuf et son
Miracle de Théophile. Remarquons que l’histoire du théâtre naîtra des vies de saints : les miracles, les
passions...

La vie de Saint Alexis (vers 1050) :

La Vie de Saint Alexis marque une étape importante par sa longueur et son ampleur (625
vers). Elle est écrite dans un type dominant : le décasyllabe (10 pieds métriques). Remarquons que la
littérature est faite pour être entendue et non lue : la découverte d’une œuvre littéraire (même en
prose) se fait par l’oreille. Au XIIe siècle, personne n’aurait idée de faire de la lecture silencieuse ;
même au XIXe siècle, la lecture passera encore souvent par l’oreille, surtout en poésie. Il ne faut donc
pas compter des syllabes mais des sons : ce qui importe, c’est le rythme, c’est l’image du son. Le mot
décasyllabe désigne donc 10 pieds de rythme ; notons que le décasyllabe sera le vers dominant de
l’épopée. La Vie de Saint Alexis est divisée en 125 strophes de 5 décasyllabes assonancés. Il y a une
vraie volonté de numérotation. C’est une oeuvre destinée à être chantée. On la connaît par cinq
manuscrits.

La Vie de Saint Alexis a été écrite par un clerc rompu à la littérature latine. Les situations
narratives sont très variées, on passe d’un endroit à l’autre et d’un cadre à l’autre ; de plus, une
maîtrise parfaite de la narration en vers transparaît. L’œuvre est très longue, le séquençage est très
raffiné, la narration est plus complexe que celle de la Séquence de Sainte Eulalie. Au niveau du fond,
la Vie de Saint Alexis fait toujours partie du genre de la vie de saint mais ne possède plus de
dimension héroïque. Il s’agit ici juste d’un modèle de vie : il n’accomplit pas de grandes choses mais il
vit de manière sainte (= la vie de Saint-Ermite).

Dans ce texte, Alexis, un patricien romain, décide de se marier avec une jeune fille de bonne
famille. Le jour de son mariage, il disparaît. En fait, il a quitté Rome pour les grandes villes
chrétiennes d’Orient (Laodicée < Edesse), patries de célèbres vies érémitiques. Bien qu’il vive seul,
des gens de cette région d’accueil viennent le voir car, grâce à la sainteté de sa vie, il a le pouvoir
d’accomplir des miracles. Ainsi donc, lui qui voulait être ermite au départ, il se retrouve envahi par les
gens en quête de guérison. Comme il veut une vie uniquement faite de méditation et de prières, il
s’enfuit de nouveau et décide de rentrer à Rome après 17 ans d’absence. Il retourne chez ses parents
et sa femme (toujours vierge puisque son mari l’a abandonnée avant la nuit de noces). Ce n’est
pourtant pas ce qu’on pourrait appeler un « retour du fils prodigue » : c’est l’image de chasteté qui
doit primer, il ne se fait donc pas reconnaître par sa famille. Il s’installe sous l’escalier et ses parents
font la charité à cet inconnu. Toute la grandeur de son âme se trouve dans le fait qu’il ne révèle pas
son identité. Il vit sous l’escalier encore 17 ans, puis, il sent que Dieu le rappelle à lui. Il écrit alors sa
vie et cache le manuscrit sous sa paillasse. À sa mort, une odeur de rose se dégage de son corps. C’est
l’odeur de la vie éternelle, la preuve de sa sainteté. On retrouve ensuite le récit de sa vie, sa famille le
reconnaît, et il est reconnu comme Saint-Homme.
Dans ce récit, on retrouve une paraphrase de la Bible : Leur pardonner car ils ne savent pas ce
qu’ils font. C’est l’image de la charité absolue, un exemple de pardon. Il y a de véritables liens qui
sont créés avec la parole de Dieu des Évangiles.

2. Dimensions politiques et religieuses de la Chanson de Roland


3. Éléments démontrant la dimension littéraire de la chanson de Roland, dans la version du
manuscrit d’Oxford
4. Le roman avant Chrétien de Troyes

Le roman apparait plus ou moins au d du XIIe siècle et les productions de Chrétien de Troyes datent
de la deuxième moitié du XIIe siècle. Il y eu, en effet, d’autres productions romanesques ainsi qu’une
autre conception du roman, avant lui.

On peut aisément citer le Roman de Renart, considéré comme un roman, mais qui ne se construit pas
de la même manière que les romans de Chrétien de Troyes. Il est constitué de 26 branches très
diverses et contradictoires, écrites par une vingtaine d’auteurs différents. C’est une parodie de la
chanson de geste et des romans courtois. On peut également évoquer le Roman de la Rose, œuvre
dans laquelle la trame narrative n’a que très peu d’importance.

Outre ces deux romans, on peut également développer les trois types de sujet, de fonds, qui
dominaient avant Chrétien de Troyes :

 La trilogie antique, qui reprend, comme son nom l’indique, les sujets de l’Antiquité :
o Le roman de Thèbes : la tragédie d’Œdipe tuant son père et couchant avec sa mère
(voir le cours pour un résumé plus approfondi, même si je pense qu’on ne peut pas
être plus explicite !)
o Le roman d’Enéas : suit la trame narrative de l’Enéide de Virgile, qui relate le
jugement de Pâris, qui a offert la pomme à la plus belle des déesses, Vénus. Le roman
relate également la faute de Didon, qui a couché avec Énée.
o Le roman de Troie, écrit par Benoit de Sainte Maure : il reprend la narration du roman
d’Enéas et met en scène une double faute : la Toison d’or et la destruction de la ville
de Troie

Les trois romans ont toujours comme trame narrative et comme point de départ une faute, qui se
solde souvent par la mort du héros.

 La figure d’Alexandre le Grand


Le sujet est centré uniquement sur la personne d’Alexandre le Grand, personnage
important provenant toujours de l’Antiquité, mais qui lui n’est pas mythologique mais
bien historique (jusqu’à preuve du contraire). Ce roman voit la création d’un nouveau
type de vers : l’alexandrin

 La matière de Bretagne :
o Le roman de Brut, écrit par Wace : « chronique » qui retrace l’histoire des rois
d’Angleterre (dimension historique), mêlée à la matière de Bretagne (dimension
imaginaire). On y relate la vie des chevaliers de la Table Ronde et du roi Arthur.
o Tristan et Iseult (ou Yseult, ou Iseut, ou Yseut) : également composé de matière de
Bretagne (dimension imaginaire), l’histoire n’est toutefois plus centrée sur la
personne d’Arthur, mais bien sur le roi Marc, un parent plus ou moins proche d’Arthur
5. La « matière » de Bretagne et son traitement par Chrétien de Troyes

La matière de Bretagne est un sujet très exploité à l’époque de Chrétien de Troyes et


même avant (cf. Roman de Brut de Wace). Elle met en scène la vie et les péripéties du
roi Arthur et de ses chevaliers, les chevaliers de la Table Ronde.

Les romans de Chrétien de Troyes (nous lui en connaissons cinq), relatent chacun
l’histoire d’un chevalier de la Table Ronde, à savoir :

 Erec et Enide
 Cligès : prolongement d’Erec et d’Enide, en tout cas, écrit juste après. Cligès
est le neveu du chevalier Gauvain, et il tombe amoureux de sa tante (donc de
la femme de Gauvain). Il doit donc affronter son oncle.
 Lancelot ou le Chevalier à la Charrette
 Yvain ou le Chevalier au Lion
 Perceval ou le Conte du Graal

6. Le chevalier de la charrette et Le chevalier au lion de Chrétien de Troyes


7. Le conte du graal de Chrétien de Troyes
8. La « conjointure » chez Chrétien de Troyes
9. Le Roman de la rose

Le Roman de la Rose s’inscrit dans ce siècle qui, dans un sens, prolonge le XII ème siècle et qui,
dans un autre sens, marque une rupture avec la classe dominante de la bourgeoisie. C’est une des
œuvres du Moyen-Âge qui a survécu le plus longtemps ; c’est l’œuvre qui aura l’influence la plus large
à travers le temps et l’espace. On prend pour preuve le nombre de manuscrits : on en a conservés
plus de 300. N’oublions pas que les œuvres circulent plus rapidement : le Roman de la Rose est
l’œuvre la plus lue au XIVème siècle et au XVème siècle. Au XVIème siècle, elle échappe à la Pléiade ; elle
est rééditée par Clément Marot et sera encore lue par Jean de La Fontaine. Elle sera encore éditée au
XVIIIème siècle. Une des grandes difficultés du roman est sa taille : il est composé de 22000 vers. On a
deux auteurs pour cette œuvre complexe : Guillaume de Lorris et Jean de Meun. Ils ont tous deux des
visées différentes voire contradictoires : le sens même de l’œuvre est loin d’être acquis.

Guillaume de Lorris :

La première partie est due à Guillaume de Lorris. On ne le connaît que par son œuvre et que
par ce qu’en dira Jean de Meun. Il est originaire du Loiret. On retrouve ici la vision la plus accomplie
du roman courtois : la fine amor des troubadours. On a le service de la dame, les lauzengiers, la dame
inaccessible, l’amant qui accompli des prouesses pour sa dame… Ce sont donc les données centrales
de la fine amor dans la lyrique d’oc.

Le narrateur a vingt ans. Il s’agit d’un récit rétrospectif : le rêve qu’il a fait cinq ans auparavant
s’est accompli. Il avait donc fait un rêve prophétique. Commence alors son périple rêvé. Des idées
abstraites vont prendre une forme corporelle : c’est la fiction du rêve. Des figures allégoriques vont
intervenir. On voit là un procédé ancien de la littérature : l’ekphrasis. L’ekphrasis est un procédé de la
littérature didactique ; c’est un des procédés utilisés par les rhéteurs pour faire passer un message
assez aride. L’ekphrasis est le procédé de la description : on va donner forme aux idées abstraites et il
va falloir décrypter l’image pour comprendre ce qui se cache derrière.
Arrivant dans le verger, le narrateur découvre toute une série d’allégories négatives peintes
sur le mur. Ensuite, le personnage va rencontrer Oiseuse (< latin : otium = le plaisir, le divertissement).
Oiseuse le prend par la main et l’invite à pénétrer dans le jardin clos. Il est alors accueilli par Désir,
Liesse et Joie. On a ensuite de nouveau des allégories heureuses : Richesse, Doux Regard, Amour,
Beauté… Il se promène dans le jardin et tombe sur le bas-relief d’une fontaine où il voit l’histoire de
Narcisse. L’histoire de Narcisse est empruntée au texte de l’Antiquité Les Métamorphoses d’Ovide : un
jeune homme tombe amoureux de son propre reflet, dépérit et est transformé en fleur par les dieux.
Il faut en tirer un sens moral : le but de l’homme est de s’ouvrir aux autres et non pas de se regarder
lui-même : on utilise ici un procédé didactique. Le Roman de la Rose montre un parcours initiatique :
c’est un roman d’éducation. Les allégories des personnages manient la courtoisie : elles jouent par
exemple d’un instrument.
Sur le bas-relief, le narrateur voit donc l’histoire de Narcisse puis se penche au-dessus de l’eau
et voit son propre reflet ; il voit alors un rosier derrière lui et tombe amoureux d’un bouton de rose.
Donc, si dans un premier temps, il s’était tourné vers lui-même, ici, il passe à la seconde étape et se
tourne vers quelqu’un d’autre. Certaines allégories vont mettre un obstacle à sa quête : Raison va lui
montrer sa déchéance et Jalousie va élever un château fort pour y enfermer la rose.
L’œuvre de Guillaume de Lorris s’achève là, brusquement, après environ 4000 vers, sans que
la conquête de la rose soit terminée. On est au moment où l’amant se lamente comme un troubadour
devant la belle dame inaccessible dans sa tour. Le roman s’arrête avant même qu’il ne puisse la
conquérir ou qu’il ne se réveille. Comme la rupture est cohérente d’un point de vue narratif, il y a
peut-être là la volonté d’une œuvre ouverte. On a observé l’utilisation d’allégories non univoques
mais riches en poésie et ouvertes en sens. La rose n’est pas qu’une fleur : ce n’est pas une simple
jeune fille mais un objet de désir et de perfection qui anime le narrateur. Le but devant cette image
de la dame inaccessible qui va s’épanouir est de chercher les divers sens cachés à des niveaux
différents. Le Roman de la Rose est une des œuvres littéraires avec le sens le plus abouti. Cette
première partie est inachevée mais sera complétée, ce qui fera du Roman de la Rose une œuvre
phare. Toute une série de sens contradictoires vont ainsi venir nourrir la première partie en amenant
une série de thèmes : l’œuvre a commencé dans un ton et va finir dans un autre.

Jean de Meun :

L’auteur Jean de Meun, de son vrai nom Jean Chopinel (1240-1305), est bien connu. C’est un
clerc parisien originaire de Meung-sur-Loire. Il reprend la plume et rédige une suite au Roman de la
Rose 40 ans après Guillaume de Lorris, c’est-à-dire de 1268 à 1285. Remarquons qu’il est aussi connu
pour d’autres œuvres, par exemple, pour sa traduction de la correspondance parcellaire d’Abélard et
Héloïse. Il reprend le schéma narratif de Guillaume de Lorris et reprend le récit là où ce dernier s’était
arrêté. On retrouve la tradition de la psychomachie, c’est-à-dire de la manière d’analyser l’âme des
hommes sous une forme matérielle en utilisant des allégories qui représentent diverses passions qui
s’opposent, ce qui permet au narrateur d’entrer dans l’âme des personnages. On va analyser la
psychologie des personnages et leur donner des formes matérielles : c’est un véritable combat de
l’âme. On utilise des allégories pour développer une thématique.
Le fil narratif s’achève lorsque Vénus permet de libérer la rose. Cependant, la ressemblance
entre les deux parties du Roman de la Rose est tout à fait superficielle : Jean de Meun va jouer à
donner à son roman l’apparence d’un roman courtois alors que c’est bel et bien un roman bourgeois.
N’oublions pas que les valeurs de la bourgeoisie sont contraires à celles de la noblesse. La libération
de la rose est une scène clef : c’est une véritable défloration. On est loin de la courtoisie : ce n’est plus
une vision de l’amour épuré incarné comme un pur désir mais une vision extrêmement concrète. Ce
n’est plus une vision désincarnée mais un véritable désir charnel qui l’emporte : afin d’obtenir l’accès
au château, l’amant se déguise en pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, il porte un bourdon (= un
bâton) et une gourde en forme de fruit sec. Il entre et déflore la rose : c’est une scène grivoise, propre
à la bourgeoisie dont les valeurs sont l’argent et la sexualité. On est proche d’un univers qui sent la
parodie.
Cette œuvre longue se veut un miroir de l’ensemble du monde, on apporte des miroirs
moraux. Ces miroirs moraux seront caractéristiques des littératures du XIII ème siècle, du XIVème siècle et
du XVème siècle.
La querelle de la Rose :

Le Roman de la Rose va donner lieu à la première querelle littéraire française. Jean de Meun
est un clerc dans la bonne tradition des clercs, c’est-à-dire un clerc misogyne. Au début du XV ème
siècle, deux auteurs vont s’opposer à Jean de Meun et défendre la cause des femmes : Jean Gerson et
Christine de Pisan qui est d’origine italienne. Ils s’investissent dans cette première querelle et vont
offrir des textes très importants pour la défense du statut de la femme. Remarquons que la querelle
des Anciens et des Modernes s’interrogera aussi sur la place de la femme dans la société.
Cependant, réduire les propos de Jean de Meun aux propos d’Ami, ce serait réduire sa pensée
car on trouve d’autres allégories : il faut nuancer la pensée de l’auteur. On trouve un passage avec un
vrai éloge de la sexualité et de la liberté amoureuse des femmes : selon la médiation narrative
particulière, on a ici en fait un discours dégradé, c’est une vielle femme qui a des regrets.
Remarquons qu’il s’agit là du personnage de la Belle Heaulmière chez François Villon qui est un grand
lecteur du Roman de la Rose. On a donc une série de discours contradictoires comme l’éloge de la
sexualité féminine dans la bouche d’un personnage dégradé : c’est la pratique de l’antithèse.
L’œuvre est extrêmement prise dans l’époque contemporaine avec un grand compendium
moral : ainsi, l’auteur s’oppose aux ordres mendiants qui prônaient un retour à l’ignorance. Cette
œuvre s’inscrit donc dans la polémique. Remarquons que Dante (1265-1321), un grand admirateur
du Roman de la Rose, voudra montrer l’histoire de l’humanité. La Divine Comédie est un grand
poème en trois livres et Dante y règle tous ses comptes avec la société contemporaine. Le Roman de
la Rose se termine par un très long épisode : ce sont 2700 vers tenus par Nature où on conclut sur la
portée philosophique de l’œuvre car Nature s’oppose à la mort et se confesse à Génius, le génie. On
est dans une vision différente de ce qu’on avait vu jusque-là : c’est une vision qui relève plus de la
narration. C’est la force de la vie. Génius est le génie créateur de l’homme : on a une mise en avant de
la grandeur de l’homme dans son rapport à la nature et à la vie qui est la sienne. On met en avant les
côtés positifs de la nature : en effet, on a une apologie de la fécondité.
Il ne faut pas oublier qu’au XIII ème siècle, tout en continuant à reprendre les mêmes textes, les
gens s’intéressent aussi à de nouveaux. Les clercs font notamment partie de la bourgeoisie. Dans la
Genèse, on trouve un passage tout à fait intéressant : l’épisode qui se passe à l’issue du déluge.
L’arche se pose et Noé rend un sacrifice à Dieu pour le remercier ; Dieu lui parle et lui dit Ma colère
est tombée, Il faut que tu travailles la terre, Sème, récolte, mange des animaux, Croissez et multipliez.
Dieu donne donc une tâche à l’homme. C’est cette image qu’on retrouve lorsque Génius et Nature
donnent une force à l’homme. Le génie en appelle à en ouvrir le sol avec le soc de la charrue : c’est en
fait une véritable légitimation du travail. Remarquons que chez Chrétien de Troyes, travailler
manuellement, c’est déchoir : en effet, pour l’aristocratie, le travail est une punition due à la chute du
paradis terrestre. La bourgeoisie, elle, a accumulé de l’argent par le travail, donc le travail n’est pas
une déchéance mais une source de progrès. Ce rapport entre Génius et Nature est un véritable chant
pour le travail et pour l’enrichissement personnel.
Le Roman de la Rose est un chant pour le progrès et la procréation. Cet éloge de la
procréation est un discours de la bourgeoisie à l’état pur ; on a une exaltation, comme dans la
Genèse, de la fécondité de la Nature. En conclusion, le Roman de la Rose sera très admiré mais il ne
faut pas oublier que c’est un chef d’œuvre double avec une première partie qui prône la perfection
courtoise et une seconde partie qui a un sens opposé. C’est une œuvre riche en contradiction avec
deux visions opposées l’une à l’autre.

10. Rutebeuf
11. La littérature à Arras au XIIIe siècle
12. Les formes dramatiques au XVe siècle
13. Les rhétoriqueurs
La Réforme et l’Humanisme auraient dû s’opposer à tout ce qui relevait du moyen Age. Mais les
Rhétoriqueurs, eux, vont prolonger le Moyen Age. Ce sont des professionnels de l’écriture, de
l’oratoire. Ils sont au service de grandes cours : ce sont des historiographes, des secrétaires, …

On peut citer Jean Molinet (1435 – 1507), qui est un grand historien de la cour de France. Il passe sa
vie à la cour de Bourgogne. On peut prendre pour exemple également Guillaume Crétin (1461 -
1525), qui travaille pour Louis XII. Enfin, on peut citer Jean Marot (le père de Clément Marot), qui est
lui attaché à Anne de Bretagne (qui épousera le roi de France Charles VIII).

a. Jean Lemaire des Belges


Jean Lemaire des Belges (1473-1516) est le filleul de Molinet et un admirateur de Crétin. On le situe
dans le sillage de ces rhétoriqueurs. Cependant, il n’a pas une attitude rétrograde.
Il est attaché à Marguerite d’Autriche : il est historiographe de la cour de Bourgogne.
Parmi ses œuvres, il écrit ses Illustrations de la Gaule. Il y rapproche le monde de la Gaule (donc la
France) et celui de Troie (cf. Homère, Virgile). Francus, un prince troyen aurait échappé au massacre
et aurait transféré tout l’héritage antique pour fonder la Gaule. C’est une idée purement imaginaire :
il imagine une origine mythique à la France. Ce texte prend pour modèle la grande littérature grecque
: nous en serions les héritiers. Remarquons que le personnage de Francus se retrouvera chez Ronsard
dans sa Franciade.
Donc, Jean Lemaire des Belges est un rhétoriqueur mais aussi un humaniste (avec Francus) : il est à
cheval entre les deux périodes.

b. Clément Marot
La vie de Clément Marot (1496-1594) recouvre les diverses tensions politiques et religieuses de son
temps. En 1513, il entre au service de Marguerite de Navarre (de Valois), la sœur de François Ier.
Remarquons que Marguerite de Navarre, elle-même auteur, protègera, dans sa politique de mécénat
importante, beaucoup d’auteurs (Marot, Rabelais, Ronsard…). Clément Marot est donc attaché à une
femme de grande culture. Il est proche de la cour et du roi François Ier, qu’il suivra en Italie. Marot
rentre en France et il est accusé d’hérésie. Par son parcours, on peut voir qu’il n’était pas indifférent
aux réflexions profondes de la Réforme. Il est pour une réforme du système de l’Église et veut un
retour à la parole et aux textes évangéliques. Il se retrouve dans une situation délicate puisque
François Ier est catholique et Marguerite de Navarre (la grand-mère du futur roi Henri IV) est
protestante. Malgré l’accusation d’hérésie, il obtient le droit de succéder à son père comme valet de
chambre du roi.

Il est encore emprisonné pour hérésie et perd son poste. Il se tourne de nouveau vers Margueritte
de Navarre et va au château de Nérac, près d’Agen, où se trouve une cour brillante et très
indépendante. Suite à de nouveaux reproches d’hérésie, il part pour l’Italie pour échapper à la
prison. En 1536, il abjure le calvinisme pour pouvoir rentrer en France. Il s’attache de nouveau les
bonnes grâces de François Ier mais cette abjuration laisse un peu perplexe. En effet, il s’attache à
traduire les psaumes en français. Remarquons que la traduction, pour une diffusion la plus large
possible des Évangiles, est caractéristique des protestants. Son attitude confirme son attachement
profond aux valeurs protestantes. Sa traduction est magnifique et va faire date. Mais la Sorbonne
perçoit ce rappel du protestantisme et condamne le texte en 1543. Il prend de nouveau la fuite. Il se
rend à Genève (univers protestant). Il va ensuite à Turin, qui est catholique mais qui est la capitale
d’un royaume indépendant, et y meurt pauvre et sans emploi en 1544. D’un point de vue esthétique
et au regard de ses postes, on voit qu’il est à cheval entre deux mondes : il met sa plume au service
des grands, mais l’influence qu’a la Renaissance sur lui est tout à fait palpable. Il a eu des protecteurs
de sensibilité différente (même si, par exemple, ces deux grands protecteurs étaient frère et sœur, ils
n’adhérent pas à la même religion). Il eut une sensibilité très forte pour le protestantisme, le courant
de son temps. Mais, envers celui-ci, ce fut pour lui un mouvement perpétuel d’attirance et de rejet.
Ainsi, Ses goûts et ses prises de position confirment son attachement au XVe et son ouverture aux
nouveaux modes de penser. Il va éditer le Roman de la Rose. Il réédite Villon. De plus, il va s’attacher
à l’humanisme, caractéristique de la Renaissance. Il va imiter des grands modèles de l’Antiquité
(Catulle, Ovide, Martial). On peut voir son côté humaniste dans son recueil qui a pour titre «
Adolescence Clémentine ». Il se met en scène lui-même. Il parle au « je » mais celui-ci n’est pas
théâtralisé, et il n’y a pas d’enseignements moraux.

14. La poésie à Lyon au XVIe siècle

Lyon est un centre de diffusion du modèle italien. C’est la ville la plus importante sur le chemin qui
relie Paris à l’Italie. Lyon est, avec Paris et Rouen, une des grandes villes d’édition. Les éditeurs se
spécialisent dans l’édition commerciale. On est en un temps où la publication subit des censures
royales et religieuses très fortes. Mais Lyon y échappe et l’édition y est libre car la ville n’a pas en son
sein les deux autorités traditionnelles. En effet, à Paris par exemple, l’université (la Sorbonne) est une
force rétrograde dans les mains d’un pouvoir religieux. Or à Lyon, il n’y a pas d’université ! Quant à la
censure royale, elle se fait par le Parlement : le parlement s’occupe de tout ce qui relève du
gouvernement, de la cour de justice, de l’entérinement des édits du roi. Mais, il n’y a pas non plus de
parlement à Lyon !

Les poètes lyonnais

Lyon accueille des figures marquantes de la poésie du XVIe siècle. La principale académie lyonnaise
va se rassembler autour de Maurice Scève (1501 -1564) un poète néo-latin qui est proche des
milieux intellectuels de Lyon. Il connaît très bien les philosophes italiens. Il est l’auteur de Délie
(1544), œuvre d’une grande complexité. Cette publication ainsi que sa proximité intellectuelle feront
que son salon sera le plus brillant de l’époque. Il y accueille notamment des femmes (tout en
opposition) : Pernette de Guillet, une poétesse. Elle est l’égérie de Clèves (c’est sûrement elle qui a
inspiré Délie). Après sa mort, son mari publie son œuvre abondante (cela montre combien le statut
des femmes s’est développé) : Rymes de gentille et vertueuse dame Pernette de Guillet,
lyonnaise. C’est une œuvre joyeuse, d’une grande gaîté et d’une grande fraîcheur ; le ton est simple
et limpide. Il accueille également Louise Labé, une jeune femme de la classe dominante, c’est-à-dire
de la riche bourgeoisie de cordiers. Comme tous les gens de son niveau, elle a reçu une excellente
éducation. On la surnomme « la belle cordière ». Elle sait chanter, jouer du luth, et elle lit l’italien et
l’espagnol couramment. Elle ouvre un salon très brillant fréquenté par Maurice Scève mais aussi par
Olivier de Magny et Pontus de Tyard. Son œuvre est éditée. Elle est très brève (3 élégies, 23
sonnets). On a là une poésie avec une vision différente de celle de Pernette de Guillet (vision plutôt
chaste) : ici, on a une certaine chaleur et une dimension sensuelle. Suivant une vision ovidienne, sa
conception de l’amour est tragique. Elle parle d’elle-même. Elle se propose comme un exemple fort
d’une passion violente et tragique (celle qu’elle a vécu avec Magny). Elle s’adresse aux autres dames
lyonnaises (elle ose en parler), dans une dimension morale et didactique.

Amant infidèle, Olivier De Magny est important. Il fréquente ces milieux italianisant. Il appartiendra,
avec Pontus De Tyard, au groupe de la Brigade qui permet le transport de l’ensemble de ces modèles
à Paris.

15. Les Odes de Ronsard


16. Les Amours de Ronsard
17. Comparer le statut de l’œuvre littéraire, avant et après l’invention de l’imprimerie
Rappel : l’invention de l’imprimerie remonte au XVe siècle (1436) et est due à Gutenberg. Nous
utiliserons cette date comme point de repère pour comparer le statut de l’œuvre littéraire à ces deux
époques.

Avant l’imprimerie Après l‘imprimerie


Une œuvre était produite par un écrivain, et Une œuvre était produite par un écrivain et
parfois copiée à la main par des moines copistes imprimer ensuite, ce qui permettait d’en faire
(très peu d’exemplaires) plus d’exemplaire puisque le processus était
plus « automatique » qu’à la main
Le fait qu’une tiers personne copie l’œuvre d’un Moins de risque d’appropriation d’une œuvre
auteur présentait un risque pour ce dernier qui par une tiers personne  changement du statut
verrait peut-être son œuvre modifiée à la guise de l’écrivain qui commence à se démarquer en
du copieur tant que personne (on commence à savoir d’où
proviennent les œuvres réalisées >< œuvres du
Moyen Age comme Tristan et Iseult, dont on ne
connait pas l’auteur, parce que l’œuvre est
passée sous plusieurs plumes avant de nous
parvenir)
Le livre était un objet plus « rare » et donc plus Le livre étant devenu quelque chose de plus
cher, et n’était donc qu’à la disposition des gens facile à produire en « masse » (attention tout
qui en avaient les moyens est relatif, à sous-entendre que la quantité
produite était plus importante que quand il
fallait le faire à la main), la rareté de l’objet
diminuant donc, le prix est devenu plus
abordable ce qui a permis qu’une proportion
plus importante de la population (celle qui
savait lire bien sûr) avait les moyens de s’offrir
une œuvre.
Une personne amatrice de livres et qui en avait Il est devenu plus aisé d’avoir sa propre
les moyens avait une petite collection chez lui bibliothèque à domicile
La connaissance était donc réservée à une La connaissance était accessible à un plus grand
petite partie de la population nombre de personne, ce qui a permis une
diffusion du savoir plus importante et plus
rapide.
En conclusion :

L’œuvre littéraire passe d’un statut de bel objet pour riche à collectionner à un véritable objet de
connaissance, puisque plus abordable. Grâce à l’imprimerie, la diffusion du savoir se fait plus
rapidement. Si le statut de l’œuvre littéraire change, celui de l’écrivain aussi, puisque l’auteur en tant
que personne devient de plus en plus important (cf. Ronsard, Rabelais, …). On peut également
ajouter que d’un point de vue historique, la période de l’invention de l’imprimerie est le siècle des
découvertes (cf. Christophe Colomb), les gens ont donc une volonté de découvrir ce qui les entoure
(récits de voyage, carnet de science  sciences naturelles, …)

18. Évolution de la littérature narrative au XVIe siècle

Dans le domaine du roman, une forme s’est imposée : la prose. Dès le XIIIe siècle, cette forme entre
en concurrence avec le vers et dès le XIVe siècle, c’est le genre narratif par excellence. Les vers sont
dérimés dès le XVe siècle. Par exemple, tout Chrétien de Troyes est mis en prose. Au XVe siècle, une
forme pas nouvelle prend des couleurs nouvelles : la nouvelle. C’est une forme plus brève, plus
intégrée dans le réel.
Remarquons que le fabliau répondait déjà à ces critères mais c’était toujours des affaires de cocus et
de femmes trompées. On utilise des schémas narratifs anciens dans des contextes contemporains.
Au XVe siècle, la nouvelle est réaliste. La rareté et la véracité sont mises en avant. La brièveté et le
réalisme sont apparents (< fabliaux)

1. Les Cent nouvelles nouvelles


Les Cent nouvelles nouvelles (1462-1466) sont une compilation de fabliaux dans la veine
traditionnelle. C’est un recueil anonyme pour la cour de Bourgogne. Le modèle de Boccace
(Decaméron) y est à peine perceptible. Il n’y a pas de récit cadre mais un récit thème. La teinte
satyrique l’emporte comme dans les fabliaux.

2. Philippe de Vigneulles et ses Cent nouvelles nouvelles


Philippe de Vigneulles est crédité de l’invention de la nouvelle telle qu’on la connaît aujourd’hui. En
1515 paraît son recueil : ces nouvelles Cent nouvelles nouvelles ont le même titre mais Vigneulles ne
se contente pas de retenir les aspects traditionnels des fables par Boccace. Ce ne sont plus
spécialement des faits arrivés récemment. Le mode littéraire est nouveau. La dimension de récit et
d’oralité entraîne la brièveté de l’œuvre.

3. Le modèle du Décameron de Boccace


Derrière le développement de la nouvelle, un modèle apparaît : celui du Décameron de Boccace. Le
Décameron est connu assez tôt en France. Il est traduit dans la tradition des fabliaux. Mais
Margueritte de Navarre ne se satisfait pas de cette traduction. Elle
va demander une nouvelle traduction à Antoine Le Maçon. Il met en avant toute la dimension
préhumaniste de l’œuvre. Cette traduction devient le modèle du genre de la traduction. Ce modèle
est innovant car il utilise un récit cadre qui enserre toute une série de récits successifs présentant
une énorme diversité de thèmes (en allant du genre le plus bas au genre tragique le plus élevé).

4. L’Heptaméron de Margueritte de Navarre


Margueritte de Navarre (1492-1549) perçoit la dimension nouvelle de Boccace. Elle voit l’importance
du récit cadre (la peste de Florence chez Boccace) et le lui emprunte. En effet, elle aimait aller
prendre les eaux vers Cauterets (Pyrénées). Mais de gros orages sévissent et la rivière déborde. On
trouve refuge dans une auberge. Elle se théâtralise avec ses proches. Cela les force à s’isoler. Chacun
se met alors à raconter des récits brefs (groupés par thème et par journée). Elle n’eut pas le temps
d’achever son œuvre. En 1559, donc dix ans après sa mort, ses 72 nouvelles sont publiées. On
donnera à l’œuvre le titre apocryphe d’Heptaméron.

L’accent est mis sur la discussion qui suit chaque récit. Les récits en eux-mêmes s’inscrivent dans la
tradition des fabliaux et ne sont pas neufs : ce sont même parfois des faits de la petite cour de
Navarre. Les discussions sont neuves. Remarquons que Boccace, lui, ne se sert pas beaucoup des
personnalités différentes des protagonistes. Ici, chacun réagit au récit différemment avec sa
personnalité. On a un individualisme et une multitude de regards portés sur une même réalité (ce
qui est caractéristique de la Renaissance). On voit la diversité des expériences des hommes. Le ton
chez Margueritte de Navarre est généralement allègre et joyeux (alors que, chez Boccace, il y avait
aussi certaines nouvelles tragiques).

5. Bandello et le modèle de la nouvelle tragique


Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les couleurs plus sombres de la nouvelle vont se développer.
On voit alors une dimension plus tragique, une dimension morale et religieuse. C’est le principe de
l’exemplum : un récit fait et commenté pour en tirer une morale. Chez Mattéo Bandello, c’est la
dimension tragique qui domine. Il était évêque d’Agen. Son influence en France sera très forte. Il est
traduit en français tout de suite. Il a donc eu une influence large et profonde en Europe (citons par
exemple Shakespeare et sa célèbre pièce Romeo et Juliette). Quant au roman, bien qu’il ne paraisse
pas être dominant au XVIe siècle, il a pourtant la production la plus large.

19. En quoi le parcours biographique de Rabelais illustre-t-il les divers courants de pensée du
XVIe siècle ?
20. Conceptions philosophiques de Montaigne
21. Pierre Corneille

Pierre Corneille est le personnage littéraire qui incarne le plus la vision de l’homme baroque et cette
volonté de s’élever : le dilemme cornélien incarne le dilemme de tout homme baroque. Pierre
Corneille naît à Rouen dans une famille faisant partie d’une bourgeoisie en voie d’anoblissement, tout
comme Montaigne. Il étudie chez les Jésuites qui utilisaient des tableaux, des images et le théâtre
pour enseigner. Son père étant un robin, Pierre Corneille le devient aussi. Ce latiniste exceptionnel est
connu très jeune. Pierre Corneille ainsi que son père seront anoblis par le roi Louis XIV car c’est un
grand écrivain. Il semble lancé dans une brillante carrière d’avocat à Rouen mais il vivra un chagrin
d’amour qui le plongera dans un tel désarroi qu’il se mettra à écrire pour évacuer par l’écriture un
problème personnel.

Sa première comédie est intitulée Mélite. À l’époque de sa rédaction, la troupe de Montdory,


la principale troupe itinérante de France, séjourne à Rouen : il leur propose alors de jouer Mélite. La
pièce leur plait et ils vont la jouer à Paris. Le succès sera tel que Pierre Corneille sera mis en avant et
qu’ils pourront s’y installer. La troupe de Montdory deviendra la troupe du Marais. Au total, Pierre
Corneille laisse trente-trois pièces : des comédies, des tragicomédies et des tragédies. Sa carrière
théâtrale s’arrête en 1674 avec Suréna. Dès sa période de jeunesse et sa première pièce, il fait preuve
d’originalité et d’une imagination incroyable. Il ne s’agit pas d’une imitation du modèle italien. Il
emprunte le genre de la pastorale.

En 1633, il écrit La galerie du palais et en 1634, il écrit La place royale. La régularité de


l’enchaînement des scènes et la construction rigoureuse témoignent de la qualité de la production
générale. Pierre Corneille est un expérimentateur : ses pièces sont indépendantes les unes des autres
et il change souvent de registre. C’est quelqu'un qui se remet tout le temps en question. Pierre
Corneille trouve des personnages très originaux. En 1634, il écrit La suivante : dans cette pièce, Pierre
Corneille dénonce la société. Il fait de la suivante le personnage principal. Dans la tragédie, la femme
n’est jamais seule sur scène mais est toujours au moins accompagnée de sa suivante qui a un rôle
insignifiant. Dans sa pièce, la suivante est plus belle et plus intelligente que sa maîtresse. En 1631, il
écrit La veuve qui est un autre personnage gênant dans la société. La veuve est riche, belle et
indépendante, elle peut donc se remarier. En 1635, Pierre Corneille publie L’illusion comique. Cette
pièce résume tout l’univers théâtral : elle nous donne une vision du monde comme un théâtre où
nous ne sommes que des marionnettes. Pour cela, Pierre Corneille fait appel au monde des
comédiens : un homme veut se marier et faire du théâtre mais son père ne veut pas, il fuit donc pour
prendre sa liberté. La pièce tourne au drame car il est impossible de distinguer le vrai du faux.

Il n’y a pas de date précise de création mais Le Cid a vraisemblablement été écrit en janvier
1637. Cette pièce est le succès le plus prodigieux de la carrière de Pierre Corneille. Elle suscite
beaucoup de jalousies et une des plus grandes querelles du siècle ; d’elle va naître le classicisme
théâtral. On va montrer à Pierre Corneille qu’il y a des problèmes majeurs dans sa pièce : le héros,
Rodrigue, doit tuer en duel son futur beau‐père, le père de Chimène, pour laver l’honneur de la
famille, il se retrouve dans une situation délicate. Pourtant, le mariage avec Chimène a bien eu lieu :
or, c’est impossible et scandaleux que la jeune fille accepte cela. Pierre Corneille doit modifier sa
pièce et laisser une pièce ouverte dans laquelle Rodrigue a un espoir d’obtenir la main de Chimène.

Cette pièce va donner lieu à une querelle entre Pierre Corneille et Richelieu (1585-1642) qui
demande à l’Académie française de faire un avis sur Le Cid : c’est de cette querelle que la tragédie
classique est née. Le Cid constitue à la fois un énorme succès et un échec violent pour Pierre
Corneille. Cela amène Pierre Corneille à se retirer pendant trois ans du théâtre pour méditer et pour
montrer que le théâtre n’est rien sans lui. Peu de pièces peuvent donner une image aussi juste de
l’homme baroque. Le dilemme cornélien qui est basé sur le conflit entre l’honneur et l’amour incarne
le déchirement intérieur de l’homme baroque. L’amour de Rodrigue pour Chimène représente le
cœur, le corps, l’humain tandis que la gloire de sa famille est représentative de l’âme, de la raison et
de l’immortalité. À la fin du premier acte, Le Cid comporte des stances. On en trouve souvent dans les
tragédies : le personnage est seul en scène, ce qui est rare puisqu’il est peu vraisemblable qu’une
personne parle seule. On utilise des vers de diverses longueurs dans des strophes de structure
identique et non plus des alexandrins. Le déchirement est un acte héroïque : Rodrigue préfère risquer
de perdre l’amour de Chimène pour reconquérir l’honneur de sa famille. Chez Pierre Corneille, ce
dilemme qui déchire le cœur du héros, ce conflit, se résout puisque le personnage tranche en faveur
de la partie haute, son âme. Il a donc une vision optimiste de l’homme qui peut atteindre cet
héroïsme. C’est une vision caractéristique du molinisme : l’homme est capable de choisir la voie
héroïque par rapport à l’autre et est apte à préparer son salut.

22. Honoré d’Urfé


23. Agrippa d’Aubigné

Théodore Agrippa d’Aubigné (1552 – 1630), est un homme de guerre, un écrivain controversiste et
poète baroque. Il est notamment connu pour Les Tragiques, poème héroïque racontant les
persécutions subies par les protestants.

Agrippa est baptisé dans la religion catholique mais est élevé dans la religion calviniste. Son père
Jean, converti au calvinisme, prend part au soulèvement protestant.

Agrippa apprend entre autres disciplines, le latin, le grec et l'hébreu. En avril 1562, pour ses études,
Jean installe Agrippa à Paris chez un professeur. Deux mois plus tard, la guerre est déclenchée et un
arrêt ordonne l'expulsion des protestants ; Agrippa quitte la ville avec son professeur. Sur le chemin,
ils sont arrêtés et emprisonnés par des pillards catholiques, mais parviennent à s’échapper grâce à un
complice. Ils séjournent ensuite à Orléans, où Agrippa est atteint de la peste mais en guérit. Il se
rompt aux armes, et assiste au siège d’Orléans au cours duquel meurt son père.

Lorsque éclate la deuxième guerre de religion (1567), il s’engage sans hésiter dans l’armée
protestante. Il était, à la suite d’un duel, absent de Paris durant les massacres de 1572 mais en garda
une rancune tenace contre la monarchie. Les Tragiques conservent la trace des visions d’horreur dont
il fut le témoin.
Calviniste intransigeant, il soutient sans relâche le parti protestant, se mettant souvent en froid avec
le roi Henri de Navarre, dont il fut l'un des principaux compagnons d'armes. Après la conversion de
celui-ci, il rédigea des textes qui avaient pour but d'accuser Henri IV de trahison envers l'Église. Chef
de guerre, il s'illustra par ses exploits militaires et son caractère emporté et belliqueux. Ennemi
acharné de l'Église romaine, ennemi de la cour de France et souvent indisposé à l'égard des princes, il
s'illustra par sa violence.

À sa grande horreur, son fils Constant d'Aubigné abjure le protestantisme en 1618 pour mener une
vie de débauche dans le château paternel de Maillezais, avant de tuer sa première femme, qu'il
surprend en flagrant délit d’adultère dans une auberge, puis de se remarier en prison à Jeanne de
Cardilhac qui donnera naissance à Françoise d'Aubigné, qui devient marquise de Maintenon et
maîtresse puis épouse du roi de France Louis XIV.

Méconnu de ses contemporains, il fut redécouvert à l’époque romantique, notamment par Victor
Hugo, puis par le critique Sainte-Beuve. Son œuvre la plus connue est son recueil Les Tragiques.
Mais d'Aubigné n’est pas l’auteur d’une seule œuvre. Le Printemps est un recueil de sonnets, de
stances et d’odes qui reprend la lyrique pétrarquiste sur les tons opposés de la rage du désespoir et
d'une fantaisie plus légère. Le premier recueil de sonnets du Printemps, L'Hécatombe à Diane, est
dédié à Diane Salviati, jeune fille qu'il aimait et qu'il n'a pas pu épouser à cause de la différence de
religion. À la fin de sa vie, les Petites œuvres meslees associent des Méditations sur les Psaumes et
des poésies religieuses.
L’essentiel de son œuvre est polémique. D'Aubigné, engagé dans les combats de son époque, cherche
ainsi à discréditer les vanités de la cour royale et la religion catholique dans la Confession du Sieur de
Sancy et Les Aventures du baron de Faeneste. Son Histoire universelle est aussi, malgré son titre, une
œuvre engagée, destinée à justifier l'autonomie politique et militaire des protestants français. Il
publie aussi de nombreux opuscules politiques.
À la fin de son existence, il écrit ses mémoires, Sa vie à ses enfants (Constant, Marie et Louise), pour
leur montrer « sa gloire » et « ses fautes » et leur être par là-même un exemple profitable.

24. La veine burlesque au XVIIe siècle

La vision d’un homme héroïque tiré vers des modèles plus élevés peut s’exprimer différemment dans
l’art baroque : l’homme peut aussi être grotesque. Tout un courant esthétique burlesque se
développe en insistant non sur l’héroïsme mais sur le ridicule de l’homme. La vision de l’homme est
la même que dans l’art baroque mais on souligne son côté médiocre plutôt que son caractère
héroïque.

Représentations :

Pierre Puget (1620-1694), un sculpteur français, réalise en 1657 Atlante de l’ancien hôtel de
ville de Toulon. L’atlante soutient de tout son poids un balcon et une maison. Ce n’est pas un
héroïsme calme mais bien une représentation du grotesque dans la souffrance due à l’effort qui
suscite un visage déformé.

Jacques Callot (1593-1635), un dessinateur et un graveur lorrain, est très illustre dans la
gravure européenne. Il laisse des séries de petites gravures insistant sur le côté grotesque : c’est une
parodie de la société. En 1616, il grave lors d’un voyage en Italie les Gobbi, des nains complètement
déformés. Ce n’est pas un regard apitoyé mais plutôt un regard cruel sur la douleur humaine. En
1622, Jacques Callot sculpte les Gueux. À priori, le réalisme est plus grand. Ces figures semblent
plutôt destinées à effrayer qu’à susciter la pitié. Il souligne la pauvreté humaine dans des gravures
destinées à un public riche qui a les moyens de les acheter. En 1633, Jacques Callot sculpte les
Misères de la guerre. Cette sculpture est d’une qualité plastique extraordinaire, et représente des
choses horribles : l’estrapade, le supplice de la roue pendant lequel on frappe le corps à coups de
bâton… Il souligne la fragilité humaine et non le caractère héroïque. Il passe du grotesque à
l’effrayant, au tragique.

En littérature :

À côté de ces grands romans héroïques, on voit se développer un courant qui semble en être
la parodie mais qui en est l’équivalent. On fait la même chose mais sur un autre mode. Le roman
burlesque puise sa source dans les modèles espagnols qui s’inscrivent dans la lignée des romans
picaresques : le personnage principal est le picaro et l’écuyer est le personnage central. On raconte
sur le même mode une série d’aventures mais, au lieu de mettre en avant l’héroïsme du héros, on
insiste sur le côté burlesque grâce au picaro. La Vie de Lazarillo de Tormes est un roman anonyme qui
lance le roman picaresque. C’est un antiroman mettant en scène un personnage bas dont on dénonce
la grandeur.

Charles Sorel (1602-1673) :

Il débute en littérature avec de grands succès. En 1623, il publie l’Histoire comique de


Francion. En 1627, il publie le Berger extravagant dans lequel l’influence de Don Quichotte de Miguel
de Cervantès (1547-1616) est très importante. Louis est un personnage parisien devenu fou à force
de lire l’Astrée, il se fait alors appeler Lysis ; pour singer Céladon et Astrée, il devient berger. Il fait
paître des brebis galeuses au bord de la Seine et tombe amoureux de Catherine, une servante
d’auberge. Charles Sorel est le premier à parler de son oeuvre comme d’un antiroman. Cette remise
en cause du genre romanesque aura une influence considérable sur les romanciers par rapport au
genre du roman. C’est un genre qui au départ n’a pas de base poétique que l’on puisse fixer dans
l’Antiquité. C’est un genre neuf.

Paul Scarron (1610-1660) :

Paul Scarron est un poète et un dramaturge français. Entre 1651 et 1657, il écrit le Roman
comique. Ce dernier nous emmène dans le monde du théâtre en mettant en avant de grands
modèles : les amours contrariés et transportés non dans une Antiquité merveilleuse mais dans un
univers baroque… Le contraste fort va faire s’opposer d’une part l’amour parfait et idéal des deux
héros et d’autre part le monde d’illusion et du grotesque qu’est celui de la troupe de théâtre dont ils
font partie. Dans le Roman comique, un jeune homme et une jeune fille de bonne famille ne peuvent
se marier, ils vont donc tous les deux entrer au théâtre et connaître l'exil des comédiens et vont vivre
des aventures burlesques. Les comédiens sont les personnages faibles mais on a, dans le roman, des
personnages forts et héroïques.

François L’Hermite, sieur du Soliers, dit Tristan L’Hermite (1601-1655) :

La Folie du Sage de Tristan L’Hermite fait partie de ce courant burlesque à dimension tragique
de l’homme : l’homme est insaisissable à lui-même et aux autres. Le monde est vu comme un
théâtre, le haut/le bas, le drôle/le tragique agissent sans cesse. Tout est éphère et illusion fragile. Le
page disgracié sera un roman 'autobiographique'.

• La folie du sage : le fou dit le vrai // Erasme.


•=> Impossibilité de savoir ce qui est vrai, ce qui est faux. On dresse un portrait de l'homme tiraillé
entre ses grandeurs et ses faiblesses : il présente l'homme vu des deux côtés.

Marc-Antoine Girard de Saint-Amant (1594-1661) :

Grand voyageur, il aime découvrir des réalités différentes. Il est sceptique, il doute de tout ; il
est également libertin de mœurs et d'esprit. Il va écrire 4 grands recueils publiés vers 1649. Des
courants divers sont retrouvés sous sa plume. Certains relèvent de l’inspiration noble, extrêmement
élégante, où les thèmes de la vie et de la mort sont théâtralisés sur un ton noble : il s’oppose à la
dimension burlesque de la débauche. Il inaugura sa carrière poétique dans le sillage de Théophile de
Viau, prolongea la tradition littéraire de Rabelais et Marot, et fut l'initiateur d'un style qualifié de «
burlesque ». En 1619, il publia sa première œuvre, l'Ode à la solitude. Ses pièces les plus connues
parurent dans les œuvres. Certains poèmes sont inspirés des nombreux voyages qu'il entreprit très
jeune, telle la Rome ridicule (1643) : son souci était de séduire le public bourgeois et noble, tout en
conservant son originalité. Il aborda ainsi dans son œuvre, entièrement vouée à la poésie, souvent
gaie, des registres multiples : de l'épique (le Moïse sauvé, 1653) au comique, de l'héroïque au
satirique, et différent thème, poèmes amoureux, descriptions, louanges, avec une maîtrise
remarquable de la langue française dans toute sa variété. Reçu en 1634 à l'Académie française, il
travailla à la partie « comique » du dictionnaire. Au nom du plaisir et de la diversité, il refusa de se
plier aux règles et aux limites que fixait à la même époque Malherbe : il offrit une poésie libre,
sensuelle, imaginative. Après 1650, où le goût classique triompha, il tomba vite dans l'oubli, pour
n'être redécouvert qu'au siècle dernier.

Dans son œuvre, il inverse les dieux. Ainsi, Apollon avec ses idées nobles se trouve pourtant
au plus bas et il fait une ode à Bacchus, le dieu du vin, qui tire logiquement l'homme vers le bas : c’est
un contre-art poétique. Il utilise la même manière d'écrire, comme s'il faisait une ode à Apollon mais
il fait bien une ode au plaisir, au vin et non à Apollon.

25. François de Malherbe

Henri IV s’attache le plus grand poète français de l’époque : François de Malherbes (1556-1628).
C’est, selon Boileau, le « père du classicisme ». Malherbes fut le poète attitré d’Henri IV.
Une fois attaché profondément à la personne du roi, il va modifier profondément son œuvre avec
une classification profonde. Il va modifier le destin politique. Il connaît le moment (3e tiers du XVIe
siècle) où l’esthétique baroque émerge. Très longtemps, les œuvres qu’il a écrites de ces années sont
méprisées : « Les larmes du sieur Malherbes » (1575), « Les larmes de Saint Pierre » (1584). Il
commence très profondément à être un poète baroque, par ses deux chefs-d’œuvre. Mais son
esthétique dévie considérablement quand il se rapproche de la personne royale. Il se sent très proche
de Desportes mais il le déteste. De poète baroque qu’il est, il va finir comme un poète qui ne se
présente plus comme un poète inspiré mais comme d’un artisan de la langue qui écrit dans un
vocabulaire clair et raréfié. Le brillant doit l’emporter sur le fond. Il se présente comme quelqu’un
pouvant accéder à a perfection formelle. Il a un attachement pour la raison. Il prône le pouvoir de la
raison, qui est ordonnatrice. Ceci s’oppose au baroque et est caractéristique du classicisme. On a
l’exigence d’une poésie claire, rationnelle, ainsi qu’un rapport à la langue et le primat de la raison
(traits avant-coureurs du mouvement classique). Donc, il se rattache à la fin de sa vie au courant
classique. Pour servir la volonté royale, il change son style.
Alors que la Pléiade avait enrichi la langue, le vocabulaire sera de plus en plus pauvre. Remarquons
qu’on trouvera moins de 2000 mots pour l’œuvre de…
Malherbes devient le parangon du poète royal. A la mort d’Henri IV, il deviendra le poète de sa
veuve, la régente Marie de Médicis (sa seconde femme)

26. Comparer les conceptions philosophiques et religieuses de Descartes et Pascal


27. Le rôle de Richelieu dans le développement du classicisme
28. Les « Règles » de la tragédie classique

La pièce tragique classique doit être


 En cinq actes
 En alexandrin
 Respectueuse des trois unités :
o Unité de lieu : il faut garder une certaine proximité de lieu, par exemple
rester dans une grande ville et ne pas se « téléporter » d’un endroit à l’autre,
afin que le spectateur comprenne (cette unité est fortement liée à l’unité de
temps)
o Unité de temps : le spectateur peut admettre que la durée réelle de la pièce
(plus ou moins 2h/2h30 de spectacle) corresponde au 24h d’une journée
dans la pièce
o Unité d’action : il faut une seule intrigue avec une exposition, un nœud et
une catastrophe (pas d’intrigue secondaire)
 Respectueuse des règles de vraisemblance : on ne copie pas le réel mais on
représente quelque chose qui pourrait réellement arriver (ex. Le Cid ne respecte pas
cette règle, car la vraisemblance voudrait que Chimène n’épouse pas le meurtrier de
son père)
 Respectueuse des règles de bienséance : il ne faut jamais choquer le spectateur. On
ne représente donc ni les scènes de violence (guerre, bagarre, …) ni les scènes
sexuelles (viole, rapport sexuel entre deux personnages, …) (ex. dans Horace, le frère
tue sa sœur)

29. François de La Rochefoucauld


30. Marie de Sévigné

31. Bénigne Bossuet

Bossuet (1627-1704) eut une influence décisive à partir de 1670 dans la gestion religieuse (politique)
de la France (rechristianisation des mœurs), et aussi parce qu’il prit en main le mécénat royal.

Le roi doit payer pour les œuvres religieuses et morales. Il y a toute une série de petits enfants en
pleine scolarité dans l’entourage royal. Bossuet va créer des ouvrages pour servir le mécénat, pour les
enfants royaux. Bossuet est lui-même précepteur. À l’intention de ses pupilles, il écrit un traité
d’histoire, Discours sur l’histoire universelle (pour des textes publiques), ainsi qu’un traité de
politique, Politique tirée des propres paroles de l’écriture sainte. Afin de rechristianiser la cour de
France, il va les éditer et tout le monde va copier la cour.

32. Marie-Madeleine de Lafayette


33. Jean de La Fontaine

Jean de La Fontaine (1621 -1695) est le fils d’un conseiller du roi. Il est peut-être noble mais alors
d’une toute petite noblesse. Il va hériter de peu de moyens financiers. Il a donc besoin d’être
attaché à un protecteur ou à une protectrice. Il se dirige dans un premier temps vers la théologie et le
séminaire. Pour une raison inconnue, il va quitter la voie de la carrière religieuse. Il commence par
faire de petites traductions de qualité. Il entre en contact avec Nicolas Fouquet, l’un des plus grands
mécènes de son temps. En 1658, il offre à son protecteur un très beau manuscrit contenant son
poème « Adonis ». Il reçoit en échange une pension (et non une gratification). En effet, Fouquet
s’intéresse surtout à la qualité d’écriture. Quand Fouquet se retrouve en disgrâce (1661), La Fontaine
lui reste fidèle et écrit au roi pour soutenir son maître. À cause de cela, il devra
attendre 1684 pour entrer à l’Académie française (car le roi Louis XIV « oublie » de signer son
autorisation d’entrée). En 1665, il écrit ses Contes. Il a la réputation de poète libertin. Ses Contes sont
inspirés de Boccace et sont de type grivois. En 1668, il publie son premier recueil de Fables. Il veut
s’inscrire dans la politique de préceptorat (alors que ses Contes, eux, étaient destinés à un public
mondain et brillant). On y voit sa volonté didactique et moralisante. Il dédicace le recueil au
dauphin et aux enfants royaux.

On ne lit souvent que les Contes et les Fables mais il y a une autre moitié à son œuvre, avec du
théâtre, de l’opéra, du roman (Les Amours de Psyché et Cupidon), de la poésie de circonstance, … Si
on lit l’Art poétique de Boileau, on remarque que La Fontaine y est absent. Boileau lui reproche en
effet la négligence de sa langue et de son style, et il lui reproche également de s’illustrer dans des
genres mineurs (fable, conte), de faire plus que traduire les œuvres de l’Antiquité (il les modifie). La
Fontaine est donc en marge du mouvement classique soutenu par le pouvoir.

Donc, La Fontaine va affirmer sa personnalité par rapport à des modèles antiques. Plus il avance
dans son œuvre, plus il s’éloigne des modèles de Phèdre et Esope pour avoir une approche plus
ouverte. Néanmoins, c’est un auteur de plus en plus classique. Selon sa vision, la littérature doit
séduire, plaire, être légitimée par une dimension didactique et morale (instruire)

34. Molière

Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673) vient d’une famille de bonne bourgeoisie parisienne. Il a de


l’argent, et il va l’investir dans sa carrière de comédien et d’auteur. Quand il veut user de l’héritage
de sa mère, son père lui donne son accord. Il va donc se lancer dans une carrière de théâtre : cela
prouve que ce n’est plus mal vu à l’époque, ce n’est plus une carrière de perdition. On a une
évolution du statut de l’acteur et de l’auteur. Cela résulte du travail de l’Académie française qui veut
relever le statut des artistes (reconnaissance financière et morale). Il fait de bonnes études de droit,
puis se lance dans sa carrière de comédien. Il fonde la troupe de « L’illustre théâtre » (composée de
dix acteurs) , avec l’actrice Madeleine Béjart (issue de la bonne bourgeoisie). Il joue en province ses
pièces. Mais, pour attirer le public, il lui faut renouveler son répertoire. De même, pour fixer
(sédentariser) sa troupe, il lui faut du répertoire. Il veut s’installer à Paris pour avoir un public
fidélisant. Donc, petit à petit, il va devenir écrivain. Il écrit d’abord des petites farces, puis très vite
une première comédie en 5 actes et en vers (L’étourdi, en 1655). L’essentiel de sa production est
dramatique. Molière est acteur, directeur de troupe, et fournit lui-même du répertoire à sa troupe.

On peut délimiter quatre catégories dans ce répertoire :


 Première catégorie : les farces

Dans la farce, on a un comique appuyé qui repose sur le comique de situation, sur le comique
verbal, sur le comique gestuel. On voit un attachement au vieux genre de la farce (cf. Farce de Maître
Pathelin). C’est un comique moins de texte que de théâtre, de situation. Les personnages sont
caricaturaux et manichéens. Molière parviendra comme ça à se fixer à Paris (même s’il avait déjà
essayé trois fois auparavant sans succès) car Monsieur (donc le duc d’Orléans, le frère du roi) vient le
voir jouer une pièce de Corneille. Cette représentation reçoit un accueil mitigé. En effet, sa manière
de présenter la pièce est différente de l’habitude : il utilise un jeu plus naturel. C’est une faute de
goût par rapport à la tragédie française. Mais, en même temps, il joue une petite farce de province
(Les précieuses ridicules, 1669), et c’est un succès ! Molière, va s’illustrer dans un credo bas (celui du
comique) qui n’est pas encore un credo pris à l’époque. Jamais il n’y renoncera : c’est le fond de
commerce de la troupe du Palais Royal. En 1671, il écrit Les Fourberies de Scapin. Il adore toujours la
farce (et le public aussi !).

 Deuxième catégorie : les comédies ballets

Le domaine des comédies ballets utilise un comique très appuyé. Il mêle la comédie déclamée à des
divertissements dansés et chantés. Dès le milieu du siècle, Corneille avait imaginé des pièces avec
machineries. Molière va faire de même. Il écrit Les Fâcheux, pièce composée à la demande de
Fouquet. Les comédies ballets sont de petites pièces où le comique y est carnavalesque. En 1671, il
écrit Le bourgeois gentilhomme. En 1673, il écrit Le malade imaginaire. On est parfois proche des
comédies poétiques : La princesse d’Elide (1664), Les Amants Magnifiques (1670).

Molière veut plaire à Louis XIV par ses comédies ballets. Tous les décors du roi lui sont laissés : il
peut ainsi représenter les pièces ailleurs qu’à la cour. Il y a plus de comédies que de comédies ballets.
Mais on trouve les passages les plus grotesques, les plus farcesques dans la comédie ballet, avec un
ridicule appuyé.

 Troisième catégorie : les comédies héroïques


Avec les comédies héroïques, on a une tendance vers le haut. On y trouve des personnages plutôt
traditionnels de la tragédie (rois, dieux, …) : des grands d’Espagne dans Dom Juan (1665), Jupiter et
Mercure dans Amphitryon (1668). On a là la tentation d’atteindre un genre élevé, héroïque.

 Quatrième catégorie : les comédies soutenues

Les comédies soutenues constituent une toute petite partie de son œuvre mais ce sont les plus
connues. Molière voulait plaire. Il ne voulait pas spécialement de grands spectacles (avec machinerie
et comédie). Mais il veut aussi la reconnaissance des autres écrivains, de ses pairs. Il va donc
appliquer les grandes règles dramaturgiques de la tragédie (établies par Corneille). Il écrit une
grande comédie en 5 actes et en alexandrins tous les 2 ans. Il écrit Tartuffe, Le Misanthrope, L’avare,
L’école des femmes. Il se plie aux règles du classicisme. On y trouve la bienséance, la vraisemblance,
un cadre bourgeois. Il emploie la mimésis et la catharsis : on se moque du bourgeois gentilhomme
mais vous, public, ne l’êtes-vous pas aussi, n’avez-vous pas les mêmes défauts ?
Il y a un seul lieu (le salon bourgeois) et l’unité de temps est respectée (on ne dépasse pas 24H). Il n’y
a qu’une seule intrigue. La pièce est en 5 actes et en alexandrin. Donc, la comédie emprunte
l’ensemble de ses critères à la tragédie. Ces comédies ont du succès auprès du public. On rejoue
quatre fois Le Misanthrope et Psyché est la pièce qui rapporte le plus. Avec ses grandes comédies
élevées, Molière obtient la reconnaissance de Boileau. Il atteint le niveau de Térence (de l’Antiquité).
Il écrit les plus belles pièces en français et obtient une reconnaissance littéraire très grande. C’est
l’auteur le plus joué (avant Shakespeare !). Molière veut plaire à tous les publics. Donc, en même
temps qu’il s’affirme dans une dimension classique, il écrit aussi dans une dimension baroque et
carnavalesque. Ainsi, il n’y a pas d’évolution, tous les registres se succèdent pour pouvoir attirer le
public. De même, il n’a pas de préférence pour un type de comédie ou un autre. Il espérait entrer à
l’Académie française, mais il n’y entrera pas car d’une part, la comédie est le genre le plus bas, et
d’autre part, il était aussi acteur (or, les acteurs ont une mauvaise image). Remarquons que Molière
sera d’ailleurs inhumé de nuit.

35. Jean Racine

Il jouit d’un mécénat royal et appartient à la deuxième génération de mécénat classique. Jean Racine
est issu d’une famille bourgeoise honorable mais aux moyens financiers modestes. Il est confié aux
mains de sa grand-mère et de sa tante, étant enfant, qui appartiennent au jansénisme : il reçoit une
formation à Port Royal. Il eut pour maîtres Arnauld et Nicole et son professeur de grec est Hamon.
Cet apprentissage du grec est une singularité donc, Racine est capable de lire les modèles grecs dans
les textes originaux. Il fréquente La Fontaine et Mazarin, et fait une ode au roi : il veut obtenir une
gratification et vise donc des personnalités importantes du pouvoir. Malgré la relative médiocrité de
ses premiers poèmes, il attire quand même l’attention et est mis sur les listes de gratifications.
Orgueilleux, il estime qu’il n’est pas assez bien payé, que les sommes qui lui sont allouées sont
inférieures à son génie : il quitte sa charge de poète officiel pour aller vers le théâtre, qui offre un
succès plus rapide. C’est étrange car le théâtre est combattu assez violemment par les jansénistes de
Port-Royal, de plus, aller vers un genre moins relevé, c’est déchoir.

Molière lui donne sa chance dans sa troupe : Racine écrit pour lui La Thébaïde (1664) et
Alexandre le Grand (1665). Il obtient un succès relatif. La marquise Du Parc, comédienne de Molière,
devient sa maîtresse donc, il emporte la meilleure actrice de Molière dans la troupe rivale (la Troupe
de l’Hôtel de Bourgogne, qui s’occupe du domaine de la tragédie) : c’est le début d’une véritable
haine tenace entre les deux hommes. C’est pourtant cette troupe qui va faire sa gloire. La troupe de
l’Hôtel de Bourgogne crée Andromaque, Britannicus et Bérénice. Racine tente de concurrencer
Molière dans le genre comique en créant des comédies en cinq actes et en alexandrins mais n’y arrive
pas ; il choisit alors la tragédie classique et respecte toutes les règles : Phèdre, Iphigénie, Bajaret,
Mithridate, ... Racine l’emporte sur son autre grand rival : Corneille. Il a perdu contre Molière dans le
domaine de la comédie, mais il gagne contre Corneille dans celui de la tragédie : avec Bérénice
notamment, il est reconnu comme le plus grand auteur dramatique français de son temps.
Cependant, Molière et Corneille s’associent pour créer Psyché : c’est le plus grand succès auprès du
public, Psyché fait tomber Bérénice aux oubliettes. Après Phèdre, il change et va s’occuper de ce qu’il
voulait faire après avoir obtenu sa reconnaissance littéraire : il veut obtenir sa reconnaissance sociale.
Il abandonne le théâtre mais on est au moment d’un autre mécénat : celui de Bossuet et du Petit
Concile où la facette profane de l’Académie est remplacée par une facette religieuse. Racine se
rapproche du Petit Concile et sa reconnaissance est de plus en plus forte.
En 1672, il est élu à l’Académie française. Il est nommé historiographe et lecteur du roi, car il
passait pour l’homme de son temps qui lisait le mieux : c’est un poste intime qui lui confère de la
noblesse. Il obtient petit à petit toutes les reconnaissances sociales. En 1679, il est proche de Port
Royal puis il est accusé dans l’Affaire des Poisons, mais Louis XIV le supprimera de la liste. Cette
espèce de reconversion du poète se marque par des bréviaires (Hymnes du bréviaire) et quatre
cantiques spirituels (Cantiques). Il a changé au moment où la cour basculait, tous les signes extérieurs
sont rassemblés : c’est une stratégie personnelle. Il s’inscrit dans le sillage du Petit Concile et montre
plus de religiosité. Racine revient au théâtre à la demande de Madame de Maintenon pour le couvent
de Saint Cyr : Esther et Athalie. Remarquons qu’Athalie deviendra sa plus célèbre pièce à travers les
XVIIe et XVIIIe siècles ; elle sera détrônée par Phèdre quand Sarah Bernard la jouera. On trouve dans
ces pièces religieuses tous les principes de l’opéra : Athalie est une tragédie en cinq actes et en
alexandrins, mais chaque acte est coupé par des chœurs. Il y a un orchestre, de la musique (trait de
l’opéra français), les décors bougent, la figuration est importante, les lieux changent : c’est la tragédie
de référence pour l’évolution du XVIIIe siècle.

Très rapidement, Racine est reconnu comme le plus grand dramaturge de son temps : il
obtient toutes les reconnaissances et devient très riche. On peut donc, au XVIIe siècle, grâce à sa
plume, avoir toutes les reconnaissances sociales. La tragédie, telle qu’il la conçoit, s’éloigne de
Corneille. Avec Rodrigue (Le Cid), on avait un idéal à atteindre et un destin à assumer ; avec Phèdre
(Phèdre, tragédie lyrique), le personnage est déjà fracassé car il est frappé par son fatum dès le
début.

36. Les théories esthétiques présidant au classicisme


37. Quels sont les rapports entre pratiques orales et littéraires au XVIIe siècle ?
38. Comment évolue le statut de l’écrivain au XVIIe siècle ?
39. Définir l’épopée et illustrer par des exemples

3. Questions à 2 points

1. La Vie de saint Alexis (Cf. question à 3 points)

2. La versification de la chanson de Roland dans le manuscrit d’Oxford


Le plus ancien manuscrit de la Chanson de Roland est celui d’Oxford. Il n’y a ni enluminure, ni belle
écriture.
Le vers dominant dans l’épopée est le décasyllabe (10 pieds métriques chantés avec un rythme
régulier). La césure est faite au 4 e et au 6e vers. Il n’y a pas de rime. On parle ici d’assonance puisqu’il
y a une communauté de voyelles finales accentuées. Les strophes, qui n’ont pas la même longueur,
sont définies par la communauté de voyelles finales toniques : ce sont des laisses.
Dans la chanson de Roland, on troupe 22 types d’assonances différentes et 291 laisses de longueurs
différentes : la plus courte fait 5 vers, la plus longue 35 vers, et la moyenne est de 14 vers. La
tendance générale est de faire des laisses de plus en plus longues.
Il y a également un vers d’intonation (premier vers) qui saisit le personnage, et un vers de synthèse
(dernier vers) qui conclut la strophe de manière sémantique (c’est souvent un vers sentencieux, de
vérité générale).
Il y a 4000 vers +2 (donc 4002 vers, si t’as perdu ton âme à force d’étudier et que tu ne suis plus très
bien). Le 4001e vers est comme une lamentation, le 4002 e vers est une signature de l’autour et/ou
scribe.

3. La fine amor
La fine amor est l’image de pureté et d’amour purifié, le rapport amoureux unissant le poète à la
dame qu’il aime ayant longtemps été occulté. Une série de poètes use de cette théâtralisation du lien
entre le poète et la dame pour illustrer le rapport de vassalité.
Le rapport amoureux est presque stéréotypé : l’amant est pris de passion pour une dame
inaccessible. Soit la dame est l’épouse du suzerain du poète ou d’un personnage socialement
supérieur ou elle-même est d’un rang supérieur, soit la dame est loin. Cette thématique a glissé vers
la thématique religieuse : la Vierge-Marie remplace la dame. On passe d’une tradition profane de
l’amour à une application religieuse.
Dans la fine amor, l’amour n’est pas désincarné. Il n’y a pas de désir caché : on trouve de fortes
connotations sexuelles. Cependant, la tension ne réside pas dans l’accomplissement de cet amour
mais dans l’inspiration du poète. Le poète ne demande en effet que deux choses à sa dame :
· Le guerredon, c’est-à-dire la récompense et reconnaissance. Par exemple, la
récompense physique que Guenièvre donne à Lancelot est une nuit d’amour.
· La merci, c’est-à-dire la pitié de la dame pour l’homme qui l’aime en vain. Il s’agit
donc d’une récompense spirituelle.
Thèmes annexes :
Les Lauzangier ou les jaloux s’opposent à l’amour du troubadour. Par exemple, on peut citer ceux qui
sont autour de Tristan et Iseult.
La reverdie est la manière d’incarner le sentiment, venant de l’intérieur du poète qui l’attire vers la
dame. C’est l’image du printemps : une force monte en lui comme la sève remontent dans les arbres ;
c’est donc la force de l’amour qui lui donne véritablement la vie.
Toutes les œuvres font référence, dans la réflexion sur l’amour au XII ème siècle et au XIIIème siècle, à la
fine amor.

4. Tristan et Iseut
Dans Tristan et Iseut, la matière de Bretagne est présente (avec la magie, l’épisode du morolt…).
Toutefois, ce n’est plus la figure du roi Arthur qui est représentée mais celle du roi Marc. Le roi Marc
est indirectement lié au roi Arthur. Il y a juste un lien par la demeure de Tintagel où il arrive parfois à
Arthur de séjourner.

On se trouve dans un univers celtique. Le cadre géographique se compose de la Grande Bretagne et


de la petite Bretagne. La cohérence celtique entre les deux est affirmée
Divers auteurs (comme Bédier) vont puiser dans le fond oral de cette histoire de Tristan et Iseut.
L’ensemble de leur histoire est en effet connu de façon parcellaire. C’est un sujet qui bourgeonne,
c’est une matière de jongleurs : il y a une pluralité de Tristan et Iseut. La version la plus ancienne est
celle de Béroul (1150) qui compte 4500 vers (remarquons qu’elle ne retrace pas l’entièreté du livre).
Le roman de Tristan de Thomas d’Angleterre (au 3e quart du XIIe siècle) compte lui 3000 vers. On peut
citer également le Lai du chèvrefeuille de Marie de France.
L’histoire de Tristan et Iseut aura une survie parcellaire malgré le fait que la légende sera retrouvée
dans toutes les formes en Europe. Cette forme parcellaire peut être expliquée par le fait qu’il s’agit
d’un amour coupable. L’amour coupable ne peut être que tragique. Béroul donne une réponse
ambiguë quant à la place de l’amour dans la société. Il semble désapprouver m’adultère mais admire
leurs amours.

5. Hélinand de Froidmont
- Originaire d’une riche famille bourgeoise flamande, s’était fait moine dans un monastère à
Froidmont.
Les vers de la mort
- Plus ancien exemple de poésie non chantée (1194-97)
- Fixe un modèle du thème de la mort, sous trois approches différentes :
 La célébration de la toute-puissance de la mort : il la célèbre et s’adresse à elle directement.
 Le thème du contemptus mundi : c’est une manière morale et didactique de s’adresser à
chaque être humain les uns après les autres pour dire que la mort les frappera tous.
 La dimension satyrique de l’orgueil humain face à la mort : il souligne le ridicule des
hommes.
- La mort est une étape transitoire de la vie, et il la montre notamment à travers la danse macabré.
- Versification typique qu'on appellera strophe d'Hélinand.
 Douze vers d'octosyllabes qui roulent sur deux rimes.
 Structure difficile mais équilibrée (césure au centre, parallélisme et symétrie).
- Genre du memento mori : « souviens-toi que tu es mortel ». Il le rappelle à son lecteur. Il utilise le
« je » pour livrer un message didactique général.

6. Naissance de la prose littéraire au Moyen-Âge


Jusqu'à la fin du XIIe siècle, la littérature française est tout entière en vers et la prose littéraire n'existe
pas. Les seuls textes en prose vernaculaire, dont le nombre n'est d'ailleurs pas considérable, ont un
caractère utilitaire. Cette situation caractérise toutes les jeunes littératures : partout le vers apparaît
avant la prose.
Le XIIIe siècle est LE siècle de l’expérimentation du genre romanesque. Petit à petit, la prose va
s’imposer.
Au XIIIe siècle, Chrétien de Troyes domine toujours. De nombreux successeurs écriront des
continuations à son œuvre (des Lancelot, des Conte du Graal…). Certaines de ces suites seront en
prose. Dès le XIIe siècle, la prose était souvent utilisée mais plutôt dans des traductions, dans des
textes juridiques, didactiques, religieux : des textes dont la prose avait pour but la clarté du sens. Ils
mettent en avant l’objectivité.
La prose se développe ensuite dans des domaines littéraires avec un sens connoté. Mais si dès 1150,
on voit se développer une prose littéraire, celle-ci n’aura sa complète reconnaissance qu’au XIIIe
siècle.
Entre 1190 et 1210, dans les régions du nord (qui correspondent plus ou moins à la Belgique
actuelle), donc dans l’entourage des contes de Flandre, s’impose l’idée que la prose est plus apte à
dire le vrai.
On utilise surtout alors la prose dans des textes historiques puisque qu’on a l’idée que le vers donne
une vision embellie tandis que la prose donne une vision du sens sans ses artifices.

7. Expliquer ce qu’est la lecture typologique de la Bible au Moyen Âge


La typologie est très importante au Moyen Age et se poursuivra même jusqu’au XVII e siècle (avec par
exemple La Fontaine). C’est le centre de la démarche théologique. En effet, la Bible est divisée en
deux grandes parties : ce qui annonce la naissance du Christ (Ancien Testament), et ce qui suit la
venue du messie (Nouveau Testament). Remarquons que, pour les juifs, le messie n’est pas encore
venu, et que pour les musulmans, Jésus n’est juste qu’un prophète. Pour prouver que la Bible dit la
vérité, on montre bien que tout a été accompli. C’est un jeu qui consiste à prendre l’Ancien Testament
comme énigme. Il faut trouver les fils entre le Nouveau et l’Ancien testament. Par exemple, les 3 jours
durant lesquels Jésus était enfermé dans son tombeau rappellent les 3 jours pendant lesquels Jonas
est resté dans le ventre de la baleine.

8. La « somme » au Moyen-Âge
Un des traits caractéristiques de l’enseignement est l’utilisation de la concordance et de la typologie.
En effet, on observe une volonté de somme, de rassembler tous les savoirs (tendance au miroir). Le
didactisme, la volonté de totaliser tous les savoirs acquis sous la forme d’une somme est
caractéristique du Moyen-Âge. On peut dire qu’elle atteint un sommet au XIII e siècle (Jacques Le Goff
parle du XIIIe siècle comme du siècle encyclopédique). Cela se fait selon l’esprit du temps : on veut
une vision générale du monde, tournée vers la présence de Dieu. L’univers que Dieu organise est
cohérent : la place de l’homme est fondée et stable. On trouve ici l’idée fondamentale du
microcosme humain inscrit dans le macrocosme de l’univers.

On o b s e r v e u n e c e r t a i n e fa c u l té de passer d’un registre à l’autre, d’interpréter et de


souligner les analogies entre les choses.
Pour l’exégèse biblique, des modes de lecture tout à fait codifiés vont se développer et resteront
en application jusqu’au XVIIe. Il faut lire le texte selon une grille de lecture fixée qui ne cherche
pas un sens mais plusieurs. Pour rappel, selon la lecture typologique, les éléments de l’Ancien
Testament sont confirmés dans le Nouveau Testament. Cette confirmation est la preuve de leur
véridicité.
Cette grille de lecture très organisée des textes peut être appliquée à tous les textes. On a une
recherche de niveaux parallèles complémentaires :
• le sens littéral : c’est le niveau le plus bas, le niveau historique. On cherche la lettre,
l’effet, l’histoire. C’est une lecture pédestre (mais qui tue l’esprit de la Bible).
• le sens figuré : on cherche des sens figurés. Donc, c’est l’étude des sens seconds derrière
le sens premier. C’est une lecture typologique, elle- même divisée en trois niveaux :
- le sens moral : on cherche des enseignements moraux, des exemplums.
Un exempla est un récit d’où il faut tirer des enseignements pour notre vie en société.
-le sens allégorique : c’est ce qu’il faut croire (donc le sens religieux)
- le sens anagogique ou mystique : on s’interroge sur les fins dernières
de l’homme. C’est aussi le sens métaphysique :
On s’interroge sur le sens même de la vie humaine.
Peu à peu, ce mode de la lecture se développera pour la lecture de tous les textes littéraires.
On retrouvera ainsi encore ce mode de lecture chez Jean de La fontaine.

9. Les deux Jeux d’Adam


Il ne faut pas confondre les deux « Jeu d’Adam » : si le premier (XII e siècle) fait référence au
personnage biblique, le second (XIIIe siècle), aussi appelé « Jeu de la Feuillée » fait référence à son
auteur, Adam de la Halle.
Le Jeu d’Adam est le chef d’œuvre du drame liturgique. Il date de la seconde moitié du XII e siècle et
est écrit en langue d’Oïl. C’est une œuvre très importante et très complexe.
Dans le cas du Jeu d’Adam, la moitié de la représentation consistait en un chant liturgique (en latin).
Ses didascalies sont particulièrement extraordinaires car elles touchent aussi à des questions
d’interprétation (combien il convient d’interroger le texte). La psychologie est importante dans ce
texte. Le reste de la pièce est en langue vernaculaire pour toucher un public plus large. On va donner
de l’importance à l’interprétation (jeu des clercs), au texte (c’est un véritable texte qui est
développé, avec une tension dramatique réelle).
Le Jeu d’Adam ne présente pas l’homme dans une vision comme celle des tragédies grecques, ni
comme dans le Chanson de Roland (avec un Dieu omnipotent). Dans les tragédies grecques,
l’homme est confronté à un fatum, il est une marionnette entre les mains des dieux (comme par
exemple Œdipe, un excellent roi mais qui subit sa malédiction). Ici, c’est différent. Les personnes sont
dotées du libre-arbitre et d’une raison qui leur permet de distinguer le Bien du Mal. L’homme a donc
les moyens d’aller vers le Bien. Le personnage prend de l’envergure et la réflexion psychologique
devient tout à fait centrale.
Le texte nous est parvenu de manière incomplète et nous en possédons trois sections :
• La première section reprend les éléments de la Genèse jusqu’à l’épisode d’Adam et Ève
chassés du Paradis terrestre. Donc c’est l’épisode d’une chute.
• La deuxième étape montre les sacrifices d’Abel et Caen, le meurtre d’Abel par Caen (premier
crime de l’humanité), et donc l’arrivée du travail. C’est l’annonce de tout ce qui arrive de mal à
l’homme (mort, maladie, travail, …).
• La troisième séquence permet de comprendre la logique de l’ensemble. Elle s’éloigne des
deux autres. Elle présente le défilé des prophètes (les deux sibylles, le prophète
Zacharie,). Ils évoquent une série de figure vétérotestamentaire annonçant la venue du
Messie. C’est donc un espoir qui s’ouvre. On refait une approche de type théologique : on annonce
le rachat de la faute d’Adam et Ève par la mort du Christ. C’est la structure la plus traditionnelle de
l’exégèse médiévale.

Le Jeu de la Feuillée (ou Jeu d’Adam) est le plus ancien texte écrit entièrement en français (en
picard). Premier texte profane qui nous soit connu. Il compte 1098 vers, avec une alternance de
rimes féminines et masculines (octosyllabes à rimes plates).
C’est une œuvre brève mais extrêmement complexe tant dans son fonctionnement dramaturgique
que dans ses allusions au cadre arrageois. C’est donc une œuvre complexe qui s’inscrit de façon très
réaliste dans le cadre bourgeois.
Le Jeu de la Feuillée est déjà, par son titre, un jeu de mots : la feuillée fait allusion d’une part à la
loge en branchage et feuillage (qui se trouvait au centre de la scène), et d’autre part au thème de la
folie (élément central de la pièce). Le théâtre est un monde de retournement : la folie est seule à
dire le vrai.
En 1276, au moment où il vient d’avoir un échec amoureux (dans un univers très parodique de
Chrétien de Troyes), Adam, bourgeois, décide de poursuivre ses études à Paris.
L’auteur se met en scène lui-même. Il discute avec des personnages bien reconnaissables (amis,
père,) qui tenaient leur propre rôle.
Adam semble avoir été dégoûté par sa jeune épouse. Il s’agit d’un passage admirable, très long, où il
se justifie auprès de ses amis. En effet, ces derniers louent sa beauté et se demandent pourquoi il
s’éloigne d’elle.
On trouve dans une taverne et tous s’endorment. On bascule alors dans un univers onirique. Les fées
(Morgue,) entrent en scène et font venir l’allégorie de la fortune.
Ont oublié d’inviter la fée Maglore : mauvais vœu  Adam va oublier son don (aptitude à écrire)
dans les bras de son épouse  parodie du recréant qui ne se consacre pas au don particulier pour
lequel Dieu l’a créé. Les fées font alors entrer une figure allégorique (le XIVe siècle aime beaucoup les
allégories) : celle de la Fortune. Les trois fées quittent la scène pour se rendre là où les vieilles dames
d’Arras avaient coutume d’offrir un repas aux fées. Après les dons (comme dans la Belle au Bois
Dormant…), dans de vieux prés (coutumes locales), elles sortent en chantant. Leurs chants réveillent
les Arrageois. Les bourgeois se réveillent et décident d’aller porter un cierge à la Madone de la
Confrérie : on a donc un retour à la réalité. Le public est mêlé à la pièce. On imagine les acteurs qui
se dirigent réellement vers la chapelle.
La pièce est complexe, à cheval entre réalité et rêve, entre le sens premier et le sens second, et fait
allusion à un univers englobant. C’est un théâtre collectif d’un groupe social (la bourgeoisie) se
mettant en scène pour lui-même. L’espace se confond à l’espace réel avec des éléments de décors.
L’univers allégorique est central. La langue est très vive, très colorée car on a un regard très réaliste
qui porte sur le sexe et l’argent : l’homme est épinglé dans ses désirs.
Le théâtre apparaît comme le lieu de toutes les illusions. La femme est belle ou laide selon l’image
que l’on porte sur elle, d’après la métaphore de la fortune qui abaisse et relève. On retrouve donc
l’image de la roue de la Fortune qui fait tomber les plus grands. Pour citer un autre exemple : un
moine possède une relique permettant de guérir le fou. À la fin, tout le monde devient fou. Le seul à
dire le vrai devient le fou. On est ainsi dans un monde où tous sont fous et où seul le fou dit le vrai.
C’est un jeu sur la vérité et l’illusion. Remarquons que cette première pièce profane livre beaucoup
d’aspect du théâtre tel qu’on le retrouvera plus tard. Le théâtre est un monde d'illusions : il semble
peindre le réel, mais il interroge sur le réel.
On trouve la forme dramatique du genre du congé : le personnage est amené à quitter la ville et à
dire au revoir à ses amis pour des raisons diverses (cf. Jean Bodel qui part dans une léproserie, et
Villon qui fait son Testament). Adam de la Halle, lui, part à Paris. Le théâtre au Moyen Age repose sur
la faculté d’appropriation des divers genres existants pour leur donner une forme dramatique. Par
exemple, le Jeu de Saint Nicolas était la mise en scène de la chanson de geste, la Farce de Maître
Patelin est la dramatisation des fabliaux, et le Miracle de Théophile est la dramatisation de la vie de
saint. Ici, le Jeu de la Feuillée est la dramatisation du genre du congé. = personnage qui doit quitter la
ville et les siens et qui leur fait ses adieux.
La scène s'achève sur une scène de taverne, qui devait sans doute être suivie par les libations du
public (suite normale du spectacle, cf. idem chez Molière).

10. Le genre médiéval du congé


Le congé est un genre poétique médiéval né au tout début du XIII e siècle. Façon poétique de se
séparer d'une femme ou bien du monde en général, ces œuvres lyriques sont souvent rédigées à la
première personne, conférant aux vers un aspect autobiographique (avec lequel il faut savoir garder
ses distances cependant).
Le genre du congé apparaît d'abord à Arras, avec Jean Bodel et Adam de la Halle (cf. Jeu de ma
Feuillée).

Rutebeuf (Poèmes de l'infortune) ou François Villon (Le Testament) donneront au genre ses lettres
de noblesse.

11. Adam de la Halle


Adam de la Halle est un auteur de la deuxième moitié du XIIIème siècle ; il marque une véritable
étape pour le statut de l’œuvre et de l’auteur. En un demi-siècle, la notion d’auteur a changé. Par
exemple, les contemporains de Rutebeuf ont fait rassembler toutes ses œuvres dans un même
manuscrit ; ce sera la même chose pour Adam de la Halle. Apparaît donc la volonté de rassembler
une œuvre autour d’un auteur, de posséder dans sa bibliothèque tout d’un auteur. Avant, en
général, on allait dans un atelier de manuscrits, on faisait un choix et on copiait ce qui tournait
autour d’un genre : par exemple, on pouvait choisir un manuscrit consacré aux bestiaires ou encore
à la chanson de geste. Il faut savoir qu’Adam de la Halle était connu jusqu’en Italie et donc son succès
fera qu’on voudra un ouvrage avec seulement ses écrits. C’est au XIIIème siècle que naît l’idée d’un
auteur ayant une certaine cohérence.
L’œuvre d’Adam de la Halle est présentée de manière très ordonnée : on a d’abord tout ce qui est
lyrique. Ensuite vient l’œuvre dramatique. Après vient la poésie diverse. Enfin vient son œuvre
déclamée. Remarquons que, dans un classement chronologique, on devrait avoir le contraire : ici,
c’est la logique du genre qui prime, une logique esthétique donc et non chronologique.
Adam de la Halle, dit Adam le Bossu, est le disciple de Jean Bodel. Adam de la Halle est le fils de
maître Henri, un clerc employé à l’échevinage : il ne vient donc pas de la bourgeoisie élevée du
conseil municipal. Henri était un clerc bigame car il n’avait prononcé que les ordres mineurs : il ne lui
était ainsi pas interdit de se marier mais il devait rester célibataire en cas de veuvage. Pourtant,
Henri s’est remarié, ce qui était mal vu. En tant que clerc bigame, il fut taxé plus durement. C’est un
homme cultivé mais son statut de clerc bigame lui sera défavorable.
Adam de la Halle naît un peu avant 1240. Il obtient son titre universitaire de Maître ès Art en 1272.
C’est un poète musicien : sa réputation est déjà bien établie. En 1871, il écrit le Jeu de la Feuillée ou
Jeu d’Adam. C’est la première pièce profane qui nous soit parvenue. Adam entre au service du comte
d’Artois et part peut-être avec lui porter main forte au comte Charles d’Anjou, le roi de Sicile, son
cousin, dans les guerres siciliennes. En effet, il y a un soulèvement de la population sicilienne locale
contre les français. Il crée, à Naples, le Jeu de Robin et Marion.
Adam meurt probablement en Italie. Il a vécu de sa plume en écrivant pour un commanditaire
extrêmement puissant : Robert II d’Artois. Il est le premier auteur de théâtre profane avec son Jeu de
la Feuillée et son Jeu de Robin et Marion.

Le Jeu de la Feuillée :
[Voir question sur les jeux d’Adam]

Le Jeu de Robin et Marion :

Le Jeu de Robin et Marion est la dramatisation du genre de la pastorale. La pastourelle est peu
présente dans la lyrique d’oc mais abondamment représentée en langue d’oïl, surtout au XIIIème
siècle. Le schéma est celui-ci : un chevalier tente de séduire une jolie bergère mais il échoue. Alors,
soit il se contente d’assister au jeu rustique des bergers et des bergères, soit il fait acte de violence ;
ensuite des bergers arrivent et le mettent en déroute.
Dans le Jeu de Robin et Marion, le chevalier Aubert veut Marion. Mais elle est amoureuse d’un autre
chevalier, Robin : la première partie de la pièce montre ainsi Marion confrontée à Aubert tandis que
la seconde partie montre les divertissements de Marion et Robin. C’est une pastorale par
personnage. Elle compte 777 vers avec des dialogues en octosyllabes à rimes plates. On trouve aussi
des vers ayant d’autres mètres car des pièces chantées sont introduites dans les dialogues. La pièce
débute par une chanson de Marion disant tout son amour pour Robin. Le chevalier Aubert, revenu
victorieux d’un combat, arrive et trouve Marion jolie, mais elle, très piquante, se moque de lui. Il est
vexé. Robin arrive et dit que, s’il avait été là, il aurait frappé Aubert ; il chante et danse pour Marion.
Il part ensuite chercher ses cousins et Aubert en profite pour enlever Marion mais elle est tellement
énervante qu’il la ramène à Robin. La pièce se termine par des chansons.
Remarquons que le bonheur de ces bergers est irréel mais fragile. L’œuvre fixe le modèle de la
pastorale dramatique où on voit des bergers qui vivent dans une sorte de paradis terrestre avec
possibilité de bonheur sur terre mais où l’arrivée du chevalier va tout menacer. Il y a une sorte de
memento mori rappelant combien le bonheur humain est fragile.
Cette pastorale a été créée à la Cour de Naples : c’est donc un spectacle de Cour. Le rapport au
spectacle et au public est différent : ce n’est plus la communauté arrageoise qui se met en scène
mais des acteurs professionnels face à un public de noble. C’est un théâtre frontal qui se met en
place : il y a un côté public et un côté avec les acteurs. Remarquons qu’auparavant, c’est-à-dire
durant l’Antiquité, il s’agissait de théâtres circulaires.

12. Guillaume de Machaut


Le XIIIe siècle a vu la mise en place d’une série de formes de chants. Le XIVe siècle, lui, voit le
perfectionnement de ces formes. C’est un siècle d’approfondissement technique. Les séries de
formes importantes sont les rondeaux, les ballades (chansons à danser), les virelais. Il s’agit d’un
arsenal de formes encore mises en musique.
Au XIVe siècle, on a une scission entre l’écriture musicale et l’écriture poétique. Cette scission est
marquée par Guillaume de Machaut. Il est une figure majeure de l’histoire de la musique. On a là le
renouveau musical : l’Ars Nova.
Guillaume de Machaut est l’auteur d’une des toutes premières messes polyphoniques (qui deviendra
le grand genre jusqu’au XVIIIe siècle).
Machaut a écrit des ballades avec de la musique mais aussi des ballades sans musique : des ballades
à dire et non plus à chanter. C’est étonnant de la part d’un compositeur de premier ordre.
Guillaume de Machaut (1300-1377) a écrit 42 ballades, 76 rondeaux, 39 virelais (dont 33 en
musique), 23 motets, et 19 lais (poésie purement dite).
La notion d’auteur se développe : on trouve des manuscrits complets pour Adam de la Halle,
Rutebeuf. Quant à Machaut, il est certain qu’il a supervisé la copie de son manuscrit. Il a réparti et
construit ce recueil (comme Adam de la Halle). Il distingue les pièces chantées de celles à déclamer.
Les rondeaux et virelais à chanter sont beaucoup plus nombreux que ceux qui ne le sont pas.

13. Charles d’Orléans


Le rondeau est une autre grande forme canonique des XIVe et XVe siècle. Avec le rondeau, on quitte
le geste « musique et texte » pour un geste purement textuel, sans nécessité musicale. Même si on
n’a plus des rondes, il y a encore une structure musicale. Les rondeaux sont destinés à être lus et non
chantés. Cette forme impose la présence d’un refrain et est extrêmement souple : il y a 115 formes
de rondeaux différents. Le nombre de strophe n’est pas imposé.
Au XVe siècle, le rondeau devient, avec la ballade, l’un des deux genres lyriques par excellence. Si
pour la ballade on cite Villon (Ballade des pendus), c’est Charles d’Orléans (n’était pas musicien) qui
illustre le rondeau. C'est comme un palimpseste, une épure, souvenir de la dimension musicale, qui
est la présence d’un refrain à la grande liberté formelle  présence d’une phrase qui revient,
souvenir de la chanson.
Remarquons que Charles d’Orléans a croisé la route de Villon puisque, dans le manuscrit sur le
concours de Blois, on trouve les ballades de Villon.
Charles d’Orléans est membre de la famille royale : donc, il est issu de la plus haute aristocratie
française. Il participe en 1415 à la bataille d’Azincourt, où l’armée française est défaite par les archers
anglais. Il est fait prisonnier en Angleterre et on demande une rançon énorme pour sa libération. Les
familles (les comtes de Flandre) s’associent pour payer. Après sa libération, il passera par les Flandres
pour exprimer sa reconnaissance aux comtes de Flandres. Il s’illustre, pendant son exil, plutôt dans la
ballade puis, ballades où il exprime sa nostalgie du pays natal auquel il ne peut plus avoir accès
(quand prisonnier), à sa libération, il lui préférera le rondeau.
Charles d’Orléans deviendra un spécialiste du rondeau durant sa période française (il rentre en
1441). Le trait caractéristique du rondeau est son refrain qui revient à l’endroit où Charles d’Orléans
le décide. Il écrit des textes très musicaux, mais ne les met pas en musique. Cependant, ses pièces
sont tellement musicales qu'ils ont été très souvent mis en musique.
On possède un manuscrit de Charles d’Orléans qu’il a copié lui-même. C’est donc un manuscrit
autographe. Il s’agit du premier manuscrit autographe qui nous soit parvenu d’un auteur (grâce au
prestige de la collection qui le contenait).
Charles d’Orléans, grand poète et grand mécène, ne connaissait pas la musique. Sa poésie n’est donc
pas mise en musique par lui mais elle est toujours présente dans le poème. Il a inspiré énormément
de musiciens. C’est sans doute le poète qui a été le plus mis en musique, dès les XVe et XVIe siècles.
C’est tout à fait neuf (pour le texte profane mais pas dans le domaine religieux). On a des recueils
entiers de Debussy qui a mis ses rondeaux en musique.

14. François Villon


François Villon s’inscrit dans la tradition d’une poésie personnelle, liée à une dimension didactique
et morale. Celle-ci trouve en fait son apogée avec lui (mais aussi sa fin).
Au contraire de Rutebeuf, Villon est bien connu. On peut mettre en parallèle son œuvre et sa vie.
Il se présente comme un mauvais sujet et ce n’est pas un menteur : il était réellement un mauvais
sujet. On le retrouve en effet dans beaucoup d’archives judiciaires.
Figure majeure, celle qui va incarner jusqu’à aujourd’hui le Moyen-Âge : François Villon. Il incarne la
fusion des deux grands courants que nous venons d’évoquer : la voix d’une poésie à dimension
didactique, bien souvent personnelle, et d’autre part, la poésie lyrique non chantée – elle aussi
souvent à connotation personnelle. Ces deux voies vont se rejoindre dans le Testament de François
Villon – qui marque l’apogée et la fin de ces deux traditions.
Les éléments personnels présents dans ses œuvres réfèrent explicitement à sa biographie
personnelle. Pour la première fois, notre connaissance de sa biographie est certes très ponctuelle,
très peu sûre, mais réelle. Nous avons des documents d'archives relatifs à François Villon.
François de Montcorbier (ou François d’Eloge) est parisien. Il naît autour de (date conjecturée)
1431(année de la mort de Jeanne d’Arc). Orphelin très tôt, c’est son oncle maternel, l’ecclésiastique
Guillaume de Villon, qui s’occupe de lui. C’est ainsi qu’il devient François Villon. Il est issu de la
bonne bourgeoisie. Il obtient son bac en 1449 et devient maître ès arts en 1452. Une rixe, due à un
moine débauché, sera le début de sa chute. En 1456, après avoir bénéficié d’une grâce (grâce : lettre
de rémission --> preuve qu'il avait des protecteurs (il écrit des choses qui plaisent, apparemment), il
organise un vol dans un des collèges de la Sorbonne. Il connaît donc une nouvelle condamnation
mais pas trop lourde, grâce à de brillants protecteurs.
Manie l'humour, l'ironie et l'autodérision de manière ++ brillante. Cependant, il n'y a rien qui se perd
plus vite que le persifflage : on ne sait pas s'il est sérieux ou critique (avec le temps, on ne le sait
plus). Ainsi, une bonne part de sa biographie est tirée de ses œuvres, et à propos de son tuteur, qu'il
qualifie de "plus que père", on ne sait s'il lui rend hommage ou s'il était pédophile (cf. texte dans
lequel il le dit, qui est très méchant et caustique).
En 1457, à Blois, dans un des châteaux de la couronne de France, il va participer à un concours
poétique organisé par Charles d’Orléans, ayant pour thème « Je meurs de soif à côté de la fontaine »
(antithèse antique). Nous possédons un manuscrit dans lequel la ballade écrite par Villon est très
certainement autographe. Il ose se montrer poète --> acte assez noble pour qu'un noble le pratique
lui-même (idem pour Charles d'Orléans). Ainsi, il écrit ses propres poèmes dans l'album de
quelqu'un de très haut placé comme Charles d'Orléans --> indicateur de la reconnaissance du poète
(Villon).
Il va séjourner en prison en 1460-1461, mais il bénéficie de grandes protections et a une réputation
de poète bien assise, qui va faire qu’il va être protégé et bénéficier de traitements de faveur. Sa vie
est un mélange de chute sociale et de brillante poésie. En 1463, une nouvelle rixe le conduit de
nouveau en prison, où il subira la question, la torture. Il est condamné à être pendu mais ses riches
protecteurs obtiennent sa grâce dont on ignore l'origine (mais sans doute royale). Sa condamnation
à mort est remplacée par un bannissement à vie.
Ensuite, soit il a été très sage, soit il est mort : on ne sait plus rien puisqu’il disparaît des archives
comme de la vie littéraire. Cette disparition s’ajoutera à son image de poète maudit, asocial, en
marge de la société. Il échappera aux critiques, même à celle de Boileau.
Autour du mystère de sa mort se crée tout un imaginaire. Par exemple, Rabelais dans le Quart Livre
(tout début du XVIe siècle) va imaginer la suite de sa vie, l’imaginant moine dans une abbaye
(couvent de Poitou) --> retour à Dieu évoqué dans l'œuvre de Villon, rentré dans le droit chemin,
faisant répéter des mystères à des moines. C’est une sorte d’hommage à la figure qu’il admire. Il va
donc très vite devenir un personnage littéraire.
L’œuvre de Villon comprend deux grands textes :
• Le Lai ou Le Petit Testament (1456) : ce texte est beaucoup plus proche du genre du congé que de
celui du testament. Il a une forme très humoristique. Il fait des dons à ses amis et ennemis. Lais =
ancienne graphie du legs d'aujourd'hui.
• Le Grand Testament (postérieur à 1461) ; Villon n'aimait pas l'appellation de "Petit testament » :
c'est un lais !
De plus, on trouve divers poèmes isolés, comme par exemple l’Épitaphe
Villon ou Ballade des Pendus.
Villon a joui d’une très grande réputation de son vivant. Il s’impose comme une figure
incontournable de la littérature française. Notons qu’on imprimera une version incunable de son
Grand Testament.
Années qui voient se développer l'imprimerie. Publication des incunables : ouvrages imprimés
antérieurs à 1500 (incunable = "au berceau"). Au-delà des années 1500, on considère que
l'imprimerie s'est déjà bien installée. Nous en sommes donc au début de l'imprimerie, et la
réputation de Villon est telle qu'on retrouve deux éditions de son œuvre.

15. Clément Marot


- 1496 – 1544
- Juste avant la Pléiade
- Au service de Marguerite de Navarre (Heptaméron), anciennement Marguerite de Valois (sœur de
François Ier, grand-mère d’Henri IV). Elle est proche du protestantisme (le roi de Navarre est
protestant).
- François Ier le fait succéder à son père comme poète du roi de France.
- Emprisonné 2 fois pour soupçons d’hérésie.
- Exil en Italie, revient en 1526 en France et abjure le calvinisme.
- Se lance dans la traduction de Psaumes (pratique plutôt protestante), qui auront un succès
phénoménal.
- La censure s’abat sur lui en 1543.
- Meurt à Turin en 1544.
- Admirateur d’œuvres du Moyen Âge, il réédite le Roman de la Rose, Arnould Gréban, Villon, … =>
Veut garder les œuvres pour la tradition française.
- Fortement sensible au modèle italien.
- Se positionne comme imitateur de Catulle et Virgile.
- Attachement à l’humanisme (retour aux sources bibliques, l’Homme au centre, …).
- Adolescence Clémentine : recueil autour de sa personne, le « je » est au centre.
- Virtuosité technique, il est l’un des premiers à exploiter l’oralité de l’écriture. Proximité entre un
modèle social (« le bien parler ») et le fait d’écrire une poésie qui y fait référence, pour imposer des
modèles poétiques éloignés des modèles antiques.
- Langue vive, claire et brillante. Modèle de simplicité et de limpidité.
- Recherche de transparence et d’évidence qui aura une influence sur Voltaire.

16. Marguerite de Navarre


- 1492 – 1549
- Sœur de François Ier (Marguerite de Valois), elle épouse le roi de Navarre.
- Proche du protestantisme : le roi de Navarre était protestant.
- Interviendra notamment dans la défense de la simplicité des œuvres de Rabelais, aura Clément
Marot à son service un moment, …
- Figure d’autorité politique, intellectuelle et artistique.
- Heptaméron :
Emprunte l’idée du récit-cadre au Décameron.
Contient 72 nouvelles, elle en voulait 100 mais est morte avant d’accomplir son projet.
On retrouve l’héritage du Moyen Âge : dimension plaisante, tragique (en arrière-plan).
Par rapport à Boccace : le ton et la personne qui raconte sont plus marqués, le commentaire prend
de l’importance, les personnages acquièrent une personnalité.
En général, une dimension plus humaine.

17. Louise Labé


Louise Labé (1525-1565) – pour autant qu’elle ne soit pas un personnage fictif – est une jeune
femme de la classe dominante, c’est-à-dire de la riche bourgeoisie de cordiers. Comme tous les gens
de son niveau, elle a reçu une excellente éducation. On la surnomme « la belle cordière ». Elle sait
chanter, jouer du luth, et elle lit l’italien et l’espagnol couramment. Elle ouvre un salon très brillant
(une de ces petites Académies) fréquenté par Maurice Scève mais aussi par Olivier de Magny et
Pontus de Tyard (qui feront plus tard partie de La Pléiade). Son œuvre est éditée. Elle est très brève
(3 élégies, 23 sonnets). On a là une poésie avec une vision différente de celle de Pernette de Guillet
(vision plutôt chaste) : ici, on a une certaine chaleur et une dimension sensuelle. Suivant une vision
ovidienne, sa conception de l’amour est tragique. Elle parle d’elle-même. Elle se propose comme un
exemple fort d’une passion violente et tragique (celle qu’elle a vécu avec Magny). Elle s’adresse aux
autres dames lyonnaises (elle ose en parler), dans une dimension morale et didactique.
Amant infidèle, Olivier De Magny est important. Il fréquente ces milieux italianisant – cercle de
Maurice Scève et Louise Labé. Il appartiendra, avec Pontus De Tyard, au groupe de la Brigade qui
permet le transport de l’ensemble de ces modèles à Paris.

18. Défense et illustration de la langue française de Joachim du Bellay


Dans la Défense et illustration de la langue française, Joaquin du Bellay et Pierre de Ronsard font la
défense, par opposition au latin, de la langue française, et veulent montrer la dignité de la langue
française à accéder à tous les modèles antiques (visée nationale). Oui, ils respectent les maîtres
antiques, mais ils s’éloignent de la poésie néo-antique pour affirmer qu’il faut écrire en français. Par
illustrations, on entend le fait d’enrichir la langue française : il faut recourir aux archaïsmes, ne pas
avoir peur des néologismes (donc des emprunts au latin, à l’italien, pour les concepts qui
n’existeraient pas dans la langue française) et de transposer des mots du domaine technique vers
l’abstrait particulièrement dans le domaine de la philosophie. C’est un véritable travail de création de
vocabulaire pour un enrichissement de la langue.
Au niveau des formes, on prend des modèles de l’Antiquité (épître, odes, épigramme,) ainsi que des
modèles modernes (sonnet, qui fut illustré en Italie par Pétrarque). On peut s’étonner que, dans une
défense de la langue française, on prenne des modèles littéraires extérieurs à la tradition française.
De plus, une série d’anathèmes sont lancés sur la littérature française antérieure : tout le monde
passe à la trappe sauf quelques rares exceptions (Gréban, Villon, Roman de la Rose).

19. Philippe Desportes


Philippe Desportes (1546-1606) va jouer un rôle important dans l’émergence d’une nouvelle poésie
et du classicisme. Il a été longtemps méprisé à cause de la protection que lui a accordée Henri III,
mais aussi parce qu’il est coincé entre deux figures importantes : Ronsard (le poète attitré du roi
avant lui) et Malherbes (son successeur comme poète du roi). Il sera attaqué par l’un comme par
l’autre. Sa poésie renonce à la dimension lyrique, individuelle, personnelle qui avait immergé petit à
petit (cf. l’adieu de Jean Bodel avec la théâtralisation de sa peine et de sa douleur avec un memento
mori général ; ainsi que Rutebeuf qui utilisait une dimension personnelle peut-être fictive ; et Villon
avec lequel on avait une connexion entre le parcours biographique et l’œuvre). Ronsard, lui, investit
beaucoup de lui-même : les lieux sont reconnaissables et Cassandre et Hélène sont connues.
Desportes redevient donc en quelque sorte un rhétoriqueur qui met sa technique au service d’un
prince. Il feint d’être amoureux quand on lui demande, il ne s’investit pas personnellement. Au
niveau du fond, il va cultiver le lieu commun, avec des images pétrarquistes. C’est un technicien : il
choisit volontiers des lieux communs pour mettre en avant la forme. La langue se raréfie du fait de sa
volonté de perfection formelle. Ronsard prend lui la limpidité comme modèle dominant. Malherbes
n’est pas content à l’égard de Desportes car il pourrait se faire passer pour un père du classicisme.

20. Dimension classique de l’Astrée


Honoré d’Urfé est sensible aux auteurs italiens qui commentent les œuvres (dont la Poétique
d’Aristote, ouvrage qui inspira le classicisme).
Les 5 volumes de son œuvre correspondent aux 5 actes de la tragédie. Sa réflexion est proche de
celle d’Aristote et du théâtre classique :
- unité d’action : une seule action centrale (l’amour entre Astrée et céladon), accompagnée de
procédés d’inspiration baroque (des personnages tout autour servent de repoussoir et apportent un
éclairage).
- unité de lieu : on se trouve dans une grande région, un périmètre de 10 à 20 Km (lieux réels). C’est
un lieu tout petit. On n’en sort pas (ce qui est contraire aux romans baroques).
- unité de temps : cela se passe en moins de 6 mois (du printemps à l’automne).
Même si l’Astrée est le chef-d’œuvre du roman baroque, il annonce le classicisme sous bien des
points. Il annonce par exemple La Princesse de Clèves. Ainsi, on trouve des traits cohérents dans un
courant esthétique mais aussi d’autres traits d’un autre.
Il faut donc se garder d’opposer baroque et classique, puisqu’ici ils se manifestent dans une même
œuvre (de même Corneille dans son œuvre est parfois baroque, parfois classique). La vision de
l’homme, de la société, et la psychologie sont baroques, tandis que la forme est totalement classique
(comparaison avec le théâtre).

21. Le sonnet
Le sonnet est une forme poétique comportant 14 vers (2 quatrains et 2 tercets). Le schéma des rimes
peut varier (il y a par exemple le sonnet marotique, utilisé par Clément Marot, ABBA ABBA CCD EED).
Pétrarque avant lui fit des sonnets en ABBA ABBA CDE CDE, CDC DCD ou CDE DCE. La longueur des
rimes n’est pas fixe (ce peut être un octosyllabe, décasyllabe, alexandrin…). Ronsard adoptera de
l'alexandrin, qui deviendra la métrique du vers la plus fréquente dans le sonnet classique.
Le sonnet, grâce à Pétrarque, fut l’un des modèles littéraires loués par Joaquim du Bellay dans sa
Défense et Illustration de la langue française.
Le sonnet est avant tout une pièce musicale. La pièce doit sonner. Le sonnet est avant tout d’origine
lyrique. Les sonnets de Pétrarque inspireront un grand nombre de poètes.
Chez Pétrarque, la liberté formelle des tercets était totale, mais il interdisait une chose : la présence
de distique.
La poésie française, elle, distingue souvent un, voire deux distiques. Ceci aboutira à la structure
classique de Ronsard.
 Affranchissement du modèle de Pétrarque.
Louise Labé se servira principalement du sonnet dans son œuvre (3 élégies pour 23 sonnets).

22. Nicolas Boileau


Boileau publie en 1674 ses Œuvres diverses. Il reprend ses œuvres anciennes mais en ajoute une
série de nouvelles, dont l’Art poétique et le Traité du Sublime (dont le dernier est une traduction
commentée d’un texte de Longin.
Textes théoriques qui portent sur l’art classique en France.
Boileau présente la figure de Malherbes comme étant la première qui va fixer le modèle classique : «
Enfin, Malherbes vint. ».
Dans l’art poétique, Malherbe retrace l’histoire de la poésie française jusqu’au classicisme. Il y dresse
les deux éléments esthétiques principaux du classicisme :
• la mimésis = l’imitation : L’artiste va devoir se mettre à l’école du monde, du réel. L’auteur
doit puiser ses sources dans la nature, qu’il doit tenter d’imiter au plus près. C’est l’image du miroir,
de la photographie. On va imiter le réel tellement bien qu’on va oublier complètement le fait qu’on
est face à un objet d’art (théâtre,). Le but de l’artiste est de faire le réel. Il n’est pas libre de son
imagination.
• la catharsis = la purgation : La catharsis est exprimée plus dans sa politique que dans sa
dimension esthétique. Une fois qu’on a observé la nature et qu’on l’a situé dans une situation proche
du réel, on va provoquer un double sentiment (de pitié ou/et de terreur). Par exemple, Médée
inspire la pitié par le drame qui lui arrive, puis la terreur face au meurtre de ses enfants. Donc, le
drame des héros nous suscite la pitié et la terreur. On va alors être purgé de nos mauvaises passions.
Cette espèce de sentiment de compassion envers les autres va nous faire vouloir nous dévier des
mauvaises passions. On a là une dimension morale. Remarquons que la France va justifier la
représentation par sa fonction didactique et sa dimension morale. On ne va pas juger l’œuvre sur
son originalité mais sur la qualité de son reflet à un objet extérieur. L’œuvre doit être le parangon de
la réalité et didactique (et pas seulement faire plaisir).

Souvent, on a réduit la conception de Boileau (Art poétique, 1674) à ces dimensions de mimésis et
de catharsis. Cependant, dans ces mêmes années, il va aller dans une dimension du sublime en
traduisant le Traité du sublime de Longin. C’est une conception différente de l’art et de son
fonctionnement.
Lorsque Boileau publie en 1674 dans un recueil (Les œuvres mêlées) pour la première fois l’Art
Poétique, qui fixe le modèle classique français – Molière est mort depuis un an.
Ouvrage qui tire les leçons du passé (cf. Aristote qui s’inspire d’Homère et Euripide ; Boileau peut se
fonder sur l’œuvre de Molière (terminée), de Corneille (qui s’est retiré), etc.). Œuvre rétrospective :
pourquoi ces œuvres ont bien réussi ?  En fixe les modèles.
Dans le même ouvrage, traduction du Traité du Sublime, et sa question est de répondre à l’endroit
où la théorie de la mimésis ne fonctionne pas.
Il théorisera l’esthétique du sublime : faire du beau avec du lait.
Si on lit l’Art poétique de Boileau, on remarque que La Fontaine y est absente. Boileau lui reproche
en effet la négligence de sa langue (attitude trop aristocratique) et de son style, et il lui reproche
également de s’illustrer dans des genres mineurs (fable, conte), de faire plus que traduire les œuvres
de l’Antiquité (il les modifie).
Dans l’Art Poétique, Boileau cite bien Molière, mais uniquement des pièces choisies. Pour Boileau,
Molière n’aurait dû faire que des comédies en cinq actes et en vers, mais le problème est que le
public n’aimait pas cela. Molière travaille le genre comique de manière extrêmement diversifiée car il
a cent personnes à faire vivre, et il doit donc créer ce qui lui rapportera des fonds.

23. Origines, nature et usages de l’alexandrin


L'alexandrin est, en métrique française classique, un vers composé, formé de deux hémistiches (ou
sous-verres) de six syllabes chacun. Les deux hémistiches s'articulent à la césure, qui est le lieu de
contraintes spécifiques.
Son nom est dérivé du Roman d'Alexandre, sans qu'on puisse savoir si c'est en référence au nom de
son héros, Alexandre le Grand, ou bien d'Alexandre de Bernay, son auteur. Ce cycle poétique, écrit en
style épique, est du XIIe siècle, or ce n'est qu'au XVe qu'est vraiment attesté le terme alexandrin.
Jusqu'au XVIe siècle, il est rare en français, et le vers héroïque est le décasyllabe. Il est réellement
lancé par la Pléiade : Jean-Antoine de Baïf et Pierre de Ronsard imposent le sonnet, l'ode et
l'alexandrin
Il est utilisé en poésie, mais également dans la littérature dramatique.
Dans son Art Poétique, Thomas Sébillet considère que l’alexandrin doit être réservé aux sujets
graves.

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