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Les humanistes, artisans


de la Renaissance ?

Fin du XVe siècle, début du XVIe siècle ; on observe un bouleversement


dans tous les arts : architecture, peinture, sculpture, littérature… Ce
n'est pas un changement immédiat, mais c'est tout de même
spectaculaire.

Le château fort médiéval étant devenu inutile face à l’artillerie, on ouvre


des fenêtres dans les murailles, les douves et les espaces qui l’entourent
deviennent des jardins d’agrément.

Le Moyen-Âge était-il donc un âge sombre et barbare ? Non, regardez


les enluminures, elles révèlent bien une civilisation raffinée. Mais elles
n’étaient pas faites pour être ressemblantes : elles avaient une fonction
symbolique. Les postures des personnages, les couleurs, les animaux,
véhiculent un sens caché, comme un deuxième alphabet.

À la Renaissance, ce regard sur le monde est bouleversé. Désormais, on


s’intéresse à l’anatomie, à la perspective... Cette observation du réel
vient concurrencer la dimension religieuse et symbolique des sujets.

Si on ne représente plus un objet sans l’observer, c’est qu’on n’accepte


plus non plus une vérité (ou une assertion) sans la vérifier, soit dans les
textes, soit dans la nature elle-même. Les humanistes prônent ce retour
aux sources : retour aux textes des anciens, observation directe du réel.

C’est alors une réaction en chaîne : les vérités considérées comme


acquises, les dogmes arbitraires, les autorités réputées infaillibles,
comme celle du Pape, sont remises en question. La féodalité elle-même,
cette organisation propre au Moyen-Âge, s’en trouve fragilisée…

Comment la pensée humaniste participe-t-elle aux bouleversements de la


Renaissance, marquant la fin au Moyen-Âge ?

Pour vous amener à suivre mon raisonnement, je vais vous annoncer


mon plan au fur et à mesure, mais vous pourrez le retrouver
intégralement au format PDF sur mon site : www . mediaclasse .fr
Vous y trouverez aussi une synthèse et une version podcast.
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1. Contexte artistique et littéraire

Au XVe siècle, les chansons de geste deviennent parodiques : d’un point


de vue littéraire, le modèle féodal perd de son attrait… En France, les
petits conflits entre seigneurs sont régulés par un pouvoir royal
grandissant. Mais ce n’est pas la monarchie absolue qui sera instaurée
après la Fronde par Louis XIV.

1515, François Ier n’a que 20 ans, il vient d’être couronné, et il organise
une expédition militaire en Italie pour revendiquer le duché de Milan. Il
ne conservera pas les territoires gagnés… Mais il sera durablement
impressionné par les arts du Quattrocento.

Et en effet, pendant le XVe siècle, l’Italie a connu un renouveau des arts


sans précédent. Des peintres vénitiens comme Le Titien utilisent la
peinture à l’huile, développant des effets visuels inédits : le sfumato, le
clair-obscur, les reflets des miroirs…

Michel-Ange, peintre et sculpteur, étonne par ses détails anatomiques.


Regardez ce petit muscle sur le bras de son Moïse : c’est l’extenseur de
l’auriculaire, qui est légèrement levé…

François Ier se fait appeler protecteur des Arts et des Lettres. Il écrit
lui-même de la poésie. En revenant de son expédition en Italie, il invite
Léonard de Vinci au clos Lucé. C’est lui probablement, qui dessine
l’escalier à double vis du château de Chambord…

Dans toutes ces œuvres (sculpture, architecture, peinture) il y a un point


commun : le sujet religieux laisse place au sujet humain. L’homme de la
Renaissance ne souhaite plus seulement sauver son âme, il veut devenir
un homme accompli, civilisé par les arts et la culture.

Et voilà pourquoi, dans ce tableau célèbre de Hans Holbein (Les


Ambassadeurs) tous ces objets qui symbolisent le progrès d’une
époque, sont en accompagnés d’un crâne en anamorphose qui signifie :
n’oublions pas que nous sommes mortels, gardons-nous de la vanité
qui nous ferait surestimer nos inventions et la vie terrestre.

Et en effet, petit à petit, l’artiste prend conscience de sa propre valeur. Il


se met à signer ses œuvres, à réaliser des autoportraits. Les mécènes,
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ces riches personnages qui protègent et financent des artistes, se font


représenter dans les scènes religieuses.

Cela vaut aussi en littérature : en tête de ses Essais, Montaigne déclare


qu’il se peint lui-même. Il fait écrire sur les poutres de son bureau, ses
citations préférées des Anciens.

Cette nouvelle importance du rôle central de l’individu amène les


auteurs humanistes à revendiquer le libre examen : l’homme peut
réfléchir par lui-même sur tous les sujets. Mais pour cela, il faut écarter
les commentateurs, et revenir aux sources.

2. Un retour aux sources

Au XVIe siècle, les studia humanitatis c’est l’étude des civilisations


Grecque et Romaine, et donc aussi du grec et du latin. Mais
implicitement cela évoque l’humanitas de Cicéron : les qualités morales
et intellectuelles qui font un être humain accompli.

À l’université, les humanités intègrent alors 7 arts dits « libéraux » : le


trivium (grammaire, dialectique, rhétorique) et le quadrivium
(arithmétique, géométrie, musique, astronomie).

Les humanistes du XVIe siècle n’ont donc pas soudainement inventé des
idées nouvelles : au contraire, ils se sont appliqués à redécouvrir des
idées qui existaient déjà. C’est l’innutrition : se nourrir des textes passés.

Voilà ce qui est fascinant avec le mouvement humaniste : la


redécouverte d’auteurs vieux de 1500 voire 2000 ans déclenche une
réaction en chaîne accélérant la connaissance dans tous les domaines.

S’appuyer sur les Anciens (grecs et latins). On ne s’en rend pas bien
compte, mais beaucoup de ces auteurs étaient considérés comme «
profanes », trop éloignés des dogmes religieux. C’était donc une
démarche subversive à l'époque...

Par exemple, un certain Rabelais, déjà mal vu par l’Église parce que
c’était un moine défroqué, (c’est-à-dire, qui a quitté les ordres
monastiques) mais en plus, marié et pratiquant la médecine — se voit
confisquer sa bibliothèque en 1523, accusé d’hérésie par la Sorbonne.
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Les humanistes s’approprient cette citation de Bernard de Chartres :


« Nous ne sommes que des nains perchés sur les épaules de géants. »
Le respect des Anciens ne nous empêche de progresser, bien au
contraire, ce retour aux sources permet de voir plus loin. Au XVIe siècle,
un certain nombre d’événements vont même accélérer ce processus.

3. L’invention de l’imprimerie

1455, Gutenberg s’inspire des presses des vignerons et diverses autres


techniques pour former la première imprimerie. Regardez l’alignement
des caractères de chaque côté... Les lettrines, la justification, les
espacements variables, quel perfectionnisme !

Alors qu’il fallait auparavant 3 ans à un moine copiste pour produire


une seule bible, dans le même temps, Gutenberg et sa petite équipe en
impriment près de 180 dans le même temps. Dès la fin du XVe siècle,
l’invention s’est répandue dans une quarantaine de villes en France.

Avec ces Bibles imprimées et bientôt traduites en langue vulgaire, se


développe alors un mouvement dit Évangélique qui revendique de lire la
Bible directement pour s’en faire une interprétation personnelle… Sans
passer par un intermédiaire ecclesiastique…
Les penseurs humanistes sont naturellement proches d’un tel
mouvement, accusé d’hérésie par l’Église, mais protégé par de grandes
personnalités, comme Marguerite de Navarre par exemple.

À cette époque les intellectuels de la Renaissance multiplient leurs


échanges, et forment ce qu'ils appellent une « République des Lettres » :
ils s'écrivent, réfléchissent sur des thèmes communs.

Cette idée de libre-examen va progressivement amener les penseurs


humanistes à distinguer l'observation personnelle et les arguments
d'autorité (le fait d’accepter un argument parce que l’auteur est
reconnu).On préfère chercher les sources, voire même, aller vérifier
dans la Nature elle-même, faire ses propres observations.
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4. Des livres au monde

Pour revenir aux textes d'origine, on apprend de nombreuses langues


anciennes : le Latin, bien sûr, est incontournable, c’est la langue savante
du Moyen-Âge, la langue de Saint Augustin, père de l’Église. Mais le
Nouveau Testament est rédigé en grec, et l’Ancien Testament en
Hébreux. Rabelais ajoute même le Chaldéen et l’Arabe.

Ces humanistes ont une autre excellente raison d'étudier le grec, c'est
que au cours du Moyen-Âge, plusieurs philosophes sont devenus
indispensables pour la pensée chrétienne et notamment Aristote.

Au XIIIe siècle, Saint Thomas d'Aquin, l'un des principaux pères de


l'Église, a même considéré qu'il fallait concilier le christiannisme et la
pensée d'Aristote, qu'il surnomme « Le philosophe ».
On se réfère à Aristote par exemple pour ses preuves concernant
l'existence de Dieu, ou encore pour sa théorie de l'âme (considérée
comme indépassable par Saint Thomas d'Aquin). Or, jusqu'alors,
Aristote était lu essentiellement par des traductions latines, parfois de
textes arabes, et il importe de revenir au textes grecs originels.

Les humanistes, qui connaissent désormais plusieurs langues


anciennes, lisent tous les auteurs qu’ils trouvent : Hippocrate en
médecine, Théophraste en sciences naturelles, Pythagore et Euclide en
mathématiques, etc. Ils vont se sentir proches de ces Anciens, désireux
de poursuivre leurs travaux. Et cela va avoir de grandes conséquences !

Pour présenter son grand ouvrage d’astronomie, Copernic écrit au pape


une lettre où il raconte que l’idée de l’héliocentrisme lui est venue à la
lecture de Cicéron et Plutarque : et si les planètes se déplaçaient, non
pas autour de la terre, mais autour du Soleil ? Pour l’instant, le modèle
de Copernic ne dérange pas la papauté… Mais au XVIIe siècle, Galilée
sera contraint d’y renoncer sous peine d’être condamné pour hérésie...

Un autre facteur qui a accéléré la diffusion des savoirs... En 1453,


Constantinople est prise par les Ottomans. Des intellectuels byzantins
s’exilent en Occident avec des manuscrits inédits.

Au même moment, l’astrolabe importé d’Orient est adapté à la


navigation ; la boussole, les gouvernails permettent de naviguer plus
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loin en pleine mer… Vous devinez quel bouleversement s’apprête à


marquer le XVIe siècle et la pensée humaniste…

5. Les grandes découvertes

1492, Christophe Colomb découvre l’Amérique. C’est le début d’une


concurrence redoutable entre les différentes puissances occidentales
pour s’approprier les territoires. Cela va leur apporter de grandes
richesses, mais aussi de nouveaux questionnements.

D’abord, on découvre une faune et une flore inconnues. Imaginez le


choc de se trouver d’un seul coup face à des espèces encore jamais
vues. La taille et les couleurs des fleurs, l’étrangeté des animaux. La soif
de savoir des humanistes est stimulée par ces explorations, cette
nécessité d’observer le réel, et de le représenter avec exactitude.

Mais les grandes découvertes, c’est surtout la rencontre avec d’autres


groupes humains, d’autres cultures…
Très vite, se pose la question de savoir si ces êtres humains ont une
âme. En 1550, la controverse de Valladolid oppose Las Casas et
Sepúlveda. Finalement, Las Casas l’emporte et l’on reconnaît une âme
aux Amérindiens, ce qui aura des conséquences sur l’esclavage…

Pour les humanistes, ce débat pose une question essentielle : qu’est-ce


que l’humain ? Est-ce que le sacrifice rituel ou le cannibalisme sont
inhumains ? Dans ses Essais, Montaigne réfléchit à ces questions,
notamment dans deux chapitres « des cannibales » et « des coches »
que j’analyse en vidéo sur mon site, avec les documents assortis.

Philosophiquement, Montaigne tire de la découverte du Nouveau


Monde, une leçon d'humilité. Il était très douteux que des hommes
puissent vivre à l'autre bout du monde (ce qu'on appelait des antipodes
à l'époque).
Saint Augustin lui-même avait écrit que c'était une opinion absurde. Or
ces antipodes existent, Montaigne insiste alors sur l'idée que nos
connaissances sont extrêmement limitées, il cultive le scepticisme, c'est
à dire qu'il ne faut jamais cesser de douter et il en tire une devise qu'il
fait graver sur une médaille en 1576 « Que sais-je ».

Par ailleurs, Montaigne s'oppose à une idée très courante à son époque,
selon laquelle les peuples du Nouveau Monde, les Tupinambas par
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exemple (les fameux cannibales) seraient des peuples inférieurs aux


peuples européens. Il écrit que
« nous pouvons bien les appeler barbares par rapport aux règles de la raison, mais non
pas par rapport à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie ».

Autrement dit, il y a de l'immoralité des deux côtés, à la fois du côté des


Européens, et du côté des Américains, mais globalement, ce que font les
Européens est plus cruel, plus inhumain et Montaigne se réfère par
exemple aux massacres perpétrés par les Européens en Amérique, mais
il se réfère également aux conflits religieux qui déchirent au même
moment, le vieux continent.

6. Des bouleversements religieux

Pendant tout le Moyen-Âge se développe une pratique, qui va atteindre


des proportions importantes au XVIe siècle : le commerce des
Indulgences. Contre une somme d’argent, les fidèles pouvaient être,
pour ainsi dire, pardonnés de leurs péchés, obtenir l’absolution.

En 1517, un moine allemand, Martin Luther, placarde 95 thèses qui


remettent en cause ces indulgences, et donc, indirectement l’autorité du
pape. Et cela jette un véritable doute, car à cette époque, la question du
salut de l’âme est une préoccupation essentielle…

En 1534, c’est l’affaire des Placards : une affiche est placardée partout en
France (jusque sur la porte de la chambre de François Ier !) C’est un
violent pamphlet contre les principaux rituels de la messe catholique,
notamment l’Eucharistie. Voir dans le pain et le vin la chair et le sang du
Christ : ce rituel est pour eux l’exemple même d’une superstition.

Alors, la répression contre les luthériens s'amplifie en France. Jean


Calvin, un théologien français, s’exile en Suisse et rédige l’Institution de la
religion chrétienne, l’un des manifestes de la Réforme. Il défend la thèse
de la prédestination divine (Dieu a déjà décidé de toute éternité qui sera
sauvé ou damné).

Ces débats vont profondément marquer les humanistes : ils voient bien
la nécessité de réformer l’Église ; mais ils ne suivent pas les réformistes.
Pour eux, il s’agit surtout de refonder des valeurs communes et une
société harmonieuse…
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Ainsi, la plupart des humanistes comme Érasme et Pic de la Mirandole


préfèrent la notion de libre-arbitre : l’homme peut utiliser ses
connaissances pour le bien comme pour le mal.

Pour les humanistes du XVIe siècle, l’épanouissement humain doit


passer devant les dogmes religieux : voilà pourquoi ils assistent horrifiés
aux guerres de Religion qui vont déchirer toute la deuxième moitié du
XVIe siècle (1562-1598). La question se pose alors : comment fonder une
société humaine harmonieuse malgré tout ?

7. De nouveaux modèles de société

Thomas More est l’un des premiers humanistes à aborder la question. Il


invente une société harmonieuse, sans classes sociales, qu'il appelle
Utopia — étymologiquement « [qui n’existe en] aucun lieu ». Mais ce
n'est pas pour autant un idéal inatteignable à ses yeux, c'est un but qu’il
faut s’efforcer d’atteindre :
La démarche utopique [est] un refus de la résignation au malheur de vivre.
L'utopie [appelle] à une alternance politique.
Thomas More, L’Utopie, 1516.

Thomas More est aussi un penseur de la guerre et des conflits, il


critique sévèrement les rois européens pour leurs perpétuelles guerres
d'expansion, et on retrouvera d'ailleurs cette même dénonciation des
guerres d'expansion des guerres de conquête, chez Rabelais, avec
l'exemple des guerres de Picrochole dans Gargantua, ou encore chez
Érasme.

De son côté, en Italie, Machiavel, un autre humaniste, développe une


conception assez différent dans laquelle il existe des guerres justes, y
compris des guerres offensives. En effet, il faut impérativement pour
Machiavel unifier l'Italie. Notamment pour que cessent les pillages et les
guerres intestines entre les petits États italiens. Pour réaliser cette
unification, tous les moyens sont bons, y compris la violence. Il écrit
ainsi :
Les armes sont pieuses là où il n’y a aucun espoir, sinon dans les armes.
(Le prince est écrit en 1513 et publié en 1532).

En ce qui concerne la France à présent. Elle était déjà unifiée au XVIe


siècle par une monarchie. Étienne de la Boétie réfléchit alors au fait que
les chefs peuvent devenir des « Tyrans », et il se demande comment il
est possible qu'une tyrannie existe.
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Comment des dominés, extrêmement nombreux, peuvent-ils se plier à


la volonté d'un seul homme ? Il forge alors le concept de « Servitude
volontaire » et on peut considérer qu'il incite (au moins allusivement) les
peuples à établir leurs propres lois, plutôt que les recevoir d'une
personne extérieure :
Si d'aventure il naissait aujourd'hui quelques peuples tout neufs [...] si on leur
proposait soit d'être esclaves, soit de vivres libres, selon des lois sur lesquelles ils
s'accorderaient, il ne faut pas douter qu'ils préféreraient obéir à la raison seule,
plutôt que de servir un seul homme.
La Boétie, Discours de la Servitude Volontaire, (écrit vers 1548, publié en 1574)

Du côté de la littérature, Rabelais imagine l’abbaye de Thélème, une


société où les habitants pourraient vivre en totale liberté, sans
contraintes d’aucune sorte. Pour tout savoir sur cet exemple d’utopie
humaniste, je vous la présente en détail sous forme d’exposé, dans une
vidéo spéciale, sur mon site.

À travers ces différentes réflexions sociales, les humanistes partagent


une conviction : l’être humain est perfectible. Le partage des
connaissances, l’expérience du monde, l’éducation, lui permettent de
s’améliorer, individuellement, et collectivement.

8. L’Éducation humaniste

Érasme écrit longuement sur l’éducation des enfants, auxquels il


recommande les poèmes et les fables :
Quoi de plus plaisant à écouter pour un enfant que les apologues d’Ésope qui, par le
rire et la fantaisie, transmettent [...] des préceptes philosophiques sérieux ?
Érasme, De l’éducation des enfants, 1529.

L’apprentissage est donc désormais associé au plaisir. Montaigne de


son côté, insiste sur les jeux et les exercices physiques :
Les jeux mêmes et les exercices seront une bonne partie de l’étude : la course, la lutte,
la musique, la danse. [...] Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse,
c’est un homme : [...] il ne faut pas les dresser l’un sans l’autre.
Montaigne, Essais (de l’instruction des enfants), 1580.

L’esprit et l’âme sont sans cesse associés au développement du corps.


Chez Rabelais, Ponocrates, le bon précepteur, applique tous ces
principes humanistes à l’éducation de Gargantua. C’est un passage très
célèbre, dont je vous propose une explication linéaire en vidéo et PDF.
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Gargantua donne les principales caractéristiques de cette bonne


éducation, dans une magnifique lettre à son fils Pantagruel :
Mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter dans tes études et dans
la vertu. [...] Je veux que tu apprennes les langues parfaitement. [...] Que tu saches
par coeur tous les beaux textes, et que tu puisses en parler avec philosophie.

Les textes sont donc appris pour être liés à une expérience concrète.
Quant à la connaissance des faits de la nature, je veux [...] qu'il n'y ait ni mer, ni
rivière, [...] dont tu ne connaisses les poissons, les oiseaux de l'air, les arbres [...] des
forêts. [...] En somme, que je voie un abîme de science.

Mais pour laisser le mot de la fin à notre cher Rabelais, ce savoir n’est
profitable que s’il est guidé par une conscience aiguë du bien et du mal :
Parce que [...] la sagesse n'entre jamais dans les âmes mauvaises, et science sans
conscience n'est que ruine de l'âme, [...] ne laisse pas la vanité entrer dans ton cœur.

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