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Ecrire la Vie II. Antoine Compagnon. Collège de France.

Extrait de Montaigne. Le gibier, c’est la chasse elle-même ; quant à l’agitation, c’est la méditation dans son
mouvement. « continuelle agitation de mes pensées ». le gibier est bine plus que la prise ; plaisir de suivre une
piste.
L’auteur des Essais est très actuel. Editions se multiplient.
Condamnation de l’écriture de vie dans une doxa moderne ; dénonciation de son abus, et de son aporie « toute
écriture de vie est illusoire ». Apologie de l’écriture de vie, ubiquité, sous la forme du récit : « pas de bonne vie
sans récit de vie ». L’existence éthique présuppose la faculté de configurer son existence dans un récit.
Doxa hostile au récit de vie ; et de l’autre une doxa qui en fait la prémisse de la bonne vie.
Pourtant, du temps de l’omniprésence de cette doxa, certains continuaient d’écrire leur vie – comme Simone de
Beauvoir. Mais une époque n’est jamais homogène.
Proust et son Contre Sainte-Beuve pour soutenir que la vraie vie est la littérature. L’autre n’est qu’un « tas de
secrets » (Malraux). Antimémoires, procès contre l’illusion de l’écriture confessionnelle. Phrase de Roquentin
aussi ; un homme est toujours un conteur d’histoires. « Il faut choisir, vivre ou raconter. » se raconter sa vie, c’est
vivre dans la mauvaise foi ; contre elle, la doxa moderne nous recommandait de choisir la liberté. Puis dogme de
la Mort de l’Auteur. Préjugés, mais mode révolutionnée. Et tous ces dogmes ont été remodelés.
Pas de prémisse aujourd’hui. La primauté du sujet est aussi une idée reçue, qui lie identité et narrativité. On se
crée comme sujet, on obtient un moi en construisant une narration autobiographique, un récit de sa vie. Si nous
fait défaut, nous vivons mal.
Ricoeur Temps et Récit : pas d’expérience temporelle hors de la forme narrative (soi-même comme un autre
aussi). Pas d’expérience éthique sans que la vie soit pensée sous la forme de récit. Le récit de soi serait le
préalable indispensable de toute vie morale. Une vie bonne aurait à tout moment une cohérence narrative.
Pub de New York « my body my biography : it’s not fitness, it’s life » : médiation de la biographie, dans cette
forme physique qui est la vraie vie. Invitation à afficher son récit remarquable qui nous a amené dans un club de
gymnastique.
Le récit de soi, condamné au nom de l’illusion, de la self-deception. Fondement maintenant de l’idéologie
contemporaine.
Cependant le récit de vie est il indispensable pour vivre bien ? peut on avoir d’autre moyens ?
Médecine narrative : Self authoring, authoring life : l’auteur de soi même. Life as authoring ; concevoir sa vie
comme si on la faisait en l’écrivant. Le moi est analogue à cet artefact que construit tout récit…
« Les auteurs se communiquent au peuple comme marque universitaire ou étrangère, moi je communique par
mon moi universel. » (Montaigne). « C’est moi, c’est mon essence ». idée d’être auteur de sa vie est très loin de
la pensée des Essais.
Passage des vies de l’antiquité à la biographie. Transformation des vies exemplaires, fondées sur la gloire, aux
biographies particulières et individuelles. Mouvement entamé par la Renaissance. Montaigne le sait « moi par
mon être le plus authentique, le plus individuelle ». Vie genre élevé qui retrace les gestes d’un personnage noble,
la biographie est un genre sécularisé, bas, moyen, celui de l’intimité.
« histoire qui a pour objet la vie d’une seule personne » Littré. Sainte-Beuve lui préfère le mot de Portrait . Les
femmes ne devraient jamais avoir de biographie, mais juste une vie, selon lui.
Démarche compliquée, difficilement justifiée, contradictoire. De quel droit entrer dans la vie d’un autre ? il faut
toujours être bête pour « écrire », comme ne l’était pas assez Mr Teste, c’est pourquoi il n’écrivait pas. Toute
écriture d’une vie est aussi une trahison.
Quelle est cette passion du secret. ? en tout biographe, il faut qqch d’un détective ou d’un policier. Une
biographie n’est ce pas toujours une biographie de son auteur, et de son modèle ? l’enquête prend toujours le
pas… légitimité de l’entreprise ? publier une vie a toujours des conséquences imprévus : il y a encore des
témoins.
Ecrire une vie c’est toujours aussi un peu écrire sa vie. aller jusqu’à un certain point dans la connaissance de
l’autre c’est aussi la sienne. Chasse qui n’a pas toujours la prise attendue.

Montaigne.

Moments de vie sont des accidents, des épiphanies. Mais ils semblent avoir d’autres finalités, d’autres
justifications. Dans le chap. « de l’affection des pères aux enfants ». Il y a je ne sais quoi de servile en la rigueur
et la contrainte. Montaigne évoque très rarement des accidents de cette nature dans sa vie ; lorsqu’il parle de ses
enfants morts en nourrice. « sinon sans regrets au moins sans fâcherie » (rajout, 3, X). Accident des plus
essentiels. Toujours dans une parenthèse quand il s’agit de le mentionner. Ce qui est au fond l’un des traits les
plus intimes, à travers ces trois évocations qu’on trouve dans les Essais. Ébauches d’expérience existentielle dans
les Essais. Puis émergence de la subjectivité moderne dans les Essais ; inflation du Moi, non pas encore « le Moi
», mais le Moi à propos de La Boétie (« De l’amitié »).
Vie des Hommes Illustres.

« Du repentir » ‘Les autres forment l’homme, je le récite et en représente un particulier bien mal formé, et lequel
si j’avais à façonner de nouveau, je ferais vraiment bien autre qu’il n’est. Mais oui c’est fait. Or les traits de ma
peinture ne (se) fourvoient pas, quoi qu’ils se changent et se diversifient.’ (Essais III)

Réciter, est ce rapporter les paroles ? relater le faits et gestes ? Y a t il une idée de narration ? Probablement pas.
Dresser une liste plutôt. Question de l’expérience, mais aussi de la sincérité. Seule preuve dans sa radicalité, son
caractère inflexible, même dans ce Montaigne mobile. Pas l’homme public, mais le privé, avec ses contradictions
ses tics, ses idiosyncrasies. Pas de gloire. Les grandes vies sont détournées pour s’y attacher au petit détail, pour
révéler l’individu sous l’armure du héros et du grand homme.

Où lire Montaigne ? Nous sommes face à beaucoup de nouveaux Montaignes. Nous sommes passés d’une doxa
moderne à une autre. Pendant le XX°s nous l’avons lu dans l’exemplaire de Bordeaux, éd. De 1588, avec les
notes marginales. Au cours des dernières années, on est revenu à l’édition posthume, de 1595. Et les couches du
texte ont aussi disparu, parallèlement. Elles recommandent une lecture uniforme, et non pas fragmentaire. Depuis
une quinzaine d’années, Montaigne a changé. C’est le choix dernièrement… sauf pour Folio. Et aussi, en français
moderne ! Montaigne alors beaucoup plus narratif.

12/01/10

Rupture moderne avec l’exemplarité et l’autorité des Vies anciennes chez Montaigne.
Rapport de Montaigne avec les Vies de Plutarque (par exemple). Les historiens sont surtout les latins (Salluste,
Suétone, Tite Live…). Lues, méditées par Montaigne. Grandes vies détournées de leur fonction d’exemplarité.
Exemple d’Alexandre, objet d’une des vies de Plutarque, et aussi de Montaigne. Il s’attache volontiers à
l’incohérence d’Alexandre : à la fois doux et colérique, clément et cruel. Montaigne fait attention aux défauts,
aux détails déconcertants, aux vices parmi les vertus ; il se soucie de ce qui est antinomique dans l’image du
grand homme.
Incipit du chap. 55 du livre I « des Senteurs ». Odeur suave qui émanait d’Alexandre. Le mieux qu’on puisse
espérer chez Montaigne, pour l’humain commun, c’est de ne pas avoir d’odeur. « Le principal soin que j’ai à me
loger, c’est de fuir l’air pesant et puant »
Source est la Vie d’Alexandre de Plutarque. (Trad. Amyot). Théorie des humeurs. Le sec est associé à la bonne
odeur ; l’humide associé au miasme, à la putréfaction. Plus on est grand, moins on sent… mais Alexandre, s’il
sent, sent bon. Topos de cette bonne odeur : dignitas homini ; en même temps il s’arrête à un détail. Jeu de mots
(paronomase sueur/suave).
Chap. « de la présomption ». Beaucoup de détails physiques. Attachement aux dispositions du corps, aux gestes,
aux mimiques, aux tics physiques non contrôlés ni reconnus. Cicéron se curait le nez (naturel moqueur)…
insistance sur quatre tics de quatre grands hommes. Qu’est ce que la subjectivité dans les Essais ; se montre
l’intérêt de Montaigne pour les gestes non intentionnels pour ces manifestations physiques, qui signalent chaque
caractère dont les hommes n’ont pas conscience. « ce sont des gestes qui arrivent imperceptiblement en nous » .
Distinction Actio et Voluntas qui déjà s’opère. Manifestation d’une intériorité non contrôlée, ce qu’on appelle de
nos jours un intime. Par nature ce qui nous échappe.
Montaigne est toujours curieux de cette vie qui échappe à la volonté ; intentio n’est pas le tout de la subjectivité ;
il s’attache à tout ce qui est mimique : ébauche d’une histoire de l’intimité. Sensible au fait que le corps puisse
dire autre chose que le discours. Corps qui contredit le propos intentionnel ; témoignant ainsi qu’il a une vie
autonome. « A quand témoignent les mouvements de notre visage les pensées que nous tenions secrètes et nous
trahissent aux assistants. » tous ces tics viennent de sa lecture de Plutarque.
Forme et naturel toujours synonymes chez Montaigne.
Constamment cette confrontation des grandes vies aux contradictions ; Montaigne ainsi corrige une source par
une autre. Plutarque est sa grande référence, puis Quinte-Curce pour corriger son portrait. Montaigne met en
contradiction ses sources. Il commence par constater qu’un guerrier vaincu pour obtenir la pitié d’un adversaire
victorieux a soit l’humilité, soit la fierté. Parfois l’humilité est payante, parfois non, et ainsi pour la fierté. « la
plus commune façon d’amollir les cœurs de ceux qu’on a offensé,(…) c’est de les émouvoir par soumission à
commisération et par pitié ; toutefois la braverie et la constance ont quelquefois servi à ce même effet ». sujet
merveilleusement vain que l’homme. Mais en 1588, il ajoute un très long morceau sur Alexandre. On ne peut
même pas compter sur la cohérence du grand homme. La source ici est Quinte-Curce, qui altèrera son altération.
Conclusion du chap. 17 livre II.
Deux aspects de la présomption : s’estimer trop (forme de la vanité) et n’estimer pas assez autrui. Il est obligé de
constater qu’il n’a jamais rencontré de grand homme. Fréquentation des riches âmes du temps passée ferait que
personne n’est à la hauteur « ni moi ni autrui ». « notre siècle produit des choses bien médiocres ». Même chez
Alexandre ; et a fortiori chez les modernes et les contemporains.
« grand homme en général » pas dans tel ou tel rôle, mais derrière tous les aspects ; dans l’harmonie des parties
des pièces. L’homme en général est celui qui serait complet, qui ne se réduit pas à quelques uns de ses faits et
gestes. On s’attendrait à lire La Boétie, mais lui-même ne l’est pas : digne des Anciens par ses vertus, mais la
Fortune lui a manqué. Il n’a été qu’une promesse de grand homme. Quelques grands militaires, grands poètes,
grands magistrats ; mais aucun n’a été grand homme en général.
Le souci est celui de l’homme total ; on ne trouve personne qui ne soit totalement beau. Un détail physique
apparaît toujours. Il y a cependant des les Essais un chap. 36 livre II, des plus excellents hommes (de l’Abbé
Lhomond). Homère, Alexandre et Epaminondas. Il les compare, les essaie, mais il leur manque qqch. Le portrait
d’Alexandre est ainsi corrigé. Lecture de Machiavel, qui autorise chez son Prince de trahir sa parole au nom
d’une maîtresse fin qui est la stabilité de l’Etat. Idem pour Alexandre dans ses défauts. Ainsi rend-il plus humain
Alexandre. Au nom de cette fin maîtresse Alexandre reste grand.
Epaminondas (lecture de Cornélius Nepos). Il a forme et fortune (jeu de mots sur Forme/Fortune) que Montaigne
regarde avec tant d’honneur et d’amour. Mais le détail arrive. Son obstination à la pauvreté, il la trouve un peu
aigrette ; il manque la libéralité à Epaminondas : même cette vie là, la plus grande qu’on puisse trouver, ne doit
pas être imitée. On est sorti de l’exemplarité. Apologie de la vie moyenne ressort de ce chapitre. Derrière les Vies
Illustres, les Essais vont toujours vers le cas. Tout cela va vers Amyot. Son Plutarque est moins celui des Vies des
hommes illustres (1559) mais des œuvres morales et mêlées (1572) où Montaigne trouve tous ses petits cas ;
intérêt alors pour la représentation concrète des problèmes posés à l’homme, de la délibération éthique. But de la
Vie de Plutarque n’est pas la narration des faits et gestes. Il n’a appris « à écrire des Histoires, mais à écrire des
Vies seulement ». et les hauts et les plus glorieux exploits ne sont pas toujours ceux qui montrent le mieux les
vices et les vertus de l’homme. Plutarque lui-même revendiquait le projet de se passer du rappel des faits et gestes
des héros pour enregistrer une « légère chose » plus révélateur de la forme de l’homme. (lire l’intro des Vies de
Plutarque). Révéler les « signes de l’âme » définissant le biographe par opposition à l’historien, s’intéressant au
rapport de l’intérieur et de l’extérieur. Ecrire des vies c’est trouver ces indices qui peuvent faire pénétrer dans
cette nature d’un chacun, c’est-à-dire de tous. « les historiens sont le vrai gibier de mon étude car ils sont
plaisants et aisés (ils sont « ma droite balle » corrigera-t-il en 1588)et quant et quant à l’homme en général , de
qui je cherche la connaissance, y paraît plus vif et plus entier qu’en nul autre lieu (…) Or ceux qui écrivent les
vies, d’autant qu’ils s’amusent plus aux conseils qu’aux événements, plus à ce qui parle du dedans que ce qui
arrive au dehors, ceux la me sont plus propres (…) La considération des natures, c’est le vrai sujet de la science
morale. »

Le 19/01/2010.

Montaigne substitue l’homme en général à ce qui était une insistance sur la diversité. Recentrement. Montaigne
soucieux de cette cohérence de la vie et des doctrines. Opposition « conseils »/ « événements » : délibérations,
décisions issues de la délibération. Plan, dessein, projet, le parti. Prendre un conseil, c’est prendre parti. Le
conseil est le lieu où l’on délibère. De cet endroit vient la délibération, et surtout l’avis. « tant ces choses vaines et
frivoles que l’humaine prudence et au travers de nos précautions la fortune maintient toujours nos positions ».
toujours agir avec assurance à la manière de Jules César. On n’est pas maître de la fortune. Ethique de la
confiance, comme un pari qui oblige l’autre. Il peut réussir (Auguste / Cinna) ou échouer (François de Guise /
Paul…).
Montaigne dans cette conception de la vie dans l’histoire, est marqué par l’avis au lecteur d’Amyot. L’histoire se
porte sur les événements ; la Vie sur les conseils. Plutarque est mis au-dessus de tous les autres Historiens grecs et
latins. De la même façon Diogène Laërce est au dessus des philosophes eux-mêmes.
Importance du témoignage : « j’aime les historiens ou fort simples ou excellents ». les simples, dans
l’enregistrement, et signe d’une fides antique (la bonne foi) nous laissent le jugement entier pour la connaissance
de la vérité. Ils rapportent tout ce qui est porté à sa connaissance, et n’hésite pas à se contredire étant donné qu’il
se nourrit de rumeurs : matière de l’histoire sans juger, sans trancher. Les excellents ont la suffisance de choisir ce
qui est digne d’être su. En revanche ceux d’entredeux… par la rumeur, ils omettent ce qui pourrait faire sens. Un
peu de science éloigne de la sagesse.
Fragment de Pascal reprend ce thème (Le monde juge bien des choses…). Tout cela vient de l’histoire, de sa
conception de l’historien simple (cf. les cannibales). Eloge des simples, et au moment même il emprunte aux
livres. D’où intérêt pour les acteurs ; ce sont eux qui écrivent la vie ; d’où l’intérêt du témoignage. Les seules
bonnes histoires sont celles qi ont été écrites par ceux même qui commandaient aux affaires, ou qui au moins ont
eu la fortune d’en conduire d ‘autres de même sorte. Notion de témoignage oculaire comme fondement de
l’histoire qui rapporte la vie intervient à plusieurs reprises dans les Essais. Privilège de César d’avoir été à la fois
acteur et témoin. Mais la critique arrivera à l’égard de César. Tout héros a toujours un défaut, aussi excellent soit-
il. Il a été trop épargnant à parler de soi cependant. Sincère à propos des autres, mais non sur lui-même.
Autre réserve sur les Mémoires de Mr du Bellay (au milieu du XVI° qu’on donne ce titre). Montaigne comprend
le rôle de cette historiographie officielle. Ainsi jamais de culte de l’homme illustre. Pas même Socrate... (de
l’expérience, à cause de ses humeurs inspirées et ses extases).
Dans le débat sur l’utilité de l’Histoire, ce n’est jamais l’exemplarité, mais toujours le cas. C’est une casuistique
que cette lecture de l’histoire. « Ce qui ne vivent qu’en la mémoire des livres ». l’art de conférer, « du moment
présent, il ne fut jamais tant d’historiens ; est il toujours et utile de les ouïr, car il nous fournisse tout plein
d’instructions du magasin de leur mémoire ; grande partie dans le secours de la vie ». les vies à l’aide de la vie.
Le secours est un remède, étranger à soi. C’est le médicament. C’est la grâce de Dieu. Tous deux exigent la
coopération de celui au secours duquel ils viennent. Il demande l’expérience.
Partout cet intérêt éthique pour les vies qui ne sont pas exemplaires, mais qui sont a étudier pour former son
jugement, pour apprendre, y compris les vies des auteurs. Ce qui intéresse Montaigne, c’est la concordance entre
la vie et le discours, entre la condition de l’homme et la doctrine (chap. de la colère II 31). Force d’un discours
tient à l’accord intérieur. Reproche qu’il fait à Cicéron. Comment faire confiance à un auteur dont la conduite
n’est pas conforme à sa doctrine. Limitation au mobilisme de Montaigne : il accepte les contradictions ; mais
exigence de conformité. Reconnaissance d’n caractère, d’un tempérament ; de la forme maîtresse.
Montaigne voudrait des Mémoires de sa vie : des témoignages, écrit par un autre, plutôt que par lui (cf
Chateaubriand et la Vie de Napoléon).
Eloge de Tacite, au départ, mais il manque finalement les petits faits. Pas assez de détails qui montrent le
tempérament de l’homme. Pas assez d’anecdotes cruelles, qui nous feraient pénétrer dans la psychologie, dans
l’éthique de ces empereurs. Montaigne regrette qu’il n’y ait pas assez de détails dans cette forme d’Histoire « et
de beaucoup la plus utile ». c’est plutôt un jugement que déduction ; il y a plus de préceptes que de contes.

02/02/10.

Moment d’histoire qui était une addition de 1588 au chap. 24 du livre I. Montaigne disait que Tristan de Monens
avait manqué d’une gracieuse sévérité nécessaire au chef en face de la foule en fureur. Montaigne retouche le
récit, pour mieux rendre compte de la relation entre le conseil et l’évènement. Il cherche à comprendre.
Exemplaire de bordeaux est plus imagé, plus concret, plus pittoresque. Scène réécrite comme un détail.
Montaigne n’a pas cessé de chercher à comprendre. Récit de la seconde expérience, il n’y a pas de correction. ,
sinon mineure, comme si la version définitive avait été rédigée d’emblée, comme si le sens avait été évident dès
la première version. Absence totale de transition entre les deux événements. Il s’agit de se montrer devant des
troupes en armes, de passer la revue dans un climat inquiétant. Montaigne a pu redouter de connaître le même
sort devant une foule en fureur. Mais Montaigne se montre discret sur les circonstances de l’événement.
Montaigne présente la délibération sans se mettre en avant par exemple, alors qu’il est maire. Et le style change
aussi, on tourne dans la multiplicité de coordinations, et dans l’impersonnel. Jeu constant des synonymes chez
Montaigne (poids et suite). Insistance sur la leçon de la première partie du chapitre. Aucune précision n’est
donnée. Parataxe ; aucune liaison entre les phrases successives.
Issue favorable, et favorable en raison de l’assurance et de la confiance. Combinaison fréquente dans Les Essais.
Faire face au hasard avec cette fermeté que donne la bonne conscience de l’innocence de mes desseins. Succès de
Montaigne attribué à sa droiture et à son ouverture. Montaigne ne tire même pas les conclusions des dénouements
opposés dans cette confrontation. Montaigne nous raconte une de ses propres délibérations, mais avec les
réticences qui sont les siennes comme héros ; ce qui contraste avec les confidences de l’homme privés dans ses
autoportraits.
Mélange subtil du je du livre et de la vie. En 1585 dans l’action, el livre appartient déjà à la mémoire. Il peut se
rappeler l’exemple de Monens et sa propre méditation de 1580. Dans cette lecture rétrospective de 1588, il se
rappelle aussi 1548. Amont et Aval de la rédaction du texte… en 1580, Montaigne pense peu à lui-même.
L’expérience personnelle fournit un exemple a contrario et puis un exemple a fortiori : relations compliquées
qu’entretiennent dans les Essais l’histoire antique, l’histoire moderne, et l’expérience vue et vécue : tout cela va
dans le sens du pari de confiance. Expérience suit l’écriture, mais la précède aussi. Le livre en est inséparable.
Paradigmes du parallèle, et de l’addition. Pour que le moment de vie soit raconté, il convient qu’il trouve sa place
dans une méditation, dans une argumentation. Ce que Montaigne appelait déduction, c’est une narration. Tous ces
contes et toutes ces nouvelles ont valeur d’exemple ou de contre-exemple : valeur de parangon.
II, 5 : allusion aux événements de 1585. Incipit. De la conscience. « Passer pays », c’est voyager dans la langue
classique. Montaigne commence par un souvenir personnel, mais ce souvenir personnel est peu développé.
Evénement personnel se trouvait sous la méditation abstraite. Incipit ajoutant le nom du frère cadet et le récit de
l’incident où périt le page italien. Rédaction initiale se contentait de renvoyer à l’essence même du chapitre. Le
meilleur témoin contre le coupable, c’est lui-même (Proust et Dostoïevski ne manqueront pas de se rappeler cet
adage). C’est dans le deuxième temps qu’il en vient à parler de lui-même par divers exemples. Premier exemple
revient à Plutarque, quant à la justice divine. Comment Montaigne raconte une expérience, dans un tout autre
style que ses sources, ramassant l’anecdote en une seule phrase, avec des rallonges, des appositions, des
partitives, etc. réécriture de Montaigne va toujours dans le sens de la brièveté. Et le chapitre de la conscience à
partir de l’incident personnel et puis des épisodes empruntés à Plutarque, en vient à souligner qu’au fond la
conscience est un meilleur témoin que la torture (Montaigne est hostile à la torture). Le suspect se trahira
toujours. Montaigne transforme le récit de source ; guerre civile, du ravages, des pillages présents dans tous les
exemples de Montaigne.
Episodes importants dans la vision de l’Histoire. Pas des effets de réels ; leur pertinence alors ne serait pas
capitale alors. Toutes ces anecdotes ont attrait à la mort et à la vie.

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