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Littérature du XVIème

/!\ lecture attentive de l’oeuvre

“Les essais” de Montaigne sont très importants : ce sont des œuvres


importantes de notre culture, avec un rayonnement important dans le monde,
également un classique de la littérature française. Pourtant, il est compliqué
de classer l'œuvre : l'œuvre de Montaigne est inclassable. Ce ne sont pas des
autobiographies, des auto-fictions,.... (Montaigne fait le récit de sa vie : de son
plus bas-âge jusqu’à l’époque de l’écriture : c’est un récit de sa vie, qui met
l’accent sur sa perception du monde et son évolution de sa personnalité)
Montaigne ne fait pas le récit de sa propre-vie, sa mémoire : cela aurait été
mal placé, à l’époque de l’écriture. Il n’a pas l’intention d’écrire son
autobiographie. Ce ne sont pas non plus ces mémoires, quoiqu’il ait été un
personnage important (maire de Bordeaux,....). Ce ne sont pas non plus des
chroniques, ni même un journal intime : il y a bien une progression de la
pensée, mais elle n’est pas linéaire (/!\ la pensée des livres 3 est antérieure à
celle du livre 1 : Montaigne corrigeait en permanence ces œuvres et
complétait ces pensées). L'œuvre est donc non linéaire, mais stratifiée. C'est
une œuvre complexe, hybride. En écrivant ses essais, Montaigne compile ces
souvenirs, ces sentiments, ces expériences et ne sait pas où ira son œuvre.

L'œuvre est tellement inclassable et originale, qu’elle est inclassable dans


l’histoire de la littérature française, faisant de que “Les essais” ont un
raisonnement mondial. Pascal a été très influencé par Montaigne et “les
essais”, on le retrouve “débattre” avec ce dernier, car il est souvent en
désaccord avec ce dernier. Voltaire le louera, en faisant une figure importante
de la littérature. Wells était aussi un admirateur de Montaigne, le lisant avant
d’aller se coucher. L'œuvre à un retentissement mondial à cause de son
caractère inclassable. L'œuvre est classée dans la catégorie éponyme de
l'œuvre, créant plus ou moins le genre. Le terme et le genre de l’essai, vient
de exagium, qui revient à dire “se tester, se trouver”. On peut dire qu’il s’agit
d’un test envers lui-même, avec le livre 1 et une dizaine de chapitres. Le livre
1 est un avant-goût de ce que fera Montaigne : le grand nombre de chapitres
nous permet d’avoir une vue d'ensemble sur ce que pense Montaigne. Avec
le chapitre 12, du livre 2, on voit une crise de la pensée, où il fait face à une
crise de scepticisme maximale, n’arrivant pas à expliquer un philosophe. De
ce fait, dans le livre 1, on retrouve des traces de sa pensée première, puis
celle de 1592, au moment de sa crise de scepticisme, car Montaigne corrige
son œuvre en permanence. De ce fait, le livre 1, est une œuvre qui permet
d’être introduit à sa pensée montainiste. On retrouve même ce que
représentait les premiers essais de Montaigne, dans le troisième livre, et dira
“aucuns puent un peu à l'estranger”, pouvant signifier que les premiers essais
portent un peu trop la marque des auteurs étrangers qu’il lisait.

C’est une œuvre originale, hybride, étrange, qui porte la marque de sa


pensée, disant qu’il se livre lui-même dans sa “nullité”, avec un certaine
candeur.

Montaigne est, à certains égards, un homme du moyen-âge, on ne doit pas le


penser comme un auteur contemporain, laïque,etc… Ce qui fait que ces
pensées sur certaines choses paraissent dépasser, notamment sur son point
de vue sur les femmes. Le rapport au pouvoir de Montaigne est nostalgique,
vis-à-vis du “regimen”, c’est-à-dire le pouvoir mis entre les mains d’un unique
homme, le roi faisant corps avec ces sujets. Il est nostalgique d’un pouvoir qui
commence à disparaître, car il commence à y avoir la théorisation moderne
de l'État, par Machiavel. Dans le livre , il dit qu’il “a horreur de la nouveauté et
qu’il a raison” : à l’époque, la nouveauté était pas si bien vu, la plupart des
gens, dont Montaigne, voyant cela d’un mauvais œil. On pourrait d’ailleurs
penser que “les essais” allait s’attaquer aux esprits réactionnaires de son
époque, en prônant la nouveauté : c’est tout le contraire, préférant conserver
ce qui est ancré dans la société, ne souhaitant le changement qu’en cas de
nécessité. Dans sa pensée, il y a un attachement important à l’ancien, avec
une crainte de la nouveauté : il est un personnage de son temps. Montaigne
écrit à une époque où la presse n’existe pas, tout simplement pas, faisant que
“l’opinion publique”, tel que l’on connaît apparaît au XVIIème : la pensée se
structure exclusivement sur des livres ou bien sur des conversations. Les
calculs de statistique et des probabilités n'existaient pas, ce qui est important
à notre époque. Tous les hommes étaient attachés à la Terre, personne ne
souhaitait vivre sur la mer, ou bien dans le ciel. Le problème de surpopulation
était impossible. L’espérance de vie à la naissance était de
25 ans, passé 3 ans, elle grimpait au 60 ans. La théorie Copernicienne n’était
pas acquise et l’église n’y croyait pas. L’”obéissance au maître” était en
place : on obéissait au maître, quoiqu’il dise. L’appréciation des distances de
voyages n’était pas la même (Paris-Toulouse : 15 jours). Au Moyen-âge, on
voit apparaître la notion digne et admissible de l’individu, faisant que l’on n’a
plus aussi peur de l’individu. La renaissance est un moment plus important
que le moyen-âge pour le renforcement des unités politiques de grandes
tailles, développant des impôts,etc et absorbant les unités politiques plus
faibles
Le rapport de Montaigne avec la mort

Le thème de la mort est au début du livre 1, étant presque la cause de “les


essais”

1. Montaigne et la mort

Le thème de la mort est central pour 3 raisons. La première raison (113-117),


la dédicace au lecteur visé la persistance de Montaigne dans la vie du lecteur
et de ses proches, ayant une valeur testament (l.3) L’auteur en parle donc
comme une cause qui sert de moteur à son œuvre. De ce fait, la mort à un
caractère fondateur, avec une valeur de postérité : “les essais” permettrait
d’avoir un souvenir de lui à ces descendants
La seconde raison est que toute œuvre du genre ont toutes un rapport avec la
mort : ce sont des essais qui sont voués à vaincre le temps, la mort, par une
survie abstraite.
La dernière raison est que, au cœur-même des Essais, il y a un mort. Il s’agit
de son ami : Etienne de la Boétie. La Boétie est mort en 1553, il s’agissait
d’un très grand ami, étant près de lui sur son lit de mort, récupérant sa
bibliothèque. C’est cette amitié indéfectible qui lui donne envie de faire son
œuvre de cette façon. Il connaissait La Boétie lorsqu’ils étaient tous deux
magistrats et le connaissait grâce à “Discours de la servitude volontaire”, une
œuvre de la Boétie, discutant des tyrans au pouvoir. Montaigne sait
l’importance du discours de La Boétie, et il sait que, quand il meurt et
récupère sa bibliothèque en 1553, il dit (p 367) ce qu’il à pu récupérer de sa
bibliothèque. Les œuvres dont parle Montaigne est un recueil de 29 sonnets
de La Boétie (p525). Pour rendre hommage, il voulait écrire une sorte de
conversation avec lui, en mettant les sonnets au cœur de l’ouvrage : page
383, chapitre 29 : on voit un sonnet, finissant le chapitre 384, disant que les
sonnets apparaissent ailleurs. Le chapitre 29 est fantôme, il y a une double
absence : il n’y a pas le sonnet, ni même d’essai. Ce qu’il aurait souhaité,
pour “les essais”, aurait été un échange épistolaire avec son ami, sur pleins
de sujets. “Les essais” sont une compensation palliative d’une conversation
orale ou à distance avec son ami, mais qui ne peut plus se tenir. De ce fait, il
va faire comme s' il parlait à ce dernier, alors qu’il est seul.

La mort est un thème important, majeur de “les essais” et presque un invité : il


y a ce mort, avec qui il dialogue, il rend hommage à ce mort et il combat la
mort, pour éviter une seconde mort à La Boétie : celle de l’oubli. La mort fait
l’objet d’une méditation assidue, répété sur 20 ans.Elle est marquée par deux
grands traits.
Tout d’abord, la méditation de Montaigne sur la mort est assez peu religieuse.
Montaigne pouvait écrire longtemps sur la mort, en mobilisant les principaux
textes religieux de son époque. Par exemple, le livre de la genèse, qui parle
de la mortalité de l’être humain à travers la transgression. Il ne s'embarrasse
pas de la thématique du péché originel, ou de la vie éternelle. Le
christianisme regarde la mort comme une anomalie, un accident qui aurait pu
ne pas se produire, car l’Homme était voué à l’immortalité, qu’il pourrait avoir
si l’on ne vit pas dans le péché. C’est la croyance commune, à laquelle croit
Montaigne : la mort est une erreur, et l’on peut la vaincre dans l'au-delà. Le
christianisme pose qu’il y aura la persistance de l’âme dans tous les cas. Le
pari, étant de savoir si cette persistance se fera en Enfer ou au Paradis :
heureux ou malheureux. La paganisme présentait cela comme suit : heureux
ou pas malheureux. C’est-à-dire qu’en cas “d’Enfer”, on se retrouve en non-
être : pas de malheur, mais pas de bonheur. Ou bien on accède au bonheur.
Ce qui veut dire que, contrairement au christianisme, il n’y a pas de supplice
dans la mort. Cela implique, que pour les latins et les grecs, il n’y a pas de
peur de malheur, mais, pour les chrétiens, on nous demande des comptes : la
non-existence après la mort était, à la fois source d’angoisse et d’espoir.
(chapitre 20,livre1) Il cite, sans le citer, Saint Augustin. Par ailleurs, la seule
fois où il cite la Bible, c’est dans le chapitre 9,livre 3. De ce fois, il s’intéresse à
la mort avec des références qui ne sont pas chrétiennes

Le centre de la méditation montaignienne de la mort est la préparation à la


mort, et non pas sur ce qui est après. De ce fait, dans le chapitre 20, livre 1 et
le chapitre 12, livre 3, il y a une pensée qui se fait à 180°. Dans les derniers
chapitres, il est sur une indifférence de la vie et méprise ce qui est le bout de
l’existence, sans en être le but. De ce fait, il y a une progression globale. Dans
le chapitre 20, il cite Cicéron (“philosopher, c’est apprendre à mourir”) et il
pense que le fait de ne pas avoir peur de la mort, passe par le fait d’apprécier
les plaisirs. Montaigne juge qu’il y a une certaine volupté dans la vertue : il y a
un certain plaisir à aider. Il pense aussi qu’il faut réussir à supprimer la peur
de la mort, pour pouvoir profiter des plaisirs (p240). De ce fait, il en vient à
envier la bonhomie des pauvres qui n’ont pas de grandes cérémonies
funèbres comme les gens pauvres, car ce sont ces cérémonies qui produit la
peur de la mort.

L’effet de liste est très présent dans “les essais”, et Montaigne fait des listes,
notamment sur les gens qui ont vécu de tels façons.
1 La réflexion sur “le mourir” l’emporte de loin sur les réflexions sur la mort. Il
n’est pas dans une logique fantaisiste ou médiéval, mais privé et la plus juste
à ses yeux.
2. Sa réflexion sur la mort passe sur un tas de référence, pour baser un
jugement plus construit
3. La mort est un excellent marqueur de l’évolution de la pensée de
Montaigne : les différents changements et éditions font passer la pensée de
Montaigne de chrétienne à épicurienne, voire stoïcisme.

(le père de Montaigne est souvent évoqué dans les essais, mais il ne s’agit le
mort à qui il tente de rendre hommage)

Cours 2

Allongeail : un mot qui a le sens d’addition du dernier volume à toute l'œuvre :


“ Laisse, lecteur courir ce coup d’essai…” (essai 3, 9 “de la vanité”). Ce terme
est très important : il permet de désigner le 3ème volume, et est un hapax (un
mot qui n’apparaît qu’une fois).
Montaigne, dans son œuvre, à conscience de la nature de son œuvre : c’est
une œuvre qui fonctionne et qui se créée par addition à ce qu’il a créée
précédemment. Dans “Essais”, il y a plus de 1000 citations d’auteurs latins et
grecs, à tel point que l’on peut se demander si ces citations sont un appui à
une pensée secondaire, ou bien si c’est par simple plaisir de citer les anciens,
même si c’est sur des sujets futiles. Cela donne une impression qu’il cherche
à montrer sa grande culture.
La curiosité de Montaigne, sur son époque, pour les activités contemporaines
est attestée par ses lectures de cosmographes, qui décrivent le monde. A
cette époque, il y a beaucoup de savants, chroniqueurs, artistes et autres qui
sont envoyés un peu partout dans le monde et cela passionne Montaigne, et
cela vient se mêler à une culture plus classique de ce dernier
(Cicéron,Plutarque...). (p 427) Il y a une raison, pourtant, qui fait qu’il
s'intéresse à tout et qu’il note et parle de tout : il souffre d’un manque/d’une
débilité de mémoire, et il pâlit à ce défaut en mettant dans ces oeuvres ce
dont il a entendu parlé. Cela explique aussi pourquoi on retrouve graver, dans
sa bibliothèque, des formules latines et grecques. “Les nuits attiques” de Aulu
Gelle (IIème siècle) est une collection de pensées et de savoir un peu fourre-
tout de l'auteur, dont on retrouve l’esprit dans “Antiquae lectiones” de Coelius
Rhodiginus. La racine de lecture, vient de “lege”, qui, dans son sens le + pur,
offre le choix : on choisit le savoir que l’on veut.

1. Montaigne affiche un sentiment d’infériorité assez net, par rapport à


d’autres auteurs de son époque (chapitre 26) mais, il perd son
complexe sur différents points. d’abord, cela se voit quand il cite pleins
d'auteurs : il les cite pour appuyer des opinions, et non par psittacisme
ou même montrer sa culture. Les œuvres des autres sont avant tout,
pour lui, des outils, et des reliques : elles nous servent à nous forger
des opinions. 2 Des auteurs à niveau égal, comme Platon et Aristote,
ne sont pas toujours d’accord sur les mêmes sujets. Et, comme ils ne
peuvent pas avoir raison en même temps , il y en a bien un dans
l’erreur : aucun n’est infaillible. Les grands auteurs divergent entre eux
(“grammatici certant”) de ce fait, il forge son opinion à leur contact, et
s’essayant à la pensée des auteurs. 3 Ce que vise Montaigne n'est pas
une vérité immuable : c’est une façon de mieu vivre, préparer sa mort,
devenir vertueu. Ce qu’il cherche, c’est une vérité transitive, qui cherche
à aboutir sur quelque chose. C’est pour cela qu’il ne sacralise pas les
citations. Il donne toujours la possibilité à une citation d’avoir un effet
sur notre vie. La preuve du pragmatisme de Montaigne est qu’il peut
citer Jules César de façon abondante et de le louer pour son intellect et
son cerveau de stratège, mais il le traite de brigand. De ce fait,
Montaigne prouve qu’une même personne peut être vue sous
différents angles, car personne n’est infaillible. De ce fait, Montaigne fait
du pillotage : il emprunte des idées de partout pour se forger son
opinion, il vagabonde entre les auteurs.

La tentation du centon signifie soit des bêtises, soit un morceau de


poésie, où l’on regroupe différents auteurs. Le centon est un genre
littéraire en soit, même si marginalisé.Le figure de proue du genre est
un poète bordelais du IVème siècle, nommé Ozone. Il a composé
“Centon de Mariage”, un épithalame, un discours en vers pour souhaiter
le bonheur aux mariés. Il s’agit d’un collage, une rapsodie de 4 poèmes
de vergil.Il a pour but de fournir un travail de ces œuvres et donne un
autre sens. Une autre poétesse, Faltonia Betitia Proba, fera la même
chose qu’Ozone, avec “cento vergilianus”. De ce fait, même si il connaît
la tradition du centon, il ne cherche pas à faire un centon caché : il
cherche juste à s’appuyer sur l’avis des autres pour appuyer ces propos
: “Je ne dis les autres que d’autant plus en dire. Ceci ne touche pas le
centons qui se publient pour centons”

Si il est établi que Montaigne ne cite pas pour simplement citer, ou pour
montrer sa culture, alors pourquoi il cite, et qui cite t-il le plus. Les
auteurs très fréquemment cités de l’antiquité sont Plutarque, cité 89 fois
dans “Essais” (23 ds la livre 1), Sénèque : 43 fois et Platon 103 fois,
Aristote : 83 (17 fois dans le livre 1). Plutarque est surtout cité dans le
livre 2, chapitre 32. Sénèque apparaît le plus dans le livre 2, ch
Chapitre 10 et dans le livre 3, chapitre 13. Pour Platon et Aristote,
Montaigne les cite surtout dans le livre 2, chapitre 12. Pourta
Cependant, ces statistiques doivent être affinées. Pour Platon,
c’est pour évoquer sa doctrine, et non pas directement au sein d’un
texte, même si c’est lui, qui est le plus cité dans le livre

La typologie des citations, et la certaine variété qu’il y a dans la citation


de l’auteur. Des fois, il s’agit d’un auteur, avec une retranscription
stricte, mais, on retrouve aussi des citations plus abstraites, on le
distingue l'auteur qui a dit cela. On retrouve 4/5 niveaux de mobilisation.
D’abord, il y a une évocation de l’auteur, sans pour autant l’évoquer de
façon insistante : il sort une citation qui ressemble à ce que peut écrire
un auteur, et c’est au lecteur de savoir de qui l’on parle. Ensuite, il y a
les citations de l’auteur à travers des citations de ce que l’auteur a fait.
Par exemple, il cite Horace sans le nommer, à travers une citation
précise, qui fait écho à la culture de son lecteur.. La nomination
générique : Montaigne cite l’auteur auquel il fait référence, mais de
façon assez lointaine : il citera l’auteur, mais avec une citation assez
imprécise. Enfin, Montaigne cite de façon assez précise l’auteur, c’est-
à-dire le nom de l’auteur et de la citation, sans doute même de l’oeuvre.
Une dernière façon est de faire un commentaire stylistique d’un auteur.

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