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PortraitMontaigne
Montaigne
1533-1592
Philosophie
Montaigne ne rédigea qu’une seule œuvre, mais la portée de celle-ci est telle que son auteur n’a rien à
envier aux autres penseurs. Trois thèmes dominent dans sa philosophie. Il s’agit du scepticisme, la
nature et la subjectivité. Il est important de comprendre qu’avant toute chose, Montaigne rédige une
œuvre personnelle. Il le dit lui-même dans son prélude qu’il est le sujet de son œuvre, mais au même
moment, il partage sa vision du monde avec tous ceux que cela pourrait intéresser. Les sujets touchés
dans les Essais sont aussi divers que variés : politique, religion, ainsi que l’histoire.
Montaigne est surtout considéré comme une figure du scepticisme. La raison semble impuissante à
connaître et ceci malgré l'orgueil humain. Il témoigne ainsi de la crise de la Renaissance qui remet en
cause les connaissances traditionnelles avant la naissance des sciences modernes. Montaigne doute et
ne prétend jamais proposer de vérité assurée mais seulement un témoignage subjectif. Sa philosophie
est recherche, exercice d'une raison délivrée de ses illusions. Il s’oppose clairement au dogmatisme tant
de la religion, l’éducation, que de la science ou la philosophie, et Il souligne l'arbitraire et la contingence
des lois et des coutumes non pour inciter à la révolte mais pour conclure que chacun doit observer les
lois de son pays. De même chacun doit suivre la religion de son pays. Puisque Dieu est
incompréhensible, seule la réalité sociale de la religion doit être prise en compte.
Il est cependant le défenseur d'une éducation moderne qui doit développer les facultés de l'enfant sans
inculquer des connaissances inutiles. Il est aussi celui qui défend les indigènes et est le premier à
dénoncer les carnages commis par les Espagnols dans le Nouveau Monde. Il défend la tolérance
religieuse. C'est une raison critique, laïque et donc moderne qui transparaît dans les Essais. Enfin
Montaigne défend l'amitié et annonce la découverte de la subjectivité que théorisera Descartes.
Biographie
Jeunesse
Philosophe, homme politique, penseur, moraliste, Michel Eyquem de Montaigne a vu le jour le 28
février 1533 à Saint-Michel-de-Montaigne. Il est issu d’une famille de négociants assez riche qui, au fil du
temps, est parvenue à se faire anoblir.
Montaigne reçoit une éducation hors du commun. Si l’on sait tout l’amour que Montaigne portait à son
père, on ne sait que peu des relations qu’il avait avec sa mère. Il n’est pas exclu que celles-ci furent
particulièrement chaotiques. Le jeune Montaigne est élevé avec tendresse par son père, qui décide de
lui apprendre le latin non pas comme seconde langue comme cela était d’usage, mais comme langue
maternelle. À cet effet, il lui engage un précepteur allemand du nom de Horstanus qui ne doit s’adresser
à l’enfant qu’en latin.
A 7 ans, il entre au collège de Guyenne, qui a l’une des meilleures réputations de la région. Pour le jeune
Montaigne, cette expérience se trouvera hélas être également une des plus traumatisantes. Habitué à
être enseigné sans la moindre contrainte, il a de la peine à s’adapter à la discipline drastique et quelques
fois cruelle qui lui sera imposée. Il y restera jusqu’à l’âge de 13 ans. Le déroulement de la vie de
Montaigne de l’âge de 14 ans à 22 ans, où on le retrouve conseiller à la Cour des aides de Périgueux, est
inconnu. Toutefois, vu la fonction qu’il occupe, tout porte à croire qu’il aurait suivi des cours de droit.
De 1556 à 1570, Montaigne occupe les fonctions de Magistrat au Parlement de Périgueux, puis à celui
de Bordeaux. Sa fonction l’amène à s’occuper également des questions politiques et Montaigne
fréquentera la cour. Cependant, il est trop fier pour devenir courtisan et y faire carrière, d’autant plus
qu’il déteste son métier.
En 1557, il fait une rencontre qui restera l’un des meilleurs souvenirs de son existence, celle de La
Béotie. Son amitié avec celui-ci fut si grande et profonde que Montaigne eut tout le mal du monde à se
remettre de sa mort qui survint quatre ans à peine après qu’ils eurent sympathisé. Pour combler le vide
laissé par la disparition de son ami, il se lança dans une succession de liaisons amoureuses, mais finit par
se marier en 1565 avec Françoise Léonore de La Chassaigne. De cette union naquirent 6 filles dont une
seule atteignit l’âge adulte.
La mort de son père en 1568 lui donne accès à un héritage fort enviable, grâce auquel il peut enfin se
débarrasser de sa charge de magistrat. Probablement pour la forme, il demande malgré tout une
promotion à la Grand’Chambre. Après s’être fait éconduire, il décide de se retirer sur ses terres et
abandonne ses fonctions de magistrat en 1570. Il se lance alors pleinement dans sa carrière d’écrivain.
Cependant, le philosophe vit durant une période assez agitée. Les guerres de religion commencent en
1562 et ne prendront fin que trente ans plus tard. Il se trouve donc dans l’obligation sur ordre du roi de
prendre part aux hostilités, mais il semblerait qu’il ait été plus diplomate que soldat. Les réalités de la
guerre horrifient Montaigne. Élevé dans un esprit humaniste, il a de la peine à vivre au milieu de cette
cruauté.
En 1581, contre toute attente et à l’encontre de sa propre volonté, il est élu maire de Bordeaux. Son
avis, tout comme son consentement ne sont pas demandés. Il trouve simplement une lettre du roi qui le
félicite de son élection en lui faisant par la même occasion comprendre qu’il serait fort contrarié si
jamais il venait à refuser. Montaigne n’a pas d’autre choix que d’accepter. Deux ans plus tard, il est
reconduit à son poste pour un second mandat de deux ans. Il le quitte soulagé en 1585 alors qu’une
épidémie de peste vient à peine de se déclarer dans sa ville.
Montaigne voyage énormément depuis qu’il a quitté ses fonctions de magistrat. Il le fait tant comme
diplomate que pour son plaisir personnel. Ces voyages ne sont toutefois pas sans risque. En janvier
1588, il est dévalisé, puis enfermé par des radicaux protestants alors qu’il se rend à Paris. Il ne devra son
salut qu’au Prince de Condé. En mai de la même année, il est arrêté, cette fois à Paris, par les autorités
de la Ligue, après l’entrée triomphante d’Henri de Guise. Cette fois, il devra son salut à la reine mère. Le
philosophe décède dans son château le 13 septembre 1592.
Montaigne, sa vie, son œuvre... Justement, Montaigne est l'homme d'une œuvre unique, les Essais,
l'œuvre de toute une vie. Né dans le Périgord en 1533, il est nommé à vingt-quatre ans conseiller au
parlement de Bordeaux. Il y rencontre Étienne La Boétie avec qui se tisse une profonde amitié. Mais la
mort du jeune homme interrompt leurs conversations. Montaigne décide que les Essais en seront le
prolongement écrit. À partir de 1572, il travaille à leur rédaction, ne quittant la chère « librairie », qu'il
s'est fait aménager dans le château familial, que pour quelques voyages. En 1585, il abandonne la
charge de maire de Bordeaux pour se consacrer à l'enrichissement de ses écrits et meurt en 1592.
« Essai : titre de certains ouvrages, dit le dictionnaire, où l'on n'a pas la prétention de traiter à fond la
matière. » Montaigne est le véritable créateur de ce genre d'écrit. Leur matière ? Tout ce qui suscite la
réflexion, comme le montre la diversité de leurs titres. Et pourquoi se refuser à la traiter à fond ? Parce
que, selon lui, la raison humaine ne peut saisir l'essence des choses. Et pourtant, rien de plus humain
que la prétention d'en connaître l'origine et les causes au point qu'on se donne même le ridicule de
chercher des explications savantes pour des faits dont on n'a même pas vérifié l'existence, comme ce fut
le cas rendu célèbre par Fontenelle, de cet enfant prétendument doté d'une dent d'or.
Dans son essai Des boiteux, Montaigne traite ce thème à propos des miracles et de la sorcellerie. Au
XVIe siècle en Europe sévit, au sens propre, la chasse aux sorcières. Pour les démasquer on écrit des
manuels. Les tribunaux les condamnent au bûcher. Montaigne oppose à cet emportement fanatique
une critique des raisons habituellement invoquées pour croire. Ainsi, un nombre élevé de témoins ne
suffit pas à rendre croyable l'invraisemblable. En examinant d'un œil critique les prodiges portés par la
rumeur, Montaigne se comporte en pionnier des idées modernes. En travaillant au désenchantement du
monde, il fait place nette pour l'usage moderne de la raison.
Mais il y a, selon lui, bien d'autres raisons de s'étonner de ces prétendus prodiges. La chose la plus
singulière, c'est, pour celui qui prend la peine de l'examiner, son propre moi. « Je n'ai vu monstre et
miracle au monde plus exprès que moi-même... Plus je me hante et me connais, plus ma difformité
m'étonne, moins je m'entends moi-même. »
Nécessaire prudence de la raison, singularité absolue de l'individu, ces deux principes se croisent ici. En
un temps où l'on brûle des hommes au nom de l'orthodoxie, Montaigne affirme que jamais la certitude
d'être dans le vrai ne vaut qu'on lui sacrifie la vie d'un être humain.
Oeuvres
Les Essais (1572-1592), unique œuvre de Michel de Montaigne, ont nourri la réflexion des plus grands
auteurs en France et en Europe, de Shakespeare à Pascal et Descartes, de Nietzsche et Proust à
Heidegger.
Citations
« Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ! » —
« Qui se connaît, connaît aussi les autres, car chaque homme porte la forme entière de l’humaine
condition. » — Essais
« On ne corrige pas celui qu’on prend, on corrige les autres par lui. » — Essais
« Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je
fuis, et non pas ce que je cherche. » — Essais
« Quand bien nous pourrions être savants du savoir d’autrui, au moins sages ne pouvons-nous être que
de notre propre sagesse. » — Essais
« Je fais dire aux autres ce que je ne puis si bien dire tantôt par faiblesse de mon langage, tantôt par
faiblesse de mes sens. Je ne compte pas mes emprunts, je les pèse. » — Essais
« La cherté donne goût à la viande. » — Essais
« Savoir par coeur n'est pas savoir : c’est tenir ce qu’on a donné en garde à sa mémoire. » — Essais
« Il est plus insupportable d'être toujours seul que de ne le pouvoir jamais être. » —
« Celui qui passe le but le manque tout aussi bien que celui qui n'y arrive pas. » —
« Nous sommes plus riches que nous ne pensons ; mais on nous dresse à l'emprunt et à la quête. » —
« Tout ce qui peut être fait un autre jour, le peut être aujourd'hui. » —
« La sagesse a ses excès et n'a pas moins besoin de modération que la folie. » —
« Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à l'homme que l'homme. » — Essais
« La vie n'est en soi ni bien ni mal : c'est la place du bien et du mal selon que vous la leur faites. » —
« Un bon mariage serait celui d'une femme aveugle avec un mari sourd. » — Essais
« Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer qu'en répondant :
"Parce que c'était lui, parce que c'était moi." » — Essais
« Il est impossible de faire concevoir à un homme naturellement aveugle qu'il ne voit pas. » — Essais
« Il n'est passion qui ébranle tant la sincérité des jugements comme la colère. » — Essais
« Les hommes sont tourmentés par les opinions qu'ils ont des choses, non par les choses mêmes. » —
Essais
« Je me fais plus d'injure en mentant que je n'en fais à celui à qui je mens. » — Essais
« Ne cherchons pas hors de nous notre mal, il est chez nous, il est planté en nos entrailles. » — Essais
« L'honneur que nous recevons de ceux qui nous craignent, ce n'est pas honneur. » — Essais
« J'ai vu en mon temps cent artisans, cent laboureurs, plus sages et plus heureux que des recteurs de
l'université. » — Essais
« Nous troublons la vie par le soin de la mort ; l'une nous ennuie, l'autre nous effraye. » — Essais
« Rien ne vient à nous que falsifié et altéré par nos sens. » — Essais
« Les choses ne sont pas si douloureuses ni difficiles d'elles-mêmes ; mais notre faiblesse et lâcheté les
font telles. » —
« Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui. » — Essais
« Les biens de la fortune encore faut-il avoir du sentiment pour les savourer. C'est jouir, non le posséder,
qui nous rend heureux. » — Essais
« C'est un bonne drogue que la science ; mais nulle drogue n'est assez forte pour se préserver sans
altération et corruption. » — Essais
« Il n'est rien sujet à plus continuelle agitation que les lois. » — Essais
« Les femmes ont raison de se rebeller contre les lois parce que nous les avons faites sans elles. » —
« La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute. » —
« Si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs. » —
« La plus sûre garde de la chasteté à une fille, c'est la sévérité. » — Lettre à son père
« Mieux vaut laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez. » — Essais
« Il n'y a pas une idée qui vaille qu'on tue un homme. » — Essais
« Nous ne sommes hommes et nous ne tenons les uns aux autres que par nos paroles. » —
« Il se trouve plus de différence de tel homme à tel homme que de tel animal à tel homme. » —
« Dire de soi plus de mal qu'il n'y en ait, c'est sottise, non modestie. » —
« C'est aux chrétiens une occasion de croire, que de rencontrer une chose incroyable. » — Essais
« La mort ne vous concerne ni mort ni vif : vif parce que vous êtes ; mort parce que vous n'êtes plus. » —
« Toute opinion est assez forte pour se faire épouser au prix de la vie. » — Essais
« Les plus belles vies sont à mon gré celles qui se rangent au modèle commun, sans merveille. » — Essais
« Ce grand monde, c'est le miroir où il nous faut regarder pour nous connaître de bon biais. » — Essais
« La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Le savoir mourir nous affranchit de toute
subjection et contrainte. » — Essais
« Le plus âpre et difficile métier du monde, à mon gré, c'est faire dignement le roi. » — Essais
« L'ignorance qui se sait, qui se juge et qui se condamne, ce n'est pas une entière ignorance : pour l'être,
il faut qu'elle s'ignore soi-même. » — Essais
« Il me semble que nous ne pouvons jamais être assez méprisés selon notre mérite. » — Essais
« Mais les belles âmes, ce sont les âmes universelles, ouvertes et prêtes à tout, si non instruites, au
moins instruisables. » — Essais
« Notre religion n'a point eu de plus assuré fondement humain que le mépris de la vie. » — Essais
« Rien n’imprime si vivement quelque chose à notre souvenance que le désir de l’oublier. » —
« C'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme. » —
« C’est raison qu’on fasse grande différence entre les fautes qui viennent de notre faiblesse, et celles qui
viennent de notre malice. » —
« C’est une vie exquise, celle qui se maintient en ordre, jusque dans son privé. » —
« L'une des plus grandes sagesses de l'art militaire, c'est de ne pas pousser son ennemi au désespoir. »
— Essais
« Les soldats devraient craindre leur général encore plus que leur ennemi. » — Essais
« L'homme est malmené non pas tant par les événements que, surtout, par ce qu'il pense des
événements. » — Essais
« Ne faites donc pas comme l'avare, qui perd beaucoup pour ne vouloir rien perdre. » — Essais
« Si on cache une région du corps, c'est pour mieux attirer l'attention sur elle. » — Essais
« Ce qui est hors des gonds de la coutume, on le croit hors des gonds de la raison. » —
« Tout homme peut dire véritablement ; mais dire ordonnément, prudemment et suffisamment peu
d'hommes le peuvent. » —
« Il est plus facile d'écrire un mauvais poème que d'en comprendre un bon. » —
« Les lois se maintiennent en crédit non parce qu'elles sont justes, mais parce qu'elles sont lois. » —
Essais
« Les plaisirs de l'amour sont les seuls vrais plaisirs de la vie corporelle. » — Essais
« Les plus belles vies sont celles qui se rangent au modèle commun et humain, avec ordre, mais sans
miracle et sans extravagance. » — Essais
« Il faut rejeter toujours l’architecte, le peintre, le cordonnier, et ainsi du reste, chacun à son gibier. » —
Essais
« Nos raisons et nos discours humains, c’est comme la matière lourde et stérile : la grâce de Dieu en est
la forme ; c’est elle qui y donne la façon et le prix. » — Essais
« Il n'est aucune si douce consolation en la perte de nos amis que celle que nous apporte la science de
n'avoir rien oublié à leur dire, et d'avoir eu avec eux une parfaite et entière communication. » — Essais
« Qu’a fait aux hommes l’acte génital qui est si naturel, si nécessaire et si légitime pour que nous
n’osions pas en parler sans honte? » — Essais
« Mon apprentissage n'a d'autre fruit que de me faire sentir combien il me reste à apprendre. » — Essais
« Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages : que je sais bien ce que je
fuis, et non ce que je cherche. » — Essais
« Notre monde vient d’en trouver un autre, cet autre monde ne fera qu’entrer en lumière quand le
nôtre en sortira » — Essais
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