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1STMG1

ANNEE SCOLAIRE 2022-2023

LECTURES LINEAIRES POUR L’EPREUVE ANTICIPEE DE FRANÇAIS

Table des matières


LECTURE LINEAIRE 1 : MONTAIGNE, ESSAIS, I, 26, « DE L’INSTITUTION DES ENFANTS » (1580) ..........3
LECTURE LINÉAIRE 2 ...........................................................................................................................7
François Rabelais, Gargantua, extrait du chapitre 15 .........................................................................7
RABELAIS ............................................................................................................................................9
GARGANTUA (1534) ...........................................................................................................................9
LECTURE LINEAIRE 3 : EXTRAIT DU CHAPITRE 21 ................................................................................9
Lecture linéaire 4 : Guillaume Apollinaire (1880-1918), Calligrammes (1918), « La Colombe
poignardée et le jet d’eau ».............................................................................................................. 13
I. La colombe dédiée aux souvenirs des conquêtes féminines (travail d’Elodie, Léane, Célène,
Zakaria, Reda, Amine, Olivia, Lucie, Emma, Julie, Baptiste, Tyffen, Anaëlle) ................................ 13
II. Le jet d’eau ou l’œil qui pleure, dédié au souvenir des frères d’armes et des amis morts au
combat...................................................................................................................................... 15
LECTURE LINÉAIRE 5 ......................................................................................................................... 17
« Vieille chanson du jeune temps » .................................................................................................. 17
Les Contemplations, Victor Hugo (1856) ........................................................................................... 17
I. L’entrée dans le bois qui correspond à l’entrée dans le poème (premier quatrain) : travail de
Thiané, Assia, Reda, Zakaria et Matis ................................................................................................. 18
II. Le jeu de la séduction (vers 5-32) .............................................................................................. 18
III. La sortie du bois : la chute, la fin du poème et de la séduction : travail de Julie ...................... 20
Conclusion ........................................................................................................................................ 20
LECTURE LINEAIRE 6 : « MELANCHOLIA » DE VICTOR HUGO ............................................................ 21
Lecture linéaire 7 réalisée par la classe : Molière, Le Malade imaginaire, acte II scène 8................. 23
Introduction (réalisée par Thiané, Anna, Assia, Reda et Zakaria).................................................. 23
I. L’interrogatoire : lignes 1-20 (partie réalisée par Lucie, Emma, Ludivine et Amine) .............. 23
II. La parodie de tragédie : lignes 21-50 (réalisée par Léane, Elodie, Célène, Gabriel, Luna,
Orlane, Louane, Julie) ................................................................................................................... 24
Conclusion .................................................................................................................................... 25
Lecture linéaire 8 : Molière, Le Malade imaginaire (1673), acte III scène 3 ...................................... 26
Introduction .................................................................................................................................. 26
I. Un dialogue de sourds (partie réalisée par Célène, Elodie, Léane).......................................... 26

1
II. La folie d’Argan (partie réalisée par Julie, Louane, Orlane, Louna, Olivia, Lucie, Emma, Ludivine,
Alan, Aaron, Anna, Mathéo, Juliette) ............................................................................................. 27
Conclusion (réalisée par Assia, Thiané, Aymeric, Brewen) .............................................................. 28
LECTURE LINEAIRE 9 ......................................................................................................................... 29
LECTURE LINEAIRE 10 : COLETTE, SIDO ............................................................................................. 37
LA CELEBRATION DU MONDE ........................................................................................................... 41
LES VRILLES DE LA VIGNE .................................................................................................................. 41
COLETTE ........................................................................................................................................... 41
LECTURE LINEAIRE 11 : TABLEAU SYNTHETIQUE FAIT EN CLASSE ...................................................... 41
Rappel : que veut dire « célébrer le monde » ?.................................................................................. 41
LECTURE LINEAIRE 11 : COLETTE, LES VRILLES DE LA VIGNE.............................................................. 43
LECTURE LINEAIRE 12 : ALBERT CAMUS, NOCES, « Noces à Tipasa » (1938) ..................................... 46

2
LECTURE LINEAIRE 1 : MONTAIGNE, ESSAIS, I, 26, « DE L’INSTITUTION
DES ENFANTS » (1580)

Introduction
Je présente l’auteur
Michel de Montaigne (1533-1592 / 16ème siècle) est un homme politique (il a
notamment été membre du parlement et maire de la ville de Bordeaux) et écrivain
humaniste de la Renaissance, période qui s’étend du 15ème au 16ème siècle,
marquée par de nombreuses découvertes comme celle de Copernic qui remet en
cause le géocentrisme (l’idée selon laquelle la Terre est au centre de l’univers et que
le soleil tourne autour de celle-ci), ou comme la découverte du Nouveau monde,
c’est-à-dire le continent américain, ou bien comme les innovations techniques dans
le domaine de l’imprimerie par Gutenberg. C’est dans ce contexte que se développe
le courant de pensée humaniste. Pour l’humaniste, ce qui doit être au centre des
préoccupations pédagogiques et politiques, c’est le développement harmonieux de
l’être humain. D’où une importance centrale accordée à l’éducation par
l’humanisme.
L’œuvre des Essais
Dans ses Essais, Montaigne se pose comme point de départ de sa réflexion, la
question « Que sais-je ? » L’auteur répond que « le monde n’est qu’une branloire
pérenne » : on ne peut connaître le monde de manière certaine et définitive.
Montaigne nous livre ainsi ses réflexions personnelles pour tenter de se définir, de
mieux comprendre le monde mais aussi pour combler le manque lié à l’absence de
son meilleur ami La Boétie, disparu trop tôt. En parlant de lui-même, il souhaite
définir l’humain : « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition » ;
« Le sujet, c’est l’homme ». Montaigne nous livre ses réflexions en suivant le fil de sa
pensée, en procédant « à sauts et à gambades », en citant de nombreux écrivains
antiques, des historiens, des penseurs, et en améliorant sans cesse ses manuscrits
avec les fameuses « allongeailles ». Il existe trois éditions des Essais car Montaigne
n’a cessé d’enrichir et de compléter son travail tout au long de sa vie en travaillant
dans sa « librairie » (bibliothèque). Il aborde donc de nombreux sujets la mort, la
maladie, la découverte du Nouveau Monde, l’amitié, ou l’éducation.
L’Essai « De l’institution des enfants » I, 26 (1580)
Ce texte fait partie des premiers Essais. Il date de 1580. Dans ce texte, Montaigne
s’adresse à une comtesse, Diane de Foix, qui attend un enfant, et qui a demandé au
penseur des conseils pour l’éducation de son enfant. Dans ce texte, l’auteur fait
l’éloge de l’éducation humaniste en dressant le portrait-robot du professeur idéal.
Problématique
Comment l’auteur parvient-il à transmettre son idéal pédagogique ?
J’annonce le plan
I. Tout d’abord, nous verrons que l’éducation humaniste repose sur la
maïeutique.
II. Ensuite, pour permettre à l’élève de devenir autonome, il faut que le
professeur s’adapte au niveau et au rythme de l’élève.
III. Enfin, nous verrons que le bon apprentissage est une appropriation.

3
I. La maïeutique (lignes 1-11) : l’enseignant doit mettre en place une
maïeutique avec l’élève.

Montaigne s’intéresse au profil du professeur, à ses qualités et à ses


compétences. Il vaut mieux un professeur qui sait expliquer plutôt qu’un professeur
qui a des connaissances mais qui ne sait pas les transmettre. L’auteur insiste sur cette
idée grâce à l’utilisation du pronom personnel « je » (première personne du
singulier) : il exprime sa pensée, son point de vue. Montaigne évoque ses pensées. Il
exprime un souhait grâce au conditionnel présent « je voudrais ». Les autres verbes
« fût », « eût », « exigeât », « se conduisît » sont à l’imparfait du subjonctif pour
exprimer son désir, son souhait. Cela prouve que le discours de Montaigne ici n’est
pas dogmatique ou autoritaire. Il exprime ses idées avec douceur, sans les imposer,
en les présentant comme des souhaits, des désirs. Montaigne emploie une
comparaison, un comparatif entre « la tête bien faite » et « la tête bien pleine ». On
peut voir un parallélisme grâce à la répétition de l’adverbe mélioratif « bien ». Le
professeur ne doit pas se contenter des connaissances. Il doit aussi savoir les
exploiter : la « science » est nécessaire mais non suffisante. La capacité à transmettre
la connaissance, « la vertu », « l’intelligence » est indispensable. Le complément
circonstanciel de manière « d’une nouvelle manière » permet d’insister sur le désir
de l’auteur de mettre en place l’innovation pédagogique.
Montaigne rejette la pédagogie traditionnelle. Il dévalorise l’enseignement
traditionnel grâce à « on ». « On » est un pronom indéfini qui sert à désigner les
enseignants ordinaires, traditionnels. L’auteur passe du « je » au « on » pour décrire
la méthode qu’il rejette. Montaigne est contre la méthode traditionnelle du cours
magistral (ligne 4) La figure de style utilisée est la comparaison : il compare le cours
magistral à un gavage d’oie. La méthode traditionnelle nous force à répéter, à réciter,
sans comprendre, comme l’indique la négation restrictive « ne…que ». Montaigne
disqualifie la méthode traditionnelle grâce au verbe « criailler » : le suffixe péjoratif
permet de ridiculiser le professeur traditionnel en le réduisant à une voix
disharmonieuse et insupportable. L’auteur aimerait faire changer la méthode de
travail du professeur : « je voudrais » (conditionnel). Il faut d’abord tester le savoir de
l’élève, voir de quoi il est capable. L’écrivain emploie la métaphore hippique pour
faire comprendre cette idée : il faut mettre partiellement l’élève sur la voie. Les trois
verbes « goûter », « choisir », « discerner » sont importants parce qu’ils ont un lien
avec la maïeutique : « goûter » veut dire « essayer », « expérimenter ». Il s’agit aussi
de donner le goût d’apprendre, de susciter la curiosité intellectuelle. « Discerner »
veut dire différencier, mais aussi comprendre, penser par soi-même. Le cours selon
Montaigne doit être un dialogue. Le cours doit être un échange. Montaigne prend
exemple sur le philosophe grec de l’Antiquité Socrate. Grâce à cela, nous pouvons
constater que Montaigne est un humaniste et que sa méthode pédagogique est
humaniste également.

4
I. L’autonomie est le but de la bonne éducation : mais pour cela il faut que le
professeur se mette au niveau de l’élève afin de l’orienter (lignes 12 – 20)

L’auteur utilise la métaphore de l’équitation. Le professeur doit s’adapter à


son élève pour pouvoir avancer. Le professeur sait faire fonctionner et réfléchir
l’élève. La répétition du verbe « descendre » et « condescendre » permet d’assimiler
la pédagogie à une marche en montagne : le professeur doit s’adapter au niveau de
l’élève pour le faire progresser. Ce qui est compliqué à faire pour Montaigne, c’est
d’éduquer les élèves en se mettant à leur niveau : « l’une des plus ardues besognes
que je sache ». Le superlatif sert à accentuer la difficulté de l’acte d’enseigner.
« Guider » fait partie de la manière d’enseigner et d’éduquer les élèves : « guider »
veut dire accompagner, mener, diriger, mais aussi orienter. L’éducateur ouvre la voie,
mais il laisse le choix à l’élève. L’auteur emploie un vocabulaire mélioratif pour
caractériser l’éducateur : « haute âme », « bien forte ». Le plus difficile, c’est la
maïeutique, car descendre au niveau de l’élève, c’est plus compliqué que rester à son
sommet et attendre que l’élève ne monte : Montaigne nous le fait comprendre grâce
à la métaphore de l’escalier ou de la marche en montagne (lignes 16-17). Pour
Montaigne, l’objectif est de permettre à tous les élèves de progresser. C’est pourquoi
la méthode traditionnelle du cours magistral n’est pas efficace comme il l’explique
entre la ligne 17 et 20. L’antithèse entre « même leçon et pareille mesure » au
singulier et « diverses capacités et natures » au pluriel met en lumière l’opposition
entre le cours magistral et la maïeutique, entre le cours traditionnel et la réalité :
chaque enfant est différent. Le cours magistral ne prend pas en compte la singularité
de chaque enfant. Le cours magistral ne prend pas en compte les différences, les
différents niveaux, les différents rythmes de chaque enfant.

II. Le bon apprentissage est une réappropriation (lignes 21-27)

Montaigne explique que le par cœur ne sert à rien. Il faut savoir lire entre les
lignes, il faut comprendre la pensée, le « sens », la « substance ». Il ne faut pas en
rester à l’apparence des mots, mais trouver la signification profonde du cours et des
mots. Montaigne oppose grâce à une antithèse les « mots » au « sens » et à la
« substance ». Le savoir est vraiment approprié quand on essaie de l’utiliser, de
l’éprouver, d’en faire l’expérience. L’expérience est au cœur de la pédagogie (lignes
22-23). Le savoir est acquis lorsque on peut reformuler le cours avec ses propres
mots. Il faut savoir s’approprier le savoir en le reformulant. La répétition de l’adverbe
mélioratif « bien » dans l’anaphore « bien pris et bien fait sien » permet d’insister
sur l’appropriation. La métaphore de la digestion permet de comprendre
qu’apprendre par cœur, c’est vomir, et bien apprendre c’est assimiler ce qui nous est
vital. Le savoir est acquis et compris quand il devient une partie de soi.

5
Conclusion
Dans ce texte, Montaigne fait l’éloge de l’éducation humaniste, fondée sur le
dialogue, la réflexion et l’expérience. Il permet de comprendre l’importance du
pédagogue qui doit être capable de s’adapter au niveau et au rythme de l’élève pour
l’aider à progresser. Ce texte est intéressant parce qu’il rappelle que le but de
l’éducation est de forger un esprit critique et autonome. Il s’agit d’une véritable
leçon de pédagogie, mais ce texte est savoureux, parce qu’il n’est ni dogmatique, ni
abstrait. Montaigne ne prétend pas délivrer une vérité absolue et incontestable. Il ne
fait que livrer ses pensées et ses conseils. Et il parvient à transmettre ses idées grâce
à des images (l’équitation, la marche, la digestion) très fortes et très simples.
Rabelais dans Gargantua va mettre en scène et développer cet idéal de
l’éducation humaniste.

6
LECTURE LINÉAIRE 2

François Rabelais, Gargantua, extrait du chapitre 15

Introduction
Je présente l’auteur
- auteur du 16e siècle
- c’est un humaniste
- l’humanisme est un courant littéraire, philosophique de la Renaissance qui met
l’homme en avant par rapport à Dieu
- selon les humanistes, l’homme doit penser par lui-même
- l’humanisme prend modèle sur l’Antiquité et cherche à concevoir de nouvelles
méthodes pédagogiques favorisant l'autonomie et l'esprit critique en s'inspirant
de la maïeutique
- l’homme doit être au centre des préoccupations pédagogiques et politiques selon
les humanistes
- François Rabelais a été moine, médecin, éditeur et romancier
- Rabelais a un modèle : Érasme
Je présente l’œuvre :
Gargantua : un roman écrit en 1534 qui met en scène un Géant (Gargantua) à
l’appétit sans limite, son éducation traditionnelle et humaniste, et ses exploits
guerriers contre Picrochole
- le projet de Rabelais dans ce roman est de transmettre l’idéal de l’éducation
humaniste
Je présente l’extrait : ce texte est un extrait du chapitre 15 : c’est la rencontre
entre Gargantua et Eudémon
Eudémon : un serviteur d’un roi voisin et ami, il a 12 ans, et Grandgousier propose
d’évaluer la maîtrise de la parole chez Eudémon et chez son fils Gargantua
Eudémon est le produit de l’éducation humaniste
Je lis le texte puis je formule la problématique : comment l’auteur
parvient-il à faire l’éloge de l’éducation humaniste ?
Je présente le plan :
1. L’éloge de Grandgousier par Eudémon (premier paragraphe)
2. La vertu ou l’éloge d’Eudémon (deuxième paragraphe)
3. L’éducation traditionnelle et limitée de Gargantua (dernier paragraphe)

1. L’éloge de Grandgousier par Eudémon


- ligne 1 : « alors » : connecteur logique qui sert à montrer au lecteur qu’il se
va passer qqch d’important ; l’adverbe sert à introduire le récit
Ensuite insiste sur la supériorité du maître et à son autorité
- Ligne 1-2 : énumération qui permet d’insister sur la reconnaissance et le
respect d’Eudémon pour Grandgousier. On a aussi un parallélisme de
construction. L’accumulation énumère les qualités physiques d’Eudémon.
- Ligne 3 : champ lexical du physique qui sert à représenter la posture
d’Eudémon / Rabelais s’appuie sur la beauté d’Eudémon décrit comme un être
divin. Rabelais utilise le parallélisme afin de montrer le charisme, le sérieux et la
politesse d’Eudémon.

7
- lignes 4-5 : les connecteurs logiques servent à représenter au lecteur un
ordre logique, montrent que le discours d’Eudémon est construit, logique, cohérent.
Soulignent l’esprit ordonné, logique d’Eudémon
- Lignes 6-9 : le connecteur « enfin » clôture les propos d’Eudémon

2. L’éloge d’Eudémon
- ligne 10 : parallélisme et énumération construits sur la répétition de l’adverbe
d’intensité « si » qui permet d’insister sur la perfection d’Eudémon
- lignes 11-12 : comparaison : Eudémon comparé aux grands orateurs de
l’Antiquité : il est ainsi montré comme qqn de logique et de brillant
- référence à l’Antiquité qui permet de montrer qu’Eudémon est le fruit de
l’éducation humaniste
- les qualités portent sur la maîtrise des pouvoirs de la parole : l’auteur insiste sur la
capacité d’Eudémon à s’exprimer

3. L’éducation limitée de Gargantua


- ligne 13 : connecteur logique « mais » qui permet de souligner l’antithèse entre
Gargantua et Eudémon
- scène comique
- comparaison avec la vache : tonalité humoristique qui sert à rabaisser Gargantua
- Gargantua est plus proche de l’animal que de l’humain pour montrer qu’il n’a
pas reçu d’éducation humaniste
- autre comparaison avec les pets de l’âne mort : tonalité burlesque qui humilie
Gargantua et son éducation : il est incapable de s’exprimer
- champ lexical de l’animalité : présentation animalière de Gargantua
- la négation finale « ne...pas » permet d’insister sur l’incapacité de Gargantua
à s’exprimer, ce qui permet de souligner les limites d’une éducation qui ne s’appuie
pas sur le dialogue et la maïeutique

Conclusion
Je réponds à la problématique
Au terme de cette analyse, on comprend que l'auteur parvient à faire l'éloge de
l'éducation humaniste à travers la mise en scène méliorative d'Eudémon, qui
incarne l'idéal humaniste à la Renaissance. L'évocation de Gargantua en
contrepoint révèle par un effet de contraste les mérites de l'éducation
humaniste et les limites de l'éducation médiévale et traditionnelle grâce à la
tonalité burlesque.
Je propose une ouverture
On peut rapprocher ce texte d'un passage de L'Ingénu de Voltaire. Voltaire est un
philosophe français des Lumières qui écrit un roman intitulé L'Ingénu, mettant en
scène un Indien d'Amérique découvrant la France de l'Ancien Régime. Enfermé à la
Bastille pour avoir tenu des propos en faveur de la tolérance religieuse, l'Ingénu se
cultive en lisant un grand nombre de livres de sciences. Voltaire dresse le portrait
d'un être équilibré, sain d'esprit, libre de tout préjugé. A travers ce portrait, Voltaire
fait l'éloge de la tolérance, des Lumières, contre l'intolérance et l'obscurantisme. Au
XVIIIe siècle, les Lumières sont un nouveau courant humaniste.

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RABELAIS

GARGANTUA (1534)

LECTURE LINEAIRE 3 : EXTRAIT DU CHAPITRE 21

Introduction
Je présente l’auteur
- auteur du 16e siècle
- c’est un humaniste
- l’humanisme est un courant littéraire, philosophique de la Renaissance qui met l’homme en
avant par rapport à Dieu
- selon les humanistes, l’homme doit penser par lui-même
- l’humanisme prend modèle sur l’Antiquité et cherche à concevoir de nouvelles méthodes
pédagogiques favorisant l'autonomie et l'esprit critique en s'inspirant de la maïeutique
- l’homme doit être au centre des préoccupations pédagogiques et politiques selon les
humanistes
- François Rabelais a été moine, médecin, éditeur et romancier
- Rabelais a un modèle : Érasme
- Rabelais a été moine franciscain puis bénédictin et il garde de mauvais souvenirs de son
passage chez les franciscains qui l’empêchaient de lire autre chose que la Bible
- pour Rabelais, l’éducation médiévale des franciscains ne permet pas à l’enfant de s’élever
et de s’épanouir
Je présente l’œuvre :
Gargantua : un roman écrit en 1534 qui met en scène un Géant (Gargantua) à l’appétit sans
limite, son éducation traditionnelle et humaniste, et ses exploits guerriers contre Picrochole
- le projet de Rabelais dans ce roman est de transmettre l’idéal de l’éducation humaniste,
contre le modèle médiéval et traditionnel d’une éducation magistrale, sophistique et fermée
Je présente l’extrait : dans cet extrait du chapitre 21, on découvre l’éducation traditionnelle
et médiévale que reçoit Gargantua
- C’est une éducation croyante, religieuse, mais exagérée, imposée, très limitée, puisque
tout repose sur un seul et unique livre : La Bible

- Aucun plaisir, aucune concentration, aucun intérêt, aucune liberté (puisqu’on


ne lui propose pas d’autre livre)
- surtout ce passage se caractérise par une analogie entre l’éducation et
l’alimentation : l’éducation que Gargantua reçoit est à l’image de son alimentation :
démesurée, déséquilibrée, peu variée et malsaine.
Je lis le texte
Je formule la problématique

9
Comment l’auteur parvient-il à développer la satire de l’éducation médiévale ?
J’annonce le plan :
I. Une éducation religieuse, monotone (lignes 1-11)
II. Une alimentation monotone, exagérée et malsaine (ligne 12-21)

I. Une éducation religieuse monotone (lignes 1-11)

Ligne 2 : champ lexical de la nourriture : « panier », « graisse », « grain en terre »,


« épluchait », « sirop de la vigne » : l’auteur établit une comparaison entre la
nourriture et l’éducation : l’éducation est une nourriture intellectuelle
- l’auteur met en place un parallèle entre l’éducation et l’alimentation
- Champ lexical du poids, de la lourdeur : l’éducation est lourde, pesante, pénible :
« grand », « gros », « pesant », « onze quintaux et six livres »
- allitération en « r » qui souligne la lourdeur de la matière enseignée
- hyperbole pour désigner le poids du livre afin de montrer sa lourdeur, son peu
d’intérêt
- hyperbole : « vingt-six ou trente messes » qui montre la lassitude, l’ennui, la
monotonie du cours
- ligne 4 : comparaison du professeur à un petit oiseau ridicule : Rabelais dresse un
portrait péjoratif de l’adulte encadrant les prières de l’enfant
- ligne 5 : périphrase « sirop de la vigne » pour masquer le vin et justifier la
mauvaise haleine du professeur qui cherche à cacher son alcoolisme
- ligne 5 : « immunisé » et « sirop » : champ lexical de la médecine qui rappelle
que Rabelais est un médecin et qui sert à justifier de manière comique l’alcoolisme
du professeur
- ligne 6 : la méthode est celle de l’apprentissage par cœur ridiculisé à l’aide de la
métaphore de l’épluchage qui prouve que cette méthode ne développe pas son
intelligence
- ligne 6 : « marmonnait » : verbe qui insiste sur le fait que l’instruction religieuse
ne prend pas en compte l’expression, l’éloquence la maîtrise de la parole
- lignes 7 et 9 : on retrouve l’exagération, l’accumulation, le champ lexical de la
lourdeur pour souligner le poids, la lourdeur de l’enseignement religieux reçu
- lignes 10-11 : disproportion, opposition entre la quantité de messes, de
prières, et le résultat de ce qui est appris : le contenu de l’apprentissage se réduit
à 30 minutes : « une méchante demi-heure » : l’adjectif qualificatif « méchante »
souligne le peu de temps consacré à l’apprentissage. Cette opposition est comique
parce qu’elle montre l’inefficacité, la stérilité de la méthode utilisée, qui utilise
beaucoup de moyens pour une absence de résultats puisque pendant ces trente
minutes Gargantua n’est pas concentré, comme le révèle la métaphore qui clôture le
premier mouvement : « son âme était en la cuisine ». Cette expression, énoncée
dans une proposition très courte, héritée du poète latin comique Térence, résume
de manière comique l’absence de concentration et la nullité de la méthode
pédagogique adoptée.

10
II. Une alimentation monotone, exagérée et malsaine (ligne 12-21)

- Ligne 12 : le mouvement consacré à l’alimentation commence par une référence


à l’urine
- Gargantua passe de l’acte d’uriner à celui de manger sans transition : cette
absence de transition révèle l’absence d’hygiène
- L’exagération « un plein urinoir » permet de souligner de manière comique
l’absence d’hygiène du Géant.
- L’allitération en « p » : « pissant », « plein » insiste sur la saleté et la démesure
de cette saleté
- Ligne 13 : « flegmatique » : le narrateur justifie l’alimentation de Gargantua par
son caractère : référence médicale à la théorie des humeurs d’Hippocrate : un
« flegmatique » est une personne de tempérament paresseux
- L’absence d’hygiène est liée à la paresse
- Lignes 13-14 : Accumulation de charcuteries et hyperboles qui soulignent la
démesure d’une alimentation peu variée et déséquilibrée
- Lignes 15-16 : la démesure hyperbolique est soulignée à travers la mise en
scène de quatre serviteurs qui alimentent le géant en moutarde
- « sans interruption » et « Pleines pelletées » : l’allitération en « p » et en
« l » met en relief la surabondance de moutarde
- Lignes 16-17 : L’antithèse entre l’adjectif qualificatif péjoratif « horrifique »
et le verbe « se soulager » met en lumière le déséquilibre de cette alimentation
- l’alcool se substitue à l’eau : cet élément rajoute au déséquilibre et à la lourdeur
de cette alimentation déséquilibrée
- cette alimentation est aussi lourde et pesante que l’enseignement qu’il a reçu
- Lignes 17-18-19-20 : « à la mesure de son appétit », « ni fin ni règle » :
l’appétit de Gargantua est sans limite, démesuré : cela met en évidence le fait
que la quantité est privilégiée à la qualité, et que le Géant ne prête nullement
attention aux limites exigées par l’organisme
- Mais cette boulimie évoque aussi, par métaphore, la soif de savoir du
Géant, l’appétit de connaissances de Gargantua, qui sont sans limite : il y a
un appétit pour la connaissance qui n’est pas satisfait pour le moment :
l’éducation des sophistes ne permet pas à Gargantua de se nourrir
convenablement et autant qu’il le souhaite
- Lignes 19-20 : la négation « il ne connaissait ni fin ni règles » insiste sur la
démesure de son appétit infini et sur l’absence de règles pour prendre soin de
son organisme
- Ligne 20-21 : la touche finale est burlesque, révélant que les repères de
Gargantua ne sont pas scientifiques et ne respectent pas du tout les limites d’une
alimentation saine et équilibrée : discours indirect qui révèle la parole naïve et
la mauvaise foi de Gargantua en matière d’alimentation et de boisson.

Conclusion
Rabelais développe la satire de l’éducation médiévale et traditionnelle des
sophistes grâce à la tonalité burlesque, aux exagérations, aux hyperboles et au récit
d’un emploi du temps marqué par le déséquilibre, l’absence d’harmonie, la
disproportion et la monotonie. Surtout, la stratégie de Rabelais consiste à établir un
rapprochement, un parallèle, entre l’éducation et l’alimentation : l’éducation que
reçoit Gargantua est à l’image de son alimentation : démesurée, déséquilibrée,

11
monotone, peu variée, et malsaine. Cependant, la boulimie du Géant évoque un
appétit sans limite, qu’il faut comprendre comme un appétit intellectuel, une faim de
connaissances, une soif de savoir. Force est de constater que l’éducation
traditionnelle reçue n’est pas une source de satisfaction. Si le géant continue d’avoir
faim et d’avoir soif, c’est parce que l’éducation reçue ne le satisfait pas, ne le nourrit
pas assez ni convenablement. On retrouve dans ce parallèle entre l’éducation et
l’alimentation le souci humaniste de Rabelais qui était un médecin, et qui considérait
que le développement du cerveau est indissociable d’une bonne hygiène de vie, et
de l’épanouissement de l’organisme. L’éducation humaniste vise à développer aussi
bien le corps que l’esprit, en cherchant l’équilibre et l’harmonie entre les deux.
Ce texte est à l’origine d’une véritable tradition littéraire mettant en scène la
nourriture et les repas : dans la littérature, la nourriture et les repas sont toujours les
révélateurs d’une situation, d’un caractère, d’un personnage. Par exemple, dans les
romans de Zola, comme dans Le Ventre de Paris, l’évocation de la nourriture grasse
sert à critiquer le mauvais goût, la vulgarité et les déséquilibres du Second Empire.

12
Lecture linéaire 4 : Guillaume Apollinaire (1880-1918), Calligrammes
(1918), « La Colombe poignardée et le jet d’eau »

Introduction (d’après les travaux de Mathéo, Alan, Bilel, Anna, Théo, Hugo, Louane, Orlane)

Guillaume Apollinaire, de son vrai nom Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, est né à Rome
en 1880, et mort à Paris le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole, deux jours avant l’armistice du
11 novembre. Il prend le nom d’Apollinaire en hommage à son grand-père maternel, mais aussi et
surtout à Apollon, le dieu de l’art et de la beauté dans la mythologie grecque. Poète, critique d’art,
Apollinaire aime la culture française, son passé, ses poètes, mais également sa modernité. Il est
naturalisé français en 1916 en récompense de sa bravoure au combat pour la France pendant la
Première Guerre mondiale. Le recueil intitulé Calligrammes est publié à titre posthume, mais il est
écrit pendant la guerre. C’est un journal de guerre poétique. Il raconte la guerre et sa nostalgie de la
paix sous forme de calligrammes. Les calligrammes sont des « idéogrammes lyriques » qui allient
peinture et poésie. Apollinaire cherche à créer une nouvelle forme poétique qui résulte de
l’interpénétration réciproque de la peinture et de la poésie, et qui intègre ce qu’il considère comme
étant la caractéristique principale de la modernité : le mouvement. De même que le cinéma a mis en
mouvement les images, de même le calligramme permet de mettre en mouvement les vers. Le
calligramme est donc un poème sous forme de dessin, mais ce n’est pas un dessin réaliste : il ne
s’agit pas de reproduire la réalité extérieure. Il s’agit pour le poète de reproduire la réalité
intérieure, de représenter avec des dessins ses sentiments. On peut parler de lyrisme visuel. Dans le
calligramme « La colombe poignardée et le jet d’eau », Apollinaire exprime sa peine et rend
hommage à ses amis disparus à cause de la guerre. Ce calligramme est composé en plusieurs
étages : on a d’abord la colombe, consacrée aux amantes, puis le jet d’eau et la fontaine, consacré
aux amis disparus. Comment Apollinaire parvient-il à exprimer sa peine et à rendre hommage à ses
amantes et amis disparus ? Tout d’abord nous étudierons la colombe, dédiée aux souvenirs des
conquêtes féminines connues avant la guerre. Puis nous analyserons le jet d’eau ou l’œil qui pleure,
dédié au souvenir des frères d’armes et des amis morts au combat.

I. La colombe dédiée aux souvenirs des conquêtes féminines (travail d’Elodie, Léane,
Célène, Zakaria, Reda, Amine, Olivia, Lucie, Emma, Julie, Baptiste, Tyffen, Anaëlle)

Citations Procédés Interprétation

Vers 1 : « douces figures Antithèse entre « douces » et La douceur évoque les


poignardées » « poignardées », entre la amantes. Le poignard dessiné
douceur et la violence par le C fait référence à la
violence de la guerre
sanglante. L’opposition entre
la douceur et le poignard
permet de souligner la
cruauté de la guerre.

Vers 1 : « chères lèvres Allitération en « r » et Expriment le désir, la


fleuries » métaphore qui assimile les sensualité, le plaisir.
lèvres à des fleurs

13
Vers 2-4 : « Mya Mareye Yette Enumération des noms des C’est une invocation : il les
et Lorie, Annie et toi Marie » amantes. appelle pour les faire ressurgir
Assonance en «i» et dans sa mémoire. Il ressent de
allitération en « m » la nostalgie pour les femmes
qui rappellent le temps de la
paix.
La douceur s’exprime à travers
la musicalité des noms. On a
l’expression du plaisir.

Vers 5-7 : « où êtes-vous ô Question rhétorique Le poète évoque des êtres


jeunes filles » Phrase interrogative directe disparus. Il déplore la perte
Registre soutenu des êtres aimés à cause de la
Question partielle guerre. La guerre sépare les
Tonalité lyrique amants.

Vers 8-11 : « Mais près d’un jet Allégorie des larmes. Passage qui exprime l’émotion,
d’eau qui pleure et qui prie » Personnification du jet d’eau. la tristesse, les larmes,
Allitération en « p ». conséquence de la guerre. La
Mots très courts souffrance est universalisée :
(monosyllabiques) le monde entier pleure la
Gradation (les vers sont de perte des amantes et des
plus en plus longs) amis. Le poète ne peut pas
Tonalité pathétique et retenir ses larmes.
élégiaque

Vers 12 : « cette colombe Allégorie de la paix. Le verbe « s’extasier » évoque


s’extasie » Vers libre le plaisir : la paix est synonyme
de plaisir et d’admiration pour
les femmes. La paix est aussi
synonyme de liberté, comme
l’indique l’utilisation du vers
libre dans toute la strophe qui
dessine la colombe.

Texte de Julie, Baptiste, Tyffen et Anaëlle (les deux dernières phrases en italique sont du
professeur) :

Pour commencer, dès le début, l’auteur souligne la cruauté de la guerre qui s’en prend aux
« douces figures » avec une antithèse : « douces figures poignardées ». Ensuite on distingue les
conquêtes amoureuses de l’auteur, dont les noms illustrent la douceur féminine. Le poète emploie
l’énumération, l’allitération en « m » et l’assonance en « i » pour souligner le plaisir, la douceur et la
sensualité féminine. Puis l’interjection « ô » est typique d’un poème lyrique qui évoque des êtres
disparus, des êtres qui se sont aimés mais qui ont été séparés par la guerre. L’auteur nous confie son
manque d’affection et sa souffrance avec une question rhétorique : « où êtes-vous ô jeunes filles ».
De plus, l’auteur souligne la souffrance que cause la guerre avec une personnification et une
allitération en « p » : « mais près d’un jet d’eau qui pleure et qui prie ». Finalement, le poète essaie
de redonner vie aux proches disparus, et à la paix, symbolisée ici par la colombe : « cette colombe
s’extasie ». La paix pour le poète est synonyme d’admiration pour les femmes et de plaisir amoureux.

14
D’où la nostalgie et les regrets du poète pour cette période révolue à cause de la guerre qui a séparé
les amants.

II. Le jet d’eau ou l’œil qui pleure, dédié au souvenir des frères d’armes et des amis morts
au combat.
Citations Procédés Interprétation

Vers 13-15 : « Tous les Octosyllabe, rimes suivies Le poète est submergé par les
souvenirs de naguère/O mes souvenirs des amis disparus. Il
Interjection lyrique
amis partis en guerre/Jaillissent réinvestit la forme
vers le firmament » traditionnelle du lyrisme
élégiaque. Assimilation des
amis au firmament qui exprime
le désir du poète de retrouver
ses amis. Désir vient du latin
« desiderare » qui signifie
« être face à l’absence
d’étoile ». Le poète constate
avec regret l’absence des amis.

Le verbe « jaillir » évoque les


larmes.

Vers 16-17 : « Et vos regards en La rime suivie Le rythme est ralenti. Le poète
l’eau dormant/Meurent prend conscience de la mort
Allitération en « m »
mélancoliquement » des amis. L’adverbe exprime la
Mots de plus en plus longs nostalgie et le regret.
(adverbe)

Tonalité pathétique et tragique

Vers 18-20 : « Où sont-ils Accumulations de questions Le poète exprime le regret, le


Braque et Max Jacob/Derain rhétoriques manque lié à l’absence et à la
aux yeux gris comme l’aube/Où disparition tragique des amis
Parallélisme anaphorique :
sont Raynal Billy Dalize » morts à la guerre.
« où sont-ils »

Accumulation des noms des


amis disparus

Vers 21 : « dont les noms se Néologisme : le poète a inventé Au souvenir des amis disparus
mélancolisent » le verbe « se mélancolisent » est attaché à la mélancolie, le
regret. Le poète invente un mot
pour exprimer sa souffrance.

Vers 22 : « comme des pas dans Comparaison La référence à l’église évoque la


une église » mort, l’enterrement des amis.

15
Vers 23-24 : « Où est Cremnitz Question rhétorique Le poète envisage de plus en
qui s’engagea/Peut-être sont-ils plus sérieusement la mort des
morts déjà » amis.

Vers 26-27 : « De souvenirs Inversion : « de souvenirs » mis L’auteur développe l’expression


mon âme est pleine / Le jet en relief en étant placé au lyrique et élégiaque de la
d’eau pleure sur ma peine » début du vers souffrance liée à la nostalgie,
au regret, à la mélancolie. La
Allitération en « p »
tristesse a envahi son âme.
Rime « pleine » et « peine »

Vers 28-29-30 : « Ceux qui sont Jeu sonore « tombe O » La guerre engendre la mort
partis à la guerre au nord se violente. Le poème est lui-
Antithèse entre la mort et la
battent maintenant/Le soir même un tombeau : un
vie.
tombe O sanglante mer/ hommage rendu aux amis
Jardins où saigne Champ lexical de la mort disparus. Dans la poésie, un
abondamment le laurier rose violente tombeau est un éloge funèbre,
fleur guerrière » un poème qui célèbre les
qualités de l’ami disparu.

La juxtaposition des images de


vie (mer, jardins, laurier rose) et
de mort renforce l’expression
de la douleur.

Le laurier n’est plus un


synonyme de triomphe guerrier
mais un symbole de mort.

Conclusion : (premier paragraphe : travail de Thiané, Gabriel, Ludivine, Matis, Antoine


et Valentin)

Pour conclusion, Apollinaire exprime sa peine et rend hommage à ses amantes et amis grâce
au calligramme qui est du lyrisme visuel, ce qui nous permet d’apercevoir et de ressentir différentes
tonalités : la tonalité lyrique, la tonalité pathétique, surtout représentée par la colombe, la tonalité
élégiaque et tragique, représentée par le jet d’eau, qui fait penser à un œil qui pleure, qui extériorise
ainsi l’homme de ses amis et frères d’armes perdus à la guerre.
Ce poème est à la fois moderne et traditionnel. Il est d’abord moderne par sa typographie
originale, par le fait que le poète introduit du mouvement, brise la forme orthogonale, casse les
codes, introduit la courbe, afin de symboliser un sentiment, une émotion. Le poète invente des
mots (le néologisme « se mélancolise ») et utilise le vers libre au niveau de la colombe. Mais ce
poème est aussi traditionnel par sa forme et son thème : le niveau du jet d’eau est composé en
octosyllabe et en rimes suivies, et le poète réinvestit le motif médiéval de l’« ubi sunt » (où sont-ils)
pour exprimer ses regrets, à la manière de Rutebeuf (poète du XIVe siècle) dans sa complainte et de
François Villon (poète du XVe siècle) dans la « Ballade des dames du temps jadis ».
On voit donc que Guillaume Apollinaire invente un lyrisme visuel en faisant la synthèse entre
la modernité et la tradition.

16
LECTURE LINÉAIRE 5

« Vieille chanson du jeune temps »

Les Contemplations, Victor Hugo (1856)

Introduction
Je présente l’auteur

− un des plus grands écrivains français du XIXe siècle : né en 1802, mort en 1885
− à la fois poète, dramaturge, romancier, essayiste, journaliste, homme politique,
dessinateur
− ici c'est le poète qui nous intéresse
− poète romantique
− le poète romantique célèbre le moi, ses inquiétudes, ses passions ; le lyrisme ici est le
véhicule de la mélancolie et de la méditation morale et philosophique sur le rêve, la mort,
l'amour, la condition humaine, l'univers.
− aspire à la communion avec la nature et avec l'humanité toute entière ;
Je présente l'œuvre

− 1856 : Les Contemplations : une de ses œuvres les plus célèbres


− œuvre multiforme
− définit son recueil comme « les Mémoires d'une âme » : « les Contemplations seront ma
grande Pyramide. »
− apothéose lyrique marquée par l'exil à Guernesey et la mort de sa fille adorée Léopoldine
− dans ce recueil le poète part à la découverte de son moi solitaire et de l'univers
Je présente le poème
- poème extrait du livre premier des Contemplations
- le livre premier s’intitule « Aurore »
- le livre premier est consacré aux souvenirs de l’enfance et de l’adolescence de Victor Hugo
- dans ce poème en heptamètres, Victor Hugo évoque l’échec d’une relation amoureuse
- poème lyrique teinté de tonalité pathétique
- le poète raconte sur un ton doux-amer, à la fois pathétique et ironique, une relation vouée à
l’échec dès le début
- le poète nous transmet une morale philosophique à travers cette histoire
Problématique : comment le poète parvient-il à exprimer ses regrets et sa nostalgie ?

Plan :

I. L’entrée dans le bois (l’entrée dans le poème) (vers 1-4)

II. Le jeu de la séduction (vers 5-32)

III. La chute (la fin du poème et de la séduction) (vers 33-36)

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I. L’entrée dans le bois qui correspond à l’entrée dans le poème
(premier quatrain) : travail de Thiané, Assia, Reda, Zakaria et
Matis

Le premier mouvement du texte est le moment où Rose et Victor entrent dans la forêt. Nous
voyons, grâce au verbe « songeais » à l’imparfait de l’indicatif, que l’auteur évoque un souvenir.
Il y a un chiasme entre les vers 1 et 2 entre « moi » et « Rose », ce qui montre dès le départ une
opposition entre Rose et l’auteur. De plus, les vers 1 et 4 sont des propositions négatives, tandis
que les vers 2 et 3 sont des propositions affirmatives, ce qui souligne à nouveau une opposition.
La négation du vers 4 montre que les souvenirs sont flous, et cela prouve que la discussion était
inintéressante, que celle-ci était en fait des bavardages, sans but concret. Cela nous montre un
réel désintéressement de Victor envers cette fille, ce qui prouve qu’il n’entame pas une
discussion importante à son goût.

II. Le jeu de la séduction (vers 5-32)

Deuxième quatrain : travail d’Emma, Lucie, Olivia et Ludivine :

Vers 5 : comparaison entre le « froid » et « les marbres » qui permet d’insister sur l’insensibilité de
Victor face à Rose. Victor est insensible à l’environnement et à la nature.

Vers 5, 6 et 7 : anaphore avec la répétition du pronom personnel « je » : Victor donne son point de
vue

Vers 6 : « je marchais à pas distrait » : Victor ne fait pas attention à Rose comme le prouve le verbe de
mouvement « marchais » qui rime avec l’adjectif qualificatif « distrait ». Il ne fait pas attention à
Rose, il ne la regarde même pas.

Vers 7 : champ lexical de la nature : « fleurs », « arbres », qui permet de décrire le décor. Ce champ
lexical apparaît à travers une énumération qui montre que les personnages sont dans un simple
bavardage, la discussion est plate, ils ne communiquent pas vraiment.

Vers 8 : personnification de l’œil qui « parle » en quelque sorte : cela prouve que Victor et Rose n’ont
pas les mêmes attentes. Rose a des attentes plus élevées.

Troisième quatrain : travail d’Elodie, de Léane et Célène

Dans le vers 1 de la strophe 3, nous pouvons apercevoir une personnification de la « rosée » suivie
d’une métaphore : « la rosée offrait ses perles ». Les perles représentent les gouttes d’eau, ce qui
permet de dévoiler la beauté de la nature. Nous pouvons entendre également le mot « rose » dans
le mot « rosée », ce qui signifie que Rose est en harmonie avec la nature, et donc qu’elle est aussi
belle que la nature.

18
Dans le vers 2, la nature apparaît comme le cadre idéal de l’amour, un lieu agréable et propice à la
naissance du sentiment amoureux.

Dans les vers 3 et 4, nous pouvons apercevoir une antithèse, une opposition entre « les merles » et
« les rossignols ». Les merles ont une image disgracieuse, avec un plumage noir, tandis que les
rossignols ont une image gracieuse, avec des couleurs vives, et un chant envoûtant, ce qui montre
que Victor et Rose n’ont pas le même état d’esprit.

Quatrième quatrain : travail d’Antoine, Hugo, Théo et Valentin :

Victor se compare à Rose en montrant qu’il se sent complètement différent. L’auteur emploie une
opposition avec le parallélisme entre le pronom personnel « moi » et « elle », puis avec l’antithèse
entre « seize ans » et « vingt ». Le poète se sert d’une personnification pour mettre en scène les
merles qui se moquent de Victor parce que celui-ci est aveugle à la beauté et aux signaux envoyés
par Rose, malgré la répétition du mot « rose » dans toute la strophe : « rossignols », « rosée ». On a
une antithèse entre « les merles me sifflaient » et « les rossignols chantaient Rose ». Victor est
ridiculisé par les oiseaux tandis que les rossignols célèbrent la beauté de Rose.

Cinquième quatrain : travail de Bilèl, Gabriel, Luna, Orlane, Louane

Dans ce cinquième quatrain, la tentative de séduction est très présente. Par le champ lexical du
corps : « hanche », « bras » (répété deux fois). Ce champ lexical renforce l’expression de la tentative
de séduction par le langage corporel. Nous pouvons également remarquer une allitération en « b »
qui souligne la beauté de Rose : « beau bras tremblant ». On a aussi l’allitération en « r » qui met en
relief la sensualité de la jeune femme : « pour prendre une mûre aux branches ». Ces vers font
référence à Adam et Eve dans le jardin d’Eden, lorsqu’Adam est séduit par le fruit défendu de l’arbre
interdit. Les mots « droite », « beau » sont des adjectifs qualificatifs mélioratifs qui mettent en
évidence la beauté de Rose. Rose se met en scène pour se mettre en valeur. Pour finir, le vers « Je ne
vis pas son bras blanc » est une proposition négative qui nous fait comprendre qu’il a été aveugle à
la tentative de séduction de Rose.

Sixième quatrain : travail d’Anaëlle et Tyffen

Dans ce sixième quatrain, l’auteur met en évidence un lieu agréable, fabuleux et pur, propice au
sentiment amoureux, comme le montre la personnification « une eau courait fraîche et creuse ». Le
poète décrit un endroit doux, donnant une atmosphère romantique, avec la métaphore « sur les
mousses de velours ». Le poète montre que l’amour est omniprésent dans la nature comme le
suggère la personnification « la nature amoureuse ». Tout fait signe vers l’amour.

Septième quatrain : travail d’Aaron, Alan et Mathéo

Dans ce quatrain, Rose provoque le désir de Victor, tout en faisant l’innocente, comme le montre le
terme « ingénu » au vers 2. Dans le troisième vers, il y a une allitération en « p » qui accentue la
beauté du pied de Rose : « petit pied dans l’eau pure ». Il y a un contraste entre les trois premiers

19
vers qui sont des propositions affirmatives et le dernier vers qui est une proposition négative, ce qui
montre une opposition entre les idées de Rose et celles de Victor.

Huitième quatrain : travail de Juliette, Anna, Brewen et Aymeric

Le poète emploie une négation totale : « je ne savais que lui dire ». Ici le « que » remplace le « pas ».
Cela montre que la situation est gênante pour le jeune Victor. Par ailleurs il la suit san but précis, il
est passif et non actif, il suit Rose sans aucune réflexion. Dans les vers suivants : « La voyant parfois
sourire / Et soupirer quelquefois », le poète emploie un chiasme entre « sourire » et « soupirer » qui
insiste sur la déception de Rose.

III. La sortie du bois : la chute, la fin du poème et de la séduction :


travail de Julie

Le poète utilise la négation restrictive qui permet d’exprimer le regret avec « ne » et


« qu’ » : « je ne vis qu’elle était belle qu’en sortant des grands bois sourds ». L’adjectif qualificatif
« sourds » pourrait caractériser l’attitude de Victor qui n’a pas su répondre aux signaux envoyés
par Rose. La tonalité présente dans la strophe est le lyrisme car le poète exprime ses sentiments
intimes et personnels, ici le regret et la nostalgie. Le poète se sert d’une antithèse entre « n’y
pensons plus » et « j’y pense toujours ». L’avant-dernier vers est négatif, tandis que le dernier
vers est affirmatif, ce qui souligne le regret du poète. Enfin, le dernier vers du poème entre en
opposition avec le tout premier vers du poème : « Depuis, j’y pense toujours » s’oppose à « Je ne
songeais pas à Rose », ce qui là encore montre que le poète a pris conscience de son erreur de
jeunesse, sur un ton doux-amer, mêlant subtilement tonalité lyrique et tonalité ironique, puisque
le poète adulte fait preuve d’autodérision à l’égard du jeune Victor.

Conclusion
- Ce poème est intéressant car il propose une vision romantique de la nature et de la femme
- Il est aussi original par le ton doux-amer, le mélange de mélancolie et d’autodérision
- Il y a une légèreté poétique créée grâce à l’heptasyllabe et à l’ironie du quiproquo
- L’écriture poétique permet ici de lutter contre les remords, d’avouer ses échecs et ses
erreurs sans sombrer dans une mélancolie destructrice
- La poésie permet de revivre le désir adolescent tout en lui donnant sa pleine et entière
signification
- Le poète s’adonne en toute lucidité au plaisir de la réminiscence
- Le poète invite le jeune lecteur à ne pas commettre la même erreur que lui
- Ce poème est une invitation à l’amour et à jouir de l’instant présent
- Le poète reprend à son compte la morale philosophique d’inspiration épicurienne que l’on
résume grâce à la formule « carpe diem » : cueille le jour présent
- Il faut profiter de chaque instant et saisir l’amour quand on a la chance de le croiser sur son
chemin
- Ouverture : Jean-Baptiste Corot (1796-1875), Souvenir de Mortefontaine, 1864, Musée du
Louvre, Paris. Arthur Rimbaud, « Première soirée »

20
LECTURE LINEAIRE 6 : « MELANCHOLIA » DE VICTOR HUGO
Introduction
Victor Hugo est un grand poète romantique du XIXème siècle. Il est aussi journaliste,
romancier, dessinateur, dramaturge et homme politique. C’est un poète romantique : il aspire à la
communion avec la nature et avec l’humanité toute entière. L’expression lyrique de la sensibilité et
l’amour de la liberté sont au cœur de sa création poétique. « Melancholia » est un poème extrait du
recueil Les Contemplations écrit en 1856. Il définit ce recueil comme « les mémoires d’une âme ». Il
rend hommage à sa fille Léopoldine qui est morte dans un tragique accident. Ce poème fait partie
du troisième livre de ce recueil intitulé « Les luttes et les rêves ». Dans ce livre, on retrouve un
Victor Hugo engagé toute sa vie contre la misère. Dans « Melancholia », il évoque l’injustice que
subissent les enfants en étant forcés de travailler à l’usine. La tonalité est à la fois lyrique,
pathétique, tragique et polémique. C’est un texte engagé dans lequel le poète exprime ses sentiments
personnels, sa tristesse, mais aussi sa colère et sa révolte. Il écrit pour défendre les droits des enfants.
Comment l’auteur parvient-il à dénoncer les injustices que subissent les enfants ? Le texte se
déploie en trois mouvements : d’abord la description du travail des enfants, puis les conséquences
de ce travail sur les enfants.

I. La description du travail : un travail long, pénible, répétitif et triste (vers 1-12)

- Vers 1 : phrase interrogative directe, question rhétorique, insiste sur la négation, antithèse
entre « tous » et « pas un seul » qui insiste sur la souffrance des enfants
- Vers 2 : « ces doux êtres pensifs » : périphrase méliorative : qui insiste sur la douceur,
l’innocence, l’intelligence des enfants
- Première indication sur l’état de santé des enfants : le travail provoque la maladie
(première conséquence négative)
- Parallélisme entre le vers 2 et le vers 3 : les enfants ne sont pas accompagnés, pas protégés
(seules) : ils sont abandonnés à leur propre sort
- Vers 4-6 : insiste sur la répétition de la tâche à accomplir (répétition de « même »), la
routine, la durée sans pause, invivable : « 15 heures », « de l’aube au soir »,
« éternellement » : compléments circonstanciels de temps, utilisation d’une gradation qui
insiste sur la durée du travail
- Vers 7-8 : métaphore filée du monstre : les machines sont personnifiées et apparaissent
comme des créatures dévorant les enfants (comme l’ogre dans les contes ou bien le
Minotaure dans la mythologie grecque) : les enfants risquent leur vie en travaillant à
l’usine
- Vers 7-8 : allitération en « r » et assonance en « on » qui créent une musique sombre et
inquiétante, semblant reproduire le bruit menaçant des machines
- Vers 8-9 : Idée (émotion) principale du vers : les enfants ne sont pas à leur place dans l’usine.
L’usine est décrite comme un lieu dur alors que les enfants sont faibles et doux. Figure de
style : deux antithèses entre « innocent » et « bagne », « ange » et « enfer » : gradation
(prison, bagne, enfer) qui souligne la dimension infernale de l’usine
- Vers 10 : le poète insiste sur le travail grâce au rejet « Ils travaillent. » Parallélisme de
construction entre « tout est de » et « tout est de » : insiste sur la dureté du travail avec
l’évocation des métaux : l’airain, le fer.
- Vers 11 : l’auteur dénonce l’injustice qui consiste à enlever le temps libre aux enfants, ce
qui gâche leur jeunesse /Figures de style : parallélisme « jamais on ne » (phrase négative qui
insiste sur l’absence de liberté)

21
- Vers 12 : phrase exclamative et tonalité pathétique (pitié) et tragique (parce que les
enfants sont impuissants face à l’usine et face aux adultes qui les exploitent)
- Phrase exclamative qui exprime la pitié
- Antithèse entre « pâleur » et « cendre » : les couleurs dominantes sont le blanc et le noir, le
gris (couleurs tristes)

II. Les conséquences de l’exploitation des enfants à l’usine (vers 13-25)

- Tonalité polémique : le poète dénonce le fait que le travail détruit la santé des enfants
- Vers 13-14 : tonalité lyrique : les enfants sont impuissants et épuisés (tonalité tragique)
- Antithèse entre « à peine jour » et « déjà bien las » appuyée grâce aux modalisateurs « à
peine » et « déjà bien »
- Phrase exclamative : tonalité élégiaque : les enfants se lamentent
- Tonalité pathétique : « hélas » interjection lyrique qui exprime la tristesse et les regrets
- Vers 15-16 : VH se fait le porte-parole et l’avocat des enfants, il veut les protéger et il
exprime leur tristesse et leur indignation
- VH se place dans un tribunal fictif dont le juge est Dieu : il défend les droits des enfants au
nom de Dieu
- L’adjectif qualificatif « petits » rappelle la fragilité des enfants
- Vers 17-18-19 : « infâme », « souffle », « étouffant », « défait », « fait » : Allitération en f
qui reproduit le souffle malade des enfants : l’exploitation à l’usine détruit la santé des
enfants
- Vers 20-22 : double antithèse entre « Apollon » et « bossu », « Voltaire » et « crétin » :
l’exploitation des enfants détruit leur beauté et leur intelligence
- Vers 23 : « travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre » : le travail est assimilé à un
rapace qui vole la jeunesse des enfants (métaphore)
- Vers 24 : « qui produit la richesse en créant la misère » : antithèse : argument économique :
les enfants sont exploités
- Vers 25 : « qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil » : travail mauvais car on considère les
enfants comme des objets (comparaison)

Conclusion
Au terme de cette analyse, on remarque que la poésie est un instrument de réflexion et de
dénonciation. Victor Hugo dénonce une injustice sociale. Il nous fait part des conditions
épouvantables dans lesquelles les enfants travaillent et les conséquences que cela a sur eux. Avocat
des enfants, il dresse un réquisitoire sans concession contre le travail des enfants à l’usine. Ce
poème a pour but de choquer le public pour que les choses puissent enfin changer et évoluer en
faveur des enfants. On peut comparer ce texte avec l’œuvre Les Misérables de Victor Hugo qui
raconte la misère dans toutes ses dimensions (sociale, économique, intellectuelle, morale) et qui
évoque une enfant, Cosette, qui est maltraitée et exploitée par des adultes, les Thénardier. Nous
pouvons aussi rapprocher ce poème de Germinal d’Emile Zola qui met en scène des enfants
travaillant dans des conditions effroyables, dans une mine comparée sans cesse à un ogre ou à un
dragon menaçant de dévorer les êtres humains, dans une ambiance à la fois réaliste, épique et
fantastique.

22
Lecture linéaire 7 réalisée par la classe : Molière, Le Malade
imaginaire, acte II scène 8

Introduction (réalisée par Thiané, Anna, Assia, Reda et Zakaria)

Molière, auteur du XVIIe siècle, est un homme de théâtre total. C’était à la


fois un auteur, un directeur de troupe, un comédien et un metteur en scène. A
l’époque, il était le protégé de Louis XIV. Il est mort lors de la quatrième
représentation du Malade imaginaire en 1673. Son ambition était de faire de la
comédie un genre noble, aussi reconnu et respecté que la tragédie. C’est un
auteur classique qui s’inspire du baroque. Le Malade imaginaire est une
comédie-ballet, une comédie de mœurs, une comédie de caractère et une
comédie d’intrigue qui repose sur la mise en abyme. Dans cette pièce, Argan, un
homme fou, ridicule, avare et hypocondriaque, cherche à marier sa fille Angélique à
un médecin. Dans cette scène, Argan interroge sa fille cadette Louison au sujet de
l’amant d’Angélique. Chaque personnage joue la comédie pour tromper son
interlocuteur. Comment Molière parvient-il à redoubler la théâtralité dans cette
scène ? Le premier mouvement, statique, est l’interrogatoire de Louison mené par
Argan. Le second mouvement du texte, dynamique est une parodie de tragédie.

I. L’interrogatoire : lignes 1-20 (partie réalisée par Lucie, Emma, Ludivine et


Amine)

- Ligne 2 : « Ne vous ai-je pas recommandé de me venir dire d’abord tout ce que
vous voyez ? » : phrase interro-négative qui montre l’autorité du père, il ne laisse pas
le choix de réponse. Il fait subir un interrogatoire à sa fille.
- Ligne 2 : « me » : pronom personnel placé au centre de la phrase interro-
négative, qui sert à montrer l’égocentrisme d’Argan ainsi que son égoïsme.
- Ligne 2 : allitération en « v » (« vous », « venir », « voyez ») et « d » (« dire »,
« de », « d’abord ») : ce sont des lettres dures qui montrent la colère d’Argan.
- Ligne 4 : « Oui » : adverbe d’affirmation qui montre que Louison ne contredit
pas son père. Elle joue le rôle de la petite fille innocente, soumise et parfaite.
- Ligne 6 : « L’avez-vous fait ? » : interrogation totale d’Argan qui prouve que
c’est le père qui mène l’interrogatoire.
- Ligne 10 : « Et n’avez-vous rien vu aujourd’hui ? » : phrase interro-négative qui
montre la suspicion, le manque de confiance du père envers sa fille. Il soupçonne sa
fille.
- La répétition de l’adverbe de négation « non » et la répétition de l’adverbe
« assurément » créent un comique de répétition. Cela montre le jeu de Louison, qui
joue un rôle, celui de la fille innocente, pure et parfaite, qui ne contredit pas son
père.

23
- « Mon papa » : le déterminant possessif « mon » permet à Louison de
surjouer le rôle de la petite fille innocente et affectueuse envers son père. Elle se
moque de lui en réalité. Le personnage de Louison nous fait rire. C’est du comique de
caractère.
- L’antithèse entre l’adverbe d’affirmation « oui » et l’adverbe de négation
« non » souligne le fait que Louison se moque de son père.
- Le jeu de Louison et celui d’Argan contribuent au comique de situation :
chacun joue un rôle, et le rôle de l’une pousse l’autre à jouer encore plus.

II. La parodie de tragédie : lignes 21-50 (réalisée par Léane, Elodie, Célène,
Gabriel, Luna, Orlane, Louane, Julie)

- Répétition de « mon papa » dans une phrase exclamative : Louison cherche à susciter
la pitié de son père pour ne pas se faire taper.
- La didascalie montre la pitié qu’elle veut provoquer chez son père en se mettant à
genoux afin d’éviter les coups de fouet de son père.
- Argan joue d’abord le rôle du bourreau qui exécute le châtiment contre la victime.
- Lexique de la pitié utilisé par Louison : « pauvre », « pardon » : elle implore le pardon
en invoquant Dieu.
- Lexique de la violence et du meurtre utilisé par Louison pour culpabiliser Argan :
« blessé », « morte ».
- La didascalie est amusante car elle dévoile le jeu de Louison qui joue à la morte : on a
là à la fois un comique de situation et une mise en abyme : de la comédie dans la comédie, du
théâtre dans le théâtre.
- Plus exactement les deux personnages reprennent les codes de la tragédie pour s’en
moquer et créer une comédie : c’est une parodie de tragédie.
- Argan joue ensuite le rôle du meurtrier assailli par le sentiment de culpabilité face au
crime commis, comme s’il était poursuivi par les dieux pour avoir assassiné sa propre fille,
dans une véritable tirade, selon un rythme accéléré.
- D’où l’accumulation de phrases exclamatives, des interjections (« Ah !), de la
répétition du son « ma » (« ma fille », « malheureux », « ma pauvre fille »), du vocabulaire de
la pitié et du désespoir (« malheureux », « pauvre », « misérable ») et de l’invocation divine
du meurtrier qui implore Dieu.
- Le comique de situation provient du renversement de situation : les « verges » qui
apparaissaient dans le premier mouvement comme l’instrument de la punition, du châtiment
et de la vengeance, deviennent l’arme du crime.
- Les comiques de situation, de geste et de caractère sont renforcés par la résurrection
miraculeuse et opportune de Louison : elle ressuscite comme par miracle, au moment où elle
comprend qu’elle ne risque plus de se faire frapper par son père. De victime tragique, elle
passe à un autre personnage, en jouant le rôle de la consolatrice : elle console son père. On a
une inversion des rôles : traditionnellement, c’est le père ou la mère qui console l’enfant. Ici
c’est l’inverse : la fille console le père.
- « Je ne suis pas morte tout à fait » : la locution adverbiale « tout à fait » exhibe le jeu
de Louison, ce qui renforce le comique de la scène.

24
- A la fin, le pardon du père obtenu par Louison montre qu’Argan se fait manipuler par
sa propre fille cadette. Il est la dupe de sa fille.

Conclusion
Pour conclure, cette scène relève de la tonalité burlesque avec les comiques de
caractère, de situation, de geste, de mot et de répétition. C’est également une parodie de
tragédie. Tout repose sur la mise en abyme. Les personnages se mettent à incarner d’autres
personnages qui se mettent à alimenter la comédie de l’autre. Argan est tour à tour
enquêteur, bourreau, meurtrier dévoré par le sentiment de culpabilité, tandis que Louison
joue le rôle tour à tour de la petite fille innocente, soumise, pure et parfaite, de la victime
tragique et de la consolatrice, pour mieux manipuler et duper son père. Cette parodie de
tragédie, où Louison joue à la morte, annonce les nombreuses scènes de fausses morts dans
l’acte III du Malade imaginaire, quand Argan joue au mort face à Béline puis face à Angélique
pour démasquer les hypocrites.

25
Lecture linéaire 8 : Molière, Le Malade imaginaire (1673), acte III
scène 3
Introduction
Molière, de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, est un écrivain, metteur en scène,
comédien et directeur de troupe du 17 e siècle, considéré comme la figure du théâtre français
et connu pour avoir été fortement critiqué à son époque. C’est un auteur classique qui
s’inspire du baroque. En 1673, il écrit et met en scène Le Malade imaginaire. C’est par ailleurs
sa dernière œuvre, puisqu’il meurt au bout de la quatrième représentation du Malade
imaginaire. Le Malade imaginaire est une comédie-ballet, une comédie de mœurs, une
comédie de caractère et une comédie d’intrigue qui repose sur la mise en abyme. Cette pièce
met en scène Argan, un homme hypocondriaque, avare et égocentrique, qui veut marier sa
fille Angélique à Thomas Diafoirus, un médecin. Or Angélique ne veut pas épouser Thomas
Diafoirus car elle aime Cléante. Angélique va être aidée par Toinette, la servante d’Argan, et
par Béralde, le propre frère d’Argan. Dans cette scène, Béralde essaie de raisonner Argan en
procédant à une critique de la médecine. Mais très vite, Argan en profite pour faire le procès
de Molière qui se moque de la médecine. Toute la scène repose sur une mise en abyme
vertigineuse dans laquelle les personnages discutent de leur propre créateur, Molière, et dans
laquelle Argan joue tour à tour le rôle du procureur, du juge, du bourreau, du médecin, et du
metteur en scène, fantasmant le meurtre de son créateur Molière. Comment l’auteur
parvient-il à mettre en scène un dialogue de sourds et la folie d’Argan ? Le texte se déploie en
deux mouvements : tout d’abord la discussion entre les deux frères s’apparente à un véritable
dialogue de sourds. Ensuite la folie d’Argan apparaît dans la tirade finale.

I. Un dialogue de sourds (partie réalisée par Célène, Elodie, Léane)

- Ligne 1 : « Moi » : pronom personnel : Béralde se met en avant, il s’affirme afin d’être
entendu par son frère.
- Ligne 1 : « mon frère » : l’expression est détachée du reste de la phrase grâce à des
virgules. Grâce à cette expression, Béralde affiche un ton calme, serein, et fait preuve
d’affection fraternelle.
- Lignes 1-2 : « chacun…peut croire ce qui lui plaît » : présent de vérité générale :
Béralde délivre une leçon de tolérance religieuse.
- Ligne 2 : « ce que j’en dis n’est qu’entre nous » : la structure emphatique et la
négation restrictive permettent à Béralde de souligner le fait qu’il ne veut pas imposer
ses croyances. Béralde est un honnête homme, raisonnable, mesuré, doux, calme,
posé, tolérant : l’inverse absolu d’Argan. Béralde est l’antithèse d’Argan.
- Ligne 3 : « j’aurais souhaité » : conditionnel passé qui insiste sur le fait que Béralde ne
cherche pas du tout à s’imposer, à imposer ses idées ou ses croyances.
- Ligne 3 : « un peu » : adverbe : Béralde est dans la mesure et la nuance, il ne se fait
pas non plus de faux espoirs sur sa capacité à convaincre son frère.
- Ligne 3 : « l’erreur » : Béralde parle d’erreur au lieu de faute pour désigner la folie
d’Argan. C’est un euphémisme qui révèle la prudence de Béralde, sa volonté de ne pas

26
heurter ou provoquer son frère. Béralde montre ainsi qu’il ne juge pas son frère
Argan.
- Ligne 4 : « une des comédies de Molière » : la mise en abyme commence : Molière
devient l’objet de la discussion des personnages. Molière se met en scène comme un
sujet de discussion pour ses propres personnages.
- Ligne 6 : « un bon impertinent » : oxymore : la stratégie de Béralde aboutit à l’effet
inverse du but escompté : il voulait calmer et divertir Argan, or il ne fait que
provoquer la colère d’Argan. Il réveille et dévoile le fanatisme et l’aveuglement
d’Argan quand le nom de « Molière » est cité. Argan joue le rôle de l’accusateur, du
procureur et du juge.
- Ligne 9 : structure emphatique, négation totale et antithèse entre « médecins » et
« médecine » : Béralde essaie de montrer que Molière n’attaque pas les personnes,
mais la médecine qui est selon Molière une croyance qui se prend pour un art ou une
science. Pour Molière, la seule véritable médecine, c’est la comédie. La comédie est
une médecine de l’âme. La comédie a le pouvoir de guérir de la mélancolie et de la
bêtise.
- Lignes 11-12 : parallélisme et accumulation d’oxymores, énumérations de
propositions : « un bon nigaud, un bon impertinent… » : les leçons de sagesse de
Béralde ne font que provoquer la colère d’Argan. Plus Béralde essaie de calmer Argan,
plus Argan s’excite contre Molière. D’où un comique de situation : le personnage de
Molière se met à critiquer et à insulter Molière.
- Argan, en s’excitant, montre sa bêtise et son aveuglement : comique de caractère. Il
réagit mécaniquement à la tentative de raisonnement de Béralde.
- Comique de répétition : Argan répète la même forme d’insulte à l’encontre de
Molière : « un bon impertinent »
- Comique de mots : « des personnes vénérables » : Argan sacralise les médecins, alors
que ceux-ci profitent de sa naïveté et de sa folie pour lui soutirer un maximum
d’argent. Il prend les vessies pour des lanternes.
- Béralde se fait l’avocat de Molière et de son théâtre : si la tragédie a le droit de mettre
en scène les rois pour en montrer les vices, alors la comédie a bien le droit de mettre
en scène les médecins, qui sont inférieurs aux rois.

II. La folie d’Argan (partie réalisée par Julie, Louane, Orlane, Louna, Olivia, Lucie,
Emma, Ludivine, Alan, Aaron, Anna, Mathéo, Juliette)
- « Par la mort nom de Diable » : Argan reproche à Molière de blasphémer en se
moquant des médecins. Il accuse Molière d’être diabolique ou satanique, de faire
preuve de méchanceté gratuite. Or là Argan ne se maîtrise plus et blasphème en
invoquant la mort et le diable. D’où l’utilisation du champ lexical de la mort et de
l’enfer.
- « si j’étais que des médecins » : proposition subordonnée conjonctive circonstancielle
de condition (introduite par la conjonction de subordination « si ») à l’imparfait de
l’indicatif : Argan imagine qu’il est médecin, il est dans le fantasme, il imagine jouer le
rôle d’un médecin. Mais alors qu’un médecin a pour mission de sauver des vies, Argan
imagine qu’il est médecin pour exécuter Molière, pour le torturer et l’assassiner.
Comique de situation et de caractère.

27
- « je me vengerais de son impertinence, je le laisserais mourir sans secours » :
conditionnel présent qui exprime le désir et le fantasme, saturation du pronom
personnel « je » qui trahit la folie d’Argan : il rêve d’être le bourreau de son créateur !
- Cependant la folie meurtrière d’Argan est en réalité bien inoffensive puisqu’Argan
imagine qu’il refuserait à Molière les saignées et les lavements pour précipiter sa
mort : or on sait que ce sont les saignées et les lavements qui entraînent souffrance et
mort chez le patient. Le châtiment imaginé par Argan est d’autant plus drôle qu’il
serait en réalité totalement inefficace et inoffensif. Cela prouve la folie d’Argan, qui
prend le poison pour un remède. Tout est inversé dans l’esprit d’Argan.
- « Beau faire et beau dire » : parallélisme qui trahit la perversion d’Argan imaginant
torturer Molière
- « Crève, crève » : la mise en abyme est totale : Argan se fait metteur en scène et
imagine qu’il donne la mort à Molière en l’insultant une dernière fois avant de
provoquer sa mort. On est dans la parodie d’une tragédie. Ce fantasme et cette mise
en scène sont d’autant plus drôles que le personnage est en réalité dans l’incapacité
de mettre à mort son propre créateur.

Conclusion (réalisée par Assia, Thiané, Aymeric, Brewen)


Au terme de cette analyse, on comprend que l ‘auteur parvient à mettre en scène un
dialogue de sourds entre un personnage têtu (Argan) et son frère, un honnête homme
(Béralde) grâce la gradation (il y a une montée en puissance puisque chaque réplique de
Béralde visant à calmer Argan pousse ce dernier à perdre le contrôle de soi et à accumuler les
rôles jusqu’à imaginer la mise en scène de la mort de Molière). En effet, chaque parole de
Béralde provoque de plus en plus la colère d’Argan. Béralde joue le rôle de l’avocat de Molière.
De plus, Argan joue de nombreux rôles : procureur, juge, médecin, bourreau, metteur en
scène. Nous pouvons rapprocher cette scène de l’acte II scène 8 avec la mise en abyme et la
parodie de la tragédie jouée par Louison. Dans tous les cas, cette scène nous rappelle que
pour Molière, la seule véritable médecine, c’est la comédie. La comédie pour Molière est une
médecine de l’âme, qui aide à lutter contre l’aveuglement idéologique, contre la bêtise et
contre la mélancolie. Le rire de Molière est un remède à la mélancolie et une leçon de sagesse
et de tolérance.

28
LECTURE LINEAIRE 9
Molière, Tartuffe ou l’Imposteur (1664-1669), acte III scène 3 (extrait)
Travail établi à partir de toutes les copies des élèves.
Introduction (1. Je présente l’auteur. 2. Je présente l’œuvre. 3. Je présente l’extrait. 4. Je

formule la problématique. 5. J’annonce le plan)

Molière, de son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, était dramaturge et comédien, à la fois

metteur en scène et auteur très érudit. Il a vécu au XVIIe siècle. Il crée une compagnie de

théâtre avec Madeleine Béjart, l’Illustre-Théâtre, qui obtient rapidement les faveurs de

Monsieur, le frère du roi, puis le soutien politique, financier et moral du roi Louis XIV lui-

même. Dans ses pièces de théâtre, Molière veut corriger les mœurs par le rire. Pour Molière, il

s’agit de « corriger les hommes en les divertissant » (Molière, « Premier placet au roi au sujet

de Tartuffe », 1669), en dénonçant l’avarice des hommes, les travers de la médecine, de la

justice, de la Cour et l’hypocrisie des faux dévots. La plaisanterie et le rire sont le masque qui

permet de dénoncer les injustices et les cruautés présentes dans la société. D’où l’emploi de

toutes les ressources du rire, de la farce et de la comédie. Molière fait la synthèse de toutes les

comédies depuis l’Antiquité : il puise son inspiration dans la comédie grecque et latine

(Ménandre, Plaute, Térence), dans la farce médiévale, le théâtre de foire, les auteurs libertins

(Cyrano), la comedia espagnole et la commedia dell’arte. Le Tartuffe ou l’Imposteur date de

1664-1669. Dans cette pièce, Orgon est un bourgeois dupé par l’hypocrisie de Tartuffe, qui

est un faux dévot. Tartuffe est un parasite qui manipule Orgon pour s’approprier sa richesse,

son épouse et sa fille. Molière a écrit et mis en scène une première version de Tartuffe en

1664 qui fut censurée sous la pression d’un groupe d’influence clandestin. En mettant en

scène cette pièce, Molière subit une campagne de diabolisation menée par le parti dévot.

Molière se défend en écrivant un prologue à destination du roi : « le Devoir de la Comédie

étant de corriger les Hommes en les divertissant ». Dans cette pièce, Molière met en scène et

dévoile la perversité qui se cache derrière le masque de la dévotion. Molière démasque

29
l’hypocrisie religieuse. Il présente sa pièce comme un parcours initiatique vers la vérité grâce

à toutes les ressources du comique. Dans cet extrait de l’acte III scène 3, Tartuffe dévoile

son désir auprès d’Elmire. Et en dévoilant son désir, Tartuffe dévoile sa véritable

nature. Mais le double langage qu’il emploie en permanence est aussi une mise en scène de

son hypocrisie. Comment Tartuffe essaie-t-il de séduire Elmire ? Le discours habile de

Tartuffe obéit aux règles traditionnelles de l’art oratoire : nous verrons tout d’abord que

Tartuffe adopte la posture de la victime dans l’exorde (vers 1-7) ; puis nous analyserons la

narration qui met en scène un Tartuffe se parant du masque du héros tragique (vers 8-15).

Enfin, nous découvrirons comment Tartuffe utilise le masque de la religion pour séduire

Elmire en lui proposant un marché de dupes (vers 16-23).

I. La posture de la victime : Tartuffe renverse la situation en inversant les


rôles

Pour commencer, dans le premier mouvement du texte, Tartuffe développe son

autoportrait. Dès la première phrase, il utilise le nom attribut « dévot » pour nous montrer

qu’il est particulièrement attaché à Dieu et à sa religion. Mais il se contredit rapidement car il

ajoute « je n’en suis pas moins homme ». Il se contredit également en trahissant sa religion et

Orgon pour Elmire, en voulant la pousser à commettre un adultère. Ici, il se considère comme

une victime innocente. Il prétend avoir essayé de résister à cette attirance, au charme exercé

par Elmire la tentatrice et la séductrice. Tartuffe joue la comédie : c’est donc une mise en

abyme, du théâtre dans le théâtre, de la comédie dans la comédie. Le désespoir se fait

ressentir grâce à l’interjection « Ah ! » Il exhibe sa souffrance comme si sa confession allait

à l’encontre de son désir, comme s’il était victime du charme d’Elmire. Cette souffrance est

celle produite par la contradiction entre la religion et le désir de l’homme. Tartuffe veut

montrer qu’il est sincèrement attaché à sa religion et à sa pratique : « pour être dévot ». Mais

30
en opposant la religion à l’homme, il sous-entend que ses désirs sont impossibles aux yeux de

la religion, mais incontrôlables pour l’homme qu’il est. Grâce à l’interjection « Ah ! », nous

avons une tonalité élégiaque. Tartuffe fait semblant de se lamenter sur son sort. En effet,

Tartuffe apparaît d’abord comme un homme faible : « je n’en suis pas moins homme ». La

négation souligne cette prétendue fragilité. Ici, il se considère comme une victime

innocente. Tartuffe emploie plusieurs conjonctions de coordination : « et », « mais ». La

conjonction de coordination « mais » sert à mettre en scène l’illusion de la contradiction

entre la foi en Dieu et l’amour pour Elmire. Le pronom personnel « je » permet de

construire l’autoportrait tout en exprimant ses sentiments intimes et personnels, d’où le

développement d’une tonalité lyrique. Dans ce texte, en effet, Tartuffe utilise la tonalité

lyrique afin qu’Elmire ressente de l’amour mais également de la pitié. L’autoportrait de

Tartuffe est indissociable du portrait mélioratif d’Elmire, à travers l’hyperbole « vos

célestes appas ». Cette hyperbole insiste sur le fait que Tartuffe place Elmire au-dessus de

Dieu. Quand il évoque « vos célestes appas », il l’annonce sur un ton emphatique, ce qui

montre un côté pervers. On peut voir une hyperbole ainsi qu’un oxymore dans l’expression

« célestes appas ». Les courbes d’Elmire sont divinisées. Il est ébloui et envoûté par son

charme. En associant « célestes » et « appas », Tartuffe annonce la tonalité tragique : il est

face à une puissance, la beauté d’Elmire, face à laquelle il ne peut rien. De plus, une

métonymie doublée d’une personnification est employée : « un cœur se laisse prendre, et ne

raisonne pas ». La métonymie présente Tartuffe comme l’esclave du désir amoureux. Il se

présente comme l’esclave de son cœur. Il veut nous faire comprendre qu’il n’y peut rien et

que ses désirs ont pris le dessus sur la raison. Il y a une opposition entre la raison et les

sentiments. Il se présente comme une victime n’ayant pas eu d’autre choix que de succomber

au charme d’Elmire. La personnification du « cœur » qui est piégé par les sentiments est

utilisée par Tartuffe pour se dédouaner de la situation. Tartuffe cependant maîtrise

31
parfaitement l’art oratoire : il anticipe la réaction d’Elmire : « Je sais qu’un tel discours

de moi paraît étrange ». C’est une technique pour empêcher la critique de l’interlocuteur.

L’opposition entre « ange » et « je » grâce à la négation du verbe être (« Mais, après

tout, je ne suis pas un ange ») souligne le raisonnement pervers de Tartuffe : il utilise les

références religieuses pour expliquer qu’il a des désirs sexuels. Le masque de l’humilité

lui sert à avouer et surtout à justifier ses désirs coupables. La phrase « Mais, après tout,

je ne suis pas un ange » fonctionne ainsi comme une litote : c’est une autre manière

d’avouer qu’il est un pervers. Ensuite, dans les deux dernières phrases de son autoportrait, il

apparaît toujours comme un pervers car il accuse Elmire d’être une manipulatrice. Tartuffe

nous fait comprendre qu’Elmire l’a envoûté. A travers l’expression « si vous condamnez »,

Tartuffe fait également comprendre à Elmire qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible.

Au vers 7 « vous devez vous en prendre à vos charmants attraits », Tartuffe cherche à flatter

Elmire : « vos charmants attraits ». Mais il la rend responsable de ce qu’il ressent pour

elle. Il essaye de la faire culpabiliser. Il lui fait comprendre que c’est de la faute de son

physique s’il trahit sa propre religion et commet ce délit. Pour finir, on a le champ lexical de

la religion dès cette première étape du discours : « dévot », « céleste », « ange », « aveu ». Et

ce champ lexical de la religion est mêlé au champ lexical de l’amour et du désir : « cœur »,

« charmants attraits ». Le terme d’ « aveu » fait autant référence à la confession religieuse

qu’à la déclaration amoureuse. Ce mélange des vocabulaires permet à Tartuffe de faire un

mélange des genres et de jouer ainsi sur les deux tableaux : celui du dévot et celui de l’amant

martyr. Son discours est blasphématoire car il utilise la religion afin de pouvoir pécher

sans que personne ne le soupçonne.

32
II. Le masque du héros tragique

Dans la deuxième partie du discours amoureux de Tartuffe, Elmire est idolâtrée. Il la

considère comme sa déesse : « la splendeur plus qu’humaine ». Tartuffe utilise une métaphore

et une hyperbole pour placer la beauté d’Elmire au rang du divin. Il assimile Elmire à une

déesse : « J’en vis briller la splendeur plus qu’humaine ; de vos regards divins l’ineffable

douceur ». Il la place sur un piédestal, comme une femme adorée par son amant. Il met en

avant la beauté d’Elmire grâce au vocabulaire de la vue et de la lumière : « briller »,

« splendeur », « regards ». Il essaie de la séduire et de la faire tomber dans ses bras. Tartuffe

avoue ses sentiments à Elmire dans une déclaration. Il emploie le passé simple pour

raconter la naissance du sentiment amoureux : « j’en vis », « vous fûtes ». Le verbe

« voir » est utilisé pour évoquer le coup de foudre. La vision d’Elmire a remplacé celle de

Dieu. Il utilise un vocabulaire précieux à l’image de l’amour courtois. Tartuffe se met en

scène comme le chevalier servant de sa dame. Il s’ouvre à elle en utilisant un vocabulaire

précieux. Il emploie une langue poétique pour amadouer sa proie. Le « cœur » de Tartuffe

rime avec la « douceur » d’Elmire. Les mots « larmes », « charmes », « cœur », « douceur »

sont à chaque fois en fin de vers pour insister sur ses émotions. Il la considère comme la reine

de son cœur : « De mon intérieur vous fûtes souveraine ». En plaçant le complément « de mon

intérieur » au début, le narrateur place ses sentiments au premier plan. En terminant le

vers par « souveraine », il souligne la toute-puissance du charme d’Elmire. Il montre ainsi

qu’Elmire a pris possession de son âme et qu’elle l’a comme envoûté. Il entremêle désir et

religion, qui mène à un discours incohérent. Il en reste néanmoins prudent et utilise la

religion comme arme rhétorique. On observe dans ce mouvement le champ lexical de la

religion : « jeûne », « prières », « mes vœux », « splendeur plus qu’humaine », « divins »,

« ineffable ». C’est un blasphème puisque Tartuffe est un homme de Dieu or il utilise des

mots religieux pour déclarer sa flamme à une femme mariée. C’est d’autant plus

33
blasphématoire qu’il mélange le vocabulaire religieux avec le vocabulaire du corps

féminin : « vos regards divins », « vos charmes ». Il se met en scène comme étant hypnotisé

par cette femme. Il se sert aussi de la religion pour séduire Elmire et la faire culpabiliser.

Tartuffe montre également à Elmire comment les moyens qu’il a tenté de mettre en

place pour résister au charme d’Elmire ont échoué : « força la résistance où s’obstinait mon

cœur ». Il se fait passer pour un héros épique et tragique. Tartuffe s’appuie donc aussi sur

les tonalités épique, tragique et pathétique pour susciter la pitié. Il se présente comme un

guerrier tragique qui mène un combat impossible contre l’amour : « Elle surmonta tout,

jeûnes, prières, larmes ». L’énumération selon un rythme ternaire permet de mettre en

relief les tentatives de résistance que Tartuffe prétend avoir essayé de mettre en place. Il se

met en scène comme un héros résistant à l’emprise d’Elmire. Sa prétendue défaite est une

stratégie pour conquérir le cœur d’Elmire en provoquant culpabilité et pitié. Le but est

aussi de gagner l’admiration d’Elmire. Tartuffe fait ainsi passer Elmire pour la coupable :

« tourna tous mes vœux du côté de vos charmes. » Il l’accuse de l’avoir séduit. Il se fait

passer pour la victime. C’est pourquoi les « charmes » d’Elmire riment avec les « larmes »

de Tartuffe. Il fait comprendre à Elmire qu’il souffre à cause d’elle. Le charme d’Elmire est

supérieur à sa foi et à son statut de dévot. Le but de Tartuffe est de se faire passer pour la

victime du désir et de l’envoûtement d’Elmire. Tartuffe retourne la situation en faisant passer

Elmire pour la tentatrice, une amadoueuse l’éloignant du droit chemin. Cependant, on peut

trouver aussi dans ce texte que Tartuffe est obsédé par lui-même : « de mon intérieur », « mon

cœur ». Les vers commencent et se terminent par lui.

Il profite ainsi de cette proximité pour se confier : « Mes yeux et mes soupirs vous

l’ont dit mille fois/Et pour mieux m’expliquer j’emploie ici la voix » Il insiste habilement sur

son péché grâce à l’hyperbole « mille fois » et en utilisant les pouvoirs de la parole :

« j’emploie ici la voix ». Plus exactement, dans cette tirade, et dans les vers 14 et 15,

34
l’imposteur utilise trois des cinq sens : la vue (« mes yeux »), l’ouïe (« mes soupirs », « la

voix ») auxquels il faut ajouter le toucher (« douceur » au vers 10). Nous avons donc un

dévot étonnamment sensuel. Cela insiste sur l’envie, le désir sexuel de Tartuffe. C’est un

religieux qui utilise ce rôle pour avoir un pouvoir sur les femmes. Pour nouer avec Elmire

une notion d’intimité dans la confiance, il avoue son blasphème. Il utilise la religion pour

la convaincre de sa passion pour elle, que cet amour est inattendu et innocent. Pour la

séduire davantage, il se place comme à la merci du bon vouloir d’Elmire. On a l’impression

que Tartuffe avoue sa fourberie à Elmire, comme s’il décidait de jouer cartes sur table. Mais

cette prétendue sincérité n’est qu’un masque que le prédateur adopte pour piéger sa

proie.

III. Le masque de la religion et le marché de dupes

Dans la dernière partie de son discours, Tartuffe pousse Elmire à le regarder : « Que

si vous contemplez ». Il fait appel à sa bienveillance : « d’une âme un peu bénigne ». Il se met

en scène comme un amant entièrement dévoué : « votre esclave indigne ». L’adjectif

possessif « votre » insiste sur le fait qu’il lui appartient. Elle le possède. Elle l’a envoûté. Il

s’adresse directement à elle comme à une déesse. La diérèse sur le mot « tribulations »

permet d’insister sur la souffrance de Tartuffe. L’allitération en [s] que l’on entend dans

« tribulations » et « esclaves » crée une sonorité qui rappelle le sifflement du serpent,

animal symbolisant le mal dans la Bible, qui pousse Eve à commettre le péché.

Tartuffe fait semblant de se sous-estimer : « mon néant », pour mettre à l’honneur les

qualités d’Elmire : « vos bontés », « me consoler ». Il veut montrer qu’Elmire est la plus belle

et qu’elle est tout face à lui. En employant le mot « suave », il dévoile une fois de plus sa

sensualité, son attirance pour le corps et les plaisirs de la chair. Il utilise aussi le mot

« merveille » pour comparer Elmire à un objet magique qui exerce un charme puissant.

Le vers « une dévotion à nulle autre pareille » exclut définitivement Dieu des préoccupations

35
de Tartuffe au profit d’Elmire. Tartuffe trahit sa foi au profit de son désir sexuel. Dans les

deux derniers vers, il promet de ne pas salir l’honneur d’Elmire. C’est un hypocrite qui fait un

marché de dupes. Il profite d’être un dévot pour faire ce qu’il veut. La négation « ne point »,

« n’a nulle » renforce la garantie de discrétion. L’égoïsme de Tartuffe apparaît à travers

les derniers mots, qui ne sont pas consacrés à Elmire, mais à lui-même : « de ma part ».

Cela traduit bien son désir de possession, qui n’a rien à voir avec l’amour sincère et pur.

On voit enfin que Tartuffe est plus attaché aux apparences, à la réputation sociale qu’à

l’amour comme le prouve le langage de la reconnaissance sociale : « honneur », « disgrâce ».

Tartuffe se démasque : il n’est qu’un vulgaire tentateur hypocrite.

Conclusion

Molière parvient à démasquer l’hypocrite qui se sert de la religion pour assouvir ses

fantasmes, gagner en popularité, et satisfaire ses désirs (ici purement sensuels). La dévotion

apparaît comme le masque hypocrite du désir charnel et matériel. Molière parvient à

dévoiler la véritable nature du faux dévot grâce à une rhétorique qui amalgame lexique

amoureux et lexique religieux. Mais cet amalgame fait ressortir la vérité sur les motivations

du faux dévot, qui se fait passer pour une victime, qui accuse la femme, qui inverse les rôles

et propose des marchés de dupe pour assouvir ses désirs. On retrouve la même manipulation

chez la figure du médecin dans le théâtre de Molière. Dans Le Malade imaginaire (1673),

Molière met en scène des médecins qui sont des charlatans utilisant les pièges du langage

pour manipuler Argan et lui soutirer tout son argent. Chez Molière, le faux dévot et le

médecin sont les deux faces d’une même fausse monnaie.

36
LECTURE LINEAIRE 10 : COLETTE, SIDO

Introduction
Je présente l’auteur
- Une des plus grandes autrices de la littérature du XXe siècle : romancière, comédienne,
journaliste à la fois
- Sidonie Gabrielle Colette naît le 28 janvier 1873 dans l’Yonne
- La mère de Gabrielle, Sidonie, était très cultivée
- Sa mère lui apprend à développer sa curiosité pour la nature et pour les livres
- Enfance heureuse à la campagne
- Bonne élève
- En 1893 elle rencontre et épouse à Paris un écrivain : Henri Gauthier-Villars, surnommé
Willy
- Grâce à Willy Colette développe son réseau dans le milieu littéraire parisien
- Elle rencontre Marcel Proust et Claude Debussy
- Son premier roman autobiographique paraît en 1900, mais il est publié sous le nom de
Willy : Claudine à l’école
- Ce premier roman connaît un succès tel que Willy pousse Colette à écrire de nouveaux
récits, toujours sous le nom de Willy : Claudine à Paris (1901), Claudine en ménage (1902) et Claudine
s’en va (1903)
- Willy ne cesse de la tromper et de l’exploiter
- 1902 : les récits de Colette sont adaptés au théâtre
- 1904 : Colette décide de reprendre sa vie en mains et parvient à publier un ouvrage sous
son seul nom : Colette Willy : Dialogues de bêtes
- La liberté de Colette est à la fois littéraire et sexuelle : elle fréquente les cercles lesbiens, et
devient l’amante de Mathilde de Morny
- 1906 : elle monte sur les planches et fait scandale en partageant la scène avec Mathilde de
Morny dans un spectacle intitulé Rêve d’Egypte (interdit à Paris à l’issue de la première
représentation)
- 1910 : elle se sépare de Willy et entame une carrière de journaliste
- 1912 : épouse Henry de Jouvenel, rédacteur en chef du journal Le Matin ; elle perd sa mère.
Sido, publié en 1929, est un hommage à sa mère.
- 1913 : naissance de sa fille, Colette de Jouvenel, dite Bel-Gazou
- Pendant la Première Guerre mondiale elle rédige des reportages sur la vie menée par les
femmes
- Chéri (1920) et Le Blé en herbe (1923) lui permettent d’être reconnue sur la scène littéraire
- Bertrand de Jouvenel, le fils du premier mariage d’Henry de Jouvenel, devient l’amant de
Colette
- 1924 : se sépare d’Henry de Jouvenel et rencontre Maurice Goudeket, qui devient son
troisième mari en 1935
- Reçoit la Légion d’honneur en 1922
- Ses œuvres sont adaptées au cinéma : Gigi en 1949, Chéri en 1950
- Devient présidente de l’académie Goncourt en 1949
- Meurt à Paris le 3 août 1954 et reçoit des obsèques nationales, même si l’église Saint-Roch
lui refuse toute cérémonie religieuse pour « conduite inconvenante »
Je présente l’œuvre
- Dans Sido, Colette rend hommage à sa mère
- Ce récit est un retour aux sources de la vocation d’écrivain, de l’amour maternel et de
l’amour de la nature

37
- Dans ce récit, Colette cherche à se construire en observant les autres et soi-même
- L’expression de la sensibilité est au cœur du récit : le corps et les sentiments permettent
d’accéder à la vérité de son être selon Colette
- Récit polyphonique : non seulement l’auteur s’exprime, dit « je », mais encore sa mère, son
père et ses frères s’expriment
- Le récit se nourrit aussi bien du théâtre que de la poésie : les dialogues vifs font penser à un
dispositif théâtral et les descriptions de la nature sont poétiques
- Œuvre marquée par le lyrisme
- Ecriture fragmentaire : les évocations de la mère, du père et des frères apparaissent de
manière évanescente, comme par éclats : l’auteur restitue des fragments de souvenirs, des images
ancrées dans la mémoire
Je présente l’extrait
- Extrait du premier chapitre intitulé « Sido » et consacré à la mère de Colette
- L’auteur associe le portrait de sa mère à la contemplation de la nature
- La nature est décrite comme une énergie vitale
- La mère est décrite comme une personnalité indépendante qui exprime sa liberté dans la
contemplation de la nature
- L’auteur développe plus un portrait moral que physique de sa mère : on parle d’éthopée
(portrait moral)
- Double tonalité lyrique (à travers l’expression de la sensibilité) et épidictique (à travers le
portrait élogieux de la mère)
Je formule la problématique : comment Colette parvient-elle à célébrer sa
mère ?
I. La contemplation de la nature qui permet à Sido de s’évader et de se
libérer (lignes 1-19)
II. Un portrait perspicace et affectueux de Sido par sa fille (lignes 20-29)

I. La contemplation de la nature qui permet à Sido de


s’évader et de se libérer (lignes 1-19)
A. La célébration lyrique de la mère (lignes 1-2)
- Dans ce passage Colette mène une enquête sur sa mère : elle s’interroge sur les liens entre sa
mère et la nature comme le prouve la question rhétorique (ligne 1)
- La négation totale dans la phrase au conditionnel présent : « je ne saurais le dire » indique
que la mère reste un mystère pour sa fille, une source de fascination et d’admiration
- L’extrait se présente comme une célébration lyrique de la mère : d’où l’utilisation des verbes
« chanter » et « célébrer » au présent d’énonciation
- Cette célébration lyrique se manifeste notamment à travers le pronom personnel « je » et
dans la musicalité : dès la première phrase ligne 1, la prose devient poétique grâce à un jeu sur les
sons : allitération en « d » (« d’où », « de »), assonance en « u » (« furent », « rurale »), allitération
en « r » (« furent », « remis », « rurale »), allitération en « s » (« sa », « sensibilité », « son »,
« province »), rime en « in » : « fin », « province »
- Colette célèbre chez sa mère la femme indépendante et sensible : mais cette indépendance
et cette sensibilité s’affirment et s’expriment dans la contemplation de la nature

38
B. La contemplation de la nature permet de se libérer (lignes 2-8)
- La contemplation de la nature réveille chez la mère de Colette une force qui lui permet de
se libérer des contraintes sociales : c’est ce que montre le champ lexical de la lumière (« clarté »,
« lumières », « allumées ») et l’antithèse entre la « clarté originelle », source de liberté, et les «
petites lumières péniblement allumées »
- La contemplation de la nature favorise un retour aux sources, un accès à la vérité de son
être, une libération
- Colette décrit ici l’observation par sa mère d’un merle qui mange les fruits de son cerisier
- Cette observation est source de fascination, comme le prouve l’utilisation de l’adverbe
mélioratif « passionnément » (ligne 7)
- Colette suggère une unité ou une harmonie entre la nature et sa mère : « la tête à la
rencontre du ciel »
- Cette observation de la nature par la mère est décrite comme une expérience solitaire,
source d’élévation, puisque la mère se tourne vers le ciel, et comme une source de libération par
rapport aux inventions humaines : « d’où elle bannissait les religions humaines »
- Le rapport que la mère établit avec la nature suggère que la nature est pour elle une force
supérieure et divine

C. La célébration de l’énergie vitale (lignes 9-19)


- Sido invite sa fille à assister au silence de la contemplation : répétition de l’injonction
« Chut ! » (lignes 9 et 16)
- La description du merle et de son festin de cerises est minutieuse : les sens sont mobilisés :
la vue à travers l’évocation des couleurs du merle et des cerises (« noir », « oxydé de vert et de
violet », « la chair rosée », le toucher (« piquait », « déchiquetait »), le goût (« buvait le jus »)
- La description du merle et de son festin est détaillée grâce à une accumulation de verbes
d’action : « piquait », « buvait », « déchiquetait »
- Sido invite également sa fille à observer attentivement le merle : d’où le champ lexical de la
vue : « regarde », « et tu vois », « remarque bien », les questions rhétoriques bâties sur un
parallélisme anaphorique avec la répétition de : « et tu vois »
- L’auteur insiste sur l’indifférence à l’égard des cerises qui sont perdues : la nature apparaît
comme une force vitale, une énergie et une harmonie que les humains ne doivent pas troubler
- La mère de Colette puise son énergie et son désir d’indépendance dans le spectacle de cette
nature

II. Un portrait affectueux et perspicace de Sido par sa fille


(lignes 20-27)
- Ce qui ressort de ce passage, c’est d’abord l’image d’une femme épanouie, en osmose avec
la nature : accumulation et parallélisme de groupes nominaux avec le champ lexical d’une joie
intense et débordante : « frénésie riante », « dansant », « allégrement »
- Cependant cette passion pour la nature a une conséquence : en se rapprochant autant de la
nature, Sido apparaît comme une mère détachée et parfois méprisante. Ce détachement indifférent
est souligné à l’aide du champ lexical de la déconsidération : « mépris », « dédain », « foulait »

39
- Cette indifférence et ce détachement ont heurté la jeune Colette : « qui me foulait avec tout
le reste »
- Mais l’auteur oppose son point de vue enfant, qui était dans l’incompréhension, au point de
vue adulte, qui révèle une mère libre et indépendante, grâce au présent d’énonciation et à l’adverbe
de temps « maintenant » : « Maintenant que je la connais mieux, j’interprète ces éclairs dans son
visage »
- Le point de vue adulte manifeste une réelle tendresse pour cette mère qui affirmait sa liberté
dans son amour d’une nature sauvage : « un besoin d’échapper à tout et à tous, un bond vers le
haut, vers une loi écrite par elle seule, pour elle seule »
- Les mots « échapper » et « bond » permettent de dévoiler ce qui anime la mère : un
désir d’évasion
- L’expression « loi écrite par elle seule, pour elle seule » manifeste l’affirmation de
l’autonomie et de l’indépendance de Sido
- L’auteur concède qu’il ne s’agit que d’une hypothèse en s’adressant directement au
lecteur : « si je me trompe, laissez-moi errer » : mais cette métaphore de l’errance est une
revendication de la liberté de l’écrivain qui a, grâce à son travail d’écriture, résolu l’énigme de
départ : ce qui anime sa mère, c’est le désir de liberté.
- D’où un portrait moral très élogieux à la fin du passage avec l’énumération d’adjectifs
qualificatifs mélioratifs : « bonne, ronde, humble » (ligne 26)
- L’extrait se termine par l’évocation d’une dernière image de la nature qui confirme la
force vitale et la supériorité de la nature sur les humains, puisque l’épouvantail s’est révélé
inutile et impuissant face à la gourmandise du merle, vainqueur.

Conclusion : cet extrait est conforme au projet de Colette dans Sido puisqu’il rend hommage à
la mère de l’auteur à travers une double célébration d’une femme indépendante et d’une
nature belle et supérieure, grâce aux tonalités lyrique et épidictique. Colette développe un
portrait élogieux, affectueux et perspicace de sa mère en restituant une scène qui révèle un
rapport harmonieux avec la nature. Le lecteur comprend, grâce au regard adulte de l’écrivain,
que la mère de Colette était une femme à la fois sensible et indépendante. Elle exprime son
indépendance à travers sa sensibilité pour la nature. On retrouve le même amour de la nature
et de la liberté dans Noces d’Albert Camus. Dans ce livre, Albert Camus décrit la nature
algérienne comme une force supérieure et indifférente au sort des hommes, mais c’est dans
cette indifférence au malheur que l’homme peut trouver la clé du bonheur et de la liberté.

40
LA CELEBRATION DU MONDE

LES VRILLES DE LA VIGNE

COLETTE

LECTURE LINEAIRE 11 : TABLEAU SYNTHETIQUE FAIT EN CLASSE


Rappel : que veut dire « célébrer le monde » ?
- Admirer ce que le monde comporte : les paysages, la culture, les histoires, la nature
- Aimer
- Colette exprime son amour pour sa mère (Sido est un hommage à sa mère), pour la
nature et pour la liberté
- Elle exprime son amour à travers l’évocation de la nature
- Tonalité burlesque et lyrique
Plan de la lecture linéaire 11 :
I. Un dialogue burlesque et lyrique au sujet de l’amour (lignes 1-8)
II. Une leçon de bonheur (lignes 8-18)

Problématique : comment l’autrice parvient-elle à célébrer l’amour et le


bonheur ?

I. Un dialogue burlesque et lyrique au sujet de l’amour (lignes 1-8)

Citations Procédés Interprétation


« Je haletais autant qu’Elle »
Comparaison et Animalisation de la femme
personnification de l’animal et l’humanisation du chien :
inversion burlesque des
rôles.
« se jeta à quatre pattes » Verbe de mouvement au Animalisation de Colette :
passé simple elle se confie à l’animal.
Colette est une femme de
courage car elle assume son
comportement. Elle est
révoltée et exprime ainsi
son désir de libération.
« Ce n’est pas un sale petit Négation totale et lexique Exprime son indépendance
bull bringé… » péjoratif

« il ne connaît pas l’amour, il Antithèse entre deux Son mari ignore l’amour. Elle
méconnaît… » propositions négatives et affirme sa connaissance
« Moi, j’aime une proposition affirmative intime de l’amour.

« aime » Répétition du verbe Elle aime l’amour. Tonalité


« aimer » (quatre fois), « lyrique.
aimant »
41
« Si tu savais », «Si tu Parallélisme Elle aime l’amour en le
pouvais » célébrant.

Phrases exclamatives (lignes Phrases exclamatives Expriment l’intensité des


3-8) sentiments.

« J’embellis », « je me Verbes exprimant le don et L’amour est une source de


donne », « m’emplit » l’accueil beauté, l’amour est absolu,
un acte généreux et total
« défaillance », « force » Antithèse L’amour nous rend plus fort
mais il nous expose aussi au
danger, on prend des
risques en ouvrant son
cœur.

II. Une leçon d’amour et de bonheur

Citations Procédés Interprétation


Ligne 8 Répétition de l’expression Le bonheur est qqch
« frôlement du bonheur » d’éphémère qu’on ne peut
pas totalement atteindre
« frôlement », « caresse Le lexique du toucher et Le bonheur est temporaire,
impalpable », « frisson » oxymore fugace
Le lexique du toucher Le lexique du toucher Le bonheur est un état
sensuel.
« comme le bout d’aile… » Comparaison Elle compare le bonheur à
qqch de léger
« cher paysage argenté… » Lexique de la vue et Pour célébrer le bonheur,
métaphore elle célèbre la nature.
«l’automne souffle… » Personnification et le sens Proximité avec la nature
de l’odorat
« bondissement… » Lexique de l’ouïe Pour accéder au bonheur, il
faut ouvrir son cœur. Le
bonheur est un état fugitif.
« haleine mûre et Rime, assonance en « u », Description poétique du
musquée » allitération en « m » bonheur
« voluptueuse » Adj qual Le bonheur est un état
sensuel
« tu es le frôlement même Pronom personnel « tu » Elle connaît le bonheur de
du bonheur » manière intime qui est dans
le regard de l’être aimé
Deux dernières phrases Tonalité burlesque La fin du texte fait écho au
début et offre un
contrepoint comique à
l’élan lyrique.

42
LECTURE LINEAIRE 11 : COLETTE, LES VRILLES DE LA VIGNE

Introduction

Je présente l’auteur : voir lecture linéaire 10

Je présente l’œuvre :

- C’est le premier ouvrage que Colette conçoit sans le contrôle de son mari Willy
- Recueil de 18 textes à l’origine qui ont été publiés dans des revues littéraires entre 1905 et
1907
- Colette écrit ces textes à un moment de grands bouleversements : elle se libère de l’emprise
de Willy et devient une autrice reconnue
- En 1934 Colette rajoute 5 textes au recueil
- Colette explore dans ces textes son identité grâce à un récit autobiographique qui s’appuie
sur le langage des sensations et des sentiments
- Ces textes sont à la fois lyriques et dramatiques : Colette s’approprie aussi bien les
techniques poétiques que les dispositifs du théâtre
- C’est aussi un récit polyphonique : Colette n’est pas la seule narratrice : elle donne la parole
aux animaux
Je présente l’extrait :
- dans « Toby-Chien parle », la narration épouse la forme du dialogue théâtral : Colette
imagine un dialogue entre son chat, Kiki-la-Doucette, et son chien, Toby-chien
- les animaux explorent le rapport que leur maîtresse entretient avec l’amour et le bonheur
- l’extrait étudié est une scène d’aveu : Toby-chien rapporte une confidence que sa maîtresse
lui a faite au sujet de l’amour et du bonheur, après que Colette se sépare de Willy
- cette confidence est une célébration lyrique de l’amour et du bonheur
Problématique : comment l’autrice parvient-elle à célébrer l’amour et le bonheur dans ce
passage ?
J’annonce le plan : le texte se déploie en deux mouvements :
I. Un dialogue qui inverse les rôles entre l’être humain et l’animal pour exprimer la révolte et
l’amour (lignes 1-8)
II. Une leçon d’amour et de bonheur (lignes 8-18)

I. Un dialogue qui inverse les rôles entre l’être humain et l’animal pour exprimer la révolte et
l’amour (lignes 1-8)
- Le passage se caractérise d’abord par une humanisation du chien et par une animalisation
de la femme : le chien est le narrateur qui rapporte les propos de sa maîtresse, et il
s’exprime comme s’il était un serviteur, un valet dans la confidence, et la femme
inversement se conduit comme un animal : le chien est « ému de sa violence » et la femme
« se jeta à quatre pattes »
- Situation comique et burlesque qui voit la maîtresse se conduire comme un animal et se
confier à son chien comme si ce dernier était un humain
- La femme est désignée par le pronom « Elle » : elle est observée et analysée par son chien :
on a une inversion des rôles qui crée un effet comique
- L’intimité entre le chien et la femme, créée par la mise en scène (la narratrice colle sa tête
contre celle du chien, en étant à quatre pattes), contribue au comique de situation

43
- La confidence de la maîtresse est un cri de libération, comme le suggèrent les nombreuses
phrases exclamatives au début (lignes 3-5) : Colette s’exprime avec force, sa parole est
libératrice et lui permet de s’affirmer comme une femme libre
- L’animalisation est une mise en scène comique qui permet à Colette d’exprimer sa force,
son énergie, sa combativité, sa volonté d’être libre
- Cette révolte est un cri d’amour à la vie, un moyen de s’affirmer, comme l’indique
l’adverbe d’affirmation « oui » (ligne 3)
- La révolte de Colette contre son ex-époux Willy s’exprime grâce à l’anaphore « inutile »
(lignes 3, 4, 5) : la répétition de cet adjectif qualificatif sert à qualifier la vie de Willy qui n’a
rien compris à l’amour
- Le vocabulaire péjoratif pour désigner le chien permet à Colette de tenir à distance les
éventuelles critiques qu’on pourrait lui faire : « un sale petit bull bringé » (ligne 3)
- La prise de distance que Colette établit avec Willy prend la forme d’une opposition radicale
grâce à l’antithèse entre les propositions négatives « Il n’aime pas assez », « Il méconnaît
l’amour » et la proposition affirmative « Moi, j’aime ! » (lignes 4-5)
- Colette s’affirme grâce à un rythme saccadé (les phrases sont courtes : « Quoi ? ... ma vie
aussi est inutile ? Non, Toby-Chien. Moi, j’aime ! » (ligne 5)
- Colette s’affirme également grâce au détachement qui met en valeur le pronom
personnel au début de la phrase : « Moi, j’aime ! » (ligne 5)
- La répétition du verbe « aimer » (lignes 5, 6, 7, 8) permet de rattacher la tirade de
Colette rapportée par le chien à un véritable cri du cœur : on pourrait presque dire
que Colette affirme son amour de l’amour
- L’adverbe d’intensité « tant » et la proposition subordonnée circonstancielle de condition
« si tu savais » permettent d’insister sur le degré de passion et d’amour de Colette (lignes 5-
6)
- La tirade de Colette est saturée par le pronom personnel « je », les phrases exclamatives, le
parallélisme (« si tu savais », « si tu comprenais ») et par le lexique de l’amour : on a une
tonalité lyrique : ce texte se caractérise par un lyrisme exacerbé, intense (lignes 5-8)
- L’amour est décrit comme une source de beauté : « j’embellis » (ligne 6), et comme un don,
un acte généreux, une offrande : « je me donne en aimant » (ligne 6-7)
- L’amour est aussi décrit comme une expérience paradoxale, puisqu’il est décrit à la fois
comme une force et comme une fragilité : antithèse entre « force » et « défaillance »
- L’amour est une source de bonheur

II. Une leçon d’amour et de bonheur (lignes 8-18)


- Le lyrisme se déploie grâce au langage des sens et des sentiments : l’auteur puise dans les
ressources poétiques de la langue pour décrire cet état ultime qu’est le bonheur procuré par
l’amour
- L’évocation du bonheur est très sensuelle, puisque Colette fait appel aux sens, et
notamment au toucher : « frôlement du bonheur » (répété deux fois), « caresse impalpable »
(lignes 8-9), « frisson »
- Le bonheur est décrit comme un état fugace, éphémère, précaire, fragile, imperceptible,
comme le révèle l’oxymore « caresse impalpable »
- L’évocation des plaisirs des sens et du corps est au cœur de la définition du bonheur : « le
long de mon dos » (ligne 9)
- Colette associe les sens et les éléments pour essayer de définir le bonheur : d’où la
comparaison lignes 9-10 : l’eau et l’air sont associés pour décrire la subtilité et la douceur du
bonheur
- Le bonheur est décrit comme une expérience extatique, intense et fragile : d’où l’évocation
des « larmes » et de « l’angoisse » (ligne 10)

44
- Le bonheur est également décrit à l’aide d’une métaphore visuelle : « un cher paysage
argenté de brouillard » (ligne 11), « ciel », « aube » (lignes 11-12)
- Le sens de l’odorat est également mobilisé pour décrire l’état de bonheur puisque le champ
lexical du parfum est utilisé : « une haleine mûre et musquée » (ligne 12)
- La rime en « mu » crée une musicalité qui contribue à la tonalité lyrique de la description
- La personnification de l’automne crée une intimité entre la nature et l’autrice : « l’automne
souffle » (ligne 12)
- Le bonheur est associé à la contemplation du crépuscule, qui crée un plaisir mélancolique
et fugace, éphémère : « tristesse voluptueuse des fins de jour » (ligne 13)
- L’oxymore « tristesse voluptueuse » permet de montrer que le bonheur est indissociable
d’une certaine forme de nostalgie
- La tentative de définition du bonheur est complétée par l’évocation du sens de l’ouïe :
« bondissement sans cause d’un cœur plus mobile que celui du chevreuil » (lignes 13-
14)
- L’ouïe est associée aux pulsations cardiaques, ce qui permet de lier sens et émotion,
puisque le cœur est le siège des émotions
- Ce cœur est ensuite associé à l’animalité grâce à la comparaison « plus mobile que
celui du chevreuil », ce qui permet à Colette de réaffirmer sa liberté
- Le bonheur prend de plus en plus d’importance dans la vie de Colette : il y a une
intimité entre le bonheur et l’autrice, comme le prouve la personnification du
bonheur
- L’autrice s’adresse directement au bonheur en utilisant la deuxième personne du
singulier, ce qui traduit une intimité certaine, ou une connaissance intime du
bonheur : « tu es le frôlement même du bonheur, toi qui gis au sein des heures les
plus pleines… » (lignes 14-15)
- Le bonheur est la conséquence ou le fruit de l’amour : c’est ce que suggère Colette quand
elle évoque la présence du bonheur dans le regard de son amante : « jusqu’au fond du
regard de ma sûre amie… » (ligne 15)
- Les nombreux points de suspension montrent une écriture qui cherche à définir le bonheur
comme un état fragile, sensible, éphémère, délicat, imperceptible et fugace.
- La fin du texte, qui menace le chien d’être privé de pâté, offre un contrepoint comique à la
description lyrique du bonheur
- La fin du texte rejoint le début du texte, comme dans une boucle, grâce à laquelle l’autrice
réaffirme avec force sa liberté, en se mettant en scène à nouveau comme un animal : « Elle
hochait furieusement », « à quatre pattes », « aplatie » (ligne 17)
- La comparaison finale « comme un chien qui va s’élancer » et le verbe « aboyer » (ligne
18) mettent en scène l’animalisation de Colette : cette métamorphose traduit le désir
de liberté de l’autrice.

45
LECTURE LINEAIRE 12 : ALBERT CAMUS, NOCES, « Noces à Tipasa »
(1938)

Introduction

− Albert Camus (1913-1960) : écrivain, journaliste, dramaturge et philosophe


− Prix Nobel de littérature en 1957
− A passé son enfance et son adolescence en Algérie
− Entre 1935 et 1936 il fréquente Tipasa (village du littoral algérien, à l'ouest d'Alger)
− Noces : recueil de 4 textes autobiographiques publié en 1938
− Dans « Noces à Tipasa » Albert Camus est un jeune homme de 25 ans qui décrit son amour
de la nature, du soleil et de la plage
− Pour Albert Camus, la fréquentation de la plage à Tipasa est l'occasion de vivre une
expérience unique, qu'il appelle les « noces avec le monde »
− Le bain de mer est une source de plaisir sensuel qui encourage Albert Camus à célébrer la
beauté du monde et à accepter la condition humaine
Problématique : en quoi cet extrait est-il une ode à la beauté du monde et une célébration de
l'existence ?

J'annonce le plan : le texte se déploie en trois mouvements :

I. Une perception sensuelle du monde (lignes 1-4)


II. L'amour de la nature (lignes 5-12)
III. L'amour de la vie et de la liberté (lignes 12-19)

I. Une perception sensuelle du monde (lignes 1-4)

− Le premier mouvement est une longue phrase écrite au présent de description qui permet
au narrateur d'insister sur le plaisir sensuel de faire corps avec le monde
− Le narrateur sort de la mer où il vient de se baigner et se laisse tomber sur le sable, d'où le
champ lexical de la plage : « rivage », « sable », « soleil », « eau », « sel »
− Le terme de « chute » (ligne 1) est traditionnellement péjoratif, mais ici cette « chute » est
synonyme d'harmonie avec la nature ; par ailleurs le terme de « chute » est mis en valeur
grâce au présentatif « c'est » : le narrateur fait corps avec le monde
− De même, le verbe « abandonner » traduit normalement une forme de désespoir ; or ici
l'abandon décrit est une forme de lâcher-prise, de libération, une source de plaisir, comme
si le narrateur cherchait le réconfort en fusionnant avec la nature environnante :
« abandonné au monde »
− L’expression « abruti de soleil » peut paraître également péjorative, mais en réalité le
participe passé « abruti » révèle ici un retour à l'état brut. Le soleil permet au narrateur de
s'unir au monde et ainsi de retrouver la vérité de son être comme nous le verrons dans le
dernier mouvement.
− L’énumération de participes passés permet d'insister sur le fait que le narrateur fait corps
avec le monde : « abandonné...rentré...abruti... »
− Le complément circonstanciel de manière « de loin en loin » souligne l'idée selon laquelle le
lâcher-prise, l'abandon à la nature, est en même temps une ouverture au monde
− Le narrateur rentre dans son corps pour mieux s'ouvrir au cosmos

46
− Le lecteur est plongé dans l'univers de la plage grâce au point de vue interne, comme
l'indiquent les déterminants possessifs à la première personne du singulier : « ma »,
« mes »
− Le narrateur se décrit comme appartenant au monde : c'est ce que prouve l'évocation des
éléments, comme la terre (« rivage », « sable », « poussière »), le feu (« soleil ») et l'eau
(« flaques », « l'eau »)
− Le narrateur se définit par son corps : c'est ce que révèle le champ lexical du corps : « ma
pesanteur de chair et d'os » (périphrase pour désigner le corps), « mes bras », « peau
sèche », « duvet blond »
− L’allitération en « l » contribue à insister sur l'importance de l'eau et permet de créer une
évocation sensuelle du monde : « flaques », « glissement de l'eau », « blond »
− L’idée de fusion avec le monde apparaît dans l'association de l'eau et de la peau : « flaques
de peau sèche », et dans l'association des poils et du sel : « le duvet blond et la poussière de
sel ». Le sec et l'humide d'une part, la douceur du duvet et l'amertume du sel d'autre part
sont étroitement liés. Dans la fusion avec le monde, les opposés finissent par coïncider. Il y a
comme un entrelacement du corps avec la nature environnante. Le narrateur fait partie du
monde.

II. L'amour de la nature (lignes 5-12)

- le changement de paragraphe amorcé avec le verbe « je comprends » au présent d'actualité traduit


un éveil, une prise de conscience du narrateur : on passe du plaisir brut décrit dans le premier
paragraphe à un début de réflexion au deuxième paragraphe

− Le narrateur prend conscience que l'amour de la nature est une source de plaisir et de
bonheur
− Alors que dans la tradition chrétienne, la vie sur Terre est considérée comme le résultat d'une
chute, du péché originel, et que l'humanité apparaît comme abandonnée par Dieu, pour
Albert Camus la nature terrestre, la chute du corps et l'abandon dans la nature sont une
source de plaisir et de bonheur
− Albert Camus renverse la perspective chrétienne pour célébrer l'amour de la nature ici-bas
− Pour Albert Camus il n’est pas nécessaire d’attendre de mourir pour espérer atteindre le
Royaume de Dieu
− Pour Albert Camus la nature terrestre est le seul Royaume
− D’où l’émerveillement du narrateur pour la splendeur de la nature
− De même, l'adverbe de lieu « ici » (ligne 5) permet d'insister sur le fait que la plage offre une
expérience sensuelle d'harmonie avec le monde : le bonheur ne se situe pas après la mort,
comme le croient les chrétiens, mais « ici » (ligne 5) et « maintenant » (ligne 11)
− Dès lors Albert Camus redéfinit le terme de « gloire » : alors que chez les chrétiens le terme
de « gloire » désigne la manifestation de la toute-puissance divine, mais aussi le bonheur
éternel après la mort pour ceux qui accèdent au paradis, pour Albert Camus la « gloire »
désigne « le droit d'aimer sans mesure » la nature
− Cet amour est hyperbolique : « sans mesure »
− Le narrateur célèbre son amour du monde terrestre et sensuel, comme l'indique la
négation restrictive « il n'y a qu'un seul amour dans ce monde », renforcée par l'adjectif
qualificatif « seul »
− Pour bien faire comprendre son amour de la nature terrestre et sensuelle, le narrateur établit
un parallèle avec l'amour pour une femme : il y a pour Albert Camus une similitude entre le

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plaisir de l'amour charnel et le plaisir lié à l'amour de la nature (lignes 6-7)
− La nature est une source d' « amour » et de « joie »
− comme dans le premier mouvement, le narrateur utilise des verbes qui pour les chrétiens
sont synonymes de déchéance, de malédiction, de condamnation et de désespoir :
« descend » (au présent de vérité générale, ligne 7), « jetterai » (au futur de l'indicatif, ligne
7) : mais ici ces verbes expriment au contraire une énergie vitale, une force qui favorise la
fusion avec le cosmos alors que dans le premier mouvement seuls la vue et le toucher étaient
mobilisés, ici l'odorat entre en jeu pour décrire l'amour de la nature : « me faire entrer leur
parfum dans le corps »
− L’odorat favorise l'union avec la nature et la prise de conscience du narrateur de son amour
pour la nature : « j'aurai conscience » (ligne 8)
− Le narrateur prend conscience que l'amour de la nature permet d'accéder à la vérité : la
vérité nue, la vérité du monde, contre la société qui vit de manière inauthentique : d'où
l'antithèse entre « tous les préjugés » (masculin pluriel) et « une vérité qui est celle du
soleil » (féminin singulier)
− Dans la nature en effet les conventions sociales, les règles de la société, les artifices des
sociétés, les institutions, n'ont plus de sens : la nature, le « soleil » pour Albert Camus
rappelle au contraire à l'être humain qu'il fait partie de la nature et qu'il est mortel
− Pour Albert Camus il y a une authenticité dans la nature que les sociétés, avec leurs artifices,
leurs croyances et leurs institutions, ont perdue
− Dans la nature l'être humain se découvre face à lui-même
− D’où l'exaltation, l'enthousiasme du narrateur pour cette nature qu'il célèbre grâce à la
tonalité lyrique et grâce à la mobilisation de tous les sens
− Grâce à une énumération, le narrateur s'appuie sur le toucher (« pierre chaude »,
« fraîche »), le goût (« une vie à goût de pierre chaude »), l'ouïe (« soupirs », « chanter ») et
la vue (« bleu ») : ces 4 sens viennent compléter l'odorat qui est mobilisé dès le début du
deuxième mouvement
− Par ailleurs les sens sont associés : le goût donne naissance au toucher, le toucher crée
l'ouïe : cette association des sensations pour célébrer l'amour de la nature correspond à ce
que l'on appelle une synesthésie (une sensation amène une autre sensation, ici le goût
amène le toucher et le toucher amène l'ouïe).
− La dernière phrase du mouvement : « La brise est fraîche et le ciel bleu » repose sur un
parallélisme et permet au narrateur d'affirmer avec simplicité son amour de la nature, la
célébration sensuelle de la nature.

III. L'amour de la vie et de la liberté (lignes 12-19)

− Le troisième mouvement commence avec un aveu, une confidence, grâce au verbe


« aimer » à la première personne du singulier et au présent d'actualité : « j'aime »
− L’amour de la vie et de la liberté est au cœur du dernier mouvement
− La phrase ligne 12-13 est construite grâce à un parallélisme qui met sur le même plan les
verbes « aimer » et « vouloir », « abandon » et « liberté »
− Le nom « abandon » (ligne 12) fait écho au participe passé « abandonné » (ligne 1) : il est
synonyme de lâcher-prise, source de plaisir et de « liberté »
− L’amour de la nature est un retour à l'état brut dans lequel le narrateur retrouve sa liberté,
loin des conventions sociales et des mensonges de la société
− Albert Camus établit une opposition très forte entre la vérité qu'il découvre grâce au bain de
mer et les mensonges de la société : cette opposition se traduit grâce à l'antithèse entre le
pronom personnel « je » (ligne 12) et le pronom indéfini « on » (ligne 13), entre la phrase

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affirmative « elle me donne l'orgueil de ma condition d'homme » (ligne 13) et la phrase
négative « il n'y a pas de quoi être fier » (ligne 14)
− Face au jugement de la société introduit par l'adverbe d'opposition « pourtant » (« il n'y a pas
de quoi être fier »), Albert Camus se fait l'avocat d'une vie qui célèbre la beauté et la vérité
du monde terrestre : « Si, il y a de quoi »
− Le discours d'Albert Camus est à la fois épidictique, lyrique et épique : il fait l'éloge de la vie
sensuelle et terrestre grâce à une énumération (lignes 14-15), un parallélisme, une
paronomase (« mon cœur...mon corps ») et une rime (« corps », « décor ») qui renforcent
la fusion du narrateur avec le monde.
− La dimension épique apparaît à travers le point de vue panoramique sur le paysage, puisque
le narrateur semble survoler le « soleil », la « mer », avec un « cœur bondissant » dans un
« immense décor »
− La dimension épique apparaît aussi dans l'expression de l'élan vital, comme l'indiquent
l'adjectif qualificatif « bondissant », le nom « jeunesse », le nom « gloire », le nom « force »,
le nom « ressources » et le verbe « conquérir » mis en valeur grâce à une structure
emphatique : « c'est à conquérir cela qu'il me faut appliquer ma force et mes ressources »
(lignes 16-17)
− La nature est synonyme de vérité et d'authenticité : c'est notamment ce que révèle l'adjectif
qualificatif mélioratif « intact »
− Si Albert Camus lâche prise dans la nature comme il le suggère à de multiples reprises avec
le participe passé « abandonné » ligne 1 et le nom « abandon » ligne 12, c'est pour mieux se
retrouver : c'est le sens de la proposition négative « je n'abandonne rien de moi-même »
− Dans la nature, les faux semblants, la comédie sociale, les identités sociales, les
conventions sociales, les artifices des hommes, n'ont aucun impact
− Dans la nature, le narrateur retrouve sa véritable identité : celle d'un homme qui fait corps
avec le monde, qui accepte sa condition humaine et mortelle : « je ne revêts aucun masque »
− La métaphore du « masque » sert à désigner la vie en société comme une comédie qui nous
éloigne de nous-mêmes et de la nature
− La nature est pour Albert Camus l'école de l'authenticité : le monde, par sa beauté, nous
invite à accepter notre condition : « la difficile science de vivre » est opposée dans une
antithèse à « leur savoir-vivre » qui désigne la comédie sociale.
− Pour Albert Camus, vivre est un métier et une école qui consiste à apprendre à
s'abandonner au monde pour mieux se retrouver

Conclusion
Je réponds à la problématique
− Ce texte célèbre les noces du narrateur avec la nature grâce aux tonalités lyrique,
épidictique et épique, aux synesthésies et à l'antithèse entre la vérité de la nature et les
faux-semblants de la société
− Albert Camus propose un art de vivre qui consiste à faire corps avec le monde, à
s'abandonner pour mieux se retrouver et accepter la condition humaine
− Vivre pour Albert Camus consiste à célébrer l'existence et la beauté du monde : c'est à cette
condition que l'on devient libre
Je propose une ouverture
− Cet éloge lyrique et épique du lâcher-prise et de la nature comme école de la liberté
rappelle l'éloge que fait Colette de sa mère Sido quand elle contemple le festin d'un moineau
se régalant des cerises du jardin (lecture linéaire 10)

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− Par ailleurs l’éloge d’une nature sensuelle, la glorification du soleil, la révolte contre une
société hypocrite, l’émerveillement face à la splendeur de la nature sont autant de
caractéristiques qu’Albert Camus développe dans son roman le plus célèbre, paru en 1942,
soit 4 ans après Noces : L’Etranger.

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