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Dans cet ouvrage, Baptise Morizot pose notre rapport au vivant comme enjeu majeur
de la crise écologique, qui est pour lui une crise de la sensibilité. Cet ouvrage jongle
avec les genres littéraires, entre récit de piste, poésie et essai philosophique, il
s'aborde comme un guide sur la piste de la pensée de l'auteur.
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Barbara Cassin : traduire les l'intraduisibles
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Aventurine BAFFIE DAUVIER M1 COMEDD
Baptiste Morizot remet ici en question l'affirmation selon laquelle l'humain est le plus
évolué des êtres vivants. Il ne l'est pas, chaque espèce a une forme d'intelligence
dont elle est le brouillon des évolutions futures. La thèse de l'improbabilité de notre
intelligence est pour l'auteur dépassée, il lui préfère la thèse des convergences de
Conway Morris. L'extinction de masse apparait alors comme un avortement des
futures espèces potentielles : nous ne laissons plus le temps et l'espace nécessaire à
l'évolution des espèces. Nous exterminons ceux dont nous descendons.
Lors de ses observations nocturnes des loups et troupeaux pour CanOvis, l'auteur crée
un parallèle dans l'affrontement des chiens de bergers contre les loups et le conflit
des deux visages de l'humain : celui du domesticateur contre le chasseur-collecteur.
Les itinéraires de pâtures favorables à la protection des brebis vis-à-vis du loup sont
ceux les plus favorables à la protection du milieu de montagne 3, le loup est alors un
"accélérateur" vers la protection des territoires. De là, émerge le principe de
communautés d'importances et des alliances diplomatiques comme apiculteur-
abeilles. Morizot distingue deux temps de la diplomatie : celle de la lutte par alliances
interspécifiques (la lutte politique contre l'adversaire est prioritaire) et celle de la
diplomatie de composition (créativité du point de vue des interdépendances). Le
slogan " nous sommes le vivant qui se défend" serait alors une réponse à la crise
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Platon, morale du cocher
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Aldo Léopold, Penser comme une montagne
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écologique mais aussi à la crise existentielle de la sensibilité : qui nous sommes, ce qui
nous fait.
ARGUMENTATION :
La thèse proposée par Baptiste Morizot dans cet ouvrage, serait, comme réponse à la crise
écologique, crise de la sensibilité de renouer avec le vivant et s’intégrer à lui, mettre fin à
l’altérité radicale. Il s’agirait d’aimer le vivant, au sens spinoziste du terme : se réjouir de son
existence et donc se réjouir de sa santé et de sa sauvegarde. Baptiste Morizot imagine une
sauvegarde de ce monde par son amour pour lui et non par la haine des principes qui le
dictent. Comme l’annonce Pablo Servigne : ce serait étendre le social au vivant. Cependant,
la manière de renouer avec ce vivant me pose problème, comment peut-on, dans nos
sociétés naturalistes dépasser ce dualisme sachant que nos imaginaires se fondent sur celui-
ci ?
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En outre, Baptiste Morizot aborde dans son ouvrage le principe de permaculture intérieure
à propos de la domination des passions. Il ne serait pas envisageable d’appliquer le principe
de domestication à la pensée et aux désirs comme nous le domestiquons le vivant. Pour
André Georges Haudricourt, la relation originelle qu’une société met en place avec les
animaux reflète la relation qu’elle met en place entre les humains. Ainsi, dans un contexte
de domestication, et de domination de l’animal, il est également appliqué entre être-
humains. Ce principe de domestication intra-espèce humaine est développé dans le
parallélisme que fait Baptiste Morizot lors de l’affrontement entre les loups et les chiens de
bergers, ce à quoi il rapproche la domestication du chasseur-collecteur par l’Homme
domesticateur. Ce parallélisme des rapports peut être étendu au vivant en général par cette
phrase d’Ernst Friedrich “ étudiez quel traitement une société fait subir à sa terre, et vous
arriverez à des conclusions relativement dignes de foi quant à l’avenir qu’elle se réserve.” Le
rapport qu’a une société aux vivants, animaux comme végétaux, est en corrélation étroite
avec la prospérité de celle-ci. Ainsi, Baptiste Morizot propose une agriculture de la
philosophie. Dans Zabriskie Point, film de Michelangelo Antonioni, Daria questionne “
Imagine que tes pensées soient comme des plantes, qu’est-ce que tu y vois ? C’est comme
un jardin soigné et net ? Ou bien tu y vois des choses sauvages, des fougères grimpantes,
des mauvaises herbes ?” La formulation de Baptiste Morizot pourrait-être une réponse à la
question de Daria : “ “Je” suis une forêt-jardin permacole, là où les morales classiques
voudraient que je sois un impeccable jardin à la française, là où le romantisme me fantasmait
en jardin à l’anglaise et, là où la morale néo-libérale exige que je sois une parcelle de
monoculture à haut rendement”. Morizot préfère à la domination des passions, une éthique
diplomatique, qui révèle d’une permaculture de soi, d’une compréhension de l’écologie des
passions. Ainsi, notre rapport au vivant pourrait-être lié à nos rapports internes et nous
pourrions appliquer le même principe de permaculture, de l’écologique de compréhension,
à notre monde intérieur et extérieur., comme nous l’avons fait avec le principe de
domination. Traiter nos pensées dans la même démarche que nous traitons le vivant, c’est-
à-dire comme une raison dont la pratique est joyeuse nous permettrait de renouer avec ce
vivant. De comprendre l’ensemble de nos mondes de manière systémique, leur
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Aventurine BAFFIE DAUVIER M1 COMEDD
Ainsi, renouer avec le vivant pour résoudre la crise écologique et notre crise du sensible
passerait possiblement par l’instauration d’un rapport similaire avec nos pensées et le vivant,
inspiré de la permaculture. Peut-être pourrions-nous nous inspirer de l’animisme pour
considérer le vivant, le re-sentir, et se servir des principes de la philosophie permaculturelle,
une écologie de la compréhension aussi bien de nos pensées que des êtres-vivants pour
étendre le social au vivant dans son ensemble.