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Osmont Robert. Symboles de la nature dans les Rêveries de J.-J. Rousseau. In: Littératures 11, automne 1984. pp. 31-42;
doi : https://doi.org/10.3406/litts.1984.1301
https://www.persee.fr/doc/litts_0563-9751_1984_num_11_1_1301
de J.-J. Rousseau
courtes
de goûter
Dans
prospérités
lala solitude
8me Promenade,
», : lorsqu'il vivait
Rousseau
dans nous
le monde,
confie ilque
lui était
« durant
difficile
ses
C'est par le lien des analogies que les images et les pensées
s'unissent, se fondent les unes dans les autres. Dans la 2me Promenade
Rousseau note que la campagne automnale est « analogue » à son âge
et à son sort ; à la fin de la 7me, il explique :
« C'est la chaîne des idées accessoires qui m'attache à la
botanique » (5).
Ces « idées accessoires » ne sont pas seulement les réminiscences qui
s'offrent spontanément à l'aspect du signe mémoratif que constitue la
plante jadis cueillie ; elles sont, aussi bien, le cortège des fictions qui
entourent l'image. Par là s'explique le charme de la botanique :
« Elle rassemble et rappelle à mon imagination toutes les
idées qui la f latent davantage » (6).
Souvenirs heureux et fictions se mêlent toujours dans les symboles rêvés
par Rousseau.
Au temps des Lettres à Malesherbes, paraphrasant un verset de
Saint Luc, Rousseau avait célébré « l'or des genêts et la pourpre des
bruyères » et « l'étonnante variété » des objets de la nature :
« Non, Salomon dans toute sa gloire ne fut jamais vêtu
comme l'un d'eux » (7).
Avec une magnificence plus discrète, la 7me Promenade célèbre «
des trois règnes », la beauté de la terre « revêtue de sa robe de
noces au milieu du cours des eaux et du chant des oiseaux » ; la
du paysage s'épanouit aussitôt en symbole de bonheur, car il
s'agit pour l'homme du « seul spectacle au monde dont ses yeux et son
cur ne se lassent jamais » (8).
Souvent les Rêveries préfèrent la tonalité « douce et triste »,
l'évocation de quelques images heureuses que voile un sentiment de
nostalgie ; telles les images qui flottent parmi les « idées accessoires » de
la botanique :
« Elle me transporte dans des habitations paisibles au milieu
de gens simples et bons, tels que ceux avec qui j'ai vécu jadis ».
Telles encore les images de la campagne automnale dans lesquelles le
promeneur solitaire lit son propre destin par la voie de l'analogie :
« Depuis quelques jours on avoit achevé la vendange ; les
promeneurs de la ville s'étoient déjà retirés, les paysans aussi
quittoient les champs jusques aux travaux de l'hiver » (9).
Beauté fragile des choses, quand tout s'efface : la fréquence des groupes
impairs de 7 syllabes (10) atteste peut-être la précarité de l'instant, sans
nuire à l'harmonie des impressions. Ce déclin interrompt l'élan ; l'heure
qui « déjà » arrive rend caduque l'heure qui dure « encore ». Une
correspondance parfaite porte alors dans l'âme même la résonance des
images ; c'est le même équilibre précaire entre la beauté encore sensible
de l'automne et l'approche déjà perceptible de l'hiver :
LA NATURE DANS LES RÊVERIES 33
Dans Y Essai sur l'origine des langues (chap. XV) Rousseau insiste
sur le « signe » moral qui accompagne l'image et lui donne son pouvoir
de symbole capable d'agir sur l'âme ; le 2me Dialogue distingue clairement
ce pouvoir :
« De beaux sons, un beau ciel, un beau paysage, un beau lac,
des fleurs, des parfums, de beaux yeux, un doux regard : tout cela
ne réagit si fort sur mes sens qu'après avoir percé par quelque côté
jusqu'à mon cœur » (51).
C'est ainsi que, dans la 7me Promenade, les longues suites d'images ne
constituent pas des descriptions ; elles sont invoquées pour purifier
l'imagination du rêveur (52) ; elles sont évoquées sur un ton élégiaque
pour permettre à l'esprit de vaincre la séparation et l'absence (53). Les
images de la nature dans les Rêveries ont toujours un rôle à jouer dans les
souvenirs du Promeneur solitaire. Leur présence chasse les obsessions et
crée le plus souvent dans la rêverie des symboles de bonheur, symboles
paradisiaques de l'éternelle beauté de la nature.
Robert OSMONT
LA MATURE DANS LES RÊVERIES
NOTES