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nécessité impérieuse de mettre en commun leurs efforts afin de les relever. La mise en
commun de ces efforts a donné naissance à des organisations d’intégration sur les différents
continents. Une organisation d’intégration regroupe des Etats qui consentent à un abandon de
leur souveraineté dans certain domaines au profit d’une entité supranationale qui est
l’organisation elle-même, celle-ci étant dotée de la personnalité juridique et un ordre juridique
qui lui est propre. L’ordre juridique est un ensemble organisé et structuré de normes
juridiques possédant ses propres sources, doté d’organes et procédures aptes à les émettre, à
les interpréter ainsi qu’à en faire constater et sanctionner, le cas échéant, les violations.
Ainsi dit, l’organisation d’intégration crée du droit appelé droit communautaire et qui
peut être dérivé ou originaire. C’est le cas du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique, signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Maurice) et entré en vigueur en
septembre 1995.
Parmi les dispositions de ce traité, l’article 10 occupe une place essentielle de par son
objet puisqu’il régit les rapports entre les actes uniformes qui matérialisent le droit dérivé de
l’organisation et les ordres juridiques des Etats membres. Il est ainsi libellé : «Les Actes
uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant
toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieur ».
Si la lecture de cet article laisse apercevoir de façon expresse certaines règles, il laisse
transparaitre des controverses sur d’autres règles qu’il ne consacre pas explicitement.
Ainsi, une analyse de cet article appelle d’une part l’étude de ses implications explicite
(I) et de ses implications implicites (II) d’autre part.
A) L’APPLICABILITE DIRECTE
Des termes de l’article 10, il ressort que les actes uniformes sont directement applicables
dans les Etats parties. Il s’agit là de la première règle, celle de l’applicabilité directe, qui
consacrée de façon expresse par cet article. L'expression « applicabilité directe »
recouvre deux notions distinctes. D’une part, il y a l’immédiateté des actes uniformes. Ces
dernier font partie intégrante des droits nationaux dès leur publication. Leur pénétration
dans les ordres juridiques ne nécessite aucun acte de réception intermédiaire.
D’autre part il y a l'effet direct des actes uniformes, ces derniers créant des droits et
obligations pour les individus et pouvant donc être invoquées directement devant le juge
national par ceux-ci.
L’effet direct, en effet, selon Jean BOULOUIS, est : « le droit pour toute personne de
demander à son juge de lui appliquer le droit communautaire ; et c’est concomitamment
l’obligation pour le juge de faire usage de ce droit quelle que soit la législation du pays dont
il relève ».
L’effet direct ou « invocabilité » a donc trait à la capacité du droit communautaire à
créer des droits et des obligations au bénéfice ou à la charge des particuliers dont ceux-ci
peuvent se prévaloir, à toutes fins utiles, directement devant les autorités ou les juridictions
nationales sans recours préalable à une mesure nationale d’exécution, notamment pour en tirer
des droits ou pour faire annuler ou déclarer inapplicables des actes nationaux non conformes
au droit communautaire.
De cette règle d’applicabilité directe résulte l’autre versant de l’acte uniforme qui n’est
autre que son effet obligatoire.
B) L’EFFET OBLIGATOIRE
Les actes uniformes qui constituent les moyens d’actions de l’organisation en vue
d’atteindre ses objectifs d’harmonisation sont obligatoires dans les Etats parties. Autrement
dit, ces actes uniformes s’imposent dans toute leur rigueur aux Etats parties ainsi qu’aux
particuliers qui peuvent s’en prévaloir au même titre qu’une règle de droit interne qui leur
reconnait des droits subjectifs.
Les actes uniformes, en effet, dès leur publication au journal officiel OHADA
intègrent l’ordre juridique interne des Etats membres, soit en remplaçant des règles de droit
interne, soit en complétant l’arsenal juridique déjà en place dans l’ordre juridique interne. Par
ce fait, les actes uniformes deviennent des règles de droit et donc obligatoires.
Mieux, étant donné que le juge a l’obligation d’appliquer le droit interne, il a alors
obligation d’appliquer ce droit OHADA sous peine d’engager la responsabilité de son Etat.
Et en cas de difficulté dans l’interprétation d’un acte uniforme, l’Etat peut saisir la
juridiction compétente de la communauté et l’interprétation que donne cette dernière s’impose
à cet Etat en vertu de l’autorité la chose interprétée.1
A) LA SUPRANATIONALITE
1
V. CJCE, Kathleen Hill
La règle est simple à énoncer. Le droit OHADA, incarné par les actes uniformes, est supérieur
au droit interne des Etats membres.
Pour la plupart de la doctrine, la supranationalité est une évidence car elle est la seule
règle propre à conférer au droit communautaire dans son ensemble une certaine efficacité.
L’affirmation de la primauté du droit communautaire signifie qu’en présence d’une
contrariété entre le droit communautaire et le droit interne, le juge national doit faire prévaloir
le droit communautaire sur le droit national, en appliquant le premier et en écartant le second,
et cela à juste titre. En effet, le droit communautaire est le produit de plusieurs souverainetés.
A ce titre, aucun Etat ne peut faire prévaloir son droit sur le droit communautaire au risque de
vider celui-ci de son sens. C’est pourquoi il est certain que la primauté est une exigence dans
une organisation d’intégration. Sans elle « l’ordre juridique communautaire risquerait de se
décomposer en série d’ordres partiels, autonomes et divergents »2
Cependant, il faut mentionner que la supranationalité est posée de façon brute d’autant
plus que l’article 10 est peu disert sur une certaine hiérarchie entre le droit interne et le droit
OHADA. Cette suprématie n’est déductible qu’à travers l’expression suivante : « nonobstant
toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
Pour le professeur Filiga Michel SAWADOGO, les actes uniformes “se situent au-dessus des
lois internes” en raison du fait qu’ils ”l’emportent sur les dispositions internes
postérieures”, de même qu’ils l’emportent sur les dispositions internes antérieures “en raison
du principe qui veut que la loi nouvelle l’emporte sur la loi ancienne”.
Le professeur Pierre MEYER, sur la même optique, a dégagé deux principes par
rapport à la cohérence de tout système juridique : un principe temporel qui veut qu’une
norme postérieure abroge une norme antérieure de rang identique et un principe
hiérarchique qui veut qu’une norme inférieure même postérieure ne puisse abroger une
norme supérieure. Pour ce dernier, la cohérence du droit OHADA est exclusivement assurée
par ce dernier principe dont la mesure est donnée par l’article 10 du Traité à travers le
qualificatif “postérieur”. Partant de l’idée que seule une norme hiérarchiquement supérieure
peut rendre caduque une norme postérieure, il soutient que l’article 10 “établit clairement et
sans aucun doute possible la supériorité hiérarchique du droit porté par les Actes
uniformes sur les dispositions législatives et réglementaires de droit interne”.
Face aux incertitudes liées à la portée supranationale de l’article 10 du traité, la
doctrine en a appelé à un avis de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage.
A la demande de la Cote d’Ivoire, la CCJA a rendu un avis 3 et a affirmé la portée
supranationale de l’article 10.
A la question de savoir si l’article 10 du traité contient une règle de supranationalité, la
cour répond que “l’article 10 du Traité […] contient une règle de supranationalité parce
qu’il prévoit l’application directe et obligatoire dans les Etats parties des Actes uniformes et
2
M. DEHOUSSE cité par L. CARTOU in Communautés Européennes, 1Oème édition, Paris,
Dalloz, 1991, p.124.
3
V. CCJA, avis N°001/2001/EP, Séance du 30 avril 2001
institue, par ailleurs, leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures ou
postérieures”.
Ainsi, la règle de la supranationalité découlerait selon la Cour, d’une part de
l’applicabilité directe et obligatoire des actes uniformes dans les Etats membres et d’autre
part, de leur suprématie sur les dispositions de droit interne. Mais là encore, la cour donne sa
réponse de façon brute, sans explication et sans raisonnement.