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PPO3 : les accords Matignon (Juin 1936) [dossier p.

40-41]
➔ France Info- « Front populaire : que s’est-il passé au printemps 1936 »
https://www.youtube.com/watch?v=1XlcXlsLB6U

Le point de passage s’intéresse aux dispositifs des accords de Matignon, au contexte dans lequel ils ont
été votés, et aux conséquences sur la vie politique et sociale qu’ils ont eus. Pour en comprendre la portée, il
convient de revenir sur le contexte du Front populaire. S’il n’y a pas eu de fascisme à proprement parler
dans les années 1930 en France, en revanche les contemporains ont pressenti le risque d’une dérive des
ligues vers le fascisme, dans un contexte européen inquiétant, puisque Hitler était au pouvoir depuis janvier
1933 et Mussolini dirigeait l'Italie depuis 1922.
[doc. 1 p. 37] Ce document est la une du journal français Le Populaire, intitulée « Le fascisme ne
passera pas », et faisant suite aux manifestations ouvrières du 12 février 1934. Pour comprendre
l’importance de la réaction ouvrière, il faut avoir en tête les événements précédents du 6 février 1934. En
France, la crise économique se double d’une crise politique et sociale. L’affaire Stavisky et la démission du
préfet de police de Paris, connu pour ses sympathies à l’égard des mouvements de droite et d’extrême
droite et écarté par le gouvernement de gauche d’alors, met le feu aux poudres. Les ligues d’extrême droite
(Action française de Charles Maurras, Camelots du roi) appellent à manifester contre la gauche et la
République parlementaire, obligeant le nouveau président du Conseil, Édouard Daladier, à démissionner,
après les violences policières survenues devant le Palais Bourbon (Assemblée nationale).
La CGT, soutenue par la SFIO puis rejointe par le PCF, appelle à une manifestation le 12 février 1934.
Cette manifestation unitaire contribue largement à préparer les esprits à un rassemblement de la gauche,
malgré les divergences entre les dirigeants des grands partis (Édouard Daladier pour les radicaux, Léon Blum
pour la SFIO et Maurice Thorez pour le PCF). Cette alliance électorale de « Front populaire » a été permise
par le revirement du Parti communiste qui abandonne la stratégie « classe contre classe » (voulu depuis
Moscou par Staline dans le cadre de la III e Internationale et qui avait favorisé la victoire des Nazis en
Allemagne en divisant la gauche) pour faire face à l’ennemi fasciste.
Elle remporte 57% des suffrages aux élections législatives de mai 1936. La victoire du Front populaire et
la mise en place du gouvernement de Léon Blum, que les communistes soutiennent sans y participer,
s'accompagnent de grèves avec occupation politique, qui visent moins à s’emparer de l’appareil de
production qu’à porter une nouvelle culture populaire, festive et conviviale (« grèves joyeuses »), où
viennent se fondre les revendications politiques [1-2 p. 40] : immense espoir de transformation de
l'économie et d'amélioration des conditions de vie des travailleurs.
Les accords Matignon (résidence officielle du Chef du gouvernement), résultent de négociations
tripartites entre des représentants du gouvernement, des patrons et des syndicats ouvriers (Confédération
Générale du Travail). Ils ont été adoptés dans la nuit du 7 au 8 juin 1936 [4 p. 41] et confirment la liberté
d'opinion et d'expression dans les entreprises (les salariés sont aussi les citoyens d'une démocratie) et les
libertés syndicales, mais aussi des hausses de salaires. Ils instituent les délégués ouvriers pour faciliter la
communication des revendications au sein de l’entreprise.
Dans la foulée, le gouvernement du Front populaire met en place par la loi [cf. discours de L. Blum du 6
juin 1936 et doc. 2 p. 50] les conventions collectives dans les entreprises, permettant de régir les relations
entre employeurs et employés, puis les congés payés (11 juin) [6 p. 41] et la semaine de 40 heures (21 juin)
dénoncée par les partis de droite [5 p. 41]. Les conservateurs craignent la perte de compétitivité à
l'exportation (l'augmentation des salaires entraînant la hausse des prix), les faillites d'entreprises et
« l'encouragement à la paresse et à l'oisiveté » (jusque là réservées à l'élite sociale). Cependant, les congés
payés sont une étape décisive dans l'histoire sociale de la France. Ils marquent le début du tourisme de
masse. Cette mesure inaugure une révolution sociale et mentale, dans laquelle le droit à se reposer est
aussi fondamental que la valeur du travail. L'action du FP se fait aussi sentir dans le domaine des loisirs et
des sports populaires avec Léo Lagrange.

Les mesures du FP restent finalement assez modérées et ne constituent pas une socialisation de
l'économie (notamment par la nationalisation massive des moyens de production), en raison de la présence
des ministres radicaux, plutôt libéraux sur les questions économiques, et l'absence des communistes. Les
nationalisations sont limitées aux usines d’armement, d'aéronautiques et aux chemins de fer. Cependant,
les mesures keynésianistes des années 30 mettent l’État au cœur de la relance économique (aussi bien au
Brésil, en Argentine, qu'aux États-Unis, en France, voire même en Allemagne et en Italie dans un cadre
totalitaire [dossier p. 42-43]). Elles sont moins massives en France, où la crise est moins profondes, mais
elles y sont portées par le projet émancipateur des gauches. Elles cherchent avant tout à améliorer la
conditions de vie des travailleurs tout en repoussant la tentation fasciste en France. Ainsi la réponse
américaine est plus conjoncturelle et économique, alors que la réponse du FP est plus sociale et veut
changer la société.
Finalement, le gouvernement de Front populaire, mis en minorité, démissionne en avril 1938 et le
gouvernement Daladier revient sur l'essentiel des mesures pour « remettre la France au travail ».

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