Vous êtes sur la page 1sur 104

La logistique terrestre

militaire à l’épreuves
des opérations
extérieures : 20 ans au
contact

Capitaine Benoit ROULLET


Avertissements :

Le travail présenté dans l’ouvrage qui suit est issu exclusivement de travail de
recherche et de sources ouvertes sur internet, ainsi que des connaissances de
l’auteur.

Les opinions et analyses présentent dans l’ouvrage qui suit sont celles de l’auteur.
Elles ne reflètent en aucun cas une position officielle institutionnelle.
Préambule :
De formation industrielle tournée vers la conception et la production mécanique, je me suis
engagé comme officier sous contrat au sein de l’armée de terre en 2005 et j’ai choisi de servir
dans l’infanterie. Ayant pu choisir les troupes de marines en sortie d’école j’ai commandé
pendant 5 ans une section de combat avant de découvrir le monde du soutien et de la logistique
en prenant les fonctions d’officier adjoint de la compagnie de commandement et de logistique du
régiment.
J’ai alors découvert un milieu passionnant, et incontournable pour permettre les opérations.
Lorsque j’étais chef de section et que je recomplétais ma section sur le terrain je ne me rendais
pas forcément compte des prouesses réalisées pour me permettre de régénérer mon potentiel de
combat. L’aspect tactique et opérationnel de cette logistique m’a alors entrainé dans son milieu.
Fonction opérationnelle souvent peu valorisée et souffrant d’une image quelquefois désuète, il
est frappant de voir le parallèle entre l’image que peut avoir la logistique au sein des armées
aujourd’hui et dans le monde de l’entreprise dans les années 90.
Aujourd’hui la supply-chain est venue révolutionner cette approche dans le monde civil et cela
commence à toucher le milieu militaire. A nous logisticiens d’être crédibles auprès de nos chefs
et des décideurs pour faire rentrer de plein pieds cette fonction dans une ère moderne. Pour cela,
sans oublier nos spécificités militaires et tout en prenant en compte l’environnement civil de
production qui fournit et entretien les flux, nous devons pouvoir proposer des solutions adaptées
et efficientes permettant au chef de remplir la mission.
Parfois empêcheur de tourner en rond, l’ingéniosité au quotidien des logisticiens du mécanicien
dans le désert au médecin en passant par le conducteur de camion et le planificateur parisien,
permet de former une chaine logistique robuste et agile ayant jusqu’alors toujours permis aux
chefs de remplir leurs missions. Garant de la cohérence du soutien, l’aspect transverse par nature
de la logistique avec ses 13 sous-fonctions garantit une vision d’ensemble de la logistique
tournée vers la réussite opérationnelle.
Que ce soit comme commandant d’unité d’une compagnie de commandement et de logistique
dans le désert de Djibouti ou comme chef de section logistique opérationnelle au sein de la 9e
brigade d’infanterie de marine, les problèmes logistiques posés ont toujours été résolus et permis
la manœuvre voulue par le chef, parfois avec quelques ajustements pour rendre soutenable cette
dernière. L’aspect transverse et incontournable de la logistique font que les logisticiens sont au
cœur des processus de réflexion et de conception mais aussi de conduite, la même cellule se
retrouvant très souvent à faire les deux.
Cet ouvrage permet de replacer les contributions de la logistique au cœur des opérations actuelles
de l’armée de terre française.
Sommaire :

1- Histoire et héritage de la logistique militaire en opération

2- Principes fondamentaux de la logistique militaire et champs


d’application

3- La planification, outil incontournable d’un soutien logistique efficient

4- La logistique au regard des principaux théâtres de ces 20 dernières


années

a. La république de côte d’ivoire – Opération LICORNE


b. Le Liban et la FINUL 2 – Opération DAMAN
c. L’Afghanistan – Opération PAMIR
d. Le MALI – SERVAL
e. La Bande Sahélo – sahélienne – BARKHANE
f. La république de CENTRAFRIQUE – SANGARIS
g. L’IRAK – CHAMMAL
h. Les EFP - LYNX

5- Perspectives de l’évolution de la logistique

6- Conclusion
Chapitre 1 :
Histoire et héritage de la
logistique militaire en
opération
Aussi loin que l’homme a mené des batailles la logistique a implicitement ou non été sollicitée.
En effet pour pouvoir combattre, il avait besoin de manger, être équipé, transporté etc. A travers
les époques plus la taille des armées augmentait et les campagnes se faisaient longues et
lointaines, plus la logistique a pris une part très importante de l’engagement.

Si dans les écris de SUN TZU on retrouve déjà les premières références à l’importance de la
logistique, les prémices d’organisations logistiques solides remontent à l’époque de la Grèce et
de la Rome Antique. Les grecs, organisés pour la majorité en cités, s’alliant ou non en fonction
des opportunités, combattent dans une aire d’opération relativement restreinte, les romains mais
aussi Alexandre le Grand (contemporain de la période) déplacent des masses très conséquentes
sur des élongations gigantesques pour l’époque.
Les défis logistiques se multiplient avec l’augmentation des masses, des chevaux et le
mouvement de ces derniers (plusieurs milliers de kilomètres), optant pour une organisation
alliant pillage du territoire occupé pour les armées d’Alexandre et de Rome mais aussi dans une
certaine mesure organisation de dépôts et d’axes logistiques en particulier pour Rome.
C’est à cause de ces besoins que les romains développèrent un réseau routier performant mais
aussi tout une gamme de services de génie civil. Les légions romaines sont à l’apogée de ce que
l’on pourrait appeler le savoir-faire logistique ce qui leur conféra une suprématie militaire. En
effet si les aspects tactiques sont indéniables dans les victoires remportées, seule une très forte
technicité dans le domaine logistique permet à ces masses conséquentes de se mouvoir d’un
point à l’autre et d’être en pleine capacité de combattre avec une grande efficacité. C’est en
grande partie grâce à ce soutien logistique très performant que Rome put dominer toute la région
méditerranéenne pendant plusieurs siècles. Les romains créèrent d’ailleurs les premières
fonctions logistiques et confirent aux chefs tactiques les moyens logistiques propres pour
permettre à leurs unités de combattre.
C’est aussi à cette époque que l’on atteignit la maturité dans le dépôt de combat qu’est le camp
de la légion romaine. Construits au plus près des combats, ou pour contrôler depuis les territoires
ces petites places fortes et permettent de stocker les denrées et ressources permettant le combat.
Nous sommes alors dans une combinaison de stocks immobiles et de lignes
d’approvisionnements mobiles, niveau que la logistique militaire ne retrouvera que plus de 10
siècles plus tard.

Modèle de camp romain (Source internet)


Le déclin de l’empire romain, en grande partie à cause de choix politiques et d’une taille critique
difficilement tenable pour l’époque entraine avec lui la perte non pas des savoir-faire logistiques
qui restent connu mais de la capacité de les mettre en œuvre à grande échelle afin de permettre
l’engagement des armées.

Pendant la période qui suit le moyen-âge, la logistique militaire ne se développe que peu se
bornant à suivre les évolutions technologiques des armes et à les prendre en compte. Lors des
différentes guerres féodales, l’essentiel des subsides est pris à la population dans les territoires
conquis et occupés. En parallèle la cavalerie se développe augmentant considérablement les
besoins en ressources logistiques afin de permettre de nourrir les chevaux. Cela devient un sujet
majeur pour les commandants d’armées pour trouver du fourrage pour ceux-ci et ainsi conserver
la capacité de masse mobile que confère la cavalerie.
Le développement de la logistique reprend à l’époque de Louis XIV, avec le développement
notamment par VAUBAN d’un réseau de place fortifiées bien connue. Ces places qui permettent
dans un premier temps de garder nos frontières sont aussi des dépôts logistiques quasiment
imprenables qui permettent aux troupes du roi de se ravitailler et de se reposer avant de rentrer
en territoire ennemi.

Forteresse VAUBAN (Source internet)

Louvois toujours à la même période crée la fonction d’intendant militaire afin d’assigner les
tâches logistiques à un corps d’expert du domaine. Ce corps formé, s’appuie essentiellement sur
une logique de dépôts fixes et de transport bien souvent confiés à des entreprises civiles pour
transporter depuis ces dépôts vers les armées en campagnes les ressources.
En parallèle le pillage a toujours cours pour permettre de garantir en conduite les besoins
essentiels des armées en campagne. L’époque de Louis XIV est une époque d’évolution majeure
de la logistique militaire qui se professionnalise et devient de plus en plus efficiente. Louvois y
veillera particulièrement afin d’économiser au maximum les deniers de l’état.
Cela concourt pour beaucoup aux victoires des armées de Louis XIV et donc à la grandeur de la
France. Néanmoins, nous sommes toujours dans une logistique essentiellement de dépôt fixe et
les entreprises civiles qui assurent le transport s’enrichissent avec des résultats pas toujours à la
hauteur de ce que le royaume débourse. Pendant les années qui suivent la logistique militaire ne
progressera finalement que très peu.

L’arrivée au pouvoir de Napoléon donne une impulsion très forte à la logistique militaire.
Confronté très tôt dans sa carrière aux problèmes logistiques lors des campagnes d’Egypte et
d’Italie, il s’attachera à organiser dans le détail la logistique militaire afin d’en tirer le meilleur.
A cette époque la logistique devient stratégique.
Il pourra à ce niveau là s’appuyer sur son Etat-Major et notamment le maréchal BERTHIER,
major général de la grande armée. Piètre tacticien, il s’avère un redoutable organisateur et ses
connaissances de géographes se révèleront forte utile pour l’organisation du soutien logistique.
Lors de la campagne d’Egypte, Napoléon se confronte à deux difficultés logistiques : dans un
premier temps le mouvement à proprement parler des troupes et dans un second temps l’entretien
des flux de ressources permettant à ses armes de fonctionner. Il orientera notamment ses
réflexions sur les avancées technologiques permettant d’adapter le transport des ressources
propres à ses armées. En particulier l’artillerie qui devient un élément de puissance majeure
d’une armée.
Une fois au pouvoir, il commence par réorganiser l’armée en créant les divisions. Cette
subdivision autonome pour combattre dispose de ses moyens interarmes (infanterie, cavalerie et
artillerie) ainsi que la logistique s’y attachant. Plus mobile et souple d’emploi que le corps
d’armée, cette organisation lui permet de porter le combat en de multiples fronts et de pouvoir
rapidement concentrer ses moyens pour la bataille décisive. Pour se faire l’externalisation du
transport par des entreprises civiles ne suffit plus. Il crée alors le train des équipages en
militarisant la fonction transport en interne. Cela ne veut pas dire qu’il ne recourt plus aux
entreprises civiles pour le transport, mais il concentre les moyens civils pour approvisionner ses
dépôts avancés et les moyens militaires pour se ravitailler et transporter des entrepôts avancés
aux fronts.
Service du train dans l’armée Napoléonienne (Source internet)

Dans cette organisation on voit alors les prémices de séparation des niveaux entre le stratégique
et l’opératif. C’est là une évolution majeure du soutien logistique, qui garantit une efficacité
accrue des armées. Elles gagnent en agilité en permettant une autonomie certaine au niveau
divisionnaire.
En parallèle Napoléon crée le corps des commissaires militaires contribuant encore à renforcer
l’expertise militaire au niveau logistique.
Cette nouvelle organisation logistique donnera immédiatement des résultats permettant à
Napoléon d’engager ses divisions contre l’ennemi puis de les concentrer pour former ses corps
d’armées permettant la bataille décisive et finale. Cela contribuera largement à la domination de
la France sur l’Europe pendant plus de dix ans.
Néanmoins la taille, encore une fois critique, de l’empire et la multiplication des fronts ne
permettent pas à Napoléon de conduire toutes les batailles et nombre de ses généraux de
l’époque, s’ils s’avèrent de formidables meneurs d’hommes, n’auront la capacité de manœuvrer
avec efficacité cette nouvelle organisation, tant au niveau tactique que logistique. La campagne
d’Espagne en fut un bon exemple.
A cette époque la médecine militaire se développe aussi très rapidement et fait de très grands
progrès permettant de soigner au plus près des troupes et de sauver beaucoup de soldats. C’est la
création d’une vraie chaine de médecine de campagne.
Enfin et malgré, l’organisation efficiente de la logistique permettant à la grande armée de
compter plus de cent mille hommes en campagne (soit plus grande que l’armée de terre
Française actuelle) en 1812 lors de l’engagement de la campagne de Russie, elle trouvera ses
limites dans les élongations gigantesques du territoire Russe. Cette campagne, marquant le déclin
de Napoléon n’est pas tenable sur le plan logistique du fait des élongations mais aussi du climat
hivernal. La politique de la terre brulée mise en œuvre par l’armée russe vient démultiplier cette
faiblesse. Gagnant toutes les batailles face à l’armée Russe, il perd la campagne et son armée
aguerrie faute de soutien logistique.
Les russes analysant la taille critique de la grande armée ont bien compris que son centre de
gravité se trouvait être ses capacités logistiques de ravitaillement. En coupant ce flux
d’approvisionnement par des actions de harcèlement des cosaques sur les arrières mais aussi par
la mise en œuvre de la politique de la terre brulée, ils défont l’armée alors qu’ils ont perdu tous
leurs engagements en face à face. C’est la consécration de l’importance stratégique de la
logistique.

Napoléon consacre la logistique comme un enjeux majeure de puissance d’une armée. La


maitrise en interne de ses fonctions et la capacité d’adaptation des moyens permet la souplesse
d’engagement et permet la liberté d’action au chef militaire. Cela est renforcé par l’importance
du développement technologique des armes tel que l’artillerie, le fusil qui nécessite le
ravitaillement en ressources supplémentaires. Ainsi la gestion des flux pour l’approvisionnement
en poudre et la capacité à accéder aux ressources de plomb permet de garantir la pleine capacité
d’une armée. Au XIXe siècle il devient impensable de s’engager en campagne sans artillerie.
Cette époque est aussi celle de la course aux colonies.

Au XIX siècle la France comme d’autres pays d’Europe décident de développer son empire
colonial. Pour cela elle s’appuie sur sa marine de guerre mais une fois à terre, pour prendre
possession des territoires, il faut des troupes au sol. C’est le développement pour la France des
troupes de marine ou troupes coloniales qui s’empareront des territoires puis en assureront le
contrôle et l’administration. Pour cela, il faut pouvoir mener des expéditions lointaines dans les
terres en particulier en Afrique. Ce corps d’armée ou armée bascule alors dans une logique
expéditionnaire qui impose un développement très attentif de la logistique militaire.
En effet c’est dans un certain sens l’avènement d’une logistique moderne avec la multimodalité
des transports (bateaux puis chevaux ou dromadaires), la prise en compte de flux complexes pour
ravitailler régulièrement ces colonies. Pour se faire le corps des troupes de marine développe ses
ingénieurs propres et ses logisticiens qui permettent la construction dans un premier temps de
ports ou comptoirs en façade maritime, puis d’un réseau d’entrepôt dans la profondeur
permettant l’approvisionnement régulier.
C’est à cette époque que la logistique militaire s’enrichie de sous fonctions supplémentaires
telles que l’administration et les finances pour permettre une autonomie des territoires. Bien
souvent, en tout cas dans les premiers temps, ce sont les militaires qui sont administrateurs de ces
colonies et ils disposent alors des pouvoirs civils et militaires. A ce titre, ils ont comme devoir de
garantir les conditions de vie à la population en particulier métropolitaine et les flux logistiques
deviennent une des préoccupations principales. Cette logique de corps expéditionnaire a
profondément transformé la vision de la logistique par les militaires et encore aujourd’hui nos
engagements actuels majoritairement expéditionnaires sont les héritiers de cette époque.

La campagne de 1870 consacre alors le manque de préparation globale de l’armée française.


Pour la première fois les troupes coloniales sont rapatriées en métropole pour concentrer
l’essentiel des moyens face aux armées prussiennes. Si la défaite n’est évidemment pas
exclusivement le fait de la logistique, elle y concourt révélant les nombreux dysfonctionnements
en particulier dans le soutien à la mobilisation des armées. A cette époque la logistique
s’industrialise avec le développement de la voie ferrée mais malheureusement l’armée française
n’a pas encore pris le tournant de cette révolution technologique pour sa logistique.

La première guerre mondiale voit la logistique profondément se transformer. Dans un premier


temps, le passage à une guerre plutôt statique, de tranchées modifie profondément l’organisation
et les tactiques de l’armée. L’artillerie moderne et les mitrailleuses font leur apparition et sont
déterminantes dans les opérations. C’est particulièrement vrai pour l’artillerie qui consomme des
quantités astronomiques de munitions. Les armées comptent alors plusieurs millions d’hommes
mobilisés. Pour soutenir cet effort de guerre sans précédent, la capacité de production de
l’industrie française devient un élément stratégique. En effet l’invasion allemande ayant privé la
France de son principal bassin industriel (le nord du pays), et les hommes ayant été mobilisés, ce
sont les femmes qui font tourner les industries de l’armement. Il est d’ailleurs à noter la
prodigieuse agilité des industries françaises à cette époque qui vont en quelques mois muter en
profondeur et tourner l’ensemble de sa production vers le soutien de l’effort de guerre.
Cette production de guerre doit pouvoir être transportée au plus près des combats et les chemins
de fer français jouent là un rôle primordial. La coordination de l’emploi des voies de chemin de
fer pour permettre l’acheminement des troupes, munitions et vivres fut excellente et a largement
contribué à la réussite des opérations de guerre.

Train d’approvisionnement en matériels (source internet)

C’est aussi pendant cette période que se développe l’automobile pour venir progressivement
remplacer la traction hippomobile. Ce mode de déplacement confère une autonomie et une
souplesse certaine, néanmoins pour la logistique militaire se rajoutent les opérations de
maintenance à effectuer et l’approvisionnement en carburant. La fin de la guerre voit arriver les
chars de combat qui renforcent cet impératif de maintenance et d’approvisionnement en
carburant. Toujours dans le domaine de la logistique militaire l’aspect médical fait aussi de très
grands progrès et surtout développe des capacités à stabiliser, évacuer et soigner des grosses
quantités de blessés.
Camion du train sur la voie sacrée (source internet)

Cette guerre fait entrer de plein pied dans les armées des évolutions technologiques majeures et
au sortir de 1918 l’organisation de l’armée, le matériel de dotation ainsi que le soldat et son
équipement n’ont plus rien à voir avec son ainé de 1914. En revanche l’aspect plutôt statique de
la guerre, même si les mouvements de déploiement et redéploiements des troupes sont
importants, ne permet pas de prendre toute la mesure pour la logistique de l’augmentation
significative du poids logistique lors d’une guerre de mouvement avec la dotation de ces
nouveaux équipements.
A cette époque le soutien médical se transforme profondément. En effet, il doit pouvoir traiter un
nombre de blessés très important. Les techniques se développent très vite et des nouveaux
matériels d’évacuations sanitaires et d’opérations viennent augmenter l’efficacité de la chaine
médicale.

Ambulance de campagne (source internet)


Les étapes de l’évacuation médicale pendant la 1ère guerre mondiale (source internet)

L’entre-deux guerres ne verra pas de développement majeur de la logistique militaire du côté


français car, voulant ériger en principe de la guerre moderne la guerre des tranchées, la doctrine
française repose sur la fortification de nos frontières avec l’Allemagne. La ligne Maginot est
créée et l’essentiel des ressources allouées à la défense lui est consacrée. Les travaux sont
exceptionnels par leur durée et toute l’intelligence de technologie de défense est tournée vers ce
projet. Si quelques officiers s’élèvent pour explorer d’autres pistes tel le général De Gaule avec
son penchant pour le char de combat, ces derniers doivent déjà se battre pour imposer leurs
concepts et la logistique n’est que peu étudiée.

En revanche à cette même période l’armée allemande, très intéressée par les écrits de ces
officiers et gardant un souvenir traumatisant de l’emploi des chars pendant les dernières années
de la première guerre mondiale, décident de fonder leur nouveau concept d’emploi sur la
mécanisation de leurs unités. Cela passe effectivement par le développement et le déploiement
du char de combat mais aussi par la mécanisation de l’infanterie d’accompagnement et des
appuis interarmes. Les capacités conférées par ces « panzer division » permet en quelque sorte le
retour au concept de Napoléon permettent de combattre dans la profondeur avec fulgurance et
puissance de feu. Ces unités bien commandées, sont redoutables. En parallèle leur poids
logistique a considérablement augmenté et la vitesse de progression impose de repenser la
logistique de dépôt plutôt fixe. L’on bascule alors dans une logique de logistique
d’accompagnement par nature mobile.
Pour permettre la pleine efficacité de ces unités, leur logistique est alors complètement repensée.
Dans un premier temps elle est motorisée voire mécanisée comme l’ensemble des éléments de la
division. C’est-à-dire que des véhicules porteurs permettent d’approvisionner les unités
combattantes en particulier dans le domaine du carburant et des munitions. Le carburant devient
une ressource stratégique pour permettre l’engagement de ces unités. En effet leur vitesse de
progression ainsi que le nombre important de véhicules entrainent une consommation journalière
gargantuesque. Cela est d’autant plus stratégique qu’en 1940 les infrastructures civiles en termes
de distribution de carburant commencent seulement à se développer et il est donc impossible de
s’appuyer sur le pays envahi de ce côté-là.

Organisation d’une division allemande 1941 (source internet)


C’est à ce moment que commence à s’esquisser la logistique moderne militaire qui trouvera son
apogée à la fin de la seconde guerre mondiale. Car si les véhicules et les moyens se
perfectionnent par la suite, ils ne changeront plus profondément l’organisation logistique.
Le plus petit « pion tactique autonome » est la compagnie (environ 150 hommes) qui dispose
d’une section dévolue au soutien logistique, jusqu’à la division avec son régiment de soutien. Les
américains viendront apporter à cet ensemble l’appui de leur industrie pour produire des
véhicules de toutes sortes permettant le transport, le soutien médical (ambulance et hôpital de
campagne mobile), le soutien maintenance (camion atelier et véhicules chenillés de dépannage)
etc. Les américains rentrant en guerre sont dans une logique de force expéditionnaire puisque
devant projeter des forces. La logistique devient alors pleine et entière dans les trois niveaux
d’exécution que sont le stratégique, l’opératif et le tactique.

Les opérations gigantesques de la seconde guerre mondiale nécessitent des ressources et


équipements que les américains arrivent très vite à produire avec leurs industries mais le défi
reste de pouvoir acheminer ces ressources jusqu’aux théâtres d’opérations. Les flux deviennent
vitaux et sont par là même attaqués directement car considérés, à juste raison, comme une
vulnérabilité critique du centre de gravité de la puissance militaire américaine et alliée. C’est en
partie l’objet de la guerre sous-marine que livre les allemands pendant cette période.
L’importance de ces flux et de la soutenabilité des opérations est une préoccupation majeure de
chefs d’armées. Ainsi malgré beaucoup de succès tactiques et une grande habileté dans la
manœuvre le redoutable « Afrika Korps » commandé par le maréchal ROMMEL échouera en
partie à cause de manque de capacités de soutien suffisantes et une trop grande élongation entre
sa base arrière et le front.

Convoi logistique d’approvisionnement de l’AFRIKA KORPS (source internet)


Une des plus grandes opérations de la seconde guerre mondiale est le débarquement en France
pour ouvrir un second front en Europe. Cette opération a nécessité plus d’un an de préparation.
La plus grande partie de cette préparation fut de s’assurer de la soutenabilité de celle-ci et
d’organiser le soutien logistique. Ainsi, il fut acheminé depuis les Etats-Unis une quantité
gigantesque de ressources qui fut stockée en Grande-Bretagne pour permettre de réduire la
distance des flux. Il fut aussi réfléchi et créé des modules permettant de mettre en œuvre des
ports provisoires pour le débarquement des matériels et le soutien des troupes au contact. Il
s’agissait alors d’assurer le soutien de cent soixante mille hommes et de permettre le
débarquement de plus de vingt mille véhicules.

Regroupement de matériels sur les plages du débarquement (source internet)

C’est aussi globalement à cette époque que sur le théâtre du pacifique se mène la reconquête des
iles par « les Marines » américains. Chacune de ses opérations amphibies nécessite un soutien
efficient pour permettre de reprendre aux japonais ces îles.
En 1945 l’armée américaine compte environ 7.7 millions d’hommes dont environ la moitié
affectée dans les unités de soutien. Pour l’armée française en pleine reconstruction suite à la
défaite de 1940, elle s’organise dans un premier temps sur le modèle américain. Ainsi la 2e DB et
le corps expéditionnaire français qui deviendra la première armée est équipée de matériel
américain. Le soutien logistique est quant à lui réduit à son plus bas niveau afin de maximiser le
nombre de troupes combattantes et de pouvoir ainsi compter dans la libération du territoire
français. Si cela permet de mettre sur pied rapidement des grandes unités (division et armées),
l’inconvénient est que les français sont tributaires du soutien logistique américain. Ainsi au sein
de la 2e division blindée française, il y aura environ deux fois moins de troupes de soutien que
dans une division américaine correspondant. Cela posera problème lors des opérations en Alsace
où le soutien américain ne viendra pas en temps et en heure pour des raisons de priorisation de
ressources et stoppera la 1ère armée sur place malgré sa capacité à poursuivre le combat. Les
français ne seront pas les seuls à faire les frais de problèmes d’approvisionnement et le général
PATON lui-même lors de la campagne de France devra stopper son armée car ne disposant plus
de carburant. Pour la France cette norme de moitié moins d’unité de soutien que dans l’armée
américaine s’ancrera dans le marbre et encore aujourd’hui le taux de soldats dévolus à la
logistique pour le même nombre de soldat déployés est du simple au double entre les américains
et les français.

Au sortir de la seconde guerre mondiale la logistique militaire est un outil particulièrement


performant. Agile par nature, le développement de la gestion de flux et du suivi de cette dernière
a atteint un niveau inégalé. Profitant des évolutions technologiques de cette période, l’emploi du
multimodal, avec le développement de manière exponentiel des flux aériens venant ajouter une
capacité de projection très rapide des ressources même si cela est particulièrement couteux. Enfin
et surtout la logistique militaire intègre de bout en bout, grâce à l’effort de guerre américain, le
bout en bout de la chaine en contrôlant la production amont sur le territoire américain et en
s’assurant de la bonne adéquation de la demande jusqu’à la livraison au consommateur final : les
unités de combats. Tout cela en développant des outils permettant des transformations
intermédiaires et basiques sur le terrain (raffinerie et atelier de reconstruction mobile etc.). Cette
expertise détenue par de nombreux officiers spécialistes de la logistique sera à la fin de la guerre
retransposée dans le milieu civil par ces officiers démobilisés qui se reconvertissent. Ce sera le
début du développement de la logistique civile moderne qui bénéficiera complètement de cette
expertise.

A compter des années cinquantes pour la France c’est le début des guerres coloniales. En pleine
reconstruction du pays suite à des années d’occupation, il faut intervenir et se tourner vers
l’Indochine qui aspire à déclarer son indépendance. Il est alors projeté un corps expéditionnaire
qui pourra intervenir sur place pour rétablir l’autorité de l’état. La France mène ce combat seule
même si l’essentiel du matériel est fourni par les américains. Ce corps expéditionnaire soutenu
depuis la France s’organisera en termes de logistique sur les mêmes standards que lors de la
seconde guerre mondiale, c’est-à-dire en réduisant au maximum les unités logistiques pour
permettre de maximiser les effectifs combattants. Ce soutien à minima n’a surement pas, à lui
tout seul fait perdre la guerre d’Indochine, mais en tout cas à largement contribué aux échecs en
ne permettant pas aux états-majors de planifier et conduire plusieurs grosses opérations
d’envergure. Ce fut bien souvent « un fusil à un coup » qui ne permettait pas de soutenir
efficacement l’ensemble du corps expéditionnaire.

A cette époque en parallèle se dessine les prémices de la guerre froide et la France doit pouvoir,
en tant qu’état membre de l’OTAN, mettre sur pieds et engager un corps de bataille mécanisé
moderne et interopérable avec les armées alliées. Le Général De Gaule souhaite garantir
l’indépendance de la France et décide de remettre sur pieds une industrie de défense capable de
produire ses propres matériels. Pour se faire, bénéficiant aux titres des réparations de guerre de
l’expérience industrielle allemande l’industrie de défense s’organise et produit de nouveaux
matériels. L’on assiste alors à une différenciation entre les corps expéditionnaires intervenant
dans les guerres coloniales et équipés avec des surplus de l’armée américaine et le corps de
bataille mécanisé posté face à l’est servi majoritairement par des appelés et organisé pour contrer
une offensive russe. Le soutien logistique y est organisé de la même manière néanmoins, les
moyens alloués sont beaucoup plus nombreux dans le corps de bataille mécanisés que dans les
unités légères.

L’armée de terre française s’organise alors sur un soutien tactique autonome se basant sur le
niveau bataillonnaire appelé train de combat. Cette unité dispose de trois niveaux d’exécution qui
couvre les trois fonctions principales du soutien logistique militaire que sont le ravitaillement
(munitions, vivres, carburants, habillement etc.), le soutien sanitaire et le soutien maintenance.
Le premier du volume de la section (entre 20 et 30 hommes) est dévolu au soutien de la
compagnie. Sous les ordres du commandant d’unité cet élément est capable d’assurer pendant
une journée le soutien de la compagnie en fournissant les ressources, soignant et réparant le
matériel. Ce niveau est aussi responsable du flux entre la compagnie et le soutien bataillonnaire.
Puis vient le train de combat de niveau 2. Du volume de la compagnie (entre 150 et 200
hommes), il soutien l’ensemble du bataillon et dispose d’une ressource à son niveau d’une
journée pour l’ensemble des compagnies. Il accueil les trains de combats de niveau 1 et est
responsable du flux entre le bataillon et la base de soutien de la division. Enfin le train de combat
de niveau 3 comporte l’ensemble des services administratifs et de soutien non essentiel au
combat du bataillon et reste déployé au niveau de la base de soutien divisionnaire en arrière.
Cette organisation permet au bataillon de disposer d’une autonomie de trois jours de combat.
Cette répartition permet de maximiser l’efficience en réduisant au maximum les effectifs dévolus
à ce soutien.

Enfin la dernière période de l’histoire est celle des opérations extérieures pour l’armée de terre
française. L’organisation de ce soutien sera traitée par opération dans le chapitre 3, mais elle est
guidée majoritairement par la professionnalisation des armées et une logique de cout accrue. En
effet, la perspective de la guerre froide s’éloignant avec la chute du mur de Berlin, et ne
disposant ainsi plus d’ennemi clairement identifié, tout cela s’ajoutant aux crises économiques
post trente glorieuses, les budgets de la défense sont fortement diminués alors qu’en parallèle la
nécessité de renouveler le matériel augmente très sensiblement. L’efficacité opérationnelle doit
donc être passée au filtre des couts et le soutien doit s’adapter à cette nouvelle contrainte.
Chapitre 2 :
Principes fondamentaux de la
logistique militaire et champ
d’application
Wikipédia définit la logistique militaire comme « l'ensemble des actions qui visent à soutenir les
opérations des forces armées”. Cette définition assez généraliste caractérise parfaitement
l’organisation du soutien logistique terrestre au sein de l’armée française.

Ainsi plusieurs concepts guident le soutien des opérations. Le premier est bien évidemment la
permanence de ce soutien. En effet, il n’est pas envisageable que le soutien logistique soit
interrompu. Pour cela à chaque niveau une redondance de moyens plus ou moins importante en
fonction du milieu, des opérations, de l’éloignement des bases et des conditions météorologiques
est mise en place afin de garantir cela.

Le soutien logistique des opérations prend donc la forme d’une chaîne de soutien partant de la
métropole et se terminant avec les unités de contact au plus près de l’ennemi. Cette chaîne est
séparée en trois niveaux d’exécutions et donc de responsabilités.

Le premier niveau est le stratégique. Ce niveau conçoit, dirige et fait exécuter le soutien
logistique de toutes les opérations militaires en cours. Les états-majors qui ont en charge ce
niveau se situe en métropole. Ils diffusent une directive administrative et logistique (DAL) qui
permet de définir et organiser la logistique de l’opération. En cas de court préavis, ils diffusent
une directive initiale administrative et logistique (DIAL) avant de diffuser la DAL définitive.
C’est le centre de planification et de coordination des opérations (CPCO) qui est en charge de la
rédaction et de la diffusion de ce document. Le centre du soutien des opérations et des
acheminements (CSOA) qui met en œuvre au niveau stratégique ces directives. Pour cela il
s’appuie sur les directions et services interarmées qui fournissent leurs expertises et les moyens.
Cette partie stratégique est aussi en charge de tous les flux de préacheminement et
d’acheminement vers le théâtre.

Au niveau opératif c’est l’adjoint soutien interarmées (ASIA) qui est en charge de la logistique
de l’opération. Pour cela il dispose d’un état-major opératif formé par les spécialistes des sous-
fonctions logistiques présentes sur le théâtre afin de le conseiller dans l’emploi des moyens.
L’ASIA est placé directement sous les ordres du commandant de l’opération et peut prendre
aussi l’appellation de sous-chef d’état-major soutien au sein de l’état-major opératif. Il doit
rédiger et diffuser un ordre administratif et logistique (OAL) qui décline la DAL au niveau
opératif. Ce document sert de référence pour organiser la logistique et le soutien du théâtre
d’opération. Pour cela l’ASIA dispose de l’autorité fonctionnelle sur l’ensemble des moyens
logistiques présents sur le théâtre. Il dispose d’une unité de logistique opérative qui est le
Groupement de Soutien Interarmées de Théâtre (GSIAT), dévolue à l’ensemble des opérations
de logistique opérative. Dans les petites opérations, cette unité peut être combinée au sein d’un
bataillon logistique qui aura alors des responsabilités en termes de logistique de niveau opératif
et tactique.

Au niveau tactique, la logistique est organisée à chaque échelon en fonction de la taille de


l’opération et des unités déployées. La France déploie actuellement au maximum quelques
bataillons interarmes organisés en groupement tactiques interarmes (GTIA). Les chefs
logistiques de ces bataillons déclinent donc dans l’ordre d’opération du bataillon un paragraphe
ou une annexe logistique organisant le soutien logistique du bataillon. En cas de déploiement
d’une brigade (deux à trois GTIA) ou d’une division (deux à trois brigades) le chef logistique de
ces unités diffuse dans l’ordre d’opération un paragraphe ou une annexe logistique qui est
déclinée par la suite par les GTIA subordonnés.

Chaîne logistique depuis la métropole jusqu’à la ligne de contact

A chaque niveau de conception et d’exécution, le responsable logistique directement placé sous


les ordres du chef de l’élément conçoit et organise la manœuvre logistique. Cette manœuvre est
indissociable de la manœuvre tactique à proprement parlé. En effet il ne peut exister qu’une seule
manœuvre globale dont la logistique fait intégralement partie pour atteindre l’objectif ou le but
fixé par le commandant.
C’est pour cette raison que la logistique militaire est totalement intégrée. Elle l’est
doublement. Premièrement de manière verticale, formant une chaîne logistique depuis la
métropole ou les industriels produisent et délivrent la ressource jusqu’aux unités tactiques aux
confins du monde la consommant. Deuxièmement elle l’est de manière horizontale puisqu’à
chaque niveau, le chef dispose de l’ensemble des moyens des 13 sous-fonctions de la logistique
pour lui permettre d’atteindre ses objectifs militaires. L’agilité et la résilience de cette chaîne
seule peut garantir une capacité de réaction et à conduire des opérations sur court préavis.
L’organisation de la logistique terrestre militaire française permet aujourd’hui à la France d’être
une des rares nations à pouvoir entrer en premier sur un théâtre d’opération avec un corps
expéditionnaire. Cette particularité fait de la France une puissance militaire crédible et respectée
dans le monde.
Comme toute organisation complexe intervenant loin de ses bases, l’entretien des flux est
primordial. Pour permettre un soutien optimal, deux types de flux existent :

Le flux poussé est un flux qui pousse la ressource du haut vers le bas sans que le bas n’ait à en
exprimer le besoin ou à en faire la demande. Par exemple pour les rations de combat pour nourrir
le soldat, une ration comprenant les trois repas journaliers, le commandement sait que chaque
jour un soldat en opération en consomme une, il faut donc en pousser une nouvelle une fois la
journée achevée. Cela se fait sans avoir besoin de connaitre par le bas ou en est le niveau des
stocks. On dit donc que l’on pousse la ressource. Ce flux à l’avantage d’être automatique donc
coûteux en temps de traitement. En revanche, le risque est de faire des stocks à l’avant car l’on
ne sait pas ce qui est réellement consommé. Cela immobiliserait donc des ressources financières
et alourdirait les unités de premier échelon qui serait donc moins mobile.

Le flux tiré est lui pour les consommations qui ne sont pas ou peu prévisibles. Il faut alors que
les unités subordonnées effectuent une demande pour se faire recompléter. C’est cette demande
qui déclenchera la mise en re complètement de la ressource. Cette méthode à l’avantage de ne
fournir que le juste besoin, en revanche elle nécessite beaucoup de coordination et de réactivité
pour mettre en place des flux pas ou peu prévisibles en amont.

Ces types de flux ne sont à ne pas confondre avec le mode de délivrance physique de la
ressource qu’est la livraison ou la mise à disposition. Ainsi une ressource poussée peut très bien
être mis à disposition et c’est donc l’unité subordonnée qui mobilisera ses moyens pour venir la
chercher. Dans l’armée française, à l’exception des munitions d’artillerie et du combat en zone
urbaine, la doctrine préconise la mise à disposition des ressources et donc l’unité subordonnée
qui vient se ravitailler sur l’unité de niveau supérieur. Nous verrons que dans la pratique pour
plusieurs raisons, notamment un sous-dimensionnement notoire des unités logistiques de contact
(train de combat), c’est bien souvent une ressource qui est livrée, donc acheminée par les unités
de niveau supérieur.

Un autre principe, est que le commandant de l’opération dispose sous ses ordres de l’ensemble
des moyens logistiques. Cela est vrai à tous les niveaux.
Le chef d’état-major des armées, responsable des opérations auprès du président de la
République dispose sous ses ordres de l’ensemble des directions et services de soutien des
armées du niveau stratégique permettant le soutien des opérations de la métropole vers les
théâtres.
Le commandant opératif de l’opération dispose quant à lui sous ses ordres d’un adjoint soutien
Interarmées (ASIA) qui à sous son commandement tous les moyens de soutien de l’opération.
Ces moyens sont réunis au niveau interarmées permettant ainsi à l’ASIA de disposer de
l’ensemble des ressources et moyens dévolus à l’opération. L’ASIA dispose avec lui d’un état-
major avec au moins un spécialiste de toutes les sous-fonctions détaillées ci-dessous.
Enfin au niveau tactique, le chef d’unité dispose jusqu’au niveau compagnie de ses moyens
propre dans le domaine ravitaillement, sanitaire et maintenance pour s’engager avec son unité.
Cette concentration du soutien logistique sous les ordres des chefs, permet à ce dernier de
disposer de l’ensemble des prérogatives lui permettant de remplir sa mission. En contrepartie, il
doit pouvoir planifier et gérer l’emploi de ses moyens et ressources et cela impose à tous chefs
aujourd’hui d’être aussi un peu logisticien. Les réussites mais aussi les échecs lui seront alors
directement imputés puisque complètement autonome dans ces capacités d’engagement.

Depuis 2009 le soutien dans les armées françaises est interarmées. Ainsi chaque armée ne
dispose plus de son soutien en propre et l’ensemble des opérations de soutiens sont réfléchies et
pensées en interarmées.
Le soutien logistique français est organisé autour de 13 sous-fonctions qui, conformément à la
définition de Wikipédia, prennent en compte l’ensemble des actions qui visent à soutenir les
opérations. Nous retrouvons ces 13 sous-fonctions à tous les niveaux (stratégique, opératif et
tactique) plus ou moins développées en fonction du niveau.

La fonction opérationnelle « soutien logistique » regroupe dix de ces sous-fonctions :

- Le soutien médical.
Cela peut paraitre étonnant de le retrouver dans la logistique mais il concourt très
largement à soutenir les opérations de combat. S’il est bien évidemment mis en œuvre par
des médecins spécialistes des actes, il est planifié et étudié dans son dispositif global par
les logisticiens. Ce soutien a de tout temps été très important pour les forces armées. En
effet il permet de maintenir la capacité opérationnelle en soignant et régénérant les
blessés qui sont des soldats expérimentés puisqu’ayant connu le feu, mais il agit aussi et
surtout dans le domaine psychologique. Ainsi un soldat qui sait avoir une chaîne santé
performante pour le soigner en cas de blessure s’engagera avec moins d’hésitation au
combat.
Le soutien médical est divisé en plusieurs niveaux de soutien à qui appartient une
structure dit « rôle ». Le rôle 1 est dévolu au soutien au plus près des contacts et a pour
seul but d’assurer la survie en stabilisant le blessé. Le rôle 2, est plus étoffé et s’occupe
d’assurer les urgences de théâtre. Le rôle 3 est un hôpital complet qui permet de soigner
le blessé.
Type de soutien médical (source ministère des armées)

Avec l’individualisation de la société à laquelle l’armée n’échappe pas mais aussi la


judiciarisation des opérations, le soutien médical revêt aujourd’hui une importance
stratégique quelque soit son niveau. La France a fait très tôt le choix d’un soutien médical
très efficient en décidant la médicalisation de l’avant. Contrairement à beaucoup de pays
de l’OTAN, la France place dès le niveau compagnie un poste médical avec un médecin.
Cela permet d’avoir un diagnostic très précis mais aussi de pouvoir stabiliser le blessé
très rapidement. Ce choix a bien évidemment un cout car le nombre de médecin doit être
très important. La gestion des évacuations médicale par air est aussi primordiale pour
permettre un taux de survie élevée des blessés.

- Le soutien de l’homme :
Ce soutien traite de tout ce qui à trait aux besoins humains à l’exception de
l’infrastructure. Nous retrouvons les vivres que ce soit les vivres opérationnels telles que
les rations de combat, mais aussi les cuisines et boulangerie de campagne pour soutenir
des effectifs importants. Avec les vivres nous retrouvons aussi la fourniture de l’eau
sanitaire et de consommation humaine. Les armées ont des capacités de forages et de
traitement de l’eau afin de fournir une eau potable aux détachements. Il est aussi prévu un
approvisionnement d’eau en bouteilles pour les soldats sur le terrain.
Dans le soutien de l’homme nous retrouvons aussi toute la logistique d’habillement pour
permettre aux soldats de combattre dans de bonnes conditions. Ces équipements varient
en fonction de la saison et du lieu de l’opération. Avec l’habillement se trouve aussi les
équipements balistiques qui protègent des feux le soldat. C’est cette sous fonction qui est
chargée d’équiper et de renouveler les équipements balistiques type gilets pare-balle.
Cette sous-fonction s’est complètement interarmisée avec la création du commissariat des
armées qui regroupe l’ensemble des moyens.
Zone soutien du combattant type dans une FOB (Source ministère des armées)

- Le maintien en condition opérationnelle des équipements (MCO) :


Cette sous-fonction est responsable de la maintenance des matériels. C’est une des seules
sous-fonction qui n’est que partiellement interarmisée, le responsable de ce MCO étant le
chef d’état-major de l’armée composant le milieu (chef d’état-major de l’armée de terre
pour les véhicules terrestres). C’est un véritable enjeu que de maintenir en condition les
véhicules de combat dans un environnement non permissif et très dégradé. Les
maintenanciers des armées doivent être capables à l’instar de tout mécanicien de réparer
toutes les pannes mécaniques ou du système d’armes. En revanche et contrairement au
civil, cela doit être fait proche du contact ennemi et avec des moyens adaptés car il n’y a
pas de structures permanentes tels que des ateliers en opération. C’est d’autant plus un
vrai enjeu que nos véhicules de combat sont de plus en plus coûteux et perfectionnés et
que le mécanicien doit aussi pouvoir mettre en œuvre et réparer les dernières
technologies pour garantir la disponibilité opérationnelle.
Enfin, l’externalisation de cette fonction est de plus en plus présente notamment dans la
fourniture de pièces détachées par les industriels qui ont des contrats contraignants à ce
niveau-ci. Toute la difficulté pour ces techniciens est de pouvoir, à l’autre bout du
monde, assurer la fourniture des informations dont a besoin l’industriel pour les pièces,
mais aussi assurer les services de « reverse logistique » garantis par les contrats afin de
permettre la pleine efficacité du système.

- Le soutien pétrolier :
Le soutien pétrolier est interarmisé pour la partie terrestre jusqu’au niveau opératif. Pour
ce faire, les armées bénéficie d’un service qui s’appel le service des essences des armées
(SEA) qui a la capacité d’expertise et de fourniture du carburant. Si en volume et en
qualité la partie terrestre, à l’exception de ses hélicoptères, n’est pas la plus
dimensionnante, il n’en demeure pas moins que les moteurs récents demandent une
excellente qualité de carburant.
Chargé de trouver une source de carburant locale satisfaisante ou de s’assurer d’un flux
suffisant depuis la métropole, le SEA dispose des capacités d’analyses (laboratoire
mobile) permettant de garantir la qualité du carburant. De même, il dispose de vecteurs
terrestres pour acheminer les carburants jusqu’aux unités tactiques. La distribution
tactique est quant à elle une responsabilité d’armée, et chaque unité doit pouvoir disposer
de ses moyens. Cependant et comme nous le verrons, la consommation et les élongations
au SAHEL aujourd’hui, bien au-delà des normes d’engagement d’un bataillon tel que
définies en combat de haute intensité normal créé une pénurie de camion-citernes
tactiques que le SEA comble ponctuellement. Il sera nécessaire d’investir dans le futur
dans cette sous-fonction afin de permettre que chaque niveau puisse être correctement
soutenu.

- Les acheminements :
Cette sous-fonction traite de l’ensemble des acheminements. Interamisées au niveau
stratégique et opératif, elle est gardée en propre au niveau tactique. Les flux permettant le
soutien des armées nécessitent d’être entretenus continuellement. Pour cela l’ensemble
des moyens est utilisable. Dans une logique de maintien dans des coûts raisonnables et de
soutien des opérations, l’ensemble des vecteurs est utilisé. Multimodal par nature, le rail
et le transport maritime sont privilégiés pour des raisons de coût. En moyen propre mais
aussi externalisés, l’essentiel des acheminements sont réalisés par ces moyens souvent
combinés. La route est aussi très utilisée, souvent pour les préacheminements sur le
territoire métropolitain et pour les post acheminements sur le théâtre. L’avion, qui
garantit une très grande rapidité et donc une capacité de réaction, est utilisée en
complément quand la vitesse est impérative. Il faut garder à l’esprit que les couts
augmentent alors de façon exponentielle.
Une nouveauté c’est que de plus en plus au niveau opératif les acheminements sont
externalisés afin de permettre de concentrer les moyens d’acheminements militaires au
niveau tactique. Cela est en partie dû à la multiplication des engagements et en parallèle,
à la réduction du parc de transport militaire. Dans cette sous-fonction rentre aussi l’aspect
douanier des mouvements. En effet les opérations se situant à l’étranger, les armées
doivent, suivant des procédures particulières, déclarer les mouvements douaniers. Cette
sous-fonction est aujourd’hui suivi de bout en bout dans un progiciel d’information et de
suivi des flux qui permet de suivre l’ensemble des ressources, que l’on soit en métropole
mais aussi au milieu du désert. Les armées respectent pour l’ensemble de leurs
acheminements les normes internationales telle que le IATA et l’IMDG ce qui, à la
nature des ressources transportées, est contraignant mais bien maitrisé aujourd’hui par les
spécialistes transitaires.

- Le soutien munitions :
Le soutien des munitions est un service entièrement interarmées. Il possède une capacité
d’expertise pyrotechnique pour le transport et le stockage des munitions. Ils mettent en
œuvre des dépôts de munitions en métropole pour les réserves des armées mais aussi et
surtout en opération. Les logisticiens de ce domaine peuvent conseiller le commandement
sur les infrastructures et les mesures à prendre pour permettre au théâtre de disposer de
zones de stockages qui garantissent une parfaite utilisation des munitions.

- Le soutien au stationnement :
Cet élément est une sous-fonction de soutien qui prend de l’importance au fur et à mesure
que notre temps de présence sur le théâtre augmente. Interarmées, c’est le service
d’infrastructure de la défense (SID) qui est chargé de l’armée à partir de ses ingénieurs,
architectes et conducteurs de travaux spécialisés. En métropole c’est eux qui sont chargés
d’entretenir l’immobilier du ministère. En opération, ils déploient une expertise dans le
domaine de l’infrastructure qui permet de déployer des bases opérationnelles de mettre en
place des mesures de protection défenses (PRODEF) et de construire pour prendre le relai
des matériels de campagne. Ainsi en stabilisant le théâtre après l’intervention, ils
remplacent les tentes par des bâtiments en dur ou semi-dur (type bungalow), construisent
des ordinaires, des zones ateliers, des centres opérations et tout ce qui permet à la force
de durer au-delà du déploiement initial. Fonction très technique par nature, ils ont la
capacité de concevoir et de faire mettre en œuvre essentiellement par sous-traitance ces
équipements.

- La prévention des risques professionnels en opération (PRPO) :


Cette sous-fonction logistique monte de plus en plus en importance. En effet si tout le
monde admet la nécessité pour le soldat de combattre dans des conditions difficiles qui
sont une adaptation de la situation tactique à l’instant, tout le monde s’accorde aussi sur
la nécessité de préserver la capacité opérationnelle de l’unité. Pour ce faire, et prenant de
plus en plus de place au fur et à mesure que l’opération se stabilise, la prévention des
risques professionnels en opération a pour but de mettre en place des procédures ou
processus garantissant l’intégrité physique des soldats. Cette fonction est analogue à celle
de chargé de prévention dans les unités en métropole. Il conseille le chef pour mettre en
place, quand la nature des interventions le permet, des procédures de sauvegarde. Le
chef, et lui seul reste décisionnaire pour évaluer ou placer le curseur dans ces procédures
afin que l’effet ne soit pas contre-productif d’un point de vue opérationnel.

- La protection de l’environnement
Ce volet prend aussi de plus en plus de place dans les opérations actuelles. En effet,
l’intervention dans un pays ne durera pas éternellement et il est important de respecter les
normes environnementales dès que possible afin de ne pas empirer une situation déjà
difficile. Les armées sont pleinement engagées dans la sauvegarde de l’environnement
tant en métropole (les camps d’entrainement sont très souvent des zones NATURA 2000)
qu’en opération. Comme pour la prévention des risques, là encore c’est le bon sens qui
domine de façon à ce que cela n’obère pas les capacités opérationnelles. C’est d’ailleurs
là encore, le chef qui place le curseur en fonction des directives. Ce volet peut être
comparé avec la RSE pour les entreprises civiles.

- La condition du personnel en opération :


Cette dernière sous-fonction permet de garantir l’efficacité opérationnelle des unités. En
effet tous les humains ont besoin de repos, de liens avec leurs familles et de
divertissements. C’est l’objet de cette sous-fonction. Comme les deux précédentes, plus
le théâtre est stabilisé plus elle prend d’importance. Elle concerne tous les domaines qui
peuvent être sensibles pour les soldats. Ainsi dans un premier temps c’est l’amélioration
de la nourriture qui permet de sortir des rations de combat et d’apporter un mieux dans le
quotidien. Puis vient la communication avec les familles par la mise en place de liaisons
téléphoniques et internet ainsi que la mise à disposition d’infrastructures permettant aux
soldats de disposer de conditions de vies meilleures. Puis cela passe par l’organisation de
divertissement et de sorties pour les troupes de repos afin de changer le quotidien. Pour le
chef la condition du personnel en opération est un volet qui permet de s’assurer de
disposer de soldats motivés à l’engagement.

La fonction opérationnelle « soutien administratif militaire » regroupe trois de ces sous-


fonctions :

- Le soutien administratif :
Ce soutien permet l’administration du personnel en campagne. Il est très important afin
que soit pris en compte tous les éléments de carrière des soldats. Il ne peut pas se faire
depuis la métropole intégralement car seul le théâtre d’opération peut connaître et suivre
certains éléments. En revanche un lien avec la métropole en termes d’administration
centrale est primordial.

- Le soutien juridique :
Ce soutien garantit au chef que l’intervention se déroule dans un cadre juridique
acceptable. Il a pris une grande importance ces dernières années. En effet avec la
judiciarisation des opérations mais aussi l’information en temps réel diffusée par les
médias, le chef doit prendre en compte cet aspect. De plus, pour permettre une
stabilisation du théâtre ainsi que lors des opérations de contre insurrection des dernières
années, la guerre au sein des populations nécessite d’être strictement encadré pour
permettre la préservation au maximum de ces populations. L’aspect juridique permet de
définir le cadre légal et de s’assurer que les actions entreprises soient en accord avec ce
cadre.

- Le soutien financier :
Ce soutien permet de garantir l’engagement financier. Présent au moins au niveau
stratégique et opératif, il peut parfois être présent au niveau tactique. Il permet au niveau
stratégique de définir une enveloppe pour l’opération et de contrôler l’application des
coûts afin que le budget alloué soit respecté en particulier en phase de stabilisation.
Au niveau opératif, il permet au commandant de l’opération de contracter et sous-traiter
certaines prestations au niveau du théâtre afin de compléter les moyens militaires.

Les engagements actuels qui sont plutôt d’une nature du fort au faible exposent particulièrement
la logistique en termes de menace. En effet, les lignes d’approvisionnement des groupements
tactiques deviennent une cible des ennemis de type insurgés car plus faciles à atteindre que les
unités de combats modernes. De plus cela maximise les effets car un camion ou une citerne
tactique qui est détruite produit bien plus de conséquences pour les opérations qu’un véhicule
d’une unité de combat. C’est dans ce contexte que les unités logistiques se blindent aujourd’hui
et que les opérations de ravitaillements en convois logistiques deviennent de véritables
opérations tactiques interarmes.

Au sein des opérations multinationales, la logistique reste une responsabilité nationale, c’est-à-
dire de chaque nation. L’OTAN et l’ONU, qui sont les grandes organisations au sein desquelles
la France est amenée à intervenir ont néanmoins défini plusieurs niveaux de soutien logistique
dont certains peuvent être partagés.

En effet, si les munitions sont plutôt une prérogative nationale du fait de la particularité de
chaque armée et des systèmes d’armes servis, la petite cartoucherie dispose de code
nomenclature OTAN permettant d’être interchangeable. Jusqu’à peu, la France disposait de
cartouches spécifiques même pour ses fusils d’assaut. C’est maintenant en train de changer.
Néanmoins si la responsabilité de l’approvisionnement en munitions reste une responsabilité de
chaque nation pour les raisons évoquées, on pourrait imaginer une mise en commun pour le
stockage au sein d’un même dépôt. Idem pour les vecteurs de transport qui peuvent être
mutualisé pour permettre une meilleure utilisation de ces derniers. La fourniture des produits
pétroliers qui sont référencés peuvent être mutualisés, la France a d’ailleurs souvent le lead sur
cette ressource dont elle maîtrise très bien la gestion.
Pour le soutien médical, les nations sont très regardantes et la France préfère fournir son propre
soutien.
De même il revient à chaque nation de traiter avec la nation hôte les termes du soutien fournit par
le pays dans lequel on se déploie. L’OTAN développe des SOFA qui permettent de donner un
cadre juridico-financier au déploiement global de la force. Des initiatives otaniennes pensent à
mettre en commun une partie du soutien au sein d’un Joint Logistic Support Group (JLSG) qui
pourrait fournir un soutien mutualisé pour la force et dans lequel serait insérés des National
Support Elements (NSE) qui fourniraient les ressources gardées en propre par la nation.
Chapitre 3 :
La planification, outil
incontournable d’un soutien
logistique efficient
Le management de la supply-chain repose sur 5 piliers que sont la planification, le sourcing ou
approvisionnement achat, la fabrication, le stockage et le transport. Bien que tous ces piliers soient
fondamentaux, la pièce maîtresse de cet ensemble est la planification. Au niveau du management de la
supply-chain civile cette planification permet d’optimiser les flux et ainsi de permettre le plus faible
investissement possible et mobilisation financière (stock etc.) tout en gardant une efficacité maximale
(éviter les ruptures d’approvisionnement). Le Sales and Operation Planning (S and OP) en est la
concrétisation. Au niveau militaire, en opération, si le coût rentre évidemment en compte, la
planification logistique permettra surtout de valider deux éléments précis : la capacité à soutenir la
manœuvre tactique envisagée et l’organisation du dispositif de soutien logistique.

Lors d’une opération militaire, le poste de commandement qui est chargé de concevoir la manœuvre,
planifie cette dernière afin de proposer au commandant de l’opération un ordre d’opération venant
formaliser la manœuvre. Au sein de ce poste de commandement, la partie logistique doit alors prendre
en compte les ressources et moyens à sa disposition, les mettre corrélation avec la manœuvre proposée
et s’assurer de la possibilité de soutenir cette manœuvre. Lors des phases de planifications qui sont
formalisées au sein des état-major avec des méthodes de raisonnement à plusieurs reprises, le
logisticien intervient pour présenter le dispositif logistique qu’il envisage ainsi que les forces et les
faiblesses de ce dernier.

Pour pouvoir se positionner sur la capacité de soutien et l’efficience du dispositif logistique en phase de
planification, le logisticien analyse essentiellement trois critères critiques : le taux de pertes estimé, le
taux de chutes des matériels et le poids logistique de la force.

Le taux de pertes :

Le premier est, en fonction de la manœuvre envisagée, le taux de pertes estimé pendant cette
manœuvre. En effet celui-ci influe directement sur la capacité opérationnelle de l’entité qui combat. De
plus le dispositif de soutien médical (dont le logisticien est responsable puisque le soutien médical est
pris en compte dans la logistique), si le taux de pertes est trop important, pourrait rapidement être
saturé. Cela rendrait alors impossible les évacuations sanitaires et l’avant, au contact de l’ennemi,
devrait garder la gestion de ces blessés, ce qui rendrait alors impossible ou en tout cas très difficile la
suite de la manœuvre. Afin de pouvoir estimer le taux de pertes, le logisticien militaire dispose de
l’appui d’un spécialiste du domaine médical qui a en sa possession des tables de taux de pertes par 24
heures. Ce taux est facteur de l’intensité des combats prévus. De plus il permet de distinguer le nombre
de tués, les blessés graves nécessitant une opération (catégorisation A et B), les blessés plus légers qui
au bout de 24 ou 48 heures pourraient reprendre le combat (catégorisation C), les pertes dues au stress
du champ de bataille et les disparitions possibles. Le tableau ci-après reprend le calcul de ces dernières
avec des taux fictifs afin de donner une idée du calcul :
Exemple de calcul du taux de pertes

In fine ce tableau permettra donc au logisticien d’informer le chef sur les pertes à attendre pendant la
manœuvre envisagée, et lui permettra de s’assurer du bon dimensionnement de la chaîne santé. Il
conduira à effectuer des demandes de moyens d’évacuation supplémentaires (ambulances et
hélicoptères) et d’infrastructures médicales de campagne supplémentaires aussi si nécessaire.

Les équipements et le taux de chute :

Le deuxième critère est le taux de chutes techniques des véhicules de combat permettant aux unités de
se battre. En effet, le logisticien militaire est aussi responsable de la maintenance des matériels des
unités. Pour cela, il dispose d’ateliers mobiles à chaque niveau d’unité pour diagnostiquer, évacuer et
réparer les matériels. Le taux de chutes se calcul avec des tableaux de référence qui nous donnent des
indices de chutes techniques et tactiques par type d’engin. En effet, les engins peuvent tomber en
panne du fait d’une défaillance mécanique, c’est le taux de perte technique, mais aussi être endommagé
au combat, c’est le taux de perte tactique.
Exemple de taux de pertes de matériels suivant l’intensité du combat

Ces taux de pertes calculés permettront au logisticien de s’assurer de la capacité à poursuivre la


manœuvre dans le temps. De plus, connaissant à l’avance le nombre d’équipes de mécaniciens dont il
dispose ainsi que leurs rendements, il pourra ainsi dans l’ordre logistique définir le temps de travail par
plage de 24 heures (codifié de R1 à R4) suivant le tableau suivant :

Régime de travail pour les équipes de maintenance

De plus cela permettra au logisticien de s’assurer de la bonne répartition de ses équipes de maintenance
entre le niveau d’intervention 1 (effectué par les ateliers des régiments et ne dépassant pas 4 heures
généralement) et le niveau d’intervention 2 (effectués par les ateliers du niveau supérieur au régiment),
ainsi que des vecteurs nécessaires pour évacuer les véhicules des ateliers de niveau 1 vers les ateliers de
niveau 2. Cela permet d’esquisser le dispositif de maintenance qui sera nécessaire pour l’opération.
Le poids logistique et les ressources :

Le dernier critère critique est le poids logistique de la force et la consommation prévisionnelle de ses
ressources. En effet pour pouvoir mener ses opérations, la force a besoin d’être approvisionnée dans
trois principales ressources : Les vivres (comprenant l’eau de boisson), les munitions comprenant
l’ensemble des munitions que consomment les matériels en dotation dans l’unité et le carburant. Le
calcul du poids logistique de la force permet d’estimer les ressources nécessaires pour une journée de
combat qui est l’unité de mesure.

La formule pour le jour de combat est la suivante :

1 JC = 1 JV + 1JC munition + 1JC carburant


JC= jour de combat

JV= Jour de vivres

Pour obtenir le jour de combat munition, il existe un document reprenant toutes les munitions en
service au sein des armées et qui permet le calcul de ce jour par type de munitions. Ces munitions sont
classifiées en tranches de A à H en fonction des spécificités de chaque munition. A ce titre la tranche D
qui corresponds aux munitions d’artillerie est une tranche critique pour le logisticien car la quantité de
matière active mais aussi le poids et le volume de cette tranche est très consommatrice en vecteurs.

Pour obtenir le jour de combat (JC) carburant, il existe aussi un document permettant en fonction du
facteur d’intensité de calculer l’unité d’essence (UE). Cette unité est la quantité nécessaire pour un
véhicule pour effectuer 100 km à laquelle on applique des coefficients multiplicateurs en fonction du
terrain, du type de combat et de la météo. Cette unité permettra alors au logisticien de s’assurer qu’il
dispose de suffisamment de citernes tactiques pour soutenir l’opération. Ce critère peut rapidement
devenir critique en cas d’appartenance d’unités aéromobiles au sein de l’unité. En effet la
consommation des hélicoptères est significative.

Les notions de flux :

Ces notions sont fondamentales car c’est du choix de mode de flux que dépendra l’approvisionnement.
Il est donc particulièrement important de choisir le type de flux (Poussé ou tiré) à bon escient pour
permettre à la chaîne logistique d’être efficiente.

L’estimation précédemment obtenue permettra de définir les niveaux de stocks initiaux à détenir pour
chaque unité avant le début de l’opération, et de prévoir les phases de recomplètement des unités (si
possible pendant des périodes de baisse de l’intensité du combat). Les vecteurs de transport disponibles
permettront alors de définir quand faire les boucles logistiques sur les arrières et s’il faut créer un stock
à terre ou non. Cela définira aussi les périodes de livraisons envisagées aux unités et enfin si la chaîne
logistique est en flux poussé ou tiré.

Comme nous l’avons déjà vu dans les principes de la logistique, le flux poussé permet de prévoir la
ressource à livrer ou à délivrer de manière automatique en fonction des estimations. Une ressource qui
se prête particulièrement bien à ce mode de flux est les vivres. En effet tous les jours le soldat a besoin
de manger, la consommation est donc très prévisible. En revanche le flux tiré est initié par une
commande du client ou de l’unité bénéficiaire. Cela permet de consommer le juste besoin et donc de ne
pas alourdir inutilement l’avant avec des stocks de ressources. En revanche ce flux est beaucoup plus
technique à mettre en place car il nécessite une forte capacité d’adaptation de la chaine logistique pour
fournir au bon moment les bonnes ressources.

Attention ces types de flux qui correspondent à la commande d’une ressource sont à dissocier avec le
mode de délivrance de la ressource. En effet trop souvent l’on croit que le flux poussé veut dire que
l’échelon supérieur vient nous livrer la ressource et que le flux tiré veut dire que l’on doit aller chercher
la ressource à l’entrepôt du niveau supérieur avec nos vecteurs. Cela n’a rien à voir. Ainsi on pourra
avoir une commande de munitions en flux tiré mais que l’on se fera livrer par l’échelon supérieur avec
ses propres vecteurs (la tranche D typiquement) et l’on pourra avoir une commande de vivres en flux
poussé que l’on devra aller chercher avec nos propres vecteurs sur l’entrepôt logistique de niveau
supérieur.

La règle de base communément admise étant que c’est les unités subordonnées qui viennent chercher
la ressource sur l’entrepôt de niveau supérieur avec leurs vecteurs à l’exception des munitions de
tranche D qui sont livrées du niveau supérieur au niveau subordonné. Mais cela peut être ajusté et
défini différemment par le chef logistique dans l’ordre d’opération.

Comme nous l’avons vu les travaux de planifications permettent au chef logistique d’assurer au
commandant de l’opération que la manœuvre pourra être soutenue avec efficacité. Les calculs de
charges permettent au chef de la logistique de mettre en place le dispositif logistique, de définir les
niveaux de stocks dont chaque unité devra disposer avant le début de l’engagement mais aussi de la
bascule des unités logistiques. Il est d’ailleurs à noter que dans ce domaine du dispositif logistique, les
unités ont besoin de stabilité car ce n’est pas pendant les phases de bascule et donc de mouvement de
ces unités logistiques que l’on peut opérer des blessés, réparer des véhicules ou délivrer des ressources.
Tout en ayant besoin de stabilité, il faut aussi que les élongations soient raisonnables pour permettre un
soutien efficient. Enfin un compromis doit être recherché entre autonomie des unités de combat et
capacité de manœuvre. En effet plus l’on donne d’autonomie aux unités de contact plus leur poids
logistique s’alourdit et donc leur agilité diminue.

Et les nouvelles technologies dans tout cela ?

Aujourd’hui l’apport des nouvelles technologies augmente significativement la qualité du travail de


planification. En effet, depuis une dizaine d’années nous disposons de modules logistiques dans nos
logiciels de commandement qui nous permettent d’initier des niveaux de stocks, de suivre cette
consommation mais aussi d’automatiser les calculs de planifications. En revanche il manque jusqu’à
maintenant le traitement en temps réel des données mais aussi les adaptations des taux d’applications
servant aux calculs des différentes ressources et moyens. Demain avec l’apport de SCORPION et l’arrivée
de nouveaux véhicules de combat qui transmettront des flux d’informations nous pourrons disposer en
temps réel du niveau de ou des ressources logistiques détenues et de la capacité opérationnelle
instantanée.

Mais surtout après demain, il serait intéressant de pouvoir disposer, intégré à nos logiciels de
commandement, du suivi des flux des ressources (qui se fait déjà sur un autre logiciel déconnecté de la
partie tactique), mais surtout de l’apport de l’intelligence artificiel qui pourrait en temps réel pour
chaque opération, adapter les taux figés de nos abaques, qui pourrait nous proposer des solutions de
livraison et de convois logistiques nous permettant de gagner en efficience dans l’utilisation des
vecteurs mais aussi prendre en compte le tissu local dans l’approvisionnement afin de nous offrir des
solutions de recomplètement d’urgence.

Conclusion

Pour conclure, comme dans toutes supply-chain civile, l’efficience d’une chaîne logistique ne peut
passer que par des travaux de planifications précis et de qualité. C’est aujourd’hui une étape
incontournable pour permettre de soutenir efficacement et surtout avec agilité et résilience les unités
de combat dans les armées.

De la même manière que pour les entreprises civiles, le développement des nouvelles technologies peut
offrir des perspectives fantastiques pour permettre une planification optimale. Il convient dès le début
dans les recherches et le développement des réseaux et moyens de commandement de prendre en
compte ces capacités et de prévoir la possibilité de les intégrer. Néanmoins, les méthodes manuelles
doivent continuer à être enseignées et mises en application pour développer la résilience du modèle. En
effet, les modes d’action ennemis sont de plus en plus de s’attaquer aux réseaux de communication et,
en cas de réussite, cela pourrait paralyser la chaîne logistique.
Chapitre 4 :
La logistique au regard des
principaux théâtres de ces
vingt dernières années
Ce chapitre a pour but d’étudier la logistique et le soutien des opérations extérieures de ces vingt
dernières années. Cela avec l’objectif de faire ressortir les principes présentés précédemment et
de montrer les capacités d’adaptation des dispositifs mais aussi des savoir-faire permettant à la
logistique de garantir la pleine capacité opérationnelle des unités et leur intervention. Présentés
de manière synthétique pour des opérations protéiformes qui pour certaines ont durées plus de
dix ans le but est de faire ressortir les principales tendances par théâtre. En effet, l’armée
française de par son passé et sa place dans le monde intervient régulièrement en opération
extérieure (OPEX). Si cela a commencé dans les années 80 et 90, il me parait important de
revenir sur les différentes opérations extérieures et leurs aspects logistiques terrestres depuis les
années 2000. En effet ce nouveau millénaire commence par un évènement géopolitique majeur
que sont les attentats du 11 novembre 2001 aux Etats-Unis. Au lendemain de ces attentats, bien
que l’on comprenne que cela va fortement influer les relations internationales, personne ne peut
prévoir le bouleversement géopolitique profond que cela va engendrer.
Le réveil du géant américain avec sa soif de vengeance entrainera le monde occidental dans une
guerre contre le terrorisme qui le changera profondément. Dans ce contexte incertain, la France
mènera plusieurs opérations, en coalition avec l’OTAN, sous l’égide des Nations-Unies mais
aussi en totale autonomie ce qui démontre sa capacité à conduire des opérations dans une logique
de force expéditionnaire. La variété de ces interventions permet d’étudier sous l’ensemble du
spectre la logistique terrestre militaire quelque soit son niveau d’exécution.

A ce titre j’ai choisi d’étudier huit opérations extérieures qu’a menée la France tant de manière
autonome qu’en coalition multinationale que ce soit sous mandat ONU ou OTAN.

Déploiement des armées (source EMA)


La république de Côte d’Ivoire – Opération LICORNE

1- Contexte de l’opération :

Les forces françaises ont toujours été présentes en république de Côte-d’Ivoire depuis
l’indépendance du pays. Liées par des accords de défense, la république de côte d’ivoire et la
France ont pendant des décennies permis un très fort développement économique et commercial
de la Côte-d’Ivoire. Si bien que dans les années 1990 la réussite de ce pays est enseignée dans les
écoles et présentée comme un modèle de développement au sein du continent africain.
Cependant le fort développement en particulier du sud du pays majoritairement chrétien ne
profite pas au nord majoritairement musulman. De plus, cette réussite entraine les convoitises et
donc une forte immigration pour venir travailler sur place. Introduisant le concept d’ivoirité
permettant aux hommes politiques au pouvoir d’écarter des prétendants, sur fond de crise
politique, Laurent Gbagbo est élu président. Le 19 septembre 2002 une tentative de coup d’état
met le feu aux poudres et fait basculer la cote d’ivoire dans la guerre civile entre le nord, les
rebelles et le sud resté loyal au président Gbagbo.
Depuis l’indépendance du pays la France maintien sur place un régiment qui fait parti des forces
prépositionnées. Ce régiment est basé à Abidjan, c’est le 43e BIMa. Il dispose de capacités de
montée en puissance pour intervenir avec des stocks de matériels prépositionnés. La France
renforce immédiatement son dispositif afin d’être en mesure d’intervenir, c’est le début de
l’opération LICORNE. Montant rapidement en puissance la force comptera jusqu’à 5000
hommes au plus fort de la crise en 2004.
La mission principale de l’opération LICORNE est de soutenir les forces de l’ONU déployées
dans l’opération ONUCI. Elle s’assure du respect des accords en contrôlant les zones avec ses
GTIA.
L’opération LICORNE décroit à partir de 2007 passant à 2700 hommes puis 1800 en 2008 pour
s’établir à un GTIA de 900 à partir de 2009. Elle remonte en puissance en 2011 suite au refus du
président Gbagbo de reconnaitre sa défaite aux élections et à la crise que cela engendre.
Suite à son arrestation les forces passent à 450 hommes et l’opération Licorne est officiellement
terminée en 2015 en renommant le dispositif Forces Françaises en Cote d’Ivoire (FFCI) sur la
base de l’historique 43e BIMa.

2- Forces déployées et organisation :

Commandé par un officier général qui dispose d’un poste de commandement interarmées de
théâtre (PCIAT), elle s’articule autour de GTIA déployés dans le pays, du GTIA 43 formé sur
l’ossature du 43e BIMa, régiment historique, d’un bataillon d’hélicoptères, d’un groupement de
forces spéciales et d’un bataillon logistique. Au plus fort de la crise les effectifs compteront 5
GTIA dont un aéroporté.
L’officier général commandant l’opération assume les responsabilités opératives et tactiques de
l’opération. Pour se faire son PCIAT dispose d’une capacité de planification opérative et
tactique.
Dispositif au 1er avril 2004

Les GTIA sont déployés dans tout le pays conférant à cette opération une dimension hors norme
de par la zone à contrôler et les élongations entre les unités.
3- Organisation du soutien logistique sur place :

Comme nous l’avons vu précédemment, l’officier général commandant l’opération dispose des
responsabilités de niveau opératif et tactique. Pour ce faire le PCIAT dispose en son sein d’une
branche complète logistique. La particularité de l’opération repose sur le maintien d’un
commandement des troupes françaises en cote d’ivoire (TFCI) ossature des forces
prépositionnées avant l’opération. Ce commandement dispose des unités logistiques de niveau
opératif regroupées dans une base de soutien vie interarmées (BSVIA), alors que le DETLOG lui
dispose des unités de logistique tactique. Par la suite l’ensemble de ces unités seront regroupées
au sein d’un bataillon logistique.

Pour pouvoir soutenir l’opération, deux voies de communications stratégiques sont possibles. La
première la moins couteuse et celle qui sera le plus utilisé pour entretenir les flux de l’opération
est la voie maritime. Le port d’Abidjan dispose pour cela de toutes les capacités d’un port
moderne et permet ainsi la mise à terre de grosses quantités de matériels et ressources. La
seconde voie stratégique est la voie aérienne. Idéalement placée, l’emprise du 43e BIMa qui fait
aussi office de GSIAT jouxte les installations aéroportuaires. Ce mode d’acheminement sera très
utilisé pour la partie intervention de l’opération, pour la mise à terre et la relève du personnel. Le
niveau stratégique du point de vue logistique ne posera donc pas de problèmes majeurs du fait de
l’implantation depuis des années de forces prépositionnées et du développement économique
d’Abidjan qui de ce fait dispose de très bonnes installations notamment portuaires.

Au niveau opératif, fait nouveau pour un théâtre d’opération de cette intensité, ce sont les
grandes élongations qui posent problèmes. En effet les GTIA déployés en contrôle de zone
doivent être ravitaillés et les liaisons intra théâtre ne peuvent être effectuées qu’avec le bataillon
d’hélicoptères pour aller vite ou par voie routière sur des pistes de latérite pouvant être
dangereuse et surtout allongeant très sensiblement les délais de transport. C’est une
préoccupation majeure du théâtre. Le recours à des vecteurs externalisés a permis de compléter
utilement ce dispositif. Néanmoins le coût d’emploi de ces moyens fait que les convois par la
voie routière furent systématiquement utilisés en planification. Seuls les besoins imprévus et
urgent furent privilégiés par voie aérienne.
Le déploiement des GTIA dans le nord et le centre du pays ont fait basculer le centre de gravité
de la force au centre du pays. Pour assurer un soutien efficace et surtout efficient le BATLOG a
alors déployé un élément avancé au centre du pays.
Convoi logistique en RCI (source internet blog RP défense)

La maintenance de théâtre fut sans cesse perfectionnée au cours de l’opération pour finir par
déployer le volume d’une compagnie de maintenance complète pour soutenir l’opération.
Néanmoins, là encore les élongations ont rendu difficile l’approvisionnement en pièces détachées
et contraint les équipes de maintenance de l’avant à effectuer des travaux ayant nécessité en
temps réel un débordement. Cette adaptation fut rendue possible par la relative stabilité du
dispositif qui assurait le temps suffisant pour effectuer les actes de maintenance.
Pour les flux de carburants et de munitions, les convois du BATLOG permirent d’assurer un flux
suffisant d’entretien à la vue de la faible intensité des combats.

Au niveau tactique, le déploiement logistique a permis au BATLOG de s’assurer de l’essentielle


des boucles arrière entre le centre du pays et Abidjan. Les trains de combats des GTIA déployés
avaient alors à leur charge de se ravitailler sur la base avancée. La mission des GTIA étant une
mission essentiellement de contrôle de zone sur des espaces très étendus, les compagnies et
sections étaient disséminées dans l’ensemble de l’aire d’opération du GTIA, créant une
multiplication des flux routiers pour assurer la livraison des ressources. Les trains de combat n°1
des compagnies durent alors s’adapter pour permettre l’entretien de ces flux. Au niveau tactique
comme nous l’avons vu, les unités de maintenance des GTIA effectuèrent l’essentielle des
réparations pour éviter de déborder sur de très grandes distances les matériels.
Le soutien carburant tactique a cruellement manqué de moyens de citerne dans les GTIA. Cet
état de fait a été pallié par la mise en place de citernes fixes sur les positions des emprises des
GTIA voir certain PC de compagnie pour assurer un stock suffisant. La stabilité des unités dans
leur zone a permis de substituer le manque de moyens mobiles en prépositionnant des stocks
statiques.
Le soutien médical a donné entièrement satisfaction. Le principe de la médicalisation de l’avant
des unités a ici parfaitement rempli son rôle et assuré des capacités médicales suffisantes malgré
les élongations. Il est à noter le rôle important qu’ont pu tenir les auxiliaires sanitaires présents
dans les sections bien souvent en double emploi, mais conférant une autonomie appréciée à cet
échelon.

4- Evolution de l’opération :

La résolution de la crise Ivorienne a permis de redescendre progressivement en effectif


consacrant un repli de la force sur l’emprise d’Abidjan et permettant de décroitre les unités
logistiques tactiques jusqu’à la dissolution de BATLOG lors du retour à un seul GTIA.
Aujourd’hui redevenues forces prépositionnées, les Forces Françaises en Côte d’Ivoire (FFCI),
ont gardé des capacités logistiques opératives qui permettent le soutien de l’opération
BARKHANE que nous évoquerons plus loin.

5- Conclusion

L’opération n’a cessé d’évoluer. Montant en puissance, elle a su adapter son dispositif logistique
pour permettre un soutien efficient. A noter que les effectifs au plus fort du déploiement des
logisticiens de l’opération ont représenté entre 20% et 30% de l’effectif global déployé. Ce
chiffre est plutôt conforme à la doctrine française. En revanche les élongations ne le sont pas, le
dispositif ayant pu être soutenu grâce à la stabilité conférée par la mission de contrôle de zone.
Le manque de moyens a été comblé par des stocks à terre captifs.
L’organisation du soutien conforme au concept français sous les ordres du chef commandant
l’opération a permis une adaptation réactive et de trouver des solutions lui permettant d’adopter
un dispositif tactique loin des abaques doctrinaires.
Le Liban et la FINUL 2 – Opération DAMAN

1- Contexte de l’opération :

Pour cette étude j’ai choisi de me concentrer sur l’étude de la FINUL 2 depuis 2006. En effet la
France est présente depuis les années 70 au Liban. Mais le renforcement significatif en 2006 de
la FINUL et la création de l’opération DAMAN permet d’étudier la mise en place d’une force
mécanisée lourde. En effet jusqu’à cette date, la France utilisait principalement ses unités légères
pour intervenir sur court préavis. Du fait de la potentielle menace israélienne, et pour être
crédible, la France décide de l’envoi d’un bataillon lourd mécanisé.
Suite à la guerre de l’été 2006 entre Israël et le Liban, une sortie de crise est trouvée par le vote
de la résolution 1701 parrainée entre autres par la France. Il est décidé du renforcement
significatif de la FINUL pour assurer le contrôle de la zone frontalière et ainsi permettre le retrait
de TSAHAL et le déploiement au sud du fleuve Litanie de l’armée Libanaise. La France décide
d’engager des moyens lourds pour crédibiliser cette force. Il sera décidé le déploiement d’un
bataillon lourd blindé mécanisé. La FINUL compte en tout plus de 10 000 hommes. Les
éléments français sont déployés sous l’égide des nations unies et portent le casque bleu.

2- Forces déployées et organisation :

La FINUL 2, augmente significativement l’opération qui est, c’est d’ailleurs la seule opération
de l’ONU, commandée par un miliaire. La France doit s’insérer dans cette énorme structure des
opérations de maintien de la paix de 10000 hommes, disposant de son propre niveau stratégique.
Ainsi, l’organigramme de commandement mêle structure civile et militaire pour permettre la
prise en compte de l’environnement politico-militaire.

Structure de commandement de la FINUL


En 2006, le dispositif français déployé comptera environ 1600 français permettant de disposer
d’un élément déployé en contrôle de zone et contrôle de la frontière et d’un élément de QRF
avec les canon AUF1 et les chars LECLERC pour intervenir. Placée sous l’autorité d’un chef de
corps, cette entité correspond à deux bataillons et son soutien logistique. Le premier d’environ
800 hommes se concentre sur la mission de contrôle de zone dans une des zones les plus
frappées par les combats entre le Hezbollah et Tsahal et le second confère une capacité de QRF
blindée lourde aux ordres du commandant de la force FINUL.
Le bataillon en contrôle de zone est placé sous les ordres du Général commandant le secteur
ouest de la Finul. En parallèle un état-major de soutien national France est déployé pour assurer
le soutien opératif avec des unités de soutien déployées à Naqoura, zone de présence historique
de la France.

3- Organisation du soutien logistique sur place :

Dans un premier temps pour le déploiement et les premiers mandats de DAMAN, l’organisation
du soutien logistique correspond aux opérations classiques. Le général présent, chef d’état-major
de la FINUL internationale est aussi le SNR (Senior National Representative) et le NCC
(National Contingent Command) de l’opération. Il dispose pour soutenir la force au niveau
opératif d’un ASIA, d’un état-major et d’unités de soutien dédiées qui forment un détachement
logistique.
Au niveau du régiment organisé en deux bataillons, il dispose d’un train de combat permettant de
soutenir l’action des bataillons que ce soit en contrôle de zone ou pour la QRF. Le dispositif
Français s’appuie sur 2 camps principaux et deux postes de surveillances à la frontière. Le ratio
de déploiement des soutiens / forces combattantes est d’environ 1 pour 4 ce qui est dans la norme
française. En parallèle de ces structures de soutien françaises, se déploie aussi la logistique
onusienne. En effet, les opérations de maintien de la paix sous égide des nations unies disposent
de leurs propres logistiques.
L’engagement d’un pays dans le cadre d’une opération de maintien de la paix diffère
sensiblement en particulier pour le soutien et la logistique d’une opération purement française.
En effet, la France met à disposition ses troupes auprès de l’ONU et pour se faire est remboursée
des dépenses engagées. Ces accords se traitent au niveau stratégique pour définir le niveau de
remboursement dans le cadre d’une mise à disposition auprès de l’ONU. Plusieurs formules
existent qui vont de la simple fourniture du soldat qui est équipé et soutenu entièrement par la
logistique onusienne (plutôt pour les pays en développement), à la total autonomie du
détachement dans le domaine du soutien logistique. Evidemment les niveaux de remboursement
diffèrent en fonction du type d’engagement retenu. La France fait plutôt le choix de se soutenir
un maximum par ses propres moyens.
Ces dispositions logistiques sont gravées dans un document qui s’appelle un Memorandum Of
Understanding (MOU) qui est signé au niveau politique avec la représentation des nations unies
à New York. Ce document contraignant pour les deux parties, passe en revue toutes les sous
fonctions de la logistique ainsi que le nombre de matériels majeurs qui doivent être déployés.
L’ONU effectue sur le territoire tous les trois mois des inspections pour s’assurer du bon
déploiement des moyens et services demandés ce qui déclenche le remboursement.
En parallèle, le soutien fournit par les nations unies est mis en place par la branche soutien des
opérations sur place. La branche soutien d’une opération des nations unies est commandée par le
Director of Mission Support (DMS) qui est très souvent un civil. La branche est fortement
civilianisée et recourt essentiellement par contrat avec les entreprises locales. La partie soutien
des camps, appartenant à l’ONU fait partie de ce type de prestations.
C’est dans ce cadre que la logistique de l’opération DAMAN évolue. Elle doit assurer en liaison
direct avec la métropole les prestations logistiques garanties par la France dans le MOU
(essentiellement le MCO, le soutien médical, les munitions, l’administratif, le financier, les
acheminements) et traiter avec la chaîne onusienne pour le soutien devant être fourni par cette
dernière.
La partie ONU est très procédurière et c’est un des enjeux pour les services de l’ASIA, d’obtenir
dans des délais raisonnables la fourniture des prestations dues.

4- Evolution de l’opération :

De 2007 à 2012 la force ne subit pas de transformation majeure si ce n’est le remplacement


progressif des engins chenillés par des engins à roues essentiellement pour des raisons de
soutenabilité et d’acceptation de la force par la population civile.
A partir de 2012, la France réorganise son dispositif pour se concentrer sur la partie réserve de la
force aux ordres du Force Commander. Pour ce faire elle se recentre sur un seul camp et ne
forme plus qu’un bataillon dont la seule mission est d’être en mesure d’intervenir aux ordres
directs du force commander.

Déploiement UNIFIL en mars 2012


La force passe à un volume de seulement 900 hommes. Malheureusement cette diminution se fait
très clairement au détriment des unités de mêlée, le soutien maintenant peu ou prou son volume,
faisant quasiment augmenter le rapport soutien /mêlée à 50/50. Ce qui est bien au-dessus des
normes françaises en particulier pour une opération soutenue partiellement par l’ONU même si
le soutien reste majoritairement français.
Plus grave, c’est l’organisation même de la cohérence du soutien et de l’unicité des moyens
logistiques dévolus au chef qui posa problème. En effet pour maintenir une capacité de logistique
opérative, il est décidé de maintenir l’essentiel des unités du détachement logistique directement
sous les ordres de l’ASIA et de dissoudre l’ensemble des unités de soutien du bataillon, privant
ainsi celui-ci de ses capacités d’engagement autonomes. De plus le commandant de bataillon ne
dispose d’aucune prérogative sur le soutien puisque l’ASIA reste directement subordonné au
général. Bien qu’embasé en réserve général, ce mode d’organisation retire toute capacité
d’engagement autonome au bataillon. Un des principes de la logistique est donc rompu à ce
moment-là. En effet, le général, chef d’état-major de la FINUL, ne dispose pas de prérogatives
de commandement tactiques ou opératives sur les éléments français et n’est donc pas le chef
tactique.
Conscient de cette problématique, dès le mandat suivant le chef de corps du bataillon récupère
les fonctions de NCC et l’ASIA est placé sous son autorité afin de redonner un sens au niveau
logistique.
Néanmoins en maintenant cette organisation, le bataillon ne dispose plus de son train de combat
déployable immédiatement mais d’un agrégat d’unités (une compagnie de maintenance et un
sous groupement logistique) sans cohérence tactique globale. Cet état de fait est renforcé par le
remplacement de la compagnie d’infanterie française du bataillon par une compagnie finlandaise
avec pour partie son soutien national. Le soutien n’a été réduit qu’à la marge consacrant cette
opération, embasée et largement stabilisé, avec une prééminence de la logistique sur les éléments
de mêlée. Ce qui est frappant c’est que partant de ce constat, et même si des effets de seuil ne
permettent pas de diminuer en proportion autant le soutien que les forces de mêlée,
l’organisation actuelle fait qu’aujourd’hui, quand on cherche à réduire en volume ce soutien lors
des revues du dispositif, il est expliqué avec tous les indicateurs et diagrammes possibles que la
baisse des effectifs du soutien ne peut se faire qu’au prix d’énormes sacrifices sur la capacité
opérationnelle.

5- Conclusion :

S’engager dans une opération sous l’égide de l’ONU n’est pas anodin en termes de logistique. En
effet, il convient que le niveau stratégique en liaison avec New York fixe les attendus du soutien
national et du soutien fourni par l’ONU. Les logisticiens doivent pouvoir parfaitement maitriser
alors cet aspect particulier pour permettre un soutien optimum.
En parallèle la déflation des effectifs doit être cohérente et ne pas se faire au détriment de
l’efficacité opérationnelle. A ce titre, la logistique militaire doit garder les principes de base
permettant de garantir la capacité d’engagement d’un échelon tactique sous les ordres de son
chef, en autonomie avec les moyens logistiques de son niveau. A défaut, il doit au moins être
créées des procédures et identifier des entités parmi les unités de soutien qui viendraient créer ad
hoc ce train de combat permettant au bataillon de recouvrer son autonomie. Il ne s’agit pas de
tomber dans « syndrome des Kerguelen », et le logisticien doit en permanence garder en tête les
principes de la guerre tel que l’économie des moyens et de se l’appliquer à lui-même, en
particulier en période de contrainte budgétaire élevée.
L’Afghanistan – Opération PAMIR
1- Contexte de l’opération :

A la suite des attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis d’Amérique, ces derniers font
valoir l’article 5 du traité de l’OTAN en réaction aux attaques. La France bien que non contrainte
par cet article décide d’engager ses forces aux cotés des américains en Afghanistan.
L’armée américaine déploie toute sa puissance pour « venger » l’attaque et, en quelques mois,
aidé par l’alliance des tribus du nord fait tomber le régime Taliban au pouvoir. Commence alors
une mission de stabilisation et de reconstruction de l’Afghanistan sous commandement de
l’OTAN.
Dès le 15 novembre 2001 des troupes françaises foulent le sol afghan à Mazar e Sharif.
Néanmoins le contingent commencera véritablement sa mission au titre de l’ISAF à compter de
2003 dans la région de KABOUL. Affectée au Régional Command Capital (RCC), la France a
dans un premier temps une mission de contrôle de zone dans la ville de KABOUL, environ 2000
soldats sont déployés à cette période. La situation sécuritaire se dégrade rapidement dans le pays
qui fait face à une forte résistance du mouvement Taliban qui a adapté ses modes d’actions sous
la forme d’une guérilla, mais aussi aux guerres claniques qui ressurgissent suite au départ des
Talibans du pouvoir.
En 2008, la France prend le commandement de la région SUROBI et le président SARKOZY
décide de s’engager significativement sous le commandement des américains au sein du
Régional Command East (RCE). Elle prend alors la responsabilité de la KAPISA en sus de la
SUROBI et déploie alors une brigade de combat : la Task Force La Fayette (TFLF). La France
déploie alors plus de 4000 soldats. C’est à cette époque que nous allons concentrer notre étude.

2- Forces déployées et organisation :

A cette époque la France déploie environ 4000 soldats répartis entre un état-major de brigade,
deux GTIA, chacun responsable d’une zone (GTIA KAPISA et GTIA SUROBI), un bataillon
d’hélicoptères, un bataillon de commandement et de soutien (BCS), un groupement de forces
spéciales, des appuis dans le domaine du renseignement, ainsi que des équipes de liaison avec les
bataillons afghans (KANDAK).
La mission étant essentiellement de contrôler la zone et en particulier l’axe nord-sud reliant
Bagram la base américaine à la route du Pakistan, la brigade s’appuie sur un réseau de Foward
Opérational Base (FOB) et Combat Out Post (COP), emprises statiques valorisées pour
s’implanter dans la zone et assurer la mission. Le dispositif est alors essentiellement figé, et la
multiplication des emprises a comme conséquence de grever des forces pour la protection de ces
dernières. Ce procédé tactique sera d’ailleurs soumis à débat tout au long de la mission afin de
trouver le juste milieu entre profusion de postes mais dispositif figé car forces allouées à la
protection très importantes et peu de postes mais implantation permanente dans la région réduite.
Principales emprises françaises en 2011

La partie terrestre garde le bataillon logistique sur KABOUL au camp de WAREHOUSE qui est
proche de l’aéroport et directement desservi par l’axe principal arrivant du Pakistan. De plus la
France a aussi sur Kaboul un hôpital militaire de niveau rôle 2+ qui lui permet de traiter les
blessés les plus graves.
En parallèle le théâtre dispose d’un détachement à DOUCHANBE au Tadjikistan qui sert de base
relai entre le théâtre et la métropole.

3- Organisation du soutien logistique sur place :

La géographie de l’Afghanistan fait qu’au niveau stratégique le soutien logistique d’une


opération est particulièrement complexe. En effet, le pays ne dispose d’aucune façade maritime
permettant l’emploi de la voie maritime qui, nous l’avons vu est un des modes d’acheminement
les moins couteux. De plus la situation géopolitique fait que les flux d’approvisionnement
peuvent difficilement passer par le nord car cela fait partie de la sphère d’influence russe qui voit
d’un mauvais œil cela. Même si avec le temps la Russie acceptera qu’un certain nombre de frets
puisse transiter par le nord. A l’est le Pakistan est un état qui n’a pas de positions très claires
avec le terrorisme et concourt largement à la dégradation sécuritaire en Afghanistan. C’est
néanmoins par cette voie que l’essentiel des flux d’approvisionnement passeront.

Au niveau opératif, la géographie du pays fait encore des siennes. En effet la ville de KABOUL
se situe à quasiment 1800 mètres d’altitude, ce qui obère largement les capacités de transport par
voie aérienne tant avec les avions qu’avec les hélicoptères. C’est particulièrement vrai en période
estivale.
De plus depuis le Pakistan une seule route est carrossable pour les convois routiers et elle passe
dans des gorges profondes rendant facile toute embuscade, rompant alors le flux
d’approvisionnement, cela arrive régulièrement.

Enfin et c’est une redécouverte dans les opérations modernes, le milieu est très largement non
permissif ce qui ne permet pas de multiplier les convois entretenant les flux mais impose de
concentrer dans de grosses opérations très souvent interarmes le ravitaillement logistiques des
différentes FOB et COP armées par la brigade La FAYETTE. Les convois deviennent
essentiellement des missions captives de l’arme du train et les Peloton de circulation routière
(PCR) depuis renommés Peloton de circulation et d’escorte (PCE) se spécialisent dedans pour en
faire leur cœur de métier.

L’essentiel de la mission du BCS réside dans ces missions. Nous nous retrouvons donc avec une
inversion des boucles puisque les trains de combats fixés sur les FOB et assurant le
ravitaillement des petites COP ne peuvent aller se ravitailler sur KABOUL pour fournir les
GTIA, ce que le BCS prends alors à sa charge.
Le BCS dispose aussi des unités logistiques opératives mis en œuvre depuis KABOUL et
DOUCHAMBE pour le soutien des unités. L’état-major de soutien reste pour sa part
majoritairement sur KABOUL pour coordonner et piloter la partie opérative et stratégique de la
logistique en liaison avec la métropole. Le niveau tactique est quant à lui intégré à l’état-major
de la brigade pour permettre la conduite de la manœuvre et son soutien logistique.

L’approvisionnement au quotidien en carburant relève d’un véritable exploit pour la coalition


dont rien que les américains consomment en 2006 environ 16000 barils/ jours. Les deux tiers de
l’approvisionnement proviennent des raffineries Pakistanaises ce qui souligne bien l’importance
stratégique de ce pays pour la logistique de l’opération. Le bataillon d’hélicoptères est bien sur
un des plus gros consommateurs de carburant mais sa capacité à fournir un appui aux troupes
débarquées est primordial pour la mise sur pied d’une opération.

Au niveau des munitions, la consommation du fait d’engagements très fréquents dépasse


largement ce que l’armée française a connue avant cela. Outre la mise sur pied de dépôts
importants sur les FOB pour permettre, notamment à l’artillerie, de pouvoir appuyer les troupes,
un dépôt de théâtre sur KABOUL dispose d’une autonomie suffisante pour permettre au moins
trente jours de consommation. Cette réserve opérative garantie la poursuite des opérations en cas
de rupture des approvisionnements.

Dans le domaine du soutien au stationnement, la multiplication des emprises consacre l’aspect


bâtisseur de l’armée Française. En effet les dispositifs de « force protection » doivent être très
efficaces et le logement des personnels suffisamment correct pour leur permettre de soutenir une
mission très éprouvante sur le plan psychologique. Cela est particulièrement vrai car les mandats
passent à 6 mois à compter de 2008.

C’est à cette période que la partie Condition du Personnel en Opération (CPO) prend toute son
importance. De vrais évolutions si ce n’est révolutions dans ce domaine sont dues aux opérations
en Afghanistan. Le commandement s’investit et appuie pleinement ces mesures qui permettent
de maintenir le potentiel humain au plus haut niveau et ainsi garantir la capacité opérationnelle.
Une directive décrit très clairement la mise en place d’un réseau « environnement humain »
jusqu’au niveau de la section et s’assure de permettre à minima que les soldats puissent
communiquer avec leurs familles. De plus la mise en place d’un SAS de décompression pour le
retour de la mission rentre pleinement dans cet aspect CPO et permet un retour plus apaisé des
soldats dans leurs foyers.
Enfin malgré la dureté du théâtre afghan, ce dernier n’est pas exempt de prestations
externalisées. Ainsi l’économat des armées assure entre autres les prestations de restauration sur
le camp de WAREHOUSE et les emprises de la capitale, permettant aux moyens militaires de se
concentrer sur les FOB.
Nous l’avons vu aussi les transports depuis le Pakistan sont confiés majoritairement à des
transporteurs civils et les vecteurs aériens stratégiques sont aussi issus majoritairement
d’entreprises civiles.
Au niveau logistique comme pour l’ensemble des fonctions opérationnelles, les opérations en
Afghanistan ont profondément changé les process de l’armée de terre. Ainsi ses procédures se
sont internationalisées avec l’environnement otanien et anglo-saxon dans lequel l’opération
baignait. Toutes les procédures tactiques ont été profondément revues adaptées et mises à jour
consacrant alors une véritable évolution dans la prise en compte rapide des retours d’expériences
(RETEX). Cela a débouché sur toute une série d’achats d’équipements permettant alors aux
forces de gagner en efficacité.

La fonction soutien de l’homme en est le plus criant exemple : il suffit de voir les photos des
soldats en Afghanistan avant 2008 et en 2011 pour s’en convaincre. L’équipement du soldat est
passé d’un standard complètement dépassé frôlant l’inefficacité opérationnelle (gilet pare balle,
trousse de santé, rangers etc.) à un standard souffrant sans problème la comparaison avec les
armées anglo-saxonnes. Les mentalités ont profondément évolué à ce sujet permettant des achats
dit « d’urgence opérationnelle » pouvant s’affranchir en partie du code des marchés et gagner en
efficience.

Le soutien médical fait aussi d’énormes progrès en particulier au niveau tactique. En effet le
nombre de blessés à prendre en compte et à traiter permet de mettre en place des procédures
jusqu’au plus bas niveau pour permettre la sauvegarde des blessés. Le service de santé des
armées se trouve confronté, toujours dans la logique de médicalisation de l’avant, à l’impératif
non seulement d’aguerrir ses spécialistes mais aussi de leur permettre d’intervenir dans un
environnement très dégradé. La formation de l’ensemble des combattant est alors poussée, sur le
format anglo-saxon, à des normes jusque-là jamais atteintes. En parallèle les équipes médicales
médecins et infirmiers développent et mettent en œuvre des techniques pour stabiliser les blessés
sous ou à proximité immédiate du feu. Le matériel évolue aussi rapidement pour permettre son
emport dans des régions ne permettant pas le déplacement en véhicule. Enfin, l’interopérabilité
avec les américains est développée au maximum pour permettre une continuité de la chaîne de
santé même en cas de Massive Casualties (MASCAL) saturant les capacités hospitalières
françaises.

4- Evolution de l’opération :

Les engagements militaires n’étant là que pour permettre des buts politiques, les élections
présidentielles de 2012 précipitent le retrait des troupes d’Afghanistan, pour les unités
combattantes fin 2012 et pour la logistique en 2014.
C’est un formidable défi lancé à la logistique stratégique que ce retrait anticipé d’Afghanistan.
En effet nous l’avons vu, les possibilités de flux entrant et sortant sont très limitées. En parallèle
beaucoup d’autres nations de l’ISAF diminuent voir se désengagent à cette époque. Il faut alors
rapatrier en une grosse année le matériel que l’on a mis plus de dix ans à acheminer sur place.
Il faut ainsi renvoyer environ mille deux cents véhicules et mille containers présents sur place.
Le retrait s’effectue d’abord au niveau opératif avec la rétrocession des FOB aux forces afghanes
et le retour de l’ensemble des forces sur Kaboul. Au fur et à mesure des relèves, les troupes sont
rapatriées et non remplacées.

Infographie désengagement Afghanistan

Pour permettre le désengagement deux voies logistiques principales ont été utilisées, consacrant
l’excellence des savoir-faire multimodaux, pour lesquelles des avions cargos gros porteurs et des
bateaux rouliers ont été affrétés :

- une voie aérienne directe reliant l’Afghanistan à la France ;


- une voie dite « mixte » qui utilisait la voie aérienne vers la façade maritime du Golfe
arabo-persique, puis la voie maritime jusqu’en France.

Des voies complémentaires, terrestres, ont été ouvertes par la suite par le Nord de l’Afghanistan.
En janvier 2013, les autorités ouzbèkes et kazakhes ont ainsi autorisé le passage de convois
ferroviaires sur leurs territoires. En parallèle, les autorités pakistanaises ont de nouveau autorisé
le passage des convois des forces internationales par la voie Sud. Ces trois voies
complémentaires ont permis de fluidifier le trafic.

Pendant plus de six mois, environ 100 véhicules par mois sont ainsi rapatriés par les voies citées
précédemment en métropole. Le rapatriement a concerné environ 3000 Unités à Transporter
(UAT) pour un cout estimé entre 300 et 500 millions d’euros, soit pour la fourchette haute, la
moitié du budget annuel des opérations extérieure de l’époque.
De mémoire de logisticien, jamais il n’avait, en si peu de temps et de si loin, été rapatriés autant
de matériels et d’équipements. Seul peut être l’Indochine et le rapatriement du corps
expéditionnaire a pu traiter des volumes comparables.

5- Conclusion

Pour conclure tant sur le plan logistique que sur les autres plans, l’Afghanistan a profondément
transformé et marqué l’armée française. Elle y a acquis aux cotés des alliés et en particulier des
américains, la consécration de la réussite de sa professionnalisation. Théâtre exigeant et sans
concession, le véritable enjeu pour la logistique terrestre fut au niveau stratégique. En effet,
contrairement à la Côte d’Ivoire les normes d’engagements sont beaucoup plus proches de ce que
la doctrine prévoit au niveau tactique. En revanche la non permissivité du milieu a poussé
l’ensemble des fonctions et unités logistiques tactiques et opératives à se confronter à l’ennemi
directement.
Cela a permis de remettre le coté combattant de la logistique au cœur des préoccupations des
logisticiens. En revanche, à part l’aspect médical qui est central, le dispositif figé a habitué le
chef tactique à ce que la logistique tactique ne constitue pas un élément à prendre en compte
pour la réussite de la manœuvre. Les unités tactiques logistiques que ce soit les trains de combat
ou les bataillons logistiques, ont gagné en rigueur et expérience, ce qui a largement permis de
combler la différence de niveau tactique entre ces derniers et les unités de combat.
Enfin il faut mettre à l’honneur la logistique stratégique en particulier lors du désengagement de
l’opération. En effet, ce fut un véritable tour de force que de réussir le désengagement de
l’ensemble du matériel français d’Afghanistan dans les temps impartis. Pour toutes ces raisons
sur ce théâtre, la chaîne logistique militaire a démontré son agilité et sa capacité de résilience
face à des défis de taille. De plus cela s’est fait à une période de profonde réorganisation du
soutien et de la logistique qui s’est interarmisées et a perdu des effectifs conséquents.
L’expérience d’Afghanistan si elle ne doit pas être érigée en doctrine a permis de faire monter en
capacité opérationnelle la chaîne logistique et démontre ainsi la faculté d’adaptation de cette
dernière.
Le MALI – SERVAL
1- Contexte de l’opération :

Héritage du passé colonial de la France, le Mali est un pays immense avec une population très
disparate. Entre les populations du sud évoluant dans un climat tropical et profitant du fleuve
Niger et les populations du nord évoluant quant à elles dans un environnement désertique, il est
très difficile de s’accorder. Cela est d’autant plus vrai que les populations du nord nomades
majoritairement ont dominé pendant des siècles les populations du sud plutôt sédentaires. C’est
aujourd’hui l’inverse puisque l’essentiel du développement économique du pays se situe dans le
sud et les élites dirigeantes sont quasiment toutes issues des populations du sud du pays.
Au cours de l’histoire du Mali indépendant, de multiples insurrections et rébellions ont débouché
sur des accords de paix qui n’ont presque jamais été mis en œuvre et respectés par les deux
camps.
Ce terreau laisse le champ libre à des mouvements islamistes qui s’implantent dans le nord du
Mali au cours des années 2011 et 2012 et s’emparent des principales villes dont Tombouctou.
Capitalisant sur les succès initiaux face à l’armée Malienne en déroute, les islamistes décident de
poursuivre leur conquête de territoire vers le sud.
Le 10 janvier 2013 la ville de KONA tombe, ouvrant la voie à l’invasion du centre du pays. Suite
à la demande du président malien le 11 janvier le président français François HOLLANDE
ordonne à l’armée française d’intervenir, l’opération SERVAL est ainsi lancée.
S’appuyant sur son dispositif de forces prépositionnées en Afrique, la France est le seul pays en
capacité d’intervenir immédiatement. Pour cela elle s’appuie sur son dispositif au Tchad et en
république de côte d’ivoire pour endiguer l’avancée des colonnes de pick-ups / technicals
ennemis. En parallèle en métropole, le dispositif GUEPARD est déclenché. Ce dispositif
permanent permet avec des degrés d’alertes différents de disposer du volume d’une brigade de
combat autonome avec ses appuis et sa logistique. Les premiers combats essentiellement menés
par les forces spéciales et leurs hélicoptères permettent de porter dès le 11 janvier un coup d’arrêt
à l’avancée ennemie en direction du sud.
Le président de la république fixe trois objectifs à l’opération SERVAL : stopper l'avancée en
direction de Bamako des forces djihadistes, « sécuriser Bamako, où nous avons plusieurs milliers
de ressortissants » et « permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale ». Agissant avec
l’accord des nations unies, la France ne trouve pas de partenaires pour mettre sur pied une
coalition et intervient donc seule.
Ligne de front au 11 janvier

Les forces prépositionnées permettront de mettre sur pied un groupement tactique interarmes
déployé et opérationnel dès le 13 pour tenir la ligne Diabaly-Konna au milieu du pays et ainsi
juguler toute contre-attaque.
Puis à partir du 21 et jusqu’au 30 janvier l’armée française reconquiert progressivement
l’ensemble des villes du Nord du pays. GAO le 25 janvier, Tombouctou est libérée le 27 janvier
et Kidal le 30 janvier.
Très largement renforcée depuis la métropole, la brigade SERVAL est mise sur pied avec
jusqu’à 4 GTIA et un bataillon d’hélicoptères pour intervenir et contrôler le nord du pays. La
force SERVAL comptera plus de 5000 hommes. En parallèle le commandement opérationnel de
l’opération s’installe au Sénégal. Cette organisation permet de séparer le niveau opératif du
niveau tactique.
Infographie un an d’opération SERVAL

2- Forces déployées et organisation :

Evoluant sans cesse, l’organisation des forces pour l’opération se développe au fur et à mesure
de l’arrivée des forces de métropole. Dans un premier temps un GTIA est déployé sur la base des
forces combattantes au Tchad renforcé par les forces prépositionnées en république de cote
d’ivoire. Ce GTIA est piloté directement par le CPCO Paris qui joue alors le rôle de
commandement stratégique et opératif. Le commandant de GTIA dispose des prérogatives
tactiques de l’opération.
Il est mis en place par la suite un état-major opératif au niveau du Sénégal initialement puis de
Bamako et un état-major de brigade pour assurer le commandement tactique sur le terrain. Les
élongations du théâtre quasiment de la taille d’un continent oblige à séparer ces deux niveaux
pour conduire les opérations. De plus l’intensité des combats et le nombre de GTIA à coordonner
et à commander ne permettent pas à l’état-major de brigade seul, d’assurer le niveau opératif et
tactique.
Les renforcements successifs feront monter les effectifs à environ 4 GTIA déployant plus de
5000 hommes en à peine plus d’un mois.
C’est un tour de force logistique d’autant plus que le théâtre afghan n’est toujours pas fini d’être
désengagé et que l’ensemble de la chaîne logistique stratégique est alors mobilisée pour ce
désengagement.
3- Organisation du soutien logistique sur place :

Le soutien logistique est donc organisé classiquement avec un ASIA et son état-major de soutien
inséré au sein du Poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT). Il dispose sous ses
ordres des unités logistiques pour assurer la logistique opérative.
Au niveau de la brigade, le commandant tactique dispose d’un G4 bureau logistique permettant
d’effectuer les synthèses logistiques et les demandes de recomplètements des trains de combat
des GTIA. La brigade ne dispose pas d’unités logistiques et doit se coordonner avec le J4 du
PCIAT pour son soutien.

Au niveau stratégique, l’opération SERVAL a été un vrai tour de force pour les armées
françaises. En effet, sous très court préavis, elles ont été capables de déployer une force tactique
cohérente et puissante capable de rétablir l’intégrité du territoire malien.
Pour cela, comme nous l’avons vu, elle s’est appuyée sur les forces prépositionnées. A noter que
la tendance à l’embasement logistique interarmées faisait qu’au Tchad le GTIA prépositionné ne
disposait de quasiment pas de soutien logistique tactique capable de se déployer au sein de son
train de combat et de permettre ainsi au GTIA de combattre en mouvement. Il a donc fallu
renforcer significativement ses capacités logistiques en complétant avec les éléments de soutien
basés en république de cote d’ivoire. Initialement composé de seulement 2 SGTIA, ce GTIA a
été renforcé pour lui donner une capacité de manœuvre significative en particulier avec un
escadron blindé arrivant de côte d’ivoire.

Chronologie d’engagement des forces en RCI

La projection stratégique de ces éléments et des éléments venant de métropole a nécessité le


renfort d’avions américains et européens ainsi que le recours à des sociétés externalisées pour
faire face au volume de fret à projeter. Du fait de l’urgence de la situation la voie aérienne a été
privilégiée. Néanmoins la voie maritime est intervenue en complément pour permettre la
projection notamment du GTIA blindé (VBCI et AMX10RC).

Flux de projection de SERVAL

Le fret pour permettre cet engagement a représenté des volumes considérables. S’appuyant sur
les pistes d’aviation et les ports présents dans la région que la France connait bien, il a été
possible de déployer plus de 18 000 tonnes de fret en un mois.

Fret transporté pour le déploiement de SERVAL


L’enjeu stratégique au niveau logistique est de se concentrer sur les fonctions ravitaillement
(vivres opérationnelles, eau, munitions et carburants), maintenance (pièce détachées et
réparation) et sanitaire (soins des blessés et évacuation) afin de permettre à la force de maintenir
sa capacité opérationnelle. Pour cela, les autres sous-fonctions de la logistique sont moins
développées pendant cette période, à l’exception de la partie acheminements qui seule permet la
mise en place de ces flux.
Dans la partie préacheminement, la France connait à cet époque un épisode climatique qui
contraint encore plus les déplacements routiers et freine sensiblement le départ du matériel. La
voie ferrée avec une capacité de mise sur pied en urgence des trains par contractualisation permet
d’assurer l’essentiel des mouvements de matériels majeurs. L’ensemble des forces de l’armée de
terre en métropole sont mises à contribution pour fournir du matériel et permettre la pleine
capacité de la brigade au Mali.
Une ressource particulièrement stratégique, c’est le carburant qui seul permet de combattre sur
ces élongations mais aussi d’approvisionner les hélicoptères fournissant l’appui feu dont a besoin
la force. Pour permettre l’approvisionnement, le service des essences des armées doit trouver sur
le continent africain cette ressource de suffisamment bonne qualité, en très grande quantité et
trouver les moyens externalisés pour approvisionner le théâtre. En effet les vecteurs transportant
le carburant en régie au niveau des armées sont réservés pour le niveau tactique et
éventuellement au niveau opératif.
Les installations permanentes en république de côte d’ivoire permettront à la France de s’en
servir pour assurer le point d’entrée de théâtre pour les flux logistiques.

La cote d’ivoire BLIAT de SERVAL


Au niveau opératif, les élongations du théâtre posent aussi problème. D’autant que si le milieu
est relativement permissif, le terrain désertique et les périodes de saison des pluies entravent la
mobilité des convois logistiques. D’autant plus que les quantités de fret à transporter imposent de
recourir à l’externalisation pour le transport. L’on voit alors se développer des convois de cinq à
six kilomètres de long mixant véhicules militaires et civils. Dans les premières phases de
l’opération, il faut parfois neuf ou dix heures à un convoi pour faire un kilomètre.

Rapport entre le Mali et la France

Pour permettre l’entretien de ces flux, on s’appuie sur un réseau de relais mis en place pour
rendre possible l’acheminement de la ressource et la constitution de stocks intermédiaires ainsi
que sur la livraison par air pour les ressources urgentes. Il est à noter que le climat très chaud
demande de fournir des quantités d’eau très significative aux combattants (environ dix litres
d’eau par homme et par jour) pour lui permettre de combattre. Cela devient une ressource
quasiment stratégique qui peut être transportée et livrée par avion (pouvant quelques fois faire
grimper le prix de la bouteille d’eau à plusieurs centaines voire milliers d’euros) mais c’est le
prix pour permettre la poursuite des opérations. La mise en place de ce réseau permet l’entretien
des flux au quotidien, néanmoins cela bloque des effectifs sur des positions pour armer ce
dispositif qui s’appelle des points de soutiens des convois (PSC), sorte de zone relai permettant
aux convois de se réapprovisionner.
Dispositif logistique au Mali pendant SERVAL et principales routes logistiques

Une autre ressource très importante, comme nous l’avons vu, au niveau stratégique et devant être
gérée au niveau opératif c’est le stock de carburant. Pour permettre l’approvisionnement dans la
zone nord où se déroule les combats, les vecteurs en régie ne suffisent pas, obligeant à recourir à
l’externalisation pour les camions citernes. Ces derniers sont intégrés dans les convois
logistiques partant de Bamako pour Gao. De plus, des pistes d’approvisionnements par l’Algérie
seront étudiées et développées pour permettre une livraison directement a nord.

Au niveau tactique, si la brigade ne dispose pas directement sous ses ordres d’unités logistiques,
les GTIA disposent de leurs trains de combat. Ayant comme référence l’Afghanistan, dispositif
comme nous l’avons vu précédemment plutôt statique, dans un premier temps ces trains de
combats sont largement sous dimensionnés pour permettre le soutien efficace des GTIA pouvant
pour certains fleurter avec les milles hommes. De plus les vecteurs mis en place à partir des
unités prépositionnées ne sont pas adaptés à la mobilité dans un milieu désertique. Cela a pour
conséquence que, afin de conserver l’initiative tactique, les bataillons projettent les unités de
combat rapidement dans la profondeur et que le train de combat lui progresse aussi vite qu’il
peut mais bien souvent des dizaines voire centaines de kilomètres en arrière. Il fonctionne alors
par point de rendez vous avec les SGTIA pour les ravitailler une fois que ceux-ci ont mené les
actions dans la profondeur.
Pour accélérer la mise en place des ressources auprès des trains de combat, la livraison par air
permet de palier à la lenteur de mise en place des convois routiers. Certains SGTIA seront même
directement ravitaillés par ce moyen sans passer par les trains de combat pour exploiter
l’avantage tactique acquis par la rapidité de la manœuvre.
Le MCO quant à lui fait des prouesses pour maintenir à son plus haut niveau les capacités
opérationnelles des SGTIA. En effet, ils progressent le jour avec les trains de combat et
effectuent les réparations dans le désert de nuit pour que les véhicules puissent repartir le
lendemain. C’est au prix de ces efforts permanents que les GTIA peuvent conduire leurs
manœuvres.

Matériels majeurs de l’armée de terre déployés à SERVAL

Pour le chef de ces trains de combat, il s’agit de progresser avec des cartes rudimentaires au plus
vite avec des convois pouvant parfois dépasser cent véhicules. L’impératif de protection se
révèle primordial. Pour cela ils sont souvent renforcés d’un peloton léger de reconnaissance pour
permettre d’éclairer la progression du convoi, et de le flanc-garder face aux menaces d’un
ennemi résiduel.
La chaîne santé confirme son efficacité bénéficiant directement de l’expérience afghane. Le
binôme médecin de l’avant et évacuation par hélicoptère fonctionne parfaitement tant que les
blessés sont peu nombreux. En cas de blessés multiples, les médecins peuvent projeter par air
une antenne chirurgicale avancée (ACA) permettant de stabiliser et trier au plus près des
combats. Cette antenne sera employée plusieurs fois pendant l’opération.

4- Evolution de l’opération :

L’opération évolue assez rapidement, une fois les poches de résistances réduites. Dans un
premier temps le dispositif se stabilise au nord du Mali et se sédentarise en s’appuyant sur quatre
points majeurs que sont GAO, TOMBOUCTOU, KIDAL et TESSALIT.
En parallèle la force décroit rapidement à compter du mois d’avril pour se stabiliser aux environs
de 1500 hommes. Commence alors une manœuvre logistique de stabilisation des emprises en
particulier en augmentant sensiblement le niveau de confort pour le contingent déployé. La partie
soutien au stationnement fait alors son office à plein régime pour rendre les bases confortables.
Dans le même temps, la stabilisation des effectifs permet aussi de stabiliser la situation des
matériels. En parallèle se déploie la MINUSMA, force des nations unies pour stabiliser le pays et
restaurer l’intégrité territoriale.
Si la France a porté un coup décisif aux groupes islamistes dans la région ils ont, à l’exception
près de l’ADRAR des IFOGHAS, procédé à un repli stratégique. Rapidement, la France se rend
compte que se focaliser exclusivement sur la Mali ne suffira pas et qu’elle doit avoir une
approche régionale de cette menace qui profite du chaos en Libye pour s’en servir de base
arrière.
Il est donc décidé la régionalisation de l’opération en englobant les forces au Tchad pour
permettre une approche globale, c’est la fin de l’opération SERVAL et le début de l’opération
BARKHANE.

5- Conclusion :

Seule pour intervenir au Mali suite à la demande de ce pays, la France a démontré sa capacité à
engager très rapidement un corps expéditionnaire avec une capacité de manœuvre très
significative.
Si elle a pu, grâce aux forces prépositionnées conventionnelles mais aussi spéciales produire des
effets en quelques heures sur l’ennemi, elle a dû attendre une semaine à dix jours pour disposer
d’une force de manœuvre suffisante et d’unités logistiques tactiques pouvant soutenir
l’ensemble.
En moins d’un mois, la France alors que ses efforts logistiques portaient sur le désengagement de
l’Afghanistan, a pu avec le soutien de ses alliés projeter cinq milles hommes pour s’engager au
Mali. Si cela fut une très grande réussite, il ne faut pas oublier que dans les premiers jours de
l’engagement, la force ne disposait d’aucunes réserves ni de capacités à durer du fait d’unités de
soutien largement sous dimensionnées. De plus l’effort sans précédent réalisé consacre la
capacité réaliste et maximum de déployer une brigade interarmes robuste dans une opération de
type expéditionnaire par la France. Le niveau divisionnaire, si ce n’est en état-major opératif sans
unités de son niveau, disposant de plusieurs brigades de manœuvre ne semble pas aujourd’hui à
la portée des armées.
La Bande Sahélo – sahélienne – BARKHANE

1- Contexte de l’opération :

Suites aux attentats de OUAGADOUGOU, aux flux de djihadistes transitant depuis la Libye,
consacrée comme leurs zones refuges, les pays de la région ainsi que la France décident, en
s’appuyant sur les opérations SERVAL et EPERVIER de régionaliser le dispositif. Pour se faire,
il est décidé le 1er août 2014 la fin des opérations SERVAL et EPERVIER et la création de
l’opération BARKHANE.
Cette dernière s’appuie en parallèle sur la création du G5 SAHEL, qui comprend le Tchad, la
Mauritanie, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, regroupés pour lutter contre les groupes
terroristes qui eux ne connaissent pas de frontières. Des capitaux européens et mondiaux
permettent la mise sur pied d’une force militaire conjointe avec un poste de commandement
commun.
Le mandat de l’opération Barkhane est de, en appui des forces du G5 SAHEL et en coordination
avec la MINUSMA au Mali, lutter contre les groupes terroristes islamistes.

2- Forces déployées et organisation :

Cette réorganisation du dispositif permet à la force Barkhane de compter initialement trois milles
hommes qui sera rapidement portée à quatre mille cinq cents du fait de l’immensité du territoire
à couvrir. Pour cela il est créé un poste de commandement unique à double niveau (opératif et
tactique) de type PCIAT à N’Djamena au Tchad.
Ce poste de commandement a une composante aérienne avec les avions déployés au Tchad sur la
base aérienne ainsi qu’au Niger, et sa force terrestre s’organise autour de deux groupement
tactiques déserts (initialement un centré sur le Tchad et un centré sur le Mali), un groupement
aéromobile composé d’hélicoptères et d’un groupement commando pour les interventions, d’un
Groupement tactique logistique centré sur le Mali et d’un groupement de soutien opérationnel
mixte terre et air centré sur le Tchad ainsi que de capacités de renseignements et de transmissions
pour pouvoir commander l’ensemble. L’opération Barkhane est divisée en deux fuseaux, un
ouest dont le centre de gravité est le Mali et dont les forces sont issues principalement de
l’opération SERVAL et un à l’est dont le centre de gravité est le TCHAD et dont les forces sont
issues de l’opération EPERVIER.
Cette force est commandée par un général de division qui dispose d’un général de brigade pour
le représenter au Mali.
Historiquement la France possède une multitude de petites emprises au Tchad (FAYA,
ABECHE) ou il faut maintenir des effectifs pour la protection et leur fonctionnement, il est donc
décidé début 2018 de créer un détachement de force protection pour permettre de ne pas grever
les forces des GTD sur ces emprises.
La régionalisation de l’opération étend la zone d’action de façon considérable ce qui impose
d’une part de s’appuyer sur des points fixes (bases), ce sera la création de la base avancée de
MADAMA, et d’autre part rendre beaucoup plus mobile les GTD pour leur permettre de
s’engager en autonomie sur de grandes distances et périodes.
Déploiement opération Barkhane (source ministère des armées)

3- Organisation du soutien logistique sur place :

Le soutien logistique est organisé à partir des deux fuseaux, comme pour les opérations. Le
PCIAT déployé au Tchad dispose d’un ASIA et sa branche logistique de niveau interarmées pour
la planification et la conduite de la logistique de l’opération. Cette cellule a la responsabilité
opérative de la logistique, le groupement tactique logistique et le groupement de soutien
opérationnelle assurant quant à eux la partie tactique du soutien, respectivement dans le fuseau
ouest et est avec les trains de combats.
Pour les flux stratégiques puis opératifs, Barkhane s’appuie essentiellement sur la cote d’ivoire
comme point d’entrée de théâtre. Cela permet de faire transiter l’essentiel des flux d’entretien
courant depuis la métropole par voie maritime, solution beaucoup moins couteuse que le fret
aérien. Néanmoins pour garantir un certain nombre de ressources urgentes, la voie aérienne reste
utilisée en s’appuyant sur les bases aériennes du Tchad et du Niger et sur la piste d’aviation de la
base de GAO.
Flux logistiques stratégiques et opératifs de BARKHANE (source ministère des armées)

L’essentiel de la difficulté pour le soutien logistique de la force au niveau opératif est la zone de
l’opération qui s’étend sur un espace immense, de taille continentale. Cette contrainte impose au
niveau des opérations à multiplier les emprises (logistique d’îlot), éparpillant les moyens
logistiques et donc nécessitant des flux réguliers pour approvisionner ces emprises.
Le théâtre dispose de deux unités logistiques, dans le fuseau ouest un groupement tactique
logistique dispose des unités de soutien tactique et de quelques unités de soutien de niveau
opératif (transit etc.) et dans le fuseau est d’un groupement de soutien opérationnel qui a la
particularité d’être interarmées pour soutenir les unités terrestres mais aussi aériennes présentes
dans ce secteur. Ces unités sont responsables des convois acheminant les ressources vers les
postes ainsi que de la maintenance de niveau du théâtre et de l’ensemble des opérations
logistiques.
PPLOG d’un convoi logistique qui franchi un gué en saison des pluies (sources ministère
des armées)

La cote d’ivoire renforce régulièrement le dispositif pour escorter les convois qui partent
d’Abidjan et viennent ravitailler les emprises intermédiaires telles que GAO et le NIGER. Pour
permettre de concentrer les unités militaires, en particulier au MALI, sur les itinéraires partant de
GAO pour ravitailler les emprises car ce sont les itinéraires les plus susceptibles de subir des
attaques, la boucle arrière vers la RCI est très largement externalisée. En effet l’ensemble des
moyens militaires ne permet pas d’assurer les deux boucles (arrière et avant), ce qui nécessite le
recours à des prestataires extérieurs. Un challenge pour la logistique de Barkhane est d’arriver à
interopérer avec ces prestataires de services pour obtenir un service efficient. La partie financière
de ces flux intra théâtre est non négligeable et la partie marché doit s’adapter en termes de
réglementation pour contractualiser ces marchés de manière robuste. L’immensité du territoire
impose aussi de recourir à la location de moyens aériens pour concourir à la complémentarité et
l’agilité des flux logistiques. Il faut penser que lors des opérations en zone désertique les
hommes ont besoin d’environ dix litres d’eau par hommes et par jour, ce qui représente pour un
bataillon de sept cents soldat sept milles litres d’eau, soit sept tonnes de fret.
Au niveau maintenance, le théâtre use l’ensemble des véhicules et matériels très rapidement du
fait de la nécessaire mobilité des groupements tactiques mais aussi du climat très difficile. Les
approvisionnements en pièces détachées deviennent une préoccupation majeure. En effet pour
soutenir une opération, il faut parfois dédier trois ou quatre vecteurs ne serait-ce qu’à l’emport
des pneus pour les véhicules. A ce titre il est à noter des problèmes de standardisation de la
ressource imposant de multiplier les références de pneus en stock et aussi à emporter.
D’une manière générale et dès la génération de force de l’opération, s’appuyant sur des standards
tel que le déploiement en Afghanistan, les trains de combat des groupements tactiques ne sont
pas suffisants pour permettre la mobilité des groupements dans la profondeur. Que ce soit dans la
partie maintenance, mais surtout transport, ils doivent être renforcés par les unités tactiques des
groupements logistiques pour bénéficier d’une allonge suffisante. Cela se fait souvent au
détriment de la cohérence opérationnelle de l’ensemble. C’est un travers français du
dimensionnement du soutien logistique que de privilégier la mise sur pied de bataillons
logistiques bien dimensionnés au détriment des trains de combat. Ce qui a pour conséquence, soit
de brider l’emploi des groupements, soit de devoir renforcer significativement les trains de
combat à partir des éléments du bataillon logistique. Ce travers trouvant son paroxysme comme
nous l’avons vu au Liban avec la disparition pure et simple du train de combat du bataillon.
Pour Barkhane, cela n’est pas possible, car les savoir-faire des trains de combat et des
groupements logistiques sont différents et les missions ne sont pas les mêmes. Au cours des
années les TUEM des trains de combats ont donc été significativement renforcés pour permettre
d’arriver à un juste équilibre entre efficacité tactique des groupement tactiques et capacités de
soutien tactico-opératives des bataillons logistiques.

Convoi logistique au Mali (Source blog OPEX 360)

La mobilité des GTIA, impératif pour permettre de couvrir l’ensemble de la zone d’opération, vu
entraine une très forte utilisation des véhicules. Comme pour l’Afrika corps en son temps,
l’approvisionnement en carburant devient donc d’une importance stratégique pour les opérations.
Pour cela le SEA se charge de l’approvisionnement au niveau stratégique et opératif des unités.
Une tendance à la pénurie de vecteurs de transport en carburant peut même conduire le SEA à
effectuer des ravitaillements au niveau tactique.
Nouveau camion CARAPACE pour le transport de carburant (source internet blog opex
360)

La compétence de ce service dans l’approvisionnement en carburant en opération est reconnue


et le travail effectué au quotidien pour fournir du carburant de qualité aéronautique à la force
pour ses hélicoptères et ses avions est très important.

Ravitaillement carburant d’un convoi logistique au MALI (source ministère des armées)
La multiplication des emprises est aussi un vrai challenge pour la partie soutien au
stationnement. En effet, si dans un premier temps la chaîne soutien de l’homme déploie du
matériel de campagne sommaire pour permettre la création de la zone vie, le soutien au
stationnement doit valoriser ce déploiement initial en protection et en liaison avec les unités de
génie puis en augmentant le niveau de confort par la mise en place de tentes climatisées et de
bungalow. Les fonctions primordiales que sont l’approvisionnement en eau potable et la mise en
place de moyens de restauration, sont privilégiées en premier. La construction de ces bases
opérationnelles en plein désert est un vrai tour de force et renvoie aux années de la France
coloniale avec les forts permettant de contrôler les territoires.

Le site de MADAMA en est un très bon exemple et fut l’objet d’une très forte communication du
ministère pour démonter les capacités des armées à monter en puissance en très peu de temps
cette base qui a pu accueillir jusqu’à plusieurs centaines de soldats. La référence historique est
d’autant plus forte qu’à coté de la base existe un fort datant de l’époque coloniale ayant été
occupé par les troupes françaises avant d’être rétrocédé au Niger à l’indépendance.

Vue du fort de MADAMA (Source Wikipédia)


Vue de la base opérationnelle de MADAMA (Source ministère des armées)

4- Evolution de l’opération :

L’opération est actuellement toujours en cours. Elle cherche le bon équilibre entre déploiement
en base opérationnelle et donc multiplication des emprises et mobilités des groupements
tactiques permettant de se mouvoir dans la profondeur mais au prix d’un alourdissement
logistique certain. Si à une époque, elle semblait vouloir privilégier l’embasement, la tendance
aujourd’hui est à la mobilité des GTIA. Pour preuve la base de MADAMA qui après avoir atteint
de très forts effectifs est maintenant largement redescendue en puissance.

Pour permettre de produire des effets sérieux sur le terrain la mobilité des GTIA doit donc être
maximale. cela demande donc des trains de combat solides, ce qui a permis au cours des
dernières années de sensiblement renforcer en effectifs et en moyens ces unités, et une capacité
de projection intra-théâtre de moyens logistiques permettant de conférer une autonomie accrue
en ravitaillant ces groupements. Pour cela le PCIAT peut employer deux types de procédés à sa
disposition.
Quand le ravitaillement peut être planifié, le raid logistique par une unité du groupement
logistique permet sur un point de rencontre du GTIA de ravitailler les trains de combats et donc
régénérer le potentiel de ce dernier. Le second procédé est la livraison par air que cette dernière
soit faite, par un avion en posé sur un terrain sommaire, par un hélicoptère ou par largage
(spécialité reconnue du train parachutiste), ce qui permet en cas d’imprévus mais aussi
d’opportunité tactique de ravitailler les unités. Cette palette de capacité permet aujourd’hui aux
GTIA de se déployer plus de quinze jours sur le terrain soit bien au-delà de ce que prévoit la
doctrine.
Aujourd’hui le centre de gravité des forces de manœuvre s’est recentré sur le nord MALI afin de
permettre de concentrer les efforts dans une région stratégique pour le contrôle des flux et trafics.

Le G5 sahel et ses forces mises en place, permettent à la France de se tourner vers la coopération
et de mener les opérations en partenariat avec ces forces. L’organisation logistique doit aussi
permettre le soutien dans la durée de ses forces afin qu’elles puissent suivre le rythme des GTIA
déployés.

5- Conclusion

En conclusion, l’opération BARKHANE est un vrai challenge qui doit à terme transformer
l’essai de SERVAL dans la région. Cela passe en particulier par une coopération accrue avec les
forces des pays amis dans lesquels se déroule l’opération.

Du point de vue logistique, c’est un défi de permettre le soutien dans la durée de GTIA mobiles
et de leur conférer la capacité de saisir des opportunités tactiques. Dans un contexte marqué par
une politique budgétaire tendant à essayer de réduire au maximum le cout des OPEX, Barkhane a
atteint un bon équilibre entre forces de manœuvres et effectifs du soutien. Cela est permis par un
très fort report de charges sur les unités prépositionnées en RCI et sur le recours à des moyens
d’externalisation pour la boucle arrière entre le point d’entrée de théâtre et la région de
déploiement tactique. Rompant avec les références acquises en Afghanistan dans le domaine de
la logistique, ce théâtre déploie une chaîne logistique répondant aux besoins de mobilité et de
profondeur du dispositif.

Cette adaptation remarquable du dispositif, qui a commencée avec SERVAL et se poursuit avec
BARKHANE, démontre la capacité de la logistique française à soutenir dans la durée des
opérations expéditionnaires en Afrique. Le concept de forces prépositionnées est ainsi renforcé et
milite pour que les parcs de type « GUEPARD » ou « RECAMP » permettant d’équiper des
unités arrivant de métropole en véhicules et moyens tactiques, soient renouvelées.
La république de CENTRAFRIQUE – SANGARIS

1- Contexte de l’opération :

Tenant compte des liens historiques et de l’instabilité depuis des années du pays, la France
dispose en République de Centrafrique (RCA) d’une opération permanente soutenue depuis le
GABON. Cette opération appelée BOALI permet de conserver dans le pays une capacité de
réaction et d’intervention de la valeur d’une compagnie d’infanterie et d’un petit état-major
tactique.
Fin 2012, la situation politique en RCA se dégrade avec l’apparition d’une rébellion nommée la
SELEKA majoritairement musulmane et issue du nord du pays qui prend les armes contre le
pouvoir en place, le président BOZIZE et sa majorité chrétienne. La RCA est un des pays les
plus pauvres d’Afrique et elle souffre, un peu comme la RCI, d’une fracture profonde entre
musulman au Nord et Chrétiens au Sud. Le pays a toujours été gouverné par les élites
chrétiennes ce qui attise les mécontentements dans la population musulmane du Nord.
Le 24 mars les rebelles entrent dans la capitale et le président BOZIZE non sans avoir
précédemment appeler la France et la communauté internationale à l’aide, s’enfuit du pays.
Michel Djotodia s'auto-proclame Président de la République centrafricaine. Mais les nombreuses
exactions commises par les miliciens de la Seleka, majoritairement musulmans, amènent
l'insécurité dans le pays, et des milices d'auto-défense, les anti-balaka se forment. Le conflit
débouche sur une situation « pré-génocidaire » selon la France et les États-Unis.
Le 5 décembre 2013, une résolution de l'ONU permet à la France d'envoyer des troupes armées
en République centrafricaine (opération Sangaris) aux fins annoncées de désamorcer le conflit et
de protéger les civils. Encore une fois dans cette opération si la France obtient par une résolution
de l’ONU l’appui légal et légitime de la communauté internationale pour intervenir, elle
interviendra au final seule en totale autonomie.

Répartition Ethnique dans BANGUI (Source internet)


Il est à noter qu’en parallèle de l’opération SERVAL, la France démontre sa capacité à intervenir
sur deux théâtres différents de manière autonomie.

2- Forces déployées et organisation :

La France s’appuie sur son dispositif prépositionné pour intervenir et le complète avec le
dispositif GUEPARD qui permet l’engagement de troupes sur court préavis. Ainsi dans un
premier temps, elle s’appuie sur les troupes prépositionnées au GABON ainsi que sur le Général
commandant ces troupes pour mettre en place l’ossature de l’opération.
Le 28 novembre un bâtiment de projection et de commandement (BPC) accoste à DOUALA au
Cameroun avec à son bord un petit bataillon de la 11 e brigade parachutiste, constituant un
élément de manœuvre. En parallèle, depuis le GABON est projeté un GTIA permettant de
renforcer le dispositif français sur l’aéroport de BANGUI et s’assurant ainsi du contrôle du seul
point d’entrée dans le pays, la RCA ne disposant pas de façade maritime. Dès le 5 décembre
l’opération SANGARIS commence officiellement et se concentre sur la reprise de la capital
BANGUI pour faire stopper les exactions entre les milices de la SELEKA et les ANTI-
BALAKA.
Enfin, elle met en alerte et à compter du mois de Février, elle fait descendre du Tchad un
groupement tactique par la route pour rejoindre l’opération. Au mois de mars c’est au tour du 5e
RIAOM de Djibouti de déployer un GTIA (GTIA SCORPION) pour prendre position dans le
nord du pays et restaurer la paix dans cette région.

Déploiement de la force SANGARIS (source ministère des armées et AFP)


Le Général SORIANO qui commandait les forces françaises au GABON (FFG) prend le
commandement de l’opération. Pour ce faire, il déploie un PCIAT, armé initialement
majoritairement par l’état-major des FFG, puis renforcé depuis la métropole pour permettre
d’agréger l’ensemble des fonctions et capacités opérationnelles.
A cela s’ajoute trois GTIA déployés, un à Bangui, responsable de la ville et de l’aéroport, un à
l’Ouest du Pays qui se charge notamment de sécuriser l’axe d’approvisionnement depuis le
Cameroun et un au Nord Est qui est en charge de sécuriser cette région sensible.
L’essentiel de l’appui aérien est fourni depuis le Tchad qui soutient déjà l’opération SERVAL.
Un détachement d’hélicoptères est néanmoins déployé en RCA ainsi qu’un bataillon logistique,
des éléments d’appui au commandement et de renseignement.
Au plus fort de la crise la France déploiera une compagnie VBCI permettant, par l’emploi de ce
blindé d’infanterie de dernière génération, disposant d’un canon de 25mm, de disposer d’une
vraie capacité de coercition en cas d’engagement violent avec les milices.

Dispositif de l’opération SANGARIS au 15 mai 2013 (source ministère des armées)

3- Organisation du soutien logistique sur place :

Comme nous l’avons vu précédemment, le pays ne dispose pas de façade maritime néanmoins,
l’on peut s’appuyer sur le port de DOUALA au Cameroun qui est un port bien connu de l’armée
française pour y faire transiter le fret à destination du Tchad. Cela impose en revanche que l’axe
DOUALA-BANGUI soit sécurisé pour le fret. Ce port permet donc de mutualiser les navires
affrétés entre SERVAL, EPERVIER, puis BARKHANE et SANGARIS rentabilisant ainsi
fortement la mise en place de ces vecteurs.
La ville de BANGUI dispose aussi d’un aéroport tenu par l’armée française et disposant de sa
principale base jouxtant cette structure.
Le PCIAT montant en puissance, l’ensemble des sous-fonctions de la logistique se mettent en
place et peuvent prendre le lead sur le Gabon qui pilotait le soutien logistique de l’opération
BOALI.

Les GTIA déployés depuis les forces de présence ne disposent quasiment pas de train de combat.
Ainsi, le GTIA DRAGON déployé depuis le Tchad dispose d’un petit soutien prélevé à partir des
unités de soutien embasées de N’Djamena, le GTIA venant du GUEPARD dispose d’un petit
train de combat permettant de soutenir à minima dans le domaine RAV/MEC/SAN, le GTIA
venant du GABON ne déploie lui aussi que très peu de moyens logistiques et le GTIA
SCORPION arrivant du 5e RIAOM de Djibouti déploiera aussi qu’un tout petit train de combat.
Or, à part le GTIA sur BANGUI qui doit contrôler la zone de la ville aux abords immédiats du
camp et qui peut donc rayonner à partir de cette emprise, les autres GTIA sont déployés dans le
pays en contrôle de zone sur des territoires relativement grands : entre cent et deux cents
kilomètres carrés et doivent donc éparpiller leurs unités. A cela s’ajoute le fait que la RCA est un
des pays les plus pauvres du monde et ne dispose que de très peu d’infrastructures, ne permettant
pas un soutien logistique « s’appuyant sur le pays » et ne dispose de quasiment pas d’axes
goudronnés permettant la rapidité de déplacement des convois.
Enfin, en saison des pluies la plupart des pistes routières sont impraticables, la mobilité réduite
au minimum ne permet pas au bataillon logistique d’acheminer la ressource.

Cet état de fait expliquera grandement la grande rusticité dont ont dû faire preuve les soldats des
déploiements initiaux de SANGARIS, car les flux logistiques réduits au minimum se sont
concentrés sur les ressources vitales pour mener les opérations, délaissant tout le reste.
Les vecteurs logistiques des GTIA étant réduits au minimum, ces derniers se concentraient sur le
ravitaillement des unités, compagnies voire sections réparties sur la zone dont le groupement
avait la responsabilité. Les chefs logistiques de ces groupements devaient en permanence
rationaliser et prioriser la ressource.
Cela fut de même pour les moyens de maintenance obligeant le seul véhicule de dépannage lourd
du groupement à prioriser ses interventions ce qui avait pour conséquence de fixer parfois une
unité sur place pendant plusieurs jours.

En parallèle quand la saison le permettait, le bataillon logistique se chargeait des convois entre
BANGUI, dépôt logistique du théâtre et les GTIA répartis dans le pays. Ce schéma, peu ou prou
le même que celui de Barkhane mais pour une raison différente (manque de moyens logistiques
des groupements), impose que la boucle arrière entre le port de DOUALA et BANGUI soit
effectuée avec des vecteurs externalisés. L’axe étant contrôlé par un GTIA, cela permet de
sécuriser l’approvisionnement des équipements et ressources depuis la frontière jusqu’à
BANGUI.
Axe logistique et déploiement des unités sur cet axe (Source rapport parlementaire)

Quand la saison des pluies ne permet alors plus de faire passer les convois, seules les livraisons
par moyens aériens sont possibles. Cette période est particulièrement critique non seulement
pour la chaîne logistique grandement fragilisée mais aussi pour les opérations tactiques car les
déploiements éparpillés ne permettent pas, du fait de la praticabilité des axes, de renforcer les
détachements au contact avec l’ennemi.

Convoi logistique en RCA pendant la saison des pluies (Source ministère des armées)

De plus l’environnement sanitaire de la RCA est très inhospitalier et la chaîne santé devra faire
des prouesses pour maintenir la capacité opérationnelle des groupements à leur plus haut niveau.
Malgré le déploiement en suffisance de ces unités au sein des compagnies, l’humidité, la
rusticité, la chaleur et le palu créeront un environnement sanitaire à risque pour les soldats. Les
postes de secours sont aménagés de façon sommaire dans les villages ou les compagnies
s’installent. Les évacuations sanitaires sont principalement effectuées par voie aérienne pour
permettre une évacuation rapide sur BANGUI ou le camp dispose d’infrastructure plus robuste.

4- Evolution de l’opération :

L’opération évolue très rapidement, elle monte en puissance en 6 mois puis à compter d’avril
2014, commence sa phase de redescente des effectifs au fur et à mesure que la MINUSCA se
déploie et prend à son compte le dispositif de contrôle de zone.

Convoi désengagement (source ministère des armées)

Ce désengagement progressif des GTIA qui ne sont simplement pas relevés à la fin de leur
mandat, permet d’entretenir des flux réguliers retours. Le désengagement est maitrisé dans la
durée, ce qui permet de pouvoir planifier au niveau stratégique le retour des équipements et ainsi
d’assurer des flux retours bien moins couteux car non réalisés en urgence. Le désengagement est
réalisé par moyens aériens et multimodaux, employant la voie routière, ferrée puis maritime.
Désengagement de SANGARIS voie maritime (source ministère des armées)

Désengagement des VBCI par voie aérienne (source ministère des armées)

A compter de juin 2015, il ne reste plus qu’un GTIA de déployé en RCA avec son soutien et un
petit état-major de soutien. La mission est de disposer d’une capacité de réaction et
d’intervention au profit de la MINUSCA.
Dispositif SANGARIS en appui de la MINUSCA (source ministère des armées)

L’opération se termine le 31 octobre 2016 et le désengagement se poursuivra jusqu’au mois de


décembre. Il ne restera plus que la mission de formation EUTM et un petit élément de soutien
pour les éléments participant à la mission.

5- Conclusion :

Cette opération démontre la capacité de la France à engager et soutenir en même temps deux
opérations majeures. Pour cela, comme pour le MALI à l’époque, elle s’appuie sur son maillage
en Afrique des forces prépositionnées et sur l’emploi du GUEPARD depuis la France.

La géographie particulière de la RCA nécessite des acheminements multimodaux que la


logistique française maitrise. Lors de cette opération, comme dans les premiers mois de
l’opération SERVAL, le juste emploi des vecteurs stratégiques permet de soutenir la force dans
le basique pour combattre. Cela rend la mission rustique, ce dont le soldat français sait faire
preuve. La prise en compte du climat et de la géographie par le logisticien est primordiale afin de
pouvoir planifier ses flux et anticiper les possibles ruptures du fait des contraintes de traficabilité.
Cela est aussi particulièrement vrai concernant l’importance pour le logisticien de suivre la
manœuvre et de s’insérer dans cette dernière. Il n’y a qu’une seule manœuvre et la logistique
vient soutenir et permettre cette dernière.

Enfin, il est intéressant de voir la capacité de la France à armer simultanément deux opérations
majeures, bien que celles-ci se déroulent au sein de son pré-carré et, comme nous l’avons déjà
évoqué, le maillage des forces prépositionnées aidant grandement. Serait-il alors possible pour la
France d’intervenir dans des destinations tel que l’Amérique du sud ou l’Asie avec la même
efficacité ?
L’IRAK – CHAMMAL
1- Contexte de l’opération :

Suite à la poussée de DAESH depuis la SYRIE au Nord de l’IRAK et la prise de plusieurs villes
dont la ville de MOSSOUL, l’armée irakienne est mise en difficulté et le gouvernement irakien
demande l’appui des pays occidentaux pour contrer cette invasion. Seuls les combattants Kurdes
font preuve d’opiniâtreté et tiennent face à l’offensive de DAESH.
En 2014, sous la direction des Etats-Unis, une coalition internationale est formée et une
résolution des nations unies, la 2170 en date du 15 août donne la légitimé à l’action. La France
décide de participer par des campagnes de frappes aériennes et des détachements d’instruction
opérationnelles pour la formation des forces irakiennes. Pour cela elle s’appuie sur sa base
permanente aux émirats arabes unis (EAU) et projette une base aérienne projetée en Jordanie
pour permettre le déploiement de ses avions. Enfin, en 2015, le porte-avion Charles de Gaule
participe aux opérations en apportant un surplus d’avion.
Depuis 2015, la France s’autorise des opérations en Syrie afin de lutter contre DAESH de
manière globale.
Après avoir stoppé l’avance de DAESH pendant l’année 2015, une campagne de reconquête avec
l’armée irakienne, les kurdes et la coalition commence.
L’opération CHAMMAL ne comporte pas de composante terrestre organisée et structurée
comme dans une opération habituelle. En effet, outre deux petits DIO au profit des forces
irakiennes et quelques officiers insérés dans les états-majors de la coalition mise en place et
commandée par les américains, il n’y a pas de troupes déployées avant 2016. La reconquête du
territoire doit se faire essentiellement par les troupes irakiennes et kurdes coordonnées et
soutenues en cela et soutenue par la coalition internationale. En effet les américains n’ont pas du
tout envie de replonger en IRAK, pays où ils ont été très largement déployés après leur invasion
en 2003 et dont le président OBAMA a engagé un retrait rapide, peut-être même trop, après avoir
été élu en 2008.
La France est dans la même optique, néanmoins depuis les attentats récents, l’opinion publique
est prête à soutenir un engagement contre DAESH et, s’il peut être rapide de former un simple
combattant, les spécialistes tels que pour servir l’artillerie demande des compétences techniques
bien plus longues à acquérir. Or le niveau opérationnel atteint par l’armée de DAESH, quasiment
étatique, impose d’avoir des appuis solides pour les déloger en particulier des villes.
Pour permettre d’appuyer efficacement les forces au sol, la France décide de déployer un
groupement d’artillerie (GA) permettant un appui par des feux indirects au plus près des
combats. C’est le déploiement de ce groupement et son soutien que nous étudierons au titre de la
logistique terrestre de CHAMMAL.
Opération CHAMMAL (Source ministère des armées)

2- Forces déployées et organisation :

Comme nous l’avons vu précédemment nous étudierons le déploiement du groupement


d’artillerie et son soutien logistique.
Il est donc décidé le déploiement d’un groupement d’artillerie composé d’un état-major de
niveau bataillonnaire, d’une batterie de tir à quatre canons CAESAR, nouveau canon équipant
l’armée française ayant fait ses preuves en Afghanistan puis plus récemment au Mali, et d’un
élément de soutien logistique. Ce groupement prendra le nom de Task Force (TF) WAGRAM.
Il comprend environ deux cents artilleurs au plus fort de son engagement pendant la bataille de
MOSSOUL, période à laquelle nous plaçons cette étude.

Appui de la TF WAGRAM aux opérations de reprise de MOSSOUL (Source ministère des


armées)
L’état-major, intégré en partie dans le poste de commandement opératif aura la lourde charge en
liaison avec Paris, d’autoriser ou non les tirs d’appui selon les règles d’engagements françaises
afin de s’assurer de ne pas faire de dégâts collatéraux trop importants.
La TF WAGRAM est placée sous TACON de la TF FALCON américaine. Cela lui permet de
bénéficier de leur soutien.

TF WAGRAM armé par le 11e RAMa (Source revue ancre d’or)

3- Organisation du soutien logistique sur place :

Les éléments de la TF WAGRAM sont projetés depuis la métropole par vecteurs stratégiques
aériens pour permettre un déploiement rapide et une pleine capacité opérationnelle au plus vite
pour garantir l’appui des opérations.

Débarquement des CAESAR des ANTONOV pour leurs déploiements (Source revue ancre
d’or)
Un échelon de soutien national (ESN) comportant un DETSOUT tactique et des éléments
opératifs est mis en place sous les ordres de l’officier logistique de la TF WAGRAM. Cela
permet à cette dernière de disposer de son autonomie logistique insérée directement au sein de la
TF FALCON américaine.
C’est la première fois depuis les guerres de décolonisation que l’artillerie française est employée
avec ce niveau d’intensité. Elle doit pouvoir être mobile et se redéployer rapidement en fonction
de l’avancée des combats et effectue, pour le seul mandat du 11e RAMa plus de neuf cents
missions d’appui feu.
L’enjeu pour le soutien est alors double. Le premier est d’assurer la maintenance préventive mais
aussi curative sous contrainte de temps afin de permettre d’aligner en permanence le maximum
de pièces. D’autant plus que, par la suite, pour soutenir correctement les opérations la batterie de
tir est scindée en deux sections à deux pièces. L’effet s’en ressent donc immédiatement
lorsqu’une pièce est indisponible.

Maintenancier intervenant sur un CAESAR (Source revue ancre d’or)

Le second enjeu est de permettre un approvisionnement continu des munitions. Or les munitions
viennent de métropole par vecteurs stratégiques et la planification doit être effectuée avec
environ dix semaines d’avance. Il est alors très difficile d’estimer au plus juste la consommation
avec le risque non négligeable de se retrouver en rupture d’obus.
L’acheminement est d’autant plus contraint que le transport de munitions par voie aérienne est
particulièrement réglementé par le IATA, règlementation internationale à laquelle les armées
n’échappent pas.
Manœuvre de munitions d’artillerie (Source revue ancre d’or)

Traditionnellement dans la logistique des opérations, les munitions d’artilleries sont catégorisées
à part (on catégorise les munitions par tranches, les munitions d’artillerie appartenant à la tranche
D), du fait de la matière active de la grande variété de type (explosifs, incendiaires, éclairant etc.)
et de l’encombrement que cela représente.

Munitions d’artillerie (Source revue ancre d’or)

Cela n’est donc pas négligeable en termes de poids logistique et de vecteurs associés pour le
transport. Pour la partie transport, outre les vecteurs tactiques qui livrent la ressource aux pièces,
les mouvements entre l’aéroport et la zone de déploiement se font avec des vecteurs externalisés
et en coordination avec la logistique américaine qui fournit l’escorte pour le convoi.

Vecteur logistique livrant les munitions aux pièces (Source revue ancre d’or)

Le soutien médical est fourni par le détachement qui dispose de son équipe médicale et pour la
partie nécessitant une évacuation par la coalition si nécessaire. L’ensemble des autres sous
fonctions de la logistique sont soit externalisées ou bien contractualisées et fournies par les
américains.

4- Evolution de l’opération :

Les opérations de reprises de la ville de MOSSOUL constituent des combats très violents face à
un ennemi déterminé et ayant valorisé ses positions pendant plusieurs mois. Néanmoins la
coalition reprend la ville le 10 juillet 2017 après neuf mois de combats.
La TF WAGRAM aura pleinement rempli son rôle et permis aux unités irakiennes de reprendre
l’offensive et de bénéficier d’appuis très précis grâce à un matériel de qualité, servi par des
soldats maitrisant leur savoir-faire. A partir de cette période, si DAESH tient toujours des poches
de résistance dans le nord du pays, les combats et donc l’appui fourni par la TF diminuera
nettement en intensité. Néanmoins elle continue son office en se déployant et se redéployant
pour suivre les combats. Courant 2018, la TF a perdu un canon CAESAR pour ne plus comporter
que trois pièces.
Le déploiement de cette unité devrait se terminer courant 2019 et son rapatriement engagera
alors des flux logistiques stratégiques importants.

5- Conclusion :

Déployée dans un format original, au sein d’une coalition internationale dirigée par les Etats-
Unis, la France a démontré ainsi sa capacité à interopérer dans un domaine opérationnel
contraignant qu’est l’artillerie.
Les logisticiens ont là une fois encore une fois démontré leurs capacités, tant aux niveaux
stratégiques que tactiques, à combiner les moyens à disposition pour permettre la pleine
efficacité opérationnelle des unités déployées.
L’intensité des combats et des missions de feux en Irak a néanmoins particulièrement entamé le
potentiel de la flotte de canons qui équipe les CAESAR. Le soutien de maintenance et de
régénération de ces canons n’avait pas été contractualisé, à l’époque de l’achat, en planifiant de
tels engagements et cela malgré une rotation rapide des canons sur le théâtre. Il est ainsi urgent
de pouvoir débloquer des crédits pour avancer la régénération des canons et leur redonner la
pleine capacité opérationnelle à l’artillerie qui a démontré toute son utilité dans les opérations
militaires en particuliers en combat urbain face à un ennemi combatif et bien préparé.
Les EFP - LYNX
1- Contexte de l’opération :

Les pays baltes, zone tampon entre la Russie et l’Europe ont, depuis les opérations russes en
Ukraine, exprimé leurs vives inquiétudes quant à une possible intervention ou tentative de
déstabilisation par la Russie de leurs territoires.
Dans ce cadre, sous l’égide de l’OTAN, les pays alliés décident de mettre en place dans les pays
baltes une présence renforcée : Enhanced Forward Presence (EFP) afin d’afficher une posture
dissuasive robuste. Réunis à Varsovie le 9 juillet 2016, les chefs d’états et de gouvernement
annoncent leur volonté de mettre en place un bataillon en Lituanie (nation cadre Allemagne), un
bataillon en Lettonie (nation cadre Canada), un bataillon en Estonie (nation cadre le Royaume
Uni) et un bataillon en Pologne (nation cadre les USA). La France décide de participer à cette
force à hauteur d’un sous groupement tactique interarmes mécanisé et d’un Echelon de soutien
national (ESN) pour les soutenir.
Ce dispositif est déployé pour la première fois pour 9 mois en Estonie au sein du contingent
anglais, puis sera déployé en Lituanie au sein du bataillon allemand. Le dispositif doit être
complètement opérationnel pour le mois d’avril 2017.

Déploiement des EFP (source Twitter OTAN)

2- Forces déployées et organisation :

Les forces déployées sont d’environ trois cents hommes. Quelques officiers d’état-major sont
insérés au sein de l’état-major du bataillon (un officier conduite S3, un officier renseignement S2
et un officier logistique S4), un sous groupement tactique à trois sections d’infanterie sur VBCI,
le dernier véhicule de combat de l’infanterie française, un peloton de char LECLERC, une
section génie et des artilleurs pour l’appui du SGTIA. Un échelon de soutien est déployé pour
soutenir l’unité au niveau logistique et s’assurer des flux entre la métropole et le théâtre pour les
approvisionnements, ainsi que des contrats de soutien fournis par la nation hôte et le bataillon
britannique. Enfin un colonel, qui est Senior National Representative (SNR) coiffe l’ensemble du
dispositif et se charge de liaisons diplomatique et politico-militaire. Cette organisation permet au
SGTIA de manœuvrer au sein du bataillon britannique tout en pouvant se soutenir dans les
domaines particuliers qui sont une responsabilité nationale.

3- Organisation du soutien logistique sur place :

Le soutien logistique sur place est donc séparé en deux entités. La première de niveau opérative
est traitée par l’ESN qui s’assure, en liaison avec la métropole du suivi des flux. Les pays baltes
étant des pays disposant de structures relativement solides, une partie des services de soutien
sont contractés sur place directement avec la nation hôte. Une autre partie est contractée auprès
du bataillon britannique au sein duquel est déployé le SGTIA français.
Le deuxième niveau, le tactique est lui conduit par l’officier logistique inséré au sein de l’état-
major du bataillon britannique. Il s’occupe de la logistique française lorsque le bataillon est
déployé. Pour cela l’ESN lui met à disposition des moyens pour la mise sous TACON du SGTIA
ou de l’échelon de soutien du bataillon britannique.

Du fait des effets de seuil mais aussi d’un dimensionnement relativement important de l’échelon
de soutien, le ratio soutenu / soutenant est de un pour un. Dans les standards français cela est
assez important et peut, en termes de rentabilité des unités, amener à se poser la question de la
pertinence du déploiement d’un seul SGTIA. En effet avec quasiment le même volume, l’on
pourrait soutenir GTIA.
Le challenge de cette opération est la mise sur pied dans un délai relativement court des éléments
en Estonie. Pour des raisons de coût après une étude des acheminements par voie maritime, le
choix s’est porté vers la voie ferrée. Du fait de la non interopérabilité des chemins de fer de
l’Europe de l’ouest et de l’est pour cause d’écartement des voies une rupture de charge fut
organisée pour changer les véhicules de wagon en Lituanie.

Char LECLERC sur un train mission LYNX (source ministère des armées)
Ces problèmes de circulation dans les pays baltes, furent soulignés par l’US ARMY qui a
déployé une division en renfort dans ces pays. Les plans de circulation stratégiques abandonnés
ou mis en sommeil au profit des opérations tels que l’Afghanistan ont mis en exergue ces failles
capacitaires. L’OTAN étudie aujourd’hui comment améliorer cela pour permettre le déploiement
de forces en renfort si nécessaire sur court préavis. Il apparait alors nécessaire de permettre une
uniformisation des procédures douanières pour les pays susceptibles d’être traversés par les flux.

4- Evolution de l’opération :

L’originalité de l’opération réside dans sa capacité d’itinérance. En effet, tournant chaque année
entre les différents bataillons et à travers les différents pays baltes, l’opération doit conserver une
capacité à se redéployer changeant ainsi complètement d’environnement.

Déploiement de LYNX en LITUANIE (source représentation permanente de la France


auprès de l’OTAN)

En effet le pays d’accueil change mais aussi la nationalité du bataillon sous lequel est placé pour
emploi le SGTIA. De plus, ce n’est pas moins de soixante véhicules, leurs environnements et les
ressources servant à combattre qu’il faut à chaque fois déplacer et redéployer. Tout cela en
gardant à l’esprit que le SGTIA est composé de blindés chenillés et à roues lourds, imposant des
mouvements contraints par leurs mobilités.
Chargement d’un VBCI sur un train (source ministère des armées)

5- Conclusion :

Cette opération permet le déploiement dans un cadre otanien d’une petite composante de
manœuvre française au sein d’un GTIA allié. Le poids logistique pour soutenir cette opération
est relativement important comparé au volume de forces déployées sur le terrain. Néanmoins la
volonté politique que la France soit présente auprès des pays baltes guide le dimensionnement de
cette mission. D’un point de vue logistique, la particularité du déploiement et redéploiement des
unités tous les ans changeant à chaque fois de pays et de nation cadre pour le bataillon démontre
la grande souplesse d’emploi de la logistique militaire.
Cette dernière a notamment remis au goût du jour la projection stratégique par voie ferrée
largement délaissée au profit de la voie maritime et aérienne du fait des engagements actuels.
Cette projection s’accompagne d’une vraie réflexion sur la mobilité des troupes militaires en
Europe en cas de résurgence d’un conflit avec la Russie. En effet les anciens pays du pacte de
Varsovie n’ont pas d’infrastructures interopérables avec les pays de l’Europe occidentale. De
plus les axes routiers ne permettent pas un déploiement rapide de troupes et de matériels. Ces
problématiques sont prises très au sérieux par l’OTAN, en particulier les USA, car la rapidité de
la projection stratégique des troupes est centrale dans la dissuasion face à la Russie. Le problème
logistique devient alors un enjeu stratégique de premier ordre.
Chapitre 4 :
Perspectives de l’évolution
de la logistique
A l’heure actuelle, les nouvelles technologies et approches modernes du monde de l’entreprise
sont en train de révolutionner la chaîne logistique civile. Partant d’une posture de mal nécessaire
forcément couteuse, aujourd’hui la logistique est, sous le terme de « supply-chain », au cœur des
préoccupations stratégiques des entreprises en particulier dans le e-commerce. Enjeu à part
entière dans la réalisation de la satisfaction client, les services proposés et offerts par les
entreprises aujourd’hui sont tout simplement révolutionnaires.
Pour permettre une efficacité aussi grande, la chaîne logistique est profondément changée.
Intégrant les toutes dernières évolutions en matière de stockage mais aussi de transport, elle
permet en exploitant les bases de données et en interconnectant tous les niveaux du fournisseur
au client de conduire en temps réels des échanges de flux précis et efficients.
Cette évolution voire révolution aujourd’hui rentre dans les mœurs et change le mode de vie du
consommateur. Ainsi ce dernier peut suivre en temps réel son colis, se faire livrer dans la journée
sa commande, voire retourner ses achats si ceux-ci ne lui plaisent pas.
Les entreprises géantes mondiales possédant un pouvoir prodigieux sur les marchés, se
développent au travers de l’efficacité et de l’agilité de leurs organisations « supply chain », ainsi
AMAZON est aujourd’hui reconnue comme une entreprise leader dans ce domaine et
investissant très fortement. Le géant ALIBABA a engrangé plus de 30 milliards de dollars de
commande en une seule journée (le budget annuel de la défense française pour une année).

Alors que se posent des questions éthiques de gestion des données, mais aussi une
interdépendance au niveau mondial de l’ensemble des échanges de flux tant physiques que de
données, la logistique civile a largement pris le pas sur la logistique militaire. Mais alors qu’en
est-il des perspectives d’évolutions de la logistique militaire dans cet environnement ?

1- Un projet structurant auquel la logistique militaire doit prendre sa part de manière


réaliste :

L’armée de terre française a choisi de s’investir dans un projet structurant pour ses forces au nom
de SCORPION (Synergie du COntact Renforcée par la Polyvalence et l’InfOvalorisatioN), pour
rentrer de plein pied dans le 21e siècle. Ce projet permet, tout en remplaçant les véhicules
tactiques de combat à bout de souffle d’intégrer les évolutions technologiques permettant aux
unités d’échanger en permanence des données en temps réel si bien que cela permet au
commandement de traiter ces données et ainsi être en mesure de réagir très rapidement aux
actions de l’ennemi.
La mise sur pied de cet outil très puissant qui passe par des matériels de dernière génération et
des flux d’échanges de données maitrisés dans un environnement pas toujours permissif pour ces
technologies, prend en quelque sorte le chemin du développement des entreprises. Ce
programme nécessitera de changer profondément la culture des armées en termes de gestion de
l’information puisque les industriels, pour pouvoir être efficace, devront toujours dans l’optique
permanent de continuité de l’échange des flux, pouvoir y accéder, tout du moins en partie afin de
remplir leurs contrats.
Force terrestre en 2025 (Source site armée de terre)

Pour la logistique militaire au sens propre du termes, si SCORPION ne révolutionnera pas cette
dernière, les outils mis en place seront très certainement des démultiplicateurs d’effets.
En effet, si un pneu, une munition ou une ration resteront toujours les même ressources,
l’infovalorisation et l’échange rapide de flux rapide permettra en temps réel de connaître les
niveaux de stocks mais aussi les flux de recomplètement depuis la métropole jusqu’à la section.
La vision instantanée de ces flux, ainsi que le niveau des unités permettront donc en toute
souplesse de pouvoir réorienter des flux sur les unités en ayant le plus besoin. De plus cela se
faisant par échange de données jusqu’aux véhicules, les capteurs pourront remonter de manière
automatique les niveaux de chaque véhicule. Ce sera pareil pour la maintenance prédictive qui
pourra déclencher la mise en commande d’une pièce chez l’industriel et son approvisionnement
avant que le blindé soit en panne.

Comme pour le GTIA et la brigade, le projet SCORPION, finalement en organisation ne devrait


pas changer la donne puisque, malgré les études actuelles qui portent sur une augmentation
sensible des niveaux des GTIA, l’armée française ne pourra structurellement pas absorber ces
visions théoriques peu cohérentes face à la réalité du terrain. Ainsi faut-il que les GTIA
comportent 1500 ou 2000 hommes, ou que leurs tailles restent dans des formats aux alentours
des 800 hommes et que l’on déploie une brigade au-dessus. Mis à l’épreuve de l’histoire et
malgré nos moyens de communication actuels, il semble difficile de manœuvrer des GTIA de
1500 ou 2000 hommes en restant souple d’emploi si ce n’est en recréant des sous-ensembles à
tailles des GTIA actuels. Cette tendance avait déjà en Afghanistan eu lieu au niveau des SGTIA
où l’on se retrouvait avec un capitaine qui commandait jusqu’à 250 ou 300 soldats ce qui
représentait plus d’une dizaine d’unités tactiques différentes et le système avait rapidement
trouvé ses limites, alors même que l’on n’était pas dans un niveau de très haute intensité.

L’organisation de la logistique devrait donc de la même manière se stabiliser autour d’une vision
réaliste d’un équivalent de train de combat (quelque soit le nom que l’on lui donnera) qui
permettra une autonomie de quelques jours au GTIA. Cela tout en faisant basculer le poids
moyen de ce soutien vers l’avant (compagnie) ou vers l’arrière (TC2) en fonction du cadre
d’emploi et des élongations.
Comme tout projet structurant chacun veut être sur la photo et donc les unités logistiques
souhaitent rentrer de plein pied dans ce GTIA futur et donc assurer les missions de soutien
logistique dévolues au train de combat. C’est à mon sens une erreur qui ne sert pas la logique
d’ensemble et implique un manque de cohérence de la chaîne logistique dans une approche
globale.
En effet, comme nous l’avons vu, le niveau brigade, sauf cas particulier, ne dispose pas d’unité
de soutien logistique à son niveau et, là se trouve une faille du système que les unités logistiques
devraient venir combler. C’est une faille à au moins deux égards :
Le premier, c’est qu’au niveau de l’OTAN, nos alliés disposent tous d’un Brigade Support Group
(BSG) qui confèrent à la brigade son autonomie tactique propre. Cet échelon est aujourd’hui
l’échelon de souplesse des armées occidentales moderne car c’est un seuil cohérent pour
commencer à produire des effets à l’échelon d’un théâtre d’opération, ce dont est largement
incapable le GTIA.
Le second égard, c’est que la doctrine SCOPRION devrait consacrer, une fois raison retrouvée
sur la taille des GTIA, la brigade comme échelon de combat interarmes à part entière. En effet
pour maintenir le GTIA dans des proportions autour des 800 hommes, un certain nombre
d’appuis et moyens spécialisés devront être centralisés au niveau de la brigade, qui devient alors
l’échelon tactique interarmes le plus complet. Il apparait alors clairement en doctrine qu’il
manquera un moyen de soutien tactique du niveau brigade pour lui conférer son autonomie.
La division, si dans nos opérations permet de prendre à sa charge la partie opérative n’est pas, à
moins d’un engagement majeur à nos frontières, en capacité d’être déployée pleine et entière.
Les canevas de soutien et de déploiement des Groupements de Soutien Divisionnaires (GSD),
sont impossibles à remplir et le déploiement de plus de 10 000 hommes dans une opération de
type expéditionnaire ne pourrait être réalisée par manque de moyens.

Il apparait donc certain que si la logistique du GTIA, qui est aujourd’hui particulièrement
efficace et suffisamment souple d’emploi, en particulier du fait que les chefs des unités de
soutien sont issus de la dominante du GTIA et donc inscrivent parfaitement leurs unités dans la
manœuvre d’ensemble, il devient incontournable de décrire la mise en place d’un BSG au niveau
de la future brigade SCORPION.

2- Des défis majeurs à résoudre :

Dans un premier temps les systèmes modernes doivent reposer sur des architectures réseaux
permettant d’échanger des données sécurisées. Si cela semble incontournable aujourd’hui, l’on
mesure les prouesses techniques à mettre en œuvre par 50°C au milieu du désert pour permettre
ces échanges de données. C’est donc au cœur du programme SCORPION car les solutions
techniques retenues doivent permettre ces échanges en permanence et de manière résiliente tant
face au milieu que face à une action hostile sur ce sujet vital. C’est tout l’objet aujourd’hui du
développement de la cyberdéfense dans les armées pour intégrer cela.

Le second défi à relever est celui de l’énergie. En effet, tous les systèmes fonctionnent avec de
l’électricité et donc consomment de l’énergie. Les armées doivent donc trouver comment
exploiter des sources d’énergie, la renouveler et la stocker pour permettre l’utilisation dans la
durée des systèmes. C’est un enjeu majeur qui n’a pas qu’une seule réponse. En effet si le solaire
peut être une solution pour les latitudes tropicales, comment produire et renouveler l’énergie en
cas de conflits dans les pays nordiques en pleine nuit australe ? Le poids logistique d’une
compagnie FELIN a doublé depuis la mise en place de ce système en particulier du fait des
besoins en énergie. De même il est plus facile de fournir de l’énergie à une compagnie sur
véhicule blindé qu’à une compagnie parachutiste.

Un autre défi à relever est l’interaction entre l’armée en opération et les industriels fournissant
les ressources pour l’emploi des matériels. Ainsi, les échelons centraux doivent pouvoir s’assurer
de la capacité des industriels à fournir les ressources et pièces demandées dans des délais
contraints et en retour, assurer les flux de « la reverse logistique » permettant aux industriels de
retraiter les sous-ensembles changés. Cette problématique de « reverse logistique » va devenir un
enjeu majeur pour le logisticien, tant pour le maintien à un haut niveau de disponibilité technique
qu’en termes de contraintes financières en cas de non-respect des délais de retour.

3- Des évolutions technologiques au service de l’efficacité :

Depuis plusieurs années, des nouvelles technologies montent en puissance et devraient être
intégrées aux armées pour permettre une efficacité accrue du soutien logistique.

Tout d’abord les outils de suivi des flux. Que ce soit avec SILRIA, le logiciel de suivi des flux
français ou LOGFAS, le logiciel de l’OTAN, toute armée moderne se doit de suivre et de tracer
ses ressources. Pour se faire, l’emploi des codes-barres et maintenant de la RFID est un progrès
majeur. Dans le cadre du système FELIN, les puces RFID permettent même de tracer les
perceptions et réintégrations du matériel et donnent la capacité au responsable logistique du
régiment de pouvoir savoir en temps réel savoir où se trouve le matériel. L’emploi dans le civil
de ces outils de monitoring ont permis de multiplier parfois par plus de dix, l’efficacité de la
chaîne logistique, au niveau des armées nous n’en sommes qu’au début mais cela a déjà permis
de gagner en efficacité.

Un autre domaine qui nécessite d’être développé en particulier au niveau de la maintenance et


peut-être du médical, c’est l’impression 3D. En effet, aujourd’hui les impressions permettent de
faire des pièces soumises à de fortes contraintes mécaniques avec de très bons niveaux de
précision dans les cotations. L’on imagine alors facilement le camion atelier au niveau du GTIA
pouvoir produire en quelques heures n’importe quelle pièce permettant la réparation du véhicule
de combat sans avoir besoin d’avoir un stock énorme de pièces détachées. Ce domaine n’a pas
encore donné toutes ses capacités et le test au niveau expérimental de ces matériels pourraient
faire rapidement gagner en efficacité la partie maintenance, mais aussi médicale et
éventuellement soutien de l’homme. En effet, au niveau civil quelques technologies d’impression
commencent à construire des maisons.

Modèle imprimante 3D (source internet)

L’emploi des drones est aussi une piste logistique sérieuse à envisager. En effet tout le monde est
convaincu aujourd’hui de leurs utilités tactiques, la France ayant même pris récemment la
décision d’armer ses drones jusqu’alors réservés à l’observation. Au niveau civil AMAZON
étudie des livraisons possibles par drone. Il pourrait être possible avec ces moyens donnés aux
unités tactiques d’assurer des opérations de ravitaillement avec ces vecteurs en totale autonomie.
L’on pourrait alors s’affranchir des contraintes de milieu et d’environnement et surtout être
beaucoup plus rapide pour la livraison. C’est aussi une piste qui peut être étudiée pour le
déploiement de matériels de combat au plus près des unités de contact. Il s’agira alors de bien
définir le périmètre dans lequel le drone évolue pour permettre de déconflicter un espace aérien
de bataille déjà bien rempli.
Livraison par drone (source internet)

4- Les armées dans une démarche RSE de l’avant

Un enjeu actuel et surtout futur stratégique pour les entreprises, c’est la mise sur pied de
démarches visant à prendre en compte l’environnement des responsabilités sociétales des
entreprises (RSE). Si les armées en tant qu’institution sur le territoire français ont pleinement
intégré ce rôle qui est particulièrement vaste (lien armée-nation, un terrain militaire déclaré zone
Natura 2000 etc.), en opération, cela se concrétise par la création d’une sous-fonction de la
logistique de protection de l’environnement. En effet les armées n’oublient pas que si le théâtre
est actuellement une zone de guerre, il n’en demeure pas moins qu’après la stabilisation les
emprises et zones devront être rétrocédées et que des populations retournent et/ou habitent sur
ces lieux.
Pour cela une sous-fonction protection de l’environnement tend à mettre en place des mesures de
protection de l’environnement se rapprochant le plus possible des standards français. Plus le
théâtre se stabilise, plus les procédés de protection de l’environnement sont mis en place et
appliqués avec efficacité. C’est là une vraie exigence de l’armée française de prendre en compte
cette responsabilité sociétale forte et de s’imposer des contraintes qui représentent des coûts
financiers non négligeable pour permettre de quitter un territoire une fois l’opération terminée et
de rétrocéder des emprises propres.

5- Conclusion :

La logistique militaire aura plutôt tendance à évoluer dans les prochaines années qu’à se
révolutionner. En effet les besoins fondamentaux des forces armées en opération seront toujours
les mêmes pour conduire les opérations militaires.
Néanmoins les nouvelles technologies, si elles peuvent apporter leurs lots de contraintes,
permettent d’augmenter l’efficacité opérationnelle du soutien logistique avec des coûts maitrisés.
Il faudra cependant peser dans les programmes d’armement pour permettre la mise en place et le
renouvellement de ces nouveaux matériels permettant à la chaîne logistique globale de
fonctionner.
Toujours dans cette logique de chaîne globale, les échanges et interactions avec les industriels
doivent sensiblement se renforcer. Pour ce faire les logisticiens des armées doivent être formés
aux techniques de logistique civile et suivre les évolutions. La formation logistique des officiers
amenés à occuper des fonctions de logisticiens doit évoluer vers des qualifications plus
exigeantes, mêlant spécificités militaires et tronc commun civil afin de s’intégrer pleinement
dans une vision d’ensemble.
Chapitre 5 :
Conclusion
Nous avons vu que le seul but de la logistique militaire était de permettre l’engagement
opérationnel des unités. Pour cela elle s’insère dans la manœuvre globale du chef et consacre
l’ensemble de ses moyens pour la réussite de la mission.

Si cela semble une évidence, il est important de prendre en compte la chaîne logistique dans son
ensemble. En effet, seule cette chaîne partant de la métropole et se terminant aux pieds de la
section de combat de pointe face à l’ennemi permet cette réussite. Comme au niveau civil, des
échanges de flux physiques et de données organisés, pilotés et tracés dans leurs ensembles
peuvent garantir la solidité de cette chaine. Les armées font face à de vrais défis dans ce domaine
pour développer des flux interopérables avec les alliés mais aussi avec le secteur civil qui
concourt pour partie à cette chaîne avec le recours aux vecteurs externalisés et à la production
industrielle fournissant les ressources et équipements.

Depuis les vingt dernières années, les opérations de la France ont été variées, souvent imprévues
et guidées par les considérations politiques du moment. La position de la France dans le monde,
son réseau diplomatique mais aussi ses engagements internationaux forts, obligent à disposer
d’une armée permettant de crédibiliser les positions françaises. Pour cela l’exigence de réactivité
et de disponibilité des forces terrestres imposent à la chaîne logistique une souplesse et une
résilience permanente. Le logisticien se trouve confronté, à tous les niveaux, à devoir gérer une
ressource limitée pour permettre un engagement efficient de la force déployée. L’opération
SERVAL au Mali au plus fort du désengagement en Afghanistan sur très court préavis en est le
parfait exemple. Cela impose de faire des choix et de prioriser les ressources et les vecteurs. Il
faut aussi pouvoir trouver des solutions pratiques sur le terrain pour permettre la réalisation des
missions. Une chaîne logistique agile et résiliente commence par des soldats rustiques sachant
s’adapter pour endurer les conditions difficiles des déploiements. C’est le premier échelon
indispensable qui permet à la France de disposer d’une logistique terrestre aussi performante.

En parallèle, il ne faut pas oublier les défis qui nous guettent et à quels prix sont réalisés ces
déploiements. S’il est indéniable que la France dispose d’une capacité d’intervention inégalée sur
le continent africain, cela est bien évidemment moins vrai dans les autres parties du monde. Cette
capacité de réaction s’appuie sur les forces prépositionnées et leurs bases permettant de fournir
des points d’appuis logistiques permanents. Ce dispositif est très efficient et existe aussi dans les
DOM/COM garantissant à la France une capacité de réaction dans le pacifique, les Caraïbes ou
l’Amérique du sud. En revanche le maillage n’est pas aussi important qu’en Afrique et surtout la
distance avec la métropole multiplie les délais d’intervention.
C’est aussi un véritable défi que de faire rentrer la logistique militaire de plein pied dans le 21ème
siècle. En effet, la digitalisation des entreprises a accéléré par dix ou vingt le potentiel de
développement de ces dernières. Or les programmes de développement dans les armées, couteux
et très rigides du fait de nombreux intermédiaires et des contraintes institutionnelles des marchés
publiques font qu’il faut souvent plus de dix ans pour faire aboutir un projet et beaucoup plus
quand cela devient des projets structurants. A comparer aux entreprises en perpétuelles
évolutions ou mutation le risque est réel d’un décrochement rapide au moins technologique et
sûrement de process avec nos fournisseurs. D’autant plus que l’interarmisation de la logistique si
elle a surement permis des gains de productivités et des économies d’échelles, a plutôt tendance
à alourdir les procédures de changements car devant obtenir le consensus des trois armées qui
n’ont d’ailleurs pas toutes les mêmes priorités et vues au niveau logistique.
Enfin, il convient de ne pas oublier le potentiel humain de cette chaîne logistique qui, malgré les
nouvelles technologies, malgré les contraintes, rend possible l’efficacité de ce soutien logistique.
En effet, souvent oubliés, peu valorisés au sein des armées comme il y a vingt ans dans les
entreprises, ces hommes sont tous des soldats à part entière effectuant au quotidien des missions
permettant aux unités de première ligne de combattre. C’est grâce à leur sens de la mission, leur
ingéniosité au quotidien et l’investissement permanent consenti que la chaîne logistique
fonctionne. Ils en sont les maillons et, particulièrement au niveau de l’armée de terre, la
ressource humaine est incontournable pour permettre l’engagement.
Il convient donc de permettre de vraies passerelles de reconversion vers le civil pour ces soldats
qui disposent non seulement d’un savoir-faire exceptionnel mais aussi de savoir-être nombreux.
Il serait intéressant aussi de pouvoir les faires monter en responsabilités et qualifications en
valorisant leurs expériences et en s’assurant ainsi d’entretenir les compétences de nos personnels
et cette liaison avec le milieu civil. Cela peut éventuellement passer par le développement des
validations des acquis de l’expérience (VAE) pendant les temps de services des soldats et tutorer
de manière institutionnelle non pas seulement à titre de reconversion mais pour valoriser les
expériences dans les armées.

Vous aimerez peut-être aussi