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C ONSEIL SCIENTIFIQUE
Président : le général Lucien P OIRIER
Mme le professeur Jacques BAYON, doyen de la Faculté des Lettres de lřUniversité Jean-Monnet
de Saint-Étienne ; Sir James CABLE, former ambassador (Royaume-Uni) ý ; MM. le professeur
Jean-Claude ALLAIN, co-directeur du Centre Défense et diplomatie dans le monde contemporain
(Paris III) ; le professeur Jean-Pierre BOIS, directeur du Centre dřhistoire du monde Atlantique
(Nantes) ; lřinspecteur général des Finances François CAILLETEAU, ancien chef du Contrôle
général des armées ; le professeur Claude CARLIER, directeur du Centre dřhistoire de
lřaéronautique et de lřespace ; Gérard CHALIAND, directeur du Centre européen dřétude des
conflits ; le professeur Pierre CHAUNU, de lřInstitut ; le professeur Pierre DABEZIES, ancien
président de la FEDN ý ; Olivier DARRASON, président de la Compagnie européenne dřintelli-
gence stratégique ; le général Jean DELMAS, président dřhonneur de la Commission française
dřhistoire militaire ; le professeur François-Xavier DILLMANN, président de la Société dřétudes
nordiques ; le vice-amiral dřescadre Marcel DUVAL ý ; le commandant Ezio FERRANTE,
professeur à lřInstitut de guerre maritime (Italie) ; le général de corps aérien Michel FORGET ; le
général Pierre-Marie GALLOIS ; le professeur Colin S. GRAY, Université de Hull (Royaume-Uni) ;
le professeur Pierre GUILLEN, président de la Société dřétudes historiques des relations inter-
nationales contemporaines ; le professeur John HATTENDORF, Naval War College (États-Unis) ; le
professeur Jean-Charles JAUFFRET, Institut dřÉtudes Politiques dřAix-en-Provence ; le professeur
Jean-Paul JOUBERT, directeur du Centre lyonnais dřétudes de sécurité internationale et de défense
(Lyon III) ; le professeur Jean KLEIN, Université de Paris I ; le professeur Yves LACOSTE,
directeur de la revue Hérodote ; le professeur Ioannis LOUCAS, Helmut-Schmidt Universitat ; le
professeur André MARTEL, Institut dřétudes politiques dřAix-en-Provence ; le professeur Jean-
Louis MARTRES, directeur du Centre dřanalyse politique comparée de Bordeaux ; le professeur
Michel MOLLAT DU JOURDIN, de lřInstitut, président dřhonneur de la Commission internationale
dřhistoire maritime ý ; le professeur François MONNIER, ancien président de la Section des
Sciences historiques et philologiques de lřÉcole pratique des Hautes Études ; le professeur Bruno
NEVEU de lřInstitut, président honoraire de lřÉcole pratique des Hautes Études ý ; le général
dřarmée aérienne Bernard NORLAIN, ancien directeur de lřInstitut des hautes études de défense
nationale ; le professeur Jovan PAVLEVSKI, Université de Paris V ; le doyen Guy PEDRONCINI ý,
président dřhonneur de lřInstitut dřhistoire des conflits contemporains ; le recteur Jean-Pierre
POUSSOU, président honoraire de lřUniversité de Paris-Sorbonne ; le général de division Maurice
ROZIER DE LINAGE, ancien directeur du Collège Interarmées de Défense ; lřamiral de division
Vezio VASCOTTO (Italie) ; le professeur Nuno SEVERIANO TEIXEIRA, ministre de la Défense
(Portugal) ; Étienne TAILLEMITE, inspecteur général honoraire des Archives de France ; le général
Manuel Freire THEMUDO BARATA, président de la Commission portugaise dřhistoire militaire ý ;
le capitaine de vaisseau Lars WEDIN, de lřAcadémie royale des sciences militaires (Suède) ; le
recteur Charles ZORGBIBE, professeur à lřUniversité de Paris I.
Stratégies irrégulières
93-94-95-96
Éditorial ............................................................................................................ 7
Guerres irrégulières : de quoi parle-t-on ?
Hervé COUTAU-BÉGARIE ..................................................................... 13
La théorie du partisan de Carl Schmitt
David CUMIN ....................................................................................... 31
La guerre irrégulière dans le monde grec antique
Jean-Nicolas CORVISIER ...................................................................... 73
Stratégie et stratagèmes dans l‟Antiquité grecque et romaine
Pierre LAEDERICH ................................................................................ 89
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières : les barbares
au sein de l‟armée du Bas-Empire
Loïc PATTIER ..................................................................................... 109
La pacification de l‟Afrique byzantine 534-546
Philippe RICHARDOT .......................................................................... 129
Une guerre irrégulière, civile et religieuse au sein de la grande guerre :
l‟exemple de la guerre des Camisards
Paul BURY .......................................................................................... 159
Tradition et modernité dans les affaires militaires du royaume
de Hongrie au XVIe et XVIIe siècles
István CZIGÁNY .................................................................................. 179
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise
au début du XVIIIe siècle
Ferenc TÓTH ...................................................................................... 187
La guérilla hongroise au XIXe siècle. La petite guerre de Háromszék
en décembre 1848
Tamás CSIKÁNY ................................................................................. 205
Napoléon et la guerre irrégulière
Bruno COLSON ................................................................................... 227
Soumettre les arrières de l‟armée. L‟action de la Gendarmerie impériale
dans la pacification des provinces septentrionales de l‟Espagne
(1809-1814)
Gildas LEPETIT ................................................................................... 259
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871
Armel DIROU ..................................................................................... 279
L‟armée française face à Abdelkrim ou la tentation de mener une guerre
conventionnelle dans une guerre irrégulière 1924-1927
Jan PASCAL ........................................................................................ 319
La guerre d‟Indochine : guerre régulière ou guerre irrégulière ?
Michel GRINTCHENKO ....................................................................... 339
Le rôle des bases aéroterrestres dans la lutte contre la guérilla
Philippe KIRSCHER ............................................................................. 357
Les supplétifs ralliés dans les guerres irrégulières
(Indochine-Algérie, 1945-1962)
Pascal IANI ......................................................................................... 371
La peur et le cœur. Les incohérences de la contre-guérilla française
pendant la guerre d‟Algérie
Michel GOYA ..................................................................................... 399
L‟artillerie dans la lutte contre-insurrectionnelle en Algérie 1954-1962
Norbert JUNG ..................................................................................... 409
Les trois guerres de Robert McNamara au Viet-nam (1961-1968) ou
les errements de la raison dans un conflit irrégulier
Jean-Philippe BAULON ....................................................................... 425
Les détachements d‟intervention héliportés dans la guerre irrégulière
Frédéric BOS ...................................................................................... 445
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla, archaïsme ou avenir ?
Jean-Christophe GERVAIS .................................................................. 461
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière
Olivier ZAJEC ..................................................................................... 477
Des armes maudites pour les sales guerres ? L‟emploi des armes
chimiques dans les conflits asymétriques
Olivier LION ....................................................................................... 491
Les adaptations de la guerre irrégulière aux nouvelles conditions
technologiques : vers la techno-guérilla
Joseph HENROTIN............................................................................... 533
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière
Aymeric BONNEMAISON, Tanguy STRUYE DE SWIELANDE ................ 567
La guerre maritime et aérienne à partir et au-delà de Carl Schmitt
David CUMIN ..................................................................................... 595
Otages : constantes d‟une institution archaïque et variantes contemporaines
Arnaud de COUPIGNY......................................................................... 613
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle : la contre-insurrection,
une nouvelle confrontation idéologique ?
François CHAUVANCY ........................................................................ 647
La contre-insurrection à l‟âge informationnel : le cas afghan
Français GÉRÉ .................................................................................... 669
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique ?
Frédéric RAMEL ................................................................................. 683
Une révolution militaire en sous-sol. Le retour du modèle Templiers
Bernard WITCH .................................................................................. 709
Ont collaboré à ce numéro
C OMITÉ DE RÉDACTION
Les articles publiés dans Stratégique ne représentent pas une opinion de lřISC et
nřengagent que la responsabilité de leurs auteurs. Sauf indication contraire,
ceux-ci sřexpriment à titre personnel.
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© ISC - 2009
INSTITUT DE STRATÉGIE COMPARÉE
.......................................................................................
Nom et prénom ou Raison sociale : -----------------------------------------
----------------------------------------------------------------------------------
Adresse : -----------------------------------------------------------------------
----------------------------------------------------------------------------------
Code postal : ------------ Ville : -------------------------------------------
Fonction : ----------------------------------------------------------------------
Hervé COUTAU-BÉGARIE
1
Avec la publication prochaine de la thèse de Sandrine Picaud-Monnerat sur
la petite guerre au XVIIIe siècle et de la recherche collective sur lřhistoire
militaire des guerres de Vendée.
Guerres irrégulières : de quoi parle-t-on ?
Hervé COUTAU-BÉGARIE
FORMES TERRITORIALES
I – Antiquité occidentale : guerre expéditionnaire - guerre
d’embuscades - guerre sauvage
Du point de vue stratégique, la guerre irrégulière est celle
qui oppose Rome à des barbares qui refusent la bataille.
Lřappellation de guerre expéditionnaire apparaît chez les auteurs
romains, particulièrement chez Tite Live, qui parle de furtiva
expeditio pour désigner les raids en territoire ennemi (sous
lřEmpire, au-delà du limes). Lřappellation guerre dřembuscades
(insidiae) est également employée, pour désigner la guerre de
harcèlement conduite par des ennemis de Rome. Lřarmée romai-
ne y sera fréquemment confrontée, les deux cas les plus efficaces
étant la guerre menée en Afrique par Jugurtha, racontée par
Salluste, et la guerre menée en Lusitanie par Viriathe, racontée
par Tite-Live.
Nous sommes bien documentés sur ces exemples célèbres
mais on peut en trouver dřautres bien avant Rome. Les Perses,
puis Alexandre le Grand ont ainsi été confrontés à la guerre très
mobile des Scythes.
Du point de vue juridique, sont irrégulières toutes les
guerres civiles et les guerres insurrectionnelles résultant de soulè-
vements dřesclaves ou de mercenaires. Polybe parle de guerre
sauvage (aspondos) à propos de la guerre des mercenaires com-
mandés par Matho contre Carthage, de -241 à -238 : ŖElle s‟était
accompagnée d‟excès et d‟atrocités dépassant de loin tout ce
qu‟on avait pu voir jusque-làŗ1.
2
Lřopposition nřest cependant pas absolue, puisque les Hongrois, héritiers
dřune culture militaire de la steppe, pratiquent aussi une guerre à base de
mobilité. Mais la spécificité hongroise sřestompe progressivement, avec
lřadoption dřune culture militaire de type européen à partir de lřépoque arpa-
dienne, sans cependant disparaître complètement.
18 Stratégique
VI - Guerres paysannes
À toutes les époques, les masses paysannes se sont soule-
vées contre lřimpôt. En règle générale, elles étaient trop désor-
ganisées pour représenter une réelle menace. Certaines dřentre
elles sont néanmoins parvenues à un degré dřorganisation qui a
transformé les opérations de rétablissement de lřordre en guerre
civile : cřest le cas de la révolte de Wat Tyler en Angleterre
(1381), de la révolte de Pougatcheff en Russie (1773-1774). Des
chefs surgis du peuple (Guillaume Carle, chef de la jacquerie de
1358) ou parfois de lřarmée (on a suggéré une filiation entre les
restes des routiers dispersés par Du Guesclin et les tuchins
révoltés en 1382-13833) ont su organiser de véritables forces
armées et mettre en œuvre des tactiques relativement élaborées,
reposant généralement sur lřévitement de la bataille frontale et le
harcèlement des forces gouvernementales. Il nřest pas interdit de
penser que le souvenir des grands soulèvements paysans sous le
règne de Louis XIV (révolte des Croquants, des Nu-pieds…) a
survécu et a inspiré un mouvement contre-révolutionnaire comme
la chouannerie.
3
M. Mollat et P. Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi, Paris, Calmann-
Lévy, 1970, p. 181.
Guerres irrégulières : de quoi parle-t-on ? 19
X – Guerre de course
Elle est le pendant de la guerre de partisans sur mer.
Lřautorité souveraine délivre des lettres de marque par lesquelles
elle concède à un particulier le droit de faire la guerre, au nom du
souverain mais pour le profit dudit particulier. Le problème est
que certains États, victimes des agissements des corsaires ou
flibustiers, refusent de reconnaître la validité de telles lettres de
marque et assimilent les corsaires et flibustiers à de vulgaires
pirates ; la sanction quřils encourent en cas de capture est généra-
lement la mort. Le statut juridique de cette guerre de course est
4
Lettre du marquis de Grignan citée dans Fernand Braudel, L‟Identité de la
France. Espace et histoire, Paris, Arthaud Ŕ Flammarion, 1986, p. 331.
20 Stratégique
*
* *
1
Cf. notre thèse de doctorat : La pensée de Carl Schmitt (1888-1985), ainsi
que notre livre : Carl Schmitt. Biographie politique et intellectuelle, Paris,
Cerf, 2005.
2
ŖDem wahren Johann Jakob Rousseauŗ, Zürcher Woche, 29 juin 1962,
article écrit à lřoccasion du 250e anniversaire de la naissance de Rousseau,
dans lequel Schmitt se réfère longuement à lřouvrage de Rolf Schroers, Der
Partisan. Ein Beitrag zur politischen Anthropologie (Cologne, Kiepenheuer u.
Witsch, 1961).
3
Cf. Ex Captivitate Salus. Expériences des années 1945-1947, Paris, Vrin,
2003 (1950), présenté et annoté par A. Dorémus.
4
Paris, Calmann-Lévy, 1972 (1963), 96 pages. À compléter avec les deux
textes suivants : ŖConversation sur le partisan. Carl Schmitt et Joachim
Schickelŗ (1970), in La Guerre civile mondiale (recueil de six textes de
Schmitt parus entre 1943 et 1978), Maisons-Alfort, Ere, 2006, préf. C. Jouin,
pp. 113-136 ; ŖClausewitz comme penseur politiqueŗ (1967), in Carl Schmitt :
Machiavel, Clausewitz. Droit et politique face aux défis de l‟histoire (recueil),
Paris, Krisis, 2007, pp. 43-85, étude de fond sur Clausewitz, Fichte, les
réformateurs prussiens, le choc des légitimités dynastique et populaire, la
formation du nationalisme et la lutte contre Napoléon. Cf. notre article :
ŖLřinterprétation schmittienne de Clausewitzŗ, Stratégique, n° 78-79, 2000.
32 Stratégique
5
ŖTelle qu‟elle s‟est développée, tout d‟abord au cours de la guerre sino-
japonaise depuis 1932, puis dans la seconde guerre mondiale et enfin, après
1945, en Indochine et dans d‟autres pays, la guerre de partisans de notre
époque conjugue deux processus opposés, deux formes de guerre et d‟hostilité
totalement différentes : d‟une part, la résistance autochtone, de nature défen-
sive, que la population d‟un pays oppose à l‟invasion étrangère, et, d‟autre
part, le soutien et le téléguidage de cette résistance par des tiers intéressés,
des puissances d‟agression jouant au plan mondialŗ (préf. à La Notion de
politique-Théorie du partisan, Paris, Calmann-Lévy, 1972, 1963, p. 55).
6
Sur cet aspect, cf. Théorie du partisan, op. cit., pp. 218-227, 231-253, 267,
286-289. Rappelons que deux types de crimes internationaux commis par des
Allemands furent distingués par les Alliés : les crimes localisés ou mineurs,
soumis à répression par les Puissances alliées séparément, notamment par
leurs tribunaux nationaux ou leurs tribunaux dřoccupation en Allemagne ; les
crimes majeurs, sans localisation géographique particulière, soumis à répres-
sion par les Puissances alliées conjointement, à travers le Tribunal militaire
international pour lřEurope, sis à Nuremberg (en zone américaine). Du 14
novembre 1945 au 1er octobre 1946, le TMIE constitua le procès principal,
celui des dirigeants et des organisations accusées dřêtre criminelles (Cabinet
du Reich, Corps des chefs du NSDAP, SS et SD, Gestapo, SA, État-Major
général et Haut Commandement des forces armées). Le TMIE fut suivi par
une série dřautres procès contre les cadres des organisations jugées criminelles
(Corps des chefs du NSDAP, SS, SD, Gestapo), notamment les douze procès
tenus par le Tribunal militaire américain à Nuremberg, du 9 novembre 1946 au
14 avril 1949, contre 195 accusés. Britanniques, Français et Soviétiques
conduisirent également des procès en Allemagne, de moindre importance. Par
la suite, la répression fut confiée aux Allemands eux-mêmes, via lřOffice
central pour lřinstruction des crimes de guerre, basé à Ludwigsburg. Fut
notamment institué le Ŗprocès des gardiens dřAuschwitzŗ à Francfort en 1963-
65 (celui des Ŗingénieurs dřAuschwitzŗ eut lieu à Vienne en 1972). Sřajoutent
les jugements rendus à lřencontre de ressortissants allemands par les cours des
pays ayant été occupés par lřAllemagne, ou encore lřaffaire Eichmann en
Israël.
7
Rappelons que le jus in bello, ou droit de la guerre au sens strict (relatif à
lřaction de guerre), régit lřusage de la force armée en déterminant qui a le droit
de faire la guerre et comment, autrement dit, qui sont les acteurs (les combat-
tants) et quels sont les instruments (les armements) et les modalités des
conflits armés ; le jus ad bellum, ou droit de la guerre au sens large (relatif à
La théorie du partisan de Carl Schmitt 33
14
Théorie de la Constitution, op. cit., pp. 301-312 ; La Notion de politique,
op. cit., pp. 95-96 ; ŖLégalité et légitimitéŗ, in Du politique. “Légalité et
légitimitéŗ et autres essais (recueil de quinze textes de Schmitt parus entre
1919 et 1952), Puiseaux, Pardès, 1990, préf. A. de Benoist, pp. 39-79, p. 62 ;
ŖLe Führer protège le droitŗ (1934), Cités, n° 14, 2003, pp. 165-171 ; ŖLřÉtat
comme mécanisme chez Hobbes et Descartesŗ (1937), Les Temps modernes,
1991, pp. 1-14, pp. 7-8 ; ŖIl Leviatano nella dottrina dello stato di Thomas
Hobbes. Senso e fallimento di un simbolo politicoŗ (1938) et ŖIl compimento
della Riforma. Osservazioni e cenni su alcune nuove interpretazioni del
ŘLeviatanořŗ (1965), in Scritti su Thomas Hobbes (recueil des cinq textes de
Schmitt sur Hobbes), Milan, Giuffré, 1986, préf. C. Galli, pp. 60-143, 159-
190, pp. 119-120, 175 ; ŖFührung und Hegemonieŗ, Schmollers Jahrbuch,
LXIII, 1939, pp. 513-520, p. 514 ; ŖEntretien sur le pouvoirŗ (1954),
Commentaire, n° 32, 1985-86, pp. 1113-1120, pp. 1114-1115.
15
Carl Schmitt compare les trois personnages dans les pages 300 à 302 de la
Théorie du partisan. Raymond Aron a répondu à cette comparaison dans
Penser la guerre, Clausewitz, Paris, 2 t., Paris, Gallimard, 1976, t. 2, pp. 117-
123, 219-222. Rappelons que le 18 juin 1940, jour de lřAppel, le gouverne-
ment en place, de manière parfaitement légale, en France, nřétait pas celui de
ŖVichyŗ, mais celui de la IIIe République, qui sřapprêtait, de manière tout
aussi parfaitement légale, à signer un armistice avec lřAllemagne et lřItalie.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 35
Haye du 18 octobre 1907 sur les droits et devoirs des Puissances et personnes
neutres en cas de guerre sur terre ; les articles 13 et 14 de la Ière Convention de
Genève du 12 août 1949 pour lřamélioration du sort des blessés et des malades
dans les forces armées en campagne ; les articles 13 et 16 de la IIe CG pour
lřamélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces
armées sur mer ; lřarticle 4 de la IIIe CG relative au traitement des prisonniers
de guerre ; les articles 43 à 47 et 77-2 du Protocole additionnel I du 8 juin
1977 (P1) aux CG relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux. Cf. aussi Stanislaw E. Nahlik : ŖLřextension du statut de
combattant à la lumière du Protocole I de Genève de 1977ŗ, Recueil des Cours
de l‟Académie de Droit International, La Haye, 1979 III, pp. 171-250, ainsi
que notre article : ŖQui est combattant ?ŗ, Inflexions. Civils et Militaires, n° 5,
2007, pp. 151-164.
20
Décret du 24 février 1793 sur la levée exceptionnelle de 300 000 hommes,
qui introduit le principe de la réquisition ; décret du 24 août 1793 sur la levée
en masse, qui rend permanent le système de la réquisition et interdit le
remplacement ; loi Jourdan du 5 septembre 1798, qui institue la conscription.
Cf. Jean-Paul Bertaud : La Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révo-
lution française, Paris, R. Laffont, 1979.
38 Stratégique
21
Théorie du partisan, op. cit., p. 231.
22
Ibid., p. 230.
23
Ibid., p. 285.
40 Stratégique
24
Ibid., p. 288.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 41
25
Cf. lřalinéa 2 du préambule, les articles 1-2, 55, 73-b, 76-b de la Charte des
Nations Unies du 26 juin 1945 ; lřalinéa 8 du préambule, les articles 16-1, 22-
1, 22-3, 28-1, 29-1 et 30-1 de la Déclaration universelle des droits de lřhomme
du 10 décembre 1948 ; la résolution 1514 de lřAssemblée générale des Nations
Unies du 14 décembre 1960, ŖDéclaration sur lřoctroi de lřindépendance aux
pays et aux peuples coloniauxŗ ; la résolution 1541 de lřAGNU du
15 décembre 1960, ŖDéclaration sur les territoires non autonomesŗ ; lřarticle
42 Stratégique
28
Les premiers théoriciens de la Ŗguerre populaireŗ furent des Allemands.
Mais cřest contre lřarmée prusso-allemande que fut proclamée la Ŗlevée en
masseŗ en 1870. À lřépoque, les francs-tireurs furent traités comme des crimi-
nels, dès lors quřils nřétaient pas (à lřépoque) considérés comme des combat-
tants légaux. Mais ils laissèrent un souvenir dřeffroi parmi les vainqueurs.
Cřest ainsi que lřarmée allemande fut élevée dans lřabomination de la Ŗguerre
populaireŗ.
29
Les unifications italienne et allemande furent essentiellement le fait
dřarmées régulières (franco-piémontaise et prussienne), même si lřaction des
volontaires de Garibaldi en Italie ne fut pas négligeable.
30
Dans les sociétés sans État, tous les hommes valides sont des combattants
potentiels, aussi la guerre peut-elle prendre un caractère Ŗtotalŗ : la conquête
européenne, menée avec le concours de groupes locaux, notables ou supplétifs,
passe alors, à défaut de soumission, par la réduction de peuples entiers.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 45
31
Ce sera encore le cas, durant lřentre-deux-guerres, au Maroc (campagnes
dřAbd el-Krim contre les Espagnols puis les Français en 1921-26), au Liban
(Djebel druze), en Libye (campagnes dřOmar Moukhtar contre les Italiens en
1922-32) ou en Palestine (face au mandat britannique et à la colonisation juive
en 1936-39).
32
Non sans affrontements entre partisans communistes et partisans anti-
communistes (guerres civiles yougoslave, grecque, albanaise). Des guérillas
antisoviétiques se poursuivent en Pologne de 1945 à 1947 et en Ukraine de
1944 à 1950.
46 Stratégique
33
Les guerres dřIndochine, dřAlgérie et dřAngola furent militairement les
plus importantes.
34
Même si elles continuent dřêtre utilisées contre la Rhodésie, lřAfrique du
Sud, Israël ou en Amérique latine.
35
Au Cambodge, à partir de 1978, le gouvernement soutenu par le Viet-nam
et lřURSS est confronté à la guérilla des Khmers rouges, soutenue par la Chine
populaire.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 47
40
Théorie du partisan, ibid., pp. 291, 292.
50 Stratégique
41
Ibid., pp. 292, 293, 294. Cf. aussi R. Aron, op. cit., pp. 208-210.
42
Cette terminologie renvoie à la guerre irrégulière. Lorsquřelle nřest pas
lřauxiliaire de la guerre régulière, la guerre irrégulière possède les caractéris-
tiques suivantes. Elle a pour milieu, la population ; pour acteur, le partisan ;
pour origine, lřinsurrection, avec ou sans tentative préalable de coup dřÉtat ;
pour modalité, la clandestinité, avec ou sans Ŗvitrine légaleŗ ; pour tactique, la
guérilla, parallèlement aux actions non violentes ; pour objectif stratégique, la
subversion, avec ou sans structuration des forces irrégulières en forces quasi-
régulières ; pour objectif politique, la prise du pouvoir, avec ou sans alliés.
Pour éviter la confusion sémantique, il importe de distinguer les trois niveaux
de la tactique, de la stratégie, de la politique. Tactiquement, des partisans, id
est des insurgés issus de la population, sřorganisant clandestinement, usent de
la guérilla. Cřest pourquoi on parle de Ŗguerres de partisansŗ, de Ŗguerres
populairesŗ, de Ŗguerres insurrectionnellesŗ, de Ŗguerres clandestinesŗ, de
Ŗguérillasŗ. Stratégiquement, les partisans visent la subversion. Cřest pourquoi
on parle de Ŗguerres subversivesŗ. Politiquement, les partisans, lorsquřils ne
sont pas de simples francs-tireurs luttant contre lřenvahisseur, visent un chan-
gement par la violence de lřautorité établie : chasser lřoccupant ; obtenir
lřindépendance, la libération ou la réunification nationales ; renverser le
La théorie du partisan de Carl Schmitt 51
43
Cřest le parti qui est totalitaire, bien plus que lřÉtat, écrivait-il (Théorie du
partisan, ibid., pp. 224-225).
44
Lřétanchéité des structures et des activités doit limiter lřétendue des
renseignements qui pourraient résulter de la capture dřun membre de
lřOrganisation.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 53
45
La terreur est sélective, coupant les Ŗpontsŗ, ne frappant que les Ŗennemis
du peupleŗ et libérant les Ŗopprimésŗ, pour être présentée comme une Ŗjusticeŗ
extra-gouvernementale.
46
Plus personne ne désirera occuper ces postes, enviés auparavant, ou même
fréquenter leurs titulaires de peur de passer pour un Ŗtraîtreŗ, si bien que
lřappareil dřÉtat se recroquevillera, que les autorités ne disposeront plus de
relais locaux, que les liens entre elles et le peuple seront rompus, et quřelles
nřauront plus quřà Ŗlégiférer dans le videŗ (David Galula).
47
La différence entre Ŗorganisation clandestineŗ et association de malfai-
teurs, Ŗimpôt révolutionnaireŗ et racket... ne réside que dans lřanimus, cřest-à-
dire lřintention.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 55
48
Exemple des partisans de lřAlgérie française contre la politique du général
de Gaulle à partir de 1960.
49
Les OC doivent être reconnues ou soutenues par des Puissances régulières :
la résistance française lřétait par les Alliés en 1940-44, le Viet-minh par la
Chine populaire, le FLN par la Tunisie, lřOLP par les États arabes, la guérilla
afghane par le Pakistan, lřArabie Saoudite, lřÉgypte et les États-Unis, lřANC
par les États de la Ŗligne de frontŗ, etc.
56 Stratégique
50
Théorie du partisan, ibid., p. 299.
51
Grèce 1949, Philippines 1952, Malaisie 1957, Kurdistan 1975, FARC,
Sentier Lumineux, UNITA, RENAMO, Algérie 1999, Khmers rouges, rébel-
lion irakienne... Quřen sera-t-il des talibans afghans ?
52
Dřoù la volonté américaine, hier ou aujourdřhui, de vietnamiser, dřirakiser
ou dřafghaniser... la contre-guérilla.
53
Une intervention étrangère sřexplique par le fait que le gouvernement local
nřest pas capable de vaincre une rébellion, cependant quřelle implique une
coopération entre lřÉtat assisté et lřÉtat assistant. De cette dépendance
coopérative résultent : dřinévitables querelles entre les deux types dřÉtats,
aggravées sřil existe une forte différence socio-culturelle entre eux, redoublées
par les querelles entre gouvernements et forces coalisés si lřassistance sřeffec-
tue dans le cadre dřune coalition ; une Ŗextranéisationŗ des affaires du pays,
éventuellement jusquřà la prise en charge, donc la mise sous tutelle, qui
alimente la propagande nationaliste de la rébellion.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 57
54
Sur ce point, cf. le Nomos de la Terre, mais aussi Die Wendung zum
diskriminierenden Kriegsbegriff, Berlin, Duncker u. Humblot, 1988 (1938),
Das internationalrechtliche Verbrechen des Angriffskrieges und der
Grundsatz “Nullum crimen, nulla poena sine legeŗ, Berlin, Duncker u.
Humblot, 1994 (1945), ainsi que notre article : ŖLe concept de guerre en droit
international selon Carl Schmitt : la critique de lřévolution vers un concept
discriminatoire en jus ad bellumŗ, Etudes internationales, à paraître.
55
Le sens du régime des combattants en jus in bello est précisément de
rétablir la possibilité dřune stratégie au sens classique, en obligeant les
combattants irréguliers à se rendre visibles, distincts des civils inoffensifs, au
moins avant lřengagement armé, sřils veulent bénéficier du statut de combat-
tants légaux.
58 Stratégique
56
Il arrive fréquemment aussi que plusieurs mouvements insurgés se
disputent la représentation insurrectionnelle de la population.
57
En cas de capture ou de reddition, le combattant irrégulier illégal ne
bénéficiera ni du statut de PG (exempté dřinterrogatoire et de poursuite
pénale) ni du statut de civil interné (exempté de travail, de transfert dans un
autre pays que le sien, de rétention durant toute la durée des hostilités), il sera
assimilé à un détenu politique ou à un détenu de droit commun, bénéficiant des
dispositions du Ŗminimum humanitaireŗ de lřarticle 3 commun aux quatre
Convention de Genève de 1949 ou du Ŗnoyau indérogeableŗ du droit interna-
tional des droits de lřhomme.
58
Théorie du partisan, ibid., pp. 219, 240.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 59
59
Ibid., p. 218.
60 Stratégique
60
Ibid., p. 236.
61
Ibid., p. 238.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 61
62
Dřaprès Schmitt, lřévolution discriminatoire du jus ad bellum ou sa
mutation en jus contra bellum précipite la ruine du jus in bello : comment
borner la violence entre ennemis ne se reconnaissant plus sur un même plan
juridique ? Comme le rappelle Henri Meyrowitz (Le Principe de l‟égalité des
belligérants devant le droit de la guerre, Paris, Pedone, 1970, pp. 2-6, 400-
401), cette doctrine de la liaison subordonnée du jus in bello au jus ad bellum
est démentie, selon le droit positif, par lřindifférence du jus in bello vis-à-vis
du jus ad bellum, donc relativisée par le principe de lřégalité des belligérants
62 Stratégique
qui, pour avoir été écartés par la Révolution française, ont été
réhabilités... dans le cadre de l‟œuvre de restauration du
Congrès de Vienne. Les notions de guerre limitée et d‟ennemi
juste que nous a léguées l‟époque monarchique ne peuvent être
légalisées au plan interétatique que si les États belligérants de
part et d‟autre y demeurent attachés à l‟intérieur aussi bien que
dans leurs relations réciproques, c‟est-à-dire quand leurs con-
cepts intra-étatiques et interétatiques de régularité et d‟irrégu-
larité, de légalité et d‟illégalité ont le même contenu ou... du
moins une structure à peu près homogène. Sinon, la normali-
sation interétatique, loin de promouvoir la paix, n‟aura d‟autre
résultat que de fournir des prétextes et des mots d‟ordre à des
mises en accusation réciproquesŗ63. Précisément, les concepts
classiques ne sont plus que des instruments tactiques mis au
service de la révolution mondiale.
devant le jus in bello quelle que soit leur inégalité devant le jus ad bellum. Il
nřen reste pas moins quřexiste une contradiction entre un jus in bello qui, par
nature, promeut la limitation de la guerre et un jus ad bellum qui, par évolu-
tion, entend promouvoir la discrimination des belligérants. Si la guerre devient
un Ŗcrimeŗ, comment justifier sa régulation ?
63
Théorie du partisan, ibid., pp. 243, 248-249.
64
Ibid., p. 241.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 63
65
Cf. Victor Duculesco : ŖEffet de la reconnaissance de lřétat de belligérance
par des tiers, y compris les organisations internationales, sur le statut juridique
des conflits armés à caractère non internationalŗ, Revue générale de Droit
International Public, 1975, pp. 125-151 ; Djamchid Momtaz : ŖLe droit
international humanitaire applicable aux conflits armés non internationauxŗ,
RCADI, 2001, pp. 9-145.
66
Théorie du partisan, ibid., pp. 241, 288.
67
Ibid., p. 311.
68
Cf. La Dictature (1921), suivi de La Dictature du Président du Reich
d‟après l‟article 48 de la constitution de Weimar (1924), Paris, Seuil, 2000 ;
Parlementarisme et démocratie (recueil de six textes de Schmitt parus entre
1923 et 1931), Paris, Seuil, 1988, préf. P. Pasquino. Le noyau du léninisme est
constitué par le mythe de la révolution (la foi en la volonté politique), la
dictature éducative du Parti (le parti idéologique promet à ses membres le
64 Stratégique
pouvoir absolu aux fins de contraindre les Ŗnon libresŗ à devenir Ŗlibresŗ), la
légitimation de la violence par la philosophie de lřhistoire (la marche du
progrès autorise lřavant-garde du prolétariat à user de la coercition contre les
ennemis du prolétariat et du progrès), la réduction de la complexité sociale à la
dualité ami-ennemi (la substitution du clivage prolétariat/bourgeoisie à la
pluralité réelle des classes). Poussé à son degré extrême par la nécessité
dialectique de la lutte, le rationalisme du marxisme sřest retourné en un
irrationalisme. Cf. aussi François Furet : Le Passé d‟une illusion. Essai sur
l‟idée communiste au XXe siècle, Paris, Calmann-Lévy/R. Laffont, 1995.
69
Théorie du partisan, ibid., pp. 261, 287.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 65
70
Ibid., p. 263. Sur la Leninskaya Tetradka et la pensée de Lénine sur la
guerre et la paix, cf. Berthold C. Friedl : Cahier de Lénine sur Clausewitz, in
Les Fondements théoriques de la guerre et de la paix en URSS, Paris, Médicis,
1945, pp. 39-90.
71
Théorie du partisan, ibid., pp. 267, 268, 269.
66 Stratégique
72
Cf. R. Aron, ibid., pp. 61-76, 97-116, 187-207.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 67
73
Théorie du partisan, ibid., pp. 270, 271, 274.
74
Ibid., p. 268.
75
ŖDie Ordnung der Welt nach dem zweiten Weltkriegŗ, Schmittiana II,
1990, pp. 11-30, p. 12 (trad. allemande de ŖEl Orden del Mundo despuès la
Segunda Guerra mundialŗ, Revista de Estudios Politicos, n° 122, mars-avril
1962, pp. 19-36).
68 Stratégique
76
Théorie du partisan, ibid., p. 222.
77
Ibid., p. 303. Lřarrestation puis le procès du général Salan donnent égale-
ment lřoccasion à Schmitt dřévoquer Ŗle problème de la justice politiqueŗ,
problème qui est lancinant, chez lui, depuis Nuremberg. Lřaccusation porta sur
la tentative de putsch des généraux et sur les attentats de lřOAS. À lřouverture
de lřaudience, Salan assuma une responsabilité plénière, en tant que chef de
lřorganisation secrète. Il protesta contre la réduction du procès à la période
dřavril 1961 (putsch des officiers) à avril 1962 (arrestation du général), qui
revenait à estomper les mobiles véritables des membres de lřOAS et à
transformer un processus politico-historique en faits délictueux dřun Code
pénal. Après avoir dénoncé, à la fin de sa déclaration, la Ŗparole reniéeŗ et les
Ŗengagements trahisŗ, il garda le silence pendant toute la durée des débats.
Schmitt souligne cette volonté de garder le silence, qui fut aussi la sienne après
1945, volonté que le président du Haut Tribunal militaire respecta. Les propos
religieux de lřavocat général lors de son réquisitoire -non content dřinterpréter
le silence de lřaccusé comme de Ŗl‟orgueilŗ et comme un refus de se
Ŗrepentirŗ, il sřétait mis à parler en Ŗchrétien qui s‟adresse à un chrétienŗ pour
lui reprocher dřavoir repoussé la Ŗgrâce du Dieu miséricordieuxŗ et de sřêtre
voué à la “damnation éternelleŗ par son Ŗobstination irrémissibleŗ Ŕ permet-
tent à Schmitt de faire Ŗentrevoir les abîmes que cachent les subtilités et la
rhétorique d‟un procès politiqueŗ (ibid., pp. 279). Cf. aussi Yves-Frédéric
Jaffré, Les Tribunaux d‟exception, 1940-1962, Paris, Nouvelles Editions
Latines, 1962.
La théorie du partisan de Carl Schmitt 69
78
Théorie du partisan, ibid., p. 280.
70 Stratégique
79
Ibid., pp. 297, 299, 300.
80
Observons toutefois que Schmitt a accordé, tout au long de son œuvre,
beaucoup plus dřattention à lřennemi quřà lřami.
81
Théorie du partisan, ibid., pp. 300, 301, 307.
82
Réclamer lřextradition des partisans réfugiés à lřétranger, superviser lřaide
humanitaire, empêcher les trafics et les transferts dřarmes ou de fonds, couper
La théorie du partisan de Carl Schmitt 71
1
Les termes qui se rapprochent de notre notion dřirrégularité sont
arrythmos, qui ne suit pas le bon rythme, ; la bonne mesure ; asymmetros,
asymétrique à la vue et donc disproportionné ; ataktos, qui nřest pas en ordre
de bataille, dřoù indiscipliné, désordonné, terme dont le sens militaire nřest pas
de notre propos et dont le sens dřirégularité est dřordre médical (pouls
irrégulier) ; anômalos, plein dřaspérités dřoù irrégulier ; enfin anomos, sans
lois plutôt que Ŗqui va contre les loisŗ, dřoù en sens second seulement, illégal.
Si la violence dřune armée de monstres peut être sans lois (anomon, cf.
Sophocle, Trachiniennes, 1066) ou même si le déchaînement de violence dû à
la guerre peut être qualifié, moralement parlant, dřanomos (Thucydide, III,
67), il ne sřen suit pas que la forme de guerre soit irrégulière.
74 Stratégique
2
V. Ilari, Guerra e Diritto nel mondo Antico I, Rome, 1980, pp. 46-48.
3
Pausanias, IV, 5, 8-9. Lřopération contre les Messéniens fut menée dans le
secret et de nuit. Le texte traduit bien lřhostilité du Périégète à de telles
pratiques.
4
Hérodote, V, 81 : après la quatrième et dernière expédition spartiate à
Athènes, en 506, qui avait échoué lamentablement, les Athéniens sřétaient
retournés contre les Chalcidiens et les Béotiens, alliés des Péloponnésiens et
les avaient défaits. Pleins de rancune, les Béotiens reprirent la guerre peu
après, mais, en se fondant sur une interprétation surprenante dřun oracle de
Delphes, excitèrent les Eginètes et les poussèrent à attaquer les Athéniens,
alors occupés aux frontières de la Béotie. Les Eginètes lancèrent leurs bateaux
de guerre contre le port du Phalère et ravagèrent de nombreux dèmes côtiers,
sans déclaration de guerre préalable. Ce fut le début dřun engrenage qui
déboucha sur la conquête dřEgine par les Athéniens.
La guerre irrégulière dans le monde grec antique 75
également cités par les sources classiques, mais sans aucune pré-
cision, ce qui nřest probablement pas un hasard5. Lřépoque hellé-
nistique connaît aussi des guerres sans déclaration préalable, dans
la réalité (attaque de Mésambria contre Istros) ou dans le roman6.
Faut-il pour autant considérer toute guerre akeryktos
comme illégale et comme irrégulière ? Ce nřest pas certain : dans
une certaine mesure, le Grec Ancien se considère en permanence
menacé par le conflit akeryktos que peuvent lui infliger les autres
Cités ? Cřétait le cas à la période archaïque, mais même à lřépo-
que où sřest mis en place un droit international, cette mentalité
subsiste, comme le montre le témoignage platonicien7. Mais une
guerre sans déclaration peut être légitimée par un acte de lřadver-
saire jugé inexpiable pour des raisons religieuses. Ainsi, cřest
parce que les Athéniens leur imputaient la mort de leur héraut
Anthémocritos, venu leur reprocher dřavoir cultivé indûment le
territoire sacré dřEleusis, que fut pris le fameux décret Mégarien
par lequel il y aurait une haine akeryktos entre les deux Cités,
permettant donc une guerre sans déclaration, négociations ou
trêves8.
On notera en outre que la guerre sans déclaration préala-
ble se confond souvent avec la razzia ou la piraterie, qui, jusquřà
la période hellénistique comprise, nřétaient considérées comme
pleinement illicites que si elles sřappliquaient à ses propres
concitoyens. Dans le monde homérique, elles se confondent avec
la guerre et, par la suite, elles sont ouvertement critiquées, mais
5
Cf. par exemple, à lřépoque de Leuctres, un conflit entre Thessaliens et
Phocidiens connu par Xénophon, Helléniques, VI, 4, 21 et 27. Il se peut
toutefois que nous soyons en présence dřune guerre rituelle, comme en ont été
évoquées quelques-unes plus haut.
6
Les Mésambriens ont attaqué les Istriens sans prévenir, ce qui leur a permis
de causer de grands dommages et dřoccuper une forteresse, dřoù une demande
dřaide à Apollonie du Pont, cf. D. M. Pippidi et E. M. Popescu, ŖLes relations
dřIstros et dřApollonie du Pont à lřépoque hellénistique, A propos dřune
inscription inéditeŗ, Dacia, N.S., 1959, pp. 235-258, sur quoi J. et L. Robert,
Bull., 1961, 419, pp. 285-299. Lřexpression utilisée est polemon anepaggel-
ton : guerre qui nřa pas été annoncée. Longus, Daphnis et Chloé, II, 19 ; ici,
cřest une décision de lřassemblée des citoyens de Méthymna dřouvrir des
hostilités immédiates (akeryktos) contre Mitylène, par mesure de rétorsion.
7
Cf. lřopinion de Clinias au début des Lois (626 a).
8
Lřexpression akeryktos echthros était, selon Plutarque (Périclès, 30, 3),
inscrite dans le décret de Charinos. Ce nřest pas notre propos de prendre parti
dans la difficile question du rôle du décret Mégarien comme cause de la guerre
du Péloponnèse ni de la bonne ou mauvaise foi des protagonistes à ce sujet !
76 Stratégique
9
Homère, Odyssée, I, 398, III, 73, 106, IX, 252. Thucydide, IV, 45 ;
Xénophon, Helléniques, I, 5, 21 ; Platon, Lois, VII, 823 d, Aristote, Politique,
I, 1256 a et b. Sur la piraterie, voir encore H. Ormerod, Piracy in the Ancient
Wold, Londres, 1924, E. Ziebarth, Beiträge zur Geschichte des Seeraubs und
Seehandel im alten Grieschland, Hambourg 1929, et, sur un aspect réduit mais
important, P. Brulé, La Piraterie crétoise hellénistique, Besançon, 1978 et H.
J. Dell, The Origin and Nature of Illyrian Piracy. Plus récemment, P. de
Souza, Piracy in Greco-Roman World, Cambridge, 1999. C. Ferone, Lesteia,
Formi di predazione nell‟Egeo in età classica, Naples, 1997. Encore plus
récemment mais plus brièvement, J.-N. Corvisier, Les Grecs et la mer, Paris,
2008, pp. 321-335, qui permet de la replacer dans un contexte plus large.
10
Plutarque, Cimon, 8, 3. Cřest parce que les citoyens de la ville de Scyros
refusaient dřindemniser les victimes des pirates Dolopes en ordonnant à ceux-
ci de rendre les biens volés que, craignant des représailles, ils firent appel à
Athènes. Celle-ci, utilisant la double justification de la condamnation des
Amphictions et de lřappel à lřaide des pirates, travailla pour son propre compte
en sřinstallant dans lřîle.
La guerre irrégulière dans le monde grec antique 77
11
Cette liste ne se complète réellement quřau IVe siècle. La présence des
ambassadeurs a notamment été discutée (malgré le cas, peut-être anachroni-
que, des ambassadeurs Perses dřavant 490, maltraités à Sparte et tués à
Athènes).
12
Dans bien des cas, il est vrai, il sřagit de se donner les apparences dřune
guerre juste, ce qui nřest pas tout à fait une guerre régulière. Sur ces prétextes,
F. Jouan, ŖComment partir en guerre en Grèce antique en ayant les dieux pour
soi ?ŗ, Revue de la Soc. E. Renan (Paris Collège de France), 40, 1990-1991,
pp. 25-42.
13
Cité neutre depuis le début du conflit, Mélos, quoique insulaire, refusait
lřalliance athénienne. En 426, les Athéniens envoyèrent 60 navires et 2 000
hoplites qui ravagèrent son territoire sans obtenir leur soumission ; en 416 à
78 Stratégique
17
Polybe, apud Strabon, 10, 1, 12 (C 448).
18
Ce serment, qui nous est connu par Eschine (Ambassade, 115), prévoit de
ne pas détruire une Cité de la ligue amphictionique, de ne pas intercepter les
eaux qui les arrosent et de combattre tous ceux qui violent le sanctuaire et
pillent les biens du dieu. La difficulté de ce serment est double : dřune part, il
nřest attesté quřau IVe siècle et on a pu le tenir pour apocryphe ; dřautre part,
quelle valeur a-t-il hors de lřamphictionie ?
19
Xénophon, Helléniques, V, 2, 4-5, à propos de Mantinée : en comblant le
lit du fleuve qui traverse la ville, non seulement le roi spartiate Agésipolis la
privait partiellement de son eau, mais détrempait les briques de lřassise
inférieure de la muraille. Comme les briques étaient crues, on devine aisément
la suite…
80 Stratégique
20
Rappelons que les recueils de stratagèmes sont tous tardifs, même sřils
présentent un relevé de cas depuis Ŗles originesŗ, établi bien évidemment en
fonction des impératifs de leur époque. Les chiffres sont les suivants :
ŖPériode Héroïqueŗ : 8 généraux, 8 stratagèmes retenus ; VIIIe- VIIe siècles : 6
généraux pour 7 stratagèmes ; vie : 15/25 ; Ve : 36/80 ; IVe : 78/288 ; période
Hellénistique : 40/136. Pour leur établissement, J.-N. Corvisier, ŖLes
stratagèmes de Polyen, Philippe II et Chéronéeŗ, sous presse dans Revue
d‟Etudes Militaires Anciennes, 4. Pour les textes, P. Krentz et E. Wheeler,
Polyaenus, Stratagems of war, Chicago (Ill.), Ares Publ., 1994, 1091 p. en 2
vol. et P. Laederich, Frontin, Stratagèmes, ISC-Economica, 1999. Principales
études : Wheeler (E. L.), Stratagem and the vocabulary of military trickery,
Leiden, Brill, 1988, 124 p. (Mnemosyne Suppl. 108). Voir aussi à ce sujet
lřintroduction de P. Laederich à sa traduction des Stratagèmes de Frontin,
pp. 5-45. Sur un sujet voisin, une étude de lřapatè, la tromperie, a été tentée
par P. Krentz, ŖDeception in archaic and classical Greek warfareŗ, p.167-200
avec notamment un catalogue pp. 183-199, intéressante mais brève étude qui
ne peut épuiser le sujet et ne dispense pas de revenir aussi à K. W. Pritchett,
The Greek State at War, Berkeley-Los Angeles, II, 1974, ch. 8 ŖSurprise
Attacksŗ, pp. 156-176 et ch. 9 ŖAmbuscadesŗ, pp. 177-189.
21
Thucydide, IV, 97-99. Les Athéniens, pressés par lřennemi, avaient pénétré
dans ce sanctuaire, lřavaient mis en défense et y avaient consommé l‟eau d‟une
source à laquelle les Béotiens ne touchaient pas. Sacrilège ou obligation
physique irréfragable ? Cřest sur ce point que porta la polémique.
22
Thucydide, III, 113, 5.
La guerre irrégulière dans le monde grec antique 81
23
Pausanias, IX, 32, 9. En général, voir P. Ducrey, Le Traitement des pri-
sonniers de guerre dans la Grèce antique, Paris, 1968.
24
Cf. la façon dont le général phocidien appliqua le supplice des sacrilèges
aux prisonniers locriens en les faisant jeter dans un précipice en représailles du
refus locrien de rendre leurs corps aux Phocidiens sous prétexte quřils étaient
sous le coup de la sanction amphictionique. Philippe II laissa se noyer les
prisonniers phocidiens (Diodore, XVI, 25 et 28 ; 35). Un autre châtiment est la
crucifixion ; cf. P. Ducrey, op. cit., pp. 208-215).
25
Sur les 90 cas connus, la répartition privilégie la période classique (VIIIe
siècle : 1 cas ; VIe siècle : 5 ; 1ère moitié Ve : 14 ; 2e moitié (c'est-à-dire la
guerre du Péloponnèse) : 20 cas ; 1ère moitié IVe siècle : 11 ; 2e moitié : 10 ; 1ère
moitié IIIe siècle : 10 ; 2e moitié : 12 ; 1ère moitié IIe siècle : 7. Mais, dřaprès les
textes, la refondation est, en général, rapide et la destruction totale et non en
tant que Cité nřest confirmée par lřarchéologie que dans environ 10% des cas.
Pour lřétablissement de ces données, J.-N. Corvisier, ŖContinuité et disconti-
nuité dans les tissus urbains grecsŗ, dans J.-N. Corvisier et M. Bellancourt-
Valdher (éd.), La Démographie historique antique, Actes du Ier colloque
International de Démographie Historique Antique Arras 22-23 novembre 1996,
Arras 1999, Artois Presses Université, pp. 141-152.
82 Stratégique
26
J. Ober, The Athenian Revolution : Essays on ancient Greek Democracy
and Political Theory, Princeton, 1996, p. 52-71, trad. fr. dans P. Brulé et J.
Oulhen, La Guerre en Grèce à l‟époque classique, PUR, Rennes, 1999,
p. 219-239.
27
Nous différons légèrement de J. Ober sur ce point, tout en acceptant sa
critique sur quelques-uns des points de vue de V. D. Hanson. Il est bien vrai,
comme le dit J. Ober à partir des analyses de K. W. Pritchett et de V. D.
Hanson, quřentre le VIIIe siècle et 450, les règles non écrites de guerre entre
Grecs paraissent à peu près respectées. Mais, où nous bénéficions, pour la
guerre du Péloponnèse, dřun historien qui a réfléchi au-delà de lřévénement et
qui dépasse les lieux communs moralisateurs pour sřinterroger sur la légitimité
même des actions humaines, disposons-nous de sources du même niveau et
dont, de toute façon, la précision événementielle soit comparable ? Nous
faisons lřhistoire de nos sources, mais celles-ci ne sont pas équivalentes. Pour
prendre un exemple, même Hérodote a une conception moralisante de
lřhistoire qui reporte bien des actes inavouables sur les barbares ou sur les
tyrans. Une analyse plus fine des sources sur lřavant guerre du Péloponnèse
sřavère donc nécessaire. Dans nos sources, le premier cas connu après 450 est
lřintervention dřAthènes à Samos, qui transformèrent leur médiation en appui
armé dřune des factions (Thucydide, I, 115-116). De même, lorsque les
Thébains tentent leur premier coup de main sur Platées, cřest avant que le
La guerre irrégulière dans le monde grec antique 83
conflit ne soit déclaré, mais ils profitent déjà dřune stasis (Thucydide, II, 2-6).
Peut-on raisonnablement penser que cřétait la première fois quřune telle opé-
ration était tentée par des non Athéniens ? Mais en fait, quřest-ce qui diffé-
rencie ces expéditions irrégulières des interventions spartiates contre les
tyrannies dans la seconde moitié du VIe siècle, sauf que lřhostilité à la tyrannie
paraît les justifier aux yeux dřHérodote … qui écrit un demi à un siècle plus
tard et qui évidemment reflète les conceptions morales de son époque.
28
Thucydide, I, 24-56. On notera que les Corinthiens justifiaient leur
première intervention à Epidamne en faveur dřune des factions et lřopposition
à Corcyre qui sřen suivit par les droits dřune Cité mère et en affirmant que le
corps expéditionnaire quřelle avait envoyé était formé de volontaires. Puis,
lorsque les Corcyréens subirent une nouvelle expédition des Corinthiens et
appelèrent à lřaide les Athéniens, les ordres de ceux-ci nřen faisaient que des
observateurs, ne devant peser sur les événements que par leur présence, sauf à
être témoins dřune attaque frontale des Corinthiens contre leurs nouveaux
alliés corcyréens, et les Corinthiens le savaient.
84 Stratégique
29
Thucydide, I, 101-103 ; III, 54. Pausanias, I, 29, 8-9. Diodore, XI, 64 (qui
utilise pour justifier lřintervention athénienne le terme dřalliance). Il se peut
que ces guerres irrégulières aient cependant un aspect purement formel qui les
rapproche un peu des conflits réguliers. La chasse aux hilotes organisée par la
Cité dans le cadre de la Cryptie peut être qualifiée de guerre, dřautant que,
selon Plutarque qui se réfère ici à Aristote (Lycurgue, 28, 32-7), les Éphores
déclaraient rituellement la guerre aux hilotes une fois par an. Toute opération
guerrière serait ainsi légalement justifiée par une déclaration générale et
systématiquement renouvelée à blanc, sans quřil soit besoin de la reprendre
formellement lorsque le besoin sřen serait fait sentir, notamment lors dřune
révolte servile. On notera que V. Ilari, op. cit., p. 46-47 place la cryptie dans
les cinq formes fondamentales de la guerre avant le milieu du Ve siècle. Sur
lřhistoire de lřinstitution, J. Ducat, ŖLa cryptie en questionŗ, in P. Brulé et J.
Oulhen (éd.), Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne, hommages à
Yvon Garlan, PUR, 1997, pp. 43-74. Récemment, J. Christien et F. Ruzé,
Sparte, 2007, pp. 298-299.
30
Hérodote, I, 59 (il sřagit dřune garde de Ŗporteurs de gourdinsŗ qui lui a
été octroyée par les Athéniens) ; I, 61-63 pour son second retour (cřest une
armée privée composée de stipendiés argiens et naxiens payés grâce à des dons
qui mettent en fuite sans grand combat lřarmée civique athénienne).
La guerre irrégulière dans le monde grec antique 85
31
Polyen, II, 30, 1.
32
Il utilisa sa troupe dřenviron 6 000 hommes pour relever en partie
Sélinonte et ravager le territoire carthaginois et rentra, auréolé de gloire pour
avoir fait reculer le barbare (Diodore, XIII, 63).
33
Xénophon, Helléniques, II, 4, 2-24. Lors de la Ŗbatailleŗ de Munychie, il
nřavait que 10 rangs dřhoplites en profondeur (on ignore la largeur de front) et
il avait de simples porteurs de pelté, des lanceurs de javelots armés à la légère
et de simples lanceurs de pierre contre une véritable phalange hoplitique II, 4,
12). Au départ, à Phylé, il disposait de 30 partisans et cřest en partie avec les
armes des ennemis morts quřil put armer sa troupe, dont lřaugmentation fut
lente, au témoignage de Népos, Thrasybule, 23-3.
34
Thucydide, I, 115. Pour les Perses, il ne sřagit pas forcément dřune guerre
irrégulière, car, réelle ou non, la Ŗpaix de Calliasŗ ne pouvait avoir pour eux la
valeur dřun traité. Pour les Samiens, cřétait une guerre privée.
35
Diodore, XIV, 86.
86 Stratégique
dřAcoris, qui se constituait une armée contre les Perses, qui fit de
même : il fit appel, sur terre, au roi spartiate Agésilas, qui agissait
officiellement, et pour la flotte à Chabrias, toujours sans
lřautorisation de sa Cité. Lřépigraphie prouve que les Athéniens
nřétaient pas sans connaître les démarches de Tachôs40.
La razzia, caractéristique de la période archaïque, nřa pas
disparu à lřépoque classique. Dans certains cas, elle fait partie
intégrante des guerres régulières. Tel est le cas des expéditions
menées à seule fin de se procurer des fonds, soit en se mettant
provisoirement au service dřun souverain extérieur (les Athéniens
et le Roi de Macédoine), soit en intervenant dans des lieux oppor-
tunément considérés comme hostiles (les Athéniens en Sicile, les
Lacédémoniens chez les Œtéens), en suivant dřailleurs un exem-
ple plus ancien, celui de Miltiade à Paros41. Mais elle est totale-
ment aux antipodes de lřidéal hoplitique. Peuvent être en cause la
régularité des troupes et la régularité des moyens. On comprend
que la petite guerre ait pu être mal considérée. Lřexemple cité
plus haut de Cléarque à Héraclée va dans ce sens : on ne savait
pas toujours si lřexpédition de petite guerre se situait dans un
cadre régulier ou non, à lřimage de ces coups de main tentés en
pleine paix et désavoués en cas dřéchec. On comprend aussi que
pirates et corsaires ne soient pas distingués. Dans les deux cas, ce
sont des irréguliers.
*
* *
40
IG, II², 119. Cf. R. P. Austin, ŖAthens and the satrapřs revoltŗ, Journal of
Hellenic Studies, 64, 1943, pp. 98-100.
41
Hérodote, VI, 132-133.Thucydide, VIII, 3, 1. Cf. aussi plus haut, n. 9.
Stratégie et stratagèmes
dans l’Antiquité grecque et romaine
Pierre LAEDERICH
1
Cité in Ch. Liskenne et Sauvan, Bibliothèque historique et militaire dédiée
à l‟armée et à la garde nationale de France, III, 1840, p. 853.
2
Voir notre Introduction aux Stratagèmes, Economica, pp. 41-42.
90 Stratégique
3
Voir les extraits donnés par Liskenne et Sauvan, op. cit., III, pp. 855-974.
4
Voir ainsi Polybe, XIII, 3, à propos des Ŗprocédés déloyauxŗ de Philippe V
de Macédoine ; Tite-Live, XLII, 47, 4-8, à propos dřune ruse employée contre
Persée ; Quinte-Curce, Histoire d‟Alexandre, IV, 13, 8-9, où le Conquérant
refuse dřattaquer de nuit Darius, Ŗastuce de brigands et de voleursŗ…
5
Remarques sur Polyen et Frontin de Joly de Maizeroy, in Liskenne et
Sauvan, op. cit., III, pp. 840-843.
6
Droit des gens, III, X, 178.
7
De la guerre, III, 16.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 91
8
De la guerre, III, 10.
9
Voir ainsi De la guerre, IV, 8 et 12.
10
Cf. IV, 120-130.
11
Cf. op. cit., III, 4, 3 ; 4, 5 ; 9, 8 9, 14 ; 10, 13. Poursuivant son élan à
lřintérieur du pays perse, Alexandre sera contraint à mener la Ŗpetite guerreŗ
quřil détestait (cf. V, 6, 15-17 ; 18-19). Il devra également le faire contre les
Indiens (cf. VIII, 10, 19-20).
12
Ainsi XXI, 53, 8-9 ; XXII, 15, 2.
92 Stratégique
13
Cf. E.M. Earle, Les Maîtres de la stratégie, édition française, Paris, 1980,
pp. 219-220. Lire également, comme témoignages de la fascination quřexerçait
cette bataille, les analyses de H. Delbrück, Geschichte der Kriegskunst im
Rahmen der politischen Geschichte, Berlin, 1919, pp. 281-302, et de Ch.
Ardant du Picq, Études sur le combat, Paris, 1903, pp. 27-28.
14
Cřest le cas de Jomini, Précis de l‟art de la guerre, “Notice sur la théorie
actuelle de la guerre et sur son utilitéŗ : ŖTous les livres ne donnaient que des
fragments de systèmes, sortis de l‟imagination de leurs auteurs, et renfermant
ordinairement les détails les plus minutieux (pour ne pas dire les plus niais),
sur les points les plus accessoires de la tactique, la seule partie de la guerre,
peut-être, qu‟il soit impossible de soumettre à des règles fixesŗ. Plus
récemment, voir C.R. Whittaker, Les Frontières de l‟Empire romain, édition
française, Paris, 1989, p. 31.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 93
15
Voir les dictionnaires de référence : Bailly (Grec-Français), pp. 1798-1800,
Liddel-Scott (Grec-Anglais), Oxford, Clarendon Press, pp. 1651-1653.
16
Au paragraphe XIV de lřAnonyme byzantin Sur la stratégie, la tactique est
définie comme la science qui permet dřorganiser et de manœuvrer un corps de
soldats en bon ordre, avec quatre divisions : lřorganisation des hommes pour le
combat ; la distribution des armes ; le mouvement des troupes ; lřorganisation
générale de la guerre, du personnel et du matériel. La tactique est donc conçue
94 Stratégique
dans une optique très large, qui rejoint sur certains points ce que nous
entendons généralement par stratégie.
17
Par exemple contre les Bellovaques : pour les inciter à accepter une bataille
rangée, il adopte un ordre de marche qui lui permet de dissimuler une partie de
ses troupes (cf. Guerre des Gaules, VIII, 8, 1-3) ; il fait ensuite construire des
éléments de fortifications pour faire croire à lřennemi quřil le craint et lui
donner ainsi confiance (cf. op. cit., VIII, 9, 3-4 et 10, 1).
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 95
18
Pour plus de détails sur les auteurs évoqués, ainsi que sur dřautres, on
pourra se reporter à notre Introduction aux Stratagèmes, pp. 26-30.
19
Exemples de stratagèmes en II, 1 ; 2 ; 3-6 ; IV, 8-11 ; VIII, 1-5 ; IX, 1-3 ;
XVI, 5-12 ; 19 (embuscades contre des envahisseurs) ; XXIII, 1-5 (sorties
secrètes de nuit) ; XXXI (long chapitre consacré aux moyens de faire passer
des messages secrets) ; XXXIX (ruses de guerre pour défendre une ville)…
96 Stratégique
20
VI, 1-7, sur les marches en pays hostile ; VII, 1, sur la conduite de lřarmée
dans les défilés ; XI, 1-4, sur la prudence à adopter dans la poursuite de
lřennemi ; XI, 6, sur le traitement à réserver aux ambassades ennemies,
XXXVIII, 1-5, sur le traitement des cités qui se rendent, XLII, 18-22 sur le
traitement des villes prises dřassaut ; XVIII, sur la disposition des troupes
légères en terrain accidenté…
21
Préface, 1 ; X, 1-6.
22
XXXIII, 1-5, sur la place du général dans la bataille ; XLII, 2 et 24, sur
lřexemple que doit montrer le général à ses troupes, etc.
23
XXI, 9 (simuler les retraites pour contre-attaquer), XLII, 23 (envoyer
femmes et enfants dans les villes pour les réduire à la famine) etc.
24
Archers et autres lanceurs de traits à pied (XIII-XIV, XVIII), archers
montés (XXI), artillerie (XIX-XX), infanterie auxiliaire et légionnaire (XIII-
XVII, XXIX, XXXVIII), cavalerie et infanterie légère pour la poursuite
(XXVIII-XXIX). Lřordre de bataille donne une importance essentielle aux
forces mobiles et à lřartillerie, cantonnant les légions au statut dřultime
recours.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 97
25
I, 26-28 ; II, 23-24 ; III, Prologue (ŖQui désire la paix, se prépare à la
guerre. Qui aspire à la victoire, sřapplique à former ses soldats. Qui veut
combattre avec succès, combatte par principes, non au hasardŗ) ; 4 ; 9 ; 10 etc.
26
Voir ainsi III, 10 et les Ŗmaximes générales de la guerreŗ (III, 26), que lřon
peut rapprocher de nombreux chapitres des Stratagèmes et des conseils
généraux donnés à la fin de lřouvrage (IV, 7, 1-42).
27
II, 1. Voir également (parmi bien des exemples) II, 20 (nombre dřétendards
par unité), lřensemble du livre IV (consacré aux embuscades), lřensemble du
livre IX (les attaques surprises)… Le livre VIII est une longue suite
dřinstructions générales et maximes, qui reprend les chapitres comparables de
Frontin, Végèce et sans doute dřautres stratèges : il ne sřagit quasiment que de
stratagèmes.
98 Stratégique
28
Voir notamment les livres VI et XI.
29
Voir ainsi XIII (mesures de contre-mines pour les assiégés), XVIII
(traversée des forêts), XIX (traversée des fleuves), XXXIII (les attaques
surprises), XL (la préparation des embuscades)…
30
Voir ainsi XIV (mesures à prendre le jour du combat), XVII (comment
mener des campagnes offensives en territoire hostile et comment résister à des
invasions). Léon reprend de ses prédécesseurs, Maurice en particulier, lřidée
quřil faut autant que possible éviter de combattre frontalement.
31
Tout y est : surveillance des routes et hauteurs pour devancer lřennemi (I,
1-2 ; III, 2-4 ; VIII-IX ; XI ; XXIII), attaque de lřennemi sur le chemin du
retour (IV, 1-6 ; XXIII), attaque de ses bagages (X, 7-9), embuscades contre
les raids de cavalerie (VI), espionnage (VII, 1-3), embuscades contre dřimpor-
tants contingents (XVII, 2-11), attaque de son pays si lřennemi persiste à rester
sur votre territoire (XX), combat de nuit (XXIV) etc.
32
Ainsi I (emplacement des camps) ; VII (division de lřarmée) ; X (marche) ;
XI (répliques aux attaques de nuit contre le camp) ; XVIII (espionnage) ;
XXIII (contre-embuscades) ; XXV (attaques de nuit contre les camps
ennemis) ; XXVI (attirer les assiégés hors des murs) etc.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 99
33
Voir notre Introduction aux Stratagèmes, pp. 33-38.
34
Pour plus de détails sur la carrière de Frontin, nous renvoyons à notre
Introduction aux Stratagèmes, pp. 5-17.
35
Tacite, Vie d‟Agricola, XVII, 4.
36
Il a servi de source à dřautres auteurs : Élien, qui écrit peu de temps après
Frontin, sřy réfère dans la Préface du De instruendis aciebus, ainsi que
Végèce, trois siècles plus tard (I, 8).
100 Stratégique
38
Sur la question, longtemps débattue, de lřauthenticité du livre IV, voir
notre Introduction aux Stratagèmes, pp. 36-37.
39
Histoire mondiale de la stratégie, édition française, Paris, 1962, p. 375.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 103
40
La dolabra était lřoutil du soldat qui servait de hache et de pioche, symbole
du génie romain qui préférait avancer lentement mais sûrement, en consolidant
la marche par des camps et des routes.
41
Choix des approches directes et des batailles rangées par Alexandre (I, 3,
1) et César (I, 3, 2)…
42
Hasdrubal, vaincu en Espagne, partage son armée entre différentes villes
pour contraindre Scipion à se retirer, de crainte de disperser ses troupes, I, 3, 5.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 105
43
Choix de la guerre navale par Thémistocle pour résister aux Perses, I, 3, 6 ;
temporisation de Fabius face à Hannibal, I, 3, 3.
44
Envoi dřune armée en Afrique pour contraindre les Carthaginois à rappeler
Hannibal, I, 3, 8.
45
Les soldats égyptiens qui sřéquipent à la grecque pour faire peur à leurs
adversaires, II, 3, 13 ; lřadoption de la tortue par Marc Antoine, pour résister
aux pluies de flèches des Parthes, II, 3, 15 ; les pieux fichés dans le sol par
César pour arrêter les chars gaulois, II, 3, 18 ; les Ŗmains de ferŗ pour attraper
les vaisseaux carthaginois et les prendre dřassaut, II, 3, 24…
46
Disposition des forces romaines à Zama, II, 3, 16, à Pydna, II, 3, 20, des
forces de César à Pharsale, II, 3, 22…
106 Stratégique
47
Précis de l‟art de la guerre, ŖNotice sur la théorie actuelle de la guerre et
sur son utilitéŗ, Paris, 1977.
Stratégie et stratagèmes dans l’Antiquité grecque et romaine 107
48
On peut penser au désastre de Varus en Germanie, fatal aux ambitions
romaines outre-Rhin. Varus était avant tout un administrateur, à lřexpérience
militaire limitée.
49
En témoignent notamment certains passages des Annales de Tacite (II, 43,
4 ; 77, 1 ; III, 16, 1 ; XV, 17, 2). Nous nřen connaissons malheureusement pas
le degré de précision, mais lřon peut imaginer que la lenteur des com-
munications contraignait les empereurs à se limiter à des instructions
générales.
108 Stratégique
1
Ammien Marcellin, Res Gestae, éd. J. Fontaine, M.-A. Marie, G. Sabbah,
Paris, Les Belles Lettres, 1968-1999, XIV, 10, 14.
110 Stratégique
2
Les Tétrarques incarnèrent un système de partage du pouvoir inventé par
lřempereur Dioclétien (284-305) à la fin du IIIe siècle. Deux Augustes, lui-
même et Maximien, étaient secondés chacun par un César, Galère et
Constance Chlore.
3
Le panégyrique de Constantin en 310 parle ainsi des “troupes innombra-
bles des Goths vomies par le détroit du Pont et les boucles du Danubeŗ in
Anonyme, Panegyricus Constantino Dictus, Panégyriques latins, éd. E.
Galletier, Paris, Les Belles Lettres, 1949-1955, VII, 12,2.
4
Les conflits entre empereurs et usurpateurs étaient réguliers aux IIIe et IVe
siècles, lřempereur Gallien (259-268) dut ainsi combattre 18 usurpateurs en
9 ans de règne.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 111
5
Anonyme, Panegyricus Constantino Dictus, Panégyriques latins, éd. E.
Galletier, Paris, Les Belles Lettres, 1949-1955, VII, 12,2.
6
Ammien Marcellin, Res Gestae, XXVII, 2, 1.
112 Stratégique
7
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 2, 12.
8
Sulpice Alexandre, cité par Grégoire de Tours, Histoire des Francs, éd. R.
Latouche, Paris, Les Belles Lettres, 1996, II, 9.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 113
9
Idée du colonel Charles E. Callwell, vétéran des Indes, énoncée en 1904
dans Small Wars et reprise par Hervé Coutau-Bégarie, Traité de Stratégie, 6e
éd., Paris, Economica-ISC, 2008, p. 268.
10
Lètes (du latin, laeti) : Barbares germaniques installés en tant que colons-
soldats dans les zones dévastées des Gaules. La première mention littéraire des
Lètes date de 297 ap. J.-C.
114 Stratégique
11
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 11, 4.
12
Tanguy Struye de Swielande, ŖLa politique américaine à lřégard du Viet-
nam de 1946 à 1973 : Faits, prise de décision et stratégieŗ, http ://www.
stratisc.org/TS_7.htm.
13
Végèce, Epitoma rei militaris, www.thelatinlibrary.com/vegetius.html, III,
26.
14
Julien : César de Constance II de 355 à 360, puis empereur de 360 à 363.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 115
15
Magister militum (maître de la milice) en Occident de 388 à 394 dřorigine
franque.
16
Anonyme, Panegyricus Constantino Dictus, Panégyriques latins, VII, 11,
1-2.
116 Stratégique
17
ŖQuel que soit leur nombre, les Barbares, en tant qu‟agresseurs, disposent
de l‟initiative et donc de la possibilité de ce concentrer en un point. Ils ont
toujours eu cet avantageŗ, Philippe Richardot, La Fin de l‟armée romaine
(284-476), 3e éd., Paris, Economica-ISC, 2005, p. 76.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 117
18
Sur les colons-soldats du Haut-Empire cf. Yann Le Bohec, L‟Armée
romaine, 3e éd., Paris, A. et J. Picard, 2002, p. 243.
19
Anonyme, Panegyricus Constantius Dictus, Panégyriques latins, IV, 9, 3.
20
Renatus Frigeridus, cité par Grégoire de Tours, Histoire des Francs, II, 9.
118 Stratégique
21
Claude Seillier, ŖLes Germains dans lřarmée romaine tardive en Gaule
septentrionaleŗ, in Michel Kazanski et Françoise Vallet, L‟Armée romaine et
les Barbares du IIIe au VIIe siècle, Condé-sur-Noireau, Association française
dřarchives mérovingiennes, 1993, p.189.
22
Emilienne Demougeot, La Formation de l‟Europe et les invasions
barbares, tome 1, Paris, Aubier-Montaigne, 1979, p. 202.
23
Hervé Coutau-Bégarie, Traité de Stratégie, p. 543.
24
Anonyme, Panegyricus Constantius Dictus, Panégyriques latins, IV, 11, 1.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 119
25
Anonyme, Panegyricus Constantius Dictus, Panégyriques latins, IV, 21, 1
26
Sofie Vanhoutte, ŖOudenburg : Fortification du Litus Saxonicumŗ,
Dossiers d‟Archéologie, 315, juillet-août 2006, p.130.
27
Claude Seillier, Les Germains dans l‟armée romaine tardive en Gaule
septentrionale, p. 189.
28
Les gentiles sont les soldats installés sur une terre, ils cumulent le service
militaire et dřautres occupations (agriculture, élevage).
120 Stratégique
29
Notice des Dignités, liste du début du Ve siècle présentant lřinventaire de
toutes les forces de lřEmpire, Notitia Dignitatum, http ://www.thelatinlibrary.
com/notitia.html.
30
Vera Kovalevskaja, ŖLa présence alano-sarmate en Gauleŗ, L‟Armée
romaine et les Barbares du IIIe au VIIe siècle, p. 210.
31
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 11, 5-6.
32
Bagaudes, en latin bagaudae, terme dřorigine celtique (bagad) signifiant
attroupement, troupe et désignant des révoltes populaires dans les Gaules.
33
Emilienne Demougeot, La Formation de l‟Europe et les invasions
barbares, tome 1, p. 27.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 121
36
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 2, 3-5.
37
ŖLeur tactique de combat est la suivante : quand ils ont enfoncé la ligne
adverse, ils poursuivent l‟attaque et invulnérables aux coups, ils brisent sans
s‟arrêter tout ce qui leur est opposéŗ, in Nazarius, Panegyricus Constantino
Dictus, Panégyriques latins, X, 23, 4.
38
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 2, 9-11.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 123
39
Ammien Marcellin, Res Gestae, XXI, 11, 2.
40
Richardot, Philippe, La Fin de l‟armée romaine (284-476), p. 324.
124 Stratégique
41
Zosime, Histoire nouvelle, éd. F. Paschoud, 2e éd., Paris, Les Belles
Lettres, 1979-2000, III, 6, 4 ; III, 7, 1-7.
42
Cornuti : Ŗles Cornusŗ, unité réputée dřauxiliaires palatins.
43
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 11, 9.
44
Notitia Dignitatum, In Partibus Occidentis, V.
45
Constantin Zuckerman, ŖLes ŖBarbares romainsŗ : au sujet de lřorigine des
auxilia tétrarchiquesŗ, L‟Armée romaine et les Barbares du IIIe au VIIe siècle,
p. 17.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 125
46
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVIII, 2, 2.
47
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVII, 10, 3.
48
Gratien, fils de Valentinien Ier, empereur dřOccident de 367 à 383 et
Valens, frère de Valentinien Ier, empereur dřOrient de 364 à 378.
49
Ammien Marcellin, Res Gestae, XXXI, 10, 3-4.
50
Magister peditum : Maître de lřinfanterie.
126 Stratégique
fois les Goths dupés par les ralliés, ils embarquent nuitamment
“l‟élite de leurs forces sur un grand nombre de pirogues et
décidèrent que ce serait elle qui traverserait en premier et tombe-
rait sur les soldats encore endormis, puis à sa suite ceux qui
étaient moyennement vigoureux, afin qu‟ils viennent en aide aux
premiers qui auraient déjà commencé l‟attaqueŗ et enfin le reste
des mâles, vieillards ou enfants, pour quřils aident à achever le
facile massacre “Le général Promotus, qui avait été renseigné
d‟avance sur tout cela par ceux qu‟il avait envoyés pour machi-
ner la trahison, prit des mesures contre les plans des barbaresŗ51.
Il nřeut plus quřà attendre avec une partie de son armée embar-
quée sur le Danube, les Barbares. Ceux-ci, insouciants, furent
alors massacrés dans leurs embarcations par les Romains et
nřeurent pas le temps de réagir.
*
* *
51
Zosime, Histoire nouvelle, IV, 38, 2-5.
52
Ammien Marcellin, Res Gestae, XVI, 12, 1-70.
Recruter ses ennemis pour gagner les guerres irrégulières 127
53
Végèce, Epitoma Rei Militaris, Liber I, 20.
La pacification de l’Afrique byzantine
534 - 546
Philippe RICHARDOT
1
Y. Modéran, ŖLa renaissance des cites dans lřAfrique du VIe siècle dřaprès
une incription récemment publiéeŗ, in La Fin de la cité antique et les débuts
de la cité médiévale, Études réunies par Claude Lepelley, Bari, 1996, pp. 85-
114 ; Id., ŖLes Églises et la reconquista byzantine : lřAfriqueŗ, in L. Piétri
(éd.), Histoire du christianisme, t. III, Paris, 1998, pp. 247-248.
2
Procope, BV, I, 25, 1.
3
Procope, BV, I, 8, 5.
4
Corippe, I, v.470.
La pacification de l‟Afrique byzantine 131
5
Corippe, I, v.449. V. Zarini, ŖBerbères ou barbares ? Recherches sur le
livre second de la Johannide de Corippeŗ, Nancy-Paris, de Boccard, 1997,
p.135.
6
Colin F., Les Peuples libyens de la Cyrénaïque à l‟Égypte d‟après les
sources de l‟Antiquité, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 2000.
7
Pline lřAncien, HN, V, 5, 3.
8
Galand L., ŖPline et le nom des Nasamonsŗ, in C. Berger, G. Clerc, N.
Grimal (éd.), Hommages à Jean Leclant, Le Caire, Institut français dřarchéo-
logie orientale, 1994, vol. 4, p.73-80.
9
Hérodote, II, 32.
132 Stratégique
10
Hérodote, IV, 181. Diodore de Sicile, XVII, 50, 4-5. Pline lřAncien, HN,
II, 228. Arrien, Anabase, III, 4, 2.
11
Hérodote, IV, 173-174.
12
Hérodote, IV, 172-173, 182, 190.
13
Corippe, V, v.23-25.
14
Corippe, V, v.519.
15
Procope, BV, II, 28, 47. Corippe, livres VI et VII.
16
Corippe, VI, v.147-178.
17
Y. Modéran, Les Maures et l‟Afrique romaine (IVe-VIIe siècle), Rome,
Ecole Française de Rome, 2003, pp. 241-243.
18
Hérodote, IV, 184. Pomponius Mela, Chorographie, I, 4. Pline lřAncien,
HN, V, 8, 1.
La pacification de l‟Afrique byzantine 133
Cřest dřeux que les Romains ont dérivé le nom dřAfrique. Plus au
nord, adossés aux monts de Tébessa en Byzacène, dans une
région aride19, séjournent les Frexes. Ils constituent vers 510,
sous le règne de Guenfan, une confédération qui comporte les
Naffurs. À partir de 517, les Frexes sont dirigés par Antalas20. En
534, Solomon leur concède de rester dans lřouest de la Byza-
cène21 et Antalas demeure fidèle aux Romains jusque vers lřhiver
543-544. Plus à lřouest, dans lřAurès, Iaudas est le maître incon-
testé à qui les Maures révoltés de Numidie et de Byzacène
demandent refuge en 53422. Cřest le dernier des Maures à être
soumis dans la première phase de la reconquête. Iaudas a une
force de 30 000 guerriers en 534, et de 20 000 en 54023. Il rejoint
Antalas dans la rébellion durant lřautomne 545. Selon Procope,
Iaudas et Koutzinas sont les principaux chefs numides24. Kout-
zinas sřorthographie Cusina chez Corippe25. Autour de ces chefs
et de ces tribus gravite une galaxie de peuples mal identifiés et
dřimportance mineure. Certains chefs évoqués par Corippe ne
peuvent être rattachés à aucune tribu, comme Sidifan et
Autiliten26.
19
Procope, BV, I, 15, 34.
20
P. Courtois, 1955, p.343-346.
21
Procope, BV, II, 12, 30.
22
Procope, BV, II, 12, 29. Y. Modéran, ŖIaudasŗ, Encyclopédie berbère,
t. XXIII, Aix-en-Provence, 2000, pp. 3565-3567.
23
Procope, BV, II, 13, 1 et 19, 19.
24
Procope, BV, II, 25, 2.
25
Y. Modéran, ŖKoutzinas-Cusina. Recherche sur un Maure du VIe siècleŗ, in
L‟Africa romana 7. Atto del VII convegno di studio, Sassari, 1989, Sassari,
1990, p.393-407 ; Id., ŖCusinaŗ, Encyclopédie berbère, t. XIV, Aix-en-
Provence, 1994, pp. 2158-2159.
26
Corippe, II, v.47 et 58.
134 Stratégique
27
Procope, BV, I, 9, 3.
28
Procope, BV, II, 8, 9-10.
29
Procope, BV, II, 15, 2 et 4.
136 Stratégique
34
Procope, BV, II, 21, 17.
35
Procope, BV, II, 21, 17.
36
Corippe, II, v.28-30.
37
Corippe, II, 36-37.
38
Procope, BV, II, 21, 20-21.
138 Stratégique
39
Procope, BV, II, 22, 7-10.
40
Procope, BV, II, 22, 2.
La pacification de l‟Afrique byzantine 139
41
Corippe, I, v.473-476.
42
Corippe, V, v.447-450.
43
Corippe, I, v.31-39.
140 Stratégique
44
Procope, BV, II, 22, 12-16.
45
Corippe, I, v.326-335.
46
Procope, BV, II, 24, 26-27.
La pacification de l‟Afrique byzantine 141
47
Procope, BV, II, 23, 27-28.
48
Corippe, I, v.411-412.
49
Corippe, III, v.365-375.
50
Procope, BV, II, 27, 7-8.
51
Corippe, I, v.449-550.
52
Corippe, II, v. 150-155.
142 Stratégique
53
Corippe, I, v.544-545.
54
Corippe, II, v.45-47.
55
Corippe, II, v.184.
56
Corippe, II, v.89-96.
57
Corippe, II, v.109.
58
Corippe, I, v.468.
59
Corippe, II, v.113-115.
60
Corippe, II, v.126-137.
La pacification de l‟Afrique byzantine 143
61
Corippe, VI, v.194-195.
62
Corippe, V, v.391.
63
Corippe, II, v.181-183.
64
Procope, BV, II, 22, 20.
65
Procope, BV, II, 23, 11 et 16.
144 Stratégique
66
Procope, BV, II, 22, 3 et 32.
67
Procope, BV, II, 23, 21.
68
Procope, BV, II, 24, 1-6.
69
Procope, BV, II, 24, 7-8.
La pacification de l‟Afrique byzantine 145
70
Procope, BV, II, 24, 9-14.
71
Procope, BV, II, 25, 1 sq. et 26, 1 sq.
72
Procope, BV, II, 27, 1.
73
Procope, BV, II, 27, 3-5.
74
Procope, BV, II, 28, 41.
75
Procope, BV, II, 28, 44.
76
Procope, BV, II, 28, 45.
146 Stratégique
77
Corippe, V, v.468-469.
La pacification de l‟Afrique byzantine 147
78
Corippe, IV, v.8-30.
79
Procope, BV, II, 23, 3-10.
80
Procope, BV, II, 23, 17.
81
Corippe, I, v.529.
82
Corippe, II, v.9-10.
83
Corippe, I, v.530-559.
148 Stratégique
109
Corippe, V, v.511.
110
Corippe, V, v.512-518.
111
Ph. Richardot, 2006, p.167-168..
112
Procope, BV, II, 47-50.
113
Corippe, livres VI à VIII.
114
Corippe, VI, v.144.
152 Stratégique
125
Corippe, VI, v.448-489.
126
Corippe, VI, v.492-494.
127
Corippe, VI, v. 499-508
128
Corippe, VI, v.521-522.
129
Corippe, VI, v.437-439.
130
Corippe, VI, v.571-580.
154 Stratégique
131
Corippe, VI, v.592-598.
132
Corippe, VI, v.667-770.
133
Corippe, VII, v.3.
134
Corippe, VII, v.68-69.
135
Corippe, VII, v.69-71.
136
Corippe, VII, v. 285.
137
Corippe, VII, v.286.
138
Corippe, VII, v.295-296.
139
Corippe, VIII, v.50.
La pacification de l‟Afrique byzantine 155
ABRÉVIATIONS
Ant tard L‟Antiquité tardive
BG Bellum Gothicum de Procope
BV Bellum Vandalicum de Procope
CQ Classical Quarterly
HN Histoire Naturelle de Pline lřAncien
REL Revue d‟Etudes Latines
BIBLIOGRAPHIE
Bachrach B.S., ŖOn Roman Ramparts 300-1300ŗ, The
Cambridge illustrated History of Warfare. The Triumph of the
West, éd. G. Parker, Cambridge University Press, 1995, pp. 64-
91.
140
Corippe, VII, v.262-263, 272.
141
Corippe, VIII, v.131.
142
Corippe, VIII, v.166.
143
Corippe, VIII, v.370-377.
144
Corippe, VIII, v.633.
156 Stratégique
lřétude de ses mémoires, en les pondérant des textes écrits par ses
opposants, correspondance ou mémoires, revêt un intérêt tout
particulier.
1
Lettre de lřintendant Bâville à Chamillart.
2
Jean Cavalier, Mémoires sur la Guerre des Camisards, Paris, Payot, 1987,
p. 65.
162 Stratégique
3
Ibid., p. 93.
4
Ibid., p. 95.
Les Camisards 163
5
Ibid., p. 66.
6
Ibid., p. 71.
7
Lettre de Broglio à Chamillart.
164 Stratégique
La guerre à fond
La force de Cavalier, surtout au début du conflit, où le
danger quřil représente est très largement sous-estimé par les
autorités royales, est dřavoir compris quřil sřagit dřune guerre
totale.
Guerre idéologique avant tout, elle préfigure les guerres
subversives ou religieuses du XXe siècle, avec un recours systé-
matique à la population qui est considérée tour à tour comme
amie ou comme ennemie, mais demeure lřenjeu permanent de
toute action entreprise.
La population ennemie, cřest-à-dire habitant les villages
considérés comme Ŗpapistesŗ, fait lřobjet de raids de terreur
destinés à la paralyser, la piller, mais aussi la soumettre.
La population amie est Ŗmise à contributionŗ pour toutes
sortes de tâches : ravitaillement, collecte de fonds, espionnage et
intoxication. Cavalier lřutilise même pour loger ses troupes par
Ŗbilletŗ, exactement comme le font les dragons de sinistre
réputation. Montrevel, qui remplace Broglio en 1703, se désole
dans un courrier à Chamillart :
Les habitants les favorisent et ne veulent jamais les
découvrir quoique je mette en avant les menaces et
les promesses d‟argent et toutes sortes de récom-
penses, ce qui n‟a encore rien produit.
Les Camisards 165
8
Jean Cavalier, op. cit., p. 66.
166 Stratégique
Un mouvement sous-estimé
Aux premières actions de Cavalier, on croit quřil sřagit
dřune petite bande qui sera vite matée. Comment quelques
loqueteux emmenés par un adolescent pourraient-ils échapper
aux troupes royales, disciplinées et bien encadrées ?
Les tentatives précédentes de soulèvement, note Émile G.
Léonard11, celles dřAntoine du Roure et Gabriel Astiers en 1680
9
En effet, il a rédigé ces mémoires pour obtenir un grade de brigadier dans
lřarmée anglaise. Or les Anglais se méfiaient beaucoup de ces inspirés. Cava-
lier avait donc intérêt à nřen pas faire mention.
10
Doué dřun grand sens de lřinitiative et habitué au combat de partisans,
Broglio était lřhomme des missions difficiles pour le maréchal de Villars à
lřarmée du Rhin. Il sřest illustré à la prise de lřîle du Marquisat en 1706, au
forcement des lignes de Stolhofen, et lors du raid en Allemagne en 1707.
11
Émile G. Léonard, L‟Armée et ses problèmes au XVIIIe siècle, Paris, Plon,
1958, chapitre III.
Les Camisards 167
12
Lettre de Broglio à Chamillart.
13
Jean Cavalier, op. cit., p. 121.
168 Stratégique
14
Parfois aussi appelés simplement Cadets de la Croix.
Les Camisards 169
16
Ibid. p. 159.
17
Lettre de Montrevel à Chamillart.
Les Camisards 171
18
Il sřagissait de compagnies de fusiliers de montagne, constituées de
volontaires cévenols ou catalans, très aguerries et endurantes, dont Cavalier
remarque lui-même dans ses mémoires quřil sřen méfiait beaucoup plus que
des troupes régulières, même si, au final, ce sont des troupes régulières qui
lřont piégé à Navasselles.
Les Camisards 173
Et plus encore :
Ce qu‟il est important de finir et ce à quoi je
travaille, c‟est l‟insolence des Cadets ou Camisards
blancs, plus voleurs et presque aussi méchants que
les autres.
19
Un lieutenant de Cavalier surnommé ainsi parce quřil se vantait dřavoir
servi sous les ordres de lřillustre maréchal, mais réputé pour son extrême
brutalité.
20 Mémoire du duc de Villars, aux dépens de la compagnie, La Haye, 1734,
22
On ne peut que se demander ce que lui auraient conseillé le duc de
Bourgogne et madame de Maintenon !
176 Stratégique
CONCLUSION
On le voit, tant par les techniques employées par les uns et
les autres, que par le déroulement général de la guerre, aussi bien
dans son aspect militaire que politique et idéologique, la guerre
des Camisards conserve tout son intérêt pour nourrir aujourdřhui
la réflexion renaissante sur la contre-insurrection.
Parmi celles-ci, les plus évidentes sont bien sûr quřune
guerre de nature idéologique ne saurait être résolue de façon ex-
clusivement militaire, sauf à anéantir lřennemi jusquřau dernier,
raser et saler ses villes comme le firent les Romains des Cartha-
ginois, mais induit aussi une vision politique.
Cette dernière doit admettre que la population est un enjeu
majeur qui ne peut être gagnée par la terreur par les loyalistes ;
mais aussi quřà un moment, négocier avec le pire ennemi de la
veille devient tout autant une nécessité pour trouver une porte de
sortie.
Ainsi, lřenjeu premier est sans doute de trouver le bon
moment pour rompre le cycle Ŗterreur Ŕ répression Ŕ augmen-
tation de la sympathie pour les rebellesŗ, si lřon sřy est laissé
emprisonner. Il nřest pas exagéré de dire que dans ce cas-là, la
politique et les opérations conduites par Villars sont exemplaires.
Enfin, nous avons vu que, devenu colonel régulier, Cavalier
a été sévèrement battu et a vu son régiment anéanti sans grande
gloire à Almanza. À lřopposé, les troupes régulières qui combat-
taient dans les Cévennes, après avoir tiré des leçons de leurs
échecs initiaux, conduites par un général astucieux, ont fini par
sřadapter à leur ennemi et finalement doubler la victoire politique
dřun succès militaire incontestable. En outre, ce même général,
Les Camisards 177
1
Notons ici les travaux de M. Béla Köpeczi, Mme Ágnes R. Várkonyi et M.
Imre Bánkúti.
2
Nous avons utilisé lřédition critique établie par M. Béla Köpeczi et Mme
Ilona Kovács (Mémoires du prince François II Rákóczi sur la guerre de
Hongrie depuis 1703 jusqu‟à sa fin, Budapest, 1978. Désormais : Mémoires)
3
Le témoignage le plus important est celui du brigadier Lemaire publié
récemment : Brigadier général Louis Le Maire, Relation abrégée de ce qui
s‟est passé dans la guerre de Hongrie depuis le commencement de la cam-
pagne de 1705 jusqu‟au mois de mars 1708 (sous la direction de Jean Béren-
ger), Paris, Honoré Champion, 2007.
4
Il sřagit essentiellement de la série Correspondance Politique Hongrie et
Transylvanie.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 189
5
Jean Nouzille, Histoire de frontières, Paris, 1991, pp. 85. et 256.
6
Ibidem, p. 86.
190 Stratégique
7
Voir lřarticle de János Kalmár, ŖHegyestör et pallos du Hussard hongrois
(XVe siècle)ŗ, Vivat Hussar n° 11/1976, pp. 13-34.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 191
Leur chef, Imre Thököly, devint un allié de Louis XIV qui lui
fournit des subsides, des armes et même une armée recrutée en
Pologne. Le mouvement de Thököly fut certes éphémère, mais il
met en relief la capacité de la cavalerie légère hongroise face à
lřarmée régulière impériale.
8
Bibliothèque municipale de Troyes, série Ms 2144, Confession d‟un
pêcheur qui, prosterné devant la crèche du Sauveur nouvellement né, déplore,
dans l‟amertume de son cœur, sa vie passée et se rappelle les grâces qu‟il a
reçues et la conduite de la Providence sur lui, tome II, p. 1.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 193
9
Mémoires p. 42.
10
Idem, p. 66.
194 Stratégique
11
Ibidem, pp. 75-76.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 195
12
Ibidem. p. 77.
196 Stratégique
13
Ibidem. p. 79.
14
Ibidem. p. 78.
15
Ibidem, p. 78.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 197
16
Jean Bérenger, ŖUn exemple de coopération militaire franco-hongroise : la
mission du brigadier général Le Maire pendant la guerre dřindépendance de
François II Rákñcziŗ, in Zita Tringli-Ferenc Tóth (sous la dir.), Mille ans de
contacts II, Relations franco-hongroises de l‟an mil à nos jours, Szombathely,
2004. pp. 41-42.
17
Brigadier général Louis Le Maire, Relation abrégée, op. cit., pp. 188-189.
198 Stratégique
18
Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance Politique
Hongrie, vol. 13, fol. 162-163.
19
Dans sa lettre du 2 décembre 1705, il écrit ainsi à Louis XIV : ŖQuels
généraux, quels officiers et quels soldats, qui ressamblent a des lions armés
loin de l‟ennemy, et quand on les en approche, ces faux lions deviennent des
lièvres qui n‟ont plus que des jambes pour fuirŗ. Archives du ministère des
Affaires étrangères, Correspondance Politique Hongrie, vol. 10, fol. 516-517. ;
Dans une autre lettre adressée à Bonnac (le 9 juin 1708) il reprend la même
tournure vitriolée : ŖJ‟ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m‟avez fait l‟hon-
neur de m‟écrire le 10 du mois dernier, dont je vous suis très sensiblement
obligé, aussi bien que des nouvelles des négociations que se font en Hollande,
lesquelles m‟ont fait le plus grand plaisir que j‟aie ressenti depuis que je suis
dans le pays des Hurons, qui se transforment toujours en lievres a la vue d‟un
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 199
21
Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance Politique
Hongrie, vol. 15, fol. 243-246.
22
Zolnai Béla, ŖII. Rákñczi Ferenc könyvtáraŗ (La bibliothèque de François
II Rákóczi), Magyar Bibliofil Szemle 1925/26. pp. 15-16.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 201
*
* *
23
Mémoires pp. 99-100.
24
Cf. V. Windisch Éva, ŖRákñczi Ferenc ismeretlen hadtudományi munkájaŗ
(Un ouvrage militaire inconnu de François Rákóczi), Irodalomtörténeti
Közlemények, Budapest, 1953, pp. 29-56.
25
Bánkúti Imre (dir.), Rákóczi hadserege (Lřarmée de Rákñczi), Budapest,
1976. pp. 151-154.
Régularité et irrégularité dans la guerre d‟indépendance hongroise 203
26
Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance Politique
Hongrie, vol. 13, fol. 129-130.
La guérilla hongroise au XIXe siècle
La petite guerre de Háromszék
en décembre 1848
Tamás CSIKÁNY
1
Aujourdřhui Bratislava en Slovaquie et Timisoara en Roumanie.
206 Stratégique
2
Général-major prussien Georg-Wilheim von Valentini (1775-1834).
3
Lřart de guerre du XVIIIe siècle européen utilisait aussi la Ŗpetite guerreŗ
évitant les stéréotypes.
La guérilla hongroise au XIXe siècle 207
5
Sources : Lipszky János, ŖA magyar királyság általános térképeŗ (Mappa
generalis regni Hungariae), Pest, 1806 (1804-1808) DVD in Lipszky János, A
Magyar Királyság és társországainak térképe és névtára, Budapest, 2002.
6
Le szék est une unité administrative qui correspond au département.
Háromszék signifie littéralement trois szék.
La guérilla hongroise au XIXe siècle 211
7
Aujourdřhui Târgu Secuiesc en Roumanie.
212 Stratégique
8
Aujourdřhui Sibiu en Roumanie.
9
La Transylvanie sřest séparée au XVIe siècle de la Hongrie dont une partie
était envahie par les Turcs. Après lřélimination des Turcs, le gouvernement de
Vienne considéra la Transylvanie comme une province autonome. Parmi les
revendication des révolutionnaires du 15 mars 1848, il y avait la réintégration
(réunion) de la Transylvanie dans la Hongrie.
10
Aujourdřhui Cluj-Napoca en Roumanie.
La guérilla hongroise au XIXe siècle 213
11
Appellation générique de la minorité allemande historique de la
Transylvanie.
12
Aujourdřhui Lutita en Roumanie.
13
Aujourdřhui Reghin en Roumanie.
14
Aujourdřhui Sfântu Gheorghe en Roumanie.
214 Stratégique
15
Aujourdřhui Ozun en Roumanie.
16
Aujoudřhui Baraolt en Roumanie.
17
Aujourdřhui Brasov (Cronstadt) en Roumanie.
216 Stratégique
23
Aujourdřhui Araci en Roumanie.
24
Aujourdřhui Hăghig en Roumanie.
218 Stratégique
25
Aujourdřhui Bod (Brenndorf) en Roumanie.
26
Aujourdřhui Ilieni en Roumanie.
La guérilla hongroise au XIXe siècle 219
27
Aujourdřhui Prejmer (Tartlau) en Roumanie.
220 Stratégique
28
Aujourdřhui Răcoş en Roumanie.
29
Aujourdřhui Hoghìz en Roumanie.
La guérilla hongroise au XIXe siècle 221
30
Aujourdřhui Căpeni en Roumanie.
31
Aujourdřhui Homorod en Roumanie.
32
Aujourdřhui Rupea (Reps) en Roumanie.
222 Stratégique
33
Aujourdřhui Săcele en Roumanie.
34
Aujourdřhui Budila en Roumanie.
35
Aujourdřhui Vâlcele en Roumanie.
La guérilla hongroise au XIXe siècle 223
CONCLUSION
La guerre dřindépendance de 1848-1849 était accompagnée
de plusieurs petites guerres. La plus longue fut celle de Délvidék,
de mai 1848 à la fin des combats permanents. Lřautre théâtre
important était la Transylvanie où des combats se déroulèrent
dřoctobre 1848 à la fin mars 1849 et de lřinvasion russe au désar-
mement. Lřopération transylvanienne de libération du général
Bem peut également être qualifiée de Ŗpetite guerreŗ, même sřil
sřagissait dřun combat autonome livré par des unités permanentes
pour la plupart. Dans ce cadre, le combat des Sicules après le
224 Stratégique
Nous nřavons pas trouvé trace, non plus, dřune lecture dřouvra-
ges consacrés spécifiquement à la Ŗpetite guerreŗ. La Ŗguerre
civileŗ, par contre, faisait partie de son vocabulaire. Une guerre
civile comporte toujours une dimension irrégulière. Ce fut le cas
du soulèvement de la Vendée pendant la Révolution. ŖDans les
guerres civiles, selon Napoléon, il n‟est pas donné à tout homme
de savoir se conduire ; il faut quelque chose de plus que la
prudence militaire, il faut de la sagacité, de la connaissance des
hommesŗ1. Paradoxalement, il estime que les guerres civiles, au
lieu dřaffaiblir, retrempent et aguerrissent les peuples2. Par
contre, les troupes qui servent dans ce genre de guerre oublient
comment on se bat contre une armée régulière. Il sřen plaint
dřItalie, en octobre 1796, à propos de généraux et de soldats
envoyés de Vendée3. ŖTout est opinion à la guerre, opinion sur
l‟ennemi, opinion sur ses propres soldatsŗ4. Cřest encore plus
vrai dans une guerre irrégulière comme celle dřEspagne, que
Napoléon qualifie ici de guerre populaire : ŖLes mouvements
rétrogrades sont dangereux à la guerre ; ils ne doivent jamais
être adoptés dans les guerres populaires : l‟opinion fait plus que
la réalité ; la connaissance d‟un mouvement rétrograde que les
meneurs attribuent à ce qu‟ils veulent crée de nouvelles armées à
l‟ennemiŗ5.
La guerre nřest pas régulière quand les usages ne sont pas
respectés. En Égypte et en Syrie, les adversaires du général
Bonaparte méconnaissaient les pratiques européennes en matière
1
[Napoléon], Mémoires pour servir à l‟histoire de France, sous Napoléon,
écrits à Sainte-Hélène, par les généraux qui ont partagé sa captivité, et
publiés sur les manuscrits entièrement corrigés de la main de Napoléon, 8
vol., Paris, Didot et Bossange, 1823-1825 (2 vol. écrits par Gourgaud, 6 vol.
écrits par Montholon), VI, p. 246. Cet ouvrage sera désormais cité sous cette
forme : Mémoires, Montholon (ou Gourgaud), tome, pages.
2
[Napoléon], ŖQuatre notes sur lřouvrage intitulé Mémoires pour servir à
l‟histoire de la révolution de Saint-Domingueŗ, dans Correspondance de
Napoléon Ier publiée par ordre de l‟Empereur Napoléon III, 32 vol., Paris,
Plon et Dumaine, 1858-1870, XXX, p. 526. Nous utiliserons désormais lřabré-
viation Corresp.
3
Napoléon Bonaparte, Correspondance générale, I, Paris, Fayard, 2004, n°
989, p. 626, au Directoire exécutif, Milan, 20 vendémiaire an V-11 octobre
1796. Lřabréviation Corresp. gén. sera désormais utilisée.
4
Corresp., XVII, n° 14343, p. 526, note pour le roi dřEspagne, Châlons-sur-
Marne, 22 septembre 1808.
5
Ibid., XVII, n° 14104, p. 315, au maréchal Bessières, Bayonne, 16 juin
1808.
Napoléon et la guerre irrégulière 229
6
Corresp. gén., II, n° 4294, pp. 882-883, au Directoire exécutif, Jaffa,
23 ventôse an VII-13 mars 1799.
7
Corresp., XII, n° 10131, p. 304, au roi de Naples (Joseph Bonaparte),
Saint-Cloud, 22 avril 1806.
8
Lettres inédites de Napoléon Ier (an VIII-1815), publiées par Léon
Lecestre, 2 vol., Paris, Plon, 1897, I, n° 333, p. 227, à Joseph Napoléon, roi
dřEspagne, Bordeaux, 31 juillet 1808, 23 h.
9
Inédits napoléoniens, publiés par Arthur Chuquet, 2 vol., Paris, Fonte-
moing et de Boccard, 1913-1919, I, n° 1014, p. 278, à Berthier, Dresde,
19 juin 1813.
10
Henri-Gatien Bertrand, Cahiers de Sainte-Hélène, manuscrit déchiffré et
annoté par Paul Fleuriot de Langle, 3 vol., Paris, Sulliver et Albin Michel,
1949, 1951 et 1959, II, p. 218.
11
Armstrong Starkey, War in the Age of Enlightenment, 1700-1789,
Westport, Conn., Praeger, 2003, pp. 154-156.
230 Stratégique
12
[Napoléon], ŖCampagnes dřItalie (1796-1797)ŗ, Corresp., XXIX, p. 113.
13
Corresp., XXIV, n° 19213, p. 221, à Alexandre Ier, Moscou, 20 septembre
1812.
Napoléon et la guerre irrégulière 231
L’ARMEMENT DU PEUPLE
Napoléon estimait quřil fallait des cadres et une sorte de
substrat militaire national pour armer un peuple. La cour de
Rome, en février 1797, nřy parvint pas avec lřÉmilie-Romagne,
envahie par les Français. Si la France révolutionnaire avait pu
mettre si promptement sur pied de bonnes armées, cřest quřelle
avait un bon fonds, que lřémigration améliora plutôt quřelle ne le
détériora. La Romagne et les montagnes de lřApennin étaient
fanatisées par les prêtres et les moines. De plus, ces peuples
étaient naturellement braves ; on y retrouvait Ŗquelques étincelles
du caractère des anciens Romainsŗ. Ils ne purent cependant
opposer aucune résistance à une poignée de troupes bien disci-
plinées et bien conduites. La Vendée sřétait trouvée dans des
circonstances différentes. Non seulement la population était
guerrière, mais elle contenait un grand nombre dřanciens officiers
et sous-officiers de lřarmée et de la marine. En face, les troupes
républicaines avaient été levées dans les rues de Paris ; elles
étaient commandées par des hommes qui nřétaient pas de vrais
militaires et qui accumulèrent les erreurs, ce qui ne fit quřaguerrir
les Vendéens. Enfin, les mesures extrêmes adoptées par le Co-
mité de Salut public et les Jacobins ne laissèrent plus le choix :
mourir pour mourir, encore valait-il mieux se défendre. ŖOn
conçoit très bien que si dans cette guerre contre le Saint-Siège,
au lieu d‟employer des calmants, de remporter des victoires, on
eût d‟abord éprouvé des défaites, qu‟on eût recouru à des
moyens extrêmes et sanguinaires, une Vendée eût pu s‟établir
dans l‟Apennin : la rigueur, le sang, la mort, créent des enthou-
siastes, des martyrs, enfantent les résolutions courageuses et
désespéréesŗ14. Face à César, les Gaulois nřavaient pas non plus
lřesprit national nécessaire. Ils nřavaient que lřesprit de clan ou
de bourgade. Ils nřavaient aucune force armée entretenue et exer-
cée. Pour Napoléon, toute nation qui perdrait de vue lřimportance
dřune armée permanente et qui se confierait à des levées ou des
armées irrégulières, éprouverait le sort des Gaules, sans pouvoir
14
Mémoires, Montholon, IV, pp. 347-348.
232 Stratégique
15
[Napoléon], ŖPrécis des guerres de Jules Césarŗ, Corresp., XXXII, p. 14.
16
[Antoine-Clair Thibaudeau], Mémoires sur le Consulat. 1799 à 1804, par
un ancien conseiller dřÉtat, Paris, Ponthieu et Cie, 1827, p. 108.
17
Corresp., XXVIII, n° 21861, pp. 150-151, à Davout, Paris, 1er mai 1815.
18
Bertrand, Cahiers, II, p. 53.
19
[Napoléon], ŖDix-huit notes sur lřouvrage intitulé Considérations sur l‟art
de la guerreŗ, Corresp., XXXI, p. 420.
Napoléon et la guerre irrégulière 233
20
Carl von Clausewitz, De la guerre, trad. par D. Naville, Paris, Éditions de
Minuit, 1955, VI, 5, p. 416.
21
Corresp. gén., I, n° 1332, p. 815, au général Joubert, Vérone, 10 pluviôse
an V-29 janvier 1797.
22
Corresp., IV, n° 2710, p. 183, proclamation à lřarmée de terre, à bord de
l‟Orient, 4 messidor an VI-22 juin 1798.
234 Stratégique
23
Corresp. gén., II, n° 2601, pp. 180-181, au général Kléber, Alexandrie, 19
messidor an VI-7 juillet 1798.
24
Ibid., II, n° 2602, p. 182, au général Menou, Alexandrie, 19 messidor an
VI-7 juillet 1798.
25
Ibid., II, n° 2680, pp. 217-219, au général Kléber, Le Caire, 12 thermidor
an VI-30 juillet 1798.
Napoléon et la guerre irrégulière 235
les musulmans, quřil faut encore attendre dřêtre un peu plus mêlé
avec eux et que jusque-là, il faut laisser leur divan faire à peu
près ce quřil veut26. Le commandant en chef dřune armée dřoccu-
pation a intérêt à se comporter dřune manière qui respecte les
mœurs et les coutumes locales. Napoléon essaie encore de le faire
comprendre à son frère Jérôme, qui mène une vie de plaisirs dans
son royaume de Westphalie, en 180927.
Le respect des populations ne doit pas être synonyme de
faiblesse. Il faut aussi se faire respecter et même craindre. Arrivé
sur le trône de Naples, Joseph essaie de gagner les sympathies de
ses sujets en promettant de ne pas imposer de contribution de
guerre et en interdisant aux soldats français dřexiger la table de
leurs hôtes. Il se voit écrire que Ŗce n‟est pas en cajolant les
peuples qu‟on les gagneŗ. Son terrible frère lui recommande au
contraire de se faire craindre. Les peuples conquis sřattendent
toujours à une imposition. À Vienne, où il nřy avait pas un sou, et
où lřon espérait échapper à une contribution, quelques jours après
son arrivée il en mit une de cent millions de francs : on trouva
cela fort raisonnable. On ne gagne rien en caressant trop. ŖLes
peuples d‟Italie, et en général les peuples, s‟ils n‟aperçoivent
point de maître, sont disposés à la rébellion et à la mutinerie28.
[…]Dans un pays conquis, la bonté n‟est pas de l‟humanité.
Plusieurs Français ont déjà été assassinés. En général, il est de
principe politique de ne donner bonne opinion de sa bonté
qu‟après s‟être montré sévère pour les méchantsŗ29. Ces
réflexions se ressentent de la lecture du Prince de Machiavel. Dès
le mois de février 1806, Napoléon décida de ne plus payer les
troupes stationnées dans le royaume de Naples : elles devaient
vivre de contributions levées sur place. Trop éloigné pour se faire
une idée juste, lřempereur surestimait les ressources disponibles.
Les ponctions opérées sur une population appauvrie ne feraient
quřentretenir le mécontentement et alimenter lřinsurrection30. En
Espagne, ce fut la même chose. Napoléon ordonna systématique-
26
Ibid., II, n° 2981, p. 347, au général Kléber, Le Caire, 11 fructidor an VI-
28 août 1798.
27
Lettres inédites, I, n° 441, p. 307, à Jérôme Napoléon, Burghausen, 29 avril
1809.
28
Corresp., XII, n° 9944, pp. 165-166, au prince Joseph, Paris, 8 mars 1806.
29
Ibid., XII, n° 10042, p. 249, au prince Joseph, Paris, 31 mars 1806.
30
Nicolas Cadet, ŖAnatomie dřune « petite guerre », la campagne de Calabre
de 1806-1807ŗ, Revue d‟histoire du XIXe siècle, n° 30, 2005, p. 72.
236 Stratégique
31
Don W. Alexander, Rod of Iron. French Counterinsurgency Policy in
Aragon during the Peninsular War, Wilmington, Del., Scholarly Resources,
1985, p. 78.
32
Jean-Marc Lafon, L‟Andalousie et Napoléon. Contre-insurrection, colla-
boration et résistances dans le midi de l‟Espagne (1808-1812), Paris, Nouveau
Monde éditions-Fondation Napoléon, 2007, pp. 500, 507, 530, 531.
Napoléon et la guerre irrégulière 237
35
[Napoléon], ŖCampagnes dřÉgypte et de Syrieŗ, Corresp., XXX,
pp. 83-86.
36
N. Cadet, art. cit., pp. 74-75.
37
Corresp., XVII, n° 14117, p. 322, note pour le général Savary, en mission
à Madrid, Bayonne, 19 juin 1808.
Napoléon et la guerre irrégulière 239
SE RENSEIGNER ET DÉSARMER
Le renseignement est essentiel pour Napoléon dans toute
forme de guerre. Pour prévenir un soulèvement, en Égypte, il
interdit cependant de recourir à la torture : ŖL‟usage barbare de
faire bâtonner les hommes prévenus d‟avoir des secrets impor-
tants à révéler doit être aboli. Il a été reconnu de tout temps que
cette manière d‟interroger les hommes, en les mettant à la
torture, ne produit aucun bien. Les malheureux disent tout ce qui
leur vient à la tête et tout ce qu‟ils voient qu‟on désire savoir. En
conséquence, le général en chef défend d‟employer un moyen que
réprouvent la raison et l‟humanitéŗ41.
Comme déjà dit plus haut dans lřinstruction à Menou et
dans la lettre du 20 novembre 1808 à Joseph, le désarmement
préventif est une mesure qui sřimpose. À Naples, où son frère
38
Ibid., XVIII, n° 14499, p. 74, à Joseph Napoléon, Burgos, 20 novembre
1808.
39
D. W. Alexander, op. cit., p. 60.
40
J.-M. Lafon, op. cit., pp. 523-524.
41
Corresp. gén., II, n° 3656, p. 613, à Berthier, Le Caire, 21 brumaire an
VII-11 novembre 1798.
240 Stratégique
restant réunis que dřen envoyer 100 sur six points différents45. Il
faut éviter les petites garnisons pour avoir moins de pertes, ne
mettre de petits détachements que dans les forteresses et les
postes bien fortifiés.
Un bon système est celui des camps volants : 1 800
hommes sous un général de division et fournissant perpétuelle-
ment des colonnes de 500 à 600 hommes pour parcourir le pays.
Nulle part il ne faut avoir moins de 400 hommes46. Non seule-
ment des troupes réunies ont plus dřefficacité militaire, mais elles
se donnent confiance à elles-mêmes et elles en imposent plus aux
populations. Lorsque celles-ci ont lřhabitude dřen voir, elles
peuvent se révolter dès quřelles apprennent que les troupes se
sont portées ailleurs47. Les dragons sont particulièrement aptes à
pacifier une région occupée, si on les emploie bien, cřest-à-dire
réunis en une masse mobile. Napoléon conseille à Joseph, pour
avoir la paix en Calabre, de réunir ses cinq régiments de dragons
et dřen former une réserve avec quatre pièces dřartillerie légère,
attelées. Ces 4 000 hommes, capables de faire trente lieues en
deux jours, pourraient se porter sur tout point qui serait menacé.
300 dragons isolés perdraient lřesprit de leur arme et ne servi-
raient à rien48. Ces conseils étaient judicieux mais, en Espagne,
Napoléon commit lřerreur de ne pas laisser certaines unités au
même endroit pour assurer la pacification. Cette erreur relevait de
son éloignement et de la vue beaucoup trop abstraite quřil se
faisait de la situation. Toujours désireux dřobtenir la décision en
un seul coup, il ne comprenait pas les demandes de ses généraux
sur place qui souhaitaient maintenir leurs unités dans une région
quřelles apprenaient à connaître pour mieux la pacifier49.
Il y a toujours des points importants à occuper. Dans tous
les pays, il faut tenir les villes principales. On les contient
facilement en ayant sous sa main les personnages importants :
évêques, magistrats et gros propriétaires intéressés au maintien de
45
Corresp., XII, n° 10086, p. 276, au roi de Naples, la Malmaison, 11 avril
1806.
46
Ibid., XII, n° 10156, p. 321, au roi de Naples, Saint-Cloud, 27 avril 1806.
47
Ibid., XVII, n° 13875, p. 110, au maréchal Berthier, Bayonne, 12 mai
1808.
48
Corresp., XIII, n° 10629, pp. 63-64, au roi de Naples, Saint-Cloud, 9 août
1806.
49
D. W. Alexander, op. cit., pp. 130, 146 et 217.
242 Stratégique
50
Corresp., XVII, n° 13749, pp. 9-10, notes pour le prince de Neuchâtel,
major général de la Grande Armée, Bayonne, 16 avril 1808.
51
Ibid., XXI, n° 16921, p. 126, à Berthier, major général de lřarmée
dřEspagne, Fontainebleau, 18 septembre 1810.
52
J.-M. Lafon, op. cit., pp. 445 et 456.
53
Corresp., XVII, n° 14192, p. 382, notes pour le général Savary, Bayonne,
13 juillet 1808.
54
N. Cadet, art. cit., p. 69 ; Charles Esdaile, The Peninsular War. A New
History, Londres, Penguin Books, 2003, pp. 505-509 ; J.-M. Lafon, op. cit.,
pp. 537-538.
55
Corresp., XXIV, n° 19220, p. 227, au maréchal Berthier, Moscou,
23 septembre 1812.
Napoléon et la guerre irrégulière 243
56
Corresp. gén., II, n° 4825, p. 1121, au général Hédouville, Paris, 8 nivôse
an VIII-29 décembre 1799.
57
Barry E. OřMeara, Napoléon en exil à Sainte-Hélène. Relation contenant
les opinions et réflexions de Napoléon sur les événemens les plus importans de
sa vie, …, trad. de lřangl., 2e éd., 4 parties en 2 tomes en 1 vol., Bruxelles,
Voglet, 1822, I, 2e partie, pp. 129-130.
58
Archives nationales, Paris (AN), 566 AP 15, mémoire adressé au roi
Joseph par Lamarque, décembre 1806, cité par N. Cadet, art. cit., p. 73.
244 Stratégique
59
AN, 304 MI 45, lettre du général Mermet au général Verdier, Scigliano,
s.d. [fin 1806], citée par Idem.
60
Guglielmo Ferrero, Bonaparte en Italie (1796-1797), trad. de lřital., Paris,
De Fallois, 1994 (1re éd. 1936), p. 56 ; Alain Pillepich, ŖLes Lombards face à
lřintervention françaiseŗ, Actes du colloque „La liberté en Italie (1796-1797)
organisé par le Centre d‟études d‟histoire de la Défense, 7 juin 1996, tiré à
part du n° 408 de la Revue du Souvenir napoléonien, Paris, s.d., pp. 56-57.
61
André Masséna et Jean-Baptiste Koch, Mémoires de Masséna, rédigés
d‟après les documents qu‟il a laissés et sur ceux du Dépôt de la guerre et du
Dépôt des fortifications, 7 vol. et un atlas, Paris, Paulin et Lechevalier, 1848-
1850 ; Jean de Bonnot, 1966, II, p. 74.
62
G. Ferrero, op. cit., p. 58.
Napoléon et la guerre irrégulière 245
63
Corresp. gén., II, n° 2569, p. 164, au général Desaix, Alexandrie, 15
messidor an VI-3 juillet 1798.
64
Corresp., XII, n° 10156, p. 321, au roi de Naples, Saint-Cloud, 27 avril
1806.
65
Ibid., XVIII, n° 14730, p. 236, à Joseph Napoléon, Valladolid, 16 janvier
1809, au soir.
66
[Napoléon], ŖCampagnes dřÉgypte et de Syrieŗ, Corresp., XXX, p. 53.
246 Stratégique
67
[Napoléon], ŖDix-huit notes sur lřouvrage intitulé Considérations sur l‟art
de la guerreŗ, Corresp., XXXI, pp. 320-322.
68
Corresp. gén., II, n° 3074, p. 384, à Desaix, Le Caire, 18 fructidor an VI-4
septembre 1798.
69
Ibid., II, n° 3067, p. 381, à Berthier, Le Caire, 18 fructidor an VI-4
septembre 1798.
70
N. Cadet, art. cit., p. 77.
71
Charles Oman, A History of the Peninsular War, V. October 1811 to
August 31, 1812. Valencia, Ciudad Rodrigo, Badajoz, Salamanca, Madrid,
Oxford, 1914, Londres, Greenhill Books, 1996, p. 45.
Napoléon et la guerre irrégulière 247
72
Corresp., XVII, n° 14223, p. 409, notes sur la position actuelle de lřarmée
en Espagne, Bayonne, 21 juillet 1808.
73
Partisans auxquels les troupes de Louis XIV durent faire face : les Barbets
étaient des protestants vaudois du versant piémontais des Alpes ; les
Miquelets, des Pyrénéens défenseurs de la cause des Habsbourg durant la
guerre de succession dřEspagne.
74
Corresp., XVII, n° 14347, p. 528, à Joseph Napoléon, roi dřEspagne,
Kaiserslautern, 24 septembre 1808.
248 Stratégique
75
Ibid., XII, n° 10118, p. 298, au roi de Naples, Saint-Cloud, 21 avril 1806.
76
Lettres inédites, I, n° 273, p. 187, au prince Murat, Bayonne, 29 avril 1808,
10 h.
77
Corresp., XXIII, n° 18276, p. 27, à Berthier, major général de lřarmée
dřEspagne, Saint-Cloud, 20 novembre 1811.
Napoléon et la guerre irrégulière 249
78
D. W. Alexander, op. cit., p. 134.
79
J.-M. Lafon, op. cit., p. 527.
80
N. Cadet, art. cit., pp. 74-75.
81
Corresp. gén., II, n° 2691, p. 222, au général Zayonchek, Le Caire,
12 thermidor an VI-30 juillet 1798.
82
Ibid., II, n° 3033, p. 368, au général Dugua, Le Caire, 14 fructidor an VI-
31 août 1798.
83
Ibid., II, n° 3402, p. 512, au général Vial, Le Caire, 15 vendémiaire an VII-
6 octobre 1798.
250 Stratégique
84
Ibid., III, n° 4872, p. 39, au général Brune, Paris, 24 nivôse an VIII-
14 janvier 1800.
85
Ibid., III, n° 5743, p. 435, au général Brune, commandant en chef de
lřarmée dřItalie, Paris, 13 brumaire an IX-4 novembre 1800.
86
Corresp., XI, n° 9678, p. 543, au général Junot, Stuttgart, 19 janvier 1806.
87
Ibid., XII, n° 9744, p. 5, à Junot, Paris, 4 février 1806 ; n° 9772, pp. 18-19,
à Junot, Paris, 7 février 1806.
88
Ibid., XII, n° 9844, p. 62, à Junot, Paris, 18 février 1806.
Napoléon et la guerre irrégulière 251
89
Ibid., XII, n° 9852, p. 66, à Junot, Paris, 19 février 1806.
90
N. Cadet, art. cit., pp. 79-80.
91
Corresp., XVII, n° 14265, pp. 456-457, au général Clarke, Saint-Cloud, 22
août 1808.
92
Ibid., XVII, n° 14273, pp. 467, au général Clarke, Saint-Cloud, 27 août
1808.
93
Bruno Colson, Le général Rogniat, ingénieur et critique de Napoléon,
Paris, ISC-Economica, 2006, pp. 169-188.
252 Stratégique
Pacifier
Pour arriver à pacifier, il faut des moyens autres que
militaires : ŖLes provinces conquises doivent être contenues dans
l‟obéissance au vainqueur par des moyens moraux, la responsa-
bilité des communes, le mode d‟organisation de l‟administration.
Les otages sont un des moyens les plus puissants, lorsque les
peuples sont persuadés que la mort de ces otages est l‟effet
immédiat de la violation de leur foiŗ96. La coopération des élites
locales est aussi indispensable pour assurer la pacification quřelle
lřétait avant lřéclatement du soulèvement. Se pose alors la
question du recrutement de troupes locales, pour épauler les
occupants, voire assurer leur relève. Certaines conditions doivent
être remplies pour que lřesprit public y soit favorable. Il ne faut
pas, surtout, que lřarmée dřoccupation vive sur le pays. Cřétait le
cas en Italie en 1796 : ŖCette circonstance, d‟être obligé de vivre
94
Corresp., XVI, n° 13733, p. 487, au grand-duc de Berg, Bordeaux, 10 avril
1808, midi.
95
Ibid., XVII, n° 14223, p. 410, notes sur la position actuelle de lřarmée en
Espagne, Bayonne, 21 juillet 1808. Le 5 juillet 1807, 9 000 (plutôt que 12 000)
soldats britanniques attaquèrent Buenos Aires, pénétrèrent dans les rues et y
subirent de lourdes pertes, soumis au feu des défenseurs tirant à partir des
maisons et des terrasses.
96
[Napoléon], ŖDix-huit notes sur lřouvrage intitulé Considérations sur l‟art
de la guerreŗ, Corresp., XXXI, p. 365.
Napoléon et la guerre irrégulière 253
97
[Napoléon], ŖCampagnes dřItalie (1796-1797)ŗ, Corresp., XXIX, p. 113.
98
Corresp., XIII, n° 10629, p. 61, au roi de Naples, Saint-Cloud, 9 août 1806.
99
N. Cadet, art. cit., pp. 74-75.
100
J.-M. Lafon, op. cit., p. 523.
101
D. W. Alexander, op. cit., pp. 103 et 105.
254 Stratégique
102
Charles-François-Tristan de Montholon, Récits de la captivité de
l‟Empereur Napoléon à Sainte-Hélène, 2 vol., Paris, Paulin, 1847, II, pp. 462-
463.
103
[Napoléon], ŖDix-huit notes sur lřouvrage intitulé Considérations sur l‟art
de la guerreŗ, Corresp., XXXI, p. 340.
104
N. Cadet, art. cit., p. 78.
105
J.-M. Lafon, op. cit., pp. 23 et 26.
106
D. W. Alexander, op. cit., pp. 148, 216, 232-233.
Napoléon et la guerre irrégulière 255
CONCLUSION
La plupart des études sur Napoléon distinguent chez lui une
phase dřascension, une apogée et un déclin. Il semble que son
attitude vis-à-vis de la guerre irrégulière ait plus ou moins suivi
cette courbe. Durant ses premiers commandements, en Italie et
surtout en Égypte, il se préoccupa beaucoup des méthodes visant
à prévenir un soulèvement, à le contrer et à le calmer. Lřinsur-
rection lombarde fut réprimée et apaisée en deux jours en mai
1796. En Égypte, il prit dřinfinies précautions avec les popula-
tions musulmanes pour se les concilier, il sut faire preuve dřune
extrême sévérité, à lřorientale, envers les insurgés et développa
une politique de pacification culturelle et religieuse dont pour-
raient encore sřinspirer certaines forces dřintervention contempo-
raines. Sa correspondance, ses instructions et son récit de la
campagne dicté à Sainte-Hélène comportent des réflexions utiles
à méditer. Puis vinrent les années du Consulat et de lřEmpire. De
la pacification de la Vendée à la fin de la guerre de la Péninsule,
soit de 1800 à 1814, les guerres devinrent de plus en plus
complexes, elles engagèrent des effectifs croissants, ouvrirent
plusieurs fronts à la fois, avec des étendues de plus en plus
grandes à contrôler et lřexacerbation des peuples occupés aug-
menta. On connaît les difficultés éprouvées par le système de
commandement napoléonien durant les campagnes régulières de
1812 et de 1813, quand lřempereur dut déléguer des commande-
ments dřarmée à certains maréchaux mal préparés à cette tâche.
Un même effritement de la capacité de contrôle de Napoléon se
manifesta à propos des opérations de contre-insurrection. Sa
correspondance en témoigne. Nombreuses en 1806 à propos de la
Calabre et encore en 1808 à propos de lřEspagne, ses directives
se firent ensuite plus rares et surtout moins adaptées et plus
sommaires. Contrairement aux campagnes de 1796-1798, Napo-
léon nřétait plus sur le terrain pour diriger la lutte contre les
insurgés. Cette différence fut fondamentale.
En Calabre, les racines de lřinsurrection ne furent pas
comprises par Napoléon. Il ne sřattendait pas à un soulèvement
des Espagnols en 1808. Il refusa de voir la réalité de cette guerre
et ne vit pas où se situaient ses propres limites107. Les ordres de
lřempereur relatifs à certains théâtres particulièrement éloignés,
107
C. Esdaile, The Peninsular War, pp. 62-63, 398, 505.
256 Stratégique
108
J.-M. Lafon, op. cit., pp. 21-22.
109
D. W. Alexander, op. cit., pp. 74, 79, 130, 146, 164, 217, 233-235, 240-
241.
110
Archives du Service historique de la Défense, Département de lřarmée de
terre, Vincennes (SHD/DAT), 17 C 2, ŖNote sur la position politique et
militaire de nos armées de Piémont et dřEspagneŗ, s.l.n.d., sans doute au
quartier général de Loano, le 25 messidor an II (13 juillet 1794), pp. 2-5.
111
Bertrand, Cahiers, II, pp. 54-55.
Napoléon et la guerre irrégulière 257
112
N. Cadet, art. cit., p. 81.
113
J.-M. Lafon, op. cit., pp. 456 et 528.
114
André Beaufre, La guerre révolutionnaire. Les formes nouvelles de la
guerre, Paris, Fayard, 1972, pp. 103-104.
258 Stratégique
115
Charles Esdaile, Napoleon‟s Wars : An International History, 1803-1815,
Londres, Allen Lane, 2007, pp. 352-353 et 357-358.
116
Paddy Griffith, The Art of War of Revolutionary France 1789-1802,
Londres, Greenhill Books, 1998, pp. 52 et 58-59.
117
David A. Bell, The First Total War. Napoleon‟s Europe and the Birth of
Warfare As We Know It, Boston-New York, Houghton Mifflin, 2007. Voir
deux excellentes lectures critiques de cet ouvrage stimulant mais trop radical :
Michael Broers, ŖThe Concept of ŘTotal Warř in the Revolutionary-
Napoleonic Periodŗ, War in History, 15, 2008-3, pp. 247-268 ; compte rendu
de Peter Paret dans American Historical Review, 112, 2007-5, pp. 1489-1491.
118
La guerre irrégulière à lřépoque napoléonienne a suscité dřautres travaux
intéressants concernant surtout la composition, la nature de la guérilla et donc
moins directement notre titre mais ils témoignent de la vitalité de ce champ de
recherche : C. Esdaile, Fighting Napoleon : Guerrillas, Bandits and Adventu-
rers in Spain, 1808-1814, New Haven-Londres, Yale University Press, 2004 ;
Id., dir., Popular Resistance in the French Wars : Patriots, Partisans and
Land Pirates, Londres, Palgrave Macmillan, 2005 ; Ronald Fraser, Napoleon‟s
Cursed War : Popular Resistance in the Spanish Peninsular War, Londres,
Verso, 2008 ; Vittorio Scotti Douglas, ŖLa guérilla espagnole dans la guerre
contre lřarmée napoléonienne 1ŗ, Annales historiques de la Révolution fran-
çaise, 336, [En ligne], mis en ligne le : 15 juillet 2007. URL : http ://ahrf.
revues.org/document1683.html. Consulté le 19 février 2009 ; John Lawrence
Tone, The Fatal Knot. The Guerrilla War in Navarre and the Defeat of
Napoleon in Spain, Chapel Hill-Londres, University of North Carolina Press,
1994.
Soumettre les arrières de l’armée.
L’action de la Gendarmerie impériale
dans la pacification des provinces
septentrionales de l’Espagne (1809-1814)
Gildas LEPETIT
1
Cité par François Malye, Napoléon et la folie espagnole, Paris, Tallandier,
2007, p. 11, et aussi par Jean-René Aymes, L‟Espagne contre Napoléon. La
Guerre d‟Indépendance espagnole (1808-1814), Paris, Nouveau Monde/
Fondation Napoléon, 2003, p. 32.
2
Emmanuel de Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, Paris, Seuil, 1968,
p. 250.
260 Stratégique
3
Rapport du 3 août 1810 du général Avril au maréchal Berthier. SHD-DAT,
C8 53.
4
Des exceptions existent cependant, comme en témoigne la création des
divisions combattantes pendant la Révolution. Loi du 28 germinal an VI
(17 avril 1798) relative à lřorganisation de la Gendarmerie nationale, Art. 215.
Lřarrêté du 12 thermidor an IX (31 juillet 1801) ne modifie pas les missions de
lřarme lorsque celle-ci est envoyée aux armées. Arrêté du 12 thermidor an IX
(31 juillet 1801) sur lřorganisation de la Gendarmerie nationale, art. 11.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 261
5
Dieudonné de Thiébault (général baron), Mémoires du général baron
Thiébault, T. IV, 1806-1813, 5e éd., Paris, Plon, 1895, pp. 402-403.
6
Décret du 24 novembre 1809 formant vingt escadrons de gendarmerie en
Espagne, article 1er, SHD-DAT, Xf 172.
7
Décret du 24 novembre 1809 formant vingt escadrons de gendarmerie en
Espagne, article II. SHD-DAT, Xf 172. Pour lřorganisation de la gendarmerie
dans lřOuest de la France, voir le général Louis Wirion, Règlement de service
pour la gendarmerie formant les 12e, 13e, 14e et 22e divisions militaires,
Rennes, Chausseblanche, an VIII, 607 p. Loi du 28 germinal an VI (17 avril
1798) relative à lřorganisation de la Gendarmerie nationale. Art. 5. Arrêté du
29 pluviôse an VIII qui augmente le nombre des brigades de Gendarmerie
nationale dans les départements de lřOuest. Art. 3.
262 Stratégique
8
À lřépoque, lřinstitution dispose de 2887 brigades réparties sur 750 000
km². Thierry Lentz, Nouvelle histoire du Premier Empire, t. II, L‟effondrement
du système napoléonien (1810-1814), Paris, Fayard, 2004, p. 29. Manuel de la
Gendarmerie impériale, Paris, Impr. Lefebvre, 1810.
9
Vingt dans les Provinces basques, trois en Navarre, trois dans la province
de Santander, quinze en Aragon et trois en Castille. Situation numérique des
escadrons de gendarmerie de lřarmée dřEspagne au 1er janvier 1812. SHD-
DAT, C8 400.
10
Ce projet prévoit ainsi le déploiement de 650 brigades dans les provinces
du nord de la péninsule. Projets de formation des légions de Navarre,
dřAragon et de Biscaye, datés du 22 août 1810. SHD-DAT, Xf 163.
11
Situation numérique des escadrons de la gendarmerie de lřarmée dřEspa-
gne. SHD-DAT, C8 400.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 263
12
Lřauteur réalise une comparaison entre les occupations française en
Espagne pendant lřEmpire et allemande en France entre 1940 et 1944. Paul
Morand, Le Flagellant de Séville, Paris, Fayard, 1951, p. 267.
13
Manifeste de la Junte Suprême, cité par Nicolas Horta Rodriguez, ŖLe-
gislación guerrillera en la España invalidaŗ, Revue internationale d‟Histoire
militaire, 56, 1984, p. 161.
14
Emmanuel Martin, La Gendarmerie française en Espagne et au Portugal,
Paris, Léautey, 1898, p. 76.
15
Loi du 28 germinal an VI (17 avril 1798) relative à lřorganisation de la
Gendarmerie nationale, art. 125.
16
Lettre du 25 octobre 1811 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 83.
264 Stratégique
23
Lettre du 31 octobre 1811 du général Thouvenot au maréchal Berthier.
SHD-DAT, C8 83.
24
Lettre du 21 mars 1812 de lřintendant général Bessières au maréchal
Berthier. SHD-DAT, C8 93.
25
Lettre du 11 septembre 1810 du général Buquet au ministre de la Guerre.
SHD-DAT, C8 55.
26
Décret du 10 mars 1810 du général Thouvenot. SHD-DAT, C8 43.
27
Cette précision est apportée par Joseph-Jacques de Naylies, Mémoires sur
la guerre d‟Espagne, Paris, Anselin, 1817, p. 274.
28
Lettre du 18 septembre 1811 du général Reille au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 81.
266 Stratégique
29
Rapport sur les événements survenus dans le gouvernement de Biscaye du
5 au 10 mars 1811. SHD-DAT, C8 388.
30
Lettre du 28 mars 1810 du général Thouvenot au chef dřescadron de
gendarmerie Vaillant. SHD-DAT, C8 185.
31
Lettre du 26 février 1811 du général Buquet au ministre de la Guerre.
SHD-DAT, C8 66.
32
Lettre du 12 octobre 1810 du général Thouvenot au colonel Foulon, à
Tolosa. SHD-DAT, C8 194.
33
Lettre du 21 mars 1810 du général Thouvenot au chef dřescadron de
gendarmerie Seignan de Sère. SHD-DAT, C8 185.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 267
34
Lettre du 17 mars 1810 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 139. Voir également, Emmanuel Martin, La Gendarmerie fran-
çaise…, p. 134.
35
Lettre du 2 avril 1810 du général Thouvenot au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 139.
36
Rapport du ministre de la Police générale à lřEmpereur en date du 2 juin
1810. Nicole Gotteri, La Police secrète du Premier Empire : bulletins quoti-
diens adressés par Savary à l‟Empereur, t. I, Paris, Champion, 1997, p. 29.
Rapport du ministre de la Police générale à lřEmpereur en date du 8 juin 1810.
Nicole Gotteri, La Police secrète…t. I, p. 38.
37
Lettre du 26 juillet 1810 du général Buquet au ministre de la Guerre. SHD-
DAT, C8 52. Rapport du ministre de la Police générale à lřEmpereur en date
du 4 août 1810. Nicole Gotteri, La Police secrète…, t. I, p. 191.
38
Lettre du 11 août 1810 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 53. Rapport du ministre de la Police générale à lřEmpereur en date
du 22 août 1810. Nicole Gotteri, La Police secrète…, t. I, p. 249.
39
Rapport du 28 août 1810 du général Avril au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 54. Lettre du 28 août 1810 du général Buquet au maréchal Berthier.
SHD-DAT, C8 54.
40
Rapport du 29 août 1810 du général Avril au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 54.
41
Lettre du 8 septembre 1810 du général Thouvenot au maréchal Soult.
SHD-DAT, C8 195.
42
Lettre du 14 septembre 1810 du général Buquet au maréchal Berthier.
SHD-DAT, C8 55. Même lettre au ministre de la Guerre. SHD-DAT, C8 55.
43
Lettre du 11 août 1810 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 53. Même lettre au ministre de la Guerre. SHD-DAT, C8 53.
Lřincertitude demeure sur les responsables de lřarrestation dřAbad. Rapport du
ministre de la Police générale à lřEmpereur en date du 2 juin 1810. Nicole
Gotteri, La Police secrète …t. I, p. 29.
268 Stratégique
44
Correspondances militaires de lřarmée dřEspagne entre 1810 et 1814.
SHD-DAT, C8 38 à 124.
45
Ibid.
46
Certificats médicaux. SHD-DAT, Xf 164, 165 et 171.
47
Lettre du 23 mai 1813 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-DAT,
C8 108.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 269
48
Rapport du ministre de la Police générale à lřEmpereur en date du 8 juin
1813. Nicole Gotteri, La Police secrète…, t. VI, p. 514.
49
Délai calculé sur 20 rapports.
50
Délai calculé sur 43 rapports.
51
Délai calculé sur 40 rapports.
52
Délai calculé sur 21 rapports.
53
Lettre du 26 octobre 1811 du général Buquet au ministre de la Guerre.
SHD-DAT, C8 83.
54
Lettre du 2 août 1810 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-DAT,
C8 53.
270 Stratégique
55
Lettre du 2 novembre 1812 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 102. Même lettre. CHAN, F7 3049.
56
Lettre du 23 mai 1813 du commandant de la place de Tolosa au général
Thouvenot. SHD-DAT, C8 108.
57
Lettre du 30 mai 1810 du général Thouvenot au commandant du 2e
escadron. SHD-DAT, C8 185.
58
Ordre du jour du 15 juin 1810. CHAN, 384AP 76.
59
Lettre du 8 novembre 1810 du général Suchet au maréchal Berthier.
CHAN, 384AP 30.
60
Ordre du jour du 8 décembre 1810. CHAN, 384AP 76.
61
Lettre du 17 octobre 1811 du général Musnier au maréchal Suchet. CHAN,
384AP 104.
62
Lettre du 14 octobre 1811 du lieutenant Foison au général Renouvier.
CHAN, 384AP 104.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 271
63
Lettre du 24 octobre 1811 du maréchal Suchet au maréchal Berthier.
CHAN, 384AP 31.
64
Lettre du 10 janvier 1812 du général Caffarelli au maréchal Suchet.
CHAN, 384AP 107. Rapport du 27 au 31 janvier 1812 du général Buquet au
ministre de la Police générale. CHAN, F7 3049.
65
Rapport du 5 juillet 1812 du général Caffarelli à lřEmpereur. SHD-DAT,
C8 140.
66
Rapport du général Caffarelli adressé à lřEmpereur du 28 janvier 1813.
SHD-DAT, C8 141. Rapport du 21 janvier 1813 du général Thouvenot adressé
à lřEmpereur. SHD-DAT, C8 141.
67
Rapport du 9 février 1813 du général Caffarelli à lřEmpereur. SHD-DAT,
C8 141.
68
Rapport du 29 mars 1813 du général Clauzel à lřEmpereur. SHD-DAT, C8
141.
69
Attaque du 10 avril 1813. Rapport du 12 avril 1813 du général Thouvenot
à lřEmpereur. SHD-DAT, C8 141.
272 Stratégique
70
Rapport du général Caffarelli adressé à lřEmpereur du 28 janvier 1813.
SHD-DAT, C8 141. Emmanuel Martin, La Gendarmerie française…, pp. 157-
158.
71
Lettre du 11 avril 1810 du général Buquet au ministre de la Guerre. SHD-
DAT, C8 45.
72
Lettre du 20 avril 1813 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-
DAT, C8 107.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 273
73
Relevé des bandes qui composent le prétendu (sic) 7e corps de lřarmée
dřEspagne, sous les ordres de Mendizabal, en date du 14 avril 1812. SHD-
DAT, C8 94.
74
Lettre du 1er juin 1812 du général Buquet au ministre de la Guerre. SHD-
DAT, C8 97. Même lettre. CHAN, F7 3049.
75
Lettre du 17 juillet 1812 du général Caffarelli au ministre de la Guerre.
SHD-DAT, C8 98. Rapport du 21 au 25 juillet 1812 du général Buquet au
ministre de la Police générale. CHAN, F7 3049.
76
État par aperçu des bandes dans lřarrondissement de lřarmée du nord de
lřEspagne en date du 18 décembre 1812. SHD-DAT, C8 103.
77
Rapport du général Buquet du 18 janvier 1812. SHD-DAT, C8 140.
78
Francisco Espoz y Mina, Memorias del general don Francisco Espoz y
Mina, t. I, Madrid, 1851-52, p. 203-204.
79
Lettre du 30 octobre 1811 du général Musnier au maréchal Suchet. CHAN,
384AP 104.
274 Stratégique
80
Lettre du 9 octobre 1812 du maréchal Suchet au général Reille. SHD-DAT,
C8 101.
81
Lettre numérotée du 10 novembre 1812 du maréchal Suchet au ministre de
la Guerre. SHD-DAT, C8 102.
82
Rapport du 12 août 1812 du général Buquet au ministre de la Police
générale. CHAN, F7 3049.
83
Lettre du 3 octobre 1812 du général Reille au maréchal Suchet. SHD-DAT,
C8 270.
84
Lettre du 29 octobre 1812 du général Reille au maréchal Suchet. SHD-
DAT, C8 270.
85
Lettre des 30 et 31 janvier 1813 du général Henriod au général Suchet.
CHAN, 384AP 114.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 275
86
Lettre du 7 mars 1810 du général Suchet au général Buquet. CHAN,
384AP 20.
87
Rapport du général Avril au maréchal Berthier en date du 17 septembre
1810. SHD-DAT, C8 56.
88
Rapport du maréchal Berthier à lřEmpereur en date du 5 janvier 1810.
CHAN, AFIV 1623.
89
Lettre du 6 mai 1811 du général Buquet au maréchal Berthier. SHD-DAT,
C8 71.
276 Stratégique
90
Lettre du 21 octobre 1811 du général Buquet au ministre de la Guerre.
SHD-DAT, C8 83. À propos de la proclamation de Mendizabal, voir également
le rapport du ministre de la Police générale à lřEmpereur en date du 7
novembre 1811. Nicole Gotteri, La Police secrète…, t. III, p. 313.
91
Lettre des 30 et 31 janvier 1813 du général Henriod au maréchal Suchet.
CHAN, 384AP 114.
Les gendarmes dans la lutte anti-guérilla en Espagne 277
1
Anonyme, Sedan, souvenirs d‟un officier supérieur, Paris, Heinrischsen,
1883, p. 8.
2
Service historique de la Défense, carton Lx 138.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 281
Le grand élan
Aussitôt quřil fut ministre de lřIntérieur, Gambetta voulut
impliquer lřensemble de la nation dans la guerre : ŖQue chaque
Français reçoive ou prenne un fusil, et qu‟il se mette à la dispo-
sition de l‟autorité : la patrie est en danger !ŗ3 Ces derniers mots
nřétaient bien sûr pas anodins. Pour susciter un sursaut de fierté
nationale et donner une légitimité à la toute jeune République, le
tribun ne pouvait que se référer à la Révolution, durant laquelle
lřabolition de la monarchie et la lutte contre lřenvahisseur
nřavaient pas seulement coïncidé dans le temps, mais avaient
participé de la même logique politique.
Lřappel de Gambetta fut diversement reçu. Le Nord et lřEst
de la France, touchés au premier chef par lřinvasion, fournirent
nombreux groupes de francs-tireurs : Éclaireurs des Ardennes,
Chasseurs de lřArgonne, Montagnards de Revin, Corps franc des
Vosges… À lřinverse, les préfets de Bourgogne, du Jura, des
Cévennes, de la Lozère ou des Pyrénées avouèrent initialement
que les paysans semblaient indifférents au péril, celui de Nantes
allant jusquřà dire quřils préféreraient être Prussiens que soldats
français !4 Mais la situation évolua et des départements aussi
éloignés des zones dřopération que les Hautes-Alpes, lřAriège,
lřAude, le Cantal, la Corse, lřIndre, le Jura, les Landes, le Loiret
ou la Savoie parvinrent à envoyer une unité chacun. LřOuest fut
représenté par les francs-tireurs de la Sarthe ou le corps Cathe-
lineau. Paris, de son côté, contribua doublement à la lutte en
expédiant des corps francs en province et en en alignant bien
3
Cité par Jules Favre, Gouvernement de la Défense nationale du 30 juin au
31 octobre 1870, Paris, Plon, 1871, p. 381.
4
Michael Howard, The Franco-Prussian War, Bury St Edmunds, St
Edmundsbury Press, 2003, p. 235.
282 Stratégique
5
Service historique de la Défense, carton Lx 138.
6
Pour reprendre le titre du livre de François Caron, Paris, Fayard, 1985.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 283
7
Comte de Foudras, Les Francs-tireurs de la Sarthe, Châlons-sur-Saône,
Mulcey, 1872, p. 160.
8
Abbé Sterlin, Souvenirs de la campagne 1870-1871, Montdidier, Radenez,
1872, pp.26-27.
9
Edouard Ledeuil, Campagne de 1870-1871, Châteaudun, 18 octobre 1870,
Paris, Sagnier, 1871, p. 3.
284 Stratégique
10
Comte de Belleval, Journal d‟un capitaine de francs-tireurs, Paris,
Lachaud, 1872, p. 16.
11
E. Capron, Défense de Parmain, Paris, Dentu, 1872, p. 26.
12
Ibid., pp. 22-23.
13
Général de Cathelineau, Le Corps Cathelineau pendant la guerre (1870-
1871), Paris, Amyot, 1871, p. 85.
14
Ibid., p. 319.
15
Belleval, op. cit., p. 78.
16
Ch. Beauquier, Guerre de 1870-1871. Les dernières campagnes dans l‟Est,
Paris, Lemerre, 1873, p. 29.
17
Belleval, op. cit., p. 74.
18
E. Lebrun, Les Prussiens en France pendant la campagne de 1870-1871,
Nantes, Malnoë, 1872, p. 33.
19
Foudras, op. cit., p. 76.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 285
20
Belleval, op. cit., pp. 83-84.
21
Charles Perchet, Les Combats en Bourgogne. Un homme brûlé vif, Dijon,
Demeurat, 1871, p. 2.
22
Cathelineau, op. cit., p. 132.
286 Stratégique
La vie en campagne
L‟habillement
Quřelle débouche sur lřincorporation aux troupes régulières
ou sur la constitution de corps francs, la levée en masse nécessite
dřimmenses ressources matérielles et représente un important
coût à supporter pour un pays partiellement envahi. Les unités de
francs-tireurs sont donc confrontées à diverses difficultés logis-
tiques. Sur le plan vestimentaire, la plus grande diversité prévaut.
Par commodité mais aussi souci identitaire, beaucoup conservent
certains attributs de leurs régions ou pays dřorigine : les Bretons
se remarquent à leur grand chapeau, les Ardéchois à leur ceinture
de flanelle rouge… Plus pittoresques encore, Ŗles francs-tireurs
venus de Montevideo, de Buenos-Ayres, du Brésil portent le
puncho américain, le chapeau de feutre à plume d‟or et le
revolver à la ceintureŗ. Dřautres ont des guêtres jaunes, des capes
grises ou rouges et des chapeaux pointus à rubans ou plumes
dřaigle qui leur donnent Ŗl‟apparence de bandits calabraisŗ.
Dřautres encore, en dépit de leurs épaisses fourrures, ne sont pas
Ŗdes trappeurs de l‟Ouest du grand désert américainŗ mais… des
partisans nantais23 !
Plus la guerre dure toutefois, plus les corps francs tentent
de se donner des tenues adaptées. Dès sa prise de commande-
ment, Cathelineau fixe des normes vestimentaires privilégiant le
noir et le bleu foncé, choix imité par un grand nombre dřautres
groupes de francs-tireurs, dřoù leur sobriquet dř“hirondelles
noiresŗ ou dř“hirondelles de la mortŗ24. Certaines compagnies se
font même donner des uniformes de lřarmée régulière Ŗafin
d‟éviter aux prisonniers le sort que l‟ennemi réserve aux francs-
tireurs, c‟est-à-dire la mort accompagnée d‟horribles torturesŗ25
(sort qui dřailleurs menace des quidams, souvent des maires ou
adjoints peu prompts à céder aux exigences allemandes et pris de
ce fait pour des partisans26). Ainsi équipés cependant, les corps
francs perdent lřavantage de pouvoir se fondre dans la popula-
23
Auguste Foubert, Vandales et vautours ou l‟invasion, par un Franc-tireur
du Corps Lipowski, Rennes, Leroy et fils, 1871, p. 104.
24
Ernest de Lipowski, La Défense de Châteaudun, suivie du rapport officiel,
Paris, Schiller, 1871, p. 6.
25
Belleval, op. cit., p. 78.
26
Abbé Garreau, Les 40 otages de la Prusse à Beaune-la-Rolande, Orléans,
Herluison, 1873, p. 21.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 287
L‟armement
Les besoins des francs-tireurs en fusils et en munitions sont
dřautant plus difficiles à satisfaire quřils sont concomitants à
ceux des armées mises sur pied par le Gouvernement de Défense
nationale et quřune grande quantité de matériel a été perdue lors
des redditions de Sedan, de Strasbourg et de Metz. Pour relever le
défi, le pays déploie des trésors dřénergie. Toutes les ressources
disponibles sont mobilisées, les marins enrôlés à terre et les
arsenaux réorganisés. À Brest par exemple, Ŗles divers services
du port redoublèrent d‟activité (…). Dix mille ouvriers, en
moyenne, furent employés dans les divers ateliers. Là, comme
dans tous les bureaux, le travail de nuit s‟ajouta à celui du jour,
même les jours fériésŗ, ce qui permit non seulement la mise en
état de défense du port breton mais encore Ŗl‟expédition d‟un
matériel considérable aux diverses arméesŗ28. Sans doute faut-il
entendre par là les armées régulières, jugées prioritaires. Les
francs-tireurs, quant à eux, dépendent du bon vouloir des auto-
rités. Le capitaine Wolowski, du corps franc des Vosges, nřa pas
de mal à équiper son bataillon en septembre 1870, car il est
appuyé par le préfet dřÉpinal. Deux mois plus tard cependant,
ayant reçu de Gambetta lui-même la mission de constituer un
escadron dřéclaireurs à cheval, il se heurte à lřintendance mili-
taire de Besançon qui refuse de lui céder chevaux, selles et harna-
chements : il lui faut se rendre à Lyon pour obtenir une demande
écrite du ministre de la Guerre29. En octobre, les Ŗmilitaires en
chambreŗ de Besançon avaient également refusé à Belleval les
Chassepot dont regorgeaient pourtant les magasins, et qui lui
furent cédés après un changement de commandement30. Aussi de
27
Belleval, op. cit., p. 135.
28
P. Levot, Participation du port de Brest à la guerre de 1870-1871, Brest,
Lefournier aîné, 1872, pp. 7 et 32.
29
Ladislas Wolowski, Corps franc des Vosges, Paris, Laporte, 1871, pp. 7-8
et 55.
30
Belleval, p. 90.
288 Stratégique
La nourriture
Les unités irrégulières dont la constitution a été avalisée par
le gouvernement reçoivent de ce dernier une solde : celle des
officiers est la même que dans lřarmée régulière ; pour le reste,
les sergents-majors touchent 1,70 franc par jour ; les sergents
1,40 ; les caporaux 1,20 ; les soldats 1. Un prélèvement uniforme
de 10 centimes par homme et par jour permet de constituer une
cagnotte pour parer aux imprévus, car le versement de la solde est
très aléatoire, soumis quřil est aux péripéties des opérations et à
la disponibilité du numéraire31. En conséquence, les unités
reconnues par le gouvernement ont lřautorisation de procéder à
des réquisitions. Cependant, ce procédé est évidemment très mal
vu de la population, qui doit déjà se plier aux exigences de
lřenvahisseur. En octobre 1870, raconte Foudras, des paysans
beaucerons refusèrent de ravitailler les francs-tireurs : ŖIls parta-
geaient également leur haine entre les Prussiens et nous : comme
les premiers, nous étions des gens incommodes, des gâcheurs de
paille et des brûleurs de bois. La guerre, au fond, ne regardait
pas les paysans (…). Ils faisaient la sourde oreille et n‟en
cachaient pas moins leurs provisions. Pour eux, tout soldat qui
avait besoin de quelque chose était un ennemiŗ32. Or, le soutien
de la population est une carte essentielle dans le jeu des francs-
tireurs. Ils essaient donc de recourir le moins possible aux
réquisitions. Lorsque lřargent manque, il arrive que certains chefs
de corps francs lřavancent sur leurs fonds propres. Là encore, les
raids sur les arrières de lřennemi sont un moyen de se procurer
vivres et ressources financières.
Quant aux groupes constitués au pied levé dans les campa-
gnes, à des fins dřautodéfense, ils nřont généralement pas pu ou
pas voulu demander une reconnaissance officielle et ne reçoivent
31
Ibid., p. 17.
32
Foudras, op. cit., pp. 32-33.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 289
donc pas de subsides : ils doivent vivre sur leurs propres moyens.
Heureusement, leurs besoins logistiques sont bien moindres que
ceux des corps francs reconnus, puisquřils agissent au plus près
de leur cadre de vie ordinaire et ne sont armés que de fusils de
chasse.
LES BLOCAGES
Une situation confuse
Les tensions politiques
Les difficultés rencontrées par les francs-tireurs tiennent
dřabord à leurs relations souvent difficiles avec les autorités
civiles. Ces dernières, on lřa vu, ne font pas toujours preuve
dřesprit dřinitiative, vertu que la désorganisation provoquée par
la défaite et lřinertie héritée de lřadministration impériale ne
favorisent guère. Mais il y a aussi le vent dřostracisme et de
partialité quřamène tout changement de régime. Lřadministration
du Gouvernement de Défense nationale nřéchappe pas à cette
tendance : sa réticence à aider les corps francs est manifeste
lorsque leurs chefs nřappartiennent pas à la mouvance républi-
caine. Tel est le cas de Cathelineau, dont le projet de corps franc
a pourtant été avalisé par le Gouvernement le 22 septembre 1870,
mais dont le nom à connotation contre-révolutionnaire et le
catholicisme militant indisposent le préfet dřAngers : ŖC‟est le
drapeau blanc que vous levez, Monsieur de Cathelineau ; je ne
puis d‟aucune façon me plier à vos désirs (…). Vous parlez dans
votre déclaration de la Sainte Vierge, mais c‟est le paroxysme
religieux ; ne parlez pas de la Sainte Vierge ; dites que la
République (…) est pour le moment le seul gouvernement possi-
ble, et je serai le premier à vous favoriserŗ33. Cathelineau
sřadresse alors au préfet de Nantes, mais ce dernier, prévenu par
son collègue dřAngers, écrit aux maires de Vendée le 25 sep-
tembre pour leur demander de boycotter son entreprise de recru-
tement34. Cathelineau décide alors de plaider sa cause à Tours,
auprès des autorités gouvernementales. Le 28 de fait, Crémieux
envoie aux préfets un rappel à lřordre : ŖIl ne s‟agit en ce moment
que de faire la guerre aux Prussiens, laissons toutes nos opinions
33
Cathelineau, op. cit., p. 17.
34
Ibid., pp. 27-28.
290 Stratégique
35
Ibid., pp. 29-30.
36
Bataille ayant opposé les garibaldiens aux troupes françaises que Napoléon
III avait envoyées en Italie pour protéger les État pontificaux.
37
Belleval, pp. 86-88.
38
Beauquier, op. cit., p. 71.
39
Colonel de Bourgoing, Souvenirs, Nevers, Barthe et Brulfert, 1871, p. 44.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 291
40
Général dřAurelle de Paladines, La Première Armée de la Loire, Paris,
Plon, 1872, pp. 58 et suiv.
41
Belleval, op. cit., p. 32.
42
Ibid., p. 33.
292 Stratégique
Le défaitisme
Sřil est reproché à certains fonctionnaires de jouer aux
soldats et de pécher par excès de bellicisme, dřautres en revanche
sont critiqués pour leur faiblesse, voire pour leur lâcheté.
Lřexemple le plus significatif en est la reddition de Chartres en
novembre 1870, ainsi racontée par Foudras : ŖUne voiture, sur
laquelle flotte un drapeau d‟ambulance, passe rapidement devant
nous : elle emmène le préfet et le maire (…). „Vous n‟allez pas
vous rendre, au moins ?‟, crient les francs-tireurs avec animation
(…). „Non, mes amis, vous pouvez être tranquilles !‟, répond M.
E. Labiche. Une demi-heure ne s‟était pas écoulée que nous
apprenions que le préfet venait de conclure avec le général
Wittich une convention en vertu de laquelle les troupes régulières
et irrégulières pourraient quitter la ville, qui ne serait frappée
d‟aucune contribution en argent, et que les réquisitions ne
devraient être faites que par l‟intermédiaire de la munici-
palitéŗ43. On voit bien ici les motivations du maire et du préfet :
éviter des combats dans Chartres, minimiser le coût de la guerre
pour leurs administrés et éloigner les francs-tireurs qui font courir
à la population le risque de représailles. De notoriété publique en
effet, extorsion, pillage et incendie sont le lot commun des villes
qui résistent à lřenvahisseur. Mais les volontaires qui ont répondu
à lřappel de Gambetta vivent comme une trahison la défection de
fonctionnaires apeurés. Les jours suivants, un article paru dans le
Journal d‟Alençon incrimine la lâcheté du préfet Labiche, lequel
riposte par des manœuvres visant à discréditer les francs-tireurs
auprès de Gambetta et des populations villageoises44.
Lřautre moyen de ne pas combattre est, pour les maires et
les préfets, dřordonner à la garde nationale de déposer les armes.
Cette troupe avait initialement suscité un vif enthousiasme :
ŖPartout demandait-on à grands cris des armes (…). Il y avait, il
faut le dire, dans ces réclamations, une forte dose de fanfa-
ronnade (…). Plus on croyait l‟ennemi éloigné et plus on exigeait
des armes pour une résistance qu‟on s‟imaginait, peut-être de
bonne foi (…), pouvoir lui opposer (…). La suite a malheureuse-
ment prouvé que dans presque toutes les localités, ces fusils (…)
furent livrés aux Prussiens à la première réquisition, ou envoyés
en toute hâte au chef-lieu du département à la première alerteŗ,
43
Foudras, pp. 21-22.
44
Ibid., pp. 62 et 128-129.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 293
50
Belleval, p. 68.
51
Belleval, pp. 92-93.
52
Ibid., pp. 118-119.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 295
53
E. Rambeaux, La Guerre de partisans en Lorraine. Le pont de Fontenoy
(1870-1871), Nancy, Berger-Levrault, 1873, p. 3.
54
Ibid., pp. 6-18.
296 Stratégique
55
Cité par Robert Middelton, Garibaldi et ses opérations à l‟armée des
Vosges, Paris, Balitout, 1871, pp. 14-15.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 297
56
Cité par le général Martin des Pallières, Campagne de 1870-1871. Orléans,
Paris, Plon, 1872, p. 349.
57
Colmar von der Goltz, Gambetta et ses armées, Paris, Imprimerie
Nouvelle, 1877, pp. 428-429.
58
Cité par M. Howard, op. cit., p. 250.
298 Stratégique
59
Robert Middelton, Garibaldi et ses opérations à l‟armée des Vosges, Paris,
Balitout, 1871.
60
Cité par M. Howard, op. cit., p. 250.
61
Jean-Yves Guiomar, L‟Invention de la guerre totale, Paris, Editions du
Félin, 2004, p. 243.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 299
62
Martin des Pallières, op. cit., p. 40.
63
Cathelineau, op. cit., p. 109.
300 Stratégique
64
Ibid., p. 270.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 301
65
Middelton, op. cit., passim.
66
Le Mière de Corvey, Des partisans et des corps irréguliers, Paris, Anselin,
1823, pp. XXVIII-XXIX.
302 Stratégique
67
Cité par Hermann Wartensleben, Feldzug 1870-1871, Operationen der 1.
Armee unter General von Manteuffel von der Kapitulation von Metz bis zum
Fall von Péronne, Berlin, Mittler und Sohn, 1872, pp. 128-129.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 303
Le renseignement
Informateurs civils et réseaux d‟espionnage
Un franc-tireur ne peut guère recourir au renseignement de
contact dans la mesure où sa tactique consiste justement à refuser
de se laisser accrocher par les forces adverses. Il lui faut donc
avoir des informateurs dans la population pour connaître les
mouvements et éventuellement les intentions de lřennemi. Ce
point, essentiel à lřefficacité des guérillas, nřest abordé par aucun
des théoriciens du XIXe siècle lus dans le cadre de cette étude,
sinon sous forme dřallusions sommaires. Ainsi Le Mière de
Corvey note-t-il quřen Espagne, où Ŗtous les habitants servaient
d‟espions à leurs concitoyensŗ, les déplacements des troupes
napoléoniennes et leurs effectifs étaient systématiquement connus
des bandes de partisans, qui Ŗse réunissaient pour être au moins
en nombre doubleŗ69. Mais un tel mode de renseignement
suppose une grande confiance entre la population et les francs-
68
Ledeuil, op. cit., pp. 13-15.
69
Le Mière de Corvey, op. cit., p. 102.
304 Stratégique
70
Belleval, op. cit., p. 72.
71
Foudras, op. cit., pp. 68-69.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 305
72
La reconnaissance peut comporter au besoin lřouverture du feu, lřéclairage
lřexclut.
73
Wolowski, op. cit., pp. 38-39.
74
Bourgoing, op. cit., p. 45.
75
DřAurelle de Paladines, op. cit., p. 253.
306 Stratégique
Surprise
“La surprise diffère de l‟embuscade, écrit Le Mière de
Corvey, en ce que dans l‟embuscade, on attend l‟ennemi, au lieu
que dans la surprise, on le cherche. On peut faire plusieurs
sortes de surprises : surprises de camp, surprises de ville, sur-
prises à un corps en marche, etc.ŗ81. Dans ce registre sřillustra
notamment le Corps franc du Jura, rebaptisé Compagnie des
francs-tireurs volontaires du Doubs après son repli sur Besançon.
Le chef de cette formation était un ancien hussard, le capitaine
Huot, qui était originaire de la région et savait admirablement
exploiter ses couverts forestiers. Il bénéficiait en outre du réseau
de renseignements mis en place en août 1870 par le lieutenant-
colonel de Bigot, chef dřétat-major de la 7e région militaire, dont
les informateurs étaient essentiellement des forestiers et des
facteurs ruraux. Fort de ces atouts, Huot écuma les campagnes
comtoises, se déplaçant constamment pour ne pas être localisé et
sřadjoignant parfois le concours dřautres corps francs pour faire
nombre. À la fin novembre 1870, il intercepta à proximité de
Raze un convoi de 120 prisonniers français gardés par 80 Prus-
siens et libéra ses compatriotes. Il récidiva quelques jours plus
tard dans la région de Noidans-le-Ferroux. Le 11 décembre, à un
79
Auguste Boucher, Récits de l‟invasion. Journal d‟un bourgeois d‟Orléans
pendant l‟occupation prussienne, Orléans, Herluison, 1871, pp. 144-145.
80
Ibid., p. 270.
81
Le Mière de Corvey, op. cit., p. 195.
308 Stratégique
82
Comte de Vitrolles, Notes et souvenirs sur la Garde mobile des Hautes
Alpes, Marseille, Seren, 1872, p. 43.
83
Beauquier, op. cit., p. 59.
84
Ibid., p. 65.
85
Wolowski, op. cit., p. 12.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 309
Coups de main
Lřexemple le plus significatif de coup de main contre une
infrastructure semble être la destruction du pont ferroviaire de
Fontenoy-sur-Moselle, dont nous avons déjà évoqué lřimportance
stratégique. On se souvient que le général commandant la place
de Langres refusa longtemps son concours aux partisans. Dans
lřintervalle, ces derniers harcelèrent lřennemi afin de le plonger
dans la psychose et de lui faire perdre sa liberté dřaction en
lřacculant partout à la défensive. Le stratagème réussit parfaite-
ment, à en juger par cette lettre dřun officier allemand interceptée
le 12 novembre 1870 : ŖLe pays tout entier s‟est levé, la faim et le
mauvais temps décimeront nos armées, et la question des appro-
visionnements deviendra très grave pour nous si les francs-
tireurs réussissent à détruire les lignes de chemin de fer que nous
avons occupéesŗ87. Dans un second temps, les partisans établirent
un camp de refuge et dřinstruction dans les bois situés au Nord de
Lamarche. ŖLes gens du pays (…) croyaient à l‟existence d‟une
dizaine de mille hommes réunis au camp (il n‟y en avait pas trois
cents). Nos partisans laissaient à dessein s‟accréditer ces bruits
et d‟autres bien plus effroyables, tels que les fusillades d‟espions,
la mutilation des prisonniers, etc., etc. Tout cela était répété aux
Prussiens et ceux-ci ne parlaient du camp de Lavacheresse
qu‟avec un sentiment de terreur nullement dissimulé. Les chefs
eux-mêmes s‟en émurent et l‟on renforça les garnisons d‟Epinal,
de Bains, de Mirecourt et de Neufchâteauŗ, écrit Rambaux88.
Le 10 janvier 1871, les partisans reçurent enfin les explo-
sifs qui leur étaient nécessaires. Commença alors une lente infil-
tration sur un itinéraire reconnu de longue date. Elle sřeffectua
surtout de nuit, par un froid glacial accompagné de chutes de
86
Belleval, op. cit., p. 111.
87
Cité par Rambaux, op. cit., p. 8.
88
Ibid., p. 17.
310 Stratégique
89
Ibid., pp. 30-42.
90
Foudras, op. cit., p. 67.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 311
Le combat frontal
Châteaudun, phase préparatoire
Si lřincorporation des francs-tireurs aux armées régulières
ne signifia pas la fin de leurs missions traditionnelles de Ŗpetite
guerreŗ, elle impliquait potentiellement leur participation directe
à la Ŗgrande guerreŗ. Or, dans ce type dřopérations, le courage
des partisans ne compense pas lřinsuffisance de leur structure et
de leur armement. Cřest là une vérité générale que confirme
lřexemple de la bataille de Châteaudun. On se souvient que cette
ville avait servi de base de départ aux francs-tireurs de Paris pour
leurs raids du 5 au 10 octobre 1870. Voulant éradiquer la menace,
les Prussiens marchèrent sur Châteaudun. Les forces françaises
retranchées dans la ville avoisinaient les 2 000 hommes : les 9
compagnies des Francs-tireurs de Paris, soit environ 700 combat-
tants, une compagnie de francs-tireurs de Nantes (150), une autre
de Cannes (50), 5 compagnies de la garde nationale du lieu
(1 000), plus une autre venue de Vendôme. Jusquřau 12 octobre,
les autorités municipales sřétaient montrées particulièrement
coopératives, mais lřapproche de lřennemi changea du tout au
tout leur attitude et elles entreprirent même de désarmer la Garde
nationale. Sřimprovisant alors commandant de la place, le comte
Lipowski fit restituer les armes, demanda des renforts et fit
construire Ŗune série de barricades qui formait une sorte d‟en-
ceinte fortifiée autour de la partie de la ville qui regarde la
plaineŗ91. À cette occasion, raconte le capitaine Ledeuil, les
rapports se tendirent un peu plus entre compagnies franches et
municipalité : ŖLes Francs-tireurs de Paris et des ouvriers (…)
qui, la plupart, n‟étaient pas membres de la garde nationale (…)
ont travaillé jusqu‟à trente-six heures consécutives (…). Et la
municipalité leur créait des embarras quand ils venaient toucher
une indemnité ! „Allez vous faire payer par les francs-tireurs ; ce
sont eux qui vous ont occupés‟, leur répondait-onŗ92.
La bataille de Châteaudun
Le 18 octobre en fin de matinée, les Prussiens surgirent
devant Châteaudun, les uns par la route dřOrléans, les autres par
91
Lipowski, op. cit., p. 7.
92
Ledeuil, op. cit., p. 24.
312 Stratégique
93
Boucher, op. cit., p. 132.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 313
99
DřAurelle de Paladines, op. cit., pp. 258-259.
100
M. X., Souvenirs d‟un capitaine de mobiles, Clermont-Ferrand, Pestel,
1871, p. 16.
101
Belleval, op. cit., p. 43.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 315
Des lâches ?
Simple mobilisé de la Gironde, Ludovic Martiny met pour
sa part en cause la bravoure des francs-tireurs. Il a vu certains
dřentre eux, Ŗgalonnés et empanachésŗ, se pavaner juste après la
bataille de Coulmiers (9 novembre 1870), mais doute quřils aient
contribué à cette victoire française : ŖÀ la vérité, nous avions peu
vu de… ces gens-là la veille et surtout l‟avant-veille. Le bruit de
la mitraille était peut-être contraire au tempérament de ces
messieurs ; et puis j‟ai appris, par la suite, que les francs-tireurs
occupaient toujours l‟extrême-droite des corps d‟armée. Par
exemple, je n‟ai jamais su au juste où était située cette extrême-
102
M. X., op. cit., p. 17.
316 Stratégique
CONCLUSION
Nul ne saura jamais si la stratégie de guérilla généralisée
préconisée par le lieutenant-colonel Chenet en septembre 1870
aurait pu réussir. Elle pouvait se prévaloir du précédent espagnol,
dans lequel les partisans engluèrent lřarmée napoléonienne au
bénéfice du corps expéditionnaire britannique ; mais ils étaient
beaucoup plus nombreux que les francs-tireurs de 1870-1871, et
lřaction britannique bien plus structurée que celle du Gouverne-
ment de Défense nationale. Quoi quřil en soit, il nřest pas certain
que lřincorporation des corps francs aux armées régulières ait été
très judicieuse sur un plan strictement militaire. Ils furent certes
de précieux auxiliaires pour les troupes de ligne, mais au
détriment dřune action de harcèlement sans doute plus dange-
reuse pour les Prussiens. La stratégie eut moins de part à cette
103
Ludovic Martiny, Le Vingt-cinquième mobile, Bordeaux, Crugy, 1871,
pp. 20-21.
Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 317
104
Gérard Chaliand, Stratégies de la guérilla, Lonrai, Grande Bibliothèque
Payot, 1994, p. 24.
105
Voir à ce sujet Thierry Noulens, ŖClausewitz et la guerre révolutionnaireŗ,
in Laure Bardiès et Martin Motte (dir.), De la Guerre ? Clausewitz et la
pensée stratégique contemporaine, Paris, Economica, 2008.
106
J.-Y. Guiomar, op. cit., p. 255.
L’Armée française face à Abdelkrim
ou la tentation de mener une guerre
conventionnelle dans une guerre
irrégulière 1924-1927
Jan PASCAL
A
u cours de la première guerre mondiale, les États
européens se sont livrés à une guerre industrielle
qui a débordé sur le théâtre colonial. À cette
occasion, certaines puissances ont utilisé localement des procédés
de guerre irrégulière comme le Royaume-Uni en Arabie. Parfois
elles nřont pas hésité à sous-traiter la guerre, à lřinstar des
Allemands qui armèrent les bandes dřAbd el-Malek au Maroc
dans lřespoir dřy ruiner le protectorat français. Dès 1919, le
Moyen-Orient, débarrassé du joug turc et sonné par lřabolition du
califat, semble sřembraser contre la tutelle européenne qui se met
en place. Ce mouvement de contestation, qui affecte notamment
la Syrie, finit par avoir des contrecoups au Maghreb où, dès 1921,
lřopération maladroite de pacification espagnole dans le Rif se
transforme en déroute retentissante contre les tribus menées par
Abdelkrim. Dès lors, le maréchal Lyautey, Résident général de la
France à Rabat, sait quřil aura à affronter tôt ou tard les guerriers
du Rif qui bordent la frontière Nord du Maroc utile. De 1921 à
1924, le problème rifain va ainsi sřimposer pour devenir une crise
à part entière puis une véritable guerre en 1925. Il faudra, pour
lřArmée française, une année de combat suivie dřune année de
stabilisation, pour éradiquer les dernières menaces de dissidence
de la région de Fez.
320 Stratégique
1
ŖCette guerre pose un important problème d‟épistémologie stratégique :
fut-elle la dernière campagne coloniale entraînant conquête de style classique,
fut-elle la première guerre révolutionnaire préfigurant un quart de siècles à
l‟avance les luttes de libération ?ŗ Jean-Paul Charnay, La Guerre du Rif -
Dernière campagne coloniale ou première guerre révolutionnaire ?, Paris,
Anthropos, 1984, p 9.
2
Concernant le concept de guerre irrégulière, la définition que donne Gérard
Chaliand de la guérilla nous semble convenir idéalement : ŖForme de conflit
particulier utilisée par le faible contre le fort, la guérilla se caractérise par le
refus du combat frontal décisif, par l‟emploi du harcèlement et de la surpriseŗ.
L‟armée française face à Abdelkrim 321
3
Officiellement, la guerre du Rif française couvre la période du 15 avril
1925 (attaque de la zaouïa dřAmjot) au 27 mai 1926 (reddition dřAbdelkrim).
4
La retraite dřAnoual le 22 juillet 1921 vit la complète déliquescence du
corps de bataille du général Sylvestre qui périt sans livrer bataille avec 12 000
de ses soldats. Abdelkrim récupéra dans cette affaire un important stock
dřarmements et de munitions, encore accru par la reddition de Monte Arrui
dont la garnison fut massacrée.
322 Stratégique
5
Ŗ[…] Le développement d‟Abdelkrim, majoré par ses derniers succès,
constitue une menace d‟autant plus sérieuse qu‟il n‟y a pas là seulement le
point de vue local, mais aussi et surtout tout ce qui vient se greffer là-dessus
d‟interventions et d‟appuis extérieurs tendant à constituer au Nord du Maroc
un État musulman autonome se réclamant d‟Angora [Ankara] et de tout le
nationalisme musulman d‟Afrique du Nord, Égypte comprise. Il est maintenant
hors de doute qu‟autour d‟Abdelkrim, on envisage une action contre nous
succédant à celle contre les Espagnolsŗ. Télégramme du 11 décembre 1924 au
président du Conseil Herriot, ministre des Affaires étrangères.
6
Troupe en armes.
7
Centre de commandement rifain de niveau régional ou local.
8
Gouvernement marocain alors sous tutelle française.
L‟armée française face à Abdelkrim 323
qui sřétendait sur 350 km. En effet, les opérations des GM, menés
par des chefs aussi remarquables que le général Colombat, les
colonels Freydenberg, Cambay ou Noguès, ne produisirent pas
lřeffet stratégique escompté : empêcher les départs en dissidence
des tribus de lřOuergha. En outre, le moindre ravitaillement de
poste prit un caractère exagérément meurtrier9. Celui du Bibane
le 27 mai 1925, coûta plus de 100 morts et 400 blessés, prix à
payer pour débloquer temporairement un poste tenu par 50 hom-
mes qui devait finalement succomber dix jours plus tard. Néan-
moins, contrairement à lřarmée espagnole en 1921, les colonnes
tinrent bon dans cette fournaise insurrectionnelle. À maintes
reprises, elles évitèrent lřanéantissement grâce à la valeur des
bataillons, encadrés par des vétérans de 14-18, et à lřaction effi-
cace de lřaviation. La situation devint si critique que la plupart
des postes avancés furent évacués au profit dřune ligne de retran-
chements faites de points dřappui de niveau bataillon au sud de
lřOuergha. Ce repli tactique nřempêcha pas les infiltrations
rifaines de progresser à lřOuest (secteur dřOuezzane) et à lřEst
(secteur de Taza) en juillet et en août. Lyautey arrêta néanmoins
les Rifains en leur barrant la route de la plaine.
Le haut commandement militaire passa dans les mains du
maréchal Pétain qui obtint plus de renforts et réorganisa le front.
Il y eut désormais, en lieu et place des onze GM qui avaient été
engagés jusque-là, sept divisions. Les effets successifs dřun
débarquement espagnol dans la baie dřAlhucémas, en septembre,
et dřune offensive française, en octobre, achevèrent de renverser
lřinitiative. La mauvaise saison empêcha Pétain dřobtenir un
succès décisif malgré les 160 000 hommes engagés opposés à
15 000 dissidents. Toutefois, Abdelkrim ne put maintenir soudée
sa confédération de tribus qui commença à se déliter durant
lřhiver 1925. Au printemps 1926, la reprise de lřoffensive, cette
fois coordonnée, des forces franco-espagnoles acheva de désorga-
niser la résistance rifaine. Après une tentative avortée de paix
négociée lors de la conférence dřOujda, le front rifain éclata au
point dřabandonner son chef et de le contraindre à se rendre à
9
Pour les chefs des groupes mobiles, le ravitaillement des postes devient un
fardeau tactique qui hypothèque la manœuvre des bataillons. Les dissidents
ont généralement investi le poste en lřentourant de tranchées et dřobserva-
toires. Quand les colonnes arrivent aux abords du poste situé sur la crête, cřest
toute une manœuvre dřattaque en montagne quřil faut organiser pour parvenir
à lřentrée du blockhaus principal.
324 Stratégique
lřArmée française pour éviter le sort peu enviable que lui réser-
vaient les Espagnols désireux de venger les massacres de 1921.
Cependant, les combats nřen finirent pas pour autant, le
morcellement de lřalliance des tribus imposa un effort conséquent
aux troupes européennes. Chaque tribu dut être persuadée de
renoncer à la lutte souvent après un dernier baroud dřhonneur,
prélude à la demande dřaman (pardon) validée solennellement
par la cérémonie de la targuiba10. Enfin, par effet de contagion,
toute soumission de tribu ne put être considérée comme durable
que lorsque son voisinage était définitivement expurgé de la
moindre dissidence. Certes, les amendes de guerre exigées par
famille et la livraison des fusils aux officiers des Affaires indi-
gènes permettaient dřexercer une pression sur les communautés
rentrées de siba (dissidence). Mais lřaction politique dut sřadap-
ter à chaque particularité locale pour éviter de susciter une
nouvelle révolte. Parfois, les tribus furent même réarmées partiel-
lement pour pourvoir à leur autodéfense. De fait, la pacification
du front Nord se poursuivit discrètement jusquřen juillet 1927, où
une opération de police menée par lřarmée française eut raison
des derniers irréductibles de la tribu des Béni Mestara. Ceux-ci
avaient été acculés à la soumission par le bouclage effectif de la
frontière par lřEspagne, désormais capable dřassumer la surveil-
lance dřune zone où elle nřavait jamais mis les pieds auparavant.
Cette épisode final, sans tambours ni trompettes, sřapparente bien
aux derniers soubresauts dřune phase de stabilisation.
10
Cérémonie berbère dřorigine antique lors de laquelle on égorge un taureau
après lui avoir coupé les jarrets pour officialiser la soumission de la tribu.
L‟armée française face à Abdelkrim 325
11
Bataillons dřAfrique constitués par les petits délinquants de métropole que
la nature de leurs fautes nřexcluait pas du service actif.
12
En 1923, le service militaire est de 18 mois et la conscription sřapplique
également aux populations indigènes de Tunisie et dřAlgérie, 1es conscrits
représentent parfois 50 % des effectifs des régiments comme pour les tirail-
leurs algériens, 10 % dřentre eux viennent de métropole et constituent souvent
les gradés dřencadrement qui secondent des officiers dont le bled est lřhorizon
quotidien, à lřexemple fameux du lieutenant de Lespinasse de Bournazel, du
commandant Stefani ou des capitaines Juin et de Lattre.
L‟armée française face à Abdelkrim 327
C
aïds
5 000 hommes
soldés
50 déserteurs européens
Réservoir de 1000 déserteurs marocains
30 000 hommes
50 déserteurs algériens
Réservoir de
60 000 hommes
Harkas
1 000-4 000 hommes
L‟armée française face à Abdelkrim 329
13
Terme marocain désignant une unité de la taille dřun bataillon.
330 Stratégique
14
Jean-Paul Charnay, op. cit., p. 11.
L‟armée française face à Abdelkrim 331
15
Ce chiffre doit être considéré avec précaution. Il ne sřagit pas dřun bloc
cohérent de formateurs partageant la même culture et les mêmes références.
Cřest un conglomérat informe et complexe, une somme totale dřindividualités
très diverses. Le profil type de lřEuropéen va du légionnaire déserteur, ancien
sous-officier de lřartillerie allemande au télégraphiste espagnol capturé à
Anoual et menacé continuellement des pires tortures. Pour les cadres non-
européens, on trouve aussi bien lřex caporal de regulares partis volontairement
que des sergents de tirailleurs algériens capturés et incités à donner des gages
de fidélité en instruisant leurs frères marocains sur le fonctionnement de la
mitrailleuse.
16
Lettre du lieutenant de Perrot datée du 11 juin 1925, in En pleine mêlée
marocaine, un soldat chrétien, Paul de Perrot, p. 218.
332 Stratégique
17
Rapport Delpy. Archives SHD/Terre, série 3H carton n° 106.
18
Une des première leçons tirées par le commandant Deslandes, commandant
le 2/1er RE, concerne lřattitude à avoir contre les Rifains embusqués, même si
cela doit nuire à la sacro-sainte discipline de tir en vigueur dans lřArmée
française : Ŗl‟ennemi étant peu visible, il est nécessaire que chaque tireur se
tienne à l‟affût et tire de lui-même quand il aperçoit quelque choseŗ. .JMO
2/1er RE Archives SHD/Terre, série 34N carton n° 310.
19
Rapport du Colonel Boutry. Archives SHD/Terre, Série 3H Carton N° 106.
L‟armée française face à Abdelkrim 333
Photos
Cette incapacité première à prendre lřascendant tactique sur Pascal.
20
Rapport du colonel Boutry. Archives SHD/Terre, série 3H carton n° 106.
334 Stratégique
21
Rapport du général Vanbremeersh, Archives SHD/Terre, série 3H carton
n° 106.
22
Une étude des pertes de la 128e division dřinfanterie du 1er septembre 1925
au 15 février 1926, donne, pour un peu plus de 6 mois, un total de 133 tués,
246 blessés ayant nécessité une évacuation, 12 disparus ou déserteurs et 798
malades. Lřattrition au combat (tués, blessés et disparus) représente donc 391
L‟armée française face à Abdelkrim 335
25
Général Catroux, Lyautey le Marocain, p. 253.
26
Il fallut lřexpertise du chef du 2e bureau de lřEMG, le colonel Dumont, qui
soutint le colonel Catroux, alors chef du 2e bureau de lřEM de Fez, pour ne pas
détruire cet outil de maillage territorial dirigé par le colonel Huot, dont Pétain
pensait quřil avait failli à anticiper lřinsurrection.
27
Capitaine Schmidt commandant le 16e Goum mixte avec pour adjoint le
lieutenant de Bournazel, capitaine Maestracci commandant le 10e Goum
mixte.
L‟armée française face à Abdelkrim 337
*
* *
28
Lettre du général de Chambrun, commandant la région de Fez au colonel
Huot, commandant le territoire dřOuezzane, datée du 15 juin 1927, SHD
Terre, série 3H, carton n° 2297.
338 Stratégique
1
Viet Nam Quoc Dan Dang : Ligue Nationale du Viet-nam.
Guerre d‟Indochine : guerre régulière ou guerre irrégulière ? 343
2
Il avait pour but de permettre une sortie de crise honorable. Conçu sur deux
ans, il imposait pour lřannée 1954 une attitude strictement défensive au nord
du 16e parallèle et résolument offensive au sud (opération Atlante). Après
avoir pacifié le sud, 1955 devait permettre de reprendre lřinitiative au nord,
tous moyens réunis.
346 Stratégique
… SANS Y PARVENIR
Les écarts par rapport au droit de la guerre
Lřenjeu principal de la guerre dřIndochine fut la popula-
tion. La conquête des territoires, la destruction des forces mili-
taires de lřadversaire ne sont que des étapes plus ou moins néces-
saires qui conduisent à la victoire finale. Aura gagné celui qui
maîtrisera la population, que ce soit par la crainte ou par lřintérêt.
La notion de milieu dřaction, la question des prisonniers, le statut
du civil découlent de cette priorité.
3
5 000 Français, 5 400 légionnaires, 5 000 Nord-Africains, 1 000 Africains,
14 000 Autochtones des FTEO et 15 200 autochtones des FAVN.
Guerre d‟Indochine : guerre régulière ou guerre irrégulière ? 351
4
Chiffre contesté par la partie française qui estime les pertes à 2 500
personnes civiles.
352 Stratégique
*
* *
La guerre dřIndochine est donc une guerre aux multiples
facettes quřil est bien difficile de faire entrer dans une catégorie.
Elle coûta aux forces franco-vietnamiennes 100 000 tués et
disparus, dont 28 000 Français métropolitains, 12 000 légion-
naires, 45 000 Indochinois et 15 000 Africains. Guerre révolu-
tionnaire, guerre de décolonisation, elle devient conflit périphé-
rique de la guerre froide à partir de 1950 pour le camp commu-
niste et de 1953 pour le camp occidental, à la fin de la guerre de
Corée. Les deux camps bénéficient alors du soutien technique
plein et entier de leurs amis respectifs. Sans lřaide chinoise, le
Viêt-minh nřaurait jamais triomphé à Dien Bien Phu ; sans lřaide
américaine, lřarmée française nřaurait jamais tenu si longtemps
ses positions.
Cependant, cette guerre change de nature au fil des ans, à
partir du moment où le Sud trouve une certaine cohérence
politique. À partir de 1953, lřarmée vietnamienne devient opéra-
tionnelle et elle peut sřengager au profit de son gouvernement
pour remettre en place une administration nouvelle. Le conflit
dresse alors lřarmée vietnamienne contre lřarmée Viêt-minh et
lřadministration vietnamienne contre lřadministration Viêt-minh :
tous les rouages sont en place pour que cette guerre devienne une
guerre civile, qui ne sřachèvera quřavec la prise de Saïgon en
1975. Or, une guerre civile ne peut être régulière, tant elle va
puiser au fond de lřhomme toute la haine dont il est capable.
Le rôle des bases aéroterrestres
dans la lutte contre la guérilla
Philippe KIRSCHER
1
William Mitchell constate cependant, dès lřaprès-première guerre mon-
diale, les effets de lřaviation sur les situations insurrectionnelles : Ŗen Méso-
potamie, en Irak comme on dit, la force aérienne gère l‟occupation militaire
du pays d‟une manière très semblable à celle des armées dans le passé. Le
résultat de cette occupation a été très satisfaisant. Les avions survolent le pays
en toute liberté, sont en mesure d‟écraser des soulèvements, de transporter des
troupes là où l‟on a besoin d‟elles au sol et de couvrir beaucoup plus de
terrain avec moins d‟effortŗ. Gérard Chaliand, Anthologie mondiale de la
stratégie, Paris, Robert Lafont, 1990, p. 1151.
358 Stratégique
4
Patrick-Charles Renaud, Aviateurs en guerre. Afrique du Nord Sahara
1954-1962, Paris, Grancher, 2000.
5
Voir la description de Déodat du Puy Montbrun ancien chef de corps du
Groupe dřhélicoptères nþ 2 en Algérie dans L‟Honneur de la guerre, Paris,
Albin Michel, 2002, p. 152. Lřauteur, ancien chef de maquis en France
occupée et en Indochine, souligne - selon lui - à quel point les Français
nřavaient pas de véritable guérilla face à eux (p. 176), notamment parce que le
FLN ne réunissait pas la totalité de la population.
Le rôle des bases aéroterrestres dans la lutte contre la guérilla 361
6
En termes dřaire de responsabilité, chaque base couvre en Algérie une zone
dřenviron 40 000 km2 (Sahara compris, soit beaucoup moins pour lřAlgérie
utile), contre environ 20 000 km2 aujourdřhui en Afghanistan.
7
François dřOrcival, Jean-François de Chaunac, Les Marines à Khe Sanh,
Paris, Presses de la Cité, 1979.
8
Fire Support Base.
9
Forward Operational Base.
362 Stratégique
10
David Johnson, Learning Large Lessons. The Evolving Roles of Ground
Power and Air Power in the Post Cold War Era, Santa Monica, RAND Corpo-
ration, 2007, p. 14.
11
Benjamin S. Lambeth, The Transformation of American Air Power, RAND
Corporation Cornell /University Press, p. 52.
12
Joseph Henrotin, L‟Air power au XXIe siècle. Enjeux et perspectives de la
stratégie aérienne, Bruxelles, Bruylant, 2005.
13
Dans sa période dřactivité la plus dense, cette base met en œuvre dans des
conditions très rudes de lřordre de huit hélicoptères de transport CH-46E,
quatre CH-53E, six UH-1N, et six hélicoptères dřattaque AH-1W.
Le rôle des bases aéroterrestres dans la lutte contre la guérilla 363
14
Selon des conceptions chères au général américain Deptula.
364 Stratégique
15
David E. Johnson, Learning Large Lessons The Evolving Roles of Ground
Power and Air Power in the Post Cold War Era, Santa Monica, RAND
Corporation / project Air force, 2007.
16
Selon le site answers.com.
17
Antoine-Henri Jomini, Précis de l‟art de la guerre, Paris, Perrin, 2001,
p. 241.
Le rôle des bases aéroterrestres dans la lutte contre la guérilla 365
Base dřappui moderne (en bas à gauche), la base de Tarin Kowt, dans
le sud de lřAfghanistan, contrôle la vallée du Tarin et celle du Daru, au pied
des monts Chora. Elle permet la mise en œuvre dřhélicoptères dřappui Apache
et dřartillerie à longue portée. Cette dernière recouvre ses feux avec la base de
Deh Rawod, à plus de 50 kms de là (© Googleearth).
18
Ibid, p. 247.
366 Stratégique
21
Patrick-Charles Renaud, Aviateurs en guerre. Afrique du Nord Sahara
1954-1962, Paris, Grancher, 2000
22
Ce sont notamment les drones, les images satellites et, au sens large, les
moyens Istar (intelligence, satellites and targeting), couplés aux systèmes de
commandement automatisés.
23
Autorisée depuis la guerre du Viet-nam par le ravitaillement en vol.
368 Stratégique
24
18 B 52 et B 2 effectuent, dans la première phase de la guerre, 10 % des
missions, à raison de 4 à 5 missions/jour, et larguent 65 % des munitions
utilisées.
370 Stratégique
1
Colonel Némo, ŖLřorganisation de la guérilla et des forces régulièresŗ,
Revue militaire générale, avril 1957, p. 528.
2
SHD 10 H 3776, Circulaire n° 41-S/CAB/E/CIR du 21 novembre 1952.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 373
3
SHD 10 H 2575, Note de service n° 1271/FTVN/INSP/FS du 7 novembre
1953.
4
SHD 10 H 3525, Etat des soldes des ralliés du commando SR du sous-
secteur Sud de Tourane.
5
SHD 10 H 3525, Bordereau dřenvoi nþ 419/HC du 25 juin 1952.
6
SHD 10 H 3525, Fiche sur un interrogatoire de rallié, 8 mai 1952.
7
TD : Trung Doan, régiment vietminh.
374 Stratégique
8
SHD 1 H 2581, Directive particulière concernant les redditions et rallie-
ments du 15 mars 1957.
9
Idem
10
SHD 10 H 3776, Fiche à lřattention de M le conseiller aux affaires
politiques du haut commissaire, 31 mai 1951.
11
SHD 10 H 5476, Note de service n° 93/2.3.FS du 3 janvier 1950.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 375
12
SHD 10 H 5476, Note de service n° 93/2.3.FS du 3 janvier 1950.
13
SHD 10 H 3776, Lettre n° 1112/C3.S du 17 septembre 1951.
14
SDH 10 H 3525, Fiche dřinterrogatoire, Le Trung Tuyen, non datée.
376 Stratégique
15
SHD 7 U 812, Fiche de document n° 968/2 du 25 janvier 1954.
16
SHD 1 H 2467 d6, Directive particulière concernant les ralliements, 3°
bureau, document non daté, non signé.
17
SHD 1 H 2581, Note de service n° 5284/EM.10/2-RIDO du 6 décembre
1956.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 377
23
Nam Dinh (Tonkin)
22
Idem, p. 92.
23
Hugues Tertrais, Atlas des guerres d‟Indochine 1940-1990, éditions
Autrement, 2004, p. 6.
24
Lieutenant-colonel Carré, art. cit., p. 95.
380 Stratégique
25
Idem, p. 96.
26
Lors de cet entretien, le colonel Vy refuse dřémettre un avis sur la
personnalité de lřadjudant-chef Vandenberghe. Il cite les propos tenus par le
capitaine Barral, leur commandant de compagnie au 6e RIC, en 1948 : ŖRoger
Vandenberghe était un homme sans culture, sachant à peine lire et écrire, à
qui il fallait des circonstances assez extraordinaires pour révéler ses talents.
Ceux qui l‟ont connu ne se sont jamais expliqué comment ce garçon lourdaud
et taciturne pouvait soudainement devenir subtil et exubérant dès qu‟il sentait
approcher la bataille. Un pouvoir mystérieux le saisissait. On disait de lui
qu‟il devinait sans comprendre.
Son ascension ne s‟est pas faite sans un dur apprentissage qu‟il s‟est volon-
tairement imposé pour parfaire ses connaissances techniques. Son insertion
dans l‟environnement “partisan-supplétifŗ a été en revanche immédiatement
acquise. Dans le cadre d‟une unité régulière, aussi longtemps qu‟il a été
commandé et contrôlé, Vandenberghe est resté le sous-officier modèle,
discipliné et hardi. Mais plus tard, à la suite de ses succès, il a été acculé à un
chemin sans retour par une publicité tapageuse, des encouragements malheu-
reux, et des complaisances contraires aux traditions de l‟arméeŗ.
27
Lieutenant-colonel Carré, art. cit., p. 97.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 381
28
SHD 10 H 3776, Lettre n° 47/JV-ED/720 du 22 mars 1951.
29
SHD 10 H 3776, Fiche n° 2022/IFS/4 du 23 mai 1951.
30
SHD 10 H 3776, Lettre n° 1835/SPDN du 30 mai 1951.
31
SHD 1 H 2581, Fiche n° 208/RM10/6/SC du 10 mars 1958.
382 Stratégique
32
SHD 1 H 2581, Note de service n° 803/DO/BP du 15 novembre 1956.
33
SHD 1 H 2581, Fiche du bureau psychologique du 21 mars 1957.
34
SHD 1 H 2581, Note de service n° 404/EM10/PSY/GP du 15 mai 1957.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 383
35
SHD 1 H 2581, Note de service n° 2688/CAC/SY du 12 septembre 1957.
36
SHD 1 H 2581, Lettre n° 066/EM10/5/GP du 10 janvier 1958.
37
Idem.
384 Stratégique
38
Raoul Gaget, Commando Georges, Paris, Granchet, 2000, p. 15.
39
Raoul Gaget, op. cit., p. 51.
40
SHD 1 H 1301 d1, Note de service n° 598/RM.10/3.OPE du 29 mars 1956.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 385
41
Le corps d‟armée d‟Oran et la région de Saïda
41
Guy Pervillé, Cécile Marin, Atlas de la guerre d‟Algérie, de la conquête à
l‟indépendance, Paris, Éditions Autrement, 2003, p. 31.
386 Stratégique
42
Raoul Gaget, op. cit., p. 71.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 387
43
Raoul Gaget, op. cit., p. 124.
44
Archives privées.
45
Raoul Gaget, op. cit., pp. 111-112.
388 Stratégique
46
SHD 1 H 1924 d1, Note de service n° 248/CAA/3.INS du 22 janvier 1962.
47
SHD 1 H 1260 d1, Note de service n° 926/CSFA/EMI/I/EFF du 12 mars
1962.
48
SHD 1 H 1260 d1, Note n° 1144/CM du 5 avril 1962.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 389
49
Le MNA est crée par Messali Hadj en 1954, peu après les attentats de la
Toussaint. Le FLN, créé par Ahmed Ben Bella, au Caire en novembre 1954,
sřoppose au MNA, quřil juge trop modéré. Les deux mouvements indépendan-
tistes vont se lancer dans une concurrence sanglante pour gagner le soutien des
travailleurs algériens en métropole mais aussi en Algérie. Plusieurs milliers
dřhommes et de femmes auraient péri lors de ces combats.
50
Cité par Alistair Horne, Histoire de la guerre d‟Algérie, Paris, Albin
Michel, 1991, p. 230.
390 Stratégique
51
Général Jacquin, ŖBellounis : un boomerangŗ, Historia Magazine n° 238,
aout 1972, pp. 1329-1334. Cité par Chems Ed Din, L‟Affaire Bellounis,
histoire d‟un général fellagha, Éditions de lřaube, 1998, p. 105.
52
Cité par Chems Ed Din, op. cit., p. 35. Les fautes dřorthographe et de style
ont été conservées.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 391
53
Cité par Chems Ed Din, op. cit., p. 267
392 Stratégique
54
Le village de Melouza et la zone d‟action de Bellounis
54
Guy Pervillé, Cécile Marin, op. cit., p. 25.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 393
55
Si Chérif est alors âgé de 32 ans. Il avait passé onze ans dans lřarmée
française dont deux séjours en Indochine. Il avait été capturé par le FLN dans
une embuscade alors quřil servait dans les spahis. Après avoir été employé
comme coolie, il avait rejoint les rangs de la rébellion et était devenu chef de
la Wilaya 6 dont le noyau était formé de Kabyles.
56
SHD 1 H 1707 d1, Fiche du 2e bureau du 15 juillet 1958
57
SHD 1 H 1707 d1, Instruction personnelle et secrète n° 1046/TS du
23 juillet 1957 relative à la coopération de Si chérif à la lutte contre la FLN
58
SHD 1 H 1707 d1, Fiche du 2e bureau sur les contre-maquis, 2 août 1957.
394 Stratégique
59
SHD 1 H 1707 d1, Fiche du 2e bureau du 15 juillet 1958.
60
SHD 1 H 1707, Annexe à la lettre n° 885/ZSA/1 en date du 11 mai 1958.
61
SHD 1 H 1707, Lettre n° 885/ZSA/1 en date du 11 mai 1958.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 395
62
SHD 1 H 1707, Fiche n° 7618/EM/10/2/RIDO du 28/12/1957
63
SHD 7 U 786 d11, Statut et organisation des FAFM, pièce n° 4.
64
SHD 7 U 786 d11, Statut et organisation des FAFM, pièce n° 4.
65
SHD 7 U 786 d11, Statut et organisation des FAFM, annexe 3 à la lettre
n° 2585/ZSA/I/FA.IS du 11 septembre 1959.
396 Stratégique
*
* *
66
SHD 7 U 786 d11, Lettre n° 1199/3 du 5 juillet 1961.
67
SHD 1 H 1707, Note n° 60/TS/SNA/Cab du 29 juin 1961
68
SHD 1 H 1320 d1, Lettre n° 1852/CSFA/EMI/3 OP/E du 24 mais 1962.
Les supplétifs et ralliés en Indochine et en Algérie 397
1
ŖIls se disent de « Vieux Africains ». Vieux, en effet, pas tellement par l‟âge
mais plutôt par l‟esprit. Ils seraient tout à fait aptes à faire face à une révolte
du genre de celle d‟Abd el-Kader. Ils sont beaucoup moins à l‟aise devant la
subversion. Ils ne la conçoivent pasŗ. Colonel Godard, Les Paras dans la ville.
Mais de manière schizophrénique, cette armée dřAfrique est aussi lřarmée des
affaires indigènes et des régiments de tirailleurs.
2
Directive du 14 mai 1955 du général Cherrière.
3
Raoul Salan, Mémoires : Fin d‟un Empire, tome 3, Algérie française,
Paris, Presses de la Cité, 1972.
Les incohérences de la contre-guérilla française en Algérie 401
4
Le général Guillaume, chef dřétat-major général, et le général Zeller, chef
dřétat-major de lřarmée de terre, demandent à être relevés de leurs fonctions.
402 Stratégique
5
Raoul Salan, op. cit., p. 49.
Les incohérences de la contre-guérilla française en Algérie 403
6
ŖJe crois comme une vérité historique que, dans un temps plus ou moins
lointain, l‟Afrique du Nord se détachera de la métropole. Il faut qu‟à ce
moment-là - et ce doit être le suprême but de notre politique - cette séparation
se fasse sans douleur et que les regards des indigènes continuent toujours à se
tourner avec affection vers la France. À cette fin, il faut dès aujourd‟hui nous
faire aimer d‟euxŗ. Lyautey, le 14 avril 1925, devant le Conseil de la politique
indigène. www.islam-maroc.gov.ma
404 Stratégique
Victoire à la Pyrrhus
Lřarrivée au pouvoir du général de Gaulle sonne le glas de
la guerre psychologique. De Gaulle lui-même considère ces
théories comme puériles (“Foutez-moi la paix avec votre guerre
subversive. On ne peut à la fois manier la mitraillette, monter en
7
Directive de janvier 1957. Les interrogatoires doivent être Ŗpoussés à fondŗ
(note du 11 mars 1957).
Les incohérences de la contre-guérilla française en Algérie 405
8
Jean-Raymond Tournoux, cité par Paul et Marie-Catherine Villatoux, La
République et son armée face au “péril subversifŗ, Paris, Les Indes savantes,
2005, p. 551.
9
Pierre Messmer, Après tant de batailles, 1992, Paris, Albin Michel, p. 271.
10
Colonel Langlais alias Simplet, ŖGuerre révolutionnaire, guerre psycho-
logique ou guerre tout courtŗ, Revue militaire d‟information, n° 309, octobre
1959.
11
Jacques Duquesne, Comprendre la guerre d‟Algérie, Paris, Perrin, 2003, p.
189.
406 Stratégique
12
Le 22 décembre 1960, le général Parlange, créateur des SAS et inspecteur
des camps de regroupement, demande à être démis de ses fonctions, constatant
le décalage entre le rythme de formation des camps et celui des fonds qui leur
sont alloués.
13
Dans cette expérience fictive, le physicien Erwin Schrödinger imagine un
chat enfermé dans une boîte fermée avec un système aléatoire de désinté-
gration atomique qui a une chance sur deux de le tuer au bout dřune minute.
Selon la théorie quantique, tant que lřouverture de la boîte nřest pas faite, le
chat est simultanément vivant et mort. Cřest lřouverture (cřest-à-dire lřobser-
vation) qui provoque le choix de lřétat.
14
Cette expression est généralement attribuée à Sir Gérard Templer, haut-
commissaire en Malaisie de 1951 à 1954.
Les incohérences de la contre-guérilla française en Algérie 407
15
François-Marie Gougeon, The “Challe Planŗ, counter-insurgency opera-
tions in Algeria, 12/1958-04/1959, Master of military studies, Command and
staff college, Marine Corps University, Quantico, Virginia, 22134-5068.
L’artillerie dans la lutte
contre-insurrectionnelle en Algérie
1954 – 1962
Norbert JUNG
1
Bibliothèque de lřÉcole de guerre. Les Cahiers de l‟artillerie du premier
semestre 1957 au premier semestre 1961.
L‟artillerie dans la lutte de contre-insurrection en Algérie 411
2
Auteur anonyme, document extrait du fonds de documentation du Service
historique de la défense.
412 Stratégique
3
ŖLřartillerie dans les opérations en Algérieŗ, Cahiers de l‟Artillerie,
1er semestre 1957.
L‟artillerie dans la lutte de contre-insurrection en Algérie 413
4
QR/AB/10e RM/Commandement de lřartillerie/Note Nþ28/ART.10/3-OPE
du 16 janvier 1958
L‟artillerie dans la lutte de contre-insurrection en Algérie 415
5
Almanach de l‟artillerie, 2002.
L‟artillerie dans la lutte de contre-insurrection en Algérie 417
6
Fédération nationale de lřartillerie, Artilleur en Algérie 1954-1962, Paris,
Lavauzelle, 2007.
418 Stratégique
7
Cahiers de l‟artillerie, 2e semestre 1959. Extrait du compte rendu du
commandant de groupement ayant participé à lřopération K 19 dans la zone de
Sidi Ali Bou Nab visant 2 Katibas de la Wilaya dřAmirouche.
L‟artillerie dans la lutte de contre-insurrection en Algérie 419
8
Français de souche européenne.
420 Stratégique
9
Section Administrative Spécialisée, plus particulièrement chargée de la
pacification.
10
Sous-lieutenant de Kermoal, Cahiers de l‟artillerie, 1960.
422 Stratégique
11
P. Pellissier, Saint-Cyr-Génération Indochine-Algérie, Paris, Plon.
L‟artillerie dans la lutte de contre-insurrection en Algérie 423
*
* *
12
Le général dřarmée Monchal, chef dřétat-major de lřarmée de terre 1991-
1996. Officier dřartillerie parachutiste en Algérie 1956-1960.
Les trois guerres de Robert McNamara
au Viet-nam (1961 – 1968) et les
errements de la raison dans un conflit
irrégulier
Jean-Philippe BAULON
1
Robert S. McNamara, In Retrospect. The Tragedy and Lessons of Viet-
nam, New York, Random House, 1995 (traduction française : Avec le recul. La
tragédie du Viet-nam et ses leçons, Paris, Le Seuil, 1996).
426 Stratégique
2
Deborah Shapley, Promise and Power. The Life and Times of Robert
McNamara, Boston (Mass.), Little, Brown & Co., 1993 ; Abraham Zaleznik,
ŖThe Education of Robert S. McNamara, Secretary of Defense, 1961-1968ŗ,
Revue Française de Gestion, n°159, 2005.
3
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers. The Complete and
Unabridged Series as Published by the New York Times, New York, Bantam
Books, 1971. Il existe une édition complète des Pentagon Papers : Mike
Gravel (ed.), The Pentagon Papers. The Defense Department History of the
Viet-nam War, 5 vol., Boston (Mass.), Beacon Press, 1971.
4
David Halberstam, The Best and the Brightest, New York, Random
House, 1972 (traduction française : On les disait les meilleurs et les plus
intelligents, Paris, R. Laffont, 1974) ; Stanley Karnow, Viet-nam : A History,
New York, Penguin Books, 1997 (1ère edition : 1983).
5
Harry G. Summers, On Strategy : A Critical Analysis of the Viet-nam
War, New York, Dell Publishing, 1982 ; H.R. McMaster, Dereliction of Duty.
Les trois guerres de Robert MacNamara 427
Lyndon Johnson, Robert McNamara, the Joint Chiefs of Staff, and the Lies
that Led to Viet-nam, New York, Harper Collins, 1997.
6
Fredrik Logevall, Choosing War. The Lost Chance and the Escalation of
War in Viet-nam, Berkeley (Cal.), University of California Press, 1999 ; Brian
Vandemark, Into the Quagmire : Lyndon Johnson and the Escalation of the
Viet-nam War, New York, Oxford University Press, 1995.
7
Robert McNamara, Avec le recul, pp. 48-50.
428 Stratégique
11
Alain Enthoven, K. Wayne Smith, How Much Is Enough ? Shaping The
Defense Program, 1961-1969, New York, Harper & Row, 1971 ; Desmond
Ball, Politics and Force Levels : The Strategic Missile Program of the
Kennedy Administration, Berkeley (Cal.), University of California Press, 1980.
430 Stratégique
12
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 146-153.
Les trois guerres de Robert MacNamara 431
13
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 202-204.
14
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 283-284.
15
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 210-213.
432 Stratégique
16
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 271-274.
Les trois guerres de Robert MacNamara 433
17
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 352-353.
434 Stratégique
18
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 373-378.
19
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 513-518.
Les trois guerres de Robert MacNamara 435
20
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 423-427.
21
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 575-578.
22
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 456-458.
436 Stratégique
23
Les Marines proposèrent une Ŗstratégie dřenclavesŗ comme alternative à
lřattrition privilégiée par Westmoreland ; cette stratégie de contre-insurrection
reposait sur lřassociation dřéquipes américaines aux milices vietnamiennes,
pour assurer la défense permanente de zones définies. Adrian R. Lewis, The
American Culture of War. The History of U.S. Military Force from World War
II to Operation Iraqi Freedom, New York, Routledge, 2007, pp. 256-257.
24
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 606-609.
25
Russell F. Weigley, The American Way of War. A History of United
States Military Strategy and Policy, Bloomington (Ind.), Indiana University
Press (1ère edition : 1973), pp. 256-258 ; selon Weigley, les États-Unis aban-
donnèrent alors une approche non-conventionnelle du conflit (qui était celle de
Kennedy) et revinrent à la culture de leurs forces armées, privilégiant la
recherche de lřanéantissement des forces ennemies.
Les trois guerres de Robert MacNamara 437
26
Adrian R. Lewis, The American Culture of War, p. 259.
27
Thomas C. Schelling, The Strategy of Conflict, Cambridge (Mass.),
Harvard University Press, 1960 (traduction française : Stratégie du conflit,
Paris, PUF, 1980).
Les trois guerres de Robert MacNamara 439
28
Adrian R. Lewis, The American Culture of War, pp. 252-254.
440 Stratégique
29
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 500-501.
30
David Halberstam, The Best and the Brightest, pp. 643-644.
Les trois guerres de Robert MacNamara 441
31
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 542-551.
32
Paul N. Edwards, The Closed World : Computers and Politics of
Discourse in Cold War America, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1997, pp. 3-
8 ; Gregg Herken, Cardinal Choices. Presidential Science Advising from the
Atomic Bomb to SDI, Stanford (Cal.), Stanford University Press, 2000,
pp. 151-156.
442 Stratégique
Le temps du départ
Après les espoirs angoissés de 1965, la quête dřalternatives
en 1966, lřannée 1967 fut celle de la dissension officielle,
McNamara se désolidarisant de la stratégie menée au Viêt-Nam.
Le tournant fut sans doute la demande de 200 000 hommes sup-
plémentaires par Westmoreland, en mars 1967 ; ceci supposait de
mobiliser la garde nationale et laissait prévoir une extension de la
guerre, une offensive contre les sanctuaires Viêt-Cong situés hors
du Sud-Viêt-Nam33. Ces recommandations des militaires provo-
quèrent un débat interne à lřAdministration. Dans un mémoran-
dum adressé à Lyndon Johnson, le 19 mai 1967, McNamara
mentionna explicitement lřéchec des bombardements pour inflé-
chir le Nord-Viêt-Nam et insista sur la montée des oppositions à
la guerre, tant aux États-Unis que dans le monde34. Cette prise de
distance vis-à-vis dřune politique qui continuait à être approuvée
par le Président coïncidait avec une situation de plus en plus
précaire de McNamara au Pentagone : sur plusieurs sujets, les
chefs militaires Ŕ auparavant divisés Ŕ faisaient front contre lui ;
dans les relations exécrables entre les forces armées et la direc-
tion politique, cette dernière était désormais sur la défensive.
Johnson ne tint pas compte de lřopinion de McNamara. Le secré-
taire à la Défense perdit même de lřinfluence sur le Président par
son pessimisme désormais assumé.
Robert McNamara révéla donc publiquement son désaccord
sur la stratégie suivie au Viêt-Nam. En août 1967, devant la
33
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 556-560.
34
Neil Sheehan (ed.), The Pentagon Papers, pp. 577-585.
Les trois guerres de Robert MacNamara 443
35
Robert McNamara, Avec le recul, pp. 275-283.
36
Deborah Shapley, Promise and Power, pp. 459-460.
444 Stratégique
A
ccroître la mobilité tactique des unités sur le champ
de bataille et soutenir le rythme du combat par
lřutilisation de vecteurs aériens retrouve une acuité
fondamentale dans les conflits actuels. Espace ultime dřaffronte-
ment des volontés, le champ de bataille de nos anciens a changé
radicalement de visage au cours du siècle dernier. Autrefois zone
délimitée par lřopposition de forces équivalentes en un front
quasi toujours linéaire, ce dernier a cédé la place à un Ŗespace de
batailleŗ où sřopposent des dispositifs exploitant la profondeur et
au sein duquel les forces agissent dans les trois dimensions.
Ainsi, Ŗla troisième dimension tactique […] est bien devenue
consubstantielle à l‟efficacité des forces terrestresŗ1. Les évolu-
tions du siècle dernier ont été telles que lřon parle désormais de
combat aéroterrestre, au sein duquel le chef exploite dřemblée
lřespace aérien surplombant le champ de bataille, afin soit dřanti-
ciper lřaction de lřadversaire, soit dřagir contre lui en combinant
1
Général Desportes, ŖLa troisième Dimension Tactiqueŗ, revue dřétudes
générales Doctrine, janvier 2008, p. 3.
446 Stratégique
2
S.H.D. Terre, Enseignements de la Guerre dřIndochine du Commandement
en Chef en Extrême-Orient, communément désigné sous le nom de Ŗrapport
Elyŗ.
3
Lieutenant Delachoue, ŖHélicoptères en Indochineŗ, Forces aériennes
françaises, avril 1952, p. 64
448 Stratégique
4
Rapport du Commandement de lřA.L.O.A. cité par Paul Gaujac dans
ŖLřAviation légère de lřarmée de terreŗ, Revue Historique des Armées n° 4,
1992, p. 6.
Les détachements d‟intervention héliportés 449
5
Rapport des missions en Corée et au Japon, ŖÉtude des formations
d‟hélicoptères de l‟armée de Terre américaineŗ, décembre 1953, cité par Paul
Gaujac dans ŖDu parachute à lřhélicoptère de combatŗ, Revue Historique des
Armées n° 4, 1992, p. 66.
450 Stratégique
8
P. L. Garnier, art. cit.
452 Stratégique
9
2 016 rebelles mis hors de combat, 648 prisonniers et plus de 700 armes
saisies au cours de 453 actions de combat.
Les détachements d‟intervention héliportés 453
10
La mise à terre sřeffectuera en quatre rotations de cinq paras par héli-
coptère, soit une section au complet, sur un piton culminant à 2 330 mètres, le
tout en un temps si court que la décision est emportée au sol en une dizaine de
minutes.
454 Stratégique
11
Adjudant en 1944, il gravira tous les échelons de la hiérarchie jusquřà celui
de colonel en participant à toutes les campagnes, dont celles dřEurope au sein
du 11e Choc.
Les détachements d‟intervention héliportés 455
12
Instruction n° 448/emi/3/op du 30 décembre 1959 sur les opérations
héliportées en Algérie.
13
Paul Gaujac, ŖLřaviation légère de lřarmée de terreŗ, Revue historique des
armées, n° 4, 1992, p. 14.
14
Cité par Paul Gaujac, art. cit., p. 14.
456 Stratégique
15
Cité par Paul Gaujac, art. cit.
Les détachements d‟intervention héliportés 457
17
Cité par Paul Gaujac, art. cit.
Les détachements d‟intervention héliportés 459
18
Cité par Paul Gaujac, art. cit., p. 10.
L’avion à hélice dans la lutte
anti-guérilla, archaïsme ou avenir ?
Jean-Christophe GERVAIS
1
Missions ŖArc Lightŗ.
462 Stratégique
L’entre-deux-guerres
Tout au long des années vingt et trente, la Grande-Bretagne
est confrontée à une série dřinsurrections au Moyen et au Proche-
Orient, ainsi quřen Afrique de lřEst : Somaliland en 1919-1920,
Mésopotamie en 1921-1922, frontière nord-ouest des Indes en
1928, Aden (Yémen) en 1933, Palestine en 1936. La Royal Air
Force formule alors la doctrine de lřAir Control, prétendant sou-
mettre des pays immenses avec la seule aviation, épaulée par de
maigres troupes terrestres montées sur automitrailleuses.
La France nřest confrontée quřà deux rébellions, mais
celles-ci sont de grande envergure. La plus bénigne est la révolte
druze de 1924, au Levant (actuelle Syrie). La plus grave est la
guerre du Rif, dont les tribus sont regroupées par Abd-el-Krim de
1921 à 19254.
Français et Britanniques engagent, pour ces opérations de
Ŗpolice colonialeŗ, presque toujours des avions légers : De
Havilland DH.95 ou Breguet XIV B.2, tous deux des bombardiers
biplans biplaces, armés de mitrailleuses à la fois fixes (tirant dans
lřaxe de lřavion) et mobiles servies par un mitrailleur en place
arrière. Leur lenteur constitue un avantage, car elle leur permet de
2
Gaston Bouthoul, Traité de polémologie. Sociologie des guerres, Paris,
Bibliothèque scientifique Payot, 1970.
3
Stéphane Ferrard, ŖLes Britanniques et lřAir Controlŗ, Défense & Sécurité
Internationale (DSI) n° 34, février 2008, pp. 86-89.
4
Simone Pesquiès-Courbier, ŖLa guerre du Rifŗ, Icare, n° 121, 1987,
pp. 50-105.
5
David J. Dean (lieutenant-colonel), Airpower in Small Wars. The British
Air Control Experience, Maxwell, Air University Press, 1985.
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 463
Indochine (1946-1954)
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cřest juste
après la seconde guerre mondiale que la France connaîtra sa
deuxième guerre coloniale dřimportance en Indochine, de 1946 à
1954. La guerre mondiale a suscité la construction dřune incroya-
ble variété dřappareils de tous types, dans tous les pays, et en
quantité jamais vue. Mais la France, hors jeu dès juin 1940, nřa
pratiquement plus dřindustrie aéronautique en 1945 et doit utili-
ser des appareils de provenance étrangère, tant des anciens alliés
que des anciens ennemis. Ce sont des avions :
japonais (Najikama Ki-43) ;
allemands (Junker Ju-52 renommé AAC1 ŖToucanŗ,
Fieseler 156 Storch renommé Morane-Saulnier MS
500 ŖCriquetŗ, Siebel Si. 204 renommé NC 701
Martinet ;
britanniques (Vickers-Supermarine Spitfire7, De Havil-
land Mosquito8) ;
et surtout américains, les États-Unis finançant vers la
fin de la guerre 80 % de son coût, par une aide finan-
cière ou en matériels : P-63 Kingcobra, Grumann F6F
Hellcat, Grumann F8F Bearcat, B-26 Invader, Douglas
6
James S. Corum, ŖThe Myth of Air Control. Reassessing the Historyŗ, Air
& Space Power Journal, vol. XIV, n° 4, hiver 2000.
7
Claude A. Pierquet, Les Spitfire français, Rennes, éditions Ouest France,
1980, p. 19.
8
Mister Kit et Jean-Pierre de Cock, De Havilland Mosquito, Paris, Atlas,
collection spéciale la dernière guerre, 1979, p. 42.
464 Stratégique
Malaisie (1948-1960)
A la même époque, confrontés en Malaisie à une guérilla
qui dure de 1948 à 1960, les Britanniques emploient les mêmes
tactiques, mais avec des avions de fabrication nationale, souvent
les mêmes (Spitfire, Mosquito). Vieillissants et souffrant beau-
coup du climat tropical, ils sont rapidement remplacés par des
avions à réaction, dont la Grande-Bretagne est le leader mondial
en 1945. Fidèles à leur tradition de déplacer les troupes par air,
les Britanniques utilisent désormais des hélicoptères livrés par les
Américains, plus adaptés pour déposer les commandos dans des
clairières en pleine jungle. Il sřagit, là encore, dřune première
mondiale.
9
Charles-Patrick Renaud, Aviateurs au combat. Indochine 1950-1954, Paris,
Grancher, 2004, p. 143.
10
Martelly (Commandant), ŖLes enseignements aériens de la Campagne
dřIndochineŗ, Forces Aériennes Françaises, n° 35, août 1949, p. 589.
11
Charles-Patrick Renaud, op. cit., p. 20.
12
Jean-Pierre De Cock et Mister Kit, F6F Hellcat, Paris, Atlas, 1981, p. 2.
13
J. Salini, ŖEn Indochine sur Bearcat (2e partie)ŗ, Le Piège, n° 150,
septembre 1997, pp. 25-30.
14
Charles-Patrick Renaud, op. cit., p. 16.
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 465
Algérie (1954-1962)
Lorsque la guerre dřAlgérie éclate en 1954, les Français,
dont lřindustrie aéronautique a repris sa place dans les premières
du monde, tirent parti de cette expérience. Les hélicoptères sont
utilisés à grande échelle, dans les divisions dřintervention héli-
portées (DIH), pour le transport des troupes, notamment les
Vertol-Piasecki modèle 43 Ŗbanane volanteŗ. Lřarmée de lřAir
expérimente, pour les escorter, un hélicoptère Sikorsky armé, le
Pirate. La Ŗchasse lourdeŗ mérite bien son nom, avec des avions
à réaction (Republic F-84 Thunderstreak, SNCASE 532 Mistral)
parfois imposants (SNCASO 4050 Vautour biréacteur) épaulés
par des avions à hélice. Le P-47 Thunderbolt, qui nřavait pu être
déployé en Indochine du fait de son poids15, sert intensément de
1954 à 195916, mais son heure de gloire remonte à 1943, et il se
fait vieux. Il est remplacé en 1959 par un autre appareil améri-
cain : le Douglas AD-4 Skyraider. Conçu en 1944 comme bom-
bardier-torpilleur, monoplace pour maximiser la charge offen-
sive17, il a été reconverti dans lřattaque au sol lors de la guerre de
Corée (1950-1953) où il sřest montré supérieur à tous les autres
modèles. Il se montre si valable en Afrique saharienne quřil y
restera jusquřen 1976-1977, tant au Tchad quřà Djibouti, pour
être remplacé par les biréacteurs SEPECAT Jaguar.
Lřarmée de lřAir développe à un niveau sans précédent
lřaviation anti-guérilla, avec les escadrilles dřavions légers
dřappui (EALA), dotées dřavions dřécole ou de liaison sommai-
rement armés de mitrailleuses et de roquettes. Après avoir expéri-
menté divers modèles français18, la standardisation du matériel est
obtenue par lřachat en 1956 aux Etats-Unis dřun important lot
15
Patrick Facon (dir.) Regards sur l‟aviation militaire française en Indo-
chine : 1940-1954 : recueil d‟articles et état des sources, Vincennes, Service
Historique de lřArmée de lřAir, 1999.
16
Lucien Robineau (général), ŖChasse lourde sur les djebelsŗ, Revue histo-
rique des armées n° 2, 1992, pp. 59-65.
17
Enzo Angelucci et Paolo Matricardi, Multiguide aviation – Les avions 5/
L‟ère des engins à réaction – U.S.A., Japon, U.R.S.S., etc., Elsevier Sequoia,
1978, p. 52.
18
Patrick Facon, ŖLřadaptation de lřarmée de lřair à la guerre dřAlgérie : la
lutte antiguérillaŗ, in Patrick Facon, Francois Pernot, Philippe Vial (dir.),
Regards sur l‟aviation militaire française en Algérie, 1954-1962, recueil
d‟articles et état des sources, Vincennes, Service Historique de lřArmée de
lřAir, 2002, p. 37.
466 Stratégique
Viet-nam (1963-1975)
La guerre dřAlgérie se termine en 1962, et lřannée suivante
lřengagement des Américains au Viet-nam passe à la vitesse
supérieure. Initialement, ils pensent vaincre la guérilla en utilisant
les avions qui sřétaient révélés les plus efficaces avec les
Français : B-26 Invader, Skyraider rebaptisé A-1. Mais, trente
ans après leur construction, ces appareils sont à bout de potentiel
et doivent être retirés pour cause de fatigue des structures.
Lřappui-feu est désormais assuré par des jets à réaction : North
American F-100 Super Sabre, Mac Donnell F-4 Phantom, etc.
Les mêmes causes quřen Algérie produisent les mêmes effets : en
raison de leur vitesse, ils ne voyaient la plupart du temps pas
lřennemi, et déversaient leur charge de bombes ou de napalm à
lřemplacement marqué avec des roquettes fumigènes par un
contrôleur aérien avancé (Forward Air Controler ou FAC), à
bord dřun avion lent à hélice. Dřabord, ce fut le Cessna O-1 Bird
Dog monomoteur, puis le Cessna O-2, version militaire du
Cessna 337 Skymaster, bimoteur à la curieuse configuration
Ŗpush-pullŗ. Enfin, des modèles spécifiquement conçus pour
lřusage militaire virent le jour : Grumann OV-1 Mohawk et North
American (Rockwell) OV-10 Bronco. Ces bimoteurs dřaspect
plus classique se caractérisaient par une verrière débordant
largement sur les côtés, ce qui facilitait lřobservation vers le bas.
Comme les Français en Algérie, les Américains transformè-
rent en avions antiguérilla les aéronefs les plus lents dont ils
disposaient. Du biréacteur léger dřentraînement T-37, ils tirèrent
le A-37 Dragonfly, économique et efficace. Surtout, comme les
Français en Indochine, ils utiliseront leurs avions de transport
pour des missions offensives, assez peu avec des bombes
(Fairchild NC-123), mais surtout avec des mitrailleuses et canons
19
Jean-Pierre De Cock et Mister Kit, Le T-6 dans la guerre d‟Algérie, Paris,
Atlas, 1981, p. 43.
20
Patrick Facon, ŖLřadaptation de lřarmée de lřair à la guerre dřAlgérie : la
lutte antiguérillaŗ, op. cit, p. 37.
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 467
montés sur le flanc gauche, donc tirant sur le côté. Ces appareils
seront baptisés du terme générique Ŗgunshipŗ (canonnière). Leurs
performances et leur armement iront sans cesse croissant : au
AC-47 dérivé du C-47 Dakota de la seconde guerre mondiale
succéderont les AC-119G Shadow (ombre) et AC-119K Stinger,
dérivés du C-119 Flying Boxcar, et enfin la famille des AC-130
Spectre, dérivés du C-130 Hercules. La dernière version, le AC-
130U, est encore en service de nos jours, notamment en Irak.
La particularité de la guerre du Viet-nam est lřemploi
intensif des hélicoptères, au point quřon lřa baptisée ŖThe First
Helicopter Warŗ. Bien que cet engin ait été conçu en France en
1907, il nřest parvenu au stade de la production en grande série
que grâce à la puissance de lřindustrie américaine. Les héli-
coptères au Viet-nam remplirent presque tous les usages confiés
aux avions dans les conflits précédents : transport de troupes et
évacuation sanitaire (Bell UH-1 Huey), transports logistiques
(Boeing-Vertol CH-47 Chinook birotor), sauvetage au combat
(Sikorsky HH-3 Jolly Green Giant ou CH-53) et combat, avec des
mitrailleuses et des roquettes (UH-1E Iroquois puis AH-1
Cobra). Ces machines firent preuve dřune extraordinaire souples-
se, mais aussi dřune grande vulnérabilité aux tirs venus du sol,
surtout à partir de 1972 et de lřapparition des missiles sol-air
portables à guidage infrarouge SA-7 aux mains des Viêt-Congs.
Afghanistan (1979-1989)
Quatre ans à peine après lřévacuation en catastrophe du
Viet-nam par les derniers Américains en 1975, ce sera au tour de
lřURSS de sřattaquer à un petit pays en pensant remporter une
victoire facile : lřAfghanistan, en décembre 1979. Les missiles
sol-air (SA-7 fournis par la Chine ou Stinger fournis par les
Etats-Unis) reçus en grande quantité par la résistance feront un
carnage dans lřaviation soviétique, bien davantage que les canons
anti-aériens. Les seuls avions à hélice présents sur le théâtre
seront les avions de transport, mais toutes les générations de
chasseurs-bombardiers à réaction seront représentées : MiG-17,
MiG-21, MiG-23. Ce sera surtout le premier emploi opérationnel
du Sukhoï 25 Frogfoot, biréacteur dřattaque doté de multiples
points dřemport qui constitue lřéquivalent du Fairchild A-10
américain, un Ŗcamion à bombesŗ rustique mais terriblement
efficace. Lřindustrie aéronautique soviétique ayant conçu les plus
468 Stratégique
21
ŖNon seulement les batailles tendent à se répéter sur des sites proches les
uns des autres (…) mais il arrive aussi fréquemment qu‟elles se déroulent
exactement au même endroit pendant de très longues périodes de l‟histoireŗ.
John Keegan, Histoire de la guerre (du néolithique à la guerre du Golfe),
Paris, Dagorno, 1996, p. 101.
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 469
22
Jean-Louis Promé, ŖQuel type dřavion pour la lutte anti-guérilla ?ŗ,
Défense & Sécurité Internationale, n° 34, février 2008, pp. 82-85.
470 Stratégique
1. Motorisation
Lřappareil est à hélice, cřest un fait acquis, pour pouvoir
patrouiller le plus lentement possible et observer ce qui se passe
au sol. Reste à déterminer quel type de moteur doit lřéquiper. De
toute évidence, le moteur à pistons appartient à lřhistoire. Au XXIe
siècle, il nřest pas raisonnable dřenvisager autre chose quřun
turbopropulseur. Celui-ci permet en effet de mieux doser la puis-
sance délivrée, dřun régime de croisière économique aux brutales
accélérations qui sont nécessaires lors des phases de combat.
Une controverse peut alors surgir entre tenants du mono-
moteur et du bimoteur. Ce dernier présente une sûreté supplé-
mentaire, car il est bien peu probable que les deux moteurs soient
victimes dřune panne ou soient touchés par lřennemi, ce qui
permet au bimoteur de rentrer Ŗsur une jambeŗ à sa base ou de se
dérouter vers un terrain de secours, ou au moins de regagner une
zone contrôlée par des troupes amies pour abandonner lřappareil.
Avec de lřentraînement, il est tout à fait possible de piloter un
bimoteur sur un seul moteur, en compensant la dérive par le
manche et le palonnier.
Le bimoteur est préférable, car avec des moteurs dřun
modèle courant il lui est possible dřatteindre un rapport puis-
sance/poids élevé, comme le B-26 ou le Pucara, ce qui est le
gage dřune grande agilité dans les évolutions brutales, et lui
donne une marge de sécurité quand il doit évoluer plus bas que
les reliefs les plus élevés dans les zones montagneuses.
2. Voilure
Une attention toute particulière devra être portée à ses
surfaces mobiles, becs de bord dřattaque ou volets au bord de
fuite, celles-ci ayant un impact très important sur la portance.
Cela lui permettra de combiner une vitesse de pointe élevée avec
une vitesse dřapproche des plus réduites, en vue de se poser sur
des pistes courtes.
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 471
3. Train
Les volets permettant un atterrissage court devront être
conjugués avec un train dřatterrissage particulièrement solide et
rustique, permettant dřopérer à partir de terrains sommaires. Le
train nřa pas besoin dřêtre très massif, il peut être relativement
léger, mais doté dřamortisseurs efficaces, sur le modèle de ceux
du Fieseler Storch ou du IA-56 Pucara.
4. Équipage
Biplace ou monoplace ? La première solution semble la
plus judicieuse, si lřon se réfère à lřexpérience des T-6 en
Algérie. En effet, pour laisser le pilote se concentrer sur les
manœuvres de lřappareil, il faut impérativement quřil y ait un
second membre dřéquipage, remplissant la fonction dřobserva-
teur. Le terme de Ŗnavigateur officier de systèmes dřarmesŗ
(NOSA) semble moins approprié, car est déjà employé pour les
avions de combat à réaction. Cet observateur-radio se concentre-
rait, lui, sur le repérage (visuel ou électronique) de lřennemi ou
des troupes alliées au sol, les liaisons phoniques ou de données
avec ces derniers, sa base et les autres aéronefs alliés évoluant à
proximité, et éventuellement la mise en œuvre de lřarmement.
5. Ergonomie
Le biplace étant acquis, quelle configuration adopter ? En
tandem, cas le plus fréquent depuis la Grande Guerre, ou côte à
côte ? La seconde solution maximise la communication entre les
membres dřéquipage. En repérage visuel, ils peuvent plus sponta-
nément se répartir les secteurs à observer, comme les veilleurs
sur la passerelle des navires, en fonction de leur côté du fuselage.
Lřélargissement de la cabine que cela suppose peut être modéré,
sřil se limite à la verrière qui déborde de chaque côté, comme sur
le Fieseler 156 ou le OV-1. En tout état de cause, il ne saurait
nuire excessivement aux performances aérodynamiques en aug-
mentant la section du fuselage et la traînée associée. En effet, la
traînée est proportionnelle à la vitesse, et nous avons vu que
celle-ci est réduite.
472 Stratégique
6. Sécurité
Une sécurité maximale devra être offerte à lřéquipage, pour
maintenir sa motivation. En effet la mission dřappui au sol a
toujours été la plus dangereuse.
Les réservoirs, les moteurs et lřéquipage devront être proté-
gés par un blindage. Les matériaux synthétiques ayant fait
dřénormes progrès, ce blindage pourra, comme sur le Super
Tucano, être majoritairement en kevlar plutôt quřen acier, ce qui
permettra un allègement de poids. Les membres dřéquipage
devront être munis de sièges éjectables Ŗzéro/zéroŗ23.
7. Équipements électroniques
Ce qui est primordial, cřest la qualité des liaisons de
lřappareil. En effet, moins que tout autre type dřaéronef, lřavion
antiguérilla nřagit pas isolément, dans un combat solitaire comme
celui du chasseur de défense aérienne. Outre les classiques
liaisons HF et VHF, il est nécessaire quřil dispose dřune liaison
numérique, via une antenne satellitaire. Son appareillage élec-
tronique, également mis en œuvre par lřobservateur, inclura un
FLIR et un GPS. Un radar de suivi de terrain est un matériel trop
onéreux pour notre avion à coût réduit.
Ce qui est primordial, cřest que lřappareil soit doté dřune
liaison de données du type liaison 16 (MIDS) afin de pouvoir
contribuer à dresser la Common Operational Picture (COP). En
effet, lřavion antiguérilla nřopère jamais totalement seul, comme
il a déjà été dit. Il compte donc, pour repérer lřennemi, non seule-
ment sur ses propres capteurs mais sur ceux des autres aéronefs
en vol, avec lesquels il est en contact permanent. Cela lui permet
de nřintervenir quřà coup sûr, et au cours dřune patrouille de
maximiser ses chances de pouvoir attaquer. Sřil est lřéquivalent
moderne du B-26 ou du Skyraider, le rôle que tenaient les MS.
500 ou les T-6 est désormais assuré par les drones bien plus que
par des aéronefs pilotés. La dissociation du Ŗcapteurŗ qui localise
lřennemi et de Ŗlřeffecteurŗ qui lřattaque nřest pas nouvelle.
23
Cřest-à-dire pouvant être utilisés à vitesse et altitude nulles, même lorsque
lřappareil est immobile au parking.
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 473
8. Armement de bord
En ce qui concerne lřarmement, le canon semble sřimposer.
Les mitrailleuses de petit calibre (7,5 millimètres) des T-6 ou les
armes lourdes (12,7 millimètres) des P-47 se sont souvent avérées
manquer de puissance. A lřinverse, un calibre de 30 millimètres
est idéal contre des engins (aéronefs, blindés) mais excessif pour
sřen prendre à des insurgés souvent légèrement équipés. Le
calibre de 20 millimètres semble le meilleur compromis entre le
poids et lřefficacité, si lřon en juge par les passes de Ŗstrafingŗ
dévastatrices des F8F Bearcat, des SNCASE Mistral ou des
Douglas A-1 Skyraider. Pour que ses tirs soient prolongés, ne
reproduisons pas le handicap du Spitfire en Indochine, qui ne
pouvait tirer que 15 secondes ! Chaque canon devra être appro-
visionné à 450 coups au moins, voire jusquřà 600.
En ce qui concerne leur nombre et leur emplacement, de
manière un peu paradoxale, la disposition semble plus importante
que le nombre. Celui-ci pourra être de deux, trois, voire quatre,
mais pas au-delà. Contrairement à la plupart des appareils de
lřhistoire de lřaviation, cet armement ne sera pas fixe et concentré
dans le nez (ou sur les flancs du fuselage), mais en tourelle orien-
table, pour pouvoir être pointé indépendamment des évolutions
de lřappareil. Davantage quřau Pucara, il ressemblera au B-26, et
encore plus au Northrop P-61 Black Widow24, mais inversé. Ce
chasseur de nuit américain de la seconde guerre mondiale, le seul
conçu expressément pour cet emploi par les États-Unis au cours
du conflit, avait en effet pour armement principal25 quatre canons
de 20 millimètres placés dans une tourelle télécommandée située
sur le dos du fuselage, qui nřétait pas commandée par le pilote
mais par un mitrailleur-observateur, suivant les indications de
lřopérateur radar. Cette configuration laissait libre le nez pour y
installer le radar26. La tactique de chasse aux bombardiers de nuit
de lřépoque consistait en effet à voler parallèlement à la cible,
24
Veuve noire, surnom de lřaraignée venimeuse du désert du sud-ouest
américain.
25
Celui-ci était complété par quatre mitrailleuses lourdes de plus petit calibre
(12,7 millimètres) fixes, tirant dans lřaxe de lřappareil, placées dans une
nacelle ventrale.
26
Enzo Angelucci et Paolo Matricardi, Multiguide aviation – Les avions 4/
La seconde guerre mondiale – U.S.A., Japon, U.R.S.S., etc., Bruxelles,
Elsevier Sequoia, 1978, p. 103.
474 Stratégique
9. Charge offensive
Outre ses armes de bord, qui sont souvent le dernier
recours, lřappareil devra être en mesure dřemporter la panoplie la
plus vaste possible dřarmements : roquettes, bombes à guidage
laser ou GPS déjà évoquées, missiles air-sol.
La proposition de certains constructeurs de doter leur
appareil de missiles air-air pour lřautodéfense, comme le A-67
Dragon, est une vue de lřesprit : par définition, la guérilla nřa pas
de chasse à opposer à notre avion antiguérilla. Ce dernier nřa pas
vocation à être employé dans un conflit classique, pour ne pas
L‟avion à hélice dans la lutte anti-guérilla 475
27
Jean-Jacques Patry, ŖPuissance aérienne et engagements non-
conventionnelsŗ, Défense nationale et sécurité collective, n° 6, juin 2007,
pp. 89-96.
476 Stratégique
CONCLUSION
Lřavion lent à hélice, parfaitement adapté à la lutte anti-
guérilla, rétablira un peu lřéquilibre, en donnant aux pilotes
occidentaux une efficacité supérieure contre les rebelles, et en
diminuant dans une certaine mesure les risques quřils encourent.
Il pérennisera aussi lřaviation pilotée, qui dans certains projets est
menacée dřêtre purement et simplement remplacée par une flotte
de drones armés (Unmanned Aerial Combat Vehicle, UCAV). Or
nous avons vu, par des expériences anciennes de quatre-vingt-dix
ans (Air Control) ou très récentes (Afghanistan), que dans la
guerre insurrectionnelle moins que dans toute autre, on ne peut se
permettre les Ŗdommages collatérauxŗ qui dressent la population
locale contre les troupes étrangères. Lřintelligence artificielle du
robot, ou son contrôle à distance, ne sont et ne seront sans doute
jamais capables dřapprécier la situation locale aussi bien que le
pilote présent au-dessus du théâtre des opérations.
L’appui aérien
dans le cadre de la guerre irrégulière
Olivier ZAJEC
1
Une partie de lřargumentaire présenté ici Ŕ sous une forme complétée et
augmentée - trouve son origine dans lřétude Puissance aérienne et théâtre
urbain de juillet 2007, réalisée par lřauteur au profit du Centre dřétudes
stratégiques et aérospatiales.
478 Stratégique
2
Voir les programmes Foreign Internal Defense (FID) américains.
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière 479
3
Parameters, revue doctrinale de lřUS Army, été 2007
480 Stratégique
4
William Dean III, USAF Air Command and Staff College, ŖLes guerres
limitées et le futur de lřarme aérienne : enseignements de lřhistoire récenteŗ,
Penser les ailes françaises n° 12, CESA, janvier 2007.
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière 481
5
Improvised Explosive Device, engin explosif improvisé (bombe artisa-
nale, commandée à distance le plus souvent).
482 Stratégique
bien être, non pas lřopposition stérile entre deux logiques cultu-
relles, mais bien la combinaison des moyens aériens et terrestres,
les premiers venant en appui des deuxièmes Ŕ ou les deux fonc-
tionnant de manière totalement intégrée - de manière à atteindre
un effet final adéquat. Si lřon prend un exemple français, on
constatera que la Ŗdoctrine interarmées de lřappui aérienŗ de
lřÉtat-major des Armées (EMA) entend conserver à cette notion
dřappui un caractère générique et donc ouvert : ŖAppui aérien :
ensemble des actions menées par une composante disposant de
moyens aériens au profit d‟une autre composante agissant sur
terre ou sur mer, pour obtenir un effet fixé sur un objectif de
niveau opératif ou tactique, tout en recherchant un emploi opti-
misé des forcesŗ6. Lřapplication de cette définition à lřéventail
des capacités de lřarmée de lřair peut être résumée à quatre
grands domaines :
- Transport (logistique, évacuation sanitaire, etc.) ;
- Renseignement (reconnaissance, surveillance, obser-
vation, identification) ;
- Opérations psychologiques, guerre électronique ;
- Appui-feu (Air Interdiction et Close Air Support).
6
Doctrine interarmées de l‟appui aérien, PIA n°03.233, titre 1 : lřappui
aérien par le feu, État-major des armées, division emploi, n° 798/DEF/EMA/
EMP.1/NP du 25 juillet 2006.
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière 483
7
Renseignement dřorigine électromagnétique.
484 Stratégique
8
Doctrine interarmées de lřappui aérien, PIA nþ03.233, Titre 1 : lřappui
aérien par le feu, État-major des armées, division emploi, n° 798/DEF/
EMA/EMP.1/NP du 25 juillet 2006
9
Lieutenant-colonel Todd G. Kemper, USMC, Aviation Urban Operations,
Are we training like we fight ?, Air War College Maxwell Paper n° 33 Air
University Press, Maxwell Air Force Base, Alabama, septembre 2004.
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière 485
10
Grace Jean, ŖCombat Drills Stress Air-Ground Coordinationŗ, National
Defense Magazine, juillet 2007.
11
Sandra I. Erwin, ŖAir-Ground Coordination in the Battlefield Found
Lackingŗ, National Defense Magazine, juillet 2007.
12
Joint Direct Attack Munition, tirée sur coordonnées.
13
Joint Fires Officer (JFO)
14
Voir les critiques du lieutenant-colonel Phil M. Haun, de lřUSAF, ŖThe
Nature of Close Air Support in Low Intensity Conflictŗ, Air & Space Power
Journal, automne 2006.
486 Stratégique
15
Colonel de lřUSMC Lawrence Roberts cité dans ŖArmy, Air Force
Should Combine Combat Trainingŗ, National Defense Magazine, juillet 2007.
16
Remotely operated video enhanced receiver, permettant aux forces terres-
tres de recevoir des données transmises par des senseurs aériens, drones ou
avions de combat, quelles que soient les conditions.
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière 487
17
Lieutenant-colonel de Courrèges, Givre et Le Nen (EMAT), ŖZone
urbaine et engagements futurs : une autre approcheŗ, Doctrine, n°10.
L‟appui aérien dans le cadre de la guerre irrégulière 489
18
Colonel Jean-Christophe Noël, ŖLa puissance aérienne et les conflits
asymétriquesŗ, Penser les ailes françaises, n° 12, janvier 2007.
Des armes maudites
pour les sales guerres ?
L’emploi des armes chimiques
dans les conflits asymétriques
Olivier LION
1
Une arme chimique est une arme utilisant au moins un produit chimique
toxique pour les êtres humains (et souvent pour les animaux) et parfois pour
les végétaux. Les agents de guerre chimique peuvent être des incapacitants
(lacrymogènes ou irritants), des neutralisants psychiques ou physiques ou des
substances létales. Ces produits peuvent être très persistants, pour contaminer
une zone, ou au contraire très volatils.
Les toxines sont sécrétées par des êtres vivants (champignons, bactéries), mais
elles peuvent être aussi synthétisées artificiellement. À ce titre, elles se situent
sur la frange séparant les armes chimiques des armes biologiques.
492 Stratégique
2
Charles-André Julien, Histoire de l‟Algérie contemporaine. La conquête et
les débuts de la colonisation (1827-1871), Paris, PUF, 2e éd., 1979, pp. 320-
321.
3
Lřannée précédente, le général Cavaignac avait utilisé un procédé similaire
pour venir à bout de la tribu des Sbéahs.
4
Un soldat écrira : ŖLes grottes sont immenses ; on a compté 760 cadavres ;
une soixantaine d‟individus seulement sont sortis, aux trois quarts morts ;
quarante n‟ont pu survivre ; dix sont à l‟ambulance, dangereusement
malades ; les dix derniers, qui peuvent se traîner encore, ont été mis en liberté
pour retourner dans leurs tribus ; ils n‟ont plus qu‟à pleurer sur des ruinesŗ.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 493
5
Cette commission était composée dřun membre de lřInstitut Pasteur, dřun
membre de lřAcadémie de médecine, de M. Kling, directeur du laboratoire
municipal de la ville de Paris, du capitaine Delacroix de la section technique
du Génie et de M. Sanglé-Ferriere, chef du Laboratoire municipal.
6
Kastell Serge, La brigade des gaz ; Bande à Lépine contre bande à Bonnot,
Histoire mondiale des conflits, n° 11, décembre 2003.
7
LřÉtablissement central du matériel du Génie décida dřadopter une grenade
copiée sur le modèle en usage à la Préfecture de police. À partir de juillet
1913, lřarmée française possédait des projectiles de pistolet lance-fusées
chargés de 19 cm3 de bromacétate dřéthyle, ainsi que des grenades suffocantes
contenant le même produit. Ces armes étaient destinées à lřassaut de fortifi-
cations. En effet, la volatilité du produit les rendait pratiquement inefficaces à
lřair libre. Cependant, la toxicité nřétait pas négligeable, car une minute passée
dans une atmosphère à 3 g/m3, concentration aisément obtenue par lřexplosion
dřun projectile dans un espace clos, était mortelle.
494 Stratégique
8
Martin Gilbert, Winston S. Churchill, Londres, Heinemann, 1976.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 495
9
Niall Ferguson, The War of the World, Allen Lane, 2006, p. 412.
10
Manual of Military Law, HMSO, 1914, p. 235.
11
Collectif, Le Livre noir du communisme, Éditions Robert Laffont, Paris,
1997.
12
Seagrave Sterling, La Pluie Jaune. Enquête sur l‟usage secret des armes
chimiques, Paris, Seuil, 1983, pp. 167-168.
496 Stratégique
13
Le traité de Versailles de 1919 interdisait spécifiquement à lřAllemagne la
possession et le développement des armes chimiques.
14
Sebastian Balfour, Deadly Embrace, Marocco and the Road to the Spanish
Civil War, Oxford, Oxford University Press, 2002, pp. 146-147.
15
Sebastian Balfour, op. cit., pp. 132-134.
16
Les plus utilisées en 1924 furent les C-1 et C-2 (chargées respectivement
de 50 et 10 kg dřypérite), mais à partir de 1925 furent utilisés dřautres modèles
comme la C-5 (chargée de 20 kg dřypérite), la C-3 (chargée de 26 kg de
phosgène) et la C-4 (chargée de 10 kg de chloropicrine). Des bombes de
100 kg chargées dřypérite furent plus rarement employées.
17
Sebastian Balfour, op. cit., pp. 147-148.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 497
26
Cřest-à-dire, selon la nomenclature française de lřépoque, des obus chargés
en ypérite.
27
Vincent Courcelle-Labrousse, Nicolas Marmié, op. cit., pp. 159-160.
500 Stratégique
La guerre italo-éthiopienne
Le 2 octobre 1935, Mussolini annonça la déclaration de
guerre à lřÉthiopie. Soucieux de sřassurer la victoire, il disposait
de moyens impressionnants30. Dès le 3 octobre, il prendra la
direction des opérations. Le 29 octobre 1935, Graziani, préparant
lřassaut de la place forte de Gorrahei, demanda lřautorisation
dřutiliser des armes chimiques pour des Ŗopérations défensivesŗ.
Graziani reçut rapidement la mission dřexterminer lřentière for-
mation ennemie11. Mussolini autorisa le 28 décembre Badoglio
Ŗà utiliser, même à grande échelle, toutes armes chimiques ou
lance-flammesŗ. Entre le 22 décembre 1935 et les premiers jours
de 1936, sur le front nord, Badoglio reçut lřordre dřemployer les
bombes chimiques contre les Éthiopiens passés à lřoffensive dans
le Sciré. Le bombardement devait être suspendu pour des raisons
politiques en vue dřune réunion de la SDN prévue à Genève le
5 janvier. Badoglio lřignora et poursuivit les bombardements
chimiques jusquřau 7, puis de nouveau les 12 et 18 janvier31. Fin
janvier, malgré lřemploi massif dřarmes chimiques, les armées
28
Vincent Courcelle-Labrousse, Nicolas Marmié, op. cit., pp. 201-203.
29
Vincent Courcelle-Labrousse, Nicolas Marmié, op. cit., p. 204.
30
Dont notamment 60 000 obus chargés en arsines, 1 000 tonnes de bombes
aériennes chargées en ypérite et 270 tonnes dřagents chimiques de guerre en
vrac.
31
Angelo Del Boca, Italiani, brava gente ? Un mito duro a morire, Vicenza,
Neri Pozza Editore, 2005, pp. 194-195.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 501
32
Angelo Del Boca, op. cit., pp. 196-197.
33
Rainer Baudendistel, ŖLa force contre le droit : le Comité international de
la Croix-Rouge et la guerre chimique dans le conflit italo-éthiopien 1935-
1936ŗ, Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 829, mars 1998, pp. 85-
110.
34
Bernard Bridel, ŖLes ambulances à Croix-Rouge du CICR sous les gaz en
Éthiopieŗ, Le Temps, Genève, 13 août 2003.
502 Stratégique
35
Rainer Baudendistel, art. cit., pp. 85-110.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 503
40
R. Harris, J. Paxman, op. cit., p. 91.
41
Report, Army Air Forces Board, ŖMarking and Defoliation of Tropical
Vegetationŗ, 18 décembre 1944.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 505
42
Royal Air Force, The Malayan Emergency, 1948-1960, Ministry of
Defence, Londres, juin 1970, pp. 113-114, 152.
43
Entre juin et octobre 1952, 1250 hectares de terrain furent défoliés.
44
De type S55, S51 et Whirlwind.
506 Stratégique
45
William A. Buckingham Jr., Operation Ranch Hand : The Air Force and
Herbicides in Southeast Asia, 1961-1971, Washington, U.S. Government
Printing Office, 1982, pp. 4-5.
46
William A. Buckingham Jr., op. cit., pp. 9-10.
47
Advanced Research Projects Agency, Project AGILE R (Feb. 1, 1964).
“Semiannual Report, 1 July - 31 December 1963ŗ.
48
J.W. Brown, Vegetational Spray Tests in South Viet-nam, Fort Detrick,
U.S. Army Chemical Corps Biological Laboratories, avril 1962, pp. 39-45.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 507
49
U.S. Department of the Army, Training Circular n° 3-16. Employment of
Riot Control Agents Flame, Smoke, Antiplant Agents, and Personnel Detectors
in Counterguerilla Operations , Washington DC, avril 1969.
50
Le détachement Ranch Hand (12th Air Commando Squadron puis 12th
Special Operations Squadron) de lřUS Air Force fut composé au maximum de
25 appareils en 1969. En terme de personnel et de matériel, cette unité ne
représenta quřune part marginal de lřeffort américain au Viêt-Nam.
508 Stratégique
51
William A. Buckingham Jr., op. cit., p. 11.
52
William A. Buckingham Jr., op. cit., p. 13.
53
William A. Buckingham Jr., op. cit., p. 16.
54
William A. Buckingham Jr., op. cit., p. 16.
55
William A. Buckingham Jr., op. cit., pp. 29-30.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 509
56
William A. Buckingham Jr., op. cit., pp. 133-134.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 511
57
William A. Buckingham Jr., op. cit., p. 135.
58
Entre 1967 et 1969, 76% du volume total dřherbicides utilisés au Viet-nam
furent épandus, souvent à plusieurs reprises sur les mêmes zones.
59
ŖFAS Statement on Biological and Chemical Warfareŗ, Bulletin of the
Atomic Scientists, octobre 1964, pp. 46-47.
512 Stratégique
60
ŖScientists Protest Viet Crop Destructionŗ, Science, 21 janvier 1966,
p. 309.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 513
65
Executive Order 11 850 - Renunciation of certain uses in war of chemical
herbicides and riot control agents.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 515
66
Seagrave Sterling, La Pluie Jaune. Enquête sur l‟usage secret des armes
chimiques, Paris, Seuil, 1983, pp. 117-121.
67
Thomas Evan et Gregory L. Vistica, ŖQuestioning a report that the U.S.
used sarin gas during Viet-namŗ, Newsweek Magazine, 15 juin 1998.
516 Stratégique
68
Gerard Van der Leun, ŖType VXŗ, Earth magazine, avril 1972, pp. 26-27.
69
Seagrave Sterling, op. cit., p.125.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 517
70
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 20.
71
Seagrave Sterling, op. cit., pp. 131-151.
72
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 3.
73
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 3.
518 Stratégique
74
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 3.
75
Les trichothécènes sont des mycotoxines (toxines issues de champignons)
élaborés par diverses espèces de la classe des Fungi Imperfecti. Il sřagit de
substances solides qui ne sřévaporent pas aux températures courantes. Elles
résistent à la chaleur, ne perdent rien de leur toxicité après une heure dřébul-
lition à 100° et elles sont facilement absorbées par la peau et les muqueuses.
Ces mycotoxines furent responsables de plusieurs épidémies, qui touchèrent
les humains et les animaux après consommation de diverses sortes de céréales.
Ainsi, en 1891, une intoxication due à la consommation de céréales avait
provoqué, en Sibérie orientale, district dřUssuri, des malaises, vomissements,
céphalées, étourdissements, frissons intenses, et perturbations de la vision. Les
chiens, chevaux, porcs, et volailles avaient également été touchés. Entre 1942
et 1947, un tiers de la population du district dřOrenburg, limitrophe de la
Sibérie, fut intoxiqué par du millet, du blé et de lřorge, laissés à lřextérieur
lřhiver et attaqués par les champignons. Il y aurait eu 10 % de morts.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 519
76
Sampling and Identification of Biological, Radiological and Chemical
Agents.
77
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 13.
78
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 14.
79
Director of Central Intelligence (USA), Use of Toxins and Other Lethal
Chemicals in Southeast Asia and Afghanistan, Special National Intelligence
Estimate Volume I Ŕ Key Judgements, 2 février 1982, déclassifié en novembre
1987, p. 3.
520 Stratégique
80
Les Soviétiques en Afghanistan 1979-1989, l‟Armée Rouge bouleversée,
Paris, État-Major de lřArmée de Terre, Centre de Doctrine et dřEmploi des
Forces, 2009, pp. 49-53.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 521
81
Comme la grenade lacrymogène modèle 51, chargée de 80 grammes de
CN2D ou de CND (mélange de chloracétophénone et dřadamiste) ou la grena-
de lacrymogène modèle 59, chargée de 80 grammes de CND ou de CB
(appellation française du CS).
82
Roger Clair, Commando Spécial Algérie 1959-1960, Paris, Pygmalion,
1997, pp. 114-116, 173-178, 183-187 et 210-214.
83
Ron Purver, La menace de terrorisme biologique ou chimique selon les
sources publiées, Ottawa, Service Canadien du Renseignement de Sécurité,
juin 1995.
522 Stratégique
84
ŖParty Chief in Soviet Georgia Admits Some Died From Gasŗ, New York
Times, 25 avril 1989.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 523
85
Ron Purver, op. cit., juin 1995.
524 Stratégique
86
Voice of America, dépêche du 4 août 1999 ; The Financial Times, ŖSudan
Chemical Attack Inquiryŗ, 5 août 1999 ; The Guardian, ŖUN To Check
Chemical War Claimsŗ, 6 août 1999 ; The Independent, ŖBriton Taken Ill
After Sudan ŖChemical Raidŗ, 4 août, 1999.
87
Le glyphosate (N-(phosphonométhyl)glycine, C3H8NO5P) est un
désherbant total, cřest-à-dire un herbicide non-sélectif. Le glyphosate seul est
peu efficace, car il nřadhère pas aux feuilles ni ne les pénètre facilement. On
lui adjoint donc un agent tensioactif qui est soupçonné dřêtre une cause de
toxicité des désherbants contenant du glyphosate.
88
Dépêche AFP Bogota, 17 décembre 2008.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 525
89
LřIrak aurait employé des munitions au phosphore blanc en 1991 pour
réduire la rébellion kurde. La Russie a utilisé des fumigènes au phosphore
blanc en Tchétchénie au milieu des années 1990. Lřarmée américaine sřen est
servie en Irak lors de la bataille de Falloujah en novembre 2004. Le phosphore
blanc fut également utilisé comme arme incendiaire par lřarmée israélienne,
lors du siège de Beyrouth en 1982 et pendant lřoffensive contre le Liban de
2006.
526 Stratégique
90
Jean-Dominique Merchet, ŖDIME : de quoi sřagit-il ?ŗ, Libération,
15 janvier 2009.
91
Sebastian Balfour, op. cit., pp. 154-155.
92
J.M. Stellman, S.D. Stellman, R. Christian, T. Weber et C. Tomasallo,
ŖThe extent and patterns of usage of Agent Orange and other herbicides in Việt
Namŗ, Nature, vol. 422, avril 2003.
Des armes maudites pour les sales guerres ? 527
93
À titre de comparaison, lors de lřaccident de Seveso le 10 juillet 1976,
moins de 5 kg de dioxine se sont répandus pendant vingt minutes sur 1 800
hectares où vivaient 37 000 personnes.
94
Multidistrict litigation 381 (MDL 381), rebaptisé In re Agent Orange
Product Liability.
528 Stratégique
95
Herbicides and Military Operations, Engineer Strategic Study Group, vol.
I, Main Paper, février 1972.
530 Stratégique
97
Les États parties à la présente Convention, (…) Reconnaissant lřinterdic-
tion de lřemploi dřherbicides en tant que moyens de guerre, telle que la
traduisent les accords pertinents et les principes du droit international en la
matière :
1. Chaque État partie à la présente Convention sřengage à ne jamais, en aucune
circonstance :
a) Mettre au point, fabriquer, acquérir dřune autre manière, stocker ou
conserver dřarmes chimiques, ou transférer, directement ou indirectement,
dřarmes chimiques à qui que ce soit ;
b) Employer dřarmes chimiques ;
c) Entreprendre de préparatifs militaires quels quřils soient en vue dřun
emploi dřarmes chimiques ;
5. Chaque État partie sřengage à ne pas employer dřagents de lutte anti-émeute
en tant que moyens de guerre.
Aux fins de la présente Convention :
7. On entend par “agent de lutte anti-émeuteŗ : Tout produit chimique qui
nřest pas inscrit à un tableau et qui peut provoquer rapidement chez les êtres
humains une irritation sensorielle ou une incapacité physique disparaissant à
bref délai après quřa cessé son utilisation.
Les adaptations de la guerre irrégulière
aux nouvelles conditions technologiques :
vers la techno-guérilla
Joseph HENROTIN
1
On ne peut en effet résumer la RMA à une école en particulier, tant les
contributions quřelle a générées ont été nombreuses. Sur cette question, voir
notamment les travaux de Eliot Cohen (ŖAmerican Views of the Revolution in
Military Affairsŗ, Mideast Security and Policy Studies, n° 28, 1997) et
Michael OřHenlon (Technological Change and the Future of Warfare,
Washington D.C., Brookings Institution Press, 2000).
534 Stratégique
2
Sur lřévolution de ces débats en France, Joseph Henrotin, ŖAdaptation et
contre-adaptation au défi du caractère évolutif de la guerre. Un aperçu des
débats françaisŗ, Les Cahiers du RMES, vol. 5, n° 1, été 2008.
Les adaptations de la guerre irrégulière 535
4
Sharp a été qualifié de ŖClausewitz de lřaction non-violenteŗ. Gene Sharp,
The Politics of Nonviolent Action, Boston, P. Sargent Publisher, 1973.
5
Etienne Copel, Vaincre la guerre, Paris, Gallimard, Folio, Coll. ŖLieu
Actuelŗ, 1985.
Les adaptations de la guerre irrégulière 537
6
Permettant, au demeurant et dans le contexte propre de lřépoque, de
neutraliser lřoption dřun emploi du nucléaire tactique par lřadversaire.
7
Horst Afheldt, Pour une défense non-suicidaire en Europe, La Découverte,
Paris, 1985.
8
Sur ces concepts, voir, par exemple, Norbert Hanning, ŖUne défense
classique de lřEurope est-elle possible ?ŗ, Revue Internationale de Défense,
n° 1, 1979.
538 Stratégique
9
On notera quřAfheldt misait également, dans cette hypothèse, sur une
staticité des forces, tout en les qualifiant de Ŗtechno-guérillaŗ.
10
Soit une Ŗdéfenseŗ fondée sur le cumul dřactes de désobéissance civile de
la part de la population du pays envahi.
Les adaptations de la guerre irrégulière 539
12
Wilhelm Agrell, Sveriges civila säkerhet, Stockholm, Liber Förlag, 1984.
Pour une vision suisse : Dietrich Fischer, ŖInvulnerability Without Threat :
The Swiss Concept of General Defenseŗ, Journal of Peace Research, vol. 19,
n° 3, 1982.
13
Guy Brossollet, Essai sur la non-bataille, Paris, Belin, 1976.
Les adaptations de la guerre irrégulière 541
14
Arthur K. Cebrowski, & John J. Garstka, ŖNetwork-Centric Warfare : its
Origin and Futureŗ, USNI Proceedings, janvier 1998.
15
Un réel problème, dans les années 1980, alors que lřURSS disposait de 7
divisions parachutistes.
16
Certains auteurs allemands avaient ainsi réclamé une sortie de lřOTAN.
17
Pour preuve la richesse du Dictionnary of Alternative Defense de Bjorn
Moller, Boulder/Londres, Lynne Riener/Adamantine Press, 1995.
Les adaptations de la guerre irrégulière 543
18
Dans le cas du Hezbollah, cf. Diane S. Cua, An Analysis of Hizbullah Use
of Media, Master Thesis, Naval Postgraduate School, Monterey, 2007.
19
David Ronfeldt and John Arquilla, ŖWhat Next for Networks and
Netwar ?ŗ in John Arquilla and David Ronfeldt (eds.).
544 Stratégique
20
Voir, par exemple : Pekka Himanen, The Hacker Ethic and the Spirit of the
Information Age, Random House, 2001. Sur un ton moins favorable : Laura J.
Kleen, Malicious Hackers. A Framework for Analysis and Case Study, Thesis,
Air Force Institute of Technology, 2001 et Gregory J. Rattray, Strategic
Warfare in Cyberspace, Cambridge/Londres, The MIT Press, 2001.
Les adaptations de la guerre irrégulière 545
21
Joseph Henrotin, ŖUne techno-guérilla aurait-elle défait la meilleure armée
du monde ?ŗ, Défense & Sécurité Internationale, n° 18, septembre 2006.
22
Matt M. Matthews, We Were Caught Unprepared. The 2006 Hezbollah-
Israel War, The Long War Serie Occasionnal Paper, Combat Studies Institute
Press, Fort Leavenworth, 2008.
23
ŖSomalie : un peu de shopping ?ŗ Défense & Sécurité Internationale,
n° 23, février 2007.
24
Plusieurs sources indiquent ainsi que des missiles russes ou chinois
disposent de récepteurs GPS participant de leurs systèmes de navigation.
546 Stratégique
27
La mesure nřest pas historiquement neuve. Ainsi, les concepteurs
britanniques du Mosquito ont expressément utilisé le bois.
28
Une vingtaine de pays disposent de missiles Styx et, plus largement, 70
pays disposent dřenviron 70 000 missiles antinavires pouvant être convertis en
missiles de croisière dřattaque terrestre. Joseph Henrotin, ŖMissiles de croi-
sière, une prolifération inquiétanteŗ, Défense & Sécurité Internationale, n° 23,
février 2007.
548 Stratégique
29
En lřoccurrence, lřattentat manqué au sarin, à Tokyo, en 1992.
30
Lucien Poirier, ŖTombeau dřAlain Bruŗ, www.stratisc.org, 27 mars 2004.
31
Aux États-Unis, la tendance est plutôt à considérer lřhomme comme une
partie du système dřarmes. Cf. Joseph Henrotin, La Technologie militaire en
question, op cit.
Les adaptations de la guerre irrégulière 549
34
Et ce, même sřil est paradoxal de constater que le rôle joué par le temps
long dans la résolution durable des conflits est parfaitement appréhendé par les
armées européennes.
35
Ainsi, lorsque le Hezbollah a utilisé des missiles AT-14, les forces russes
elles-mêmes nřen étaient pas dotées.
36
Il est ainsi défini comme lřagrégat des armes, des stratégies, des tactiques
et des formes dřorganisation dřune politique de défense permettant de définir
le positionnement dřune entité stratégique (État, alliance, coalition, groupe
subétatique) en regard dřune catégorie de menaces. Le Ŗrégime militaireŗ peut
ainsi permettre de distinguer quelles sont les priorités dřun acteur en regard du
spectre de menaces quřil considère comme probable. Voir : M.G. Vickers,
R.C. Martinage, The Revolution in War, Washington D.C., Center for Strategic
and Budgetary Assessments, décembre 2004.
Les adaptations de la guerre irrégulière 551
37
Zaki Laïdi, Le Sacre du présent, Paris, Flammarion, 2000.
38
Geraoid OřTuathail, ŖDe-Territorialized Threats and Global Dangers :
Geopolitics and Risk Societyŗ, in D. Newman, Boundaries, Territory and
Postmodernity, Londres, Frank Cass, 1999.
39
Ulrich Beck, La Société du risque : sur la voie d‟une autre modernité,
Paris, Aubier/Alto, 2001.
40
Chris H. Gray, Postmodern War. The New Politics of Conflict, Londres,
Routledge, 1997 ; C.C. Moskos and J. Burk, ŖThe Postmodern Militaryŗ in J.
Burk, The Military in New Times : Adapting Armed Forces to a Turbulent New
World, Boulder, Westview Press, 1994.
41
Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne. Rapport sur le savoir,
Paris, Éditions de Minuit, 1979.
552 Stratégique
42
Partant ici du principe que sa nature profonde est immuable.
43
Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil, 2005.
Les adaptations de la guerre irrégulière 553
48
John C. Barry, ŖAmerican warrior : quelques aspects religieux du nouveau
credo du soldat américainŗ, Inflexions, n° 9, juin-septembre 2008. Voir
également Thomas Saint-Denis, ŖLřattrait dangereux du guerrierŗ, Revue
Militaire Canadienne, vol. 2, n° 2, été 2001.
49
Joseph Henrotin, La Technologie militaire en question, op. cit.
50
Historiquement, cřest relativement tôt que lřidentification des unités
terrestres ou aériennes à des animaux sřest produite. Elle est également patente
dans la dénomination des classes de bâtiments de nombre de marines.
556 Stratégique
51
Sur ces questions : Joseph Henrotin, L‟Airpower au XXIe siècle. Enjeux et
perspectives de la stratégie aérienne, Bruxelles, Bruylant, Coll. ŖRMESŗ,
2005.
52
M. T. Owens faisait ainsi remarquer que les États-Unis pourraient avoir, à
terme, la capacité de détecter 90 % de ce qui est militairement significatif sur
une zone de bataille. Reste que ce sont fréquemment les 10 % restants qui
posent un problème dřincertitude. Michael T. Owens, ŖTechnology, the RMA
and Future Warŗ, Strategic Review, printemps 1998.
53
Cf. Vincent Desportes, Décider dans l‟incertitude, Paris, Économica, 2007.
Les adaptations de la guerre irrégulière 557
54
Selon Krulak, Ŗà un moment donné, nos militaires nourriront et vêtiront
des réfugiés déplacés – pourvoyant de l‟aide humanitaire. À un autre moment,
ils sépareront deux tribus en guerre – conduisant des opérations de peace-
keeping. Enfin, ils livreront une bataille hautement meurtrière de moyenne
intensité. Tout cela le même jour et dans un rayon de trois quartiers d‟une
villeŗ. Voir : Charles C. Krulak, ŖStrategic Corporal : Leadership in the Three
Block Warŗ, Marines Magazine, janvier 1999.
558 Stratégique
55
Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme (tome 3 :
Les temps du monde), Paris, Armand Colin, 1973, p.57.
56
John Arquilla and David Ronfeldt, “A New Epoch Ŕ And Spectrum Ŕ of
Conflictŗ in John Arquilla. and David Ronfeldt (eds.), In Athena‟s Camp :
Les adaptations de la guerre irrégulière 559
Preparing for Conflict in the Information Age, Santa Monica, RAND, 1997,
p. 4.
57
Aymeric Bonnemaison, op cit.
58
Laurent Henninger, ŖApprocher les révolutions militairesŗ, Défense &
Sécurité Internationale, n° 38, juin 2008.
59
Voir, par exemple, lřutilisation qui en est faite chez Olivier Entraygues,
ŖFuller et le darwinisme militaire. Evolve or Dieŗ, Défense & Sécurité
Internationale, n° 44, janvier 2009.
560 Stratégique
60
Olivier Entraygues, art. cit.
61
Ce qui fait entrevoir, par ailleurs, la métaphore de la Ŗguerre chirurgicaleŗ
sous un autre jour. John F. Warden, La Campagne aérienne. Planification en
vue du combat, Paris, Economica/ISC, ŖBibliothèque stratégiqueŗ, 1998.
Les adaptations de la guerre irrégulière 561
62
Giap aussi bien que Guevara indiquaient ainsi la nécessité de prélever ses
armes à lřadversaire, afin de pouvoir armer les groupes de combattants.
63
Au-delà de lřépisode de la livraison de missiles Stinger aux Moudjahiddi-
nes, les États-Unis ont également envoyé en Afghanistan des ânes, moyen de
transport rustique et particulièrement adapté.
562 Stratégique
64
V.K. Nair, War in the Gulf. Lessons for the Third World, New Delhi,
Lancer International, 1991.
Les adaptations de la guerre irrégulière 563
65
Qiao Liang et Wang Xiangsui, La Guerre hors-limite, Paris, Bibliothèque
Rivages/Payot, 2003.
66
Une majorité des auteurs travaillant sur le sujet estime, pour lřheure, que la
Chine ne conduit pas une montée en puissance offensive de ses forces.
Cependant, leur progression Ŕ qualitative et quantitative Ŕ est bien réelle. Sur
cette question : cf. David Shambaugh, Modernizing China‟s Military :
Progess, Problems and Prospects, Berkeley, University of California Press,
2004.
67
You Ji, The Armed Forces of China, New York, I.B. Tauris, 1999.
68
Les raisons sous-tendant cette combinatoire sont complexes. En plus de la
recherche dřune efficience stratégique, on pourrait y ajouter la fonction
564 Stratégique
69
Tant il est vrai que nombre de forces armées, européennes notamment, ont
entamé leurs processus de Transformation dans les années 2000, sur base de
visions remontant aux années 1990, en plein Ŗâge dřorŗ de la RMA.
70
Joseph Henrotin, ŖVulnérabilités des sociétés techniciennes et terrorismeŗ,
Stratégique, n° 85, mai 2005.
71
Nous reprenons ici la distinction opérée par Deleuze et Guattari entre
espaces Ŗlissesŗ et Ŗstriésŗ, cf. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux,
Paris, Les Editions de Minuit, 1980.
566 Stratégique
2
P. Valéry, Regards sur le monde actuel, Œuvres, Bibliothèque de la
Pléiade, tome II, 1960, p. 1068. Dans ce livre, Paul Valéry livre des réflexions
sur un monde en transformation avec une vision qui demeure sur de nombreux
points dřune criante actualité.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 569
3
ŖDeux aspects principaux : d‟une part, la protection contre les menaces
chroniques, telles que la famine, la maladie et la répression et, d‟autre part, la
protection contre tout événement brutal susceptible de perturber la vie quoti-
dienneŗ.
4
R. Smith, The Utility of Force, The Art of War in the Modern World,
Londres, Alan Lane, 2005.
570 Stratégique
5
ŖSécurité humaine : Clarification du concept et approches par les organi-
sations internationales. Quelques repèresŗ, Document dřinformation, Déléga-
tion aux Droits de lřHomme et à la Démocratie, (Organisation internationale
de la francophonie), janvier 2006.
6
A. Bonnemaison, ŖLa nouvelle stratégie américaine et les menaces
asymétriquesŗ, Collège Interarmées de Défense, 2003-2004.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 571
7
J. Henrotin, La Technologie militaire en question. Le cas américain, Paris,
Economica, coll. Stratégies et doctrines, 2008.
8
S. Metz et D.V. Johnson II, Asymmetry and U.S. Military Strategy :
Definition, Background, and Strategic Concepts, Carlisle, Strategic Studies
Institute, U.S. Army War College, janvier 2001, p. 6.
572 Stratégique
9
T. Struye de Swielande, ŖLřasymétrie instrumentale et ontologico-straté-
gique dans lřaprès guerre froideŗ, Arès, octobre 2004 ; ŖOntological-Cultural
Asymmetry and Grand Strategyŗ, Journal of Military and Strategic Studies,
hiver 2004.
10
L., Poirier, ŖStratégie intégrale et guerre limitéeŗ, Stratégique, n° 54, 1992.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 573
14
S. Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.
15
Lřauteur brosse une typologie des sept grandes civilisations de lřaprès-
guerre froide : la civilisation chinoise (confucéenne), la civilisation japonaise,
la civilisation hindoue, la civilisation musulmane (islam), la civilisation
occidentale (euro-américaine), la civilisation dřAmérique latine et la civilisa-
tion africaine.
16
J. Cesari, ŖIslam de lřextérieur, musulmans de lřintérieur : deux visions
après le 11 septembre 2001ŗ, Cultures et Conflits, printemps 2002, n° 44
(http ://conflits.org/article.php3 ?id_article=542).
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 575
17
K. Booth, Strategy and Ethnocentrism, Londres, Croom Helm, 1979. Il
ajoute : ŖA moins que nous nous efforcions de comprendre la particularité des
différentes cultures, il sera impossible d‟apprécier les ressorts des stratégies
nationales. Sans connaître la fierté, le prestige ou le préjudice, l‟outrage
moral, l‟insistance sur la survie, la vanité et la vengeance des différentes
sociétés, comment pourrait-on tenter d‟évaluer le rôle que peuvent jouer des
peuples comme les Arabes, les blancs et noirs africains, les Israéliens et Viet-
namiens dans des questions militaires présentes et à venir ?ŗ, p. 144.
18
J. Mitzen, ŖOntological Security in World Politics : State Identity and the
Security Dilemmaŗ, in European Journal of International Relations, 2006.
19
A. Giddens, The Consequences of Modernity, Cambridge, Polity Press,
1990.
576 Stratégique
20
L. Poirier, art. cit.
578 Stratégique
26
Référence au Ŗdessin à desseinŗ de Léonard de Vinci.
27
Alexander Calder.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 581
28
O. Roy, L‟Islam mondialisé, Paris, Ed. du Seuil, 2002, p. 10.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 583
29
V. Desportes, Décider dans l‟incertitude, Paris, Economica, 2007.
30
La notion de dissymétrie, simple défaut de symétrie, a été mise à jour dans
la seule doctrine française. Elle permet dřutiliser une nuance graduelle entre
symétrie/dissymétrie/asymétrie ; la dernière signifiant un mode beaucoup plus
radical, difficilement comparable, inconciliable, non réciproque.
584 Stratégique
31
Rappelé par V. Desportes, ŖOui, il faut lire Clausewitzŗ, Défense et
Sécurité Internationale, n° 37, mai 2008.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 585
34
J.-L. Promé, ŖCombattre dans les villes : évolutions et permanencesŗ, dans
ŖLe combat urbain, Analyses et perspectivesŗ, Raids, Hors-série, n° 11, 2003,
p. 8.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 587
35
Cité par J.L. Le Moigne, op. cit.
588 Stratégique
36
Métaphore utilisée par le général Beaufre dans son Introduction à la
stratégie.
37
Le partage des coûts et des risques.
590 Stratégique
CONCLUSION
La guerre irrégulière dans lřère post-westphalienne, offre
lřincertitude pour principale certitude. Elle réclame une étude
fine et décomplexée, un recoupement des expertises les plus
diverses, un croisement des subjectivités derrière lesquelles,
espère-t-on, se dégagera lřobjectivité de cette nouvelle guerre
38
D. Galula, Counter Insurgency Warfare. Theory and Practice, Praeger,
2006 et R. Trinquier, Modern Warfare : A French View of Counterinsurgency,
Praeger Security International Paperback, 2006, ont contribué par leurs écrits à
la nouvelle approche américaine de la contre-insurrection.
Le “mobile” ontologique et politique de la guerre irrégulière 593
39
Lřadage du général Giulio Douhet (1869-1930), stratège aérien italien,
reste plus que jamais dřactualité.
40
L. Poirier, art. cit.
594 Stratégique
41
P. Claudel, La Perle noire, Paris, Gallimard, NRF, 1947.
La guerre maritime et aérienne et au-delà
de Carl Schmitt
David CUMIN
1
Cf. notre thèse de doctorat : La Pensée de Carl Schmitt (1888-1985), ainsi
que notre livre : Carl Schmitt. Biographie politique et intellectuelle, Paris,
Cerf, 2005.
2
Cf. La Notion de politique. Théorie du partisan, Paris, Calmann-Lévy,
1972 (1963), présenté par J. Freund, rééd. en 1999 aux Champs Flammarion ;
ŖConversation sur le partisan. Carl Schmitt et Joachim Schickelŗ (1970), in La
guerre civile mondiale (recueil de six textes de Schmitt parus entre 1943 et
1978), Maisons-Alfort, Ere, 2006, préf. C. Jouin, pp. 113-136 ; ainsi que notre
article : ŖLa théorie du partisan de Carl Schmittŗ, supra.
3
Cf. notamment Terre et Mer. Un point de vue sur l‟histoire mondiale,
Paris, Labyrinthe, 1985 (1942), préf. et postf. J. Freund ; ŖLa Mer contre la
Terreŗ, ŖSouveraineté de lřÉtat et liberté des mers. Opposition de la Terre et
de la Mer dans le droit international des temps modernesŗ, in Du politique.
“Légalité et légitimitéŗ et autres essais (recueil de quinze textes de Schmitt
parus entre 1919 et 1952), Puiseaux, Pardès, 1990, préf. A. de Benoist,
pp. 137-142, 143-168 ; ainsi que notre contribution : ŖThalassopolitique. Carl
Schmitt et la merŗ, in H. Coutau-Bégarie (dir.), L‟Évolution de la pensée
navale, vol. VII, Paris, ISC-Economica, 1999, pp. 219-256.
596 Stratégique
4
Par exemple Gérard Chaliand, Les Guerres irrégulières, Paris, Gallimard
Folio, 2008, aboutissement dřun très long et très vaste travail de terrain et de
réflexion, ne recense que des guérillas terrestres.
5
Les espaces territoriaux sont les espaces de souveraineté des États et les
espaces internationaux sont les espaces hors souveraineté des États. Lřespace
territorial se compose dřéléments terrestres, maritimes, aériens. À lřexception
de lřAntarctique, tous les espaces terrestres sont des espaces territoriaux (il
nřexiste plus de Ŗterre sans maîtreŗ). Lřespace maritime comprend : le terri-
toire maritime ou la mer territoriale, espace de souveraineté généralement
étendu à 12 milles des côtes ; la zone contiguë, espace de juridiction (police,
justice, douane, fiscalité) généralement étendu à 24 milles des côtes (12+12) ;
la zone économique exclusive (ZEE), espace de souveraineté économique
(lřÉtat y a un droit exclusif dřexploration et dřexploitation des ressources bio-
logiques ou minérales) étendu à 200 milles des côtes (12+188) ; le plateau
continental, espace de souveraineté économique qui peut aller jusquřà 350
milles des côtes selon des facteurs géologiques. Ensuite sřétendent la haute
mer et la zone internationale des fonds marins, espaces internationaux. Quant à
lřélément aérien, il comprend : le territoire aérien qui surplombe les territoires
terrestre et maritime ; lřespace aérien international qui surplombe lřespace
maritime autre que la mer territoriale. Au-delà dřune certaine limite verticale
(20 km, altitude maximale des avions, ou 200, orbite minimale des satellites,
ou 40 000, orbite maximale ?), sřétend lřespace international extra-atmos-
phérique.
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 597
espaces et, avec elle, des trois branches du jus in bello6, des trois
armées, des trois théâtres, des trois stratégies, dont lřautonomie se
trouve relativisée par le caractère englobant de la dimension
aérospatiale. Carl Schmitt refusait dřassimiler les partisans à des
corsaires ou à des pirates pour deux raisons : le contraste élé-
mentaire entre la terre et la mer ou lřair ; le contraste du mobile
politique public et du mobile lucratif privé. La question se pose
néanmoins de savoir si la guérilla7 est un phénomène purement
terrestre ou, au contraire, sřil nřest pas possible dřenvisager
théoriquement et de constater empiriquement lřexistence dřune
guérilla navale ou aérienne. Il est difficile de concevoir et il est
impossible dřobserver une guerre irrégulière navale ou aérienne
qui serait principale, et pas simplement auxiliaire soit dřune
guerre régulière navale ou aérienne soit dřune guerre irrégulière
terrestre.
6
Le jus in bello ou droit de la guerre au sens strict (relatif à lřaction de
guerre) régit lřusage de la force armée en déterminant qui a le droit de faire la
guerre et comment, autrement dit, qui sont les acteurs (les combattants) et
quels sont les instruments (les armements) et les modalités des conflits armés ;
le jus ad bellum ou droit de la guerre au sens large (relatif à lřétat de guerre)
régit le recours à la force armée en déterminant qui a le droit dřordonner la
guerre et pour/quoi, autrement dit, qui sont les auteurs (les belligérants) et
quels sont les causes ou les buts des conflits armés.
7
Rappelons le sens de la terminologie. La guerre irrégulière désigne la
guerre qui nřest pas livrée de part et dřautre par des armées étatiques (= guerre
régulière), mais par des partisans contre des soldats. Lorsquřelle nřest pas
lřauxiliaire de la guerre régulière, la guerre irrégulière possède les caractéris-
tiques suivantes. Elle a pour milieu, la population ; pour acteur, le partisan ;
pour origine, lřinsurrection, avec ou sans tentative préalable de coup dřÉtat ;
pour modalité, la clandestinité, avec ou sans Ŗvitrine légaleŗ ; pour tactique, la
guérilla, parallèlement aux actions non violentes ; pour objectif stratégique, la
subversion, avec ou sans structuration des forces irrégulières en forces quasi-
régulières ; pour objectif politique, la prise du pouvoir, avec ou sans alliés.
Pour éviter la confusion sémantique, il importe de distinguer les trois niveaux
de la tactique, de la stratégie, de la politique. Tactiquement, des partisans, id
est des insurgés issus de la population, sřorganisant clandestinement, usent de
la guérilla. Cřest pourquoi on parle de Ŗguerres de partisansŗ, de Ŗguerres
populairesŗ, de Ŗguerres insurrectionnellesŗ, de Ŗguerres clandestinesŗ, de
Ŗguérillasŗ. Stratégiquement, les partisans visent la subversion. Cřest pourquoi
on parle de Ŗguerres subversivesŗ. Politiquement, les partisans, lorsquřils ne
sont pas de simples francs-tireurs luttant contre lřenvahisseur, visent un chan-
gement par la violence de lřautorité établie : chasser lřoccupant ; obtenir lřin-
dépendance, la libération ou la réunification nationales ; renverser le régime ;
obtenir la sécession. Cřest pourquoi on parle de Ŗguerres révolutionnairesŗ.
598 Stratégique
8
Terrorisme et guérilla sont deux modalités de la violence politique armée
irrégulière. Mais lřun correspond à des actions sporadiques et ponctuelles,
commises par des Ŗavant-gardesŗ autoproclamées, sans véritable soutien popu-
laire ni base territoriale ; ne dépassant pas le Ŗtrouble interneŗ, donc demeurant
dans le temps de paix, il relève de la police judiciaire, lřarmée fût-elle appelée
en renfort pour des missions de police administrative (exemple de Vigipirate
en France). La seconde correspond à des actions continues et durables, com-
mises par des mouvements implantés, sřappuyant sur un certain soutien popu-
laire et sur une certaine base territoriale ; dépassant le stade du Ŗtrouble
interneŗ pour arriver à celui du Ŗconflit arméŗ, donc du temps de guerre, il ne
relève plus seulement de la police judiciaire (pour réprimer) mais de la force
militaire (pour vaincre). La notion de campagnes dřattentats (étalées dans le
temps) fournit la solution de continuité entre le Ŗtrouble interneŗ (lřacte spora-
dique de violence armée relevant du droit pénal) et le Ŗconflit arméŗ (la
violence armée mutuelle durable relevant du jus in bello).
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 599
9
Cf. les articles 1 et 2 du Réglement de La Haye du 18 octobre 1907 sur les
lois et coutumes de la guerre sur terre ; lřarticle 6 de la Ve Convention de La
Haye du 18 octobre 1907 sur les droits et devoirs des Puissances et personnes
neutres en cas de guerre sur terre ; les articles 13 et 14 de la Ière Convention de
Genève du 12 août 1949 pour lřamélioration du sort des blessés et des malades
dans les forces armées en campagne ; les articles 13 et 16 de la IIe CG pour
lřamélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés dans les forces
armées sur mer ; lřarticle 4 de la IIIe CG relative au traitement des prisonniers
de guerre ; les articles 43 à 47 et 77-2 du Protocole additionnel I du 8 juin
1977 (P1) aux CG relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux. Cf. aussi notre article : ŖQui est combattant ?ŗ, Inflexions.
Civils et militaires, n° 5, 2007, pp. 151-164.
600 Stratégique
10
Le pirate étant hostis generis humani, la compétence pénale des États est
Ŗuniverselleŗ : elle peut sřexercer même lorsque lřacte de piraterie est commis
à lřétranger ou en haute mer, par des étrangers, contre des étrangers. Les con-
ventions internationales contre le terrorisme maritime ou aérien le confirment.
11
Ne parle-t-on pas, par transposition, de Ŗpirates de lřairŗ ?
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 601
12
La Puissance détentrice aura le droit de le transférer dans un autre pays que
le sien, de lřastreindre au travail, de lřinterroger et de le poursuivre péna-
lement. Le combattant irrégulier illégal se livre à une Ŗbelligérance risquéeŗ ou
Ŗnon privilégiéeŗ : en cas de capture ou de reddition, il ne bénéficiera ni du
statut de PG (exempté dřinterrogatoire et de poursuite pénale) ni du statut de
civil interné (exempté de travail, de transfert dans un autre pays que le sien, de
rétention durant toute la durée des hostilités), il sera assimilé à un détenu
politique ou à un détenu de droit commun, bénéficiant des dispositions du
Ŗminimum humanitaireŗ de lřarticle 3 commun aux quatre CG ou du Ŗnoyau
indérogeableŗ du droit international des droits de lřhomme (traitement humain
décent, procès équitable).
13
Cf. Victor Duculesco, ŖEffet de la reconnaissance de lřétat de belligérance
par des tiers, y compris les organisations internationales, sur le statut juridique
des conflits armés à caractère non internationalŗ, Revue Générale de Droit
International Public, 1975, pp. 125-151.
14
Cf. ŖDer Begriff der Piraterieŗ (1937), in Positionen und Begriffe im
Kampf mit Weimar, Genf, Versailles, 1923-1939, Hambourg, Hanseatische
Verlagsanstalt, 1940 (recueil de 36 textes de Schmitt parus entre 1923 et
1939), pp. 240-243.
15
Sur le droit de la guerre navale à lřépoque, cf. Raoul Genet, Précis de droit
maritime pour le temps de guerre, 2 t., Paris, E. Muller, 1939.
602 Stratégique
16
Cf. le texte de référence sur le droit de la guerre aérienne : les Règles sur la
guerre aérienne adoptées à La Haye de manière non contraignante en
décembre 1922-février 1923 par la commission des juristes chargée dřétudier
et de faire rapport sur la révision des lois de la guerre.
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 603
17
Cf. André Vigarié, Géostratégie des océans, Caen, Paradigme, 1990, qui
souligne lřaugmentation des échanges par voie océanique, la concentration des
activités et des populations autour des ports et le long des côtes, la dépendance
croissante à lřégard des approvisionnements et des débouchés extérieurs.
18
Cf. Philippe Masson, De la mer et de sa stratégie, Paris, Tallandier, 1986,
La Puissance maritime et navale au XXe siècle, Paris, Perrin, 2002 ; Hervé
604 Stratégique
gers, eux, bénéficient dřune immunité totale : ils ne peuvent être soumis à
aucune mesure de contrainte ; en temps de guerre, cette immunité se limite
évidemment aux navires ou aux avions neutres.
22
En France, une formation spéciale du Conseil dřÉtat assistée de repré-
sentants des ministères des Affaires étrangères et de la Défense (de la Marine
autrefois).
606 Stratégique
23
Cf. la VIIe Convention de La Haye du 18 octobre 1907 sur la transfor-
mation des navires de commerce en bâtiments de guerre ; la VIIIe CLH sur la
pose des mines sous-marines automatiques de contact ; la IXe CLH sur le
bombardement naval ; la XIe CLH relative à certaines restrictions à lřexercice
du droit de capture dans la guerre maritime ; la Déclaration de Londres du
26 février 1909 relative au droit de la guerre maritime (ratifiée par aucun
signataire) ; le Manuel de San Remo de juin 1994 sur le droit international
applicable aux conflits armés en mer, préparé par des juristes internationaux et
des experts navals réunis par lřInstitut international de droit humanitaire (il
succède au Manuel dřOxford dřaoût 1913 sur les lois de la guerre maritime
dans les rapports entre belligérants, préparé par lřInstitut de droit interna-
tional). Cf. aussi Henri Meyrowitz, ŖLe Protocole additionnel I aux Conven-
tions de Genève de 1949 et le droit de la guerre maritimeŗ, Revue Générale de
Droit International Public, 1985, pp. 243-298 ; Elmar Rauch, ŖLe droit
contemporain de la guerre maritime. Quelques problèmes créés par le Proto-
cole additionnel I de 1977ŗ, idem, pp. 958-976 ; Natalino Ronzitti, ŖLe droit
humanitaire applicable aux conflits armés en merŗ, Recueil des Cours de
l‟Académie de Droit International, La Haye, 1993 III, pp. 9-196.
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 607
26
Ibid., p.157.
27
La différence entre lřimpérialisme français et lřimpérialisme britannique,
au XIXe siècle, est à la fois connue et paradigmatique (Jacques Pirenne). Lřim-
périalisme français fut une affaire dřÉtat (une petite minorité dřhommes politi-
ques, dřhommes dřaffaires et dřofficiers de la marine), faiblement soutenue par
lřopinion dřun pays dissensuel au plan politique intérieur, à lřindustrialisation
lente, sans pression démographique et migratoire (la France a eu des colonies
mais pas de colons, sauf au Québec autrefois et en Algérie côtière). Le second
fut lřaffaire de lřÉtat et de la société, puissamment soutenue par lřopinion dřun
pays plus consensuel au plan politique intérieur, industrialisé, à forte pression
démographique et migratoire (la Grande-Bretagne a eu des colonies et des
colons).
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 609
28
Cf. lřarticle 47-2 P1 ainsi que la Convention des Nations Unies contre le
recrutement, lřutilisation, le financement et lřinstruction de mercenaires du 4
décembre 1989.
29
Cf. lřalinéa 2 du préambule, les articles 1-2, 55, 73-b, 76-b de la Charte des
Nations Unies du 26 juin 1945 ; lřalinéa 8 du préambule, les articles 16-1, 22-
1, 22-3, 28-1, 29-1 et 30-1 de la Déclaration universelle des droits de lřhomme
du 10 décembre 1948 ; la résolution 1514 de lřAssemblée générale des Nations
Unies du 14 décembre 1960, ŖDéclaration sur lřoctroi de lřindépendance aux
pays et aux peuples coloniauxŗ ; la résolution 1541 de lřAGNU du 15
décembre 1960, ŖDéclaration sur les territoires non autonomesŗ ; lřarticle 1er
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966 ; lřarticle 1er du Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels du 16 décembre 1966 ; les alinéas 2-b et 5 du principe 5 de
la résolution 2625 de lřAGNU du 24 octobre 1970 ; lřarticle 7 de la résolution
3314 de lřAGNU du 14 décembre 1974 ; lřarticle 1-4 P1.
610 Stratégique
30
Cf. Paul Fauchille, Traité de droit international, t. II : Guerre et neutralité,
Paris, A. Rousseau, 1921 ; Charles Rousseau, Droit des conflits armés, Paris,
Pedone, 1983.
La guerre maritime et au-delà de Carl Schmitt 611
1
T.R. Bryce, ŖA Reinterpretation of the Milawata Letter in the Light of the
New Joint Pieceŗ, Anatolian Studies, vol. 35, 1985, pp. 13-23.
2
Andreas Panagopoulos, Captives and Hostages in the Peloponnesian War,
Athènes, Grigoris Publications, 1978.
3
Joel Allen, Hostages and Hostage-Taking in the Roman Empire, New
York, Cambridge University Press, 2006.
4
Yang Lien-Sheng, ŖHostages in Chinese Historyŗ, Harvard Journal of
Asiatic Studies, vol. 15, décembre 1952, pp. 507-521.
5
Kautilya, Arthasastra, Traité politique et militaire de l‟Inde ancienne,
Paris, Éditions du Félin, 1998, pp. 72-73.
6
Charles Le Fort, ŖLřotage conventionnel dřaprès des documents du Moyen
Âgeŗ, Revue de législation ancienne et moderne, française et étrangère, Paris,
1874, pp. 408-433.
614 Stratégique
7
Jean-René Aymes, La Déportation sous le premier Empire, les Espagnols
en France (1808-1814), Paris, Publications de la Sorbonne, 1983, pp. 162-165.
8
Karl Marx, La Guerre civile en France 1871, Éditions sociales, Paris,
1968, pp. 85-86. Léon Trotsky, Terrorisme et communisme (L‟anti Kautsky),
1920, coll. Les Classiques des Sciences Sociales, pp. 40-41.
9
Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de
guerre des Puissances européennes de lřAxe et statut du tribunal international
militaire.
10
War Department Field Manual, FM 27-10, Rules of Land Warfare,
1st October 1940, United Government Printing Office, 1947, article 359.
Les otages 615
11
Op. cit., note 3.
12
Op. cit., note 2.
13
Un équipage russe dans les îles Aléoutiennes massacre des otages aléoutes
en 1759. Lřéquipage sera condamné pour ces actes en 1764, Cette même
année, une garnison britannique massacre vingt-deux otages cherokees, suite à
la mort du commandant de Fort Prince-George atteint dřune flèche.
14
Article 3 commun des quatre Conventions de Genève et de leurs Protocoles
additionnels I et II de 1977.
616 Stratégique
15
Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, Paris, ISC-Economica, 2006, 5e
éd., p. 43.
16
In Clarke Robin, La Course à la mort ou la technocratie de la guerre,
Paris, Le Seuil, 1972, p. 277. Cité par Jean Bacon, Les Saigneurs de la guerre,
brève histoire de la guerre et de ceux qui la font, Paris, Phébus, 2003, p. 251,
note n° 6.
17
Louis-Marie Morfaux, Vocabulaire de la philosophie et des sciences
humaines, Paris, Armand Colin, 1980, p. 175.
Les otages 617
18
Donald W. Forsith, ŖThe Beginnings of Brazilian Anthropology : Jesuits
and Tupinamba Cannibalismŗ, Journal of Anthropological Research, vol. 39,
n° 2, New World Ethnohistory (été 1983), pp. 156-159.
Les otages 619
COMPLICATIONS JURIDIQUES
La Convention internationale contre la prise d‟otages de
1979 exclut de son champ dřapplication un certain nombre de
prise dřotages, soit en raison des acteurs impliqués, soit en raison
de la situation politique du pays dans lequel se déroule la prise
dřotages. Lřarticle 13 stipule que Ŗla présente Convention n‟est
pas applicable lorsque l‟infraction est commise sur le territoire
d‟un seul État, que l‟otage et l‟auteur présumé de l‟infraction ont
la nationalité de cet État et que l‟auteur (…) est découvert sur le
territoire de cet Étatŗ. Ainsi, un Finlandais qui enlève un Finlan-
dais en Finlande pour obtenir une rançon dřun autre Finlandais ne
commet pas lřinfraction de prise dřotages au sens international,
dřautant que nul ne contestera lřabsence de conflit armé en
Finlande ; mais un Finlandais, où quřil soit enlevé dans le monde
et par qui que ce soit, guérilla ou mafia, braqueur de banque ou
individu paranoïaque, sera automatiquement un otage. Par
conséquent, pour quřil y ait prise dřotages, il faut quřau moins
lřun des acteurs (le preneur, lřotage ou le tiers) soit de nationalité
étrangère au territoire sur lequel se déroule tout ou partie de
lřaction. Ceci semble restreindre le champ de la recherche en
simplifiant la définition de lřotage. Or, ce nřest pas le cas puisque
19
D. Russel Buhite, Live at Risk, Hostages and Victims in American Foreign
Policy, Wilmington, Scholarly Ressources Inc, 1995, p. 210.
620 Stratégique
20
Jean Stoetzel, cité in Jean Cazeneuve, Dix grandes notions de la socio-
logie, Paris, Seuil, coll. Points, 1976, p. 136.
21
Joel Allen, Hostages and Hostage-Taking in the Roman Empire, Cam-
bridge University Press, 2006, pp. 1-2.
622 Stratégique
22
Benjamin Guérard, ŖExplication du capitulaire de Villisŗ, Bibliothèque de
l‟École des chartes, 1853, vol. 14, n° 1, pp. 201-247, citation p. 215.
23
Catalogue des Archives nationales, Angleterre, Exchequer : Treasury of
Receipt : Diplomatic Document E30/124.
24
Honoré-Hugues Berriat, Législation militaire, Paris, 1812, pp. 383-384.
Les otages 623
25
al-Moqrin, Al-Quaeda kidnapping manual, www.scribd.com
624 Stratégique
26
Spiegel on line, ŖHow to : The Al-Qaida Guide to Kidnappingŗ par Yassin
Musharbash, 12/01/2005, http//www.spiegel.de/international/0,1518, drucks-
387888,00.html
27
InTel Center, Al-Qaeda Targeting Guidance, Alexandria, États-Unis, 2004,
p. 5. www.intelcenter.com
Les otages 625
Structure du document
Le point A liste cinq raisons pour détenir des otages :
1. forcer le gouvernement ou l‟ennemi à succomber à
quelque demande ;
2. mettre le gouvernement dans une situation difficile qui
créera un embarras politique entre le gouvernement et
les pays des détenus ;
3. obtenir d‟importantes informations des détenusŗ ;
4. obtenir une rançon ;
5. mettre en lumière un cas spécifique.
28
Carlos Marighela, Accción Libertadora, Documentos latinoamericanos 1,
Paris, François Maspero, 1970.
Les otages 631
29
Ibid, Operaciones y tacticas guerrilleras, pp. 47-67.
632 Stratégique
30
Brian Jenkins, Embassies under Siege, RAND Corporation, janvier 1981.
Les otages 633
31
Félix Gaffiot, Dictionnaire illustré latin-français, Paris, Hachette, 1934.
Les otages 635
32
Vauban, Traité de la défense des places, 3e éd., Paris, Chez Alex. Jombert,
1783.
636 Stratégique
33
Brian Jenkins, Johnson Janera, Ronfeldt David, Numbered Lives : some
statistical observations from 77 Internationals Hostage Episodes, RAND
Corporation, juillet 1977, p. 1.
Les otages 637
34
Brian Jenkins, Janera Johnson, David Ronfeldt, Numbered Lives : some
statistical observations from 77 Internationals Hostage Episodes, RAND
Corporation, juillet 1977, p. 19.
Les otages 639
35
Fernando Gabeira, Les Guérilleros sont fatigués, Paris, A.M. Métailié,
1980, pp. 131-132.
36
Ibid, pp. 131-132.
37
Carl Schmitt, Théologie politique, Paris, Gallimard, 1988.
640 Stratégique
38
Tacite, La Germanie, VIII.1.
39
Kautilya, Arthasastra, Traité politique et militaire de l‟Inde ancienne,
Paris, Éditions du Félin, 1998, p. 73.
40
Albert Desjardins, Les Otages dans le droit des gens au XVIe siècle, Paris,
Alphonse Picard, 1888, p. 9.
41
Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de lřEmpereur
Napoléon III, tome III, Paris, Henri Plon, J. Dumaine, 1849, p. 199.
42
War Department, Office of the Chief of Staff, Rules and Land Warfare,
Government Printing Office, Washington, 1914, p. 134.
Les otages 641
43
Jean-Marie Henckaerts, Louise Doswald-Beck, Droit international hu-
manitaire coutumier, vol. 1, Règles, Bruxelles, Bruylant, 2006, Règles 25-45.
642 Stratégique
44
Op. cit., note 5.
Les otages 643
45
Philippe de Béthune, Le Conseiller d‟État ou Recueil général de la poli-
tique moderne, servant au maniement des affaires publiques, Paris, 1645.
644 Stratégique
CONCLUSION
Abordée sous lřangle de la recherche anthropologique, la
question de lřotage permet dřidentifier une institution spécifique.
La définition minimale de lřinstitution est la suivante : dans le
cadre dřune relation antagoniste, lřun des adversaires contraint
physiquement le corps dřune personne afin de contraindre mora-
lement lřesprit de son adversaire. Cette définition permet de
dépasser le blocage quřentraîne lřétude de lřotage en fonction des
droits applicables puisquřil apparaît que si lřinstitution de lřotage
est identifiable, cřest la définition précise du conflit de type non
international qui fait défaut.
Si la nationalité de lřotage nřest pas un facteur décisif
permettant de trancher ce quřest ou non une prise dřotages, cet
élément aura cependant une influence importante sur le compor-
tement des autres, et de ce fait renforcera le statut de lřotage.
Lřexistence de ce statut singulier sřillustre, hier comme aujour-
dřhui, par la relation particulière quřentretient lřotage avec le
prisonnier. Si cela est davantage perceptible en analysant le droit
dans la guerre, cela ne signifie pas que lřotage soit un phénomène
uniquement guerrier mais que lřotage, dans le cadre dřun conflit
armé, met en jeu et à nu, avec plus de force et dřévidence,
lřimplication des institutions sociologiques et les mécanisme qui
sřinstallent, tel celui de la mise en question de la souveraineté.
Mais de façon plus générale, ce qui importe est lřexistence dřun
conflit entre deux adversaires, conflit qui à un certain stade fait
que lřun va détenir une personne pour contraindre lřautre Ŗà faire
ou ne pas faire quelque choseŗ.
Ce conflit peut avoir plus ou moins dřintensité, il peut être
dřordre politique ou criminel, dřordre social ou affectif, mais il
existe préalablement à toute prise dřotages car cřest lřincapacité
des adversaires à le résoudre, soit par les armes soit par le
dialogue, qui va conduire lřun des ennemis à créer la situation
institutionnelle de lřotage. Cette institution donne son nom à la
personne qui en est victime : lřotage est en otage ; et tant lřappro-
che institutionnelle que statutaire autorise lřétude comparative du
phénomène dans le temps. Ainsi, non seulement la personne prise
en otage à toujours eu plus dřidentité, de pouvoir, de droits que
les autres dans une société donnée, mais avant tout, lřotage est
toujours un ennemi innocent considéré comme tel par les deux
adversaires. Une injustice est commise et le tiers visé est appelé à
646 Stratégique
Elle exclut aussi Israël, dont les liens avec le monde occidental
sont anciens en raison de la présence de cette minorité religieuse
dont on ne peut négliger lřinfluence et son statut particulier au
sein des États occidentaux depuis la seconde guerre mondiale,
dřautres démocraties comme le Japon. Les questions restent
posées sur lřAmérique du Sud, pourtant aux valeurs chrétiennes
prononcées, mais qui nřest pas considérée comme faisant partie
du monde occidental, montrant que le critère de la chrétienté
nřest pas le facteur principal de lřappartenance à lřOccident.
Cet ensemble de critères conduit à définir une société occi-
dentale à laquelle nous nous référons, mais aussi aux
changements qui la secouent dans ce XXIe siècle. Peut-on dire
pour autant que cette conception de lřOccident puisse finalement
être lřexpression dřune civilisation comme cela est souvent
déclaré et donc être un acteur éventuel dřun choc des idées, sinon
des civilisations ?
1
Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1996,
402 p. On ne peut quřinviter à lire cet ouvrage pour ne pas se limiter au simple
titre politicoŔmédiatique et pour réfléchir sur le fond. Le lecteur comprendra
mieux alors les réactions négatives de lřintelligentsia française.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 651
2
Ibid, p. 58.
3
Ibid, p. 67.
652 Stratégique
4
S. Huntington, op. cit., p. 31.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 653
5
PIA-00.180 du 22 mai 2008, ŖConcept des opérations contre un adversaire
irrégulierŗ.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 655
6
Colonel Chauvancy, ŖConceptualiser lřennemiŗ, Cahiers du CESAT
n° 6, octobre 2006, pp. 47-52, www.cesat.terre.defense.gouv.fr
656 Stratégique
source dřopposition qui prend les armes contre les forces armées
occidentales est un ennemi.
Enfin, la bataille pour la population est une caractéristique
majeure des guerres non-conventionnelles. La population devient
localement un enjeu quřil faut conquérir en raison du soutien
quřelle peut apporter par conviction, par nécessité ou par peur
aux belligérants : Ŗla population constitue ce terrain différent. Si
l‟insurgé parvient à dissocier la population du loyaliste, à la
contrôler physiquement et à obtenir son soutien actif, il gagnera
la guerre”7. Comme le rappelait à nouveau le colonel Trin-
quier, ŖL‟enjeu de la guerre moderne est la conquête de la
population”. En fonction de sa position, elle peut être une source
dřopposition passive ou active, une alliée. Aujourdřhui comme
hier, cela se traduit par la remise en cause de la légitimité
supposée des sources dřopposition auprès de la population.
7
Daniel Galula, Contre-insurrection : théorie et pratique, Economica,
première édition 1964, 213 p., p. 16. Le terme de Ŗloyalisteŗ est utilisé par
Daniel Galula pour définir les forces loyales au gouvernement face à lřinsur-
rection. Nous utiliserons lřexpression Ŗforces armées occidentalesŗ.
8
Opérations militaires et paramilitaires, conduites en général en territoire
ennemi ou hostile, principalement par des forces militaires ou paramilitaires
autochtones ; lutte armée menée par des partisans ou des groupes clandestins
se battant le plus souvent contre le pouvoir en place.
9
Emploi illégal ou menace dřemploi illégal de la force ou de la violence
contre les personnes ou les biens, afin de contraindre ou dřintimider les
gouvernements ou les sociétés dans le but dřatteindre des objectifs politiques,
religieux ou idéologiques.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 657
10
Centre Interarmées de Concepts, de Doctrine et dřEvaluation.
658 Stratégique
11
Centre de doctrine dřemploi des forces, Doctrine de la contre-rébellion,
FT13, 2009.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 659
12
Livre blanc, 2008, p. 35.
13
Les cahiers du CEREM, La Légitimité des interventions militaires, mars
2008, 77 p.
660 Stratégique
14
Lieutenant-colonel de Goislard de Monsabert, En relisant Bugeaud et
Lyautey, Charles Lavauzelle & Compagnie, Paris, 1937, 202 p., p. 13.
15
Article 57 du protocole 1 de 1977 des Conventions de Genève : le principe
de proportionnalité commande de s‟abstenir de lancer une attaque dont on
peut s‟attendre qu‟elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la
population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux
biens de caractère civil ou une combinaison des pertes ou dommages qui
seraient excessifs par rapport à l‟avantage militaire concret et direct attendu.
16
Colonel Roger Trinquier, La Guerre moderne, La Table Ronde, Paris,
1961, 202 p., p. 16. Voir aussi Guerre, Subversion, Révolution, 1968, dans
lequel il établit une doctrine de la contre-insurrection.
17
Daniel Galula, op. cit., p. 18.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 661
18
Ibid, p. 50.
19
Ibid, p. 115.
662 Stratégique
20
Ibid, p. 117.
21
Ibid, p. 137.
664 Stratégique
22
Ibid, p. 125.
23
Livre blanc, p. 191.
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 665
De la contre-propagande
Aujourdřhui comme hier, la propagande existe. Galula le
rappelait : ŖL‟insurgé, détaché de toute responsabilité, peut faire
jouer tous les rouages de la propagande ; il peut, en tant que de
besoin, mentir, tricher ou embellir la réalité. Il n‟a pas l‟obliga-
tion de prouver les informations qu‟il avance ; il est jugé sur ses
promesses et non sur ses actes. (…) Le loyaliste est prisonnier de
ses responsabilités et de son passif, et pour lui les actes en disent
plus long que les mots. S‟il ment, triche ou embellit la vérité, s‟il
ne prouve pas les informations qu‟il avance, il n‟obtient que des
victoires temporaires et est définitivement discrédité. Dans son
propre camp, l‟opposition sera prompte à démasquer chacune de
ses manœuvres psychologiques. (…) Le loyaliste peut donc
rarement masquer l‟inefficacité ou l‟absence de politique par la
propagandeŗ24. La problématique reste toujours la même avec
une dimension supérieure.
Lřabsence de Ŗfrontièresŗ pour la diffusion de lřinformation
permet lřexpression de la propagande de lřadversaire et conduit à
la guerre permanente des mots et des images avec leur contenu
émotionnel. Toute action militaire prévisible ou possible doit être
intégrée dans une stratégie générale dřinformation et de commu-
nication. Enfin, la durée même des conflits contemporains ne
tenant pas compte du calendrier politique national, a une influen-
24
Ibid, p. 26.
666 Stratégique
CONCLUSION
Aujourdřhui sans doute encore plus quřhier, la société occi-
dentale Ŕ et dans ses différentes composantes Ŕ doit être claire
dans ses objectifs et ses choix, y compris civilisationnels. Cette
approche la rendra crédible dans sa communication pour avoir de
lřinfluence sur les acteurs dřune crise et sur la perception que
peuvent en avoir les opinions publiques non-occidentales dans le
cadre des interventions militaires. Ses idées peuvent être ap-
puyées aujourdřhui par des actions de persuasion qui correspon-
draient à ce quřon appelle aujourdřhui, dans lřOTAN, la commu-
nication stratégique. Conçue au plus haut niveau, mise en œuvre
sur le théâtre des opérations comme en Afghanistan, elle fait
appel à la diplomatie publique, la communication, les opérations
dřinformation. Cette approche globale de lřinformation est dřau-
tant plus justifiée en terme de contre-propagande : Ŗ(…) aucune
opération ne peut être strictement militaire ou politique, ne
serait-ce que parce les effets psychologiques des opérations
influent toujours sur l‟ensemble de la situation, en bien ou en
Démocratie et guerre des idées au XXIe siècle 667
25
Daniel Galula, op. cit., p. 131.
26
Machiavel, Le Prince, Paris, Garnier Flammarion, 1980, p. 93.
La contre-insurrection dans l’âge
informationnel : le cas afghan
Français GÉRÉ
1
Seith G. Jones, Counterinsurgency in Afghanistan, RAND, 2008 pour
lřOSD.
672 Stratégique
L’idée de base
En soi fort louable, elle prétend tout remettre à plat en
critiquant les errements des conceptions et des pratiques anté-
rieures. Le principe directeur consiste à mettre en avant le
facteur crucial voire primordial des forces locales et des moyens
de sécurité quřelles pourront mettre en œuvre. Lřintervention
extérieure ne peut résoudre lřaffrontement. Certes, mais nřétait-ce
pas déjà une idée répandue au Viet-nam ? Pourtant les forces
internes hostiles au communisme ne manquaient pas. Pourquoi la
Ŗvietnamisationŗ nřa-t-elle pas fonctionné, comme ne fonctionne
pas Ŗlřirakisationŗ ? Parce que la formation de lřarmée était sous
responsabilité étrangère. Elle restait dans ses méthodes et son
inspiration foncièrement extérieure. Lřaide peut se faire en maté-
riel, mais lřorganisation et les méthodes de combat doivent pro-
2
venir des forces locales . Il suffisait dřapprovisionner les mou-
jahedines dans la guerre contre les Soviétiques. Ils savaient pour
le reste comment sřorganiser pour combattre.
Sans nul doute il faut sřengager dans cette voie, mais il
importe dřaller jusquřau bout. Or lřétude de la RAND manque la
dimension politique, au plus haut niveau, de lřaffrontement actuel
parce quřelle ne parvient pas à le caractériser. Reconnaissons que
ce nřest pas facile… Voici qui renvoie à une question essentielle.
2
Sur la base dřentretiens personnels avec dřanciens officiers et sous
officiers sud-vietnamiens rescapés en France, il apparaît que les instructeurs
américains ne comprenaient rien à la conception du combat vietnamienne. En
outre dans lřengagement même, les Sud Viet-namiens constataient la lenteur,
la lourdeur et le peu dřacharnement des troupes américaines. Au racisme des
uns répondait le mépris des autres. Evidemment ça ne fait pas une bonne
équipe !
La contre-insurrection dans l‟âge informationnel 673
Le danger du monologisme
Lřétude de la RAND tombe dans un travers classique
particulièrement dangereux : donner à penser quřune seule solu-
tion prévaut sur toutes les autres et quřil suffit de bien lřappliquer
pour résoudre le problème. Elle écarte les erreurs anciennes pour
imposer une unique vérité. Ce tropisme intellectuel que nous
appellerons Ŗsyndrome de LA solutionŗ exclusive et unilatérale
consiste à refuser la combinaison des approches en les posant
comme contradictoires, alors quřil faut les tenir pour complémen-
taires, les associer, les conjuguer, les faire fonctionner ensemble.
Trinquier avait partiellement raison, tandis que dřautres
comme Lacheroy ou Bigeard avaient aussi partiellement
3
compris . Chacun tenait une composante de lřaction, la croyant à
elle seule suffisante. Mais personne, nul chef militaire, nulle
autorité politique, nřest parvenu à coordonner les innovations, les
traditions des uns et des autres. Au contraire, le haut commande-
ment les laissa sřopposer. Chacun menait Ŗsaŗ guerre dřAlgérie.
Lřinnovation née de la connaissance du terrain est demeurée
constamment centrifuge. La mise en cohérence des procédés
tactiques et des méthodes opérationnelles au service du but
stratégique apparaît comme la tâche et la responsabilité principale
du commandant en chef qui ne doit pencher en faveur de
personne.
De même, assimiler lřAlgérie où intervenait gravement la
présence politique et économique des colons français avec dřau-
tres expériences, notamment britanniques, est tout simplement
ridicule. Colonisation dřexploitation et de peuplement créent des
conditions totalement différentes pour lřaction militaire quand se
déclare une réaction de rejet. La problématique est peu déter-
minée par les facteurs macro-stratégiques. Un rapprochement
mesuré peut être fait avec le cas dřIsraël face aux Palestiniens, à
ceci près Ŕ qui change tout Ŕ quřIsraël ne dispose pas dřune
métropole de repli.
Bref, lřétude RAND réfute facilement des expériences
antérieures inscrites dans des contextes totalement différents de
celui de lřIrak et de lřAfghanistan. Elle apporte un point de vue
3
Jřai étudié et partiellement publié dans La Guerre psychologique, ISC-
Economica, 1996, tous ces aspects. Partiellement car je nřai utilisé quřune
partie du matériau, en particulier les archives du colonel Trinquier dont je
dispose encore aujourdřhui.
676 Stratégique
4
Cřest un peu ce que De Gaulle avait demandé au général Challe en
1959-1960. Le succès dřopérations comme ŖJumellesŗ a donné le sentiment
illusoire que lřarmée gagnait la guerre dřAlgérie, alors quřelle ne faisait que
renforcer la position de négociation avec le FLN. On sait le tragique final de
ce malentendu.
La contre-insurrection dans l‟âge informationnel 677
L‟hétérogénéité de la coalition
Le troisième obstacle, le plus grave, est que cette
guerre de contre-insurrection est conduite par une
coalition. Or chacun des membres se fait une idée très
différente des raisons de sa présence en Afghanistan et
des buts à atteindre. Les missions des forces, de
cultures hétérogènes, diffèrent considérablement ainsi
que les instructions de comportement données aux
soldats de chaque pays.
CONDUIRE LA CONTRE-INSURRECTION EN
AFGHANISTAN DANS L’ÂGE INFORMATIONNEL
Si quelques principes conservent toute leur valeur, les pro-
cédés de contre-insurrection exigent une adaptation radicale pour
répondre aux deux données majeures de la réalité de la situation
(le rapport macro/micro stratégique), de manière à sřinscrire
efficacement dans lřâge informationnel qui ont été suggérées plus
haut.
5 Je ne puis entrer ici dans le détail des procédés qui relèvent de lřévidence
pour certains : les convois dřun point à un autre, lřutilisation dřunités de scouts
indigènes envoyés à lřavant du détachement ou de la colonne. Tout cela est
connu, pratiqué depuis les guerres indiennes et tant dřautres mais…
6
Entraînées signifie capables dřanticiper non seulement la bonne vieille
embuscade, mais des procédés innovants de lřennemi comme les opérations
suicides à deux ou trois détentes.
680 Stratégique
la base dřun argumentaire qui lui aura été fourni (lequel par
parenthèse aurait plus dřimpact en France que ce qui est aujour-
dřhui déclaré).
Ŗ
Les relations interétatiques s‟expriment dans et par
des conduites spécifiques, celles des personnages que
j‟appellerai symboliques, le diplomate et le guerrier...
L‟ambassadeur et le soldat vivent et symbolisent les
relations internationalesŗ1. Ces figures du soldat et du diplomate
si chères à Aron afin de penser la conduite diplomatico-straté-
gique sont, aux yeux de certains, incomplètes en raison dřune
priorité sur lřagenda contemporain : les guerres irrégulières. À cet
égard, elles laissent de plus en plus la place au terroriste qualifié
de barbare. Contre lui, le soldat ne peut pas vraiment se battre de
manière frontale. Avec lui, le diplomate ne peut pas vraiment
négocier. Depuis la fin de la guerre froide, des théoriciens dans le
domaine des relations internationales expriment un intérêt à
lřégard de cette notion. Les attentats du 11 septembre ont large-
ment renforcé cet engouement. Invisible et incontrôlable, dange-
reux et menaçant, cet acteur dřun genre considéré comme inédit
pénètre le champ théorique. Il devient le prisme à partir duquel
lřensemble des phénomènes est appréhendé, révélant par là la
primauté des faits transnationaux sur les faits interétatiques.
Ainsi, Mark Salter propose de relier lřessor de ces théories avec
lřidentité occidentale fondée sur la désignation permanente des
Barbares2. Depuis Euripide jusquřaux discours coloniaux du XIXe
1
Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, Calmann-Lévy,
1968, 6e éd., p. 17.
2
Mark B. Salter, Barbarians and Civilization in International Relations,
Londres, Pluto Press, 2002, pp. 24-27.
684 Stratégique
3
Cette analyse comporte des points communs avec des recherches focalisées
sur lřessentialisme culturel comme Iver B. Neumann, ŖSelf and Other in
International Relationsŗ, European Journal of International Relations, 2, 2,
1996, pp. 139-174 et surtout Vilho Harle, European Values in International
Relations, Londres & New York, Pinter Publishers, 1990.
4
Jean-Louis Fournel, Isabelle Delpla, ŖIntroductionŗ, Asterion, 2, juillet
2004. http ://www.asterion.revues.org/document81.html (journée dřétudes
organisée à lřÉcole Normale Supérieure Lettres Sciences Humaines de Lyon :
ŖBarbarisation et humanisation de la guerreŗ, 14 et 15 mars 2004).
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 685
parlaient pas aussi bien qu‟eux (...). Dans la suite des temps, les
Grecs ne s‟en servirent que pour marquer l‟extrême opposition
qui se trouvait entre eux et les autres nations, qui ne s‟étaient pas
encore dépouillées de la rudesse des premiers siècles, tandis
qu‟eux-mêmes, plus modernes que la plupart d‟entre elles,
avaient perfectionné leur goût et contribué beaucoup aux progrès
de l‟esprit humain. (...) En cela, ils furent imités par les Romains.
(...) Les Grecs et les Romains étaient jaloux de dominer plus
encore par l‟esprit que par la force des armesŗ. La notion de
Barbares, telle que la livre ici lřEncyclopédie de Diderot et
dřAlembert, dépasse ainsi le champ lexical du sauvage ou du
grossier. Elle rend bien compte de cette distance et de cette
supériorité de civilisation entre groupes humains qui développent
deux conceptions de lřuniversel5.
Ensuite, les discours et les représentations du Barbare
apparaissent à des moments très précis de lřhistoire. Ainsi, sous
lřeffet du développement économique6 et de lřessor de la Renais-
sance, les représentations européennes du musulman sont affec-
tées au XVIe siècle par la rhétorique du Barbare que lřon rencontre
déjà sous la plume de Dante7. Pétrarque8, Erasme ou Luther usent
fréquemment du terme9. Ces représentations réactivent lřopposi-
tion entre Grecs et Barbares10 mais en lřinterprétant de manière
étriquée, cřest-à-dire en accentuant son caractère conflictuel : la
cruauté lřemporte sur lřétrangeté. En dřautres termes, ces dis-
cours refaçonnent lřhistoire et donnent une lecture a posteriori
des faits à des fins de légitimation ou de mobilisation. Ils révèlent
lřexistence dřun travail de mémoire qui contribue à lřélaboration
5
La conception des Barbares renvoie à une conscience ainsi quřà une
pratique imparfaite de cet universel. Hector Ricardo Lers, Eduardo Viola, ŖLes
dilemmes de la mondialisation face au terrorisme islamisteŗ, dans Jean-
François Mattéi, Denis Rosenfield (dir.), Civilisation et barbarie, Paris, PUF,
1992, pp. 241-274. Pour ces auteurs, le Barbare ne renvoie pas à une diffé-
rence de nature puisque dans lřantiquité, les frontières étaient particulièrement
poreuses et malléables.
6
Samir Amin, L‟Eurocentrisme. Critique d‟une idéologie, Paris, Anthropos-
Economica, 1988, p. 73.
7
Dante, La Divine Comédie, Paris, Garnier, 1966, pp. 138-139.
8
Alain de Libéra, ŖUne double amnésie nourrit le discours xénophobeŗ, Le
Monde diplomatique, septembre 1993, p. 17.
9
Jean Delumeau, La Peur en Occident, Paris, Fayard, 1978, pp. 270-271.
10
Lřinterprétation de Bernard Lewis nous semble tout à fait pertinente dans
Europe Islam. Actions réactions, trad. Paris, Gallimard, 1992, pp. 54-55.
686 Stratégique
DE NOMBREUSES OCCULTATIONS
Rompre avec le sens commun. Tel est le socle de toute
activité scientifique. En théorie des relations internationales, cette
logique de la découverte mais aussi de lřintelligibilité se mani-
11
Voir en particulier Thierry Hentsch, L‟Orient imaginaire. La vision
politique occidentale de l‟Est méditerranéen, Paris, Minuit, 1988.
12
Le discours dřopposition envers le Barbare nřest pas frappé par une
pérennité. Le rapport à lřOrient, notamment, ne repose pas entièrement sur la
peur de populations inférieures en civilisation. Lřadmiration ou la fascination
ainsi que lřidée de régression surgissent dans les représentations européennes.
Voir Michael Hefferman, ŖRepresenting the Other : Europeans and the
Oriental Cityŗ, Cahiers de l‟Urbama, 24, 1993, pp. 80 et s.
13
Les différents dictionnaires ou traités de stratégie nřaccordent pas une
entrée ou un chapitre particulier à cette catégorie. Voir Hervé Coutau-Bégarie,
Traité de stratégie, Paris, Economica, 1999 ; François Géré, Dictionnaire de
pensée stratégique, Paris, Larousse, 2000 ; Gérard Chaliand, Dictionnaire de
stratégie militaire, Paris, Perrin, 1998 ; Jean Klein, Thierry de Montbrial (dir.),
Dictionnaire de stratégie, Paris, PUF, 2000. Robert Steele est peut-être
lřexception qui confirme la règle dans son article Robert Steele, ŖLes nations
intelligentes : stratégie nationale et intelligence virtuelleŗ, Défense nationale,
40, 1996, pp. 161 et s. Il distingue les barbares à haute technologie et sans
technologie dans lřaction guerrière.
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 687
14
Dario Battistella, Théories des relations internationales, Paris, Presses de
Sciences Po, 2002, pp. 30 et s.
15
Ibid., p. 30.
16
Ibid.
17
Ibid., p. 31.
18
Lřhistoire de la discipline née dans le champ politologique anglo-saxon est
ponctuée par une série de débats : le premier oppose dans lřentre-deux guerres
les idéalistes pro-SDN aux premiers réalistes ; le deuxième est lié à lřessor du
behaviorisme dans les années 1960 et tend à améliorer la méthodologie de
recherche ; le troisième se sédimente dans les années 80 autour de trois
paradigmes qualifiés dřincommensurables (les réalistes et néoréalistes ; les
libéraux et les marxistes). Dario Battistella, op. cit., pp. 73-103.
19
David Campbell, ŖPatterns of Dissent and the Celebration of Difference :
Critical Social Theory and International Relationsŗ, International Studies
Quarterly, 34, 1990, pp. 269-293.
688 Stratégique
20
Robert O. Keohane, ŖInternational Institutions : Two approachesŗ, dans
International Institutions and State Power : Essay in International Relations
Theory, Boulder, Westview Press, 1989, pp. 158-179. Cette dichotomie est à
nouveau énoncée en 1998 dans International Organization par Keohane et
deux autres internationalistes : Peter Katzenstein et Stephen Krasner.
21
Keohane affirme ainsi que ŖL‟institutionnalisme néolibéral partage d‟im-
portants engagements intellectuels avec le néoréalisme. Comme les néoréa-
listes, les institutionnalistes néolibéraux cherchent à expliquer les régularités
comportementales en examinant la nature de la décentralisation du système
international. Pas plus les néoréalistes que les institutionnalistes néolibéraux
ne se contentent d‟interpréter des textes. Les deux théories croient qu‟il y a
une réalité politique internationale qui peut être partiellement comprise, même
si elle va toujours rester partiellement voiléeŗ.
22
Article ŖRéflectivismeŗ dans Alex Mac Leod, Evelyne Dufault, F.
Guillaume Dufour, Relations internationales. Théories et concepts, Montréal,
Athéna, 2002, p. 149.
23
Pour une étude détaillée de ce quatrième débat, Ole Waever, ŖThe Rise and
Fall of the Inter-Paradigm Debateŗ dans Steve Smith, Ken Booth, Marysia
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 689
26
Dario Battistella, op. cit., p. 156.
27
Raymond Aron, ŖQuřest-ce quřune théorie des relations internationales ?ŗ,
Revue française de science politique, 17, 5, octobre 1967, pp. 837-861.
28
Ibid., p. 859.
29
Paris, Calmann-Lévy, 1984.
30
Aron renvoie le lecteur à lřacception grecque, cřest-à-dire lřétrangeté
(Ibid., p. 143).
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 691
35
Sur ce dernier aspect, voir Dario Battistella, op. cit., pp. 156-161.
36
Martin Wight, op. Cit., pp. 82-83.
37
Pour une description du débat entre ces deux postures, voir David Sanders,
ŖInternational Relations : Neo-realism and Neo-liberalismŗ, dans Robert E.
Goodin, Hans-Dieter Klingemann, A New Handbook of Political Science,
Oxford, Oxford University Press, 1996, pp. 428-445.
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 693
38
Charles-Philippe David, La Guerre et la paix. Approches contemporaines
de la stratégie et de la sécurité, Paris, Presses de Sciences po, 2000, p. 40.
39
Voir notamment, Robert O. Keohane, ŖInternational Liberalism Recon-
sideredŗ, dans John Dunn (ed.), The Economic Limits to Modern Politics,
Cambridge, Cambridge University Press, 1992, pp. 165-194.
40
Andrew Moravcsik, ŖTaking Preferences Seriously. A Liberal Theory of
International Politicsŗ, International Organization, 51, 4, Fall 1997, pp. 513-
553.
41
Dario Battistella, op. cit., p. 163.
694 Stratégique
42
Voir en particulier deux références dřAlexander Wendt : ŖAnarchy is What
States Make of It : The Social Construction of Power Politicsŗ, International
Organization, 46, n° 2, 1992, p. 391-425 ; ŖCollective Identity Formation and
the International Stateŗ, American Political Science Review, 88, n° 2, 1994, p.
384-396.
43
Alexander Wendt, Social Theory of International Politics, Cambridge,
Cambridge University Press, 1999, p. 261.
44
Ibid., p. 263.
45
Alexander Wendt, ŖWhy a World State is Inevitableŗ, European Journal of
International Relations, 9, 4, 2003, pp. 491-542.
46
La consultation de lřindex de lřInternational Political Science Abstracts
publié par lřAssociation internationale de Science politique est révélatrice.
Aucune entrée nřest accordée au Barbare depuis la fin de la guerre froide.
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 695
47
Sur les circonstances historiques en rapport avec lřhistoire de la discipline,
voir Fred Halliday, Rethinking International Relations, Londres, MacMillan
Press, 1994.
48
Lucien Poirier, La Crise des fondements, Paris, Economica, 1995, p. 177 et
s.
49
Ibid., p. 40.
50
Thérèse Delpech, Politique du chaos. L‟autre face de la mondialisation,
Paris, Seuil, 2002, pp. 56-57
51
Sur ces questions, voir notamment le numéro spécial de Raisons politiques
(13, février 2004) consacré au retour de la guerre et en particulier les
contributions de Stephen Launay (Ŗquelques formes et raisons de la guerreŗ, p.
14 et s., pp. 21 et s.) et de Michel Fortmann et Jérémie Gomand
696 Stratégique
La tendance impériale
Dans l‟Empire et les nouveaux barbares53, Jean-Christophe
Rufin cultive une comparaison audacieuse entre le contexte
stratégique post-guerre froide et lřhistoire de lřEmpire romain
telle que la dépeint Polybe au IIe siècle av. J.-C. Après la victoire
contre Carthage (146 av. J.-C.), ne subsiste aucune unité politique
susceptible dřinquiéter Rome : seuls demeurent des Barbares.
Ceux-ci ne désignent pas des ennemis en temps de guerre mais
lřantithèse de lřEmpire : ŖDans tous les domaines, Empire et
barbarie forment des couples contraires. Rome se veut garante
de la paix et de l‟harmonie, les Barbares guerroient sans cesse.
Elle est une république où gouverne le peuple ; ils obéissent à
des monarchies violentes. Elle est unie par sa culture et sa
langue ; ils sont morcelés et ne se comprennent pas. Elle est
rationnelle et sa religion contribue à l‟ordre de la Cité ; ils sont
ravagés par le fanatisme. Elle pratique la justice et respecte le
Droit ; ils ne se contiennent que par la forceŗ54. Les Barbares
participent de lřidentité impériale : Ŗest barbare ce qui n‟est pas
l‟Empire, s‟oppose à lui et, a contrario, le conforte et le défi-
nitŗ55. Avec la fin de la guerre froide, Rufin perçoit une cons-
truction idéologique identique à celle-ci : Ŗla révolution idéologi-
que qu‟a connue Rome après la défaite de Carthage est compara-
56
Ibid., p. 13.
57
Des lignes de fracture surgissent le long du Rio Grande, de la Méditerranée
et du fleuve Amour. Ibid., p. 160.
58
Si Polybe apparaît bien comme un précurseur quant à la conceptualisation
de lřempire, il exprime cependant des réserves relatives à lřefficacité des
valeurs impériales. Voir Claude Nicolet (dir.), Rome et la conquête du monde
méditerranéen, tome 2, Paris, PUF, 1978, p. 885.
59
L. R. Whittaker, Les Frontières de l‟empire romain, Paris, Les Belles
Lettres, 1989, p. 16.
698 Stratégique
La tendance critique
Cette seconde tendance a pour caractéristique essentielle de
ne pas sřinsérer au sein du dialogue scientifique stricto sensu.
Elle ne croit guère dans lřexistence dřénoncés vrais, mais plutôt
60
Alain Touraine, ŖCréer un nouvel État-providenceŗ, Le Monde, 30 mars
1994.
61
Mark Salter, op. cit., p. 133.
62
Ibid., p. 134.
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 699
63
Ariel Colonomos, ŖLřéthique de la politique étrangère. Nous et les barba-
res ou sauver lřautre pour se sauver soi-mêmeŗ, dans Frédéric Charillon (dir.),
Politique étrangère. Nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences Po, 2002,
pp. 113-138.
64
Ibid., pp. 122-123.
700 Stratégique
65
Paris, 10/18, 2003.
66
Ibid., p. 108.
67
Ibid., p. 114.
68
Pour la présentation du débat, voir les contributions dřEric Dunning,
Abram de Swaan et Patrick Bruneteaux, dans Yves Bonny (dir.), Norbert Elias
et la théorie de la civilisation. Lectures et critiques, Rennes, Presses Univer-
sitaires de Rennes, 2003.
69
Robert A. Pape perçoit une logique stratégique derrière ce phénomène. Les
terroristes visent à contraindre les démocraties libérales modernes à faire des
concessions notamment territoriales et, qui plus est, ils associent leur pratique
à une action payante puisquřelle offre des gains (le départ des forces françaises
et américaines au Liban, le renversement du régime sri lankais etc.). Voir son
article ŖThe Strategic Logic of Suicide Terrorismŗ, American Political Science
Review, 97, 3, août 2003, pp. 343-361. On peut toutefois sřinterroger sur la
présence dřune logique stratégique similaire au sein du néo-fondamentalisme
qui sřexprime à travers Al-Qaïda.
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 701
70
Stanley Hoffmann, ŖThéorie et relations internationalesŗ, Revue française
de science politique, 11, 3, juin 1961, p. 418.
71
Sur cette prise de position, voir Eric Dunning, ŖCivilisation, formation de
lřÉtat et premier développement du sport moderneŗ, dans Alain Garrigou,
702 Stratégique
L’attrait de la rupture
Une autre limite se profile quant à la prétention de ces
théories contemporaines. Elle réside dans le socle sur lequel elles
se construisent : à savoir la rupture fondamentale dans lřhistoire
des relations internationales avec la fin de la guerre froide et
surtout le 11 septembre. Si la période actuelle se caractérise en
effet par une transition dřun système international à un autre du
point de vue structurel (cřest-à-dire la configuration des rapports
de force qui nřest plus bipolaire), elle ne rime pas forcément avec
76
Anthony Giddens, Les Conséquences de la modernité, Paris, LřHarmattan,
1996, p. 57.
77
Ibid., p. 70.
78
Ibid., pp. 133 et s.
704 Stratégique
79
Olivier Roy, ŖBen Laden et ses frèresŗ, Politique internationale, 93,
automne 2001, p. 67 et s.
80
On pourrait même dire renationalisation du monde au profit de certains
acteurs considérés comme cibles privilégiés des terroristes. La réaction
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 705
CONCLUSION
ŖLa globalisation nous indique que nous arrivons à une
nouvelle étape du développement de la science politique. Notre
travail d‟accompagnement de construction de l‟État-nation
souverain est maintenant complété. Ce qu‟il importe d‟inscrire à
notre programme de travail, c‟est de redéfinir les grandes
catégories constitutives du politique dans une optique qui prenne
en charge les mutations essentielles de notre époque, dont la
globalisation bien sûr. Il ne s‟agit pas de faire table rase du
passé. Bien au contraire. Mais simplement de réaliser qu‟il vient
des moments où l‟on ne peut plus se contenter de réduire l‟ancien
et qu‟il faut imaginer du nouveauŗ82. Les théories qui tendent à
fabriquer le Barbare comme catégorie sřopposent à cette assertion
puisquřelles envisagent de penser à lřaide dřune notion polysé-
mique et dont les usages historiques diffèrent. Tout comme la
barbarisation de la guerre devient un objet dřétude pour les
penseurs politiques avec les guerres dřItalie et la multiplication
des états dřurgence au sein des cités, lřintérêt pour la notion de
Barbare en relations internationales tient à une série dřévéne-
ments historiques inscrits dans la période post-guerre froide. Ces
théories reflètent des positions épistémologiques visant à sortir du
quatrième débat au sein de la discipline. Elles ne contribuent pas
vraiment à lřélaboration dřénoncés falsifiables et favorisent
encore plus la fragmentation dřune discipline83. Bref, les oracles
qui prophétisent lřarrivée des barbares méritent dřêtre traitées
comme des symptômes dřun débat épistémologique plutôt que
84
Substituant les figures du barbare et du bourgeois à celles du soldat et du
diplomate sur lřactuelle scène internationale, ce dernier parle Ŗdřembourgeoi-
sement du barbareŗ ou de Ŗbarbarisation du bourgeoisŗ : Ŗle mafieux d‟aujour-
d‟hui est le business man de demain (...). Sous la pression d‟actions terroristes
à répétition, les démocraties pourraient se transformer en État policierŗ.
Pierre Hassner, ŖLe Barbare et le Bourgeoisŗ, Politique internationale, 84, été
1999, pp. 90-91. Sur ce point, voir également ŖBarbarians at the Gates : the
Moral costs of Political Communityŗ dans Igor Primoratz (ed.), Politics and
Morality, New York, Palgrave Macmillan, 2007, pp. 185 et s.
85
Alain Joxe, ŖBarbarisation et humanisation de la guerreŗ, dans Asterion,
op. cit.
Le barbare : une nouvelle catégorie stratégique 707
86
Lřimage ne renvoie pas au locuteur mais bien à lřobjet de la désignation.
87
Une alliance suppose une relation de collaboration, une agrégation
(potentielle) des forces militaires, une communauté dřintérêts stratégiques
conçus en termes de menace, une conception de lřaction collective comme
supérieure à lřaction individuelle. Michael D. Ward, Research Gaps in
Alliance Dynamics, Monograph Series in World Affairs, Vol. 19, 1, University
of Denver, 1982, p. 5.
Une révolution militaire en sous-sol1
le retour du modèle Templiers
Bernard WITCH
1
Ce texte représente la version remaniée dřune communication présentée
lors du colloque, Quelles frontières pour les relations internationales ?,
Université de Lausanne, La Grange de Dorigny, 29-31 mai 2008. La version
originale de ce texte paraîtra prochainement dans Pierre de Senarclens (ed.),
Les Frontières dans tous leurs états : les relations internationales au défi de la
mondialisation, Bruxelles, Bruylant.
710 Stratégique
2
Thierry de Montbrial, L‟Action et le système du monde, Paris, PUF, 2002,
p. 3 et sq.
712 Stratégique
régulières, cřest une guerre sans règle et sans limite, celle des
partisans, des insurgés, des pirates, des terroristes, des seigneurs
de guerre et des autres formes dřorganisations armées non-
étatiques3. Dans la stratégie moderne, la guerre irrégulière est
généralement qualifiée de petite guerre (klein Krieg, guérilla
dans son sens original), cřest-à-dire celle qui se déroule aux
marges de la grande guerre (guerre régulière, guerre
conventionnelle, guerre réglée), celle dont lřimportance
stratégique demeure mineure et se limite au harcèlement, à
lřembuscade, au coup de main, celle que lřon utilise Ŗen
attendantŗ ou Ŗpar défautŗ, mais dont on nřattend pas la décision
principale ou définitive. Pourtant, depuis les années 1940, ce type
de guerre est devenu un mode de conflit de plus en plus utilisé,
par les États dřabord, pour sřaffirmer ensuite, de nos jours,
comme la principale forme dřaffrontement à travers le monde.
Lřhistorien militaire britannique John Keegan parle à ce propos
de Ŗremilitarisation des sociétés par le basŗ par opposition à la
Ŗmilitarisation par le hautŗ quřil lie à lřÉtat moderne4.
Cette évolution sřexplique parce que la guerre convention-
nelle est devenue progressivement impraticable, dřabord en
raison de la faiblesse stratégique de certains États qui recourent à
la guerre irrégulière pour tenter de rétablir un certain équilibre
(Grande-Bretagne et URSS au début de la deuxième guerre
mondiale), puis en raison de lřapparition de lřarme nucléaire
rendant impossible tout affrontement conventionnel. On débou-
che ainsi sur une situation paradoxale où en quelque sorte Ŗla
petite guerre devient la grande guerreŗ, où le mode mineur
devient le mode majeur des conflits. Et pour revenir à la question
de lřinversion du processus et du retour dřorganisations sans
territoire : cette inversion dépend donc avant tout de ce renverse-
ment dans le domaine de la stratégie.
Quel en est le résultat ? Pour y répondre, il faut se reporter
à la formule de Charles Tilly, la guerre fait l‟État. Dans son
analyse de la formation de lřÉtat en Europe, le sociologue améri-
cain exprime par cette formule le fait que cřest la logique des
guerres modernes, à partir de la fin du XVIe siècle, qui conduit à la
création de lřappareil étatique moderne. Celui-ci constitue alors
3
Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie, Paris, Économica, 1999, p. 317
et sq.
4
John Keegan, Histoire de la guerre : du néolithique à la guerre du Golfe,
trad., Paris, Dagorno, 1996, p. 77 et sq.
Une révolution militaire en sous-sol 713
5
Charles Tilly, Contrainte et capital dans la formation de l‟Europe, 990-
1990, trad., Paris, Aubier, p. 38. De manière plus générale, nous nous ap-
puyons ici également sur les travaux de Martin Van Creveld, La Transfor-
mation de la guerre, trad., Paris, éditions du Rocher, 1998 ; The Rise and
Decline of the State, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 ; ainsi que
ceux de William McNeill, La Recherche de la puissance : technique, force
armée et société depuis l‟an mil, trad., Paris, Economica, 1992.
6
Cf. Niall Ferguson, The Cash Nexus: Money and Power in the Modern
World, 1700-2000, Londres, Allen Lane, 2001.
7
Cf. Michael Howard, La Guerre dans l‟histoire de l‟Occident, trad., Paris,
Fayard, 1988 (Hachette Pluriel ; 8543 C), p. 47 et sq.
714 Stratégique
8
Au sujet de la Pologne, cf. Thomas Ertman, Birth of the Leviathan : Buil-
ding States and Regimes in Medieval and Early Modern Europe, Cambridge,
Cambridge University Press, 1997, p. 267ss.
9
Charles Tilly, op. cit., p. 24.
10
Cf. Dominique Barthélémy, L‟Ordre seigneurial, XIe-XIIe siècle, Paris,
Seuil, 1990 (Nouvelle histoire de la France médiévale ; 3), p. 8.
Une révolution militaire en sous-sol 715
11
Étant donné lřabondance de la littérature sur le sujet, nous nous contentons
de citer lřouvrage suivant qui fait un excellent tour dřhorizon de la question :
Geoffrey Parker, The Military Revolution : Military Innovation and the Rise of
the West, 1500-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2e éd. révisée,
1996.
716 Stratégique
12
Cf. notamment, Philippe Braillard/Gianluca Maspoli, La “Révolution dans
les affaires militairesŗ : paradigmes stratégiques, limites et illusions, Annuaire
Français des Relations Internationales 2002, www.afri-ct.org.
Une révolution militaire en sous-sol 717
13
Cf. notamment Larry Kahaner, AK-47 : The Weapon That Changed the
Face of War, Hoboken, Wiley, 2007.
718 Stratégique
14
Misha Glenny, Mc Mafia : a Journey Through the Global Criminal
Underworld, Toronto, Anansi, 2008.
15
Cf. scène introductive du film consacré aux marchands dřarmes, Lord Of
War (2006).
16
Cité dans Glenny, op. cit.
Une révolution militaire en sous-sol 721
17
Cité chez Loretta Napoleoni, Terror Inc : Tracing the Money Behind
Global Terrorism, Londres, Penguin Books, 2004. Cf. également Nick Ko-
chan, The Washing Machine: How Money Laundering and Terrorist Finan-
cing Soils Us, Mason, Thomson, 2005; Moisés Naïm, Illicit: How Smugglers,
Traffickers and Copycats are Hijacking the Global Economy, Londres,
William Heinemann, 2005; R. T. Naylor, Wages of Crime: Black Markets,
Illegal Finance, and the Underworld Economy; New York, Cornell University
Press, éd. révisée, 2004.
18
Cité chez Jean-Paul Gourevitch, L‟Économie informelle : de la faillite de
l‟État à l‟explosion des trafics, Paris, Le Pré aux Clercs, 2002.
19
Cf. en particulier, sur cette tentative de contourner la guerre irrégulière par
la technologie, Michael T. Klare, ŖLa contre-insurrection, doctrine améri-
caineŗ, Le Monde diplomatique : Manière de voir, n° 87, juin-juillet 2006,
p. 80 et sq.
722 Stratégique
20
Google Documents, http://docs.google.com/Doc?id=ddxngf8j_ 314fzjc4x
f5&invite=fdkpvxt, 23 septembre 2008.
21
Mark Duffield, Global Governance and the New Wars : The Merging of
Development and Security, Londres, Zed Books, 3e éd., 2005; Guerre postmo-
derne: l‟aiuto umanitario come tecnica politica di controllo, trad., Bologne, il
Ponte, 2004.
Une révolution militaire en sous-sol 723
22
Mike Davis, Le Pire des mondes possibles : de l‟explosion urbaine au
bidonville global, trad., Paris, La Découverte, 2007 (Poche ; 261).
23
Cf. notamment, Thomas Sauvadet, Le Capital guerrier : concurrence et
solidarité entre jeunes de cités, Paris, Armand Colin, 2006.
24
Herfried Münkler, Die neuen Kriege, Hambourg, Rowohlt, 2002 (2004),
p. 35 et sq.
25
Cité chez Philippe Chapleau, Enfants-soldats : victimes ou criminels de
guerre, Paris, éditions du Rocher, 2007, p. 66 et sq. Cf. dans le même sens,
lřanalyse de Herfried Münkler sur les jeunes combattants-testostérones, Die
neuen Kriege, op. cit., p. 33 et sq.
724 Stratégique
26
Carl Schmitt, Théorie du partisan, trad., Paris, Flammarion, 1992
(Champs, 259), p. 213.
Une révolution militaire en sous-sol 725
27
En particulier, Philip Bobbitt, The Shield of Achilles : War, Peace and the
Course of History, Londres, Allen Lane, 2002.
28
Du point de vue événementiel et chronologique, le Ŗcoup de 1979ŗ
(augmentation spectaculaire des taux dřintérêt par les autorités monétaires
américaines) représente une réponse à la crise du système fordiste enclenchée
Une révolution militaire en sous-sol 729
par le choc pétrolier de 1973. Cette réponse voulait néanmoins bel et bien faire
sortir lřéconomie de la stagnation et retrouver la croissance, le mot dřordre
étant de créer de la richesse financière à court terme.
29
En particulier, Immanuel Wallerstein, ŖCřétait quoi le tiers-monde ?ŗ, Le
Monde diplomatique : Manière de voir, no 87, juin-juillet 2006, p. 6ss.
730 Stratégique
Moyen Âge XVIe siècle Temps Modernes XXe siècle Age Global
Empire/communa
Empire/Égl État - nation uté internationale
ise État-nation
royaumes
groupes armés …
ordres reli-
gieux/cités/
…
30
Cf. Jean Picq, Histoire et droit des États : la souveraineté dans le temps et
l‟espace européens, Paris, Presses de Science-po, 2005, p. 32. Le schéma dans
le texte représente une forme de périodisation de la longue durée institu-
tionnelle. Après un Moyen-Âge marqué par une pluralité dřinstitutions (Em-
pire/Église, royaumes…), sřouvre une phase de rupture (les guerres religieuses
du XVIe siècle) avec notamment lřenclenchement de la révolution militaire
(1560-1660). De là, naît une longue période de stabilité institutionnelle carac-
térisée par lřaffirmation de lřÉtat-nation (Temps Modernes). Le XXe siècle
représente une nouvelle phase de rupture (Longue Guerre), lřhypothèse dřune
révolution militaire en sous-sol se situant à la fin de cette phase. La mondia-
lisation (Age Global) se présente ainsi comme une nouvelle période de plura-
lité institutionnelle (Empire/communauté internationale…), un nouveau
Moyen Âge.
Une révolution militaire en sous-sol 731
DOSSIERS DE LA FEDN
L‟évolution de la pensée navale ....................................................... épuisé
L‟évolution de la pensée navale II ................................................... 20 €
L‟évolution de la pensée navale III ................................................. 20 €
BIBLIOTHÈQUE STRATÉGIQUE
Sun Zi, L‟art de la guerre................................................................. 19 €
Amiral Besnault, Géostratégie de l‟Arctique ................................... 28,20 €
Bernard Labatut, Renaissance d‟une puissance ? Politique de
défense et réforme militaire dans l‟Espagne démocratique ........... 29,73 €
Michel Tripier, Le royaume d‟Archimède ........................................ 23,63 €
Julian S. Corbett, Principes de stratégie maritime ........................... 29,73 €
Bruno Colson, La culture stratégique américaine. L‟influence de
Jomini ............................................................................................. 28,20 €
Hervé Coutau-Bégarie, Géostratégie de l‟océan Indien ................... 26,68 €
Serge Grouard, La guerre en orbite. Essai de politique et de
stratégie spatiale ............................................................................ 28,20 €
Valérie Niquet, Deux commentaires de Sun Zi ................................. 19,06 €
Lucien Poirier, La crise des fondements ........................................... 22,11 €
Bruno Colson, Repenser les alliances .............................................. 22,11 €
Hervé Coutau-Bégarie, Le désarmement naval ................................ 28,20 €
André Vigarié, La mer et la géostratégie des nations ...................... 28,20 €
Herbert Rosinski, Commentaire de Mahan ...................................... 19,06 €
Valérie Niquet, Le traité militaire de Sun Bin .................................. 19,06 €
Lucien Poirier, Stratégie théorique III ............................................. 29,73 €
François Géré, La guerre psychologique .......................................... épuisé
Philippe Forget et Gilles Polycarpe, Les réseaux et l‟infini. Essai
d‟anthropologie philosophique et stratégique ................................ 22,11 €
Général Camon, La guerre napoléonienne....................................... 30,49 €
Lucien Poirier, Stratégie théorique (3e éd.) ...................................... 29,73 €
Nathalie Blanc-Noël, La politique suédoise de neutralité active ..... 33,54 €
Michel Depeyre, Tactiques et stratégies navales de la France et
du Royaume-Uni de 1690 à 1815 ................................................... 29,73 €
John Warden III, La campagne aérienne. Planification en vue du
combat ............................................................................................ 22,71 €
Charles E. Callwell, Petites guerres ................................................. 37,96 €
Carl von Clausewitz, Théorie du combat ......................................... 14,94 €
Philippe Richardot, Végèce et la culture militaire au Moyen Age .... 25,15 €
Edward Luttwak, La renaissance de la puissance aérienne
stratégique ...................................................................................... 19,06 €
Jean-Pierre H. Thomas et François Cailleteau (dir.), Retour à
l‟armée de métier............................................................................ 26,68 €
Claude Le Borgne, Le métier des armes........................................... 24,24 €
Hervé Coutau-Bégarie, Traité de stratégie 6e éd. ............................. 37 €
Loup Francart, Maîtriser la violence ................................................ 30,49 €
Frontin, Les Stratagèmes .................................................................. 26,68 €
Bruno Colson et Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Pensée stratégique
et humanisme .................................................................................. 26,68 €
Maréchal Foch, De la Conduite de la guerre ................................... 30,49 €
Claude Le Borgne, La Stratégie dite à Timoléon ............................. 22,71 €
Anne Marchais-Roubelat, De la Décision à l‟action........................ 28,20 €
Henry Lloyd, Histoire des guerres d‟Allemagne .............................. 29,73 €
Maréchal Marmont, De l‟esprit des institutions militaires ............... 22,87 €
Lucien Poirier et François Géré, L‟attente et la réserve ................... 26,68 €
François Géré et Thierry Widemann (dir.), La guerre totale ........... 23 €
Pierre Laederich, Les limites de l‟empire ......................................... 30 €
Général Lewal, Introduction à la partie positive de la stratégie ...... 23 €
Philippe Boulanger, La géographie militaire française 1871-1939 . 49 €
Maurice de Saxe, Mes Rêveries ........................................................ 39 €
François Géré, La sortie de guerre ................................................... 23 €
Jean Klein, Patrice Buffotot, Nicole Vilboux (dir.), Vers une
politique européenne de sécurité et de défense .............................. 37 €
Michel Depeyre, Entre vent et eau. Un siècle d‟hésitations
tactiques et stratégiques 1790-1890 .............................................. 70 €
Jean-Pierre Cabestan, Chine-Taiwan, la guerre est-elle
concevable ? ................................................................................... 55 €
Général Karl von Willisen, Théorie de la grande guerre ................. 40 €
Martin Motte, Une éducation géostratégique. La pensée navale
française de la Jeune École à 1914 ................................................ 70 €
Christian Malis, Raymond Aron et le débat stratégique français
(1930-1966) .................................................................................... 70 €
Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Les médias et la guerre ...................... 70 €
Philippe Richardot, La fin de l‟armée romaine (284-476), 3e éd...... 35 €
Jean-Philippe Baulon, Défense contre les missiles – 1945-2005 ...... 35 €
Serge Gadal, La guerre aérienne vue par William Sherman ............ 35 €
Philippe dřHugues et Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Le cinéma
et la guerre ..................................................................................... 24 €
Bruno Colson, Le général Rogniat, ingénieur et critique de
Napoléon ........................................................................................ 55 €
Giulio Douhet, La maîtrise de l‟air .................................................. 37 €
Hervé Coutau-Bégarie, L‟océan globalisé ....................................... 30 €
Laure Bardiès et Martin Motte, De la guerre ? Clausewitz
et la pensée stratégique contemporaine ......................................... 39 €
Benoît Durieux, Clausewitz en France. Deux siècles de débat
sur la guerre 1807-2007 ................................................................. 49 €
Michel Grintchenko, L‟opération Atlante. Les dernières
illusions de la France en Indochine ...........................................49 €
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Dimitry Queloz, De la manœuvre napoléonienne à l‟offensive
à outrance. La tactique générale de l‟armée française
1871-1914 ..................................................................................49 €
Matthieu Chillaud, Les pays baltes en quête de sécurité .................. 29 €
Jean-Philippe Baulon, L‟Amérique vulnérable ? Antimissiles
et culture stratégique aux États-Unis (1946-1976) ........................ 49 €
Edward Luttwak, La grande stratégie de l‟empire romain, 2e éd. ... 35 €
STRATÉGIQUE
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Stratégique n° 58. La géostratégie II.................................................... 20 €
Stratégique n° 59. La stratégie aérienne .............................................. 20 €
Stratégique n° 60. L‟évolution de la stratégie ...................................... 20 €
Stratégique n° 61. La défense française. État des lieux........................ 20 €
Stratégique n° 62. Stratégie fondamentale ........................................... 20 €
Stratégique n° 63. Stratégies orientales ............................................... 20 €
Stratégique n° 64. La stratégie aérienne II .......................................... 20 €
Stratégique n° 65. La rupture stratégique ............................................ 20 €
Stratégique n° 66/67. Les terrorismes contemporains ......................... 20 €
Stratégique n° 68. Stratégie, opératique, tactique ................................ 20 €
Stratégique n° 69. Stratégie, information, communication .................. 20 €
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Stratégique n° 73. Le renseignement I.................................................. 20 €
Stratégique n° 74-75. La guerre du Kosovo ......................................... 20 €
Stratégique n° 76. La pensée stratégique II ......................................... 20 €
Stratégique n° 77. Stratégies nucléaires............................................... 20 €
Stratégique n° 78-79. Clausewitz ....................................................... épuisé
Stratégique n° 80. Stratégies africaines ............................................... 20 €
Stratégique n° 81. La géographie militaire .......................................... 20 €
Stratégique n° 82-83. La géographie militaire II ................................. 20 €
Stratégique n° 84. Les penseurs militaires ........................................... 20 €
Stratégique n° 85. Terrorisme et stratégie ........................................... 20 €
Stratégique n° 86-87. Stratégies atlantiques ........................................ 20 €
Stratégique n° 88. Stratégie et histoire................................................. 20 €
Stratégique n° 89-90. Stratégies navales .............................................. 20 €
Stratégique n° 91-92. Stratégies nordiques .......................................... 20 €
Stratégique n° 93-94-95-96. Guerres irrégulières ............................... 39 €
CORPUS DES ÉCRIVAINS MILITAIRES
Doisy, Essai de bibliologie militaire (1824)......................................... 20 €
Bardin, Dictionnaire des auteurs militaires (1850) .............................. 35 €
Grandmaison, La petite guerre ou traité du service des troupes
en campagne (1756) ........................................................................... 35 €
Jeney, Le partisan ou l‟art de faire la petite guerre (1766) ................. 25 €
Comte de La Roche, Essai sur la petite guerre (1770) ........................ 40 €
Grenier, L‟art de la guerre sur mer ou tactique navale (1788) ............ 20 €
Schlichting, Le Testament de Moltke (1900) ........................................ 35 €
Clausewitz, La campagne de 1813 (1813) ........................................... 30 €
Pétain, Tactique d‟infanterie (1911) ..................................................... 40 €
Marquis, La stratégie maritime (1936)................................................. 40 €
Monclar, Catéchisme du combat (1940)............................................... 30 €
Bernard, L‟art de la guerre, ses progrès, son état actuel (1868).......... 30 €
Bülow, Esprit du système de guerre moderne (1799) .......................... 30 €
VDSG, Abrégé de la théorie militaire (1766) ...................................... 40 €
Hay du Chastelet, Politique militaire (1668) ........................................ 40 €
Montecucculi, Principes de l‟art militaire (1663) ................................ 40 €
La Croix, Traité de la petite guerre pour les compagnies franches
(1752) ................................................................................................. 20 €
Debeney, Cours d‟infanterie (1910) ..................................................... 40 €
Prince de Ligne, Fantaisies et préjugés militaires (1780) .................... 40 €
Gualdo Priorato, Le guerrier prudent et politique (1642) .................... 40 €
Clausewitz interprété par Dragomiroff (1889)..................................... 30 €
Camon, La manœuvre de Wagram (1911)............................................ 20 €
HORS COLLECTION
Aspects du désarmement naval (CAPC) ...........................................30,49 €
Claude Carlier, Le match France-Amérique. Les débuts de
l‟aviation ............................................................................................ 49 €
Hervé Coutau-Bégarie, Bréviaire stratégique ...................................... 20 €
Frédéric Naulet, La ferme des poudres et salpêtres.............................. 20 €
Revue Stratégique
B.P. 08 Ŕ 00445 Armées
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