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MODULE DE FORMATION
EVOLUTION DE LA LOGISTIQUE
Bernard SIA
CONSULTATNT- FORMATEUR
LOGISTIQUE & COMMERCE INTERNATIONAL
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E-mail : bernard.sia@vivoenergy.com / lwconsulting13@gmail.com
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TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS
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INTRODCUTION
DEFINITION DE LA LOGISTIQUE
La logistique recouvre toujours des fonctions de transport, stockage et
manutention et, dans les entreprises de production, tend à étendre son
domaine en amont vers l’achat et l’approvisionnement, en aval vers la
gestion commerciale et la distribution. On cite souvent la définition
d’origine militaire :
« La logistique consiste à apporter ce qu’il faut, là où il faut et quand il faut ».
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- Une logistique de production qui consiste à apporter au pied des lignes de
production les matériaux et composants nécessaires à la production.
- Une logistique de distribution, celle des distributeurs, qui consiste à
apporter au consommateur final, soit dans les grandes surfaces
commerciales, soit chez lui en VPC par exemple, les produits dont il a
besoin.
- Une logistique militaire qui vise à transporter sur un théâtre d’opérations
les forces et tout ce qui est nécessaire à leur mise enœuvre opérationnelle
et leur soutien.
- Une logistique de soutien, née chez les militaires mais étendue à d’autres
secteurs tels que l’aéronautique, l’énergie, l’industrie, etc…, qui consiste à
organiser tout ce qui est nécessaire pour permettre la bonne marche de
l’activité principale de l’entreprise (exemple : la maintenance, le service
après-vente).
- Une retro-logistique ou logistique en l’envers ou logistique des retours qui
consiste à reprendre des produits dont le client ne veut pas ou qu’il veut
faire réparer, ou encore à traiter des déchets industriels tels que les
emballage ou produits inutilisables, les épaves de voitures
- Une logistique humanitaire pratiquée par les organisations humanitaires
telles que le HCR, la croix rouge etc… qui consiste à gérer et à sécuriser le
mouvement des personnes dans les zones de guerres ou zones sinistrées.
- Une logistique portuaire ou aéroportuaire qui consiste en la gestion de
toutes les opérations au sein des ports et aéroports.
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Comme nous pouvons le constater, aucune définition n'est suffisante pour
appréhender le champ conceptuel de la logistique. C'est seulement en
refaisant l'histoire du concept que l'on peut mesurer les chemins tortueux
du développement de la logistique jusqu'à la supply chain et mieux
comprendre son avenir.
On s'attachera donc successivement à examiner quelques grandes étapes de
l'histoire de la logistique :
- Ses origines militaires et son développement dans le domaine des
transports, de la manutention et du magasinage ;
- L’utilisation de l'informatique et de la recherche opérationnelle ;
- La révolution du juste-à-temps et l'École de Toyota ;
- Les grandes manœuvres logistiques de la distribution au cours des années
1980 et 1990;
- Les apports des militaires et des grands projets : la logistique intégrée.
- L’avenir de la logistique
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trouver des vivres et des fourrages, si possible avant l'arrivée des troupes,
sur une bande d'autant plus large que les troupes à entretenir étaient plus
nombreuses. Il faut penser aux quantités de nourriture et de fourrage
nécessaires à des armées de dizaines de milliers d'hommes et de chevaux. Il
y aurait toute une histoire militaire à réécrire pour tenir compte de ce dont
les livres d'histoire parlent peu, des contraintes logistiques, des
recouvrements de zones de déploiement logistiques entre armées
ennemies, de la destruction des échelons logistiques par les corps de
bataille, etc. Les produits rassemblés devaient être regroupés à l’abri des
incursions de l’ennemi et au XVIIème siècle est apparu le concept de réseau
de places-fortes logistiques permettant de soutenir les déplacements d'une
armée en campagne. Au XIXe J siècle sont nés dans l'armée française les
services de l'intendance et du train des équipages. Les calculs de besoins,
de délais de transport, d'espace de ramassage, de stocks faisaient
apparaître une sorte de nouvelle science que l'on n'appelait pas encore la «
Recherche opérationnelle » mais qui en avait déjà j un peu l'esprit et que
l'on appela « logistique » pour en consacrer le caractère logico-
mathématique.
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- La gestion des transports avec le développement de pool de transports
logistiques, le développement des moyens de manutention et des gestions
sophistiquées de la planification des transports,
- La conception de bateaux, avions et engins roulants adaptés aux problèmes
rencontrés,
- L’utilisation d'emballages, palettes, containers, filets, parachutes, etc. et le
développement d'une doctrine du packaging militaire,
- La conception de « rations » conditionnées en fonction de l'effectif et des
conditions de l'activité et d'une planification rigoureuse de l'alimentation
des troupes en campagne,
- La conception d'infrastructures provisoires faciles à mettre en place : oléo-
ducs, réservoirs, entrepôts, ateliers, plates-formes logistiques de
distribution, ports de déchargement, etc.
On notera l'aspect essentiel de la planification. Le succès d'une action militaire
repose, entre autres facteurs, sur la capacité de mettre en place le matériel
nécessaire au moment utile, là où il faut. C'est d'ailleurs une autre
définition classique de la logistique.
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Il s'agissait de faire appel à des équipes de chercheurs scientifiques de
différentes l’origines pour résoudre des problèmes « opérationnels ». On a
vu ainsi déterminer par le calcul, la taille optimale des convois de transport
entre les États-Unis et l'Europe face à la menace des sous-marins
allemands. Après la guerre, les chercheurs ont pu utiliser désormais dans
les grandes entreprises, l'expérience acquise dans les armées. En Amérique
du Nord particulièrement, où les laboratoires d'universités vivent pour une
part non négligeable de contrats passés avec les entreprises, cette
reconversion s'est faite naturellement.
Il est très significatif que l'appellation « recherche opérationnelle » soit un
peu ; passée de mode. Ce n'est pas par abandon des méthodes sous-
jacentes mais ; au contraire à cause de leur développement. Avec
l'informatique, ces méthodes : sont devenues, avec plus ou moins de
bonheur, le pain quotidien des services ' fonctionnels des grandes
entreprises. La loi de Poisson, les modèles mathématiques linéaires ou non,
les programmes de simulation sont désormais couramment utilisés. Or la
logistique est, dans le champ des problèmes de gestion, un bon pourvoyeur
de problèmes susceptibles de faire appel à des modèles mathématiques.
Quelques problèmes célèbres subsistent :
- Où placer un entrepôt pour optimiser la desserte de différents points de
distribution en tenant compte de la géographie, des voies de circulation,
des délais et des coûts de transport ?
- Comment optimiser le renouvellement d'une flotte de transport en tenant
compte de tous les éléments du coût d'exploitation ?
- Comment organiser les tournées de transport pour la desserte de plusieurs
points de livraison ?
- Comment organiser un réseau logistique optimal à plusieurs dépôts avec
des niveaux d'entreposage successifs ?
Deux domaines ont particulièrement bénéficié du développement de
l'informatique et de la mise en œuvre de méthodes « savantes », l'un
rattaché traditionnellement à la logistique, la gestion des stocks, l'autre
dont le rattachement à la logistique est encore rare, la gestion de
production.
Dans l'industrie, la gestion de production et l'ordonnancement des machines
n'étaient pas considérés jusqu'à ces dernières années comme faisant partie
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de la logistique. C'étaient des problèmes de méthodes de production mises
en œuvre par des cellules spécialisées des Services et Directions de
production. Dans beaucoup d'industries, une telle gestion était
extrêmement sommaire. Les entrepôts et les magasins des distributeurs
étaient servis à partir de magasins d'usine recomplétés au fur et à mesure,
avec des programmes mensuels de fabrication et des méthodes
d’ordonnancement journalier ou hebdomadaire des machines. Bien
entendu les problèmes d’ordonnancement pouvaient être extrêmement
complexes en fonction de la complexité des produits à fabriquer. Les
fabricants d'automobile ont toujours eu des systèmes complexes
d'ordonnancement pour alimenter leurs lignes de production.
Le point commun entre tous ces aspects semble être le concept de flux. En
1962 paraissait au MIT un ouvrage du professeur Forrester : Industrial
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Dynamics. C'était une tentative de modélisation de l'entreprise sous forme
de flux de toute nature (Forrester, 1962) et l'on a vu que la plupart des
définitions de la logistique font appel à cette notion de flux. On peut penser
que la logistique a trouvé là sa bible universitaire encore peu exploitée mais
il faut bien laisser du travail pour les chercheurs de demain...
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La deuxième solution paraissait a priori impossible à mettre en œuvre. On peut
penser que le consommateur n'est pas prêt à attendre plusieurs mois la
livraison du véhicule qu'il veut acheter ; or c'était l'ordre de grandeur du
délai de transit du véhicule et des éléments qui le composent tout au long
des ateliers et chaînes ries de montage. En revanche, il apparaît qu'une
partie importante des consommateurs est prête à attendre une semaine ou
deux pour recevoir un véhicule, d'autant plus que le nouveau
consommateur est devenu exigeant et ne se contente plus d'un modèle
standard. En outre, on peut attendre les commandes des concessionnaires
pour mettre en fabrication les véhicules correspondants.
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roues a utilisé un lot de jantes, il demande au poste de fabrication des
jantes d'en fabriquer un nouveau lot, son stock de jantes lui permettant de
continuer « éventuellement » à fabriquer des roues jusqu'à l'arrivée de ce
lot de jantes. Le mot « éventuellement » est important car il signifie que si
aucun poste aval ne lui demande de fabriquer un lot de roues, il n’en
fabriquera pas. Bien entendu le réglage de tous ces stocks et de tous ces
lots est très délicat.
Dans l’organisation traditionnelle, chaque poste fabrique tout de suite ce que
ce que le plan lui a assigné et ne s’arrête que lorsqu’il a terminé. Il expédie
sa production vers l’aval. Dans une organisation de type Kanban, chaque
poste ne fabrique que ce que l'aval lui réclame. La notion de « juste-à-
temps » remonte de l'aval à l'amont.
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met en fabrication un lot, on doit changer l'outillage ou le réglage de la
machine, si l'on a fabriqué autre chose auparavant. Le temps de démarrage
est souvent générateur de pièces non conformes (la « mise au mille »). Il
faut donc fabriquer le plus possible d'un seul coup pour répartir ces pertes
de temps et de matière lors du changement d'outils ou de la mise au mille
sur un lot suffisamment important. Ces deux principes sont évidemment
contradictoires et une bonne partie des méthodes savantes
d'ordonnancement consiste à optimiser ces lots en tenant compte des
coûts liés à la taille d'un lot et du coût de conservation de stocks trop
importants.
Une autre solution consiste à s'efforcer de réduire les temps de changement
d'outillage. C'est le but du SMED (Single Minute Exchange Die : changer
l'outil en un temps en minutes exprimable par un nombre d'un seul
chiffre !). Le but ultime est alors le système OTED (One Touch Exchange
Die) qui consiste à changer de fabrication en appuyant sur un bouton. On
peut alors faire des lots aussi petits qu'on le désire.
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la concurrence, veut toujours plus de variété. La Ford des années 1930 était
d'une seule couleur. La 2CV des années 1950 aussi. Maintenant l'acheteur
d'un véhicule veut choisir les couleurs des différentes parties du véhicule,
les matières et les dessins de la sellerie, son moteur, son système de
freinage, son tableau de bord, son combiné radio, ses pneus, ses jantes,
etc. Il y a de moins en moins de véhicules identiques. Les fabricants
d'automobile ont poussé la demande dans ce sens pour justifier le délai de
livraison du juste-à-temps et battre la concurrence. Mais ils ont été pris à
leur propre jeu dans une sorte de « cut-throat compétition » où la gestion
de production devient de plus en plus difficile.
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3.4 les contresens de la qualité : produire moins cher, vendre plus ou vendre
plus cher ?
Dans un processus automatisé, toute pièce doit être exactement aux normes
et doit entrer dans la machine dans les conditions prévues au moment prévu. Il
n'y a plus d'opérateurs pour remédier aux multiples petites défaillances,
irrégularités, non-conformités. Tout ce qui n'est pas prévu arrête la
machine et par; contrecoup toute la ligne de production. L'automatisation
n'entraîne pas seulement la rigueur des processus, mais aussi la conformité
de tous les éléments matériels qui participent à la production. Toutes les
qualités nécessaires de toutes les pièces doivent être contrôlées dès leur
fabrication. Ces qualités nécessaires résultent de cahiers des charges très
précis. On ne sait pas produire autrement avec un processus automatisé.
Il faut donc définir strictement les caractéristiques de chaque pièce, les modes;
de fonctionnement des procédés, les conditions de démarrage, de
conduite,; d'entretien et de réglage. Comme tout ce qui se règle peut se
dérégler, il faut vérifier en permanence les caractéristiques de ce qu'on
produit dès qu'on l'a; produit. C'est le TQC (Total Quality Control).
L'École de Toyota a dû aussi inventer le TQC avec toutes les méthodes
statistiques qui vont avec : les plans d'expériences, analyses de Pareto,
cartes de contrôle, graphiques temporels, etc.
Tout cela avait un but premier : produire efficacement avec des procédés
automatiques. Le résultat est qu'une automobile, dont toutes les pièces
sont exactement aux normes et assemblées comme il faut, est aussi une
bonne automobile. Et comme le fait de produire économiquement
n'interdit pas de bien vendre, au contraire, les vendeurs de Toyota, bientôt
relayés par les vendeurs des autres fabricants japonais qui avaient adopté
les mêmes méthodes, ont entonné le chœur de la Qualité, qualité d'ailleurs
réelle, mais bien argumentée pour bien vendre.
Les États-Unis et l'Europe ont suivi mais tout le monde n'a pas compris de quoi
il s'agissait. On veut la qualité pour la qualité ; on veut produire des biens
de meilleure qualité (ce qui est louable mais peut être cher). On veut être
certifié ISO 9000 car les faiseurs de normes se sont mis dans la partie. Tout
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cela est bien mais beaucoup ont oublié la raison première : produire moins
cher en automatisant. Beaucoup d'entrepreneurs veulent fabriquer des
produits de meilleure qualité pour les vendre plus chers...
On analyse classiquement trois politiques possibles pour une entreprise. On
peut produire le moins cher. On notera (Treacy et Wiersema, 1995) que les
entreprises qui visent les coûts les plus bas privilégient aussi la
standardisation des processus et le culte du zéro défaut.
On peut au contraire produire la meilleure solution aux besoins des clients, les
produits les mieux adaptés, ce qui ne veut pas dire les moins chers ni les
plus performants. On peut aussi vouloir fournir le « meilleur produit ». Mais
le meilleur produit n'est pas le produit de meilleure qualité : c'est un
produit nouveau à la pointe de la technologie, toujours renouvelé. C'est
une autre qualité qui n'est pas toujours exempte de défaut. Il ne faut pas se
tromper de cible. Or on peut se demander si la doctrine de l'École de
Toyota a toujours été bien comprise...
Mais l’aventure aura eu au moins le mérite de mettre aussi en avant la qualité
logistique par excellence : la livraison à temps.
Il ne faudrait cependant pas croire que les retards de livraison, cette maladie
chronique de certaines industries ont disparu. On voit des administrations
exiger de leurs fournisseurs, avant de leur passer un contrat, de volumineux
dossiers d'assurance qualité, mais ne pas vérifier la capacité du fournisseur
à produire à temps ce qu'on lui demande comme si l'existence n'était pas
une caractéristique essentielle d'un produit...
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relations clients-fournisseurs, il est indispensable de ne pas perdre, en
transmission de documents manuels, le temps gagné dans les transferts de
matériel. [ Une entreprise comme Michelin France a analysé un potentiel
de 500 000 transactions EDI par mois avec ses clients et ses fournisseurs.
Les codes à barres H| du GENCOD et les normes en cours de définition
pour les échanges clients-fournisseurs seront les bases du système. On voit
des groupements se constituer dans l'automobile par exemple pour
échanger des catalogues, des commandes prévisionnelles et plannings de
besoins, des commandes en Hi juste-à-temps, des avis d'expédition, des
factures, etc. La logistique progresse au même pas que l'informatique.
Au cours des années 1960 à 1990 s'est développée en France ce que l'on H
appelle la « grande distribution » par opposition aux petits commerces qui,
soutenus par des grossistes, constituaient l'armature traditionnelle de la
distribution. C'est surtout dans le domaine de la distribution alimentaire
que sont apparus les hypermarchés et les supermarchés qui sont soit de
grandes entreprises (Carrefour, Auchan), soit des entreprises à succursales
(Casino), soit des regroupements d'indépendants (Leclerc, Intermarché). En
1995, hypermarchés et supermarchés représentent 69,2 % du chiffre
d'affaires du commerce de détail alimentaire en France - cependant en
décroissance par rapport à 1993 (72,8 %).
Jusqu'au début des années 1980, la plupart de ces grandes surfaces étaient
livrées directement par leurs fournisseurs, ne serait-ce que parce que ceux-
ci livraient franco. C'est encore le cas en 1998 pour certains d'entre eux
comme les magasins Leclerc approvisionnés à 60 % par livraisons directes
ou encore Cora.
Cependant, beaucoup de ces entreprises de la grande distribution se sont
aperçues que ce système présentait bien des inconvénients :
- Développement des stocks de chaque magasin au détriment de la surface
commerciale, or ces surfaces à proximité immédiate des villes fuient cher et
ne peuvent que difficilement s'agrandir à cause de la réglementation,
particulièrement depuis la loi Raffarin de 1996,
- Multiplicité des livraisons arrivant à toute heure et demandait du personnel
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pour les déchargements.
- Contrôle de la logistique par les fournisseurs qui, par le jeu des livraisons
franco, conservaient le contrôle d'une partie non négligeable des coûts. Les
coûts logistiques représentaient en effet vers le milieu des années 1980
près de 15 % du chiffre d'affaires.
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Cela ne signifie pas nécessairement le développement de grands services avec
des effectifs nombreux. De grandes entreprises comme Carrefour ou Cora
ont sous-traité systématiquement leur logistique (stockage et transport)
tout en en conservant la maîtrise avec une équipe réduite et un système
informatique développé. Presque tous (à l'exception d'Intermarché) ont
sous-traité leurs transports.
Le bilan logistique de la grande distribution est cependant assez contrasté. On
lui doit une grande sensibilité à l'analyse et au contrôle des coûts
logistiques.
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les sous-traitants, le développement de l'automatisation des entrepôts et
plates-formes logistiques.
Mais désormais la situation change très vite. C'est en Amérique du Nord, puis
en Europe du Nord, que l'on a d'abord vu apparaître de nouvelles formes
de partenariats entre producteurs et distributeurs: trade-marketing ECR
(EfficientConsumer Response). Rapidement ces partenariats ont affecté la
logistique pour en réduire les coûts avec de nouvelles règles de jeu à
somme non nulle qui posent de délicats problèmes de partage. Nous
analyserons en détail les nouvelles procédures qui tendent à transférer aux
fournisseurs le soin d'approvisionner les points de vente à travers le cross-
docking et l'EDI (échange de données informatisées) et aussi de supporter
les coûts des stocks des stocks sur la chaîne logistique. Les procédures d'un
distributeur américain Wal-Mart, tendent à devenir la référence universelle
dans les pays développés. Il est vraisemblable que, d'ici quelques années, la
distribution française n'aura d'autres spécificités que le nombre des
fromages sur le linéaire. '"T" Z''. Le développement récent du commerce
sur Internet, l'e-commerce, risque de modifier à nouveau cette situation.
L'importance du dernier kilomètre sur les coûts logistiques globaux
privilégie l'organisation actuelle en supermarchés et hypermarchés,
particulièrement en France. Mais il est possible' que cet équilibre soit
déplacé avec le développement d'Internet et l'émergence d'une nouvelle
catégorie de consommateurs prêts à payer plus pour se faire livrer à
domicile ou près de leur domicile. Une certaine perte de parts de marché
des grandes surfaces au cours des dernières années en est peut-être un
indice même si le succès n'est pas actuellement au rendez-vous des
investissements
prévoir comment les cartes vont se redistribuer. Tout va très vite désormais et
il est vraisemblable que la distribution du xxi8 siècle sera très différente de
celle des dernières décennies du XX e, et cela particulièrement en ce qui
concerne sa logistique.
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6 Mondialisation des flux et développement
des entreprises « transactionnelles »
20
nouveaux marchés en Asie par exemple et la mondialisation croissante de
l'économie obligent à reconsidérer l'ensemble des procédures au niveau
mondial. Ceci est, pour de grands groupes, une œuvre de longue haleine
qui absorbe beaucoup d'énergie et représente un effort important. La
logistique devient un facteur de décision dans la détermination de
nouvelles implantations industrielles. La rationalisation des entrepôts au
niveau d'un continent devient possible avec la simplification des échanges
internationaux et les nouveaux moyens d'échange de données
informatisées. La recherche d'une flexibilité internationale devient un souci
et l'on voit se développer une réflexion logistique de groupe très proche
des instances de décision. Par ailleurs, la réalisation de l'intégration des
systèmes informatiques est un casse-tête qui occupera encore longtemps
les informaticiens des grands groupes.
21
2010 si les prévisions des organismes européens se réalisent. Une part
importante de ces transports est réalisée entre pays européens, ce qui est
une conséquence de la spécialisation des productions industrielles en
Europe et du développement du commerce communautaire. Avec le
développement de l'exématisation des transports, une part de plus en plus
importante de ces transports s'est trouvée confiée aux entreprises de
transport. Or, beaucoup de ces entreprises
étaient de petites entreprises familiales : en France, 2 % seulement des
entreprises de transport ont plus de 50 salariés et 20 % plus de dix. Il leur
fallait donc croître pour pouvoir intervenir au niveau national puis
européen, et une vague de concentration était inévitable. Le détonateur a
été la politique de déréglementation du secteur postal européen. Le 15
décembre 1997, la Commission européenne a adopté une directive qui
définit les principes de la concurrence sur le marché de la poste et de la
messagerie afin d'harmoniser les pratiques au niveau de l'Union
européenne avec des échéances (2001, 2003, etc.). Contrairement à ce à
quoi on pouvait s'attendre, ce ne sont pas les entreprises privées qui se
sont précipitées sur le secteur postal mais les entreprises publiques de
poste qui se sont empressées d'acheter des entreprises profitant de
l'importance des fonds (publics) dont elles disposaient et de la fragilité de
beaucoup d'entreprises en difficulté avec la guerre des prix et le
vieillissement de leurs propriétaires-fondateurs. On est ainsi arrivé à une
situation paradoxale où, en France par exemple, une part importante des
grandes entreprises de transport appartient désormais indirectement à
l'État à travers La Poste, d'une part, et la SNCF, d'autre part, qui mène
depuis déjà plusieurs années une politique semblable. Quoi qu'il en soit, le
milieu des transports subit depuis quelques années une vague
22
extraordinaire de rachats successifs et de regroupements autour de
quelques pôles privés ou publics. Dans le même temps, se développait une
nouvelle activité dite de logistique issue pour une grande part du secteur
du transport. Face à une concurrence portant sur les prix, les principaux
transporteurs européens ont cherché à différencier leurs prestations vis-à-
vis de leurs principaux marchés et à fidéliser leur clientèle. Les prestations
proposées ont été d'abord l'entreposage et la gestion des stocks déjà
pratiqués par quelques entreprises spécialisées, par exemple dans le
domaine du froid. La préparation des commandes et l'informatique sont
venues naturellement comme des prestations complémentaires à la fois de
l'entreposage et du transport (monocolis particulièrement). Par la suite,
certains de ces nouveaux prestataires, poussés par leurs clients industriels,
ont développé de nouvelles prestations plus élaborées : étiquetage,
emballage, intégration de logiciels, l’installation de matériels chez les
clients de la livraison sur chaine de production, la mise en linéaire dans la
distribution, etc…
Ainsi s’est développée une nouvelle activité logistique que nous allons voir
particulièrement à l'œuvre dans les entreprises « transactionnelles ».
23
Le juste-à-temps tend à réduire d'abord les stocks de produits finis. L'externe
lisation de la logistique combinée avec le juste-à-temps et le
développement de la grande distribution, conduit à supprimer les dépôts
régionaux au profit des plates-formes des entreprises de distribution ou de
plates-formes de sous-traitants.
Le développement du juste-à-temps amont avec les fournisseurs tend à
supprimer leurs stocks de composants et de matières premières et ceux de
l'entreprise. Mais il va de soi que l'entreprise industrielle elle-même
conserve la maîtrise des flux logistiques tout au long de la chaîne logistique.
La logistique devient alors un élément stratégique de l'entreprise.
Il peut même arriver que l'entreprise délocalise sa production en la confiant à
des sous-traitants, ce qui ne signifie pas, bien au contraire] qu'elle renonce
à la maîtrise des flux logistiques. L'on tend alors vers des entreprises qui ne
sont plus que marketing et logistique.
On les appelle firmes solaires, nébuleuses, organisations bi-modales,
réticulaires, etc. Frédéric Fréry a compté 45 appellations différentes pour
ces nouvelles entreprises qu'il propose d'appeler « transactionnelles ». Ce
qui est plus important est que tout le monde connaît les marques qu'elles
développent : Nike, Reebok Benetton, Ikea, Mac Donald's, etc. La
caractéristique de ces entreprises est qu’elles n’ont souvent ni usines, ni
boutiques. Elles sont constituées d’un siège et d’un centre logistique à
partir desquels une équipe réduite gère un réseau d’usine sous-traitantes
en amont et d’agents indépendants en aval.
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On y voit apparaître le rôle fondamental de la logistique qui devient un
élément clef d'une telle organisation. Au même titre que la marque ou les
brevets, l’organisation logistique à base d'échanges de données informatisées
(EDI) est un facteur clef de contrôle (au sens américain du mot). Ce qui
caractérise ces réseaux est l'indépendance capitalistique des entreprises qui y
participentsous le pilotage d'un centre (hub firm). Il n'est pas certain que ce
type d’entreprises représente l'avenir par opposition aux entreprises intégrées
du passémais une évolution en ce sens se manifeste :
- Dans l'industrie automobile, on a vu que l'EDI se développait très vite entre
Sous-traitants et fabricants d'automobile, mais il ne faut pas oublier que les
entreprises japonaises d'où est partie ce mouvement ont une structure
assez proche de ce modèle : Toyota n'a que 65 000 salariés face aux
750 000 de General Motors (Fréry, 1996).
Dans tous ces cas, la logistique devient un élément clef à condition que le
contrôle s'exerce à la fois sur le transfert des marchandises dans un sens e!
le transfert des informations dans l'autre. On voit alors se développer tout
25
un outillage informatique autour duquel devrait évoluer la logistique dans
l'avenir. L'objectif majeur de son développement ne serait plus seulement
la réduction des coûts, mais aussi le contrôle stratégique d'une filière.
26
kyrielle de standards MIL qui caractérisèrent l'étude des projets militaires
aux États-Unis aussi bien qu'en France et en Europe.
Par ailleurs, au fur et à mesure que le projet se développe techniquement, les
documentations et procédures de maintenance, formation et mise en
œuvre se développent au même rythme. Chaque modification technique,
et il y en a sans arrêt quand on passe des concepts aux prototypes et des
prototypes aux équipements de présérie, entraine des modifications dans
le plan de soutien logistique. Il en résulte d’énormes efforts de traitement
par informatique de ce soutien logistique intégré de telle sorte que les
milliers de participants à un grand projet travaillent sur les mêmes bases de
données, mises à jour en permanence.
C'est toute une doctrine qui s'est peu à peu constituée à grands frais et a
trouvé son application non seulement dans les systèmes militaires, mais
aussi dans les grands projets très sophistiqués de l'espace, de
l'aéronautique et des centrales nucléaires. Le coût et la lourdeur de ces
méthodes ont entraîné par la suite un retour de balancier du Département
américain de la Défense (DoD) qui tend à supprimer les normes militaires et
à les remplacer par des normes civiles plus simples, plus rapides à mettre
en œuvre et moins coûteuses.
pn peut penser cependant que cet ensemble de concepts, de méthodes et de
progiciels regroupés autour du SLI, devra dans les années prochaines être
(appliqué de façon simplifiée à de plus en plus de projets et
particulièrement aux grands projets industriels, apportant ainsi une
nouvelle dimension de conception à la logistique industrielle.
L'histoire de la logistique militaire ne s'arrête cependant pas là. La fin de la
'guerre froide a marqué un nouveau tournant dont les industries
d'armement (en américain A & D pour Aérospatial and Défense) n'ont pas
fini de subir les effets. Une première conséquence a été une réduction
drastique des budgets d'armement, réduits de 25 % en moyenne. Pour faire
face à ces réductions, les gouvernements aussi bien aux États-Unis qu'en
Europe ont incité les entreprises à se regrouper de façon à réaliser des
économies d'échelles et à se positionner sur un marché international de
plus en plus ouvert. Les résultats n'ont cependant pas été toujours à la
hauteur de ces ambitions. Les économies d'échelles n'étaient pas toujours
27
au rendez-vous et lorsqu'elles étaient substantielles, les acheteurs des
gouvernements qui avaient accès aux comptes de coût eurent tôt fait de les
absorber. En réalité, ce n'est pas seulement le volume des budgets qui s'est
trouvé modifié mais aussi les conditions de développement et de
production ainsi que la concurrence.
Alors que pendant la guerre froide, les militaires choisissaient les technologies
les plus performantes qu'elles qu'en fussent les coûts, avec la nouvelle
situation les gouvernements ont cherché à compenser la réduction de leur
budget par des réductions de coût :
- le recours à des sources d'approvisionnement étrangères devint
plus acceptable et même souvent accepté ;
- des technologies plus frustres furent prises en considération ; ainsi, par
exemple, des composants électroniques en céramique furent souvent
remplacés par des composants standard éventuellement enrobés de
plastique ;
- dans le même temps et paradoxalement, on envisageait des durées de vie de
30 ans et plus pour les nouveaux systèmes, ce qui dans le contexte de la loi
de Moore pour les équipements électroniques pose des problèmes
d'évolution quasiment insolubles
- les normes « MIL STD » auxquelles le DoD des États-Unis avait attaché tant
d'importance pendant des décennies furent réduites ou parfois purement
et simplement abolies. On exigea désormais que les industries d'armement
développent plus vite leurs nouveaux produits : ainsi, d'après une étude de
benchmarking du cabinet PRTM, alors que le temps moyen de
développement d’un système électronique civil de complexité moyenne
prend 80 semaines, le temps de développement d’un système militaire
comparable est de 115 semaines (H. Andrews et K. Steltenpohl, 2000) ;
- la même étude montre que les chaînes logistiques des entreprises d'arme-
ment coûtent 25 % plus cher que celles des fabricants d'ordinateurs et de '
matériel électronique. Les acheteurs militaires commencent donc à exiger
des coûts comparables.
Dans le même temps, les militaires entreprirent de reconsidérer leurs supply
chain avec plusieurs objectifs :
- En réduire le nombre et les standardiser pour en réduire les coûts ; en effet
28
la plupart d'entre elles étaient le résultat de l'histoire et correspondaient plus'
à des distinctions de corps ou de services qu'à la recherche d'un optimum,
économique ;
- Utiliser les méthodes civiles de management de la supply chain et
particulièrement les systèmes informatiques correspondants (Supply Chain
Management ment) plutôt que des systèmes informatiques militaires
spécifiques, coûteux à entretenir et à reconcevoir régulièrement ; sur le
plan conceptuel, les méthodes d'analyse du Supply Chain Council, la
méthode SCOR, commencent à être utilisées depuis 2000 par le DoD, avec
des expériences pour le soutien de turbines à gaz de la Marine, la
maintenance des Crusader, le système d'information logistique du Marine
Corps, la mesure des performances des transports maritimes, etc. ;
- Faire apple aux enterprises qui not realize les equipments our à des
entreprises de tierce maintenance pour assurer le soutien des matériels
dans des conditions moins coûteuses qu'avec des services proprement
militaires ; déjà les réparations de 3e et 4e niveau des systèmes complexes
étaient assurées en usine le plus souvent, mais il s'agit désormais d'étendre
ce soutien à des niveaux plus bas, très proches de l'opérationnel ; ainsi le
ministre de la Défense du Royaume-Uni après avoir externalisé le
ravitaillement en vol de ses avions, envisage de confier l'entretien et même
de laisser la propriété de 30 000 véhicules de l'armée à des contractants, y
compris pour des véhicules de combat ; on peut penser qu'une telle
politique est un peu utopique, elle est cependant très caractéristique des
évolutions actuelles du soutien militaire.
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• Développement des approches par supply chain : comme on l'a vu, le concept
de supply chain est beaucoup plus qu'un simple concept logistique ; c'est
l'expression d'une tendance de fonds qui inclut l'approche par les procesçaises ou
plus généralement latines, de même que les entreprises ¡ japonaises - soient très
à l'aise dans un tel monde à plusieurs dimensions 1 organisationnelles et à
responsabilités transverses. Cependant, la logistique est peut-être une approche
rationnelle qui peut leur faciliter une telle évolution culturelle, de toute façon
indispensable à leur survie.
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dans quelques années les moyens logiciels dont on dispose actuellement à cet
effet. Il est possible que dans quelques années, le successeur de cet ouvrage sera
un traité de modélisation des réseaux économiques à travers les réseaux de
télécommunications.
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réseau Internet, nombreux sont ceux qui ont annoncé la fin des grandes surfa-f
ces et le triomphe du e-commerce à partir de prévisions parfois un peu!
extravagantes ; on a vu des organismes publics s'en émouvoir pour tenter de
définir ce qu'allait devenir l'organisation de la grande distribution dans les
prochaines années. Les réalisations n'ont cependant pas encore confirmé les
prévisions. Des pays européens, comme la Grèce, le Portugal, l'Italie et, dans
une moindre mesure, les Pays-Bas, l'Espagne et l'Allemagne sont loin d'avoir!
terminé leur révolution distributive, sans parler de l'Europe de l'Est. Cette
présentation peut paraître contradictoire avec les paragraphes précédents;]
qualifiés de vraisemblables, mais la divergence porte sur la durée de cette?
évolution bien plus que sur sa nature. Le développement progressif d'une!
classe de consommateurs prêts à payer plus et peu attirés par l'univers des
grandes surfaces de vente, peut en effet changer la donne, sinon à court terme
tout au moins sur des années, comme il est naturel pour les évolutions
d'habitudes de consommation.
Le développement de la coopération logistique entre entreprises et parti-
culièrement entre producteurs et distributeurs : c'est une tendance de fonds
qu'expriment les développements de l'ECR, du CPFR, de la GPA et autres!
modes de coopération entre entreprises (voir infra) ; l'objectif de rechercher;
des économies globales tout au long de la supply chain et de les partager entre'
producteurs, distributeurs et consommateurs est séduisant ; il est cependant
contraire à la pratique de négociations dures entre producteurs et distributeurs
qui marque profondément notre organisation économique, particulièrement
en France, et les réalisations se limitent le plus souvent aux relations entre les
« incontournables » de la production de PGC et les « majors » de la grande1
distribution.
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d'un déficit structurel permanent.
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