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ÉCOLE SUPÉRIEURE DE GESTION

ET D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES


Agrément définitif par Arrêté n°4677/MES/CAB du 05 Juillet 2017
Accréditée par le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES)
BP : 2339 – Brazzaville – CONGO
E-mail : esgae@esgae.org Site web : www.esgae.org

Département Master

DROIT ADMINISTRATIF

Parcours
Master Professionnel 2 – Management des
Ressources Humaines

Enseignant
Equipe pédagogique
Chapitre 1. – Juridictions administratives

L'article premier (nouveau) de la loi 19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines
dispositions de la loi no 022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire
dispose qu’il n’y a qu’un seul ordre de juridiction comprenant : la Cour suprême, la Cour des
comptes, les Cours d'appels, les Tribunaux de grande instance, les tribunaux
administratifs, les tribunaux de commerce, les tribunaux d'instance, les tribunaux de travail, et
les tribunaux militaires.

Section 1. – Les juridictions de premier degré : les tribunaux administratifs.

Nous examinons l’organisation, la compétence et l’administration des tribunaux administratifs.

§ 1. Organisation

Il peut être créé un tribunal administratif par district ou arrondissement. La loi de création fixe
son siège et son ressort qui peut comprendre un ou plusieurs districts ou un ou plusieurs
arrondissements.

Deux tribunaux administratifs ont été créés : il s’agit tribunal administratif de Brazzaville et
celui de Pointe Noire. Là où il n’y a pas de tribunal administratif, les affaires administratives
sont traitées par le tribunal de grande instance qui jouit d’une plénitude de juridiction.

Chaque tribunal administratif comprend un greffe. Sauf disposition spéciale de la loi, tout acte
du siège est accompli avec l'assistance d'un greffier.

Le ministère public y est représenté par le procureur de la république et un substitut du


procureur de la république au moins.

Les jours et heures des audiences normales ou extraordinaires des tribunaux administratifs sont
fixés par délibération de l'assemblée générale du tribunal au début de chaque année.
L'administration du tribunal administratif est dévolue au président.

§ 2. Compétence

En matière administrative, le tribunal administratif est juge de droit commun en premier ressort.
Au plein contentieux, il est au cours des instances dont il est saisi, compétent pour interpréter
les décisions des diverses autorités administratives et apprécier leur régularité juridique, à la
demande de l'une des parties, sans pouvoir en prononcer l'annulation qui est de la compétence
de la Cour suprême.

Le tribunal administratif connaît de toutes les actions tendant à faire déclarer débitrice les
collectivités publiques, soit à raison :

- des marchés publics conclus par elle ;


- des travaux publics qu'elles ont ordonnés ;
- de tous actes ou activités de leur part ayant porté préjudice à autrui ;
- du contentieux des contributions perçues par les collectivités publiques.

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Le tribunal administratif connaît également :

- de tous les litiges portant sur les avantages pécuniaires ou statutaires reconnus aux
fonctionnaires et agents publics des diverses administrations, notamment aux fins de
redresser les situations de carrières inadéquates et de prononcer, le cas échéant, la
réparation qui leur est due pour le préjudice ;
- des actions intentées par les administrations contre les particuliers, ou d'autres
administrations lorsqu'elles se rapportent à des relations relevant du droit public.

Le tribunal administratif statue toujours en premier ressort et à charge d'appel. Les règles de
compétence du code de procédure administrative s’appliquent au tribunal administratif.

§ 3. Administration

L'assemblée générale du tribunal administratif délibère sur les questions intéressant la vie du
tribunal ou sur les questions d'ordre général.

Elle est compétente pour édicter les règles générales concernant le fonctionnement pratique des
formations et services du tribunal et notamment les règles relatives à la périodicité des
audiences, la répartition des dossiers entre les diverses formations du tribunal et les juges qui
les constituent, la répartition des greffiers entre les diverses sections, la bibliothèque du tribunal,
la rédaction, la signature, la conservation des minutes et la surveillance de la bonne tenue du
greffe. Les délibérations de l'assemblée générale qui adopte ces règles sont transmises sans
délai, au président de la cour d'appel et au procureur général.

L'assemblée générale du tribunal administratif comprend :

- le président du tribunal ;
- le vice-président ;
- les autres magistrats du siège ;
- le procureur de la République ;
- les substituts du procureur de la république.

Le Greffier en Chef assiste aux délibérations de l'assemblée générale, sauf en matière


disciplinaire. L’assemblée générale du tribunal administratif est placée sous la présidence du
Président du tribunal ou en cas d'empêchement, sous la présidence du Procureur de la
république près ledit tribunal.

L’assemblée générale se réunit en session ordinaire deux fois par année et en session
extraordinaire chaque fois que nécessaire sur convocation du président du tribunal administratif
ou à la demande du procureur de la République. Le greffe du tribunal administratif comprend
un greffier en chef et des greffiers nommés par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la
Justice, parmi les membres du corps des greffiers. Le greffier en chef et les greffiers sont
affectés par décision du président du tribunal après avis du procureur de la République. Il exerce
sous l'autorité du président et du procureur de la république, les attributions définies par la
présente loi. Le procureur de la République exerce sur le personnel placé sous son autorité le
pouvoir de notation et d'appréciation.

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Section 2. – Les juridictions de second degré : les cours d’appel

Il peut être créé une Cour d'appel par département ou commune autonome. La loi de création
fixe son siège et son ressort qui peut comprendre un ou plusieurs départements ou communes
autonomes.

§ 1. Organisation

Il existe à l’heure actuelle cinq (5) Cours d’appel :

- Cour d’appel de Brazzaville dont le ressort couvre les départements de Brazzaville, du Pool
et des Plateaux ;
- Cour d’appel de Pointe Noire dont le ressort couvre les départements de Pointe Noire et du
Kouilou ;
- Cour d’appel de Dolisie dont le ressort couvre les départements du Niari, de la Bouenza et
de la Lékoumou ;
- Cour d’appel d’Owando dont le ressort couvre les départements de la Cuvette et de la
Cuvette Ouest ;
- Cour d’appel d’Ouesso dont le ressort couvre les départements de la Sangha et de la
Likouala.

§ 2. Compétence

Les Cours d'appel rendent des arrêts qui sont susceptibles de pourvoi en cassation devant la
Cour suprême.

Les Cours d'appel connaissent en dernier ressort des appels des jugements rendus en premier
ressort par les tribunaux administratifs. Ils connaissent en outre des jugements rendus en
premier ressort par toute juridiction de leur ressort pour laquelle aucune juridiction spéciale
d'appel n'est désignée par la loi.

§ 3. Les membres des Cours d'appel

La Cour d'appel est composée de magistrats du premier grade nommés par décret du Président
de la République sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Elle comprend :

- un président ;
- un vice-président ;
- des présidents de chambres ;
- des conseillers à la cour.

Le ministère public est constitué par :

- un procureur général près la Cour d'appel ;


- un avocat général ;
- des substituts généraux.

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Le Greffe de la Cour d'appel comprend le Greffier en Chef et des greffiers nommés par arrêté
du Garde des Sceaux, ministre de la Justice parmi les membres du corps des greffiers. Il assure
sous l'autorité et le contrôle du Président de la Cour et du procureur général près ladite cour, les
missions suivantes :

- tenir la plume aux audiences ;


- mentionner fidèlement dans les registres appropriés, les déclarations et demandes des
parties et leur conseil et leur donner acte ;
- noter tous les incidents d'audience ;
- rédiger les troubles d'audience et autres faits sous la dictée du président ;
- établir les minutes des arrêts et d’en délivrer les extraits ou copies ainsi que les expéditions
et les grosses.

La Cour d'appel adopte plusieurs formations juridictionnelles une ou plusieurs chambres


administratives compétentes pour connaître des appels en matière administrative. Les
formations de la Cour d'appel comprennent un président et deux conseillers près ladite Cour.

Section 3. – La Cour suprême

La Cour suprême est créée par l’article 133 de la Constitution. Elle siège à Brazzaville. Son
ressort comprend le territoire national et sa compétence de contrôle juridictionnelle porte sur
toutes les juridictions inférieures.

La Cour suprême rend des arrêts et émet des avis sur les engagements internationaux et les actes
réglementaires généraux lorsqu’elle en est saisie.

§ 1. Compétence

La cour suprême se prononce :

- sur les recours en annulation pour les excès de pouvoir formés contre les décisions émanant
des autorités administratives ;
- sur les demandes de renvoi d’une juridiction à une autre pour une cause de suspicion
légitime ou de sûreté publique.

Dans l’attente de la mise en place du Conseil d’Etat, la Cour suprême se prononce également
sur les pourvois en cassation pour incompétence, violation de la loi, de la coutume et des
principes du droit exercés contre les décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort par
les organismes administratifs à caractère juridictionnel.

§ 2. Organisation

La Cour suprême est composée de :

- un premier Président ;
- un Vice-président ;
- cinq Présidents de chambre ;
- de seize juges.

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Le ministère public est constitué par le Procureur Général près la Cour suprême. Il est assisté
d’un premier avocat général et de cinq avocats généraux. Le greffe de la Cour suprême est
dirigé par un greffier en chef qui assure le secrétariat des chambres et de l’assemblée générale
consultative. Il est choisi parmi les plus gradés des greffiers en chef des cours et tribunaux. Le
greffier en chef est assisté d’autant de greffiers que la Cour suprême estime nécessaire au
fonctionnement régulier du greffe. Le greffier en chef et les greffiers de la Cour suprême sont
nommés par voie réglementaire.

La Cour suprême comprend plusieurs formations dont une chambre administrative et


financière, une chambre mixte et les chambres réunies.

§ 3. La chambre administrative

La chambre administrative est compétente en matière administrative et financière.

Elle connaît :

- des appels formés contre les décisions rendues en matière de contentieux des collectivités
locales ;
- des pourvois formés contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions
inférieures en matière de contentieux administratif ;
- des exceptions préjudicielles soulevées en matière de voie de fait et d’emprise devant les
juridictions inférieures en matière de contentieux administratif ;
- de toute autre matière qui lui est expressément attribuée par la loi.

Elle connaît également des pourvois formés contre les ordonnances de référé administratif, les
ordonnances de sursis à exécution ainsi que les ordonnances de référé instruction.

La chambre administrative comprend :

- un président de chambre ;
- deux conseillers juges ;
- un greffier ;
- un avocat général.

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Voici une carte juridique de la République du Congo :

Premier degré
TGI=Tribunal de Grande Instance : décisions = jugements
TA= Tribunal Administratif : décisions = jugements

Second degré
-
- C.A= Cour d’Appel : décisions = arrêts

- CS= Cour Suprême : décisions = arrêts


Arrêts

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Chapitre 2. – Procédure administrative contentieuse

Section 1. – Principes généraux

Découvert par le juge administratif à partir de pratique sociale, règles non écrites qui doivent
lui permettre de préciser sa compétence, régler les affaires sans créer de déni de justice et
assouplir le droit écrit.

La procédure administrative contentieuse se définit comme l'ensemble des règles qui régissent
la conduite des procès devant les juridictions administratives. Chaque juridiction est soumise à
une procédure dont l'observation permet à la fois d'éclairer le juge et de garantir les intérêts des
parties. Devant le juge administratif, cette procédure revêt un caractère particulier du fait que
les parties au procès ne sont pas dans une situation d’égalité : d'un côté, il y a la puissance
publique et de l'autre, des particuliers.

§ 1. La procédure est contradictoire

Le Conseil d’État reconnaît à ce principe la valeur de principe général de droit. Les intéressés
doivent donc être mis en cause devant la juridiction pour qu’elle statue, ils ont droit à la
communication du dossier, droit de demander des délais pour se défendre, le juge doit
communiquer les moyens relevés d’office.

A. – L’évolution du principe du contradictoire

La jurisprudence impose le contradictoire absolument à toutes les juridictions administratives


sans exception, que les textes le prévoient ou non. La valeur du principe du contradictoire a été
longtemps incertaine. La jurisprudence l’a d’abord imposé de façon prétorienne, en décidant
que toute juridiction disciplinaire était tenue d’entendre l’intéressé avant de se prononcer sur
son cas. L’exigence d’une procédure contradictoire était alors présentée comme découlant du
principe plus général du respect des droits de la défense.

Puis, cette jurisprudence a été rendue applicable à toutes les juridictions administratives, même
si elles n’avaient pas un caractère disciplinaire. Et c’est ainsi qu’on est arrivé à la formule
définitive qui figure dans l’arrêt de section du Conseil d’État du 12 mai 1961, Société La Huta,
qui se fonde sur « le principe général applicable à toutes les juridictions administratives d’après
lequel la procédure doit revêtir un caractère contradictoire ».

Concrètement, le principe du contradictoire garantit la possibilité, pour chacune des parties


devant le juge, d’être informée des arguments présentés, de prendre connaissance de toutes les
pièces du dossier et d’être mise à même de présenter ses propres observations.

Puis, de cette règle ainsi dégagée, la jurisprudence est encore intervenue pour en faire un
principe général du droit, de valeur législative, qui s’impose même en cas de disposition
réglementaire contraire et que seule une disposition législative formelle peut tenir en échec.

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B. – Les implications essentielles du principe du contradictoire

Le caractère contradictoire de la procédure entraîne diverses conséquences. Il implique d’abord


l’obligation d’informer les parties de l’existence d’une procédure contentieuse les concernant.
C’est leur « droit au savoir ».
Cette information se fait, en principe, par une communication de la requête aux parties
intéressées assortie d’une invitation à produire leurs réponses ou observations, et qui a pour
effet de les mettre en cause.

C’est en 1961 que le Conseil d'État a posé le principe selon lequel la procédure doit revêtir un
caractère contradictoire. Ce principe, appelé le « principe du contradictoire », garantit la
possibilité pour chacune des parties devant le juge d'être informée des arguments présentés, de
prendre connaissance de toutes les pièces du dossier et d'être mise à même de présenter ses
propres observations.

1) L’obligation d'informer les parties de l'existence d'une procédure contentieuse les


concernant

Lorsque le juge administratif est saisi d'un recours formé contre une décision émanant d'une
autorité administrative, l'administration concernée doit être avertie ainsi que les autres
personnes concernées par le recours. Par exemple, une demande d'annulation d'un concours,
présentée par un candidat évincé, doit être portée à la connaissance l'administration qui a
organisé le concours mais également à la connaissance de tous les reçus à ce concours dont le
titre risque d'être annulé.

Cette information se fait normalement par une communication de la requête aux parties
intéressées, assortie d'une invitation à produire leurs réponses ou observations. L'obligation
d'informer les personnes intéressées lors du dépôt d'une requête contentieuse est de portée
absolument générale et doit être respectée même quand la juridiction se saisit d'office.

2) L’obligation pour le juge d'informer chaque partie sur le contenu du dossier

La jurisprudence pose le principe qu'aucun document ne peut être régulièrement soumis au juge
sans que les parties aient été mises à même d'en prendre connaissance (il existe toutefois des
limites à cette obligation : le juge n'est pas tenu d'informer les parties avant l'audience de la
portée qu'il entend donner à la décision qui lui est déférée).

Cette obligation d'informer les parties du contenu du dossier peut conduire le juge à transmettre
à celles-ci tout ou partie des pièces du dossier, essentiellement la copie de la requête et de la
décision attaquée et les mémoires complémentaires. En principe, c'est-à-dire sauf texte
contraire, la communication de toutes les pièces essentielles du dossier et notamment des
mémoires des parties n'a pas lieu d'office, elle doit être réclamée.

Si une partie est représentée par un avocat, il suffit que cette communication soit adressée à ce
dernier, sans avoir à l'être en même temps à son client. À noter qu’afin de ne pas faire durer
indéfiniment l'instruction et les échanges de pièces avec les parties, le président du tribunal
administratif peut ordonner la clôture de l'instruction. Devant les juridictions administratives,
ces échanges sont plus réduits, l'usage étant de ne communiquer le mémoire en défense qu'aux
seuls requérants qui le demandent expressément et aux avocats.

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3) L'obligation de mettre cette partie en mesure de présenter ses arguments.

C'est le droit pour le défendeur de présenter des observations en défense et le droit pour le
requérant de répliquer à la défense par des dupliques ou des tri pliques aux derniers arguments
avancés par l'adversaire.

Pour qu'un tel droit soit garanti, il faut que le juge laisse à chaque partie un délai raisonnable
pour pouvoir l'exercer, ce délai n'ayant pas de durée fixe et varie en fonction des circonstances
de l'affaire.

L'application du principe selon lequel l'instruction doit être contradictoire fait au juge une
dernière obligation, celle d'informer chaque partie, sur le déroulement de l'instance. Tout fait
nouveau soit porté à la connaissance des parties et le juge ne doit pas statuer sans que les parties
soient averties de la date de l'audience, dans un délai suffisant.

§ 2. La procédure administrative est inquisitoriale

On distingue la procédure inquisitoire et la procédure accusatoire : la procédure inquisitoire


est entièrement dirigée par le juge tandis que dans la procédure accusatoire, ce sont les parties
elles-mêmes qui conduisent l'instance.

Devant les juridictions administratives, la procédure est inquisitoire et au cours de la procédure


administrative contentieuse, le rôle du juge administratif se manifeste dès l'introduction de
l'instance.

Une fois que le juge est saisi de la requête introductive d’instance, c’est lui qui va mener
l’instruction : dirige et organise l’action. Il provoque la mise en cause de l’adversaire, suscite
les mémoires, sert d’intermédiaire entre les parties, fixe les dates d’audience, les délais…

Conséquences sur le mode de preuve : le juge détermine librement la valeur des pièces fournies,
très libéral ; le demandeur a la charge de la preuve seulement s’il a les moyens matériels de la
fournir. Il n’y a pas de règle générale de la preuve, tout dépend de l’espèce et du juge…En effet,
il invite fréquemment le requérant à régulariser sa requête quand cette requête est irrégulière ou
incomplète, qu'elle n'est pas motivée, quand le ministère d'un avocat est nécessaire et fait défaut
ou encore, lorsque la décision attaquée n'y est pas jointe.

Le juge analyse la requête et en dégage les conclusions et les moyens. Il établit le plan
d'instruction, détermine à qui le dossier sera communiqué et dans quel délai les productions et
les observations devront être produites.

C'est aussi le juge qui ordonne les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires, ayant toute
liberté de refuser celles sollicitées par les parties. Enfin, il lui appartient, quand il estime l'affaire
en état d'être jugée, de mettre fin à l'instruction soit par une ordonnance de clôture soit, à défaut,
du seul fait qu'à l'audience le rapporteur public s'est levé pour conclure.

Le régime de la preuve devant les juridictions administratives est marqué lui aussi par la
prépondérance des pouvoirs du juge. Le juge n'hésite pas à user de ses pouvoirs pour obtenir de
l'administration les explications ou les documents propres à la formation de sa conviction. Il
peut ordonner le versement au dossier des pièces qu'il estime nécessaires.

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S'il ne peut soulever des conclusions d'office, il lui revient d'examiner, même s'ils ne sont pas
soulevés, tous les moyens dits « d'ordre public ». Les moyens d’ordre publics sont les moyens
qui doivent être automatiquement soulevés par le juge administratif malgré la règle de l'ultra
petite et même si le requérant ne l'a pas invoqué. L'incompétence de l'autorité signataire d'une
décision administrative ou le défaut d'avis conforme ou de consultation de certains organismes
sont des moyens d'ordre public. Le juge communique les moyens d'ordre public soulevés aux
parties et leur fixe un délai pour y répondre.

§ 3. La procédure administrative est partiellement secrète

Les tiers ne peuvent avoir accès aux pièces du dossier et la publicité des audiences n’existe que
lorsqu’un texte le prévoit. Ce secret -qui porte sur le contenu du dossier mais non sur l'existence
même du litige- n'existe pas à l'encontre des parties elles-mêmes mais s'applique aux tiers au
litige. Le public n'a pas accès au dossier et n'est pas admis à consulter les pièces de la procédure
(pour les parties, la règle est inverse). Le délibéré, quant à lui, n’est jamais public et ceux qui y
ont participé sont tenus au secret.

§ 4. La procédure administrative est simple et peu coûteuse

Souvent, le recours à l’avocat n’est pas nécessaire (REP), les frais d’avocat incombaient
toujours à son client. Mais, il est possible de condamner la partie perdante aux dépens ; le
caractère inquisitorial limite les frais de procédure ; les expertises et enquêtes sont rares. La
gratuité de la procédure est un trait caractéristique de la justice congolaise, conçue comme un
service public avec des magistrats rémunérés comme des agents de la fonction publique.

Le principe de gratuité n'exclut pas totalement que certains frais puissent rester à la charge des
justiciables, surtout s'ils ont perdu leur procès. En effet, dans toutes les instances, le juge peut
condamner la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais
qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

§ 5. La procédure administrative est écrite

Une raison d’ordre historique. C’est probablement une source de questionnement pour le
justiciable de constater que son mandataire décide de ne pas se rendre à l’audience publique.
Ce peut être une incompréhension teintée d’inquiétude pour lui d’entendre son mandataire s’en
remettre, lors de l’audience, purement et simplement à l’instruction écrite. Ce peut lui apparaître
choquant que d’entendre le président de la formation de jugement reprocher, le cas échéant, à
ce mandataire d’excéder le cadre des « brèves observations » qu’il était invité à formuler. Ce
justiciable doit cependant comprendre que la procédure est essentiellement écrite, le primat de
l’écrit en contentieux administratif étant une tradition de l’histoire de la juridiction
administrative, qui a conservé au fil du temps cette culture, laquelle caractérise l’administration
active dont elle est issue.

Cette culture de l’écrit s’érode cependant, le principe restant toutefois celui suivant lequel le
droit des parties de présenter des observations orales à l’audience n’existe que si un texte le
prévoit. L’exemple de la procédure civile et, plus encore, l’influence de la jurisprudence
européenne ont favorisé l’essor de l’oralité, au moins au cours des séances de jugement.

En outre, le perfectionnement des procédures d’urgence s’est accompagné d’un formidable


développement de l’oral qui concurrence nettement l’écrit. Reste que, en procédure ordinaire,

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l’instruction est essentiellement écrite, ce qui ne nuit d’ailleurs assurément pas à la qualité du
contentieux.

Précision complémentaire sur la notion d’écrit. L’écrit doit se comprendre ici au sens large.
Doivent ainsi être considérés comme écrits les échanges dématérialisés entre les parties et les
juridictions administratives, que le décret n° 2012-1437 du 21 décembre 2012 relatif à la
communication électronique devant le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les
tribunaux administratifs a eu pour effet de généraliser. Il n’y a pas lieu de douter que
l’instruction d’une part importante du contentieux administratif est à présent vouée à se dérouler
sous forme électronique.

Au demeurant, un requérant est à présent réputé avoir reçu notification d’une mesure
d’instruction par Télé recours lorsque son avocat est inscrit sur cette application et qu’aucun
dysfonctionnement n’a été constaté, alors même que la requête n’aurait pas été initialement
adressée à la juridiction par voie dématérialisée. Suivant le même raisonnement, un rapport
d’expertise est réputé régulièrement déposé par voie dématérialisée et il incombe à la partie qui
prétend ne pas en avoir reçu communication, après avoir consulté le site dédié au suivi de la
procédure, d’accomplir les diligences nécessaires pour en obtenir communication. Caractère
non suspensif des recours

C’est la conséquence du principe du bénéfice du préalable dont jouit l’autorité administrative.


Il existe une présomption d’urgence pour l’application du droit administratif. Ce n’est qu’en de
rares matières que la loi a donné un caractère suspensif aux recours (élection municipales et
régionales, décision du préfet de reconduite à la frontière). Le juge peut ordonner des mesures
d’urgence.

Section 2. – Déroulement de l'instance devant les juridictions administratives

Selon la définition de R. Chapuis, « l’instance est le processus qui, déclenché par la saisine du
juge, se déroule, de façon plus ou moins simple et plus ou moins rapide, jusqu’à ce que soit
rendu un jugement destiné à y mettre fin ». L'instance est la situation juridique particulière qui
existe entre les parties depuis le moment où la demande en justice est formée jusqu'au jour où
le jugement sera rendu.

§ 1. – Conditions de recevabilité des recours

Les conditions de recevabilité sont systématiquement examinées par le juge préalablement à


l’analyse du fond du recours. Ces conditions portent sur quatre points : le requérant, la nature
de l’acte attaqué, la requête et les délais.

A. – Le requérant

Le requérant doit avoir la capacité d’ester en justice et présenter un intérêt suffisant pour agir.
En effet, seuls certains requérants, en raison de leur titre ou de leur qualité, ont vocation à
recourir contre l’acte qu’ils estiment illégal. Il doit exister un lien suffisamment étroit entre
l’acte attaqué, l’intérêt allégué par le requérant et le requérant lui-même. Il s’agit d’éviter que
des personnes non directement concernées ne se posent en défenseurs de la légalité, le cas
échéant contre le gré des principaux intéressés.

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Bien évidemment, l’existence d’un intérêt direct et personnel sera plus largement admise
lorsque l’acte attaqué est un acte règlementaire. À l’opposé, si l’acte est individuel, les
personnes ayant intérêt pour agir ne seront en général que celles nommées par l’acte. Le
requérant doit disposer de la capacité pour agir et avoir un intérêt à agir.

a) Capacité pour agir


Le requérant doit remplir les conditions générales pour ester en justice fixées par le droit civil.
Il doit donc être majeur et capable juridiquement, ce qui signifie qu’il doit jouir de ses droits
civiques. Cependant, la seconde condition est appréciée de façon assez souple en fonction de la
nature de la décision contestée. De même, les associations dissoutes ont capacité pour demander
l’annulation de la décision qui prononce leur dissolution (CE, 22 avril 1955, Association franco-
russe dite Rousky-Dom : Rec. p.205).
b) Intérêt à agir
Cette condition a été posée pour de simples motifs d’opportunité. Il s’agit en effet d’éviter une
contestation systématique de l’action administrative, mais également un encombrement des
tribunaux alors même que l’on pourrait estimer – au moins pour le recours pour excès de
pouvoir- que tout administré devrait être considéré comme ayant intérêt au respect de la légalité
par l’administration. Par conséquent, seules certaines personnes dont le cercle est déterminé par
la nature de l’acte attaqué pourront invoquer un intérêt à agir contre cet acte.
Plus précisément, il résulte de la jurisprudence que deux conditions cumulatives doivent
être réunies pour qu’un requérant se voit reconnaître un intérêt à agir : la première tient à la
nature de l’intérêt invoqué, la seconde est relative à la qualité du requérant.
c) Condition relative à la nature de l’intérêt invoqué

L’intérêt invoqué par le requérant peut revêtir des formes très variées : il peut être matériel ou
moral, individuel ou collectif.
1° Intérêt matériel ou moral
La reconnaissance d’un intérêt à agir est beaucoup plus évidente, car plus tangible, lorsque le
requérant invoque un intérêt matériel, d’ordre patrimonial, plutôt qu’un simple intérêt moral.
Sur cette dernière question la jurisprudence est particulièrement nuancée.
2° Intérêt individuel ou collectif
Le plus souvent, le recours émane d’un individu et porte sur un acte lésant ses intérêts
personnels. Mais dans certains cas, c’est une personne morale –généralement une association-
qui intente un recours pour excès de pouvoir contre une décision portant atteinte aux intérêts
collectifs qu’elle a vocation à défendre. Pour que l’intérêt à agir des personnes morales soit
reconnu, il faut encore que l’intérêt allégué ait une relation directe avec leur vocation initiale.
B. – L’acte attaqué

En principe, les recours juridictionnels ne peuvent être dirigés que contre des décisions de
l’administration à condition toutefois que ces décisions soient attaquables. Le juge administratif

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ne peut en principe être saisi d’un recours que contre une décision, expresse ou implicite, ce qui
aura pour effet de lier le contentieux.
La règle de la décision préalable a vocation à s’appliquer dans le cadre du contentieux de l’excès
de pouvoir, ce qui ne pose guère de difficultés, mais également, ce qui est moins évident, en
matière de contentieux de pleine juridiction.
La jurisprudence est très libérale quant à la notion de décision : elle déclare suffisante une
décision verbale, des observations du ministre en réponse au pourvoi ; l’administration peut
renoncer à invoquer le bénéfice de la règle.
En cas de silence de l’administration, la demande est considérée comme rejetée après un délai
de quatre (4) mois. Il s’agit d’une décision implicite de rejet. Certains actes sont jugés
insusceptibles de lier le contentieux, et par voie de conséquence sont insusceptibles de recours.
En effet, en principe, seuls les actes unilatéraux de l’administration peuvent faire l’objet d’un
tel recours, ce qui exclut – sauf exceptions- les contrats. De même, tous les actes pris par les
autorités administratives ne sont pas des actes administratifs, ce qui est le cas des actes de
gouvernement.
Enfin, certains actes, qui se rattachent à l’activité administrative, ne font pas grief et ne peuvent
donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir : il s’agit des actes préparatoires, des
circulaires, des directives et des mesures d’ordre intérieur.
C. – Requête

Les formalités pour intenter un recours en excès de pouvoir sont très simples : comme pour les
autres contentieux, la requête, signée du requérant et accompagnée d’une copie certifiée
conforme de la décision attaquée, doit préciser les moyens invoqués. Elle doit être rédigée en
français. Le requérant doit préciser ses coordonnées complètes et rassembler les
"commencements de preuve" dont il dispose et les textes sur lesquels il désire s’appuyer. Le
requérant ne doit pas omettre de préciser s'il s'agit d'une demande en excès de pouvoir ou en
plein contentieux.

Le demandeur dépose sa requête au tribunal administratif. S’il s’agit d’un jugement, la requête
est déposée au greffe de la Cour d'appel, à laquelle il faut joindre la copie du jugement. Le
justiciable précise les noms et la demeure des parties. Il y expose les faits et les moyens. La
requête est présentée en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus deux exemplaires pour le
Tribunal. La requête est signée par le requérant, un mandataire représentant l'ensemble des
requérants ou un avocat.

La requête est déposée au greffe du tribunal (sauf cas spécialement prévu par la loi) ou, s'il
s'agit d'attaquer un jugement, au greffe de la Cour d'appel. Celle-ci est enregistrée par la
juridiction et sera inscrite au rôle par le chef de juridiction ou sous son contrôle, selon les
affaires "prioritaires" et selon sa décision de renvoyer à une formation supérieure.

Le cadre du procès est délimité par les conclusions des parties. Ainsi, à l’image du juge
judicaire, le juge administratif n’a pas le droit de statuer au-delà ou en deçà de ce que demandent
les parties.

13
Toutefois, le juge a la possibilité, et même l’obligation, de relever d’office les moyens d’ordre
public qui n’auraient pas été invoqués par les parties. C’est le cas, par exemple, des moyens
tirés de la violation des règles de compétence juridictionnelle ou des règles de recevabilité.
De même, peuvent être concernés des moyens relatifs au fond du droit comme l’incompétence
de l’auteur d’une décision administrative ou la méconnaissance d’une annulation prononcée
dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir.
En revanche, si l’on excepte les cas des injonctions d’instruction, le juge n’a pas le droit
d’adresser des injonctions à l’administration, c’est-à-dire de la condamner à des obligations de
faire ou de ne pas faire. Le déroulement de l’instance devant le juge administratif est marqué,
comme en matière civile, par le principe de l’immutabilité du litige. Les parties fixent en effet
le cadre du procès par des conclusions et les moyens qu’elles précisent au juge.

Les conclusions sont présentées par chacune des parties (demanderesse et défenderesse) dans
leurs mémoires respectifs qui doivent être précis. Elles contiennent l’exposé de la demande de
chaque partie, qui doit être précise, exacte et chiffrée lorsqu’elle a pour objet une revendication
pécuniaire.

Le juge conserve cependant un certain pouvoir d’appréciation des conclusions, notamment pour
éviter que la maladresse ou l’imprécision des parties ne conduisent à une irrecevabilité de leurs
prétentions. C’est ainsi que le juge requalifie des conclusions dirigées contre la notification
d’une décision, qui seraient en tant que telles irrecevables, comme étant dirigées en réalité
contre la décision elle-même.

D. – Délai

Normalement, le recours n’est recevable que dans un délai de deux mois suivant
l’accomplissement des formalités de publicité exigées : publication, affichage ou notification.
D’une façon générale, le délai de recours ne peut être déclenché contre une décision que par la
mesure officielle d’information qui en est donnée et qui se concrétise, soit par sa publication ou
son affichage, soit par sa notification.

Il bien entendu que ces mesures ne provoquent le déclenchement du délai que si elles assurent
une information suffisante, permettant aux intéressés d’apprécier si et en quoi y a pour eux
matière à contestation.

L’exigence d’une mesure officielle d’information comporte quelques dérogations. Ainsi, à


l’encontre des décisions implicites et de rejet, le délai court sans formalité à compter du jour de
leur intervention. S’agissant des décisions expresses, il peut arriver que la connaissance de fait
que l’on en a suffise au déclenchement du délai (théorie de la connaissance acquises).

Le délai est franc, ce qui veut dire que ne sont pas pris en compte ni le jour où commence à
courir le délai, ni celui auquel le délai cesse de courir. Le calcul se fait de quantième à
quantième.

Dans le cas de non accomplissement des formalités de publicité, le délai de recours contentieux
demeure perpétuellement ouvert. Il en va de même, pour les actes individuels uniquement,
lorsque la notification de la décision ne mentionne pas les délais et les voies de recours ouverts

14
aux requérants. Il faut également relever que le délai du recours contentieux peut être prorogé
du fait d’un recours gracieux ou hiérarchique exercé dans le même délai que le recours
contentieux. La prorogation ne peut cependant jouer qu’une seule fois.

Enfin, en cas d’expiration des délais, le recours est irrecevable. Cependant, les administrés ne
seront pas totalement démunis, puisqu’il leur restera deux possibilités de contester un acte
illégal, alors même que les délais seraient expirés.

Tout d’abord, l’administration est obligée d’abroger les règlements illégaux dès l’origine, ou
devenus illégaux en raison d’un changement des circonstances de droit ou de fait. Ensuite,
lorsqu’un acte règlementaire fait l’objet de mesures individuelles d’application, le requérant
peut se prévaloir à l’encontre d’un recours contre l’une de ces mesures, de l’illégalité de l’acte
règlementaire. L’illégalité de cet acte contaminera la décision individuelle qui sera annulée.
Cependant, cette annulation ne remettra pas en cause l’acte règlementaire lui-même qui
subsistera.

§ 2. L’instruction du dossier

Devant les juridictions administratives, le dossier est suivi par un membre du tribunal, le
rapporteur. Celui-ci fixe les délais aux parties pour communiquer leurs mémoires, observations
ou défenses. Si ces délais ne sont pas respectés, et après une mise en demeure du tribunal d’agir,
le demandeur est réputé s’être désisté et le défendeur est réputé avoir acquiescé (accepté).

Les parties ne formulent donc que des brèves observations si elles le jugent utile.
Ensuite, le rapporteur public donne son avis en toute indépendance sur le litige. Tout le temps
que dure l'instance, l'affaire sera instruite. Ceci signifie qu'avant d'être appelé à l'audience pour
y être jugé, on procède à :

- l'échange des pièces ;


- l'échange des mémoires ;
- des mesures d'expertise, etc.

On admet communément qu'il s'agit d'une procédure de type inquisitoire. La direction du procès
appartient au juge qui fixe à chacune des parties les délais pour conclure. Il joue également un
rôle dans l'administration de la preuve en pouvant par exemple contraindre les parties et plus
particulièrement l'administration à produire pièces et documents.

Il est de même fondamental d'avoir à l'esprit que la solution du procès administratif est très
orienté par les conclusions du Commissaire du Gouvernement, lequel étudie la solution à
donner au litige indépendamment même des arguments qu'ont pu soulever les parties. Devant
les juridictions de l'ordre administratif, la procédure est principalement écrite. Le juge statue
sur mémoire. Cependant les parties peuvent présenter de brèves observations orales. Il n'est
toutefois même pas nécessaire de se présenter à l'audience au cours de laquelle l'affaire sera
examinée.

Section 3. – Rôle du commissaire du gouvernement

Le commissaire du gouvernement avait pour rôle d’expose à la juridiction les questions


soulevées par le litige et de développer, en toute indépendance, ses conclusions sur les

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circonstances de fait et les règle de droit applicables en proposant une solution au litige. Il
participait au délibéré.

§ 1. Evolution de l’institution

En 2001, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un
arrêt Kress c. France, la Cour a notamment estimé que la présence du commissaire du
gouvernement au délibéré portait atteinte à l’impartialité de la juridiction dans la mesure où il
s’est déjà exprimé publiquement sur l’affaire pendant l’audience.

Alors que le gouvernement a défendu les singularités de la justice administrative en avançant


notamment le fait qu’il contribuait à « la transparence du processus juridictionnel », la Cour a
entendu appliquer la théorie des apparences.

C’est aussi parce que le plaideur peut « éprouver un sentiment d’inégalité » (arrêt Kress, § 81)
que la violation est reconnue : la Cour prend ainsi en compte le sentiment du public pour
permettre la réalisation d’une justice impartiale de qualité à la lumière de la célèbre formule
« justice must not only be done, it must also be seen to be done » (« Il ne faut pas seulement
que la justice soit rendue, il faut qu’elle donne l’apparence de l’être »). La France a ainsi réagi
par l’adoption d’un décret en admettant la présence muette du rapporteur public lors du délibéré
ce qui n’a pas convaincu la Cour européenne.

§ 2. Rôle et fonctions du rapporteur public

Face à une justice qui essaie d’être de plus en plus compréhensible pour le public, n’est-il pas
contradictoire de choisir un terme qui peut entretenir une confusion avec une autre fonction de
la justice administrative ? En effet, parmi les membres de la formation de jugement, l’un des
juges est déjà dénommé « rapporteur ».

La confusion est d’autant plus aisée à réaliser pour le public que le rapporteur public et le
rapporteur – outre leur fonction relativement similaire – entretiennent une relation qui a déjà pu
le déconcerter.

Le rapporteur public est un membre de la juridiction administrative. Il intervient dans les procès
devant le tribunal administratif, la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. Avant le 01
février 2009, il s’appelait le commissaire du gouvernement. Crest un juge indépendant. Il est
désigné par décret. Il fait partie de la formation de jugement. Il ne participe pas à certains
contentieux. Crest le cas en particulier des procédures de référés ou des recours en annulation
contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.

Il donne son avis sur le litige. Concrètement, il fait une analyse juridique de l’affaire présentée,
il présente des conclusions impartiales d’après les points de droit et de fait soulevés par le litige
et il propose la solution qui lui semble convenir au litige. Il doit motiver sa décision. La
formation de jugement n’a pas l’obligation de suivre cet avis.

Il est chargé de préparer le rôle de l’audience devant le Conseil d’État et la cour administrative
d’appel. Le rôle, ce sont les affaires inscrites à une audience. Devant le tribunal administratif,
il répond à la mission confiée par le président du tribunal. Il présente ses observations pendant
la phase d’instruction et ses conclusions au cours de l’audience.

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Il prend la parole une fois que le rapporteur a présenté l’affaire. Ensuite, les parties présentent
leurs observations orales. Parfois, il intervient après les parties : elles pourront répondre. Avant
l’audience et le prononcé du jugement, les parties peuvent demander la communication du sens
des conclusions du rapporteur public.

En général, il est mis en ligne dans les deux jours qui précèdent l’audience. Est indiqué s’il
s’agit d’un rejet ou d’une annulation ainsi que les moyens qui ont conduit à cette décision.
L’intérêt pour les parties est donc de préparer l’audience. Il ne participe pas au délibéré des
tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. S’agissant du Conseil d’État, il est
présent lors du délibéré sauf si l’une des parties refuse. Mais, il ne doit pas prendre parti. Par
ailleurs, pour respecter l’impartialité, il ne peut pas faire partie de la formation de jugement qui
statue sur l’appel formé contre un jugement.

Chapitre 3. –Différentes catégories de recours

En matière de contentieux administratif, il existe deux formes de droit de recours : les recours
administratifs (sans juge) et les recours juridictionnels dits contentieux (avec juges). Les litiges
administratifs ne se traitent donc pas par le seul recours au juge.

Ce droit de recours s'applique, selon les cas, pour les actes réglementaires (qui s'adressent à des
individus non déterminés) et les actes individuels (qui s'adressent à une ou plusieurs personnes
déterminées) émanant d'une autorité administrative.

Section 1. – Les recours administratifs


Le recours administratif est, en principe, facultatif, ce qui signifie que l'administré peut
directement exercer un recours contentieux s'il le souhaite.

§ 1. – Principe

Il est possible de former un recours administratif avant toute action en justice. Cela a pour effet
principal de proroger le délai de recours contentieux. Le recours administratif peut permettre
ainsi d'éviter le recours au juge administratif.

Le recours doit avoir été présenté à l’administration compétente par lettre recommandée avec
accusé de réception accompagnée des pièces justificatives. Ce recours doit être exercé dans les
deux mois qui suivent la connaissance de la décision, c’est-à-dire la notification pour une
décision individuelle, la publication pour une décision réglementaire ou encore après un silence
gardé pendant deux mois (ou autre délai spécial).

L’administration peut prendre une décision de retrait de la décision mise en cause pour les
motifs invoqués ou pour d’autres motifs. Elle peut également régulariser la situation par une
nouvelle décision sur de nouveaux motifs non contestables légalement.

Enfin, elle peut refuser de tenir compte de la réclamation ou l’ignorer, dans ce cas il faut être
très attentif aux délais. Le recours pour agir devant le tribunal administratif est alors de deux
mois. Le droit de recours administratif est libre et gratuit.

§ 2. – Droit de recours : types de recours administratif

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Il existe deux types de recours : le recours hiérarchique et le recours gracieux.

A. – Recours hiérarchique

Ce recours consiste à adresser une demande de retrait ou de modification de l'acte au supérieur


hiérarchique de l'auteur de l'acte administratif.

Le recours hiérarchique est le recours envers un supérieur de l'auteur de l'acte. Il est donc destiné
à une instance supérieure à l'auteur de la décision contestée, qui dispose de plein droit d'un
pouvoir de réformation et d'annulation des actes de ses subordonnés.

B. – Recours gracieux

Ce recours est formé, quant à lui, directement auprès de l'auteur de l'acte administratif.

Le recours gracieux est une réclamation portée devant l'autorité même qui a pris la décision
dont le requérant veut obtenir la réformation ou l'annulation.

Il est possible de former un recours gracieux puis un recours hiérarchique, ou bien uniquement
un recours hiérarchique ou un recours gracieux avant d'engager une action en justice.

Le recours administratif est toujours possible mais il est parfois obligatoire. Le Recours
Administratif Préalable Obligatoire (RAPO) est obligatoire pour des recours dans certains
domaines expressément prévus par la législation.

Exemples : litiges nés de l'exécution des marchés publics, litiges dans différentes élections dans
l'enseignement du second degré et du supérieur, litige en matière de communication de
documents administratifs, recours administratifs en matière d'aménagement foncier et de
remembrement, recours administratifs contre les titres exécutoires, contestations de refus de
visa...

À défaut de RAPO, l'action devant le juge administratif est déclarée irrecevable.

Le RAPO permet de privilégier la résolution non contentieuse du litige.

La décision prise à la suite de ce recours se substitue à la décision initiale et c'est cette décision
qui peut être déférée au juge. L'indication de l'obligation de ce RAPO est notifiée dans la
décision administrative, ainsi que les modalités et les délais pour l'effectuer.

Section 2. – Les recours contentieux


§ 1. –Typologies des recours contentieux
Il existe plusieurs typologies des recours contentieux.
Une première typologie, établie par Laferrière (Traité de la juridiction administrative et des
recours contentieux, 2ème éd.1887, t. 1, p.15 et s.), est fondée sur la prise en compte de la nature
et de l’étendue des pouvoirs du juge.
Elle conduit à distinguer quatre types de recours contentieux :

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Il s’agit d’abord du « contentieux de pleine juridiction » appelé également « plein contentieux »
dans lequel le juge exerce les pouvoirs les plus larges. Il peut non seulement annuler, réformer
ou modifier une décision administrative, mais il peut également prononcer des condamnations
pécuniaires en particulier pour la réparation de préjudices.
Doit ensuite être mentionné le « contentieux de l’annulation », qui concerne le recours pour
excès de pouvoir dont l’objet exclusif consiste à obtenir l’annulation d’une décision
administrative.
Une troisième catégorie est formée par le « contentieux de l’interprétation » qui permet au juge,
saisi d’un recours en interprétation ou en appréciation de légalité, de déclarer le sens d’un acte
administratif manquant de clarté ou de déclarer s’il est entaché d’illégalité. Toutefois, dans le
cadre de ce recours, le juge ne peut tirer aucune conséquence de sa décision, ce pouvoir
n’appartenant qu’aux juges judiciaires devant lesquels le litige est pendant.
Enfin, Laferrière distingue le « contentieux de la répression » qui concerne exclusivement le
contentieux des contraventions de grande voirie qui sont relatives aux infractions commises aux
lois et règlements qui protègent le domaine public.
Une typologie plus récente établie par Léon Duguit (Traité de droit constitutionnel, t. 2, p.458
s.) et reprise par d’autres auteurs prend en compte, quant à elle, la nature de la question à
laquelle le juge doit répondre pour statuer sur le recours exercé.
Ou bien, il s’agit de confronter une décision à la légalité, c’est-à-dire à l’ensemble des normes
d’origines diverses qui régissent l’action de l’administration et qui constituent le « droit
objectif ».
Ou bien il s’agit de savoir si une personne doit être reconnue comme ayant dans son patrimoine
un droit dont elle est titulaire, tel qu’un doit de créance, et par exemple un droit à des
dommages-intérêts. Le juge est alors en présence d’une question de droit subjectif.
Il s’agit d’abord du contentieux objectif qui consiste à confronter l’acte administratif qui fait
l’objet du recours aux différentes normes qui s’imposent à l’administration dans le cadre de son
action. Il s’agit ensuite du contentieux subjectif qui tend au rétablissement d’un droit dont le
requérant se prétend titulaire, comme par exemple un droit à des dommages-intérêts.
Compte tenu de l’Etat du droit, il semble qu’il ne faille pas choisir une typologie au détriment
de l’autre. En effet, il est tout à fait possible de combiner ces deux approches en rattachant le
recours en appréciation de légalité au contentieux de la légalité et le recours en interprétation
au plein contentieux. Cette approche conduit à distinguer le contentieux de la légalité du
contentieux de pleine juridiction et du contentieux répressif.
A. – Contentieux de la légalité

Le contentieux de la légalité regroupe le contentieux de l’excès de pouvoir, le recours en


appréciation de légalité et le recours en déclaration d’inexistence.
1. Recours pour excès de pouvoir

Le recours pour excès de pouvoir est un « recours contentieux tendant à l'annulation d'une
décision administrative et fondé sur la violation par cette décision d'une règle de droit ». Il « est
ouvert même sans texte et a pour effet d'assurer, conformément aux principes généraux du
droit, le respect de la légalité ». Le recours est l'action de demander au juge administratif de
19
prononcer l'annulation d'un acte édicté par une personne morale de droit public ou une personne
morale de droit privé qui s'est vu conférer des prérogatives de puissance publique.
Il s'oppose au recours de plein contentieux (qui comprend, par exemple, les recours en
indemnisation), ainsi qu'aux procédures répressives (contraventions de grande voirie) et
sanctions disciplinaires prononcées par des juridictions).

1) Intérêt

Dans les États modernes, une autorité administrative ne dispose pratiquement jamais d'un
pouvoir originaire et illimité. Si elle ne respecte pas les limites qui lui ont été assignées par la
Constitution ou par la loi, on dira, selon la terminologie française, qu'elle commet un excès de
pouvoir ou, selon la terminologie latine conservée par les anglo-saxons, qu'elle agit ultra vires.
Les recours pour excès de pouvoir se sont multipliés depuis quelques décennies, au moins dans
les pays aux structures juridiques les plus complexes. Cette augmentation s'explique par
plusieurs raisons :

- d'abord, l'action administrative s'est considérablement développée : certaines tâches


traditionnelles, comme la police ou l'enseignement, sont devenues beaucoup plus lourdes ;
- des tâches nouvelles, comme l'aide sociale ou l'urbanisme, ont fait leur apparition ;
- les garanties accordées aux administrés se sont considérablement renforcées ;
- enfin, grâce aux progrès de l'instruction générale, et sous l'influence de divers mouvements
revendicatifs, les administrés sont de plus en plus résolus à défendre leurs droits, au besoin
par la voie d'une action en justice.

2) Particularité propre au recours pour excès de pouvoir

Le recours en excès de pouvoir est, selon la formule d'Édouard Laferrière, "un procès fait à un
acte" (ce qui fait dire à certains auteurs que, dans cette procédure, il n'y a pas à proprement
parler de parties). Le recours doit être formé dans un délai maximum de 2 mois après la
publication ou la notification de l'acte attaqué.

« Les recours pour excès de pouvoir ne nécessitent pas d’avocat en première instance. Les
requérants peuvent bénéficier sous condition de ressources de l’aide juridictionnelle ».
« L’intérêt à agir du requérant est libéralement interprété par le juge administratif. L’intérêt
évoqué est jugé suffisant dès lors qu’il n’est pas lésé de façon exagérément incertaine ou
indirecte ». Par exemple, pour déterminer l'intérêt à agir d'une association, le juge administratif
évalue les intérêts qu'elle entend défendre dans son objet social, ainsi que son étendue
territoriale.
2. Recours en appréciation de légalité

Le recours en appréciation de légalité est nécessairement lié à une instance pendante devant le
juge judiciaire. Dans cette hypothèse, le juge judiciaire est bien compétent pour juger l’affaire
dont il a été saisi, mais la résolution du litige principal suppose que soit tranchée au préalable
une difficulté sérieuse relative à la légalité d’un acte administratif. Cette difficulté sérieuse
constitue une question préjudicielle qui impose en principe au juge judiciaire de surseoir à
statuer et de renvoyer cette question au juge administratif.
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Comme le recours pour excès de pouvoir, il est dispensé du ministère d’avocat. En revanche, à
la différence du recours pour excès de pouvoir, le recours en appréciation de légalité, ne conduit
pas à l’annulation de la décision en cause. Le juge se borne à déclarer que l’acte est légal ou
illégal et c’est au juge judiciaire qu’il appartiendra d’en tirer toutes les conséquences dans le
cadre de l’instance qui reprendra devant lui.

3. – Recours en déclaration d’inexistence

Très rarement mis en œuvre, le recours en déclaration d’inexistence a pour objet de faire juger
qu’en raison de la gravité des irrégularités entachant la décision attaquée, celle- ci n’a aucune
existence juridique. Ce recours est également dispensé du ministère d’avocat et il n’est soumis
à aucune condition de délai. Il s’agit bien d’un contentieux objectif, puisqu’il s’agit d’apprécier
la légalité d’un acte administratif. Toutefois, le juge ne prononce pas l’annulation de l’acte,
puisqu’il se borne à en constater l’inexistence en le déclarant nul et non avenu.

§ 2. Contentieux de pleine juridiction

Dans ce cadre, le juge a le pouvoir d’aller plus loin qu’une simple annulation. Il peut en effet
prononcer des condamnations pécuniaires, mais il peut surtout substituer sa propre décision à
celle qui est attaquée. En matière de responsabilité et en matière contractuelle notamment, il
s’agit manifestement, pour le requérant, de se voir reconnaître un droit. Il s’agit donc bien d’un
recours subjectif.

En revanche, le plein contentieux présente un caractère objectif dans le cadre de certains


contentieux spéciaux, comme le contentieux électoral, le contentieux fiscal ou encore le
contentieux des pensions civiles et militaires de retraite. S’il s’agit bien ici de questions de
légalité, les recours concernés sont rangés dans la catégorie du plein contentieux au regard des
pouvoirs conférés au juge qui peut faire plus qu’annuler la décision contestée en prenant une
décision positive.

Exemples :

- dans le contentieux électoral, le juge peut rectifier les résultats proclamés par
l’administration ce qui peut le conduire à déclarer vainqueur un candidat différent de celui
arrivé en tête à l’issue du scrutin ;
- dans le contentieux fiscal, il peut modifier le montant de l’impôt mis à la charge du
contribuable ;
- dans le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite il appartient au juge de se
prononcer lui-même sur les droits des intéressés.

Dans le cadre du plein contentieux subjectif, le requérant peut soulever des moyens autres que
ceux résultant de la violation d’une norme supérieure. À la différence du recours pour excès de
pouvoir, le recours de pleine juridiction est soumis à l’obligation du ministère d’avocat dès lors
qu’il a pour objet, le paiement d’une somme d’argent, la décharge ou la réduction de sommes
dont le paiement est réclamé au requérant. La même règle s’applique en matière de plein
contentieux contractuel. Des exceptions sont toutefois prévues, exclusivement devant les
tribunaux administratifs. Sont dispensés du ministère d’avocat les litiges en matière de travaux
publics, de contrats relatifs au domaine public et de contraventions de grande voirie.
21
§ 3. Contentieux répressif

Ce contentieux présente un caractère marginal par rapport au contentieux de la légalité et au


contentieux de pleine juridiction. Il est quantitativement moins important et il ne concerne pas
un recours dirigé contre un acte mais des poursuites dirigées contre des personnes en vue du
prononcé de sanctions. Le contentieux répressif concerne principalement le contentieux des
contraventions de grande voirie. Enfin, relèvent du contentieux répressif les juridictions
professionnelles, lorsqu’elles prononcent des sanctions disciplinaires professionnelles.

Section 3. – contentieux spéciaux

§ 1. – Contentieux contractuel

Les juges estiment que différents actes unilatéraux se détachent du contrat, lorsque leur
existence ne repose pas sur un accord de volonté entre les parties, mais sur l’intervention
unilatérale de l’administration. Cette solution s’est longtemps appliquée aux actes détachables
préalables à la conclusion du contrat, c’est-à-dire à ceux qui autorisent ou refusent d’autoriser
la conclusion d’un contrat, ou encore qui portent approbation d’un contrat CE, 4 août 1905,
Martin.

§ 2. – Contentieux fiscal

Depuis l’arrêt Breil du 28 février 1913, les juges considèrent qu’il existe, en matière fiscale,
des actes détachables de la procédure d’imposition. Cette jurisprudence s’applique d’abord à
l’ensemble des actes règlementaires qui ont un lien avec la procédure d’imposition.

S’agissant maintenant des actes non règlementaires relatifs à l’accomplissement d’une


opération concernant l’assiette ou le recouvrement de l’impôt, la jurisprudence est plus nuancée.
À l’égard des tiers, ces actes sont détachables de la procédure d’imposition et peuvent donc
faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. En revanche, à l’égard de leurs destinataires,
ces actes ne sont normalement pas considérés comme détachables des opérations
d’établissement et de recouvrement de l’impôt.

Chapitre 4. – Cas d’annulation des actes administratifs unilatéraux

Il s'agit de déterminer quels sont les moyens juridiques par lesquels on peut constater la légalité
d'un acte administratif. On appelle ces moyens les « cas d'ouverture » du recours en excès de
pouvoir. Mais ces moyens sont également invocables à l'appui d'un recours en plein contentieux
ou d'un recours en application de légalité, ou d'un recours adressé à l'administration elle-même.
On distingue habituellement cinq modalités de l'illégalité : l'incompétence, le vice de procédure,
le vice de forme, la violation de la loi et le détournement de pouvoir.
On peut aussi distinguer les moyens suivant qu'ils sont ou non d'ordre public (un moyen d'ordre
public peut être soulevé d'office par le juge). Sont d'ordre public l'incompétence de l'autorité
administrative auteur de la décision ou signataire du contrat ; la méconnaissance du champ
d'application de la loi ; l'inexistence juridique d'un acte ; la rétroactivité illégale d'un règlement
administratif ; la contrariété d'une décision à une annulation prononcée sur recours pour excès
de pouvoir ; la nullité d'un contrat.

22
La distinction se fait également entre moyens de légalité externes et internes. Elle a des
conséquences importantes : tant que le délai de recours n'est pas terminé, le requérant invoque
à l'appui de son recours sur tous les moyens à sa disposition. Une fois le délai expiré, le
requérant ne peut plus invoquer que des moyens de la même catégorie (internes ou externes)
que ceux initialement évoqués (moyens d'ordre public exceptés). Par ailleurs, l'annulation d'une
décision pour cause d'illégalité externe n'empêche pas l'administration de reprendre la même
décision, dans des formes légales, alors que c'est exceptionnel après annulation pour cause
d'illégalité interne.

Section 1. – Vices affectant la légalité externe

Il s'agit d'une illégalité portant non sur le contenu de la décision, mais sur la manière dont elle
a été prise.

§ 1. L'incompétence

Il y a incompétence lorsqu'une autorité administrative prend une décision sans avoir qualité
pour le faire. On distingue trois variétés d'incompétence :

- incompétence ratione materiæ (incompétence matérielle) : l'autorité intervient dans une


matière étrangère à ses attributions. C'est le cas quand l'autorité prend une décision
relevant du législateur ou du juge (usurpation de pouvoir), ou quand elle empiète sur le
champ de compétences d'une autre autorité administrative.
- incompétence ratione loci (incompétence territoriale) : l'autorité se trouve dans un autre
lieu que celui où elle devrait signer (très rare) ; l'autorité décide relativement à des
affaires étrangères à sa circonscription
- incompétence ratione temporis (incompétence temporelle) : l'autorité n'était pas encore
compétente, ou au contraire elle ne l'est plus.

Quelques circonstances autorisent une autorité incompétente à prendre une décision. C'est le
cas de l'urgence. Par ailleurs, les décisions d'un fonctionnaire irrégulièrement nommé ne sont
pas entachées d'incompétence. Enfin, il faut préciser qu'une décision entachée d'incompétence
est parfois régularisable par l'autorité compétente. Exemple : une mesure prise par décret alors
qu'elle aurait dû l'être par arrêté ministériel, dès lors que le décret porte le contreseing du
ministre.

§ 2. Le vice de procédure

Il résulte de la méconnaissance d'une ou plusieurs règles organisant la procédure de décision.


Le vice de procédure n'est pas régularisable, une réfection correcte est nécessaire (édiction
régulière d'une nouvelle décision).

On peut distinguer trois règles majeures reconnues par la jurisprudence :

- quand une autorité administrative décide volontairement de se soumettre à une procédure


particulière, elle est ensuite tenue de respecter cette procédure. Exemple : un ministre de
saisir volontairement un organisme consultatif ;
- la jurisprudence refuse un formalisme excessif. La méconnaissance de « formalités non
substantielles » (prescriptions procédurales qui n'ont pas d'incidence sur la décision à
23
prendre et/ou qui ne confèrent pas de garanties à ceux que cette décision concernera) est
insusceptible de provoquer l'illégalité de la décision prise. Au contraire, on nomme
« formalité substantielle » une disposition destinée à garantir les droits des administrés. Le
juge peut même considérer, compte tenu des circonstances de l'espèce, une décision comme
non entachée de vice de procédure malgré l'inobservance de règles substantielles : c'est le
cas si le manquement à la règle était en l'espèce insusceptible d'avoir eu une influence sur
la décision prise si le respect des règles était en l'espèce impossible, ou si l'observation des
règles était, en l'espèce, inutile si la procédure prescrite a été remplacée par une procédure
au moins équivalente ;
- parfois, il s'écoule un certain temps entre l'achèvement du processus d'élaboration des
décisions et l'édiction de la décision. Il n'est nécessaire de recommencer la procédure que si
les circonstances ont changé.

§ 3. Le vice de forme

Il a été longtemps confondu avec le vice de procédure. Or, le vice de procédure affecte le
processus de l'élaboration d'une norme tandis que le vice de forme concerne le contenant de la
norme (instrumentum) par opposition à son contenu (negotium).

Les règles de forme concernant les actes administratifs sont assez peu nombreuses. On peut
citer la signature de l'acte par son auteur, la motivation de l'acte, les contreseings des actes du
président de la République et du premier ministre. Il n'y a de substitut possible ni à la signature
ni aux contreseings. En revanche, il est possible en cas d'urgence ou de circonstances
exceptionnelles de ne pas motiver l'acte.

Section 2. – Vices affectant la légalité interne

§ 1. – Illégalité en raison du contenu de l'acte

C'est ce qu'on appelle « la violation directe de la loi. » Exemple : un décret d'application d'une
loi contenant des dispositions incompatibles avec celles de la loi. Le cas est rare.

§ 2. – Illégalité en raison des motifs de l'acte

On distingue trois motifs différents : l’erreur de droit, l’erreur de qualification juridique des
faits et l’erreur de fait.

A. – Erreur de droit

Il s'agit d'une erreur quant à la base légale de la décision (mise en œuvre d'une norme inexistante
ou inapplicable), du rattachement des dispositions édictées à une norme illégale, ou du
rattachement des dispositions à une norme applicable ou régulière mais mal interprétée.

B. – Erreur de qualification juridique des faits

Le contrôle de cette erreur remonte à l'arrêt CE 4 avril 1914 Gomel : une demande de permis
de construire en bordure de la place Beauvau à Paris est refusée par le préfet de la Seine if que
la construction en projet porterait atteinte à une perspective monumentale. Le Conseil d'État
détermine que la place Beauvau n'est pas une perspective monumentale, et annule donc la
24
décision du préfet. Le juge se substitue à l'appréciation de l'administration. C'est un contrôle
qui confine à l'opportunité.

C. – Erreur de fait

Le contrôle de cette erreur remonte à l'arrêt CE 14 janvier 1916. Le gouvernement révoque un


maire au motif qu'il n'a pas veillé, comme la loi lui en fait obligation, à la décence d'un convoi
funèbre. Le Conseil d'État détermine qu'« il lui appartient de vérifier la matérialité des faits»,
constate leur inexactitude et annule la sanction.

§ 3. – Illégalité en raison du but de l'acte

Il s'agit de ce qu'on appelle le détournement de pouvoir. La forme la plus simple consiste en


l'accomplissement d'un acte en raison de préoccupations d'ordre privé. Mais il peut y avoir aussi
détournement de pouvoir même en cas de prise en considération d'un intérêt public. Exemple :
le maire de Biarritz prend un arrêté interdisant aux baigneurs de se déshabiller et de s'habiller
ailleurs que dans les établissements de bains situés sur la plage. Or, il ne s'agissait pas de
préserver la moralité publique mais d'augmenter les revenus de ces établissements, source de
revenus pour la ville.

Chapitre 5. – Police administrative

Le mot police vient du grec « polis », qui signifie « Cité ». Pourtant, loin du sens originel, le
terme de police revêt de nos jours une pluralité de significations. Il désigne tout à la fois l’idée
de réglementation dans une acception globale (sens matériel), et l’ensemble des forces de police
(sens organique) qui ont pour mission d’assurer le maintien de l’ordre. Plus globalement, la
police administrative est une modalité d’action de l’administration qui a pour objet d’établir ou
de rétablir l’ordre public. C’est sous cet aspect que sera développée la notion de police
administrative.

La police administrative est donc l’action de l’administration, qui consiste à assurer le maintien
de l’ordre public. Elle se distingue de la police judiciaire par son caractère préventif et se
subdivise elle-même entre police administrative générale et polices administratives spéciales.
Les composantes classiques de l’ordre public sont : tranquillité, salubrité et sécurité publiques

Section 1. - Tranquillité publique

La tranquillité publique vise l’absence de troubles et d’émeutes dans les endroits publics.
La tranquillité publique consiste à préserver le « calme des citoyens ». Ainsi l’administration
doit prendre les mesures permettant par exemple de lutter contre les tapages nocturnes ou bien
contre les troubles que peuvent créer le déroulement de manifestations. On peut citer les
nuisances sonores : tapage diurne ou nocturne. Les bruits de comportement peuvent être
sanctionnés dès lors qu’ils troublent de manière anormale le voisinage, de jour comme de nuit.
Entre 22 heures et 7 heures on parle de tapage nocturne.

L’article 22 du code de l’environnement fait obligation aux occupants et aux exploitants de tout
établissement artisanal, agricole, commercial et industriel, d'émettre des polluants de toute

25
nature notamment les fumées, poussières, buées, gaz toxiques ou corrosifs susceptibles de nuire
à la santé et à l'environnement.
L’article 43 du code de l’environnement interdit tout bruit causant une gêne pour le voisinage
ou nuisible à la santé de l'homme. De même l’article 61 du même code prohibe de son côté,
même à l'intérieur des propriétés, des habitations ou de leurs dépendances, les bruits excessifs
qui proviennent : des phonographes, magnétophones, appareils de radiodiffusion et de
télévision, haut-parleurs, instruments de musique, tirs d'artifice, pétards, armes à feu, travaux
industriels, commerciaux ou ménagers, sauf autorisation de l'autorité compétente.
Sont également interdits par l’article 62 du code de l’environnement, en toute circonstance les
bruits provenant de :
- appareils avertisseurs à sons rauques et stridents de véhicules automobiles;
- moteurs de véhicule dépourvus d'un dispositif silencieux efficace;
- sifflets, sirènes et appareils bruyants;
- tapages nocturnes.

Sauf autorisation expresse de l'autorité compétente les parades et musiques foraines. Ces
interdictions ne s'appliquent pas aux ambulances et aux véhicules de police en cas de nécessité.
Les occupants ou propriétaires d'établissements doivent maintenir le niveau des bruits à un seuil
tolérable. À cet effet, ils doivent prendre des dispositions pour isoler les ateliers bruyants,
insonoriser les locaux ou mettre en œuvre des techniques ou tout autre moyen approprié pour y
parvenir.
Section 2. – La salubrité publique

Il s’agit d’éviter des dommages, individuels ou collectifs, provoqués par des désordres, des
accidents, des atteintes à la santé et à l’hygiène publique. La salubrité publique concerne :

- la santé, l’hygiène (fermeture d'école en cas de maladie) ;


- la qualité des denrées alimentaires ;
- la salubrité ou l’insalubrité des bâtiments.
L’article 48 du code de l’environnement, interdit de déposer ou d'abandonner des déchets dans
des conditions favorisant le développement des vecteurs de maladies ou susceptibles de
provoquer des dommages aux personnes et aux biens, ou de développer des odeurs ou autres
nuisances incommodantes.

La salubrité publique a connu un véritable renouveau ces dernières années. De la prévention


des risques classiques d’hygiène relatifs à la salubrité de l’eau ou aux denrées alimentaires,
l’apparition de fortes préoccupations de santé publique a poussé la notion à devenir centrale
dans l’activité de l’État. La lutte contre le tabagisme constitue une bonne illustration de ce
renouveau.

Section 3. – Sécurité et maintien de l’ordre

§ 1. Sécurité publique

La sécurité publique vise l’absence de situations dangereuses pour les personnes et les biens, et
comprend entre autres la prévention de la criminalité et l’assistance aux personnes en danger.
26
Dans le cadre de la sécurité routière, il y a lieu de veiller à la fluidité de la circulation, à la
sensibilisation des conducteurs aux gestes élémentaires de protection (port de la ceinture…) et
au respect d’autrui, au respect des limitations de vitesse et ce particulièrement dans certaines
parties de la zone de police (écoles, zone résidentielle,). Un nombre de contrôles routiers
minima constitue également l’un des moyens de garantir que les règles élémentaires de conduite
seront respectées dans un souci de diminuer le nombre d’accidents sur les routes et les rues
traversant la zone de police.

A. Le maintien de l’ordre public

L’ordre public peut se définir par la réunion de trois éléments essentiels : la tranquillité, la
salubrité et la sécurité publique. Des mesures nécessaires au maintien de l’ordre public sont
mises en œuvre par la police administrative par différents moyens. Elle peut ainsi recourir la
mise en place de mesures destinées à empêcher ou limiter les atteintes qui peuvent y être
portées. C'est par exemple le cas des procès-verbaux dressés pour tapage nocturne.

Une fonction moins connue, mais extrêmement importante pour la défense de nos libertés
fondamentales : le maintien de l’ordre public. Reconnaissons-le d’emblée, la recherche d’une
définition de l’ordre public qui soit satisfaisante, théoriquement correcte et pragmatique n’est
pas une mince affaire. Alors que la loi sur la fonction de police pose en principe le maintien de
l’ordre public comme étant l’une des fonctions essentielles des services de police, elle ne fournit
aucune description précise du « concept d’ordre public ».

Définir l’opération de police suppose de prendre en compte la finalité de l’action. Si celle-ci se


destinait à mettre fin à une infraction pénale, on considérera généralement qu’il s’agit d’une
opération de police judiciaire. En revanche, si le but était d'ordre public, on considère qu'il
s'agissait d'une opération de police administrative.

Le caractère répressif de la police judiciaire se manifeste au travers de la volonté de réprimer


une infraction. Les actions de police judiciaire sont dès lors celles qui consistent à rechercher
l’auteur de l’infraction ou à mettre fin à un trouble à l’ordre public. Lorsqu’un agent de police
règle la circulation à un carrefour, il exerce une activité de police administrative. En revanche,
si un automobiliste ne respecte pas une règle de priorité, l’agent de police siffle l’infraction ; il
exerce alors une action de police judiciaire.

Toutefois, dans certaines hypothèses, la distinction entre les deux polices est délicate. Dans le
cadre des contrôles d’identité opérés sur la voie publique, l’opération sera judiciaire lorsque ces
contrôles visent à obtenir l’arrestation de l’auteur d’une infraction. À l’inverse, les contrôles
qui ont pour objet le maintien de l’ordre public relèvent de la police administrative. De plus,
certains actes de police contiennent à la fois une mesure de prévention et une sanction. Le retrait
du permis de conduire à un automobiliste particulièrement dangereux a bien évidement un
caractère préventif, mais n’en constitue pas moins une sanction. De la même façon une mesure
privative de liberté, telle que l’internement, peut s’analyser comme une mesure préventive
visant à soustraire un individu au danger auquel il expose la société, mais également comme
une peine.

B. – La conception traditionnelle de l’ordre public

Les mesures de police ne sont légales que si elles visent à maintenir l’ordre public. Ce sont les
dispositions actuelles auxquelles tout le monde s’accorde à donner une portée générale, qui

27
définissent l’ordre public comme l’activité visant à assurer, en matière de police générale « le
bon ordre, la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques ». Assurer l’ordre public, dans le
cadre de la police administrative générale, consiste donc à prendre les mesures qui s’imposent
en vue de prévenir la survenance d’accidents ou de dommages aux biens ou aux personnes.

Le souci d’assurer la sécurité publique conduit l’autorité administrative à réglementer les heures
de fermeture de certains établissements, à réglementer le stationnement des véhicules et leur
circulation, à interdire le tapage nocturne. Cependant, les énumérations que donne la loi ne sont
pas limitatives de la notion d’ordre public. Celle-ci a évolué en fonction des transformations
des missions de la puissance publique. À côté de la trilogie classique de l’ordre public, la
jurisprudence a élargi le contenu de la notion.

C. – Une conception élargie de l’ordre public

La trilogie traditionnelle de l’ordre public n’est pas exhaustive. Il faut y adjoindre la prise en
compte par le juge administratif de la notion d’esthétique et le retour d’une dimension morale,
par le principe de dignité de la personne humaine.

1. Le contrôle des motifs

La première obligation qui incombe aux autorités de police administrative est de prendre les
mesures nécessaires au maintien ou au rétablissement de l’ordre public. Lorsque l’autorité de
police est confrontée à une situation risquant d’entraîner des troubles pouvant porter atteinte à
l’ordre public, elle se trouve dans l’obligation d’agir.

En second lieu, les mesures de police sont soumises à une forte exigence de motivation. D’après
les textes en vigueur, les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées des
motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent et à cet effet, doivent être
motivées les décisions qui constituent une mesure de police. En outre cette motivation doit
énoncer les considérations de droit et de fait qui fondent la mesure.

Sur ce point, le juge administratif ne se contente pas d’une motivation sommaire et expéditive,
mais exige de l’administration, la communication des motifs applicables à l’espèce. L’exigence
de motivation est renforcée en considération du caractère attentatoire aux libertés publiques que
peuvent revêtir les mesures de police. Celles-ci ne doivent avoir pour seule finalité que le
maintien de l’ordre.

2. Le contrôle des moyens

Le contrôle que le juge exerce sur les mesures de police est particulièrement large. Ces mesures
doivent avant tout être nécessaires. Ainsi, le juge contrôle l'adéquation de la mesure envisagée,
les moyens employés et la gravité de la menace qui pèse sur l’ordre public. Il applique un
principe de proportionnalité entre la mesure de police et la situation à laquelle elle est sensée
remédier.

Le juge contrôle l’adéquation des moyens et du but recherché, de telle sorte que la liberté reste
la règle et la restriction l’exception. Dans son célèbre arrêt « Benjamin » du 19 mai 1933, le
Conseil d’État affirme qu’en l’espèce, « s’il incombe au maire, de prendre les mesures qu’exige
le maintien de l’ordre, il doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la liberté de
réunion ».

28
Dès lors que la mesure de police doit être nécessaire au maintien de l’ordre, celle-ci ne peut
revêtir un caractère général et absolu. Le Conseil d’État a fixé cette règle dans une jurisprudence
déjà ancienne. Dans son arrêt « Daudignac » du 22 juin 1951, le Conseil d’État annule
l’interdiction faite par un maire de façon générale et absolue aux photographes filmeurs
d’exercer sur le territoire de la commune, comme étant attentatoire à la liberté du commerce et
de l’industrie. Le juge administratif estime que l’objectif poursuivi par l’autorité administrative
aurait pu être atteint par une mesure plus souple, notamment en réglementant les conditions
d’exercice d’une telle activité (heures et lieux).

3. Matériel et véhicules :

- équipement de protection individuelle : casque, gilet pare-balles, protection des bras et des
jambes, gants, bouclier anti-émeute ;
- bâtons de défense (matraque, bâton télescopique, tonfa) ;
- gaz lacrymogènes (grenades ou containers) ;
- dispositifs assourdissants ou éblouissants ;
- véhicules protégés : film de protection sur les vitres, blindage, grilles ;
- dispositifs de barrage (fixe ou mobile) ;
- canons à eau ;
- armes non létale (dont lanceurs de balle de défense en France) ;
- grenades à effet de souffle : grenades lacrymogènes instantanées (GLI) et grenades
offensives;
- autres armes à feu - notamment pistolets, revolvers, fusils et carabines - en légitime défense
ou en dernier recours.

D. Les aggravations exceptionnelles des régimes de police

Lors des périodes exceptionnelles, les pouvoirs de police reçoivent un élargissement particulier.
Dans les périodes de crise la préservation de l’ordre public l’emporte sur les libertés
individuelles. C’est le cas dans les principaux régimes d’exceptions que nous présentons
succinctement.

1. Le régime de l’état de siège

L’état de siège peut être déclaré en cas de périls imminent résultant d’une guerre étrangère ou
d’une insurrection armée. Il est décrété en conseil des ministres mais au-delà de douze jours
c’est le Parlement qui est compétent. Il a pour effet d’entrainer la substitution des autorités
militaires aux autorités civiles. De plus, l’état de siège assouplie la législation applicable à
certaines mesures de police comme les perquisitions, les mesures d’éloignement des repris de
justice, l’interdiction de certaines réunions.

2. Le régime de l’état d’urgence

La loi du 3 avril 1955 a créé un régime d’état d’urgence qui conduit à une restriction des libertés
différente de l’état de siège. L’état d’urgence est déclaré par décret en conseil des ministres
mais sa prolongation au-delà de douze jours relève du Parlement. L’état d’urgence conduit à
élargir les pouvoirs de police administrative en matière de circulation et séjour des personnes,
réquisition, régime des lieux ouverts au public.

29
L’état d’urgence peut également prévoir des pouvoirs de police aggravés en matière de
perquisition et de contrôle de la presse. Le régime de l’état d’urgence doublé du pouvoir
discrétionnaire des autorités de police favorise la maîtrise des manifestations par les pouvoirs
publics lorsque les enjeux sont politiques et sociaux. Plus encore, il peut, de manière insidieuse,
empêcher les mouvements dissidents.

Section 4. – Polices spéciales

La police administrative générale est la police de l’ordre public au sens que l’on sait, et dont les
détenteurs sont le premier ministre, les préfets des départements, les présidents des conseils
départementaux et les maires. Elles coexistent avec de nombreuses polices spéciales, dont il y
a lieu de traiter en trois points.

La police administrative se divise en une police administrative générale et en nombreuses


polices spéciales. Les polices spéciales sont exercées par diverses autorités : Ministres,
président d'université, préfet dans des domaines particuliers… En dehors des domaines
d'activité des polices spéciales qui bénéficient d'une exclusivité, en cas de conflit entre la police
spéciale et générale, ce sont en principe les mesures de police générale qui s'imposent. En quoi
les polices spéciales forment-elles une catégorie ? Quelles sont les particularités de chaque
police administrative spéciale ?

§ 1. Les facteurs de spécialité des polices spéciales

Trois facteurs de différenciation, cumulables peuvent être relevés.

1°) Il peut s’agir d’une particularité concernant la détermination de l’autorité compétente.


Ainsi et d’abord, une police est spéciale si elle est attribuée à une autorité de police différente
de celle qui serait normalement compétente. C’est le cas de la police des gares et aérodromes.

2°) La différenciation des polices spéciales par rapport à la police générale peut aussi résulter
des procédures auxquelles l’exercice des premières est assujetti. C’est le cas de la police des
installations dites classées en raison de leur caractère dangereux, incommode, insalubre ou
nuisible à l’environnement.

3°) Enfin, il est des polices spéciales qui se distinguent de la police générale par le fait que,
contrairement à la plupart des précédentes, elles ont une finalité différente de celle de la police
générale. C’est pratiquement dans la mesure où les polices spéciales ont la même finalité que
la police générale, qu’il peut y avoir concurrence entre police spéciale et police générale. Il est
rare que cette concurrence soit exclue, et que seule la police spéciale puisse être exercée.

§ 2. Le concours entre police spéciale et police générale

C’est pratiquement dans la mesure où les polices spéciales ont la même finalité que la police
générale qu’il peut y avoir concurrence entre une police spéciale et la police générale. Il est rare
que cette concurrence soit exclue et que seule la police spéciale puisse être exercée. Le principe
est que l’existence d’une police spéciale ne fait pas nécessairement obstacle à l’exercice de la
police générale.

30
Section 5. – La police judiciaire
La police judiciaire est définie par l'article 14 du code de procédure pénale : selon cet article,
la « police judiciaire est chargée, … de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler
les preuves et d'en rechercher les auteurs ». Elle se distingue ainsi de la police administrative.

Le caractère répressif de la police judiciaire se manifeste au travers de la volonté de réprimer


une infraction. Les actions de police judiciaire sont dès lors celles qui consistent à rechercher
l’auteur de l’infraction ou à mettre fin à un trouble à l’ordre public. La police judiciaire est
exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers et agents » désignés
à cet effet.

§ 1. L'organisation de la police judiciaire

La police judiciaire (PJ) est composée de fonctionnaires : les officiers de police judiciaire, les
agents de police judiciaire et certains fonctionnaires habilités à faire œuvre de police judiciaire
pour certaines infractions particulières. Ils sont donc des spécialistes. L’article 16 nouveau de
la loi 10/83 du 27 janvier 1983 ne classe ces fonctionnaires ni dans la catégorie d’officiers ni
dans celle d’agents de police judiciaire. Tous les policiers ne font pas partie de la PJ. Les
membres de la PJ ne sont pas tous des policiers. Le décret n°2003-20 du 6 février 2003 édicte
la liste des agents de la police judiciaire ainsi que les fonctionnaires auxquels sont attribuées
les fonctions de police judiciaire.

Au sommet de la hiérarchie de la PJ se trouvent les officiers de police judiciaire (OPJ) :

- les officiers de service de sécurité ;


- les sous-officiers titulaires d’un brevet technique n°2 de sécurité ;
- les sous-officiers exerçant les fonctions de chef de poste d’État ;
- les sous-préfets ;
- les maires ;
- les administrateurs maires.

Il ressort de cette liste que la qualité d’officier de police judiciaire est attribuée expressément
soit d’office, soit par la possession des diplômes techniques. Cette liste appelle une précision et
une adjonction. La précision est que certains fonctionnaires sont officiers de police judiciaire
de plein droit comme les maires et les sous-préfets, tandis que d’autres ne le sont qu’après avoir
fait l’objet d’une désignation personnelle par arrêté ministériel après avis conforme d’une
commission. Et l’adjonction est le fait que les officiers de police judiciaire de la police nationale
et de la gendarmerie ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à un emploi
comportant cet exercice et en en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel
les y habilitant personnellement.

Mais il n’est pas normal que des sous-officiers de la sécurité d’Etat, aujourd’hui remplacée par
la sécurité du territoire, bien qu’exerçant les fonctions de chef de poste de sécurité soient des
officiers de police judiciaire. De même, il n’est pas normal que tous les officiers de services de
sécurité soient des officiers de police judiciaire. Il en résulte que les officiers de la brigade
routière ou de la brigade d’intervention ou encore de la sécurité d’Etat, tout comme ceux de la
protection civile peuvent effectuer des enquêtes sur infraction flagrante, sur commission
rogatoire en cas de vol, viols, meurtres, au même titre que les officiers de police judiciaire.

31
§ 2. Les missions de la police judiciaire

La police judiciaire a une mission d'enquêteur : elle constate les infractions, elle recherche les
preuves, elle identifie les auteurs d'infractions et les arrête pour les confier au juge compétent.
Elle exerce ces attributions dans le cadre :

- d'une enquête de police, sous le contrôle du procureur de la République,


- d'une information judiciaire, sous la direction du juge d'instruction.

A. – Enquête de police

L’officier de police judiciaire est chargé de mener les enquêtes préliminaires au cours
desquelles des suspects peuvent être gardés à vue. À ce titre, il reçoit les plaintes, rassemble les
preuves et procède à la recherche des auteurs en vue de l’exercice de l’action publique par le
parquet. Si la mission de l’officier de police judiciaire qui prélude à la poursuite des infractions
n’est pas bien accomplie, cette poursuite devient difficile et entraîne entre autre conséquence
l’impunité des coupables.
- la PJ constate l'infraction ou reçoit la plainte de la victime ;
- la PJ informe le procureur de la République : avant de décider de poursuivre ou non l'auteur
de l'infraction, le procureur de la République ouvre une enquête de flagrance ou une enquête
préliminaire, selon l'urgence ;
- les OPJ, spontanément ou sur demande du procureur de la République, procèdent aux actes
d'enquête, dans le respect des principes de la procédure pénale : perquisitions et saisies,
expertises, témoignage en justice, interpellations, garde à vue ;
- les OPJ rendent compte de l'avancement de l'enquête au procureur de la République ;
- au terme de l'enquête, le procureur de la République décide de classer sans suite, de proposer
un règlement amiable ou de poursuivre l'auteur de l'infraction.

Les pouvoirs des OPJ sont plus étendus dans le cadre d'une enquête de flagrance. Ils ont des
pouvoirs renforcés en cas de crime et délit flagrants. Ils peuvent (article 17 du CPP ) :

- décider du placement en garde à vue ;


- procéder à des prélèvements et examens biologiques ;
- pratiquer des perquisitions ;
- recevoir des commissions rogatoires ;
- procéder à des contrôles d’identité.

B. – Information judiciaire

Lorsque le procureur de la République décide de poursuivre l'auteur de l'infraction, il peut saisir


le juge d'instruction pour ouvrir une information judiciaire Le juge d’instruction est
l'information judiciaire est conduite par un juge d’instruction, statutairement indépendant. Dans
cette hypothèse, le juge d'instruction charge les OPJ d'effectuer – sous ses ordres et sous son
contrôle – les actes destinés à établir la vérité.

32
Chapitre 6.- Marchés publics

Section 1. – Personnes concernées et différents types marchés publics

§ 1. – Personnes concernées

Les personnes soumises au code des marchés publics sont ce que l'on appelle les pouvoirs
adjudicateurs. En font partie l'ensemble des personnes morales de droit public, à l'exception des
établissements publics industriels et commerciaux de l'État. Il faut rajouter que les personnes
privées, normalement non soumises au code, doivent respecter des règles très proches fixées
par les textes en vigueur dans l'hypothèse où une personne publique exerce un contrôle sur elle.

Si l'administration est la plupart du temps dans la position d'un acheteur, elle peut aussi être
dans celle d'un fournisseur de services à une autre administration ; elle se comporte alors dans
ce cas comme un opérateur économique, ce qui justifie sa soumission aux règles applicables
aux marchés publics. Dans cette dernière hypothèse, il lui est, ainsi, interdit d'utiliser des
avantages liés à sa situation, comme par exemple des aides publiques, pour concurrencer
déloyalement les agents économiques traditionnels. Par ailleurs, certains services, comme par
exemple le secteur sanitaire et social, l'insertion professionnelle, les services culturels et
sportifs, ne sont pas soumis au droit commun, mais font l'objet d'une procédure allégée et
adaptée à leur montant. Ce dispositif concerne principalement les associations qui trouvent le
un cadre souple lorsqu'elles fournissent des services à l'Administration.

§ 2. – Différents types de marchés publics

La notion de marché public est souvent confondue avec celle d’appel d’offres. Il s’agit d’un
abus de langage. L’appel d’offres n’étant qu’une des différentes procédures de marché public
existantes. Elle est par ailleurs généralement utilisée en dernier ressort par les acheteurs publics.

Quel que soit le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut toujours recourir à la
procédure de l’appel d’offres : il s’agit de la procédure la plus contraignante à mettre en œuvre
quant aux modalités de publicité et de mise en concurrence.

Toutefois, sauf cas spécifiques, le recours à l’appel d’offres est obligatoire dès lors que le
montant du marché atteint.

Les marchés sont passés en application des procédures du Code des marchés publics à partir
des seuils suivants (ils sont passés par la formule simplifiée de comparaison d'au moins trois
(3) factures. Cf. décret 2009-162 du 20 mai 2009 fixant les seuils de passation, de contrôle et
d'approbation des marchés publics) :

- marchés de travaux et fournitures : 50 millions FCFA ;


- marchés de prestations intellectuelles : 10 millions FCFA.

- Les marchés publics faisant l’objet d'un appel d’offres international correspondent aux
seuils ci-après (article 11 du décret du 20 mai 2009) :

- pour les marchés de travaux : marchés de valeur supérieure ou égale à deux milliards
(2.000.000.000) francs CFA ;

33
- pour les marchés de fournitures des biens ou services : marchés de valeur supérieure ou
égale à cinq cent millions (500 000 000).

L’absence d’utilisation des accords-cadres implique une complexité dans la passation des
marchés, en revanche les « marchés à bon commandes » et les « marchés de clientèle » sont
visés aux articles 63 et 64 du Code des marchés publics. De plus, l’attribution des marchés de
travaux, de fournitures et de services se fait sur la base de l’offre la moins-disante. Ce système
qui se révèle peu efficace en matière de performance de l’achat public. L’offre la mieux-disante
est cependant retenue pour les marchés de services et de prestations intellectuelles au regard de
critères techniques et financiers.

En deçà de ces seuils, le recours à la procédure adaptée est autorisé.

Dans certains cas, les marchés ayant pour objet certaines catégories de services (celles non
citées à l’article 29 du Code des Marchés Publics, comme la formation, le gardiennage…)
peuvent être passés en procédure adaptée quel que soit le montant.

Quant au marché négocié, les possibilités d’y recourir, au nombre d’une petite quinzaine, sont
limitativement énoncées par l’article 35 du Code des marchés publics. Le cas de figure le plus
fréquemment rencontré est celui de l’appel d’offres pour lequel il n’a été reçu aucune offre, ou
que des offres irrégulières ou inacceptables, et qui est alors relancé en l’état en marché négocié.

À titre d’exemple, il peut également s’agir de marchés lancés dans une situation d’urgence
impérieuse (notamment après une catastrophe naturelle) ou les marchés qui ne peuvent être
confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques, ou
tenant à la protection de droits d’exclusivité.

Le pouvoir adjudicateur peut toujours aller au-delà de ses obligations, et recourir à un appel
d’offres ou à un marché négocié alors que le montant du marché est inférieur aux seuils précités.

Section 2.- Principes fondamentaux et organes intervenant dans la gestion des marchés
publics

§ 1. – Principes fondamentaux

On comprend qu’il est opportun, sinon nécessaire, que l’administration puisse librement choisir
ses cocontractants lorsque l’enjeu financier est modeste, ne justifiant pas les contraintes d’une
procédure.

Le code définit les marchés publics comme les contrats à titre onéreux (c’est-à-dire, moyennant
un prix convenu) qui sont conclus, tant par l’État (et ses établissements publics administratifs),
que par les collectivités territoriales (et leurs établissements publics), en vue de répondre à leurs
besoins en matière de travaux de fournitures ou de services.

Il peut s’agir de contrats conclus avec une personne publique aussi bien que (plus
ordinairement) avec une personne privée.

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Le code ne régit pas les contrats non qualifiés de « marchés », parce que le cocontractant est
rémunéré autrement que par un « prix » (exprimant la valeur de ses prestations), comme c’est
le cas en matière de contrats de délégation de service public ou de recrutement de personnels.

La question des marchés publics est capitale dans la mesure où l'achat public représente plus de
10 % du PIB. Leur réglementation a considérablement évolué ces dernières années. Ainsi, le
code des marchés publics (CMP) du 22 avril 1982 a été modifié par le décret du n°89/375 du
31 mai 1989 et tout dernièrement par le décret n°842 du 31 décembre 2011.

Dans la mesure où est en cause la bonne gestion des deniers publics et le respect de la
concurrence entre les candidats, les articles ce code fixent certains principes qui s'appliquent à
tout marché public :

- la liberté d'accès à la commande publique interdit, ainsi, d'écarter des concurrents sur la
base de considérations étrangères au code des marchés publics ;
- l'égalité de traitement des candidats supposent que l'administration traite tous les candidats
sans discrimination ;
- le principe de transparence des procédures permet une information suffisante de tous les
candidats de façon à assurer une concurrence suffisante ;
- l'ensemble de ces principes est censé garantir l'efficacité de la commande publique et la
bonne utilisation des deniers publics, exigences fondamentales dans un contexte de
restrictions budgétaires.

Ces points étant éclaircis, il sera possible de tenter de définir ce qu'est un marché public : ainsi,
le code des marchés publics le définit comme "des contrats conclus à titre onéreux entre les
pouvoirs adjudicateurs ... et les opérateurs économiques publics ou privés".

§ 2. – Organes intervenant dans la gestion des marchés publics

Les principaux acteurs de la commande publique au Congo sont :

- l'Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) ;


- le Ministère de l'Aménagement et des Grands Travaux (MAGT) ;
- la DGCMP.

Section 2. – Principes fondamentaux et organes intervenant dans la gestion des


Marchés publics

Les principaux acteurs de la commande publique au Congo sont :

- l'Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) ;


- le Ministère de l'Aménagement et des Grands Travaux (MAGT) ;
- la DGCMP.

Section 3. – Procédure d’appel d’offres


Les marchés publics sont passés après mise en concurrence des candidats potentiels sur appel
d’offres. Ils peuvent exceptionnellement être attribués selon la procédure de gré à gré dans les
conditions définies par le décret 2009-156 du 14 mai 2009.

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L'appel d'offres présente la particularité d'être ouvert ou restreint. Dans le premier cas, toutes
les entreprises peuvent présenter une offre. En cas d'appel d'offres restreint, les entreprises
doivent d'abord se porter candidates; puis, après examen des candidatures, l'Administration
dresse la liste des entreprises autorisées à présenter une offre.

L’appel d’offres ouvert est la règle ; le recours à tout autre mode de passation des marchés
publics doit être exceptionnel, justifié par le maître d’ouvrage ou le maître délégué et être
autorisé au préalable par la direction générale du contrôle des marchés publics compétente.

Les seuils d’appel d’offres sont les suivants :

- pour les marchés de travaux et fournitures : marchés de valeur supérieure ou égale à


50.000.000 de FCFA ;
- pour les marchés de prestation intellectuelle : marchés de valeur supérieures ou égale à
10.000.000 de FCFA.

Les marchés de travaux, fournitures et services en deçà des seuils fixés pour les appels d’offres
nationaux sont passés par la formule simplifiée de comparaison d’au moins trois facteurs.

Les marchés publics faisant l’objet d’un appel d’offres international correspondent aux seuils
ci-après :

- pour les marchés de travaux : marchés de valeur supérieure ou égale à deux (2.000.000.000)
de FCFA ;
- pour les marchés de fourniture des biens ou services : marchés de valeur supérieure ou égale
à cinq cent millions (500.000.000) de FCFA.

Les appels d’offres restreints prévus dans le code des marchés publics, dès lors qu’ils sont d’une
valeur supérieure ou égale à vingt-cinq (25.000.000) millions de FCFA, font l’objet d’une
publication de manifestation d’intérêt pour l’établissement d’une liste restreinte de consultants
qualifiés.

§ 1. – Les modalités de remise des plis

Il convient de distinguer l’appel d’offres dit « ouvert » et l’appel d’offres dit « restreint ».

Dans le cas d’un appel d’offres ouvert, le candidat remet simultanément son dossier de
candidature et son dossier d’offre.

Dans le cas d’un appel d’offres restreint ou d’un marché négocié précédé d’une publicité, le
candidat ne remet dans un premier temps que son dossier de candidature. Le pouvoir
adjudicateur dispose de la possibilité de limiter le nombre de candidats retenus.
Seuls ces candidats retenus auront accès au cahier des charges, et seront ainsi habilités à
remettre une offre.

Dans le cas d’une procédure adaptée, même si la majorité des pouvoirs adjudicateurs requiert
la remise simultanée de la candidature et de l’offre, rien ne leur interdit de prévoir une procédure
différente.

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§ 2. – Les délais de remise

Lors d’une procédure d’appel d’offres ouvert, le délai de remise des offres ne peut être inférieur
à 40 jours francs, dans l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur offre un accès libre, direct et
complet aux documents de la consultation. Sinon, le délai de remise des offres peut être porté
jusqu’à 52 jours francs.

En appel d’offres retreint et en marché négocié, le délai de remise des candidatures est de 37
jours minimum. Sur la phase « offre » de l’appel d’offres restreint, les candidats doivent
disposer d’au moins 35 jours pour remettre leur pli.

Quant au marché négocié, le délai de la phase « offre » est à la libre appréciation du pouvoir
adjudicateur

Cette liberté d’appréciation du pouvoir adjudicateur est de mise en procédure adaptée, quelque
soit les modalités de remise des plis.

Toutefois, les délais doivent être raisonnables, pour permettre aux candidats de soumissionner
dans de bonnes conditions.

Tous ces délais sont des délais minima, qui doivent être réévalués si le pouvoir adjudicateur le
juge nécessaire, ou si des contraintes pèsent sur le candidat pendant la période de remise des
offres (visite de site, élaboration de prototypes, etc.).

§ 3. – La négociation

La négociation est formellement interdite en appel d’offres: les offres sont intangibles.

En revanche, comme son nom l’indique, la négociation est obligatoire en « marché négocié ».

Enfin, en procédure adaptée, elle est facultative: la doctrine préconise que le règlement de
consultation indique aux candidats si le pouvoir adjudicateur souhaite y recourir, et les
conditions dans lesquelles elles seront menées le cas échéant.

§ 4. – Le processus décisionnel

Pour les marchés lancés par les collectivités territoriales, en appel d’offres et en marché négocié,
la tenue d’une commission d’appel d’offres est obligatoire.

Ce n’est pas le cas pour les procédures adaptées: le processus décisionnel est déterminé par le
pouvoir adjudicateur.

Quelle que soit la procédure de marché public, il n’existe plus de commission d’appel d’offres
pour les marchés de l’Etat et des hôpitaux.

§ 5. – Les délais de recours

Pour les procédures d’appels d’offres et de marché négocié, s’agissant du référé précontractuel,
qui est le recours ayant pour effet de bloquer la signature du contrat, le délai pour saisir le juge

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est de 11 ou 16 jours, à compter de la date de notification du rejet, selon que cette notification
ait été transmise par voie électronique ou non.

Pour les procédures adaptées, le pouvoir adjudicateur doit laisser aux candidats un délai
« raisonnable », qui s’élève généralement à environ 8 jours.

Pour les candidats, répondre à une procédure adaptée est généralement plus simple. Les
contraintes étant moins fortes, les risques de commettre une erreur procédurale sont plus faibles.

Les délais d’analyse des offres sont également plus courts, permettant de recevoir plus vite une
réponse du pouvoir adjudicateur.

Toutefois, le formalisme variant d’une procédure adaptée à l’autre, cela suppose aussi que le
candidat s’adapte aux procédures internes de chaque pouvoir adjudicateur, libre des modalités
de publicité et de mise en concurrence.

En tout état de cause, il est opportun de détecter la procédure employée par le pouvoir
adjudicateur, afin d’adapter sa stratégie aux subtilités de la réglementation.

§ 6. – Les marchés de gré à gré


Un marché est dit de gré à gré ou par entente directe lorsqu’il est passé sans appel d’offres, après
autorisation spéciale de la direction générale du contrôle des marchés publics compétente. La demande
d’autorisation de recours à cette procédure doit décrire les motifs la justifiant.
Il ne peut être passé de marché de gré à gré que dans l’un des cas limitatifs suivants :
- lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet
d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un seul fournisseur
ou un seul prestataire ;
- lorsque le marché ne peut être confié qu’à un prestataire déterminé pour des raisons techniques et
artistiques ;
- dans les cas d’extrême urgence, pour les travaux, fourniture ou services que le maître d’ouvrage ou le
maître d’ouvrage délégué doit faire exécuter en lieu et place de l’entrepreneur, du fournisseur ou du
prestataire défaillant ;
- dans le cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances de force majeure ne permettant pas de
respecter les délais prévus dans les procédures d’appel d’offres, nécessitant une intervention immédiate,
et lorsque le maître d’ouvrage ou le maître d’ouvrage délégué n’a pas pu prévoir les circonstances qui
sont à l’origine de l’urgence ;
- lorsqu’il s’agit des marchés spéciaux définis aux articles 75 et suivants du présent décret.
Les marchés passés selon la procédure de gré à gré doivent être préalablement et exceptionnellement
autorisés par la direction générale du contrôle des marchés publics compétente sur la base d’un rapport
spécial établi par la commission de passation des marchés du maître d’ouvrage ou du maître d’ouvrage
délégué, au moment de l’approbation du plan de passation de marché et au terme d’une séance d’analyse
des motifs justifiant le recours à la procédure de gré à gré.

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