Vous êtes sur la page 1sur 12

KluwerArbitration

Document information Un coup d'arrêt à la marginalisation du consentement


dans l'arbitrage international (A propos de l'arrêt de la
Publication Cour d'appel de Paris du 1er juin 1999)
Revue de l'Arbitrage Brigitte Stern
Professeur à l'Université Paris I, Panthéon-Sorbonne
Jurisdiction Résumé
France
Une récente sentence arbitrale et l'arrêt de la Cour d'appel de Paris qui l'a annulée
permettent de faire le point sur l'arbitrage sans convention d'arbitrage qui s'est
développé dans les litiges en matière d'investissements entre Etats et opérateurs privés,
Bibliographic en montrant qu'il n'est pas transposable tel quel aux litiges entre opérateurs
reference économiques privés. La Cour d'appel marque un coup d'arrêt bienvenu au mouvement
Brigitte Stern, 'Un coup qui semblait se dessiner en faveur d'une marginalisation du consentement dans
d'arrêt à la marginalisation l'arbitrage international. Cette question permet de revenir sur le caractère contractuel
du consentement dans de l'arbitrage et sur le débat relatif à l'arbitrage forcé.
l'arbitrage international (A
propos de l'arrêt de la Cour Summary
d'appel de Paris du 1er juin
1999)', Revue de l'Arbitrage, A recent arbitral award and judgment of the Paris Court of Appeal which annulled it allow
(© Comité Français de one to take stock of the current position on arbitration without privity, which developed in
l'Arbitrage; Comité Français the context of disputes relating to investments between States and private operators,
de l'Arbitrage 2000, Volume demonstrating that it cannot be transposed without modification to disputes between
2000 Issue 3) pp. 403 - 428 private economic operators. The Court of Appeal has thankfully halted a movement which
appeared to be developing towards a reduction in the importance of consent in
international arbitration. This allows one to return to the contractual nature of arbitration,
P 404 and to the debate relating to compulsory arbitration.

On parle beaucoup, ces derniers temps, d'arbitrage sans accord spécifique entre les
deux parties concernées, essentiellement en ce qui concerne les arbitrages entre Etats et
investisseurs privés ((1)) . Cette formule dite d'«arbitration without privity» ((2)) , s'est
développée selon un schéma fondé sur la dissociation entre l'accord donné par l'Etat –
dans une loi interne ou un traité international, qu'il soit bilatéral ou multilatéral – et
l'accord donné par l'investisseur considéré comme inhérent à la simple soumission
unilatérale par cet investisseur d'un litige avec l'Etat à l'instance arbitrale concernée
((3)) .
Mais la marginalisation du consentement semblait aussi, peutêtre par ricochet, pouvoir
toucher l'arbitrage entre opérateurs économiques, comme l'a illustré une sentence
arbitrale récente rendue le 29 mai 1997, sous les auspices de la Cour d'arbitrage de la CCI
((4)) .
Les faits ayant donné lieu à cette sentence seront brièvement évoqués. Dans un contrat
d'agence commerciale, signé en 1985 entre l'agence de tourisme libanaise Khayat et la
compagnie aérienne roumaine Tarom (Romanian Air Transport) ((5)) , était insérée une
clause d'arbitrage au profit de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce et
d'industrie de Bucarest ((6)) . Des difficultés ayant surgi entre les partenaires, Tarom a
résilié le contrat à partir du 1er janvier 1996. Khayat, qui n'a pas admis cette résiliation
unilatérale, a souhaité résoudre ce litige devant une instance arbitrale: estimant que la
P 405 clause compromissoire prévue par les parties était inapplicable du fait des
changements intervenus depuis son adoption, la société soutenait que devait
s'appliquer une autre clause d'arbitrage contenue dans un Accord de commerce et de
paiement du 6 décembre 1980 entre le gouvernement de la République libanaise et le
gouvernement de la République socialiste de Roumanie, prévoyant l'arbitrage de la CCI
à Paris. Khayat a donc saisi la Cour d'arbitrage de la CCI à Paris d'une demande
d'arbitrage, en date du 31 mai 1996, et celle-ci a nommé un arbitre unique.
Selon une sentence partielle sur la compétence du 29 mai 1997, la clause voulue par les
parties ne pouvait s'appliquer compte tenu du changement de circonstances; mais
devait s'appliquer ce que la sentence appelle les règles du droit commun du règlement
des litiges commerciaux entre les entreprises roumaines et libanaises, qui résultent de
l'Accord de commerce et de paiement de 1980. En conséquence, cet Accord prévoyant un
arbitrage CCI à Paris, l'arbitre désigné par la CCI à Paris s'est déclaré compétent pour
connaître du litige (I).
La société Tarom a formé un recours en annulation contre cette sentence, estimant que
l'arbitre avait statué sans convention d'arbitrage et qu'il avait été irrégulièrement
désigné par la Cour d'arbitrage de la CCI. La société Tarom a obtenu gain de cause par un
arrêt rendu le 1er juin 1999 par la Cour d'appel de Paris ((7)) . En annulant la sentence, la
Cour met opportunément fin à une tendance à l'élimination du consentement comme

1
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
fondement nécessaire du recours à l'arbitrage international (II).
Dans la mesure où cette séquence de décisions – arbitrale, puis judiciaire – met en cause
la conception que l'on se fait de l'arbitrage international, il paraît intéressant de la
replacer dans les évolutions les plus récentes de l'arbitrage entre les Etats et les
opérateurs privés (III).

I. – La sentence du 29 mai 1997


Le raisonnement de l'arbitre comprend plusieurs étapes:
– constatation de la caducité de la clause d'arbitrage à laquelle les parties avaient
P 406 donné leur consentement;
– déduction d'un consentement général àtoute forme d'arbitrage, de l'existence d'un
consentement àune forme d'arbitrage;
– soumission de l'affaire à un arbitrage CCI, prévu par un traité entre les deux Etats dont
relevaient les deux opérateurs.
1. La constatation de la caducité de la clause d'arbitrage à laquelle les parties avaient
donné leur consentement
Il n'était pas contesté par les parties qu'elles avaient toutes deux donné leur
consentement à la clause d'arbitrage insérée dans l'article 18 du contrat de 1985,
renvoyant à l'arbitrage de la Cour d'arbitrage de Bucarest et prévoyant l'application du
droit roumain ((8)) .
Mais pour l'une des parties, Khayat, cet accord de volontés ne pouvait plus être mis en
œuvre du fait du changement fondamental de circonstances, résultant de la chute du
mur de Berlin, et des modifications législatives et réglementaires qui ont suivi.
La société Tarom au contraire insistait sur la permanence de l'institution d'arbitrage
choisie par les parties, dont le fonctionnement avait certes été modifié, mais dans le
sens d'une meilleure protection des droits des parties à l'arbitrage et d'une meilleure
prise en considération des grands principes de l'arbitrage international.
Pour parvenir à une conclusion sur l'applicabilité de la clause d'arbitrage, l'arbitre a
cherchéà déterminer si les modifications intervenues depuis son acceptation étaient
substantielles, c'est-à-dire «de nature à déjouer les prévisions des parties quant au
déroulement de la procédure d'arbitrage et de la sentence». Il constate tout d'abord que
les modifications apportées à l'institution d'arbitrage elle-même ne sont pas de nature à
P 407 avoir une incidence sur les procédures arbitrales et leur résultat. Mais il apprécie
différemment les changements du règlement d'arbitrage: les modifications concernant la
langue de l'arbitrage, la publicité des débats ou encore la disparition des recours
internes sur plusieurs points, empêchant la correction par la Cour d'arbitrage d'aspects
qui sont sanctionnés par la Convention de New York, ont été considérées par l'arbitre
comme suffisamment profondes pour qu'on ne puisse les imposer aux parties sans leur
consentement ((9)) ; il indique en outre que «(l)a circonstance que le nouveau règlement
est perçu comme une amélioration et une modernisation de l'ancien est inopérante dans le
présent litige puisque Khayat refuse son application». La procédure arbitrale qui se
déroulerait sur le fondement de l'article 18 du contrat ne serait donc pas conforme à la
volonté commune des parties, d'où il faut conclure que la clause compromissoire doit
être considérée comme caduque.
Cette analyse – si elle avait été généralisée – aurait remis en cause l'ensemble des
clauses renvoyant aux institutions d'arbitrage d'un ancien pays de l'Est. Or, il ne semble
pas que celles-ci aient été fondamentalement bouleversées au cours des processus de
succession d'Etats à l'Est, au point de devoir être considérées comme caduques ((10)) . Le
contraire a même été expressément jugé pour la Cour d'arbitrage de la Chambre de
commerce et d'industrie de la Fédération de Russie, qui a succédéà la Cour d'arbitrage
de la Chambre de commerce de l'URSS ((11)) .
Cette première étape est donc fondée sur un respect scrupuleux et assez formel du
consentement des deux parties concernant les règles procédurales applicables à
l'arbitrage, même si cet apparent respect du consentement des parties permet en
réalitéà l'une d'entre elles d'échapper à son engagement de se soumettre à un arbitrage
P 408 accepté d'un commun accord.

2. La déduction d'un consentement général à toute forme d'arbitrage, de l'existence


d'un consentement à une forme d'arbitrage
Cette étape est en réalité implicite. L'arbitre commence par déclarer que «(e)n l'absence
de clause compromissoire efficace, le contrat conclu le 9 février 1985 est régi par le droit
commun des relations judiciaires en matière commerciale entre le Liban et la Roumanie».
On aurait donc pu penser que l'arbitre en déduirait que les difficultés nées du contrat
relevaient des juridictions étatiques, car, comme il l'écrit lui-même un peu plus loin, si
l'on ne tient pas compte de l'Accord de 1980, «(à) défaut de convention d'arbitrage entre
les parties, seuls les tribunaux étatiques pourraient statuer sur les différends».
Mais ce n'est pas là la conclusion qu'il tire de la caducité de la clause compromissoire.

2
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
Ne pouvant se fonder sur la clause compromissoire acceptée par les parties, l'arbitre va
chercher une autre solution arbitrale, puisqu'il considère que les deux parties ont
volontairement écarté les tribunaux nationaux et qu'il lui revient donc de mettre en
œuvre cette commune intention. Selon ses propres termes, «il peut être noté que les
parties sont d'accord pour que leur litige soit soustrait de la compétence des juridictions
étatiques... Cet accord... découle implicitement du fait que les parties ne s'opposent que sur
l'institution d'arbitrage qui doit connaître du litige».
Bien qu'implicite, ce raisonnement est au cœur de la solution adoptée. Une nouvelle
conception du rôle du consentement était en germe dans cette sentence: ce ne serait
plus tant le consentement à tel ou tel type d'arbitrage que devrait rechercher l'arbitre,
mais plutôt l'existence d'un consentement général à l'arbitrage. Tout se passe comme si
l'arbitrage était érigé en système général de droit commun alternatif aux systèmes
juridictionnels nationaux.
L'arbitre va alors trouver dans un autre texte, un traité international conclu entre le
Liban et la Roumanie, une disposition qui fonderait, pour le litige particulier qui lui était
P 409 soumis, le recours à l'arbitrage CCI.

3. La soumission de l'affaire à un arbitrage CCI, prévu par un traité entre les deux Etats
dont relevaient les deux opérateurs
L'arbitre commence par affirmer sa compétence pour interpréter l'Accord de commerce
et de paiement, signé le 6 décembre 1980 entre le Liban et la Roumanie, par analogie
avec les pouvoirs d'interprétation des traités internationaux reconnus par la
jurisprudence au juge français ((12)) .
L'Accord de 1980 comporte un article ainsi rédigé:
Les éventuels différends qui résulteraient de l'interprétation ou de l'exécution des
contrats qui seraient conclus, sur la base du présent Accord, entre les personnes morales
de la République socialiste de Roumanie et les personnes physiques ou morales de la
République libanaise seront résolus à l'amiable. Au cas où ces différends persisteraient,
ils seront résolus définitivement par l'arbitrage de la Commission d'arbitrage de la
Chambre de commerce internationale de Paris, conformément au règlement de la
Commission et avec l'application du droit matériel français. La formalité de l'exequatur
ne comprendra pas un examen au fond de la sentence arbitrale» .
Comment l'arbitre unique va-t-il alors en arriver à l'application de cet article au cas
d'espèce?
On aurait pu penser que, sauf à dire clairement que cet article imposait à Tarom et à
Khayat un arbitrage obligatoire de la CCI ((13)) , un rattachement plus ou moins formel au
consentement des parties serait recherché par l'arbitre. En réalité, c'est par une série de
déductions ou de présomptions qu'il conclut à l'applicabilité de l'Accord, sans chercher
un lien consensuel, aussi ténu soit-il ((14)) .
Force lui est bien de reconnaître, d'abord, qu'aucun accord des parties ne se réfère à une
clause d'arbitrage CCI, et qu'il ne peut donc en aucun cas fonder sa compétence sur une
base contractuelle. Autrement dit, selon ses propres termes «l'arbitre unique se doit de
constater... (que) (s)i, en l'espèce, la cour d'arbitrage de la CCI est compétente, ce ne peut
P 410 être sur un fondement contractuel, par suite de la convention des parties. Ce ne pourrait
être que par l'effet d'une disposition extérieure à leur volonté et supplétive de cette
volonté».
Cette dernière formulation nous semble parfaitement illustrer le glissement entre une
«disposition supplétive de la volonté», qui implique qu'il n'y a plus aucune référence au
nécessaire consentement et «une disposition supplétive fondée sur la volonté des
parties», qui maintient un lien avec ce consentement.
Comment l'article 10 en est-il alors venu à suppléer la volonté des parties?
Le contrat d'agence commerciale relève, selon l'arbitre, de la clause très englobante de
l'article 9 qui concerne «la négociation... de contrats commerciaux... entre les
organisations économiques, les entreprises et les firmes des deux pays». Et, ajoutet-il «(l)a
référence à la“négociation”inclut nécessairement les suites naturelles d'une négociation
commerciale c'est-à-dire la conclusion et l'exécution des“contrats commerciaux”et les
difficultés susceptibles de naître de leur exécution». Le contrat de 1985 entrait donc,
ratione materiœ dans le champ d'application de l'article 9 de l'Accord de commerce de
1980.
Certes, d'après Tarom, les personnes morales de la Roumanie visées à l'article 10 étaient
celles qui étaient recensées dans les annexes d'un décret roumain du Conseil d'Etat, et
elle n'y figurait pas, ce qui exclurait que l'Accord puisse lui être appliquératione
personœ. Cependant l'arbitre considère qu'il serait «déloyal» de la part de la Roumanie
de soustraire certaines sociétés aux engagements pris dans l'Accord et qu'il faut donc en
conclure que la Tarom, en tant qu'acteur évident du commerce international, était
soumis à toutes les obligations de l'Accord.
Mais s'il est ainsi possible que le contrat soit couvert par l'Accord, est-il certain que la
clause relative à l'arbitrage s'impose? Pour répondre à cette question, il reste à

3
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
interpréter l'article 10 relatif au règlement des différends, pour savoir ce que signifie un
contrat conclu «sur la base du présent Accord». Fallait-il un acte de volonté indiquant la
soumission à l'Accord ou l'existence de certaines conditions objectives suffisaient-elles
pour que celui-ci s'applique nécessairement? La réponse de l'arbitre semble être à mi-
P 411 chemin entre ces deux possibilités: selon lui, les conditions objectives suffisent, sauf s'il y
a une manifestation de volonté contraire. Le choix n'est donc pas clairement opéré
entre ce qui serait un arbitrage obligatoire – il ne l'est qu'à défaut de manifestation
efficace de volonté– et un arbitrage consensuel – il est présupposé dès lors que certaines
conditions objectives existent.
En d'autres termes, pour l'arbitre, «(l)e contrat de 1985, conclu dans le cadre général de
l'article 9 entre dans le champ d'application de l'article 10 qui le suit immédiatement».
L'arbitre a estimé que dès lors que le contrat entrait dans le domaine de l'Accord selon
l'article 9, il fallait considérer qu'il entrait aussi dans le champ d'application de l'article
10, et donc qu'il était conclu «sur la base de» celui-ci. L'idée est ici que l'Accord de 1980
devait pouvoir bénéficier à tous les ressortissants des deux Etats concluant des contrats:
aucune mention n'est faite d'un consentement de ces ressortissants acceptant le
«bénéfice» de la clause conventionnelle. Il résulte, en réalité, de cette inter-prétation
faite par l'arbitre, que tous les contrats signés entre un opérateur roumain et un
opérateur libanais devaient auto-matiquement être soustraits aux tribunaux roumains et
obliga-toirement soumis à l'arbitrage CCI, sauf choix différent des parties.
En effet, selon l'arbitre, cet article 10 n'est pas impératif mais supplétif: il s'applique
lorsque les parties n'ont rien prévu pour le règlement de leurs différends, ou lorsqu'une
clause de règlement des litiges est caduque, comme c'est le cas de l'article 18 du contrat
de 1985. On l'a déjà dit, ce recours à une règle supplétive est fondée sur une présomption
de consentement implicite, très hypothétique, à savoir que les deux parties acceptaient
n'importe quelle forme d'arbitrage plutôt que d'être soumises aux tribunaux étatiques.
Evidemment, rien dans le libellé de l'article 10 n'indique que cet article est supplétif et
en ce sens l'analyse de l'arbitre peut poser problème. En réalité, cet article pouvait être
considéré comme créant un arbitrage obligatoire ou facultatif. S'il était vraiment
obligatoire, il aurait fallu considérer que l'arbitrage CCI obligatoire avait remplacé
l'arbitrage roumain, que la clause du contrat de 1985 soit ou non caduque: mais l'arbitre
n'a pas osé aller aussi loin dans la mise à l'écart du consentement, qui est pourtant
implicite dès lors que l'on accepte le concept d'arbitrage obligatoire. S'il était vraiment
facultatif, il aurait fallu tirer les conséquences résultant du fait que l'arbitrage CCI
P 412 facultatif avait été remplacé par l'arbitrage roumain. L'arbitre n'a choisi ni l'une, ni
l'autre de ces interprétations, mais a pour ainsi dire considéré l'arbitrage prévu comme
obligatoire sans l'être.
Si l'argument principal pour écarter la clause compromissoire voulue par les parties
dans le contrat d'origine a été le fait que cette clause ne pouvait «plus être mise en
œuvre, conformément à la volonté et aux prévisions des parties», la solution retenue fait
tout autant fi de la volonté commune des parties, puisqu'elle est récusée par l'une
d'entre elles; bien plus, aucune d'elles n'a véritablement consenti à l'utilisation de la
CCI, puisque les deux parties s'étaient mises d'accord sur une clause compromissoire
différente dans leur contrat.
Certes, on pourrait arguer que l'article 10 n'a guère de sens s'il ne peut sortir ses effets
que lorsque les opérateurs économiques insèrent une clause prévoyant la compétence
de la CCI dans leur contrat. Rien n'est moins vrai. Il y a en effet une manière de concilier
l'article 10 de l'Accord et le consentement des parties: rien n'empêchait en effet les
parties, en se référant explicitement à l'Accord, d'intégrer dans leur contrat une clause
compromissoire par référence, dont la validité est admise en matière commerciale
internationale ((15)) . Force est cependant de constater que les données de fait sont fort
éloignées de ce cas de figure. D'une part, le contrat de 1985 ne fait aucune référence à
l'Accord de 1980; mais, d'autre part, loin d'intégrer implicitement la clause
compromissoire de l'Accord – arbitrage CCI à Paris et droit français – il prévoit
explicitement une autre clause d'arbitrage – arbitrage de la Cour d'arbitrage de Bucarest
et droit roumain.
La décision adoptée implique donc qu'en prévoyant un arbitrage CCI dans leur traité
bilatéral, les deux Etats ont pu consentir par avance au nom de leurs ressortissants, qui
sont liés par ce consentement étatique, à l'arbitrage CCI, même s'ils n'ont pas prévu de
clause d'arbitrage et qui plus est, même s'ils ont prévu une clause d'arbitrage différente;
P 413 ou, pour formuler les choses autrement, qu'une procédure de règlement des différends
renvoyant à l'arbitrage CCI à Paris prévue dans un accord bilatéral entre deux Etats peut
fonder en elle-même et par ellemême la compétence de la CCI à Paris, alors que les
parties, ressortissants de ces Etats, avaient par accord choisi un autre mode de règlement
des différends, ce qui paraît une solution fort éloignée de la nature intrinsèquement
consensuelle de l'institution d'arbitrage.

II. – L'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 1er juin 1999


La société Tarom a formé un recours en annulation contre la sentence arbitrale qui vient
d'être examinée, fondé sur les dispositions des articles 1504 et 1502-1° et 2° du nouveau
Code de procédure civile (absence de convention d'arbitrage et désignation irrégulière

4
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
de l'arbitre), en se prévalant de la «dimension nécessairement contractuelle» de
l'arbitrage, dont elle déduit deux conséquences, qui ne sont que les deux faces de la
même médaille: en premier lieu, qu'il y a lieu de respecter le consentement des parties
donné dans le contrat de 1985; en second lieu, qu'il ne peut y avoir aucune compétence
de la Cour d'arbitrage de la CCI à Paris, en l'absence de consentement des parties.
La société Tarom tire cette absence de consentement de plusieurs indices, mais surtout
du fait que le contrat ne s'est pas référéà l'Accord de 1980. Elle va cependant encore plus
loin et affirme que même si l'Accord de 1980 avait effectivement prévu un arbitrage
obligatoire pour les investisseurs des deux parties, de telles dispositions devraient être
considérées comme «radicalement incompatibles avec les principes fondamentaux de
l'arbitrage en général et avec ceux du Règlement de la Chambre de commerce
internationale en particulier», autrement dit comme contraires à l'ordre public
international applicable en matière d'arbitrage international.
Quelles conséquences doit-on en tirer quant à la validité de la sentence arbitrale? Selon
la société Tarom, la conclusion incontournable est que la sentence doit être annulée. La
société Khayat demande le rejet du recours, non sans avoir d'abord soulevé
l'irrecevabilité de celui-ci pour cause d'acquiescement de Tarom, acquiescement qui
P 414 résulterait à la fois du délai de plus de trois mois écoulé avant la formation du recours
en annulation et de la participation active à la procédure d'arbitrage qui se poursuivait
sur le fond du litige.
Avant d'entrer dans l'examen du recours en annulation proprement dit, la Cour d'appel a
écarté le moyen d'irrecevabilité soulevé par Khayat. Elle a fort justement conclu au non-
acquiescement de Tarom sur la base d'une jurisprudence classique ((16)) : il est en effet
admis qu'on ne peut tirer argument de la participation à la procédure arbitrale et de la
présentation d'une défense au fond devant l'arbitre pour en tirer des conséquences sur
l'acceptation de la compétence de l'arbitre, lorsque cette compétence a été, comme en
l'espèce, contestée sans ambiguïtéin limine litis, sans compter que cette contestation a
été réitérée dans l'acte de mission et que deux mémoires du défendeur ont été
exclusivement consacrés à cette question.
1. L'affirmation du caractère incontournable du consentement à l'arbitrage
Pour prononcer l'annulation de la sentence, la Cour d'appel est très explicite dans
l'avertissement qu'elle donne pour mettre fin aux dérives de l'arbitrage s'éloignant trop
loin des rives du consentement:
«Considérant qu'ainsi que le relève à juste titre la société Tarom et que l'admet d'ailleurs
implicitement la sentence elle-même, l'arbitrage international, qu'il se déroule en France
ou à l'étranger, a nécessairement un fondement conventionnel;qu'il relève à ce titre
exclusivement de la volonté commune des parties laquelle est seule à pouvoir habiliter
l'arbitre en lui conférant son pouvoir juridictionnel» ((17)) .
Est ici clairement réaffirmé qu'en dehors du consentement, il n'est point de salut pour
l'arbitrage international.
Pour autant, la Cour d'appel ne retient pas une conception formaliste et rigide de la
manifestation de ce consentement et tient au contraire compte de l'évolution de
l'arbitrage international et des besoins suscités par le développement des relations
économiques internationales, en rappelant qu'aucune forme particulière n'est requise
P 415 pour l'expression du consentement.
La question est dès lors de savoir si l'article 10 prévoyant un arbitrage CCI est d'une façon
ou d'une autre applicable au contrat d'agence commerciale de 1985 ((18)) .
Trois modalités – tour à tour examinées par l'arrêt – sont possibles pour une application
de l'article 10, modalités qui semblent de plus en plus détachées de la volonté des
parties: soit une application par référence fondée sur la volonté commune des parties;
soit une application supplétive, justifiée sur la base de leur commune volonté de
recourir à l'arbitrage; soit une application obligatoire, indépendante de leur commune
volonté, et donc s'imposant même à l'encontre de la volonté des parties.
2. L'absence de consentement à l'arbitrage CCI par référence
Y a-t-il application de l'article 10 par référence, fondée sur une volonté exprimée des
parties? La Cour part de la constatation que «la clause compromissoire par référence à un
document qui la stipule est valable» mais qu'en l'espèce on ne peut considérer que les
parties se soient référées à l'Accord, puisqu'il n'y a aucune telle mention dans leur
contrat: les parties ne pouvaient donc pas avoir, même implicitement, accepté
l'arbitrage CCI prévu par l'article 10.
3. L'absence de consentement à l'arbitrage CCI fondé sur une volonté commune
implicite
Y a-t-il application supplétive de l'article 10, justifiée par une volonté commune des
parties de recourir à l'arbitrage, déduite de leur décision d'écarter les juridictions
nationales? La Cour accepte de suivre les pas de l'arbitre qui s'est clairement prononcé
pour le caractère supplétif de la clause d'arbitrage de l'Accord de 1980. Si l'article 10 est
considéré comme supplétif, cela signifie qu'il prévoit une compétence facultative. Qui

5
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
dit compétence facultative, dit compétence s'appliquant implicitement et donc
automatiquement en l'absence de manifestation de volonté contraire des parties. Il faut
P 416 alors bien constater qu'une telle manifestation contraire a eu lieu par l'insertion d'une
clause différente de règlement des litiges à l'article 18 du contrat.
C'est dans les conséquences que l'on peut tirer de la mise à l'écart de la clause
supplétive que la décision de Cour d'appel se sépare radicalement de la sentence
arbitrale: la philosophie même qui les sous-tend est différente, la première en restant à
une conception consensualiste de l'arbitrage, la seconde s'étant fondée sur une
conception institutionnelle quasi-juridictionnelle de l'arbitrage.
Le point de départ des deux raisonnements est commun: la manifestation contraire est
une indication qu'il faut écarter la compétence facultative prévue par le traité.
Qu'en est-il alors si le choix effectué par les parties ne peut être mis en œuvre? C'est à
partir de là que deux raisonnements sont possibles: ou l'on considère, comme l'a fait
l'arbitre, que si le choix arbitral fait par les parties est inopérant, cela ne remet pas en
cause la possibilité d'application de l'article 10, ce qui signifie que la clause dérogatoire
de l'Accord est considérée comme le droit commun; ou l'on considère que si la
compétence spéciale prévue par l'Accord a étéécartée parce qu'on a fait un autre choix,
et que cet autre choix ne peut être mis en œuvre, on en revient à la compétence de droit
commun, c'est-à-dire à la compétence des juridictions étatiques. Autrement dit, pour
l'arbitre, il y a les tribunaux étatiques et l'arbitrage international, pour ainsi dire sur un
pied d'égalité. Pour la Cour, au contraire, il y a les juridictions nationales et différents
types d'arbitrages internationaux, dans une relation droit commun/exception.
C'est l'occasion pour la Cour de préciser avec une grande clarté les implications
générales limitées qui peuvent être tirées du choix d'une clause d'arbitrage spécifique:
«...contrairement à ce que retient l'arbitre, il ne peut être déduit de la seule stipulation
d'une clause compromissoire conventionnelle, la preuve d'un consentement général à toute
forme d'arbitrage même non envisagée lors de la conclusion du contrat» .
4. Le refus d'un arbitrage obligatoire qui serait imposé en dehors du consentement des
parties
Y a-t-il, enfin, application obligatoire de l'article 10, en dehors de tout consentement des
P 417 parties? Un dernier volet examiné par la Cour se fonde sur l'hypothèse avancée par la
société Khayat, selon laquelle les dispositions de l'article 10 sont «obligatoires et
impératives» pour les ressortissants de chacun des Etats concernés, à savoir le Liban et la
Roumanie. Cette société fait valoir que la hiérarchie des normes en droit roumain,
comme dans la majorité des ordres juridiques internes, conduit à considérer que les
dispositions d'un traité international l'emportent sur les dispositions d'un contrat: ou
pour formuler les choses plus concrètement que la clause d'arbitrage de l'Accord de 1980
doit forcément l'emporter sur la clause contraire voulue par les parties, qui doit donc
être considérée comme nulle et de nul effet ((19)) , et ipso facto remplacée par la clause
du traité.
En ce qui concerne l'obligation pesant soi-disant sur Tarom de régler tous ses litiges
contractuels par un arbitrage CCI à Paris, la Cour d'appel se place successivement sur
deux plans – international et interne – pour refuser à cette obligation toute «efficacité»
au niveau de l'arbitrage. La Cour relève tout d'abord qu'en droit international, seuls les
Etats se sont engagés et que la société Tarom ne peut être identifiée à l'Etat roumain, ce
qui entraîne qu'elle ne peut être liée par la clause de l'Accord. La Cour constate ensuite
«qu'à supposer même que cette clause ait été obligatoire et impérative pour la société
Tarom dans l'ordre juridique roumain... elle n'a pu, en l'absence de tout consentement,
fonder à aucun titre la compétence d'un organisme d'arbitrage dont le règlement impose,
conformément aux principes fondamentaux de l'arbitrage international, l'existence
d'une“convention d'arbitrage”pour justifier son investiture».
Pour la Cour d'appel, même si un traité international crée une obligation pour des
opérateurs économiques de se soumettre à un arbitrage international et à lui seul, il ne
peut imposer cette clause en l'absence de consentement de l'opérateur économique,
c'est-à-dire en l'absence de soumission volontaire de celui-ci à l'obligation d'arbitrage
qui lui est ainsi faite. Le consentement d'un Etat à l'arbitrage ne peut dispenser du
consentement de ses ressortissants. Ce consentement peut tout au plus valoir pour lui, et
P 418 être, pour ses ressortissants, soit une autorisation lorsqu'est mise sur pied une instance
arbitrale relevant du droit international public, soit un encouragement pour qu'ils
choisissent la procédure d'arbitrage commercial international privilégiée par l'Etat.
Autrement dit, la Cour affirme haut et clair que «l'arbitrage forcé» est une contradiction
dans les termes, au moins au niveau international. On ne peut faire l'impasse sur le
consentement du ressortissant d'un Etat, même lorsque son Etat national s'est engagé
dans un traité international à ce que certains litiges auxquels ses ressortissants sont
parties soient soumis à un certain type de procédure arbitrale.
Dans la mesure où la base de compétence invoquée par l'arbitre n'existait pas, la
sentence a été annulée. Cette conclusion s'impose, sans préjudice évidemment, peut-on
ajouter, même si la Cour d'appel n'a rien dit à ce sujet, des éventuelles sanctions qui
pourraient être prises dans l'ordre interne contre cet opérateur économique, pouvant

6
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
sans doute aller jusqu'au refus d'exécution d'une sentence arbitrale fondée sur une
clause différente de la clause considérée comme obligatoire dans l'ordre interne.

III. – Les enjeux en matière d'arbitrage commercial international


Cette décision, à notre avis bienvenue, de la Cour d'appel fait œuvre de réhabilitation du
consentement, et respecte donc ce qui fait la spécificité de l'arbitrage.
Certains auteurs au contraire s'interrogent sur l'opportunité de la décision d'annulation
prise par la Cour. Ainsi en est-il d'Eric Loquin, selon qui «(i)l reste à se demander si cette
condamnation de l'arbitrage forcé, au nom des principes de l'arbitrage international, est
opportune. Elle nous paraît regrettable lorsque l'arbitrage forcé intéresse deux parties
ressortissantes de deux Etats ayant prévu sur des bases bilatérales le règlement du
contentieux opposant leurs ressortissants» ((20)) . Il y a là sans doute la réaction d'un
privatiste, toujours perplexe devant les obligations internationales acceptées par les
P 419 Etats, mais qui ne se traduisent pas dans la réalité juridique. De fait, Eric Loquin se fait
le défenseur de la prise en considération à côté de l'arbitrage conventionnel de
l'arbitrage forcé, aussi bien dans les ordres juridiques nationaux que dans les relations
économiques internationales.
Pour ce qui est des ordres juridiques nationaux, il n'y a certes pas lieu de contester qu'ils
organisent parfois ce que l'on peut qualifier d'arbitrage forcé, mais qui n'est comme Eric
Loquin lui-même l'a affirmé dans plusieurs articles consacrés à cette question, qu'une
organisation spécifique du système judiciaire ((21)) .
Pour ce qui est des relations économiques internationales, il évoque certaines évolutions
récentes, mais dont on ne peut, à mon avis, tirer les conclusions qui sont les siennes.
1. L'inexistence de l'arbitrage forcé dans les relations économiques internationales
Il est fréquemment admis que les Etats peuvent par traité créer un droit d'accès pour
leurs ressortissants à une instance arbitrale, à laquelle ces derniers n'auraient pas accès
sans ce traité. Mais, jamais il n'a été considéré que le traité international permettait de
se passer du consentement du ressortissant, créant ce que l'on pourrait appeler une
obligation d'accès. En ce sens, il est impossible de souscrire à l'affirmation d'Eric Loquin
selon laquelle «(l')arbitrage forcé est également un phénomène bien connu des relations
économiques internationales» ((22)) .
Il est vrai qu'un accord international peut prévoir une obligation d'insérer une clause
d'arbitrage dans certains contrats, par exemple, les accords d'investissement. Mais il y a
une différence significative entre une obligation d'insérer une clause d'arbitrage dans
certains contrats, et l'imposition directe par le traité de cet arbitrage même en
P 420 l'absence de clause ((23)) .
Certes également, il y a certains accords de protection des investissements qui vont plus
loin et qui prévoient ce qui peut sembler être une obligation d'arbitrage, à savoir que
tous les litiges entre les Etats et les investisseurs seront par exemple soumis au CIRDI:
mais jamais, comme cela sera indiqué plus loin, cette clause n'a été interprétée comme
pouvant créer un arbitrage forcé pour l'investisseur.
Même lorsque le Tribunal irano-américain des différends a été créé, on ne peut
considérer comme le fait Eric Loquin, que les Accords d'Alger, parce que les Etats-Unis se
sont engagés à mettre fin à toutes les actions devant les tribunaux américains, ont
imposé«une procédure d'arbitrage obligatoire, en tout cas pour le demandeur américain»
((24)) : de fait, les ressortissants américains avaient toujours la possibilité d'aller devant
les tribunaux d'autres Etats dans lesquels l'Iran pouvait avoir des biens, ou pouvaient
renoncer à poursuivre leur réclamation, personne en tout cas ne pouvait les contraindre
juridiquement à avoir recours au Tribunal irano-américain des différends.
Il est vrai que la High Court de Londres a estimé que l'on ne pouvait pas considérer une
sentence rendue par le Tribunal comme valable en droit néerlandais car elle n'était pas
fondée sur une convention d'arbitrage entre les deux parties ((25)) ; et que pour pallier ce
genre de difficultés, le Tribunal a adopté une nouvelle règle de procédure, l'article 1 (3)
qui énonce: «The Claims Settlement Declaration constitutes an agreement in writing by
Iran and the United States, on their own behalfs and on behalf of their nationals submitting
to arbitration within the framework of the Algiers Declaration and in accordance with the
Tribunal Rules» ((26)) .
Mais on ne peut en tirer l'existence d'une obligation d'arbitrage pesant sur les
ressortissants américains et iraniens. C'était simplement une réaction à la situation
résultant d'un arbitrage sans clause ou compromis d'arbitrage entre les parties
P 421 intéressées. C'était avant le développement de l'arbitrage «without privity», qui est en
réalité un autre type de réaction face à la même situation. Ce qu'a simplement dit
l'article 1 (3) précité, c'est qu'il fallait considérer que la convention d'arbitrage se nouait
entre les Etats en leur nom et au nom de leurs ressortissants qui choisissaient de
soumettre une affaire au Tribunal: par leur choix, ces derniers acceptaient l'accord
donné en leur nom, ils acceptaient la clause qui ne leur était pas juridiquement imposée
((27)) .
La Cour d'appel a donc eu raison de ne pas admettre d'arbitrage forcé en matière

7
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
d'arbitrage commercial international, ce qui aurait été une innovation majeure.
Même sans aller jusqu'à imposer un arbitrage forcé, il est indéniable que certaines
évolutions récentes font que le consentement à l'arbitrage peut parfois sembler quelque
peu malmené aujourd'hui. Une question vient alors nécessairement à l'esprit: un autre
raisonnement aurait-il pu permettre d'inscrire cette affaire dans les évolutions récentes
relatives à l'arbitrage «without privity» développé en matière d'investissements
internationaux? En réalité, comme nous allons le voir, si la sentence n'avait pas été
annulée par la Cour d'appel, elle aurait éloigné encore davantage l'arbitrage de son
fondement conventionnel.
2. La possibilité d'une dissociation des consentements
Pour les litiges en matière d'investissement international, il est aujourd'hui admis que
peut exister un arbitrage dans lequel les parties, qu'elles aient ou n'aient pas entre elles
de relations contractuelles, n'ont en tout cas pas adopté de clause compromissoire ou de
compromis d'arbitrage. La technique développée notamment par les arbitres du CIRDI
pour aboutir à ce résultat implique le consentement plus qu'il n'en exige une
manifestation expresse et spécifique, ou du moins accepte une dissociation des
consentements: pour l'Etat, il lui suffit, comme on le sait depuis la sentence SPP rendue
P 422 dans l'affaire des Pyramides (Southern Pacific Properties Ldt v. The Arab Republic of
Egypt) ((28)) , de se référer au CIRDI dans une loi relative aux investissements étrangers,
ou, comme il est admis depuis la sentence AAPL (Asian Agricultural Product (AAPL) v.
République du Sri Lanka) ((29)) , de renvoyer au CIRDI dans un traité bilatéral de
protection des investissements (BIT), ou par analogie, multilatéral ((30)) . Le
consentement de l'Etat est donné, même si c'est un consentement «en blanc». Encore
faut-il préciser que ce consentement est général quant à la catégorie d'investisseurs
concernés, mais est spécifique en ce qui concerne le choix de certains mécanismes
d'arbitrage: autrement dit, l'Etat accepte de se soumettre à un ou plusieurs mécanismes
d'arbitrages spécifiés - souvent le CIRDI ou la facilité additionnelle du CIRDI, ou un
arbitrage CNUDCI, ou encore l'arbitrage CCI ((31)) – en cas de litige avec une catégorie
générale d'investisseurs – les investisseurs ressortissants par exemple de l'Etat avec
lequel il a signé le BIT prévoyant ces possibilités d'arbitrage. Le consentement de
P 423 l'investisseur viendra après, soit de façon explicite (comme c'est en principe exigé
dans l'ALENA ((32)) ou la Charte de l'énergie) soit de façon implicite, par la soumission
d'un litige à l'arbitrage ainsi prévu.
Le développement de la jurisprudence CIRDI acceptant cette dissociation n'est
cependant pas applicable ici. La situation est en effet fort différente. Une première
évidence est qu'il n'est pas question d'investissement, mais qu'est en jeu un rapport
purement commercial entre deux entreprises. Il n'y a cependant pas là une objection
majeure à ce que soit acceptée une dissociation des consentements à l'arbitrage, pour
autant qu'il ne s'agisse pas d'un arbitrage CIRDI, mais d'un arbitrage CCI ((33)) comme en
l'espèce, ou d'un arbitrage CNUDCI. Mais peut-on véritablement trouver, en la présente
espèce, deux consentements, même dissociés? Ou la sentence allait-elle encore plus loin
que les évolutions récentes en matière d'arbitrage ne le permettait? En d'autres termes,
en supposant que le consentement de Khayat résulte implicitement de la soumission de
l'affaire à une procédure CCI, y a-t-il eu un consentement de Tarom?
3. Le consentement de l'Etat équivalant au consentement d'une de ses émanations?
Pourrait-on considérer que Tarom, étant une émanation de l'Etat roumain, soit
directement liée par l'Accord? Une telle interrogation soulève en réalité deux questions:
la première est de savoir si la société Tarom peut effectivement être considérée comme
une émanation de l'Etat roumain, assimilable à l'Etat; la seconde est, en cas de réponse
positive à la première, de savoir si l'Etat et son émanation ont en vertu de l'Accord
P 424 accepté un arbitrage CCI.
La réponse à la première question est clairement négative. Nul ne conteste aujourd'hui
qu'une distinction doit être opérée entre l'Etat et ses émanations d'une part et les
entreprises publiques à but essentiellement commercial d'autre part. La doctrine est
très claire sur ce point ((34)) tout comme l'est la jurisprudence ((35)) . Il est généralement
admis que doivent être assimilés à l'Etat tous les organismes sur lesquels l'Etat exerce
une emprise déterminante et qui agissent pour le compte de l'Etat, ces deux critères
devant être cumulativement présents pour que l'on soit en présence d'une émanation de
l'Etat. Cette analyse a reçu une claire confirmation dans une des dernières décisions d'un
tribunal CIRDI ((36)) . Dans cette affaire était discuté le statut d'une banque, la
Ceskolovenska Obchodni Banka (CSOB), qui avait été chargée de liquider certains avoirs
peu rentables, en les transmettant à des «Collection Companies» mises sur pied par les
Républiques tchèque et slovaque, contre paiement assuré par des prêts aux deux
gouvernements effectués par la CSOB. Le litige a surgi parce que la République slovaque
n'a pas assuré le remboursement du prêt et des intérêts. Le tribunal CIRDI n'a pas
accueilli la défense slovaque consistant à affirmer que la banque devait être assimilée à
l'Etat tchécoslovaque, ce qui rendait évidemment le CIRDI incompétent, en déclarant:
P 425 «for purposes of the Convention, a mixed economy company or government owned
corporation should not be disqualified as a national of another Contracting State, unless it
is acting as an agent for the government or is discharging an essentially governmental
function» ((37)) .

8
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
Tarom, en application de cette jurisprudence, ne peut en aucune façon être considérée
comme une émanation de l'Etat roumain: cela ressort d'ailleurs de la sentence arbitrale
où il est indiqué que Tarom est une «société de transport aérien international, donc acteur
évident du commerce international» et qu'elle «développe une activité commerciale par
nature»; de la même façon, l'arrêt de la Cour d'appel rappelle «qu'il n'est ni soutenu ni
démontré que la société Tarom ait pu à un titre quelconque s'identifier avec l'Etat roumain».
Mais il y a plus. A supposer même que Tarom puisse être considérée comme assimilée à
l'Etat, cette circonstance ne lui aurait pas pour autant imposé un arbitrage CCI. En
d'autres termes, la réponse à la seconde question nous semble devoir être également
négative: en effet, l'arbitrage «without privity» n'est pas transposable ici, car
contrairement à ce qui se passe dans les BIT, où l'Etat accepte de se soumettre à
l'arbitrage, dans l'Accord de 1980 les Etats ne se sont pas engagés à se soumettre eux-
mêmes à la procédure CCI à Paris, mais se sont engagés à ce que les personnes morales
et les personnes physiques qui sont leurs ressortissants utilisent en principe cette
procédure. Autrement dit, l'Etat n'ayant pas accepté de se soumettre à l'arbitrage de la
CCI, il n'y aurait aucune possibilité d'étendre cette clause inexistante à une de ses
émanations. L'Etat n'étant pas engagé, son éventuelle émanation ne peut l'être.
Une dernière question doit cependant être examinée: c'est celle de la portée de
P 426 l'engagement pris par l'Etat au nom de ses ressortissants dans l'article 10.

4. Le consentement de l'Etat équivalant au consentement d'un de ses ressortissants?


L'Accord de 1980 est un traité international par lequel deux Etats décident que, en
principe, tous les contrats entre leurs ressortissants, signés sur la base de ce traité,
seront soumis à une certaine procédure d'arbitrage bien spécifiée. Peut-on déduire le
consentement de l'opérateur d'un engagement de l'Etat au nom de ses ressortissants?
La jurisprudence développée en matière d'arbitrage «without privity» conduit à donner
une réponse négative à cette question.
Les traités internationaux destinés à régir les relations entre les Etats parties créent en
principe des droits et des obligations pour ces Etats. L'Accord de 1980 créait donc des
droits et des devoirs pour la Roumanie et le Liban. Mais, en tant qu'accord destinéà régir
des relations entre opérateurs privés, cet Accord de 1980 crée aussi, par une sorte de
stipulation pour autrui, des droits pour ceux-ci et donc en particulier pour Tarom et
Khayat. Parmi ces droits, le droit d'écarter les juridictions nationales, tant roumaines que
libanaises, pour soumettre leurs litiges à la CCI à Paris et au droit français. Il s'agit de
savoir si peut également leur être imposée une obligation d'arbitrage.
Là encore, l'analogie avec les BIT est instructive. En effet, même s'ils mettent sur pied un
arbitrage entre Etat et investisseur, la question a pu être posée de savoir si chaque Etat,
outre qu'il s'engageait lui-même sur la compétence du CIRDI, pouvait aussi engager son
ressortissant, le traité bilatéral ne pouvant de toute évidence incorporer un quelconque
consentement de l'investisseur. Cette question a été posée en termes particulièrement
éloquents par un tribunal CIRDI dans l'affaire American Manufacturing and Trading Inc. c/
République du Zaïre ((38)) .
Dans cette affaire, une société américaine AMT qui contrôlait une société zaïroise, Sinza,
a présenté unilatéralement une demande d'arbitrage au CIRDI contre le Zaïre, à la suite
P 427 de dommages résultant de pillages effectués sur le complexe industriel de Sinza, en se
fondant sur un accord bilatéral de protection des investissements. Le tribunal CIRDI saisi
a bien admis que les consentements des deux parties pouvaient être dissociés et que
celui de l'Etat était donné dans l'accord bilatéral, mais a tout aussi clairement déclaré
que le consentement de l'investisseur ne pouvait résulter de celui donné dans l'accord
bilatéral par l'Etat dont il est le national. Le Tribunal a été parfaitement explicite:
«Autrement dit, le consentement de l'Etat américain s'impose-t-il à son ressortissant? Est-ce
qu'il ne faut pas, en plus de ce consentement, le consentement de AMT, lui-même,
relativement à un différend spécifique? L'Etat américain peut-il imposer à son ressortissant
le passage au CIRDI? Ou encore, est-ce qu'en l'absence d'un consentement de l'AMT, le traité
signé par les Etats-Unis d'Amérique avec le Zaïre suffit à y faire place? ... Le Tribunal estime
qu'à cette question, il faut répondre par la négative.»
Dans l'affaire qui nous occupe, le consentement de la Roumanie ne pouvait tenir lieu de
consentement pour les personnes morales concernées telles que Tarom, qui devaient
consentir soit explicitement, soit implicitement en soumettant une affaire à l'arbitrage
ou en ne contestant pas la compétence de l'instance arbitrale si une procédure
d'arbitrage était introduite contre elles. L'arbitre au contraire a admis que le
consentement général de l'Etat valait pour ses ressortissants, allant ainsi beaucoup plus
loin que la jurisprudence à l'origine de l'arbitrage without privity.
Les principes fondamentaux du droit de l'arbitrage international ont été réaffirmés. Le
message qui ressort de l'épilogue donné par la Cour d'appel à l'affaire qui vient d'être
retracée est clair: il faut respecter le consentement des parties. C'est à ce prix seulement
P 427 que la spécificité de l'arbitrage commercial international sera préservée.

9
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
References
(1)) Voir en particulier, G. Burdeau, «Nouvelles perspectives pour l'arbitrage dans le
contentieux économique intéressant les États», Rev. arb., 1995.4; J. Paulsson,
«Arbitration Without Privity», ICSID Review, Foreign Investment Law Journal, 1995.232;
A. El-Kosheri, «ICSID Arbitration and Developing Countries», ICSID Review, Foreign
Investment Law Journal, 1998. 107; A. Parra, «The Role of ICSID in the Settlement of
Investment Disputes», News from ICSID, vol. 16, n° 1, 1999.7.
(2)) Selon l'expression intraduisible de Jan Paulsson, op. cit. note 1.
(3)) Sur ce que les travaux préparatoires de la Convention de Washington nous
apprennent sur cette possibilité d'une dissociation des consentements, voir notre
article «Le consentement à l'arbitrage CIRDI en matière d'investissement
international: que disent les travaux préparatoires?» dans les Mélanges offerts à
Philippe Kahn,à paraître.
(4)) Dans l'affaire CCI 9119/AC. Sentence inédite.
(5)) En vertu de ce contrat, la société libanaise avait l'exclusivité pour la vente au Liban
des billets d'avion de la société Tarom, aussi bien pour le transport aérien des
passagers que pour celui des marchandises.
(6)) Ci-après «Cour d'arbitrage de Bucarest».
(7)) Reproduit infra, p. 493; voir aussi JDI, 2000.370, note E. Loquin;RTD com., 1999. 659,
obs. Eric Loquin.
(8)) L'article 18 intitulé«Arbitration Clause»était ainsi libellé: «Any disagreement
between the contracting parties deriving from the conclusion, the interpretation or the
performance of the agreement or in connection with it and which will not be able to be
amicably settled, will be submitted for settlement to the Arbitration Court of the
Chamber of Commerce and Industry in Bucharest... The litigation will be basically
settled subject to the provisions of the present agreement and to the rules of the
Romanian material law».
(9)) Il considère en particulier que «(l)a suppression des recours internes à l'institution
d'arbitrage qui ne sont pas de même nature et n'ont pas les mêmes effets que le
recours en annulation devant une juridiction étatique est de la plus grande
importance.»
(10)) Voir W. Melis, «Continuation et succession en matière d'arbitrage international», in
G. Burdeau et B. Stern, Dissolution, continuation et succession en Europe de l'Est,
Cahiers du CEDIN, n° 9, Paris, Montchrestien, 1994, p. 353.
(11)) Paris, 25 mars 1999 et 29 juin 1999 (arrêt rectificatif), Société Caviar Petrossian, RTD
com., 1999.656, obs. E. Loquin;JDI, 2000.66, note Ph. Kahn.
(12)) Voir notamment: Cass. civ. 1re, 19 décembre 1995, Rev. crit. DIP, 1996.468: «il est de
l'office du juge d'interpréter les traités internationaux invoqués...».
(13)) Dans sa note précitée, E. Loquin propose cette analyse. Mais elle est contredite par
la sentence elle-même. Cette thèse sera discutée plus loin.
(14)) Sinon, précisément, le seul consentement à l'arbitrage, déduit de la mise à l'écart
des tribunaux internes, déjà mentionné.
(15)) Sur cette question, voir B. Oppetit, «La clause arbitrale par référence», Rev. arb.,
1990.551; Ph. Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l'arbitrage commercial
international, Paris, Litec, 1996, p. 290, n° 491; M. de Boisséson, Le droit français de
l'arbitrage interne et international, Paris, GNL éditions, 1990, p. 479, n° 573; X.
Boucobza, «La clause compromissoire par référence en matière d'arbitrage
commercial international», Rev. arb., 1998.495; et en jurisprudence, Cass. civ. 1re, 9
novembre 1993, Rev. arb., 1994.108, note C. Kessedjian; Cass. civ. 1re, 3 juin 1997, Rev.
arb., 1998.537.
(16)) Paris, 1re Ch. civ., 27 février 1997, Rev. arb., 1998.159, obs. Ch. Jarrosson; Cass. civ. 2e, 7
janvier 1998, Rev. arb., 1998.801, note J. Pellerin.
(17)) C'est nous qui soulignons.
(18)) La Cour d'appel se place résolument sur le terrain de l'arbitre, ne discutant pas de
l'application ratione materiae de l'Accord de 1980 au contrat, mais acceptant de
raisonner «en le supposant même applicable au contrat pour les besoins du
raisonnement». L'utilisation du mot «même» laisse sans doute entrevoir que la Cour
a des doutes sur ce point.
(19)) La Cour d'appel estime ne pas avoir à se prononcer sur la nullité de la clause du
contrat de 1985, question qui ne serait pertinente que s'il s'agissait de contrôler
une sentence rendue sur cette base, alors que la sentence qui est soumise à son
contrôle est fondée sur la clause de l'Accord renvoyant à la CCI à Paris.
(20)) Eric Loquin, obs. préc., RTD com., 1999.660.
(21)) Il affirme, en particulier que les sentences rendues dans le cadre de l'arbitrage
forcé doivent relever des règles de l'exécution des jugements, «L'arbitrage des
litiges du droit de la consommation» in Vers un droit européen de la consommation,
La Haye, Bruylant, 1998, p. 380; voir également Ch. Jarrosson, La notion d'arbitrage,
Paris LGDJ, 1983, n° 23.
(22)) Op. cit., JDI, 2000.381.
(23)) C'est-à-dire en l'absence de mise en œuvre de l'obligation internationale, donc en
cas de violation du traité.
(24)) Idem.

10
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
(25)) Décision du 26 juillet 1985, Yearbook Comm. Arb'n, vol. XI, 1986.547, citée in Ph.
Fouchard, E. Gaillard, B. Goldman, Traité de l'arbitrage commercial international,
Paris, Litec, 1996, p. 137, n° 238.
(26)) Nouveau Règlement adopté le 9 mars 1993, Yearbook Comm. Arb'n, vol. VIII, 1983.235.
(27)) Avec l'arbitrage «without privity», le raisonnement est simplement devenu plus
direct: c'est par son choix de l'arbitrage que l'investisseur y consent, nouant ainsi la
«convention» d'arbitrage.
(28)) Affaire CIRDI n° ARB/84/3, Sentence du 14 avril 1988, Yearbook Comm. Arb'n, 1991.28.
Voir également, Manufactures Hanovre Trust Company v. Arab Republic of Egypt and
General Authority for Investment and Free Zones, affaire CIRDI n° ARB/89/1, 31 juillet
1995. J. Paulsson cite encore l'affaire Gaith Pharaon v. Republic of Tunisia, où le
demandeur avait invoqué le code d'investissement tunisien pour fonder la
compétence du CIRDI, mais où aucune décision n'est intervenue par suite d'un
règlement amiable, op. cit. note 1, p. 235.
(29)) Affaire CIRDI n° ARB/87/3, 1990, sentence du 27 juin 1990, ILM 1990.580; extraits en
français in JDI, 1992.215, chronique d'E. Gaillard. Dans le même sens, American
Manufacturing and Trading Inc. c/ République du Zaïre, affaire CIRDI n° ARB/93/1,
1997, sentence du 21 févier 1997, Yearbook Comm. Arb'n, 1997.60, JDI, 1998.253,
chronique d'E. Gaillard et IAR, 12, 1997. A 1, en français et en anglais.
(30)) Il semble qu'il y ait aujourd'hui cinq grands traités multilatéraux qui prévoient une
référence au CIRDI, telle qu'un investisseur peut unilatéralement le saisir en cas de
litige avec l'Etat sur le territoire duquel il a effectué son investissement: il s'agit,
par ordre chronologique, des conventions de Lomé III et IV, de l'ALENA, du Protocole
de Colonia pour la promotion et la protection des investissements dans le cadre du
MERCOSUR, marché commun du Sud, de l'accord de libre-échange conclu en 1994
entre le Mexique, la Colombie et le Venezuela, de la Charte de l'énergie récemment
entrée en vigueur. A cela il faut ajouter l'existence d'une possibilité analogue qui
avait été prévue dans l'accord rejeté de l'AMI.
(31)) Il n'a jamais été prétendu qu'ayant accepté certaines formes d'arbitrage par
exemple dans un BIT, l'Etat devait être considéré comme ayant accepté n'importe
quelle forme d'arbitrage.
(32)) L'article 1121 (1) du Traité de l'ALENA précise que l'investisseur doit donner son
consentement à l'arbitrage avant de soumettre unilatéralement un litige à
l'arbitrage: «(u)n investisseur contestant pourra soumettre une plainte à
l'arbitrage... uniquement a) s'il consent à l'arbitrage conformément aux modalités
établies dans le présent accord...». Il convient d'ajouter que l'article 1121 prévoit
dans son paragraphe 3 que le consentement se fera par écrit et sera remis à l'autre
partie et inclus dans la soumission à l'arbitrage: il y a là, sans doute, une prise de
conscience de ce qu'il ne faut pas aller trop loin dans l'arbitrage sans accord
réciproque puisque cette formalité assure une certaine rencontre des
consentements.
(33)) La même technique de dissociation a été utilisée pour l'arbitrage CCI, voir par
exemple, O.C. Unegbu, «BITS and ICC Arbitration: Portent of a New Wave?», Journal of
Int. Arb., 1999.93.
(34)) Voir notamment, Prosper Weil, «Problèmes relatifs aux contrats passés entre un
Etat et un particulier», RCADI, vol. I, 1970.105; Joe Verhoven, «Les contrats entre
Etats et ressortissants d'autres Etats» in Le contrat économique international,
Stabilité et évolution, Bruxelles, Bruylant, 1975, p. 115.
(35)) Peut être citée ici pour des exemples étrangers, l'affaire Rolimpex (Czarnikov Ltd v.
Centrala Handlu Zagranicznego Rolimpex England, Court of Appeal, 26 mai 1977, ILR,
vol. 64, 1983.195 et House of Lords, 6 juillet 1978, id. 204), dans laquelle un
établissement de commerce extérieur polonais, pourtant étroitement contrôlé par
le gouvernement a été considéré comme distinct de l'Etat, car il ne remplissait pas
une mission de service public, mais avait une activité commerciale. Un autre
exemple célèbre qui peut être rapidement évoqué est celui de la Banque centrale
du Nigeria, (Central Bank of Nigeria, Court of Appeal, 13 janvier 1977, ILR, vol. 64,
1983.122), qui bien que dotée de certaines fonctions gouvernementales et
étroitement contrôlée par le gouvernement, exerçait aussi d'autres fonctions
bancaires et ne pouvait donc être assimilée à l'Etat. Bien entendu la jurisprudence
de la Cour de cassation française est également constante en ce sens et trop
abondante pour être intégralement citée. Voir, par exemple, arrêt Société Navrom
Romanian, Cass. civ. 1re, 6 juillet 1988, JDI, 1989.376, note Ph. Kahn, et plus
récemment, Société Dumez c/ Etat irakien, Cass. civ. 1re, 15 juillet 1999, Bull. civ. I,
1999, n° 241, p. 155.
(36)) The Ceskolovenska Obchodni Banka v. The Slovak Republic, Aff. ARB/97/4, 24 mai
1999, ICSID Review. Foreign Investment Law Journal, 1999.251.
(37)) Op. cit. note 36, paragraphe 17, p. 258. Le Tribunal ajoute: «While it cannot be
doubted that in performing the above-mentioned activities, CSOB was promoting the
governmental policies or purposes of the State, the activities themselves were
essentially commercial rather than governmental in nature», paragraphe 20, p. 259.
(38)) American Manufacturing and Trading Inc. c/ République du Zaïre, JDI, 1998.253. La
question était posée pour les seuls ressortissants de l'une des parties, puisque le
traité bilatéral incorporait clairement le consentement de l'Etat, mais peut être
facilement transposé ici pour les ressortissants des deux parties.

11
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.

Kluwer Arbitration is made available for personal use only. All content is protected by copyright and other intellectual property
laws. No part of this service or the information contained herein may be reproduced or transmitted in any form or by any means, or
used for advertising or promotional purposes, general distribution, creating new collective works, or for resale, without prior
written permission of the publisher.

If you would like to know more about this service, visit www.kluwerarbitration.com or contact our Sales staff at lrs-
sales@wolterskluwer.com or call +31 (0)172 64 1562.

KluwerArbitration

12
© 2021 Kluwer Law International, a Wolters Kluwer Company. All rights reserved.

Vous aimerez peut-être aussi