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Partie 2 : les particularités de l’Etat dans le commerce international

L’État est un acteur essentiel dans les relations commerciales internationales en


raison de ses particularités propres : Pris en sa qualité d’opérateur, l’État est
susceptible d’être engagé dans des contentieux devant des juridictions étatiques
étrangères. Son statut n’est pas alors entièrement identique à celui d’une personne
privée ; des règles et des principes spécifiques peuvent lui être applicables. Il convient
à cet égard de bien cerner l’hypothèse dans laquelle l’État est partie d’un contentieux
judiciaire.1
Lorsqu’il est procéduralement en position de défendeur dans le cadre d’une procédure
judiciaire interne, un État est susceptible de se prévaloir d’immunité de juridiction
(Chapitre1) et d’exécution (Chapitre2). L’Etat bénéficie de l’immunité le protégeant
lui-même ainsi que son patrimoine. L’immunité de juridiction lui permet d’éviter des
poursuites devant les tribunaux, tandis que l’immunité d’exécution fait écran à
l’exécution forcée de ses biens
Les États qui bénéficient dans les fors étrangers d’immunités appelées à les
prémunir à la fois contre les jugements et les actes d’exécution sur leurs biens qui
pourraient y être prononcés.2 Ces immunités de juridiction et d’exécution sont
traditionnellement justifiées par la qualité souveraine du défendeur. Autrement dit,
chaque droit national soumet la possibilité pour un État étranger de soulever son
immunité devant les autorités de for à des conditions qui lui sont propres.
En droit français3, la matière est avant tout d’origine prétorienne., les règles
applicables en matière d’immunités tant juridictionnelles que d’exécution sont
appelées à entre unifiées entre les États4 avec la ratification progressive de la
convention des nations unies sur l’immunité juridictionnelle des États et leurs biens
adoptés par l’assemblée générale des nations unies le 2 décembre 2004 et ouverte à la
signature des États le 17 janvier 2005. La France l’a ratifiée par une loi en date du 28
juin 2011. La cour européenne des droits de Lhomme a toutefois considéré que ce
texte appartient au droit coutumier international, ce qui est de nature à la rendre
opposable aux États en dehors de toute ratification.
Chapitre 1 : l’immunité de juridiction
L’immunité est un privilège de juridiction qui a pour effet de faire échapper un
Etat ou l’un de ses organes à la compétence des tribunaux d’un Etat étranger. La

1
H.Kenfack, « droit du commerce international »,éd Dalloz
2
Ibid.
3
La loi du 28 juin 2011 N°2011-741 autorisant la ratification de la convention des Nations Unies sur les immunités
juridictionnelles des Etats et de leurs biens.
4
Convention des nations unies du 2 décembre 2004
jurisprudence considère que sont couverts par cette immunité les actes s’analysant en
actes de souveraineté et non pas actes de gestion.5
L’immunité de juridiction n’a pas un caractère absolu6, La France l’a ratifié le 12
aout 2011, c’est un texte d’importance, qui codifie le régime des immunités tant de
juridiction que d’exécution essayant de traduire les principes modernes relatifs aux
immunités dans le sens de la réduction de ces dernières.
Après avoir rappelé le principe de l’immunité de juridiction des Etats la convention
indique dans une troisième partie les procédures dans lesquelles les Etats ne peuvent
en principe pas invoquer l’immunité. Il s’agit notamment de celles relatives :
 Aux contrats de travail conclus avec une personne physique pour un travail
accompli en totalité ou en partie sur le territoire de l’autre Etat sauf exception ;
 Aux contrats en réparation des atteintes à l’intégrité physique d’une personne
ou des dommages aux biens causés par un acte ou une omission préjudiciable à
l’Etat
 Aux actions en matière de propriété, de possession, et d’usage de biens
immobiliers ou mobiliers situés sur le territoire de l’Etat de for ;
 Aux actions concernant une propriété intellectuelle et industrielle bénéficiant
d’une protection juridique dans l’Etat de for.

Section1 : les conditions de l’immunité de juridiction


1- La qualité de l’auteur de l’acte :
Elle s’applique en principe aux Etats étrangers ; Démembrements organiques de l’Etat
étranger par exemple les services publics qu’ils soient ou non dotés de personnalité
juridique propre.7 S’ils le sont, ils en bénéficient s’ils ont agi sur ordre et pour le
compte de l’Etat étranger.
2- La nature de l’acte concerné :
Ce critère est fondamental : l’immunité de juridiction est accordée chaque fois que
l’Etat a agi en tant que souverain.8
Ainsi lorsque l’acte qui donne lieu au litige participe par sa nature ou sa finalité à
l’exercice de la souveraineté de ces Etats et n’est donc pas un acte de gestion, la
jurisprudence française admet de manière traditionnelle que les Etats étrangers
bénéficient d’une immunité de juridiction qui leur permet d’échapper à la compétence
des juridictions françaises.

5
Béguin, » droit du commerce international »,2d Dallo,2012
6
Voir la conventions des Nations unies du 17 janvier 2005 sur les immunités de juridictionnelles des Etats et de leurs
biens
7
Revue critique du droit international privé , 2017
8
Op.cit.
La source de cette immunité peut être trouvée dans les règles de droit international
public gouvernant les relations entre Etats, dans les principes du droit international
régissant les immunités des Etats étrangers ; « les Etats étrangers et les organismes qui
en constituent l’émanation ne bénéficient de l’immunité de juridiction qu’autant que
l’acte qui donne lieu au litige participe par sa nature ou sa finalité, à l’exercice de la
souveraineté de ces Etats et n’est donc pas un acte de gestion» 9 . Il Ya donc lieu de
considérer que l’immunité est relative et non absolue.
Section 2- les effets de l’immunité de juridiction

Lorsque les conditions sont réunies, en principe l’immunité de juridiction


entraine une fin de non-recevoir, Le juge devrait normalement être obligé de la
soulever d’office. les immunités doivent être invoquées par l’Etat étranger qui s’y
prétend fondé. L’Etat peut renoncer au bénéfice de l’immunité de juridiction cette
renonciation doit être certaine c’est-à-dire non équivoque. Elle peut être expresse
ou tacite, cette dernière hypothèse pouvant soulever des difficultés, par exemple en
cas d’acceptation par un Etat étranger d’une clause attributive 10 de juridiction
comme l’illustre un arrêt de la cour de Paris dans lequel la présence d’une telle
clause peut avoir pour conséquence la renonciation à l’immunité de juridiction. 11
La renonciation de l’immunité de juridiction n’entraine aucune conséquence sur
l’immunité d’exécution.

Chapitre 2- l’immunité d’exécution


Elle met son bénéficiaire à l’abri de toute mesure d’exécution ou même simplement
conservatoire sur les biens qu’il possède à l’étranger. Elle n’est pas non plus absolue.
Elle peut être invoquée par un Etat étranger pour s’opposer à toute voie d’exécution
portant sur des biens situés dans un autre Etat et lui appartenant.

9
C.Cass, arrêt du 20 juin 2003, La même chambre de la Cour de cassation a jugé le 25 février 1969 (Bull. 1969, I,
no 86, pourvoi no 67-10.243) que les États étrangers et les organismes agissant par leur ordre ou pour leur compte ne
bénéficient de l’immunité de juridiction qu’autant que l’acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance
publique ou a été accompli dans l’intérêt d’un service public

10
La clause attributive de juridiction présente, pour les parties, l'intérêt d'éviter un long débat judiciaire sur la
détermination de la juridiction compétente en cas de litige. Mais, c'est à la condition que la clause réponde aux
conditions de validité très strictes définies par les textes, et la jurisprudence.

11
F. Marchadier , « L’immunité souveraine en matière civile dans le contexte du droit européen des droits
de l’homme »
Section 1 : les critères 12
Le critère essentiel est ici la nature des biens ou des fonds menacés de poursuites.
Le principe demeure d’accorder l’immunité d’exécution à l’Etat étranger. La
jurisprudence a limité considérablement la portée d’un tel principe, elle l’écarte dans
le cas où :
 Le débiteur est l’Etat étranger, lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité
économique ou commerciale de droit privé donnant lieu à la demande en
justice.
 Le débiteur est un organisme distinct de l’Etat, lorsque les biens font partie
d’un patrimoine affecté à une activité principale relevant du droit privé. La
saisine ne peut être effectuée que par les créanciers de cet organisme.
L’immunité de juridiction devant les juridictions françaises :
La Loi Sapin 213 est venue modifier les règles relatives à l’immunité d’exécution des
Etats étrangers devant les juridictions françaises en créant de nouvelles conditions
liées à l’obtention de mesures conservatoires et d’exécution forcée à l’égard de ces
Etats. Le droit français conformément au droit international public reconnaît, par
principe, aux Etats étrangers et à leurs émanations une immunité en cas de saisies de
leurs biens résultant d’une décision de justice.
Par voie d’exécution, on entend tant une mesure d’exécution proprement dite qu’une
mesure conservatoire. L’immunité de juridiction peut être opposée tant à l’exécution
forcée d’un jugement français condamnant l’état étranger qu’un jugement étranger ou
une sentence arbitrale lorsqu’ils ont été revêtus de l’exequatur.
Quant aux biens visés, il peut s’agir de tous types de biens, immobiliers ou mobiliers,
corporels ou incorporels, appartenant à l’état étranger.
Ce privilège tire son fondement du respect par l’état du for de la souveraineté de
L’état étranger
En Autorisant de telles voies d’exécution sur un sol, l’état du for risquerait en effet
d’y porter atteinte. Forte de ce fondement, l’immunité d’exécution était à l’origine
considérée comme absolue. Mais à l’instar de l’immunité de juridiction, l’idée est
progressivement imposée que dans certaines circonstances, l’immunité d’exécution
devrait pouvoir être levée. Les limites aussi posées au jeu de l’immunité sont
attachées aux caractéristiques du bien faisant l’objet de la voie d’exécution. À cet
égard une distinction doit être opérée entre les biens appartenant à l’état étranger lui-

12
Op.cit.
13
La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie
économique1 également nommée Sapin 2 est une loi française qui vise à lutter contre la corruption, mais qui a été
enrichie de diverses mesures d'un grand nombre d'autres problématiques, promulguée le 9 novembre 2016
même et les biens appartenant à un organisme public, personnalisé ou non mais
distinct de cet État.

Biens appartenant à l’état étranger- :14


Pour les biens appartenant en propre à l’état étranger, l’immunité d’exécution est de
principe. En d’autres termes, ces biens sont en droit français par principe considérés
comme insaisissables et ce que la voie d’exécution envisagée ait une portée définitive
ou conservatoire.
Avec l’arrêt Eurodif, la jurisprudence a toutefois posé ici une exception l’immunité
d’exécution portant sur les biens appartenant à l’état peut en effet être levée lorsque le
bien saisi est affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé
qui donne lieu à la demande en justice. En pratique, la règle ainsi posée est de nature à
limiter assez drastiquement le nombre d’hypothèses où l’immunité pourra être levée.

Biens appartenant à un organisme public, personnalisé ou non, distinct de l’État


Comme en matière d’immunité de juridiction, les biens appartenant à des organismes
publics agissant pour le compte d’un Etat étranger peuvent bénéficier de l’immunité
d’exécution avec des conditions. Cependant, les conditions propres à la levée de cette
dernière immunité sont plus souples qu’à l’endroit des biens appartenant à l’Etat
Pour les biens appartenant à un organisme public, l’arrêt Sonatrach a posé un
principe : « lorsqu’ils font partie d’un patrimoine que celui-ci a affecté à une activité
principale relevant du droit privé » ils peuvent être saisi par tous les créanciers quels
qu’ils soient de cet organisme visés, il peut s’agir de tous types de biens, immobiliers
ou mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant à l’état étranger

14
La Revue , Immunité d’exécution : quand la législation nationale peut venir au soutien du droit international
coutumier , Squire Patton Boggs
Bibliographie
 Les ouvrages :

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