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L3- Droit International Privé

Introduction

Le droit international privé est une discipline du droit privé qui appréhende les
problématiques juridiques empreintes d’un élément d’extranéité. Il règlemente ainsi les
relations privées internationales.
D’un point de vue historique, c’est une discipline d’enseignement relativement récente
comparée à d’autres matières du droit privé telles que le droit commercial, le droit des
obligations, le droit des biens ou le droit de la famille. Dans les universités françaises, le dip a
été intégré dans les maquettes de formation à compter des années soixante dix. Pour autant, le
dip peut se prévaloir d’une longue tradition doctrinale car les travaux et réflexions qui lui sont
consacrés remontent au Moyen âge. À ce titre, c’est une discipline d’une immense richesse
théorique dont les thématiques ont toujours retenu l’attention d’universitaires et de juristes
émérites à travers le monde. Le champ épistémologique du dip étant par essence dynamique,
son intérêt pratique s’en trouve décuplé. À cela s’ajoute la grande propension du droit
international privé à s’adapter aux grandes problématiques sociétales.
La nouveauté des phénomènes sociaux n’ébranle pas souvent la logique du droit
international privé. Ainsi, les règles ou les méthodes du droit international privé s’adaptent en
général aux problématiques sociétales nouvelles. En se référant au droit international privé
français, il est possible de citer l’exemple du mariage homosexuel et des grossesses pour autrui
(GPA). La loi française sur l’union pour tous a prévu une chapelle de dispositions dont le but
est de règlementer les mariages entre personnes de même sexe de nationalités mixtes. Pour
autant, l’esprit de telles dispositions, pour l’essentiel, n’est pas indifférent aux solutions qui
règlementaient les conflits de lois classiques qui survenaient en matière de mariage. Sous ce
même rapport, le droit international privé français a eu à réagir aux phénomènes contingents à
la pluralité des modèles familiaux à l’origine du développement fulgurant des conventions
relatives aux mères porteuses. C’est essentiellement sous l’angle des conflits de juridictions,
plus exactement, la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires étrangères que le dip
français a eu à connaitre de telles institutions. Un dernier exemple peut également être donné
des rapports entre le droit communautaire et le droit international privé. Le partage d’un même
domaine, celui des relations transfrontières, n’a pas atténué l’intérêt de perpétuer des réflexions
de type conflictualiste. En Europe, on parle dorénavant de droit international privé
communautaire et plus récemment de droit international privé européen.
En effet, derrière tous les débats de société et les phénomènes sociaux à propos desquels le droit
privé national a pris position, se posent en latence des problèmes de droit international privé.

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Le facteur explicatif est qu’en droit privé, il est rare que le législateur puisse encadrer par des
prescriptions d’un code toutes les relations juridiques litigieuses et pendantes devant ses
tribunaux. D’une part, le droit positif ne peut pas prévoir de façon exhaustive toutes les
situations juridiques aux fins de les encadrer. Un système juridique étant toujours complet
néanmoins, les lacunes du droit positif sont généralement comblées par la jurisprudence. Les
juges ne peuvent jamais se cacher derrière les lacunes du législateur au risque de tomber sous
le coup d’un déni de justice. D’autre part, un code législatif aussi complet soit-il ne régit pas un
territoire. Il encadre plutôt des relations juridiques. Or, par essence, celles-ci s’affranchissent
facilement du carcan territorial. Ces relations juridiques peuvent généralement impliquer des
étrangers vivant par exemple au Sénégal. De même, des justiciables peuvent facilement
contracter des rapports juridiques qui enjambent facilement le territoire de deux ou plusieurs
États.
Avec le développement des TIC, ce phénomène s’accentue avec la dématérialisation
poussée des rapports juridiques. Naturellement, toutes ces questions ne peuvent pas, de façon
systématique, être tranchées par le droit matériel de l’autorité dont les juridictions sont saisies.
Le minimum d’égard qu’elle est tenue d’avoir à l’endroit du paramètre spatial de tels litiges
reste la raison d’être du droit international privé qu’il convient à présent de définir
conceptuellement (I), avant de se familiariser avec son champ épistémologique (II) et de
prendre connaissance de ses sources en droit sénégalais (III)

I – Définition

Pour mettre en évidence la définition du droit international privé, il n’est pas sans intérêt
de connaître de façon schématique sa raison d’être (A) puis les méthodes (B) qui la
particularisent en tant que discipline du droit privé.

A – La raison d’être du dip.

La différence présomptive entre les droits internes serait un des fondements du droit
international privé. Vu sous cet angle, le dip serait alors le droit de la coexistence des différents
systèmes juridiques étatiques, le droit de la diversité internationale des droits. Il véhiculerait un
internationalisme de diversité. Partons d’une hypothèse très simple pour s’en convaincre.
En droit de la famille, le droit sénégalais connait une pluralité de modèles familiaux
qu’il est possible de cerner à travers l’option matrimoniale. Le mariage monogamique existe à
coté du mariage polygamique. Ce dernier est limité à quatre épouses. L’époux, s’il ne souscrit

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pas à cette option de droit commun, peut la limiter à deux ou trois épouses, s’il n’adopte pas
tout simplement l’option monogamique. Imaginons toutefois qu’un français de confession
musulmane aspire au Sénégal à bénéficier de l’option polygamique au seul motif qu’il y réside
et qu’il veut vivre pleinement sa foi. Un profane en droit international privé ne verrait aucune
incongruité à ce projet. Cela ne se ferait pas toutefois sans quelques entorses au bon sens et à la
logique juridique. Comment pourrait-on permettre au Sénégal à un français, peu importe son
obédience religieuse, à profiter d’une institution prévue et encadrée par le droit sénégalais mais
qui reste inconnue en droit français ?
Envisagée sous cet angle, cette hypothèse de travail révèle un truisme qui paraît
insoluble pour un profane en droit international privé. On remarquera néanmoins que cette
différence présomptive, qui, en l’espèce, est réelle entre le droit sénégalais et le droit français
de la famille à propos de l’option matrimoniale obstrue le projet du français dans notre exemple.
Ce qui parait donc fondamental pour départager la diversité des systèmes juridiques en
conflit, raison d’être du dip, de celle ne suscitant pas une question de dip est la plus ou moins
grande autonomie de ceux-ci. Le pouvoir législatif de chaque État s’exerce de manière
autonome et discrétionnaire. Ainsi, il n’y a pas un phénomène de mimétisme juridique qui
permettrait, d’une façon systématique, de transposer la politique législative d’un État dans un
autre. La codification des droits étatiques ou l’élaboration des lois nationales ne se réalise pas
souvent par le mécanisme de la transplantation juridique. Cette remarque ne cède même pas
face au constat d’une certaine uniformisation des valeurs véhiculée un peu partout dans le
monde par une circulation du modèle juridique occidental. S’y ajoute l’observation d’un
nivellement des valeurs encouragé par les droits de l’homme. Pour autant, de telles valeurs ne
sont pas universelles. Elles rencontrent de surcroît la résistance d’autres strates sociales telles
que la morale ou la religion qui infléchissent souvent les politiques législatives étatiques.
Globalement, si dans tous les pays du monde, les gens se marient, divorcent, acquièrent des
biens, créent des sociétés commerciales, meurent…chaque législateur encadre les conséquences
de telles situations en tenant compte de l’histoire, de l’économie, de l’idéologie politique, de la
religion ou de la géographie de chaque État. La diversité des droits matériels, raison d’être du
droit international privé, nait souvent de cette dysharmonie des politiques législatives que
chaque État met en œuvre de manière discrétionnaire.
L’objectif poursuivi alors par le droit international privé est la sauvegarde de
l’autonomie des sociétés et de leur droit. Dès lors, l’internationalisme prôné par le droit
international privé est un internationalisme de diversité et non un internationalisme
d’intégration qui viserait à surmonter la diversité. Il y a certes internationalisme puisqu’il y a

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ouverture vers d’autres systèmes juridiques rendue nécessaire par la présence d’un élément
d’extranéité. L’internationalisme véhiculé par le dip conduit toutefois à l’application d’un droit
interne au stade ultime du procédé conflictuel. C’est en ce sens qu’on a pu reprocher à la
méthode du conflit de lois son manque d’internationalisme car la relation hétérogène sera régie
matériellement par un droit interne. Le régime juridique de celle-ci ne tient plus compte de la
spécificité mixte ou hétérogène de la relation, qui n’est prise en considération qu’au niveau de
la détermination du régime juridique applicable et non du régime lui-même. De quoi créer une
controverse sur la formulation de cette discipline du droit privé, il n’y a qu’un pas. Pourquoi
droit international privé et non droit privé international ?
La formulation, de loin, la plus conforme aux explications ci-dessus, serait d’intituler
cette discipline le droit privé international. En ce sens, elle étudierait essentiellement les
hypothèses de transposabilité des solutions d’un droit matériel étatique, en principe conçu pour
les situations internes à un État, aux relations privées empreintes d’un élément d’extranéité,
c’est-à-dire qui débordent les frontières étatiques. Pour autant, une telle formulation ne serait
pas complètement heureuse. D’abord, elle laisserait présumer que le droit interne comporterait
des règles juridiques qui régiraient directement et concrètement les relations transfrontalières.
Or, pour séduisante que soit cette hypothèse théorique, en pratique, les États rechignent à le
faire. Ensuite, elle laisserait supposer qu’un droit privé national doive être distingué d’un droit
privé international. L’inexistence quasi généralisée dans les systèmes juridiques d’une cohorte
de règles matérielles directement applicables aux relations privées internationales rend caduc
un tel postulat. Enfin, elle mésestimerait le caractère systémique de cette discipline qui tend à
la particulariser en tant que matière du droit privé. En effet, le dip bénéficie d’une doctrine
savante qui réfléchit souvent sur des problématiques juridiques qui transcendent en général le
carcan nécessairement rigide d’un système juridique donné. Aussi, au plan normatif, on note
une certaine floraison des Conventions internationales de dip qui tendent de plus en plus à
gommer le substrat étatique, national de cette discipline. Pour toutes ces raisons, l’expression
droit international privé paraît préférable à celle de droit privé international. Pour marquer le
référent national ou étatique du dip, il n’est pas toutefois inutile d’ajouter sénégalais à
l’expression droit international privé. En ce sens, on sous-tend que le droit international privé
sénégalais se distingue de celui marocain, chinois, malien, français…
Les méthodes du dip permettent également de présenter ladite matière. Dès lors, elles
font parti des éléments notionnels du dip.

B – Les méthodes du dip

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Le dip connaît deux techniques majeures. Il combine des techniques de droit conflictuel
(1) et des techniques de droit matériel (2).

1 – Les techniques de droit conflictuel

Les techniques de droit conflictuel sont de deux types. Il s’agit de la méthode bilatérale
(a) et de la méthode unilatérale (b).

a – La méthode bilatérale

La méthode bilatérale vise à proprement parler à véhiculer l’internationalisme de


diversité du dip. En effet, cette méthode encourage la localisation du siège de rapport de droit
au moyen d’un critère de rattachement. Il peut s’agir du lieu de conclusion ou d’exécution d’un
contrat, du domicile des parties, de la nationalité des époux, de la religion du de cujus… Cette
méthode est susceptible de désigner n’importe quel droit parmi ceux en conflit, qu’il s’agisse
du droit du for ou du droit étranger. Dans l’exemple ci-dessus, elle permettra de déterminer
entre la loi sénégalaise ou la loi française, quelle loi faudrait-il appliquer à la prétention du
français qui aspire à contracter au Sénégal une union polygamique.

Cette méthode du droit international privé entend essentiellement présenter le conflit de


lois comme un conflit d’intérêts privés. Dans le temps et dans l’espace, il n’en a toutefois pas
toujours été ainsi. En effet, pendant longtemps, le conflit de lois a pu être appréhendé comme
un conflit de souveraineté. Ce faisant, seul le souverain étranger pouvait être en mesure de
déterminer de l’application ou non de ses lois. Cette vision essentiellement plubiciste du droit
international privé s’est dans l’époque contemporaine beaucoup étiolée. Elle a néanmoins porté
en germe la méthode unilatérale qui est une méthode concurrente à celle savignienne plus
connue sous le nom de la méthode bilatérale.

b – La méthode unilatérale

Une règle de conflit de lois dans l’espace est unilatérale lorsqu’elle se borne à déterminer
le champ d’application dans l’espace de la loi de l’ordre juridique auquel appartient cette règle
de conflit. Ainsi, la méthode unilatérale fonde l’applicabilité d’un droit sur lui et non plus sur
la situation juridique suscitant le conflit de lois. Chaque législateur détermine le domaine
d’application de ses lois dans l’espace et accueille les lois étrangères en fonction des limites
d’application qu’elles ont-elles-mêmes édictées. Le droit déclaré applicable est donc celui qui
se veut applicable à la situation. Contrairement à la méthode bilatérale, la méthode unilatérale
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ne fixe que la sphère d’applicabilité du droit consulté pour trancher un conflit. Relativement à
la préoccupation du français dans l’exemple ci-dessus, la mise en œuvre de la méthode
unilatérale consistera à cerner les limites d’application du droit sénégalais en rapport avec la
question litigieuse. De façon plus concrète, il s’agira de vérifier si le droit du juge saisi a pour
ambition de règlementer un tel projet matrimonial. Le cas échéant, on appliquera à la relation
privée litigieuse la loi sénégalaise. Dans le cas contraire, le juge sénégalais fera application d’un
droit étranger quelconque qui se voudra applicable.
Cette méthode encourt toutefois plusieurs limites qu’il convient à présent d’étudier de
manière laconique. Pour de telles raisons, il semble d’ailleurs qu’elle n’ait pas la préférence des
législateurs en droit international privé comparé. D’abord, elle encourage le lex-forisme dans
le sens où la méthode unilatérale donne un certain primat à la loi du for. Lorsqu’un législateur
recourt de manière fréquente à des règles de conflit unilatérales, un faible crédit est donné à
l’accueil et à l’application des lois étrangères. Ensuite, la méthode unilatérale exacerbe les
conflits négatifs et les conflits positifs en droit international privé. En effet, dans l’hypothèse
où la loi du for n’est pas applicable à la situation litigieuse, il est souvent fait application à la
loi étrangère qui se veut applicable. Il n’est pas rare toutefois que plusieurs lois étrangères se
veulent applicables. Ce conflit positif reste théoriquement insoluble bien qu’il soit requis en
général de faire application de la loi étrangère la plus effective. Il faut comprendre la loi
étrangère qui a le plus de titres à s’appliquer !

À coté des techniques de droit conflictuel, le dip utilise des techniques de droit matériel.

2 – Les techniques de droit matériel.

La norme de droit international privé, dans cette hypothèse est, matérielle, en ce qu’elle
prévoit « directement une réglementation spéciale, indépendante de toute loi interne, de
certaines situations juridiques, en raison même de leur caractère international ». Elle peut venir
du législateur ou être formellement internationale dans l’hypothèse où elle est contenue dans
un Traité. Elle peut trouver sa source dans l’arbitrage commercial international, qui pour la
résolution des litiges commerciaux internationaux, sécrète de véritables règles matérielles
régissant certains rapports noués entre les agents du commerce international. On aura l’occasion
de nous épancher plus longuement sur les techniques de droit matériel lorsqu’on envisagera
l’étude des sources du droit international privé notamment à travers les sources internationales.

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Ceci étant dit, il est possible d’appréhender le dip à partir de son champ
épistémologique. Concrètement, il s’agit d’étudier les problèmes que soulève le dip.

II- Les problèmes que soulève le DIP.

Le droit international privé règlemente un certain nombre de relations internationales. Celles-


ci cependant peuvent être de plusieurs types dès lors qu’on envisage leurs sujets respectifs. On
peut distinguer :

Les rapports entre États et entre États et d’autres sujets de droit international, par
exemple des organisations internationales.
Les relations qu’un État, agissant en tant que personne publique, noue avec une
personne physique ou morale étrangère.
Les relations entre personnes physiques ou morales, à l’exception des personnes
morales de droit international.
Le droit international privé appréhende les deux derniers rapports.
En effet, la relation, objet du droit international privé, est internationale si elle traverse les
frontières des ordres juridiques étatiques. Elle reste cependant limitée par certains caractères. Il
s’agit d’une relation de droit privé entendue dans un sens étroit.
Le rapport international, appréhendé par le dip, a un caractère privatiste et individualiste.
Ceci exclut du domaine du dip positif les relations transfrontalières où la fonction étatique
apparaît à l’avant-plan. Ce qui explique que des situations fiscales ou pénales, dans lesquelles
apparaissent des fonctions étatiques essentielles, soient exclues du domaine du dip quand bien
même elles comporteraient un élément d’extranéité.
Le type de relation, objet du droit international privé, explique que celui-ci se décompose
en quatre matières : le droit des conflits de juridictions, le droit des conflits de lois, le droit de
la nationalité et la condition des étrangers.
1. Le conflit d’autorités et de juridictions
Par analogie au conflit de lois, le conflit d’autorités est une situation internationale qui,
indépendamment du problème de la détermination de la loi applicable, pose celui de la
détermination de l’autorité publique appelée à agir. En guise d’exemple, on peut citer le cas de
l’officier d’état civil sénégalais. A-t-il compétence pour célébrer par exemple le mariage entre
étrangers ?
Quant au droit des conflits de juridictions, il peut se décliner sous deux optiques.
D’abord, quand surgit un conflit international, il faut déterminer quelle sera la juridiction

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compétente (étatique, arbitrale) pour le trancher. Une fois qu’une décision a été rendue, il faut
déterminer quel effet faut-il lui reconnaître. Tout dépend des règles qui ont reçu application et
du lieu où elle a été rendue. Si le juge sénégalais s’est déclaré compétent et a appliqué les règles
estimées pertinentes, toute la question est alors de savoir si une telle décision pourra produire
des effets dans un pays étranger. Dans le cas contraire, il s’agira de voir si une décision rendue
par une juridiction étrangère peut être reconnue et exécutoire au Sénégal. Le premier aspect de
la question traite de la compétence internationale des juridictions sénégalaises ; le second vise
le droit de l’exequatur. Ils se fondent tous dans le conflit de juridictions.
Entre la compétence internationale des tribunaux étatiques et la reconnaissance et
l’exécution des décisions judiciaires, il y a une étape intermédiaire, le conflit de droits qui
constitue une composante à part entière du droit international privé.
2. Le conflit de droits ou de lois
Cette composante est l’étendard du droit international privé. Il est au dip ce que la
propriété est au droit des biens, le contrat au droit des obligations… Une fois qu’une juridiction
sénégalaise aura retenu sa compétence internationale, il faut identifier les règles de droit que le
juge devra appliquer pour trancher le litige : le droit français ou le droit étranger ? Cette
interrogation résume l’enjeu de cette composante du dip qu’est le conflit de lois. Cette
composante fera l’objet d’une étude approfondie dans ce cours raison pour laquelle ces
quelques lignes suffiront à présenter cette composante charnière du droit international privé à
coté du droit des conflits de juridictions. Ces deux séries de problématiques ne sont les seules
qu’appréhende le dip. Le droit de la nationalité est également une thématique au cœur du dip.
3. La nationalité
La nationalité reste également un rattachement souvent utilisé par les règles de conflit
de lois applicables dans le domaine du statut personnel. En général, elle est en concurrence avec
le domicile ou la résidence des parties. Cette raison justifie en partie son rattachement au droit
international privé.
En effet, la nationalité est traditionnellement définie comme le lien juridique entre un
État et une personne physique ou morale. En se fondant sur cette définition, l’affiliation du droit
de la nationalité au droit international privé peut sembler discutable. En fait, la définition
mettrait davantage le lien que le droit de la nationalité aurait avec le droit public. Chaque État
ayant le pouvoir discrétionnaire de déterminer qui sont ses nationaux, il semble évident que
cette composante qui est rattachée au dip a des convergences fortes avec le droit public. Sous
le prisme du droit international public, la nationalité reste le facteur essentiel justifiant qu’un
État confère à l’étranger une protection à ses nationaux. Le rattachement du droit de la

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nationalité au dip ne se fait pas néanmoins sans quelques raisons. En ce sens, il faut écarter
toute idée d’arbitraire dans le fait de compter le droit de la nationalité comme une composante
de cette discipline. D’une part, la nationalité est un droit subjectif que tout individu doit être en
mesure d’exiger. C’est dans ce sens que l’apatridie est combattue. D’autre part, la nationalité
est le facteur déterminant de l’essentiel des prérogatives et droits reconnus à un sujet de droit.
Sous cet angle, la distinction faite entre l’étranger et le national prend tout son sens. La
nationalité justifie en effet la discrimination en général faite entre les nationaux et les étrangers.
C’est ce qui rend nécessaire de l’étudier à coté d’une autre composante du droit international
privé, la condition des étrangers.
4. La condition des étrangers
Elle a pour objet de déterminer les droits reconnus aux étrangers par le droit interne,
ceci sous le triple aspect des droits politiques, civils, économiques et sociaux. Le droit de la
condition des étrangers regroupe les règles qui refusent aux étrangers la jouissance de certains
droits reconnus aux nationaux.
Le volume horaire nécessairement restreint de ce cours fait en sorte que les
développements ci-après seront axés exclusivement sur l’étude des conflits de droit. Ceux-ci
partagent néanmoins avec les autres composantes du droit international des sources identiques
qu’il convient à présent d’étudier.

III- les sources du DIP

Les sources du dip peuvent être nationales ou internationales.

A – Les sources internationales

Les Traités jouent un rôle considérable dans la condition des étrangers. Si, le
panafricanisme n’a pas réussi à promouvoir une nationalité africaine même si ce référent
identitaire habite la conscience de plusieurs élites, pour ce qui est de la condition des étrangers,
le CEDEAO1 et l’UEMOA2 ont favorisé une certaine convergence des règles applicables en
instaurant, dans le cadre de l’intégration économique qu’elles poursuivent respectivement, des

1
V. le Protocole de Dakar du 29 mai 1979 de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes, le droit de
résidence et d’établissement. Il est l’origine de la création d’un passeport communautaire.
2
V. les articles 77 et suivants du Traité de l’UEMOA. La CEMAC est toujours en attente d’un accord sur la libre
circulation des personnes et des biens. La mesure devait entrée en vigueur le 1er janvier 2014. Par la suite, elle a
été repoussée.

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principes de libre circulation en vigueur dans tout système juridique communautaire3. Le


Protocole de Dakar du 29 mai 1979 de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes, le
droit de résidence et d’établissement ainsi que les articles 91 et suivants du Traité de Dakar du
10 janvier 1994 créant l’UEMOA qui posent les principes de la liberté de circulation au sein de
l’Union. Au plan bilatéral, de nombreuses Conventions d’établissement et de libre circulation
des personnes lient également les États africains4.
Dans les autres matières du droit international privé, leur importance est beaucoup plus
modeste. On recense néanmoins quelques Conventions internationales applicables dans le
domaine des conflits de juridictions. En matière de reconnaissance et d’exécution des décisions
de justice, deux Conventions multilatérales majeures ont été adoptées au plan sous-régional. Il
s’agit de la Convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961 de
l’ex-OCAM et la Convention de coopération en matière judiciaire du 21 avril 1987 entre les
pays de l’Accord de Non- Agression (ANAD). Cette dernière Convention n’est jamais entrée
en vigueur faute de ratifications suffisantes. La Convention générale de coopération en matière
de justice du 12 septembre 1961 a prévu des règles uniformes de reconnaissance et d’exécution
des décisions5.

3
Pour autant, contrairement en Europe, les principes de liberté de circulation en vigueur dans ces systèmes
juridiques communautaires n’ont pas influencé de manière décisive le droit international privé africain ; en droit
international privé, v. M. FALLON, « Les conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré,
l’expérience de la Communauté européenne », RCADI 1995, tome 253 ; A. GOSSELIN-GORAND, « L’influence
des principes communautaires de libre circulation sur les règles nationales de conflits de lois », Thèse mult., Caen,
2001 ; J. BASEDOW, « Recherches sur la formation de l’ordre public européen dans la jurisprudence » in, « Le
droit international privé : esprit et méthodes », Mélanges en l’honneur de Paul LAGARDE, Dalloz 2005, p. 55 ss. ;
v. toutefois en droit international privé africain, A. MBAYE, « L’influence des principes du droit communautaire
sur l’application des lois étrangères », Annales Africaines, 2007, p. 121 ss. L’absence d’influence des principes de
libre circulation et de non discrimination en raison de la nationale sur le droit international privé des États est
imputable au fonds juridique commun et surtout à l’harmonisation du droit matériel des affaires sous l’action des
diverses organisations régionales chargées de réaliser l’intégration juridique. Tel est par exemple le cas du droit
OHADA.
4
V. J.-C. GAUTRON, « Les Conventions d'établissement conclues par le Sénégal avec des entreprises », AFDI,
volume 14, 1968. pp. 654-670.
5
Son article 30 dispose : « En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par
les juridictions de l’une des Hautes Parties contractantes ont, de plein droit, l’autorité de la chose jugée sur le
territoire des autres États si elles réunissent les conditions suivantes :
1. la décision émane d’une juridiction compétente selon les règles définies à l’article 38 ;
2. la décision a fait application de la loi applicable au litige en vertu des règles de solution des conflits de loi
admises dans l’État où l’exécution de la décision est demandée ;
3. la décision est, d’après la loi de l’État où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible
d’exécution ;
4. les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;
5. la décision ne contient rien de contraire à l’ordre public de l’État où elle est invoquée et n’est pas contraire à
une décision judiciaire prononcée dans cet État et possédant à son égard l’autorité de la chose jugée ».

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Deux observations doivent toutefois être faites à son propos. On n’a pas manqué d’abord
de mettre en cause sa politique juridique défavorable à la circulation des jugements. Un auteur
a notamment dénoncé le caractère restrictif de ses conditions de reconnaissance des décisions
judiciaires par rapport au droit national de l’exequatur6. En outre, il y a une controverse
doctrinale sur la désuétude de la Convention de coopération judiciaire du 12 septembre 1961.
Un auteur a pu soutenir qu’elle ne faisait plus partie du droit positif des États membres en raison
de la disparition de l’OCAM7. Par ailleurs, la Convention lie peu d’États africains. Cette
Convention lie notamment le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Bénin,
le Gabon, le Burkina Faso, le Madagascar, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Tchad. Les
Conventions bilatérales de coopération judiciaire qui lient les États membres recèlent les mêmes
limites que celles de la Convention multilatérale sus-évoquée. Les conditions qu’elles énoncent
sont plus restrictives que celles prévues par certaines législations nationales. Elles ont toutes
quasiment codifié les conditions dégagées par la jurisprudence française dans l’arrêt MUNZER8.
Dans le cadre régional, on recense aussi quelques initiatives dans les techniques du droit
matériel. En effet, l’OHADA et l’UEMOA ont adopté de nombreuses règlementations qui
proposent des solutions concrètes et directes à certaines relations privées internationales qui
relèvent de leur compétence rationae personae.
Le propre de l’UEMOA est de sécréter des règles communautaires qui s’appliquent
indistinctement aux situations juridiques internes à un État membre et à celles
intracommunautaires. On trouve un certain nombre de règlements communautaires de
l’UEMOA qui reflètent une telle normativité9. Les règles ainsi adoptées s’interprètent alors
comme de véritables règles matérielles et intéressent de près ou de loin le droit international
privé. En va-t-il de même du droit OHADA ?
La question est loin d’être tranchée avec toute la netteté requise au sein de la doctrine
africaine. En toile de fond, il est surtout discuté la nature véritable du droit OHADA. Le droit
OHADA est-il du droit communautaire ou juste du droit national ? Aucune réponse ne satisfait

6
En ce sens, P. MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA » préc., n° 27.
7
En ce sens, L. IDOT, note sous les arrêts de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire 29 avril 1986 et du 4 avril 1989
et sous l’arrêt de la CA Bouaké 25 novembre 1987, JDI 1989, p. 530 ss. Cette opinion est néanmoins discutée par
M. MEYER qui estime plutôt que « la convention ne lie pas les États en tant qu’États membres de l’OCAM, mais
en tant qu’États parties à la convention » ; P. MEYER, op. cit., p. 14, note de bas de page n°55. Si ce dernier
argument recueille notre assentiment, la libre circulation des décisions judiciaires entre les États membres n’est
pas pour autant garantie en raison des conditions restrictives de l’exequatur.
8
Civ. 1ère, 7 janvier 1964, RCDIP, 1964, BATIFFOL, p. 344 ss.
9
V. le Règlement n° 02/2003/CM/UEMOA du 20 mars 2003 relatif à la responsabilité des transporteurs en cas
d’accident aérien, le Règlement n° 2/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 relatif aux transports maritimes au sein
de l’UEMOA, le Règlement n°3/2008/CM/UEMOA du 28 mars 2008 relatif aux conditions d’exercice des
professions d’intermédiaires de transport maritime au sein de l’UEMOA.

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pleinement à la rigueur scientifique. Contrairement à l’UEMOA, l’OHADA ne poursuit pas la


réalisation d’un marché commun. En ce sens, elle n’est pas une organisation d’intégration
économique. Dès lors, ces normes ne peuvent pas semble t-il être assimilées à des normes
communautaires. Pour autant, le législateur OHADA reconnaît à ses normes une certaine
supranationalité sur les législations nationales de même objet. Cette supranationalité est
incarnée par l’article 10 du Traité OHADA10. Il est difficile néanmoins de déterminer à partir
de cette disposition le domaine spatial d’application du droit OHADA. En d’autres termes, le
droit OHADA régit-il directement et systématiquement toutes les relations juridiques internes
à l’espace OHADA ? Au regard de l’article 10 du Traité OHADA, rien ne permet d’insinuer
une réponse affirmative péremptoire. À cela s’ajoute le constat que quelques Actes uniformes
ont pris le soin de décliner leur champ spatial d’application. Pour ceux là, il est possible
d’étudier les rapports que le droit OHADA a avec le droit international privé en tant que source
de cette discipline.
Dans le domaine des conflits de lois, on précisera juste que l’AUDCG révisé prévoit des
règles directement applicables aux contrats d’intermédiation commerciale que ceux-ci
comportent ou non un élément d’extranéité. L’AUCTMR abonde dans le même sens puisqu’il
régit tous les contrats de transport de marchandises par route dès que le lieu de d’embarquement
ou de débarquement de la marchandise se trouve dans un État membre de l’OHADA. De tous
les Actes uniformes, l’AUCTMR a le plus d’accointances avec le droit international puisqu’il
prévoit également des règles de conflits de juridictions uniformes. L’AUPC révisé en dispose
également. Il prévoit en effet de nombreuses dispositions qui encadrent les procédures
collectives internationales. Il en est de même de l’AUA. Hormis ces hypothèses, il est difficile
de considérer le droit OHADA comme étant une source formelle du droit international privé.
Le droit international privé a également des sources internationales jurisprudentielles en
dépit de leur faible proportion. Ces décisions ont été rendues soit par la CPJI11 ou la CIJ12. Si
ces décisions ont été rendues dans le cadre de contentieux internationaux opposant des États
membres de la défunte SDN ou de l’actuelle ONU, elles ne manquent pas pour autant
d’intéresser le droit international privé. Elles sont disponibles à l’adresse suivante
http://www.icj-cij.org/pcij/series-a.php?p1=9&p2=1&lang=fr.

10
« Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les États parties nonobstant toute
disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ».
11
Aff. DES EMPRUNTS SERBE ET BRESILIEN, juillet 1929.
12
Aff. NOTTEBOHM du 6 avril 1955 ; Aff. BOLL, 28 septembre 1958 ; Aff. BARCELONA TRACTION du 5
février 1970 ; Aff. ELECTRONICA SICULA SPA du 20 juillet 1989.

14
L3- Droit International Privé

Dans le même rayon, on peut ranger les sentences arbitrales rendues par les grandes
instances internationales d’arbitrage comme la Chambre de Commerce International de Paris.
À coté des contrats-types et des usages codifiés par les opérateurs du commerce international,
les incoterms, elles forment la Lex mercatoria ou encore loi des marchands. Au Moyen-âge, la
loi des marchands s’appliquait sur toutes les foires d’Europe. Devant les arbitres, c’est la Lex
mercatoria qui sera souvent invoquée de préférence au droit étatique dans la mesure où
l’arbitrage affiche en général une neutralité par rapport aux systèmes juridiques alors que les
juridictions nationales sont obligées quant à elles d’appliquer un droit étatique.

B – Les sources nationales.


La loi. Cf. les dispositions 841 et suiv. du code de la famille relatives aux conflits de
lois et de juridictions. La législation contient deux parties : l’une relevant de la théorie
générale du dip, l’autre codifiant des règles de conflits dans un domaine particulier, celui
du statut personnel. Celui-ci est d’ailleurs largement entendu puisqu’il recouvre l’état
et la capacité des personnes, mais aussi les régimes matrimoniaux, les successions et
certaines donations. Se trouvent également codifiées les règles de conflit de juridictions
(voir les articles 853 et suiv.). Le CPC contient également des dispositions explicites
sur l’exécution des actes et décisions étrangers (art. 787 à 794) ; le code du travail (L
32)…
La jurisprudence : source résiduelle et inaccessible au Sénégal surtout dans les
catégories délaissées par le législateur sénégalais.
La doctrine : source délaissée.

IV- plan du cours

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