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En l’espèce, une ressortissante française née sous X souhaitait obtenir des

informations sur sa famille naturelle – notamment, l’identité de sa mère, de son père et de ses
frères et sœurs. Elle s’est toutefois vue refuser l’accès à de tels éléments, au motif que celui-ci
porterait atteinte au secret de sa naissance expressément demandé par la mère biologique. Le
12 mars 1998, elle a donc saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) afin de
contester ce refus. La requérante argue en effet que cette décision entre en violation avec les
articles 8 et 14 de la Convention, consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale,
ainsi que l’absence de discrimination en raison de la naissance. Elle estime finalement que le
système législatif français la prive de son droit à connaître ses origines.

La juges de la CEDH ont ainsi dû déterminer si la loi française violait bel et bien la
Convention en ce qu’elle autorise l’accouchement strictement anonyme et de ce fait, interdit
la levée non consensuelle du secret de la naissance d’un enfant né dans ces conditions.

Le 13 février 2003, ils ont admis que les articles invoqués par la requérante étaient applicables
et qu’il y avait bien lieu de caractériser une atteinte à ses droits. Cependant, ils ont refusé de
condamner l’Etat français, considérant que cette atteinte n’était pas disproportionnée au
regard des autres intérêts en jeu, en l’occurrence, ceux de la mère naturelle. Ils rappellent ainsi
que l’arbitrage sur le secret de naissance relève d’un équilibre délicat entre le droit de chacun
à son histoire et le choix des parents biologiques ; le droit à la vie familiale et le droit à la vie
privée.

I – Les droits reconnus de l’enfant né sous X

Pour examiner la demande, les juges européens reprennent l’article 8 de la Convention,


rappelant que toute personne est titulaire d’un droit à connaître ses origines. Ils observent
notamment que le système français a mis en place un certain nombre de dispositifs pour cela,
et que la requérante a pu avoir accès à quelques informations non identifiantes au sujet de sa
famille naturelle. Par ailleurs, on peut noter que la Cour ne retient ici que le droit à la vie
privée, considérant que le fait que la requérante ne remette pas en cause sa filiation adoptive
écarte, de fait, l’angle de la vie familiale. Une telle conception du sentiment d’appartenance à
la famille, réduite à la seule question de la filiation, peut être fortement critiquable. En outre,
la décision rendue donne une plus grande importance au choix opéré par la mère naturelle.

II – La prévalence du choix de la mère naturelle


Les juges refusent de condamner l’Etat français, puisqu’ils considèrent que la législation en
vigueur permet d’établir un certain équilibre entre les différents intérêts en jeu. Si ceux de la
requérantes sont reconnus, il n’en reste pas moins que ceux de la mère biologique doivent être
pris en compte. En l’espèce, cette dernière ne souhaite pas lever le secret sur la naissance de la
requérante. La communication d’informations reste donc entièrement soumise à sa volonté, en
dépit du droit à connaître ses origines consacré par la Convention. Ce sont donc deux intérêts
inconciliables que la Cour cherche ici à arbitrer. Elle laisse finalement une certaine marge de
manœuvre aux Etats pour organiser cette question et ménager un équilibre entre ces droits
concurrents. À cet égard, on peut évoquer l’arrêt Godelli rendu le 25 septembre 2012, qui
condamne l’Etat italien pour ne pas avoir mis en place de tels mécanismes.

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