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SESSION 2021

UE112 – Droit des sociétés et des groupements


d’affaires

Le corrigé comporte : 3 pages

Barème :
I – Cas Pratique 16 points
II – Analyse de décision de justice 4 points

CORRIGÉ DEVOIR DE SYNTHÈSE

I – CAS PRATIQUE (16 POINTS)


1) Benoit a-t-il le pouvoir de faire un apport de 21.000€ au nom de la SARL en vue de la constitution d’une SA ? (2 points)
Problème de droit : Quelle est l’étendue des pouvoirs d’un gérant de SARL ?
Règles applicables : (1.25)
Les pouvoirs d’un gérant de SARL doivent être envisagés sous l’angle de ses rapports avec les tiers (ordre externe) et sous l’angle de
ses rapports avec les associés (ordre interne).
Dans l’ordre externe, selon l’article L223-18 C. com., le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes
circonstances au nom de la société. Toute clause statutaire limitant ses pouvoirs est inopposable aux tiers. La société est engagée,
même si les actes accomplis n’entrent pas dans l’objet social, sauf à démontrer que le tiers connaissait ou ne pouvait ignorer ce
dépassement de l’objet social compte tenu des circonstances, la seule publication des statuts ne suffisant pas à rapporter cette preuve.
Dans l’ordre interne, le gérant de SARL dispose des pouvoirs qui lui sont conférés par les statuts. Dans le silence des statuts, il peut
faire tout acte de gestion dans l’intérêt de la société. S’il outrepasse ses pouvoirs, il encourt la révocation et peut engager sa
responsabilité civile si la société subit un préjudice.
Application à l’espèce : (0.75)
Benoit Moreau a fait, au nom de la SARL, un apport de 21.000€ en vue de la constitution de la SA PoolBio. Il s’agit d’un acte de
gestion relevant de sa compétence. Le dépassement de la clause limitant ses pouvoirs aux actes inférieurs à 20.000€ n’est pas
opposable dans l’ordre externe. L’apport est donc valable et engage la SARL Moreau.
En revanche, dans l’ordre interne, Benoit Moreau ayant outrepassé ses pouvoirs, il engage sa responsabilité civile si la société subit un
préjudice et risque la révocation avec un juste motif.

2) La SA PoolBio est-elle régulièrement constituée ? (3 points)


Problème de droit : Quelles sont les conditions de constitution d’une SA ?
Règles applicables : (2.25) pour être valablement constituée, une SA doit respecter des conditions de fond et des conditions de forme.
- Conditions de fond : articles 1128 et 1832 C. civ. et article L225-1 et s. C. com.
Selon l’art. 1128 C. civ. : les associés doivent être capables, donner un consentement non vicié et le contenu du contrat doit être licite
et certain.
Selon l’art. 1832 C. civ. : les associés doivent être au moins deux, personnes physiques ou personnes morales, faire des apports,
partager les résultats et être animés d’affectio societatis. Dans la SA, seuls les apports en numéraire et en nature sont autorisés et le
capital social doit être d’au moins 37.000€.
- Conditions de forme :
Les apports en nature doivent obligatoirement faire l’objet d’une évaluation par un commissaire aux apports désigné à l’unanimité des
associés, à défaut par le président du tribunal de commerce. A titre d’exception, les associés peuvent décider à l’unanimité de ne pas
recourir à un commissaire aux apports, dans deux hypothèses : soit le bien apporté consiste en des valeurs mobilières évaluées sur les
marchés financiers il y a moins de 3 mois ; soit le bien apporté est autre et a fait l’objet d’une évaluation par un commissaire aux
apports dans les 6 mois qui précèdent. Cependant, en cas de circonstances exceptionnelles affectant la valeur du bien, le recours à un
commissaire aux apports est de nouveau obligatoire. La valeur fixée par le commissaire aux apports n’engage pas les associés,
néanmoins s’ils retiennent une valeur différente, ils engagent leur responsabilité civile, et éventuellement leur responsabilité pénale en
cas de surévaluation frauduleuse.
Les statuts doivent être rédigés par écrit et les formalités de publicité habituelles : JAL, RCS et Bodacc accomplies.
1
Application à l’espèce : (0.75)
Les associés de la SA PoolBio sont deux personnes morales, capables de contracter, dont le consentement n’est pas vicié, qui font des
apports. On peut supposer qu’elles partageront les résultats et sont bien animées d’affectio societatis. L’objet social est déterminé et
licite.
La difficulté repose dans l’existence d’un apport en nature. S’agissant de matériel agricole n’ayant certainement pas fait l’objet d’une
évaluation dans les 6 mois précédant par un commissaire aux apports, l’intervention d’un commissaire aux apports est donc
obligatoire.
Les statuts doivent être rédigés par écrit et les formalités de publicité accomplies.

3) Le premier loyer du showroom n’ayant pas été réglé, à qui doit s’adresser le bailleur ? (2 points)
Problème de droit : Quel est le sort d’un acte accompli pendant la période de formation d’une SA ?
Règles applicables (1.5) : Selon l’article L210-6 C. com. seules les personnes qui agissent au nom et pour le compte d’une société en
formation, pendant la période de formation, sont tenues des actes ainsi accomplis. Par exception, la société, une fois immatriculée,
pourra reprendre à son compte ces engagements et sera considérée comme ayant été dès l’origine contractante. La loi a organisé très
strictement les modalités de reprise des actes accomplis pour le compte d’une société en formation. Il y a deux procédures de reprise
automatique selon la date de conclusion de l’acte. Si l’acte a été conclu avant la signature des statuts, il sera repris automatiquement à
l’immatriculation s’il figure dans un état annexé aux statuts et signé par les associés. Si l’acte a été conclu entre la signature des
statuts et l’immatriculation, il sera repris automatiquement à l’immatriculation, s’il a été passé en vertu d’un mandat spécial donné par
les associés. La jurisprudence admet que ce mandat soit donné postérieurement à la conclusion de l’acte, du moment qu’il est
antérieur à l’immatriculation et qu’il est spécial. Enfin, les actes qui n’auraient pas pu bénéficier d’une reprise automatique pourraient
toujours être repris, après l’immatriculation, par une décision prise en assemblée à la majorité des associés
Application à l’espèce (0.5) : Simon a conclu, au nom de la SA en formation, un contrat de bail après la signature des statuts et avant
l’immatriculation. Un mandat lui a été donné postérieurement à la conclusion de ce contrat, mais avant l’immatriculation, précisant
l’objet. Les conditions d’une reprise automatique sont bien remplies : l’acte a été passé pour le compte d’une société en formation,
après la signature des statuts et avant l’immatriculation et le signataire dispose bien d’un mandat spécial en ce qu’il vise précisément
le bail d’un local d’exposition. La SA ayant fait l’objet d’une immatriculation, elle est donc tenue.
Le bailleur doit donc s’adresser à la SA PoolBio pour se faire régler le montant du loyer.

4) Que pensez-vous des actes passés par Henri Gholo ? (2.5 points)
Problème de droit : Quelle est l’étendue des pouvoirs d’un DG de SA ?
Règles applicables (2) : Le DG dispose des pouvoirs les plus étendus pour assurer la direction générale de la société.
Dans l’ordre interne, à l’égard des actionnaires, il doit respecter les statuts, ainsi que les pouvoirs attribués par la loi aux autres
organes sociaux.
Dans l’ordre externe, à l’égard des tiers, la société est engagée par tous les actes accomplis par le DG, y compris en dehors de l’objet
social, sauf à démontrer que le tiers connaissait ce dépassement de l’objet social. Les clauses statutaires sont inopposables aux tiers. Il
doit néanmoins respecter les pouvoirs attribués par la loi aux autres organes sociaux.
S’agissant des cautions, avals et garanties donnés par la société au bénéfice de tiers, l’article L225-35 al. 4 C. com. impose qu’elles
soient au préalable autorisées par le conseil d’administration. L’autorisation doit être donnée pour un an maximum et pour un montant
limité (soit un montant global pour l’année, soit un montant par engagement, soit les deux). Ce pouvoir d’autorisation est opposable
aux tiers. En l’absence d’autorisation du CA, les cautions, avals et garanties sont inopposables à la société. Toute délibération
ultérieure du conseil ou de l’assemblée générale est inopérante.
Application à l’espèce (0.5) :
- Concernant le contrat d’approvisionnement en lampes solaires, malgré l’inquiétude des actionnaires, il rentre clairement dans les
attributions du DG et engage la société.
- Concernant la caution donnée pour le prêt du pépiniériste, en l’absence d’autorisation préalable du conseil d’administration, la
société n’est pas engagée.

5) Henri Gholo peut-il conclure un contrat de travail avec la SA PoolBio ? (2 points)


Problème de droit : Un DG de SA peut-il cumuler son mandat social avec un contrat de travail ?
Règles applicables (1.5) : le DG peut cumuler son mandat de direction avec un contrat de travail dès lors que les trois conditions
cumulatives suivant sont réunies :
- le contrat de travail doit correspondre à un travail effectif ;
- les fonctions exercées doivent être bien distinctes, avec des rémunérations distinctes ;
- le DG doit être placé dans un état de subordination par rapport à la société, ce qui est exclu s’il est actionnaire majoritaire.
Si le DG est par ailleurs administrateur, il est soumis à l’obligation d’antériorité de son contrat de travail.
Enfin, si le contrat de travail est signé alors que le DG est en fonction, il s’agit d’une convention règlementée qui doit faire l’objet
d’une autorisation a priori par le conseil d’administration et d’une approbation a posteriori par l’assemblée générale ordinaire.
Application à l’espèce (0.5) : Henri Gholo est DG et non administrateur, ni actionnaire. Le cumul de son mandat social avec un
contrat de travail sera possible a priori, le contrat correspondant à un travail effectif et les fonctions étant distinctes. Il est par ailleurs
en état de subordination par rapport à la société. Le contrat devra néanmoins respecter la procédure des conventions règlementées
rappelée ci-dessus.

6) Quelles sont les conséquences du décès de Pierre sur la SNC ? (1.5 point)
Problème de droit : Quelles sont les conséquences du décès d’un associé de SNC ?

2
Règles applicables : selon l’article L221-15 C. com. le décès d’un associé de SNC entraine en principe la dissolution de la société,
sauf clause statutaire de continuation. (1)
Application à l’espèce (0.5) : Le décès de Pierre entraine en principe la dissolution de la SNC. N’ayant pas connaissance de clause de
continuation dans la SNC Les Futaies, il est permis de conclure à la dissolution de la société. Le patrimoine sera donc liquidé et les
biens disponibles attribués à Simon et aux héritiers de Pierre.

7) Quelles sont les conséquences du décès de Pierre sur la SA ? (3 points)


Problème de droit : Quelles sont les conséquences de la dissolution d’une personne morale actionnaire et administrateur d’une SA ?
Règles applicables (2) : La question doit être envisagée sous la double qualité de la personne morale dissoute : en tant qu’actionnaire
et en tant qu’administrateur.
- En tant qu’actionnaire : les actions de SA sont des valeurs mobilières librement cessibles et librement négociables. Aucun agrément
ne peut s’opposer à une transmission successorale. Elles se transmettent par simple virement de compte à compte.
- En tant qu’administrateur : les administrateurs sont désignés par un vote des actionnaires en AG. Par dérogation, en cas de décès ou
démission d’un administrateur, dans certaines hypothèses, une procédure de cooptation, c’est-à-dire de désignation par le CA lui-
même d’un administrateur, peut être mise en œuvre, sous réserve de confirmation par la prochaine AGO. La cooptation est interdite
lorsque le nombre d’administrateurs devient inférieur au minimum légal, obligatoire lorsque ce nombre est inférieur au minimum
statutaire tout en étant supérieur au minimum légal et facultative lorsqu’il reste supérieur au minimum statutaire et au minimum légal.
Il s’agit d’une procédure dérogeant au pouvoir de l’AGO de désigner les administrateurs. Elle doit donc s’entendre strictement dans
les seules hypothèses visées par la loi (art. L225-24 C. com.) : le décès ou la démission. Elle ne saurait s’appliquer à d’autres
hypothèses, en particulier la dissolution d’un administrateur personne morale.
Application à l’espèce (1) :
- Les actions de la SA PoolBio, figurant dans le patrimoine de la SNC Les Futaies dissoute, seront partagées entre Simon et les
héritiers de Pierre, selon les règles du droit des successions si elles subsistent en nature, soit cédées pour payer les dettes de la société.
- S’agissant du mandat d’administrateur de la SNC dans la SA PoolBio, la procédure de cooptation ne peut être mise en œuvre. Le DG
de la SA PoolBio doit donc convoquer une AGO en vue de procéder à la désignation d’un nouvel administrateur, en remplacement de
la société dissoute.

II – ANALYSE DE DECISION DE JUSTICE (4 POINTS)


1/ Présentez les faits ayant donné lieu à cet arrêt. (1 point)
La SAS SAFA, société mère, contrôle trois filiales avec lesquelles elle a des dirigeants communs. Le conseil d’administration de la
société mère a décidé à la majorité de désigner notamment B. aux organes de direction des filiales. Les consorts O., membres du
conseil d’administration de la société mère et des conseils d’administrations des filiales, se sont opposés à la désignation de B. et se
sont fait élire à la place.
La société mère les assigne en paiement de dommages et intérêts pour manquement à leur devoir de loyauté à son égard.

2/ Quel est le problème de droit soulevé ? (0.5 point)


Un administrateur commun à une société mère et une filiale peut-il être condamné pour manquement à son obligation de loyauté
envers la mère du seul fait qu’il vote dans la filiale contrairement aux décisions arrêtées par la mère ?

3/ Quelle a été la solution rendue par la Cour d’appel ? (0.5 point)


La Cour d’appel de Bordeaux condamne les administrateurs dissidents au paiement de dommages et intérêts pour manquement à leur
devoir de loyauté envers la société mère. Elle considère qu’en l’absence d’abus de droit dans la décision prise par la société mère,
celle-ci les liait dans l’exercice de leur droit de vote dans les filiales.

4/ Quelle est la solution de la Cour de cassation ? (1 point)


La Cour de cassation casse et annule la décision rendue par la CA de Bordeaux. Elle leur reproche de ne pas avoir recherché si le vote
contraire des administrateurs n’était pas justifié par l’intérêt social des filiales.

5/ Quels sont les apports de cet arrêt ? (1 point)


Il s’agit d’un arrêt de principe caractérisé par un attendu de principe très clair :
- La Cour de cassation reconnait le principe du libre exercice du droit de vote de l’administrateur dans l’intérêt social ;
- Elle admet l’obligation de voter dans la fille par loyauté envers la mère ;
- Mais elle reconnait le droit de désobéir si la volonté de la société mère est contraire à l’intérêt social de la filiale.

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