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SESSION 2016

UE 112 – DROIT DES SOCIÉTÉS

Durée de l’épreuve : 3 heures

Le corrigé comporte : 6 pages

CORRIGÉ

Première partie – Cas pratiques (17 points)

Dossier 1 (3 points)

À quelles conditions le contrat avec la société PROMOCOM et le contrat portant sur l’achat du four
à pizza seront-ils repris par la SARL BELLEPLAGE ?

Problème de droit :
Le sort des actes accomplis pour le compte d’une société en formation.

Règles de droit :
- Le principe est que seule la personne qui a accompli un acte au nom et pour le compte de la société
en formation est tenue par l’acte accompli. Les personnes qui ont agi au nom d’une société en
formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement
et indéfiniment des actes ainsi accomplis.
- Mais, sous certaines conditions, ces actes peuvent être repris par la société si elle finit par être
immatriculée :
Conditions de fond : il faut que les actes aient été établis au nom de la société en formation (que le
cocontractant en ait été informé), et réalisés dans l’intérêt de la société (et non celui de l’associé).
Pour les conditions de forme, ces actes seront repris :
- de manière automatique :
+ pour les actes conclus avant la signature des statuts si ces actes ont été recensés dans un état précis
annexé aux statuts ou mentionnés avec la même précision dans les statuts ;
+ pour les actes conclus entre la signature des statuts et l'immatriculation s'ils ont été prévus au
moment de la signature des statuts au moyen d'un mandat spécial donné par l’ensemble des autres
associés.
- par décision expresse prise à la majorité ordinaire des associés (sauf clause contraire des statuts) dans
les autres cas (postérieurement à l’immatriculation). C’est ce que l’on appelle la reprise « balai ».
Pour des raisons de commodités, les engagements repris sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine
par la société.
Si la société n'est pas immatriculée ou si les engagements ne sont pas repris par elle, seules les personnes
qui ont agi sont tenues responsables indéfiniment et solidairement (ou conjointement pour les sociétés
civiles) des actes ainsi accomplis.

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Application au cas :
En l’espèce, le contrat avec la société PROMOCOM est signé le 10 avril 2014 par Anaëlle et l’achat du
four à pizza par Rako a lieu le 17 avril 2014, alors que les statuts sont signés le 5 mai 2014 et que
l’immatriculation de la société a lieu le 9 mai 2014.
En conséquence, il suffit que ces deux actes aient été annexés aux statuts au moment de leur signature pour
être repris automatiquement par la SARL BELLEPLAGE. Sinon, il faudra une décision de reprise décidée
à la majorité ordinaire après l’immatriculation de la société.

Dossier 2 (3 points)

1) Jusqu’à quelle date Rako peut-il convoquer l’AG ?

Problème de droit :
Délai légal d’approbation des comptes.

Règles de droit :
Le rapport de gestion, l’inventaire et les comptes annuels établis par le gérant doivent être soumis à
l’approbation des associés réunis en assemblée dans le délai de six mois à compter de la clôture de
l’exercice.
Les associés doivent être convoqués à l’AG au moins quinze jours avant la tenue de celle-ci.
Le gérant peut cependant, avant la fin du délai légal, demander par requête au président du tribunal de
commerce, une prolongation de six mois en justifiant sa demande. Par ailleurs, en cas de non convocation,
le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut, à la demande de tout associé enjoindre, le
cas échéant sous astreinte, les gérants de convoquer l’assemblée ou nommer un mandataire pour y
procéder. Le CAC, s’il en existe un, peut aussi, en cas de carence, convoquer l’AG.

Application au cas :
En l’espèce, les comptes ont été clôturés le 31 décembre 2014.
En conséquence, Rako a jusqu’au 15 juin 2015 pour envoyer les lettres de convocation de l’AG qui devra
se tenir au plus tard le 30 juin 2015, sauf délai de prolongation.

2) Les comptes annuels pourront-ils être approuvés si Gilles est absent et non représenté à l’AG ?

Problème de droit :
Les règles de quorum et de majorité en AGO dans une SARL.

Règles de droit :
La loi ne fixe pas de quorum pour une AGO dans la SARL, mais la règle de majorité en induit un.
En effet, les décisions en AGO se prennent, sur première consultation, à plus de la moitié des parts sociales
(majorité absolue).
À défaut, une seconde consultation pourra décider à la majorité des voix émises (majorité relative) par les
associés présents et représentés ; sauf si, par une stipulation expresse, les statuts écartent cette seconde
consultation et imposent la majorité absolue.

Application au cas :
En l’espèce, Gilles détient 60 % des parts sociales.
En conséquence, si Gilles est absent et non représenté, Rako et Anaëlle n’ayant que 40 % des parts sociales
ne pourront pas approuver les comptes lors de l’AGO, sur première consultation. Mais, les statuts n’ayant
pas de clauses particulières, ils pourront procéder à une seconde consultation pour approbation à la majorité
des voix émises par les associés présents et représentés.

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Dossier 3 (1 point)

Quel est l’organe compétent pour prendre la décision de ce transfert du siège social ?

Problème de droit :
L’organe compétent pour décider le transfert du siège social d’une SARL.

Règles de droit :
Le siège social figurant dans les statuts, seule une décision collective des associés peut, en principe, en
décider sa modification.
Par exception, lorsque ce transfert s’effectue dans le même département ou dans un département
limitrophe, la gérant peut décider seul ce type de transfert. Il devra cependant le faire entériner par les
associés lors de la prochaine assemblée générale aux conditions de vote des décisions collectives
ordinaires.

Application au cas :
En l’espèce, il s’agit d’une décision de transfert du siège social dans la même ville (Cannes).
En conséquence, Rako, en tant que gérant, peut décider seul de ce transfert, mais il devra faire entériner
cette décision par la prochaine assemblée générale.

Dossier 4 (7 points)

1) La SARL BELLEPLAGE est-elle engagée par le contrat avec l’agence de voyages ?

Problème de droit :
Le sort des actes effectués par le gérant et dépassant l’objet social de la SARL.

Règles de droit :
Dans les relations avec les tiers, le gérant d’une SARL est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en
toutes circonstances au nom de la société.
La société est engagée même si les actes accomplis par le gérant n’entrent pas dans l’objet social, à moins
que les tiers soient de mauvaise foi.

Application au cas :
En l’espèce, l’objet de la SARL BELLEPLAGE est l’exploitation d’une plage et d’un restaurant et l’acte
effectué par le gérant est un acte d’achat de voyage.
En conséquence, cet acte sort bien de l’objet social. Mais, à défaut de pouvoir prouver la mauvaise foi de
l’agence de voyages, la SARL BELLEPLAGE est bien engagée par ce contrat.

2) Anaëlle peut-elle obliger Rako à rembourser la somme de 4 200 € à la SARL ?

Problème de droit :
La responsabilité civile du gérant d’une SARL.

Règles de droit :
La loi prévoit que la responsabilité civile du gérant envers la société et les associés est engagée en cas
d’infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL, de violation des statuts
ou de fautes commises dans la gestion.
À condition de prouver un préjudice causé par la faute du gérant, les associés pourront engager l’action
individuelle (exercée par un associé subissant un préjudice individuel) ou plus facilement l’action sociale.
Cette dernière pourra être intentée soit par un associé, au nom et pour le compte de la société - les
dommages et intérêts dus par le dirigeant fautif étant versés à la société - soit par un groupe d’associés
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représentant au moins un dixième du capital social soit par un autre gérant. L’intérêt de l’action sociale est
que le montant du préjudice réellement subi est facilement évaluable.

Application au cas :
En l’espèce, Rako a dépassé l’objet social de la SARL BELLEPLAGE en payant un voyage personnel de
4 200 € et Anaëlle dispose de 20 % du capital.
En conséquence, Anaëlle pourra mettre en œuvre l’action sociale afin que Rako soit condamné à reverser la
somme de 4 200 € à la SARL.

3) Claire et Rako peuvent-ils être poursuivis pénalement ?

Problème de droit :
L’abus de biens sociaux (ABS) et le recel.

Règles de droit :
- Pour l’ABS :
• Élément légal : l’ABS est sanctionné par le code de commerce.
• Élément matériel : est constitutif du délit d’abus de biens sociaux le fait pour un dirigeant de
faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, des pouvoirs qu’il possède ou des
voix dont il dispose, un usage qu’il sait contraire à l’intérêt social, à des fins personnelles ou
pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est directement ou indirectement
intéressé.
• Élément moral : il s’agit d’un délit intentionnel (« mauvaise foi »)
- Pour le recel :
• Élément légal : le recel est incriminé par le code pénal.
• Élément matériel : est constitutif du délit de recel le fait de dissimuler, de détenir ou de
transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre. Constitue
également un recel le fait, de bénéficier, par tout moyen et en connaissance de cause, du produit
d'un crime ou d'un délit.
• Élément moral : il s’agit d’un délit intentionnel (« en sachant que cette chose provient d'un crime
ou d'un délit », « en connaissance de cause »).

Application au cas :
En l’espèce, Rako, gérant de la SARL, a sciemment payé avec le compte de la société (usage des biens
sociaux) un voyage d’agrément (fins personnelles) ; ce qui est contraire à l’intérêt social. Claire a bénéficié
de cela en passant le week-end avec Rako.
En conséquence, Rako pourra être poursuivi pour ABS. Pour Claire, il faudra faire la preuve qu’elle avait
connaissance de l’origine des fonds pour que l’infraction de recel soit commise. Les juges du fond
apprécieront souverainement les faits.

4) Anaëlle peut-elle révoquer Rako de sa fonction de gérant ? Si oui, percevra-t-il des indemnités ?

Problème de droit :
La révocation du gérant de SARL.

Règles de droit :
Le gérant de SARL est révocable par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales.
Si le gérant est révoqué sans juste motif ou dans des conditions abusives, il peut demander en justice des
dommages-intérêts.

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Application au cas :
En l’espèce, Anaëlle détient 20 % des parts sociales et Rako a commis une faute.
En conséquence, elle ne peut pas révoquer seule Rako de sa fonction de gérant. Il faudra pour cela que
Gilles, qui détient 60 % des parts sociales, vote la révocation avec elle. Si c’est le cas, Rako ne touchera
pas d’indemnité car il y a un juste motif.

Dossier 5 (1 point)

Gilles vous demande quelles sont les conditions de formation spécifiques pour une SCA et la nature
de la responsabilité des associés ; étant entendu qu’il souhaite que sa responsabilité reste limitée aux
apports.

Problème de droit :
Conditions de formation d’une SCA et responsabilité des associés.

Règles de droit :
Pour constituer une SCA, il faut au moins un associé commandité et trois associés commanditaires, ainsi
qu’un capital minimum de 37 000 €.
Les associés commandités ont la qualité de commerçants et une responsabilité indéfinie et solidaire quant
aux dettes sociales. Les commanditaires ont la qualité d’actionnaires et leur responsabilité est limitée au
montant de leurs apports.

Application au cas :
En l’espèce, Gilles désire que sa responsabilité reste limitée aux apports.
En conséquence, dans une SCA, il ne pourrait être que commanditaire.

Dossier 6 (2 points)

Décrivez quelle procédure Madame BERTIER devra effectuer suite au courrier qu’elle a découvert.

Problème de droit :
La procédure d’alerte du CAC dans une SA.

Règles de droit :
Le CAC a une obligation d’alerte auprès du dirigeant de l’entreprise et des associés sur tous faits de nature
à compromettre la continuité de l’exploitation.
Dans la SA, la procédure d’alerte comporte 4 phases au maximum car elle s’arrête en cas de réponse
satisfaisante de la part des dirigeants à n’importe quelle phase.
- Phase 1 : Le CAC informe par lettre AR le président du CA ou du directoire des faits qu’il a
relevés. Il en fournit une copie au président du tribunal. Le président du CA ou du directoire doit lui
communiquer une réponse écrite dans un délai 15 jours. Si la réponse permet d’éliminer le risque
sur la continuité de l’exploitation, la procédure s’arrête là. Sinon, ou en cas d’absence de réponse ou
de réponse insuffisante, il passe à la 2ème phase.
- Phase 2 : Il invite par LR/AC le président du CA ou le directoire à faire délibérer dans les 8 jours le
conseil d’administration ou le conseil de surveillance sur les faits relevés. Un procès-verbal des
délibérations et des décisions prises doit lui être transmis dans les 8 jours qui suivent la réunion. Si
les décisions prises lui paraissent suffisantes, la procédure s’arrête là. Sinon, ou en l’absence de
délibération, il passe à la phase 3.
- Phase 3 : Il fait un rapport dans les 15 jours qui suivent la réception du procès-verbal et informe les
représentants du personnel et le président du tribunal de la situation et établit un rapport spécial qui
sera présenté à l’AG des actionnaires qui doit être convoquée dans un délai d’un mois (ou qu’il peut

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convoquer lui-même en cas d’urgence). L’AG délibère sur ce rapport spécial qu’il communique aux
actionnaires.
- Phase 4 : Si les mesures prises par l’AG lui paraissent insuffisantes, le CAC en informe le président
du tribunal en justifiant ses craintes.

Application au cas :
En l’espèce, le non renouvellement du contrat de concession de la plage et du restaurant représente bien un
fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de la société BELLEPLAGE.
En conséquence, Madame BERTIER devra effectuer la procédure décrite ci-dessus.

Seconde partie – Analyse d’une décision de justice (3 points)

1) Quels sont les arguments du demandeur au pourvoi ?


Le 1er argument invoqué est que les statuts de la SAS contenaient une clause, article 11.2 des statuts, qui
stipulait que « l'exclusion d'un associé par l'assemblée générale peut résulter de la perte pour quelque cause
que ce soit de la qualité de salarié de la société ». Or, la cour d’appel a retenu que cette stipulation était
valable et licite mais n’en a pas tenu compte au prétexte que la perte de la qualité de salarié était imputable
à la faute de la société.
Un second argument est que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites. Or, la cour d’appel a retenu que la stipulation de l’article 11.2 des statuts était licite et valable, et a
ensuite écarté le jeu de cette clause sous prétexte, non prouvé, que la société aurait rompu le contrat de
travail dans le but précis d’exclure l’associé.

2) Pour quelles raisons la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette-t-elle le pourvoi ?


La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en se fondant sur l’article 1844, alinéas
1 et 4, du code civil qui affirme que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et que les
statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi, et sur l'article 1844-10,
alinéa 2, du même code qui déclare que toute clause statutaire contraire est réputée non écrite.
Or, l'article 11 des statuts de la société prévoit que « dans tous les cas, l'associé objet de la procédure
d'exclusion ne peut prendre part au vote de la résolution relative à son exclusion et les calculs (de quorum)
et de majorité sont faits sans tenir compte des voix dont il dispose ».
Donc, la décision d’exclusion de M. X... est nulle, peu important que ce dernier ait été admis à prendre part
au vote car cette décision a été prise sur le fondement d'une clause réputée non écrite.

3) À quel problème juridique répond la Cour de cassation ?


À quelle condition une clause statutaire peut-elle priver un associé de son droit de participer aux décisions
collectives ?

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