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SESSION 2020

UE 112 – DROIT DES SOCIÉTÉS ET


DES GROUPEMENTS d’AFFAIRES

Durée de l’épreuve : 3 heures

Le sujet comporte : 4 pages

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 Il vous est demandé de vérifier que le sujet est complet dès sa mise à votre disposition.

Vous résoudrez les deux parties du présent sujet.

Ce sujet se présente sous la forme suivante :

Première partie – Cas pratique 16 points


Seconde partie – Analyse d’une décision de justice 4 points

SUJET

Première partie – Cas pratique (16 points)

Stéphane Ariel, après une solide expérience dans le monde de l’édition décide avec son frère Louis de
créer sa propre maison d’édition indépendante. Ils réunissent, avec l’aide de dix actionnaires minoritaires
proches de leur famille, un capital de 40.000 euros et créent en 2014 la Société Anonyme Ariel Editions.
Ils souhaitent avant tout défendre leur indépendance juridique et financière et appliquer les principes de
l’édition indépendante, à savoir ne pas publier un livre au seul motif de sa rentabilité, un auteur sur le seul
critère de sa notoriété et ne pas traiter un sujet en vertu de sa seule actualité.
Ils décident donc de se limiter à la publication d’une quinzaine d’ouvrages par an en privilégiant la qualité
sur la quantité, le potentiel commercial de chaque œuvre et l’accompagnement des auteurs.
Le succès est au rendez-vous et le chiffre d’affaires pour 2019 approche les huit millions d’euros pour
cinq salariés.

Ariel Editions est dirigée par un conseil d’administration statutairement composé de cinq administrateurs,
dont le président est Louis. Stéphane, également administrateur, occupe le poste de directeur général.
Lors de la dernière assemblée générale ordinaire, il est apparu que Virginie, administratrice, avait accepté
un mandat social dans un grand groupe d’édition. Sa situation présentant un risque pour l’indépendance
d’Ariel Editions, elle a donc été révoquée de ses fonctions lors de l’assemblée et remplacée par Anne.
Elle s’étonne des conditions de sa révocation et se demande si elle n’a pas droit à des indemnités.
Quelques semaines plus tard, après un différend sur la politique éditoriale de la société, Richard,
administrateur, décide de démissionner. Ni Stéphane, ni Louis n’ont l’intention de réunir si vite une

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nouvelle assemblée générale et se demandent s’ils ne peuvent pas fonctionner à quatre administrateurs
jusqu’à la prochaine assemblée.

Questions

1/ La révocation de Virginie est-elle régulière ? Selon vous, à quelles conditions pourrait-elle


obtenir des dommages et intérêts ?

2/ Appréciez la validité de la proposition de Louis et Stéphane.

Louis propose à son frère de conclure un contrat de cession de droits d’exploitation sur une œuvre de leur
catalogue à la SAS Viaville, spécialisée dans la production de films et programmes pour la télévision et
dont il est le Président. Cette cession, à un prix dérisoire, permettrait à la SAS de se lancer véritablement
dans son secteur très concurrentiel.

Question

3/ Quelle analyse faites-vous du contrat de cession proposé par Louis ?

La société Les Libraires du Sud, client important d’Ariel Editions, n’a pas réglé ses dernières
commandes. Stéphane apprend alors que la société Les Libraires du Sud vient d’être mise en
redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Marseille.

Question

4/ Conseillez Stéphane sur la marche à suivre.

Quelques jours plus tard, un des associés de la SNC Plaisir de Lire informe Stéphane que sa société
n’honorera pas le paiement d’une commande de 20.000 euros passée par l’un de ses gérants en violation
d’une clause limitative de ses pouvoirs qui l’oblige à demander l’autorisation des associés pour tout acte
supérieur à 15.000 euros. Il considère que l’acte est nul.

Question

5/ La SNC doit-elle honorer l’engagement de son gérant ?

La SAS Viaville se lance aujourd’hui, aux côtés de trois autres producteurs, dans un projet de mini-série,
toujours pour la télévision, à partir du roman policier d’un auteur américain bien connu. Les quatre
producteurs constituent une société en participation pour mener à bien ce projet. Pour autant, le projet est
long à se mettre en place et surtout plus coûteux que prévu. La SAS se retrouve vite en difficulté pour
faire face à ses charges. Stéphane conseille à son frère de solliciter l’aide du tribunal de commerce pour
résoudre ses difficultés. Louis est très inquiet.
Le projet ne verra finalement pas le jour, le gérant de la société en participation avoue à ses co-associés
qu’il a perdu au casino les fonds mis à sa disposition par ces derniers pour mener à bien leur projet.

Questions

6/ Présentez les arguments de nature à convaincre Louis d’avoir recours à une conciliation
judiciaire.

7/ Que risque le gérant de la société en participation au plan pénal ?

Stéphane Ariel est bien conscient que l’édition numérique se développe et gagne des parts de marché. Le
plus souvent l’édition numérique facilite le démarrage des petites maisons d’édition indépendantes. En
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distribuant leurs premières publications exclusivement sous un format numérique, ces maisons peuvent
s’assurer une renommée qui leur permet ensuite de trouver les financements nécessaires au
développement d’une production papier.
Stéphane Ariel décide de faire le chemin inverse. Il envisage la création d’une société, filiale de Ariel
Editions, chargée de développer des ouvrages numériques, uniquement des bandes dessinées et travaille
sur un projet de liseuse en couleur.
Il souhaite conserver son indépendance et une totale liberté éditoriale, mais aura besoin de financements
importants. Il a entendu dire que la société en commandite par actions pouvait répondre à ses attentes.

Questions

8/ Pouvez-vous lui confirmer cette affirmation ?

9/ Quels sont les risques d’une telle société ?

Deuxième partie – Analyse d’une décision de justice (4 points)

Cour de cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 18 septembre 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour,

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2016), que, par un arrêt définitif, M. A... a été
déclaré coupable de complicité d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la Société des lubrifiants
Elf Aquitaine (la SLEA), à laquelle a succédé la société Total lubrifiants, et condamné à payer à cette
dernière une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que soutenant avoir agi au nom et pour le
compte de la société Coprim dont il était le dirigeant, M. A... a assigné la société Sogeprom entreprises (la
société Sogeprom), venue aux droits de cette dernière, en remboursement des sommes versées à la société
Total lubrifiants ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. A... fait le même grief à l'arrêt [de rejeter ses demandes] alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a constaté que le contrat du 5 mars 1991 avait été souscrit par M. A... en sa qualité
de représentant légal de la société Coprim, dans l'exercice de ses fonctions, au nom et pour le compte de
la société Coprim, qui avait tiré avantage des faits commis par son représentant légal pour avoir acquis
ainsi 40% des droits à construire sur les terrains vendus ; qu'il s'en déduisait que M. A... était intervenu à
l'acte litigieux en sa seule qualité d'organe social dans l'exercice strict de ses fonctions et dans l'unique but
d'accomplir l'objet social de la société qui était d'acquérir des terrains et des droits à construire ; qu'en
jugeant cependant que l'usage illicite des biens de la société Coprim procédait de la convention du 5 mars
1991 que M. A... avait souscrit en sa qualité de représentant légal de la société Coprim et que s'agissant
d'un acte personnel du dirigeant, il devait en assumer seul les conséquences, la cour d'appel n'a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, violant l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le seul constat de la commission, par le représentant légal de la société agissant ès qualités, d'une
infraction pénale intentionnelle est insuffisant à exonérer la personne morale de toute responsabilité ;
qu'en énonçant que toute infraction pénale intentionnelle commise par un dirigeant est par essence un acte
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personnel détachable de ses fonctions, qui n'engage pas la société, sans rechercher concrètement si l'acte
avait été accompli en dehors des fonctions du dirigeant, en dehors de ses pouvoirs et à des fins strictement
personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. A... avait été définitivement jugé coupable de complicité d'abus de
biens sociaux au préjudice de la SLEA, retenu que cette faute impliquait un usage illicite des biens de la
société qu'il dirigeait, consistant à rémunérer des commissions occultes avec le patrimoine de celle-ci, et
énoncé que la faute pénale intentionnelle du dirigeant est par essence détachable des fonctions, peu
important qu'elle ait été commise dans le cadre de celles-ci, ce dont elle a déduit que M. A... ne pouvait se
retourner contre la société venant aux droits de la société Coprim pour lui faire supporter in fine les
conséquences de cette faute qui est un acte personnel du dirigeant, que ce soit vis-à-vis des tiers ou de la
société au nom de laquelle il a cru devoir agir, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche
invoquée à la deuxième branche, a statué à bon droit ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches
;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Questions

1/ Quels sont les faits à l’origine de cette affaire ?

2/ Quel est le problème de droit soulevé ?

3/ Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?

4/ A quelles conditions une personne morale peut-elle voir sa responsabilité pénale engagée ?
Pourquoi en l’espèce la responsabilité pénale de la société n’est-elle pas retenue ?

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