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INP HB de Yamoussoukro Année académique 2022-2023

SYLLABUS
COURS DE DROIT PÉNAL DES AFFAIRES

Bégnara M’BRA
Docteur en droit privé et sciences criminelles
Enseignant-chercheur au département de formation et de recherche en Finance,
Comptabilité et Droit (DFR FCD)

INP-HB, BP 1093 Yamoussoukro

Begnara.mbra@inphb.ci

École : ESCAE
Classes : ECS 1
Vol. horaire = 25 h (20 h CM + 3 h TD + 2 H CC)
Modalités d’évaluation des connaissances : 2 devoirs sur table + 1 TPE.

I. – Les objectifs du cours


L’objectif général : connaître les règles qui régissent les différentes infractions
susceptibles d’être commises dans la vie des affaires..

Les compétences spécifiques visées :


― être capable de défendre ses droits et d’assumer ses obligations ;
― être capable de mesurer la portée des actes délictueux que l’on pose ;
― être capable de comprendre les conditions de mettre en œuvre des règles du droit
pénal des affaires.

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II. – Le contenu du cours

Introduction

Première partie. – LES INFRACTIONS DE DROIT COMMUN


APPLICABLES À LA VIE DES AFFAIRES

CHAPITRE I – LE VOL

Section I. – Les éléments constitutifs


§ 1. – L’élément légal
§ 2. – L’élément matériel
§ 3. – L’élément moral ou psychologique

Section II. – La répression


§ 1. – La tentative de vol
§ 2. – La complicité
§ 3. – Les causes d’impunité
A. – Les faits justificatifs
B. – L’immunité familiale
§ 4. – Les sanctions applicables
A. – Le vol simple
B. – Le vol aggravé

CHAPITRE II – LE RECEL

Section I. – Les éléments constitutifs


§ 1. – La provenance de la chose
§ 2. – La connaissance de l’origine délictueuse

Section II. – La répression


§ 1. – La nature du recel
§ 2. – La tentative et la complicité
§ 3. – Le concours de qualification et l’immunité familiale
§ 4. – Les sanctions applicables

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A. – Les peines principales
B. – Les peines complémentaires

CHAPITRE III – L’ESCROQUERIE

Section I. – Les éléments constitutifs


§ 1. – L’utilisation de moyens frauduleux
§ 2. – La remise déterminée par la tromperie
§ 3. – L’intention frauduleuse

Section II. – La répression


§ 1. – La tentative
§ 2. – La complicité
§ 3. – L’immunité familiale
§ 4. – Les sanctions applicables
A. – Les sanctions normales
B. – Les sanctions aggravées

CHAPITRE IV – L’ABUS DE CONFIANCE

Section I. – Les éléments constitutifs


§ 1. – La remise
§ 2. – Le détournement
§ 3. – Le préjudice
§ 4. – L’intention frauduleuse

Section II. – La répression


§ 1. – Les faits justificatifs
§ 2. – La tentative et la complicité
§ 3. – L’immunité familiale
§ 4. – Les sanctions applicables
A. – L’abus de confiance simple
B. – L’abus de confiance aggravé

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Seconde partie. – LES INFRACTIONS RELATIVES AUX SOCIÉTÉS
COMMERCIALES

CHAPITRE I. – LES INFRACTIONS RELATIVES A LA CONSTITUTION DES


SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Section I. – L’émission frauduleuse d’actions


§ 1. – Les éléments constitutifs
§ 2. – Les sanctions applicables
Section II. – La surévaluation des apports en nature
§ 1. – Les éléments constitutifs
§ 2. – Les sanctions applicables

CHAPITRE II – LES INFRACTIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES


SOCIETES COMMERCIALES

Section I. – La répartition de dividendes fictifs

Section II. – La présentation ou publication de faux bilans ou de faux états financiers


de synthèse annuels

Section III. – Le non-dépôt du bilan ou des états financiers de synthèse annuels

Section IV. – Les infractions relatives aux assemblées générales

Section V. – L’augmentation ou la réduction du capital de la société

Section VI. – Les infractions relatives au contrôle de la société

Section VII. – Les infractions relatives à la dissolution de la société

Section VIII. – Les infractions relatives à la liquidation de la société

CHAPITRE III – L’ABUS DE BIENS SOCIAUX (ABS)

Section I. – Les éléments constitutifs


§ 1. – L’usage d’un bien ou du crédit de la société
§ 2. – L’usage contraire à l’intérêt social
§ 3. – La recherche de l’intérêt personnel

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§ 4. – L’élément intentionnel
§ 5. – Les abus courants

Section II. – Les sanctions applicables

CHAPITRE IV – LES INFRACTIONS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE COMMISES


DANS LE CADRE DES PROCÉDURES COLLECTIVES

Section I. – Les incriminations pénales et les sanctions applicables


§ 1. – Les banqueroutes
§ 2. – Les infractions assimilées aux banqueroutes

Section II. – La poursuite des infractions de banqueroute et des infractions assimilées

CHAPITRE V – LES INFRACTIONS À LA LEGISLATION DU TRAVAIL

Section I. – Les atteintes à la dignité des personnes humaines


§ 1. – La discrimination
§ 2. – Le harcèlement

Section II. – Le délit d’entrave


§ 1. – L’entrave aux fonctions des Institutions représentatives du personnel dans l’entreprise
§ 2. – L’entrave à la liberté du travail

Section III. – Le travail illégal


§ 1. – Le travail dissimulé
§ 2. – L’emploi irrégulier des travailleurs étrangers

[FIN DU COURS].

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INP-HB de Yamoussoukro Année académique 2022-2023
École : ESCAE
Classe : ING/ECS 1

COURS DE DROIT PENAL DES AFFAIRES

INTRODUCTION

I. – La définition du droit pénal des affaires

Généralités. Le droit pénal des affaires est la branche du droit pénal qui étudie les
infractions liées aux affaires. Le terme droit pénal ne pose aucune difficulté. C’est le
droit de la répression au travers d’une incrimination, d’une déclaration de la culpabilité
et d’une sanction. En revanche, le terme affaires n’est pas précis et il est difficile de
proposer une définition rigoureuse du droit des affaires. On considère aujourd’hui que
la notion d’affaires n’a pas de frontière précise.

Le droit des affaires a pour ancêtre le droit commercial qui est l’ensemble des règles
juridiques qui s’appliquent de façon spéciale aux commerçants (personnes physiques et
personnes morales) et à leurs opérations commerciales appelées « actes de commerce ».

Le domaine du droit commercial. Pour déterminer le domaine du droit commercial, il


convient de bien définir le terme « commerce ». Le mot commerce, dans le langage
juridique, a un sens beaucoup plus large que celui qu’on lui donne dans le langage
courant. Il englobe non seulement l’activité de ceux qui se bornent à acheter des
marchandises pour les revendre, mais aussi celle des industriels, des banquiers, des
assureurs, des transporteurs, des courtiers, des commissionnaires, etc.

L’extension du domaine du droit commercial. Pratiquement, le droit commercial


s’étend à toutes les activités économiques ; même les entreprises publiques, industrielles
et commerciales y sont largement soumises, à l’exception des entreprises artisanales,
des exploitations agricoles, des professions libérales ou salariées, qui sont régies par le
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droit civil ou le droit du travail. Quant aux fonctionnaires, ils sont soumis au Statut
général de la fonction publique qui constitue un ensemble de règles du droit
administratif.

Le droit commercial a tellement étendu son domaine qu’on l’appelle volontiers, Droit
des affaires, Droit économique ou encore Droit de l’entreprise.

La définition du droit des affaires. Le droit des affaires est défini comme l’ensemble
des règles juridiques applicables aux activités de production et de services réalisées par
les entreprises (personne physique commerçante, non commerçante, personne morale).
Le droit des affaires embrasse ainsi toutes les opérations qui ont pour objet de faire
circuler les richesses : c’est un droit à caractère économique. En tant que droit de
l’entreprise, le droit des affaires englobe des questions relevant du droit social, du droit
pénal, du droit administratif, du droit comptable, du droit de la concurrence, etc. Tout
comme son ancêtre le droit commercial, le droit des affaires fait partie du droit privé,
lui-même dominé par le droit civil qui constitue le droit commun privé.

Le droit des affaires de l’OHADA. Dans les pays d’Afrique francophone, cette
évolution s’est traduite par une importante réforme du droit des affaires conduite par
l’OHADA (l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires).

L’OHADA est une organisation internationale d’intégration juridique en Afrique créée


le 17 octobre 1993 par le Traité du même nom signé à Port-Louis en Ile-Maurice. Elle
comprend à ce jour dix-sept États membres1. Sa mission initiale était l’harmonisation
du droit des affaires des États membres par l’élaboration et l’adoption « de règles
communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies » (art. 1er du
Traité OHADA). Mais cette idée a très vite été dépassée pour faire place à une véritable
uniformisation. L’’art. 5 du Traité OHADA précise que les actes pris pour l’adoption des
règles communes sont qualifiés Actes uniformes. L’OHADA a adopté à ce jour dix

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Les dix-sept Etats actuellement membres de l’OHADA sont : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique,
Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, RDC, Tchad,
Togo, Sénégal.

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Actes uniformes dans les différentes matières incluses dans le domaine d’application
du droit des affaires.

Ainsi, le droit pénal des affaires serait l’ensemble de tous les comportements
infractionnels aux normes établies sous la menace de sanctions pénales par l’Etat
pour règlementer, organiser et moraliser la vie des affaires.

Dans le cadre des relations d’affaires, une entreprise peut commettre un fait juridique
causant un dommage à autrui. Le délit civil et le quasi-délit engagent sa responsabilité
civile. Cette responsabilité doit être distinguée de la responsabilité pénale qui est mise
en œuvre à la suite de la commission d’une infraction.

II – La distinction entre responsabilité pénale et responsabilité civile

En droit privé, la distinction doit être faite entre responsabilité civile et responsabilité
pénale. D’une part, toute personne a des obligations à l’égard de la société : ne pas tuer,
ne pas voler, ne pas détériorer les biens. Toutes ces obligations relèvent du droit pénal
et leur non-respect entraîne la responsabilité pénale de l’auteur des faits. Il s’agit
d’une responsabilité à l’égard de la société toute entière et l’objet de la réparation est de
sanctionner le coupable. C’est d’ailleurs le ministère public qui poursuit le coupable au
nom de la société (peuple français).

D’autre part, certaines obligations sont civiles, en ce sens qu’elles imposent des
comportements entre les particuliers : par exemple, payer le prix d’une baguette de pain
au boulanger est une obligation qui existe entre l’acquéreur de la baguette et le
boulanger. De même, ne pas causer de dommage à autrui est une obligation civile. Le
non-respect de ces obligations civiles entraine la responsabilité civile de celui qui en est
à l’origine.

Concrètement, la responsabilité pénale s’attache à sanctionner un coupable, dans


l’idée qu’il ne recommence pas, alors que la responsabilité civile vise davantage à
indemniser une victime : la perspective entre ces deux responsabilités est différente.
Toutefois, dans certains cas, responsabilité pénale et responsabilité civile peuvent être
mises en œuvre à l’occasion d’un même fait. Par exemple, lorsqu’une personne blesse

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volontairement une autre, il s’agit d’une infraction pénale (violences volontaires).
Seulement, le dommage causé entraine également la responsabilité civile de l’auteur des
blessures. Un même acte peut entraîner les deux responsabilités. Lorsque ce cas se
présente, il faut organiser la mise en œuvre des responsabilités pénales et civiles.

III – La relation entre responsabilité pénale et responsabilité civile

La responsabilité pénale donne lieu à une action publique (action engagée par la
société, au travers du Ministère public). De son côté, la responsabilité civile est mise
en œuvre par le biais d’une action civile. Le droit réglemente le jeu de ces deux actions
lorsqu’elles concernent un même fait. Ça permet d’éviter que deux tribunaux aient à
juger d’un même fait et éventuellement, retienne une solution différente.

Ainsi, la loi retient comme principe que l’action publique, qui détermine la
responsabilité pénale, est prioritaire par rapport à l’action civile, qui détermine la
responsabilité civile. C’est le principe selon lequel le pénal tient le civil en l’état,
inscrite à l’article 4 du Code de procédure pénale. Cela signifie que l’action publique
doit être jugée en premier, avant tout débat sur l’action civile. La plupart du temps, c’est
le même juge, le juge pénal, qui sera saisi des deux actions : dans ce cas, il statue en
premier sur l’action publique avant de se prononcer sur l’action civile et attribuer des
dommages et intérêts. Lorsque deux juges sont saisis, l’un de l’action publique, l’autre
de l’action civile, le juge civil doit sursoir à statuer tant que le juge pénal n’a pas rendu
son jugement. De plus, le juge civil est tenu par la solution qu’a rendue le juge pénal :
c’est l’autorité de la chose jugée.

IV. – La nécessité du droit pénal des affaires

Le Droit pénal des affaires correspond à une nécessité pratique de lutter contre les
comportements susceptibles de mettre en péril le système économique et la structure
même de l’Etat. Il a pour objectif principal d’assurer la sécurité des transactions
commerciales et de promouvoir la circulation des biens et des richesses.

En vertu des impératifs de l’ordre public, il devenait urgent sinon pressant de poser de
nouvelles règles dans les relations sociales car on ne pouvait en effet accepter au nom
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du principe de l’accumulation des richesses, que certaines personnes soient écrasées par
d’autres ; de même qu’on ne pouvait admettre au nom du libéralisme que des personnes
menacent par leur comportement, les bases économiques de la société.

Dès lors, le droit pénal est apparu comme le rempart contre les débordements de
certaines lobbies. Ce qui nous amène à dire que la criminalité n’est pas seulement le fait
des assassins et des voleurs d’occasion ou de métier : il y a tout un monde de la
délinquance dont la criminalité est intégrée dans l’activité professionnelle licite et dont
les crimes ne salissent pas les mains. C’est la délinquance en col blanc ou en gants
blancs.

La question qui se pose est de savoir si l’intervention du droit pénal dans la vie des
affaires ne risque pas de freiner le développement des entreprises. Mais parce que le
droit pénal des affaires est une réaction contre l’activité illicite de certains hommes
d’affaires indélicats, il peut rassurer ceux qui exercent leurs activités en toute légalité.

V. – Le contenu du droit pénal des affaires

Le délinquant d’affaires n’est pas un malfrat quelconque. Il utilise ses connaissances


théoriques et professionnelles pour commettre des infractions. Il est généralement
étranger à tout acte de violence. La criminalité d’affaires est composée de combines et
d’astuces et les éléments qui la composent ont trait à la fraude douanière ou fiscale ; à
la protection du consommateur, à l’abus de position dominante, à la vie des sociétés, au
faux en écriture privée, à l’abus des biens et du crédit de la société, à la corruption, à la
violation du secret professionnel, au blanchiment de capitaux résultant de crimes et
délits, au recel, à l’escroquerie, à l’abus pour violence, à la falsification ou contrefaçon
de chèques et à la publicité mensongère.

En droit boursier, il existe des délits spécifiques au nombre desquels le délit d’initié qui
est le fait de profiter d’une information vraie. Ce délit découle de l’abus du savoir mais
qu’est-ce qu’un initié ? il s’agit de toutes personnes disposant, à l’occasion de l’exercice
de leur profession ou de leur fonction, d’informations privilégiées, c’est-à-dire
d’informations précises, confidentielles de nature à influer sur le cours du titre et
déterminant des opérations réalisées.

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VI. – Les sources du droit pénal des affaires

Comme toutes les autres matières du droit, le droit pénal des affaires a les mêmes sources
à savoir : la loi au sens large du terme, la jurisprudence et la doctrine.

Annonce du plan. Ce cours de droit pénal des affaires ne fera pas une étude intégrale
de la criminalité d’affaires. Seront bien entendu exclues les infractions qui n’ont aucun
lien direct avec les affaires. Ainsi, nous étudierons les infractions de droit commun
intéressant la vie des affaires (première partie) et les infractions pénales relatives aux
sociétés commerciales (seconde partie).

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Première partie. – LES INFRACTIONS DE DROIT COMMUN
INTÉRESSANT LA VIE DES AFFAIRES

Conformément à la tradition, cette première partie portera sur l’étude d’un certain
nombre d’infractions dites de « droit commun ». Il s’agit d’infractions sanctionnées par
le droit commun du Code pénal et susceptibles d’avoir une incidence sur la vie des
affaires.

Les infractions de droit commun ont un lien indirect avec les affaires et non direct
comme les infractions relatives aux sociétés commerciales, par exemple. Chacun sait
que la loi pénale punit l’escroquerie, l’abus de confiance ou le recel quel qu’en soit
l’auteur et quel que soit le contexte dans lequel l’infraction a été commise, alors que
l’abus de biens sociaux ou le délit de publication ou de présentation de comptes infidèles
sont directement liés au monde des affaires.

Les infractions de droit commun que nous allons examiner ici sont ceux classées par le
Code pénal parmi les crimes et délits contre les biens. Les infractions contre les biens,
socialement les plus importantes, sont très diverses. Nous ne retiendrons ici que les
principales : le vol (chapitre 1), et le recel (chapitre II), l’escroquerie (chapitre III) et
l’abus de confiance (chapitre IV).

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Chapitre 1. – LE VOL

Les biens, avant d’être protégés par le droit pénal, sont d’abord et avant tout protégés
par le droit civil en ce qu’ils sont l’objet d’appropriation. Le droit pénal sanctionne ainsi
les atteintes portées aux droits dont les personnes disposent sur les biens (ces droits sont
appelés droits réels par opposition aux droits personnels ou droits de créance qui sont
des rapports de droit qui existent entre deux ou plusieurs personnes). Au premier rang
des droits que les personnes sont susceptibles d’exercer sur une chose figure le droit de
propriété. Parfois, les atteintes au droit de propriété se font avec violence. Il en est ainsi
de l’extorsion ou du chantage qui constituent des infractions voisines du vol.

L’extorsion est le fait de contrainte une personne par la violence ou la force à vous
remettre un de ses biens. L’emploi de ces moyens doit avoir été déterminant de la remise
opérée par la victime ou avoir été de nature à déterminer cette remise dans le cas de la
tentative. Le résultat de l’extorsion peut être, soit l’obtention d’une signature, d’un
engagement ou d’une renonciation, soit la remise de fonds ou de valeurs.

Le chantage quant à lui suppose la menace de révéler un fait diffamatoire, peu importe
la forme de la menace (écrite ou verbale). La menace doit avoir pour objet, la
diffamation. Le chantage en effet suppose la menace d’une révélation ou d’une
imputation diffamatoire, c’est-à-dire d’un fait précis portant atteinte à l’honneur ou à la
considération peu importe que le fait soit exact ou non.

Incriminé par les article 392 et suivants du Code pénal (CP), le vol est l’infraction
contre les biens la plus connue, la plus répandue, et par conséquent la plus facile à
commettre. C’est la forme primitive de l’atteinte au droit de propriété.
Nous examinerons successivement les éléments constitutifs puis la répression du vol.

Section I. – Les éléments constitutifs

Comme toute infraction, le vol implique la réunion de trois éléments : légal, matériel et
moral.

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§ 1. – L’élément légal

Il n’y a pas d’infraction sans texte : Nullum crimen nulla puena sine lege. Ainsi, le vol
est incriminé par les articles 392 et suivants du Code pénal. D’après l’article 392,
« quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas, est coupable
de vol ».

Comme toutes les infractions, le vol a un élément matériel et un élément intentionnel.

§ 2. – L’élément matériel

Il est triple : la soustraction, une chose objet du vol et la propriété d’autrui sur cette
chose.
A. – La soustraction

Le code ne nous donne pas une définition de la notion de soustraction. Ce qui n’a pas
manqué de soulever des difficultés. Il existe deux conceptions de la notion de
soustraction : une conception restrictive et une conception extensive.

1 – La conception restrictive

Soustraction veut dire enlever, déplacer, prendre, ravir une chose. Dans cette
conception, il y a vol, lorsqu’il y a appréhension matérielle de la chose contre le gré
se de son propriétaire. Dans l’immense majorité des cas, le voleur prend, enlève et
emporte la chose qu’il convoite pour se l’approprier. Il agit ainsi à l’insu ou contre le
gré du propriétaire ou du possesseur et déplace matériellement la chose soustraite. La
jurisprudence considère aussi comme étant un déplacement matériel réalisant la
soustraction, une simple usurpation temporaire, la simple détention matérielle d’une
chose.

Qu’en est-il des cas dans lesquels il y aura une remise au préalable ?

Plusieurs hypothèses sont à envisager :

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― Si la remise a été involontaire, par exemple, elle est le fait d’une personne
inconsciente ou menacée, le fait d’un jeune enfant, d’une personne ivre ou d’un vieillard,
il est évident qu’il y a vol ;

― Si la remise a été volontaire, il n’y a pas vol en principe puisque la volonté fait
échec au vol. La même solution va s’appliquer en cas de remise par erreur
spontanée. Celui qui a effectué la remise, s’est trompé tout seul en remettant une chose
qu’il ne devrait pas remettre ou en remettant plus que ce qu’il devait. L’heureux
bénéficiaire qui conserve la chose ne l’a pas soustraite. Il n’y a pas soustraction à
conserver la monnaie rendue en trop par erreur par le caissier mais la situation n’est pas
du tout la même lorsque l’erreur a été provoquée par celui qui reçoit la chose. Dans
cette hypothèse, on doit admettre qu’il y a soustraction, si la remise a été
involontaire. Il en est ainsi lorsque le prévenu abuse de la situation et se fait remettre
des choses par une personne dont le consentement n’est pas totalement conscient, soit
parce qu’elle est trop jeune, soit parce que ces facultés intellectuelles sont altérées par
l’âge. À plus forte raison, il y a soustraction lorsque la remise a été imposée par la
menace ou l’usage de la violence.

Question. Qu’en sera-t-il du cas du titulaire d’une carte de crédit qui retire de l’argent
au-delà du solde créditeur de son compte ? Y a-t-il vol ?

Solution : Non, il n’y a pas soustraction en l’absence de déplacement si la chose est


remise volontairement par son propriétaire ou si le prélèvement se fait avec son accord.
C’est le cas de la remise par un distributeur de billets d’une somme supérieure au
montant du compte du titulaire de la carte utilisée.

2 – La conception extensive : la soustraction de la possession

Cette seconde conception a été utilisée pour sanctionner celui qui usurpe la pleine
possession d’une chose alors que son propriétaire, en la lui remettant, n’a entendu
transféré que la seule détention. Ici, l’individu ne transmet pas la possession mais
seulement la détention de la chose. Le possesseur remet la chose au prévenu qui par la
suite, en prend possession. Le possesseur, en remettant la chose, n’a confié au
bénéficiaire que la détention précaire. La soustraction va consister à usurper la

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possession. Exemple : un individu remet des billets de loterie à une personne pour que
celle-ci vérifie si le billet est gagnant. Cette personne refuse de restituer le billet gagnant
au propriétaire. L’acte ainsi commis est un vol car la remise ne porte que sur la détention
du billet et non sur la possession.

En application de cette conception, il y a soustraction lorsque le client franchi le portillon


de la caisse sans présenter tout ou partie des marchandises prélevées sur les rayons d’un
magasin de libre-service.

En définitive, la soustraction peut être définie comme le fait d’enlever, de déplacer,


de prendre, de ravir une chose ou de prendre possession de la chose à l’insu ou
contre le gré du propriétaire ou possesseur.

B. – La chose objet du vol

La loi ne précise pas la nature des choses qui peuvent faire l’objet d’une soustraction.

1 – Les meubles

Il n’y a pas de problème si la chose est un bien mobilier. C’est une chose susceptible de
vol par excellence. S’il s’agit de meubles incorporels, ils ne peuvent donner lieu à
soustraction. Toutefois, il y a soustraction si l’on appréhende l’écrit sur lequel sont
exprimés les sentiments, l’idée, le droit. C’est le cas des soustractions des titres
constatant un droit de propriété ou des créances ; des bandes magnétiques.

2 – Les immeubles

Selon la conception romaine de la soustraction, les immeubles par nature ne peuvent


être volés parce qu’ils ne peuvent être déplacés. Quant aux immeubles par destination,
ils sont susceptibles de soustraction. Ainsi, peuvent être volés des poissons dans un
étang, le matériel d’un hôtel ou le mobilier d’une salle de classe.

3 – Le cas de l’eau et du courant électrique

L’eau peut faire l’objet d’un vol, s’il s’agit d’une eau appropriée. La soustraction peut
s’opérer par un moyen quelconque pourvu qu’on arrive à s’approprier l’eau sans payer.
Il ressort de l’art. 400, 1° du Code pénal que l’eau et l’électricité peuvent faire l’objet
de vol si l’usager fait un branchement clandestin ou s’il modifie l’appareil distributeur

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ou lorsqu’il utilise un instrument lui permettant de recevoir une quantité d’énergie
supérieure à celle qu’indique le compteur.

4 – Le vol d’usage

L’hypothèse est la suivante : un individu appréhende la chose appartenant à autrui


uniquement pour s’en servir contre le gré ou à l’insu du propriétaire puis de la restituer
après usage. L’article 399 du Code pénal sanctionne l’emprunt ou l’usage d’un véhicule
ou d’un bateau comme vol sans prendre en considération le mobile de l’emprunteur ni
s’arrêter au fait que l’usurpation de la possession n’est que temporaire.

5 – Le cas des données

Une discussion s’est élevée à propos de l’exploitation des données commerciales,


comptables ou informatiques appartenant à autrui. Les données en elles-mêmes sont
considérées comme des biens incorporels donc insusceptibles de soustraction. En
effet, l’auteur de l’usage illicite des données informatiques peut être poursuivi pour
contrefaçon en raison de l’exploitation de logiciels appartenant à autrui. Cependant,
l’utilisation de support matériel des données justifie le recours à l’incrimination du
vol. Il y a soustraction frauduleuse dans le fait de détourner des données
informatiques figurant sur une disquette volée. Il y a soustraction dans le fait de
prendre des photocopies d’un document appartenant à autrui. Dans ces différents
cas, il y a soustraction d’objets corporels et non seulement des données en elles-mêmes.

De même, la nature corporelle de la chose visée par les textes exclut du vol la
soustraction de prestations de service. Ainsi, les communications téléphoniques ne
sont pas susceptibles d’appropriation.

Cela dit, le vol d’informations ou de données est constitué selon les termes de l’alinéa
1er de l’article 26 de la loi n°2013-451 du 19 juin 2013 relative à la lutte contre la
cybercriminalité, à partir du moment où une personne « prend frauduleusement
connaissance d’une information à l’intérieur d’un système électronique ou copie
frauduleusement une information à partir d’un tel système, ou encore soustrait
frauduleusement le support physique sur lequel se trouve une information ».

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En clair, un salarié par exemple qui sans l’autorisation de ses supérieurs prend
connaissance des informations affichées sur l’ordinateur de son employeur (les
copie, les photographie…) est coupable de vol d’information. De même, un hacker
qui copie frauduleusement des informations contenues sur un support informatique
comme un ordinateur, une clé USB, un système d’informations, etc., se rend coupable
de vol tout comme celui qui soustrait frauduleusement le support qui contient
l’information en question. Il n’y a donc désormais plus d’impunité pour quiconque se
procure frauduleusement des données immatérielles.

C. – La propriété d’autrui sur la chose

La chose appréhendée, pour qu’il y ait vol, doit être la propriété d’autrui, c’est-à-dire
qu’elle doit appartenir à quelqu’un d’autre. L’acte de poursuite devra faire ressortir cette
propriété d’autrui. Il n’y a pas vol si la chose appartient à l’auteur de l’appréhension. Le
vol devient impossible quel que soit la mauvaise intention de son auteur. Il n’est pas
nécessaire que l’identité exacte du propriétaire soit établie ; il suffit d’établir que l’auteur
de la soustraction n’est pas propriétaire de la chose soustraite.

Exemple : est une soustraction, l’appréhension d’une somme d’argent placée dans les
troncs d’une église et destinée aux pauvres de la ville. Il y a également vol dans le fait
de celui qui s’approprie et dispose seul en totalité des biens sur lesquels il est en
copropriété avec d’autres personnes.

L’appréhension d’une chose appartenant à autrui constitue toujours un vol même si le


préjudice n'est pas causé directement au propriétaire. La soustraction a été opérée au
détriment d’un détenteur. Exemple : La femme qui s’empare des copies d’examen
confiées à son mari en vue de leur correction, commet un vol. (CA. de Paris, 24 juin
1965).

Le propriétaire qui perd sa chose n'entend pas renoncer à son droit de propriété sur la
chose et celui qui s'en empare et la conserve, commet un vol (Code pénal, art. 400, 2°).

§ 3. – L’élément moral ou psychologique du vol

L’article 392 du Code pénal fait de la fraude, un élément de vol notamment par l'usage
de l'adverbe frauduleusement. La fraude, c'est la connaissance par l'auteur que les actes

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accomplis sont des actes coupables. C’est la conscience éclairée d'agir irrégulièrement
au regard de la loi.

L’intention frauduleuse, condition nécessaire et suffisante du vol a trois composantes.

A. – La connaissance de la propriété d’autrui

L’art. 392 du Code pénal sanctionne la soustraction par le prévenu d’une chose « qui ne
lui appartient pas ». Peu importe que l’on ne connaisse pas avec précision l’identité du
véritable propriétaire dès lors qu’il est certain que ce n’est pas l’auteur de la soustraction.
Tel est le cas des « détrousseurs de cadavres » (Crim. 25 oct. 2000). Pour la Cour de
cassation française, la détermination du véritable propriétaire est une question
« surabondante ». Pour échapper aux poursuites, le prévenu sera donc amené à prouver
la propriété qu’il invoque.

De même, il importe peu que la chose soustraite soit en partie la propriété du prévenu,
au sein d’une indivision ou en copropriété. Le vol portera sur la portion n’appartenant
pas à l’auteur de la soustraction.

B. – La connaissance du défaut de consentement d’autrui

Pour se rendre coupable de vol, il ne suffit pas seulement de savoir que c’est la chose
d’autrui qui est appréhendée, il faut encore penser qu’autrui n’était pas consentant à
cette appréhension. Le voleur est celui qui agit à l’insu du propriétaire.

C. – L’intention d’user de la chose comme propriétaire

L’auteur doit avoir l’intention de se comporter comme propriétaire de la chose qui a


l’usus, le fructus et l’abusus. Certains auteurs pensent qu’il ne peut y avoir de
soustraction lorsqu’il n’y a aucun attribut de vol de propriété. Cependant, la
jurisprudence décide qu’il y a bien soustraction frauduleuse en se fondant sur la
seule appréhension. En incriminant le vol d’usage ou le vol par photocopiage, la Cour
de cassation retient la seule « intention de se comporter, même momentanément en
propriétaire » ou l’intention d’usurper la seule prérogative de reproduire un document
appartenant à autrui.

19
L'intention frauduleuse ne se confond pas avec le mobile qui n'exerce aucune influence
sur la qualification. Ainsi commettent un vol ceux qui s'emparent sciemment des choses
appartenant à autrui même si c'est par jeu, plaisanterie, fanatisme, passion, vengeance
ou amour. Exemple : un jeune homme qui soustrait la photo d'une jeune fille dont il est
amoureux.
Section II. – Les sanctions du vol

Le vol est une infraction instantanée. La prescription de l’action publique court du jour
où l’infraction est réalisée. Du point de vue du désistement volontaire, tant que le voleur
n’a pas encore soustrait la chose, l’infraction n’est pas consommée. S’il se désiste
volontairement de son entreprise, il n’y a pas tentative punissable.

§ 1. – La tentative de vol

La tentative de vol reste toujours punissable si les faits sont qualifiés de crime. Dans le
cas où il s’agit d’un délit, la tentative n’est répréhensible que si elle est prévue par un
texte. L’art. 393 in fine prévoit ainsi que la tentative de vol est punissable.

Pour que la tentative soit punissable, l’article 24 du Code pénal exige deux éléments :
un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire. Le
commencement d'exécution est tout acte qui tend directement et immédiatement au délit
avec l'intention de le commettre. C’est l’acte impliquant sans équivoque l’intention de
l’auteur de commettre l’infraction.

Les délits manqués ou impossibles sont poursuivis et sanctionnés comme la tentative


(CP, art. 24, al. 3). C’est le cas lorsque le but recherché par le délinquant ne pouvait être
atteint en raison d’une circonstance de fait. C’est l’exemple d’un voleur qui fait le geste
de retirer une chaine du cou d’une passante alors que cette dernière n’a porté aucune
chaine.
§ 2. – La complicité

Le complice est celui qui sans prendre une part directe à la réalisation de l’infraction,
en connaissance de cause, procure tout moyen devant servir à l’action, arme, instrument
ou renseignement ; ou aide ou assiste directement ou indirectement l’auteur de

20
l’infraction dans les faits qui la préparent ou la consomment (CP, art. 27). La complicité
se traduit par un acte positif d’aide, assistance ou fourniture de moyen.

Le complice encourt les mêmes peines et les mêmes mesures de sûreté que l’auteur
même de l’infraction (CP, art.30).

Le coauteur d’une infraction est quant à lui expressément visé par l’art. 28 du Code
pénal en ces termes : « Tout individu qui, sciemment et sans équivoque, incite un tiers
par l’un des moyens énumérés à l’art. 27 à commettre un crime ou un délit, est puni
comme auteur de ce crime ou délit, même si celui-ci n’a pas été tenté ou commis ».

§ 3. – Les causes d’impunité

Elles sont au nombre de deux : les faits justificatifs et l’immunité familiale.

A. – Les faits justificatifs

Il existe en droit pénal, certains "faits justificatifs" qui sont de nature à effacer
l'infraction pénale. Neutralisant l’élément légal de l’infraction, l’acte accompli n’est plus
punissable et cette impunité objective se communique à tous les participants à l’acte :
auteur, coauteurs et complice. On parle de causes objectives d’irresponsabilité pénale.
Il s’agit notamment de :

― L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime (CP, art. 102 et


103) : d’après l’art. 102 du Code pénal, il n’y a pas d’infraction lorsque les faits sont
autorisés par la loi ou lorsque l’auteur agit sur ordre de l’autorité légitime. L’ordre de la
loi peut ainsi justifier une soustraction. C’est le cas de exercice des voies d’exécution
(saisies, confiscation, etc.). L’ordre de la loi justifie aussi les faits de celui qui, en
agissant, s’est trouvé dans une situation de légitime défense ;

― La légitime défense (CP, art. 100 et 101) : elle autorise une personne à accomplir
un fait normalement illicite lorsque les circonstances ne lui permettent pas de faire
autrement. Il y a légitime défense lorsqu’un péril menace la vie de l’auteur de l’acte ou
d’une autre personne ou lorsque la menace vise des biens.

Par exemple, une personne A est agressée par une personne B et pour se défendre, A
frappe B qui est blessé. Normalement, le coup donné par A est une infraction qui peut

21
engager sa responsabilité pénale. La légitime défense, si elle est retenue, fait disparaître
l’illicéité de l’acte de A et sa responsabilité ne pourra pas être engagée pour coups et
blessure volontaire.

Pour être retenue, il faudra que la légitime défense soit caractérisée au sens du droit
pénal, c'est-à-dire notamment que la réponse ait été concomitante et proportionnée à
l'attaque (sur les conditions de la légitime défense, voir CP, art. 100 et 101).

Un autre fait justificatif qui supprime l’infraction est l’état de nécessité. Prévu par
l’art. 104 du Code pénal, l’état de nécessité supprime l’infraction lorsque les faits sont
commis pour préserver d’un danger grave et imminent la vie, l’intégrité corporelle, la
liberté ou le patrimoine de l’auteur de l’acte ou d’un tiers, et à la condition que le danger
ne puisse être écarté autrement et que l’auteur use de moyens proportionnés aux
circonstances.
B. – L’immunité familiale

L’art. 106 du Code pénal établit une immunité couvrant certaines soustractions
lorsqu’il y a un degré de parenté ou d’alliance assez proche entre l’auteur et la victime.
De telles soustractions ne sont pas incriminables ; elles ne donneront lieu à aucune
poursuite pénale. Mais la loi laisse subsister la possibilité pour la victime de demander
des réparations civiles. Trois catégories de vol sont couvertes par l’immunité :

― Vol entre époux : il faut, mais il suffit que mariage existe au moment du vol.
L’immunité joue également entre le veuf et la veuve quant aux choses qui appartenaient
à l’époux décédé. Mais elles ne jouent pas entre coépouses. De même l’article 106 du
Code pénal ne s’applique pas lorsque la soustraction a été commise durant la période
pendant laquelle les époux ont été autorisés à vivre séparément.

― Vol entre ascendants et descendants : l’immunité joue en ligne directe à l’infini


dans la filiation légitime, adoptive et même naturelle. Cette immunité est réciproque
mais il faudra que la filiation soit légalement établie.

― Vol entre alliés : le domaine de l’immunité parait ici limité à une triple exigence de
l’article 106 du Code pénal. La loi exige que les alliés soient au même degré, que la

22
soustraction soit commise pendant la durée du mariage et tant que dure la communauté
de vie entre époux.
Le tiers auteur principal reste punissable malgré l’immunité accordée au complice. Le
tiers complice échappe à la peine si l’auteur principal est couvert par l’immunité étant
donné que la complicité est une criminalité d’emprunt (arrêt de la chambre criminelle,
08 juin 1821).
§ 4. – Les sanctions applicables

A. – Le vol simple

Le vol ordinaire ou simple est sanctionné par l’article 393 du Code pénal d’une peine
d’emprisonnement de 5 à 10 ans et d’une amende de 300.000 F à 3.000.000 F avec
possibilité d’interdiction de séjour de 2 à 5 ans et privation des droits civil, civique et de
famille.
B. – Le vol aggravé

Ce vol se caractérise par le fait qu’aux éléments constitutifs, s’ajoutent des circonstances
aggravantes. Ainsi, le vol aggravé peut être soit criminel, soit correctionnel.

Exemples de circonstances aggravantes prévues par l’art. 394 du Code pénal :

1° ― Le vol ou la tentative de vol accompagné ou suivi de violence sur autrui n’ayant


pas entrainé des blessures ;
2° ― Le vol commis par effraction, escalade ou usage de fausses clés ;
3° ― Le vol ou la tentative de vol commis en réunion par plusieurs personnes agissant
en qualité d’auteurs ou de complices ;
4° ― Le vol commis par une personne qui prend indûment la qualité d’une personne
dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ;
5° ― Le vol ou la tentative de vol commis dans un local d’habitation ou servant à
l’habitation, etc.

Lorsque le vol est accompagné d’une seule circonstance aggravante, la peine applicable
est un emprisonnement de 10 à 20 ans et une amende de 500.000 F à 5.000.000 F
(CP, art. 394).

23
L’art. 394, 8° précise que la peine est l’emprisonnement de 20 ans si le vol ou la
tentative de vol est commis (e) la nuit.

Quant à l’art. 395 du Code pénal, il prévoit trois cas où la sanction du vol aggravé est
la perpétuité :

― Si les violences ont entrainé la mort ou des blessures ou lorsqu’il y a eu emploi d’un
véhicule ;
― Si le vol a été commis de nuit avec la réunion de deux circonstances prévues à l’article
394 CP ;
― Si le délinquant a fait usage d’une arme ou s’il portait une arme ; l’arme peut être
véritable ou factice ; peu importe qu’elle soit portée par l’auteur principale ou par un
complice. Par arme, la loi vise toute machine, tous instruments ou ustensiles tranchants,
perçants ou contondants.

24
Chapitre II. – LE RECEL

Le recel est le fait d’accepter ou de conserver par mauvaise foi les choses dont on
connait l’origine délictueuse. Celui qui remet les choses se les procure au préalable à
l’aide d’une infraction. En droit ivoirien, le recel est une infraction distincte du vol. Il
est prévue par l’art. 414 du Code pénal.

Section I. – Les éléments constitutifs du recel

Le receleur doit avoir « recelé » en tout ou partie une chose obtenue à l’aide d’un délit
ou d’un crime en connaissance de cause.

§ 1. – L’élément matériel du recel

L’élément matériel du recel est la détention d’une chose provenant d’un crime ou d’un
délit.
A. – La nature de l’acte

Selon la jurisprudence, ce qui caractérise le recel, c’est la détention, la réception de la


chose. Cette détention se distingue de toute idée de profit. Sera considéré comme
receleur, celui qui reçoit la chose, la détient, la conserve, alors qu’il sait sa
provenance frauduleuse. Il n’est pas nécessaire que la détention s’accompagne de la
dissimulation ; peu importe la durée de conservation de la chose, il n’est pas exigé une
détention des choses par le receleur lui-même. Celle-ci peut se trouver entre les mains
des préposés et des mandataires. On peut considérer la femme comme recelant des
choses volées par son mari du seul fait qu’elles sont retrouvées au domicile conjugal. Il
peut y avoir recel dans le fait de recevoir la chose à titre de louage, de dépôt même
uniquement dans le but de rendre service.

L’article 414 du Code pénal est encore applicable lorsque la détention porte sur une
chose procurée par l’infraction originaire, sur l’argent provenant de la négociation des
objets ou sur les objets qui ont été achetés par un voleur ou par l’auteur d’un
détournement. Ainsi, il y a recel dans le fait de recevoir comme cadeau ou même en
paiement de créance, une chose provenant d’une infraction. La jurisprudence va

25
jusqu'à dire qu’il y a recel dans le fait d’accepter de boire du vin que l’on sait volé
ou acheté avec de l’argent volé.

B. – La provenance de la chose

La loi parle de choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un délit. Pour que
l’infraction de recel soit punissable, il faut qu’il y ait une infraction originaire. Aucune
précision n’est donnée sur les infractions devant précéder le recel. Il doit s’agir d’un
crime ou d’un délit. Toutefois, l’art. 414 du Code pénal utilise les termes évoquant a
priori le vol, l’abus de confiance ou l’escroquerie. Mais la jurisprudence ne s’est pas
limitée à ces trois infractions. En effet, tous les crimes ou délits peuvent être à l’origine
de la détention des choses recelées (Cass. crim., 10 juillet 1968). Ce qui est exclu, ce
sont les contraventions.

Le juge répressif doit néanmoins préciser la nature exacte de l’infraction d’origine.


Il a été ainsi jugée que la chose recelée pouvait provenir d’infractions diverses. Tel est
le cas de la femme d’un directeur d’hôpital ayant bénéficié d’avantages indus obtenus
par son mari condamné pour concussion. (Cass. crim., 21 mars 1995).

Quant aux choses susceptibles de recel, il s’agit de toute chose mobilière quel que soit
sa nature.

§ 2. – L’élément intentionnel du recel : la connaissance de l’origine délictueuse

L’élément intentionnel du recel résulte des termes employés par le législateur dans l’art.
414 du Code pénal : « Quiconque, sciemment, [ …] », c’est-à-dire en toute connaissance
de cause : on n’est pas receleur sans le savoir. Il faut donc avoir connaissance de
l’origine frauduleuse des objets recelés. Autrement dit, l’individu qui recèle doit être de
mauvaise foi. L’élément intentionnel s’apprécie souverainement par les tribunaux. La
connaissance de l’origine frauduleuse suffit même si le receleur n’a pas connu les
détails du déroulement de l’infraction d’origine. (Cass. crim., 6 octobre 2004).

Il suffit d’établir que, compte tenu des circonstances, le receleur n’avait aucun doute ou
ne pouvait avoir aucun doute sur l’origine frauduleuse des choses qu’on lui proposait ou
qu’il utilisait et qu’il a préféré fermer les yeux pour réaliser une bonne affaire. Les
prétentions comme ‘’je ne savais pas’’ ne sont pas recevables. La mauvaise foi peut

26
s’induire de l’ensemble des circonstances de fait. Si les objets remis ou obtenus ont une
certaine valeur et qu’ils ont été offerts gratuitement, le juge va s’étonner que l’intéressé
ait pu trouver normal qu’on lui fasse un cadeau de valeur. S’il s’agit de choses achetées
et ayant une certaine valeur, le prix anormalement bas permet d’établir la mauvaise foi.

Le recel à retardement ne constitue plus une infraction. Exemple : on achète un objet


de bonne foi puis, quelques mois après, on apprend que la chose provenait d’un crime
ou d’un délit. L’acquéreur qui continue à détenir la chose, après avoir connu l’origine
délictueuse, commet un recel à retardement.

Section II. – Les sanctions du recel

§ 1. – La nature du recel

Le recel est un délit d’action. Si la loi d’amnistie intervient, le receleur qui a échappé à
toute poursuite, doit se débarrasser immédiatement des objets qu’il détient car il peut
commettre à nouveau le délit de recel s’il continue de les conserver. De même, un
individu qui a été condamné pour le recel de certaines choses et qui conserve d’autres
choses, peut faire l’objet à nouveau d’une poursuite sans qu’il y ait atteinte à l’autorité
de la chose jugée.

Du point de vue de la compétence d’attribution, l’affaire relative au recel peut être


portée devant la même juridiction que celle qui a été saisie de l’infraction initiale.
Ainsi, si les choses recelées ont été obtenues à l’aide d’un crime, l’infraction initiale
étant un crime, même si le receleur n’a commis qu’un délit, il pourrait répondre de son
activité délictuelle devant la Cour d’assises, mais la poursuite peut avoir lieu
séparément.

§ 2. – La tentative et la complicité

Le recel étant un délit, sa tentative n’est pas punissable car la loi ne l’a pas prévu.
Cependant, s’il s’agit d’un recel qui résulte d’un crime, la tentative devient
punissable.

La complicité peut être punie. On peut se rendre complice du receleur par instruction,
aide ou assistance. La jurisprudence peut avoir un intérêt à considérer une personne

27
comme complice puisque le complice a la criminalité d’emprunt et les poursuites restent
possibles contre le receleur tant que l’auteur de l’infraction est poursuivi. Dans ce cas,
la prescription applicable est celle de l’infraction initiale.

§ 3. – Le concours de qualification et l’immunité familiale

A. – Le concours de qualification

Il y a une hypothèse dans laquelle on est embarrassé sur la qualification à adopter.


L’hypothèse est la suivante : un individu soustrait, détourne ou escroque quelque chose.
L’infraction commise est établie. Il peut être poursuivi dans un temps bref. Après avoir
commis l’infraction, il détient les choses. De prime abord, il y a concours réel
d’infraction : infraction initial + recel puisque les deux infractions sont distinctes dans
leurs éléments constitutifs et se succèdent dans le temps.

La Cour de cassation estime dans ce cas que l’auteur de l’infraction principale qui
conserve la chose, ne peut être poursuivi pour recel. Selon la règle « non bis in
idem », une personne déjà jugée pour un fait délictueux ne peut être à nouveau être
poursuivi pour le même fait. En revanche, cette règle ne s’oppose pas aux poursuites
pour recel contre le complice de l’infraction d’origine car le recel et la complicité
résultent de deux faits matériels distincts.
B. – L’immunité familiale

Le complice de la personne protégée par l’immunité bénéficie aussi de celle-ci, mais le


receleur, lui, est répréhensible, sauf s’il est membre de la famille de la victime de
l’infraction primitive.
§ 4. – Les sanctions applicables

A. – Les peines principales

Les peines simples. Le recel est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende
de 300.000 F à 3.000.000 F. Mais, l’art. 414,al. 2 du Code pénal prévoit que l’amende
pourra être portée au-delà de 3.000.000 F et elle peut même atteindre la moitié de la
valeur des objets recelés.

Les peines aggravées. Dans le cas où le fait qui a procuré la chose recelée est un crime,
le receleur est puni de la peine attachée par la loi à ce crime (CP, art. 414, al. 3).

28
Lorsque le recel porte sur une chose volée, les peines applicables sont celles prévues à
l’art. 393 (voir les sanction du vol simple).

Le receleur et l’auteur de l’infraction d’origine pourront être déférés devant la même


juridiction. On parle de jonction de procédure.

B. – Les peines complémentaires

Le Code pénal prévoit la possibilité pour le tribunal de prononcer l’interdiction de séjour


et la privation des droits civils, civiques et de famille pendant 5 ans.

29
Chapitre III. – L’ESCROQUERIE

C’est un délit tendant à l’appropriation frauduleuse de la fortune d’autrui. Au lieu de


soustraire la chose qu’il convoite, l’escroc en provoque la remise volontaire par son
propriétaire à l’aide de moyens frauduleux destinés à l’induire en erreur.

Section I. – Les éléments constitutifs

L’article 403 du Code pénal donne une longue définition de l’escroquerie. Elle consiste
à utiliser sciemment un moyen frauduleux pour se faire remettre certaines choses par
leur propriétaire ou possesseur. Pour que l’infraction soit constituée, il faut que le
prévenu use de certains moyens en vue d’obtenir un résultat au détriment d’une personne
et en étant animé d’un certain état d’esprit frauduleux.

§ 1. – L’utilisation de moyens frauduleux

Il est nécessaire d’avoir employé certains procédés. Ce n’est pas le fait d’avoir obtenu
de quelqu’un la remise de tout ou partie de sa fortune qui fait tomber sous le coup de la
loi, mais c’est le fait d’avoir obtenu cette remise par certains moyens estimés
intolérables, inacceptables par le législateur.

Pour que l’escroquerie soit constituée, il faut donc que l’un des moyens visés par l’art.
403 du Code pénal soit utilisé : le faux nom ou la fausse qualité et des manœuvres
frauduleuses.

A. – L’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité

L’escroquerie est caractérisée par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité même
s’il n’est accompagné d’aucune manœuvre frauduleuse.

1 – L’usage d’un faux nom

Le faux nom consiste à se prévaloir faussement du nom de famille d’un tiers ou d’un
nom parfaitement imaginaire mais qui sonne bien pour impressionner la victime.
L’usage du faux nom doit être la cause déterminante de la remise par la victime. Est
considéré comme usage de faux nom, l’usage d’un faux prénom destiné à créer une

30
confusion par l’homonymie. Il peut s’agir également d’un faux pseudonyme (Crim., 27
octobre 1999).

2 – L’usage d’une fausse qualité

La fausse qualité est plus difficile à définir et présente des aspects très variés. La fausse
qualité est un faux état, faux titre et fausse profession. Cette fausse qualité doit être
déterminante.
a) Le faux état

Les juges ont estimé que l’usage d’un faux état peut renvoyer à celui qui utilise une
fausse nationalité ou la fausse qualité de chômeur pour obtenir des indemnités.
Exemple : se faire passer pour un célibataire pour bénéficier d’un prêt au mariage. Se
faire passer pour la mère d’un soldat disparu afin d’obtenir des fonds. Est coupable
d’escroquerie, le PDG d’une société qui dit faussement ladite société, concessionnaire
exclusif d’une maison de commerce.

b) Le faux titre, la fausse profession

Il peut s’agir de l’usurpation d’un titre de noblesse existant ou imaginaire. C’est le cas
lorsqu’une personne se présente comme décorée alors qu’elle ne l’est pas ou prétend
avoir des diplômes et titres qu’elle n’a pas. Un faux médecin qui évoque ses qualités en
vue d’obtenir un prêt d’installation d’un cabinet en est également un exemple topique.

Il y a, par ailleurs, fausse qualité dans le fait de se prévaloir d’une qualité perdue. En
revanche, il n’y a pas fausse qualité à se prétendre solvable. De même il n’y a pas fausse
qualité dans le mensonge sur un droit dont on n’est pas titulaire. Exemple : se prétendre
faussement créancier ou propriétaire ou majeur alors qu’on ne l’est pas.

3 – L’abus de qualité vraie

L’escroc utilise une qualité qu’il possède réellement pour donner force et crédit à ses
mensonges grâce à la confiance qu’il inspire. Tel est le cas du commerçant qui affirme
faussement avoir exporté du matériel, pour réaliser une escroquerie à la TVA ou de
l’avocat qui abuse de sa qualité pour obtenir le désistement de l’adversaire de son client

31
(Crim., 6 avril 1993) ou encore des professeurs d’universités qui produisent de faux
ordres de missions (Cour d’appel de Pau, 29 avril 2004).

B. – L’emploi de manœuvres frauduleuses

C’est le moyen le plus fréquemment utilisé. Il s’agit d’artifices, de mises en scène,


orchestrations, machinations ayant pour but la remise de la chose à l’escroc par le
possesseur.
1 – Les manifestations

a) Les machinations ou mises en scène

Le simple mensonge n’étant pas à lui seul suffisant pour caractériser l’escroquerie, il
faut constater une véritable mise en scène. Et constitue le délit d’escroquerie par la
manœuvre frauduleuse, une machination, c’est-à-dire la combinaison de fait,
l’agencement de stratagèmes, l’organisation de ruses ou une mise en scène ayant pour
but de donner crédit au mensonge. Souvent, la mise en scène intègre d’autres procédés
comme la publicité ou l’intervention d’un tiers. C’est une combinaison de tous les
moyens propres à éblouir et tromper les victimes et à confirmer le mensonge par de
nombreux indices.

Exemple : bureaux somptueux occupés par des personnes faisant preuve d’une activité
fébrile.

b) Le faux document

La production de faux document constitue le moyen le plus simple pour justifier de


l’exactitude des allégations mensongères. Parfois ces documents en eux-mêmes faux,
ne sont établis que pour les besoins de la cause.

Exemple : il y a escroquerie lorsqu’un individu produit des factures de complaisance


pour se faire des frais de missions. De même, il y a escroquerie lorsqu’une personne
présente des livres de comptes erronés pour obtenir la majoration du prix de vente d’un
fonds de commerce ou la falsification de la carte grise pour rajeunir une voiture.

L’escroc habile peut utiliser des documents réels, indiscutables en la forme mais qui
relatent des faits inexacts et qui ont été obtenus en surprenant la bonne foi de leur
rédacteur.
32
c) L’intervention d’un tiers

L’intervention d’un tiers qui appuie le mensonge est constitutive de manœuvres


frauduleuses. Ce tiers est appelé tiers-certificateur. Il vient certifier l’exactitude des
allégations mensongères. L’infraction est constituée même si le tiers est de bonne foi et
ne se rend pas compte du rôle qu’on lui fait jouer (Cass. crim., 20 mars 1997).

La manœuvre n’est constitutive de l’escroquerie qu’à la double condition que


l’intervention du tiers soit provoquée par l’escroc et que ce dernier conserve une certaine
liberté dans son action. Ainsi, la préposé ou le mandataire de l’escroc n’a pas la qualité
de tiers (Cass. crim., 17 septembre 2002), sauf s’il est lui-même de mauvaise foi.

L’intervention du tiers peut se manifester sous forme d’écrit ou sous une forme purement
verbale voire par une simple attitude. Il y a manœuvre frauduleuse même si le tiers est
demeuré passif dès lors que sa présence a pu déterminer le consentement de la victime.
Exemple : l’escroc le cite comme un témoin d’un fait qu’il sait faux et il ne dit rien.

Le tiers peut être une personne physique ou morale mais il ne saurait être une chose
même automatique ni un animal que l’agent emmènerait avec lui pour impressionner sa
victime.
2 – Quelques cas d’escroquerie

a) L’escroquerie à la publicité

Si la publicité se traduit par un mensonge verbal ou écrit émanant du vendeur lui-même,


il n’y a pas escroquerie. Mais si la publicité s’appuie sur de faux documents, certificats,
attestations des tiers réels ou imaginaires, il y a manœuvre frauduleuse. C’est le cas du
directeur d’un établissement de cours par correspondance qui produit des lettres de
satisfaction écrites par des anciens étudiants alors que ces lettres n’ont pas été écrites
par eux.

b) L’escroquerie au jugement

Dans cette forme d’escroquerie, un plaideur produit des pièces ou documents falsifiés,
altérés et destinés à inspirer à l’adversaire la crainte de perdre son procès ou à surprendre
la religion du juge et obtenir une décision favorable. Il y a escroquerie au jugement
lorsqu’un directeur d’hôtel produit en justice son contrat de travail qu’il a antidaté dans

33
le but d’obtenir une majoration des dommages et intérêts à la suite d’un accident de la
circulation (Cass. crim., 08 novembre 1962).

c) L’escroquerie à l’assurance

Elle peut revêtir soit la forme matérielle, soit la forme intellectuelle. Une personne qui
s’assure contre un risque qui est déjà réalisé et qui va demander une indemnité en
déclarant à son assureur un accident imaginaire, commet une escroquerie à l’assurance
à tendance intellectuelle. Souvent, il y a bien accident mais l’escroc présente les faits de
façon mensongère et pour donner du crédit à ses allégations, l’individu dépose une
plainte auprès de la police ou présente un acte établi par un expert. A l’inverse, il y a
escroquerie à tendance matérielle lorsque l’assuré provoque frauduleusement la
réalisation du risque.

d) L’escroquerie à charité

Elle est le fait d’un individu qui emploie des manœuvres frauduleuses pour confirmer le
mensonge sur son état de misère. Exemple : la simulation d’infirmité qui est également
une circonstance aggravante de la mendicité. Elle est aussi le fait de véritables
organismes qui se prétendent charitables afin de collecter des fonds dont la plus grande
partie est détournée par les dirigeants. Certaines de ces entreprises sont des façades et la
plupart emploie la main d’œuvre handicapée de façon à augmenter le prix des objets
vendus.
C. – Le but de la manœuvre frauduleuse

Les manœuvres frauduleuses ne se suffisent pas à elles-mêmes. Il faut que celui qui les
utilise poursuive l’un des buts de l’article 403 du Code pénal : persuasion de l’existence
d’une fausse entreprise, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire ou faire naitre
l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou tout autre évènement chimérique.

1 – L’existence de fausse entreprise

C’est toute manifestation de l’activité humaine destinée à mettre à exécution un dessein


préalablement établi. Il peut s’agir d’une entreprise industrielle ou commerciale dont
l’activité est fictive et qui n’a qu’une existence de façade sans activité réelle (Cass. crim.,
21 octobre 1991). Il peut s’agir aussi de toute situation faussement présentée comme

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réelle. Il peut même y avoir escroquerie lorsque les manœuvres frauduleuses font
apparaitre la société sous un jour défavorable en vue de provoquer une baisse des actions
et de permettre à certains bénéficiaires d’acquérir celle-ci à bon compte.

2 – Faire croire à un pouvoir ou à un crédit imaginaire

Dans le cadre de la persuasion d’un pouvoir imaginaire, les manœuvres frauduleuses


sont utilisées pour donner l’impression à la personne grugée qu’elle aura un avantage.
La notion de pouvoir imaginaire est souvent retenue lorsque sont impliqués des
marabouts, des mages, des guérisseurs et des sorciers. La doctrine qualifie ces faits
d’escroquerie à l’art divinatoire et à l’art de guérir. Dans ce cas, les manœuvres
frauduleuses prennent souvent la forme d’une mise en scène.

Un autre sens est donné à cette notion de pouvoir imaginaire. L’escroc se prétend capable
d’user de son influence pour faire obtenir à la victime un avantage quelconque ; ainsi
en-est-il d’un attaché de direction d’une agence bancaire qui suscite la confiance des
prêteurs en leur faisant croire à un remboursement garanti par la banque. Dans ce cas,
le pouvoir prétendu n’existe pas.

Le prévenu essaye de persuader sa victime qu’il possède une influence, une situation,
une fortune qu’en réalité il n’a pas pour se faire remettre quelque chose.

3 – Faire naitre l’espérance d’un évènement chimérique

D’une manière générale, l’événement chimérique se trouve dans l’objet irréalisable au


moment où sont pratiquées les manœuvres destinées à persuader du contraire.

Exemple : financement d’une expédition lointaine parfaitement illusoire, faire naitre


l’espérance d’une guérison par des signes ou paroles mystérieuses ou l’espérance d’un
mariage.
§ 2. – La remise déterminée par la tromperie

Les moyens frauduleux utilisés doivent avoir pour but la remise d’une chose. La remise
consiste en une tradition voire dans le fait de remettre quelque chose. C’est un acte
positif. Il n’y a pas d’escroquerie si le fait constitue une abstention. Il n’est pas
nécessaire que la remise soit faite directement entre les mains de l’auteur ; elle peut très
bien s’opérer par l’intermédiaire d’un tiers peu importe que ce tiers soit de bonne ou de
35
mauvaise foi. C’est la remise de la chose convoitée par l’escroc qui consomme
l’infraction et qui marque le point de départ du délai de prescription.

Le Code pénal précise, d’une part, le contenu de la remise et, d’autre part, que cette
remise est faite au préjudice du remettant ou au préjudice d’un tiers.

A. – La chose, objet de la remise

La remise doit porter sur une chose ayant une valeur pécuniaire ou patrimoniale. Cette
exigence figure dans l’article 403 du Code pénal qui parle de la fortune d’autrui. La
chose objet de la remise peut être :

― des fonds : ce sont des sommes d’argent liquide ou sous forme d’effets de commerce,
chèques ou ordre de virement ;
― des meubles : il s’agit de meubles corporels susceptibles d’appropriation
individuelle ou privée ;
― des obligations, dispositions, billets, promesses : la tromperie peut déterminer la
victime à consentir un acte opérant obligation ou décharge, c’est-à-dire un acte qui crée,
constate ou éteint un droit au détriment de la victime et au profit de l’escroc : chèque ou
ordre de virement, promesses, quittances, reçus, lettre de change, etc.

B. – Le préjudice causé par la remise

L’article 403 du Code pénal précise que les moyens frauduleux mis en œuvre par le
délinquant doivent être destinés « à escroquer la totalité ou partie de la fortune
d’autrui ». La question s’est posée de savoir si l’escroquerie exigeait que la remise soit
suivie d’un profit pour l’escroc au préjudice de la victime (c’est-à-dire si l’escroquerie
impliquait que la victime de l’infraction subisse un préjudice d’ordre patrimonial) ou si
l’escroquerie était consommée par la seule remise indépendamment de ses suites. La
Cour de cassation française jugeait traditionnellement que « le délit existe
indépendamment de tout préjudice dès lors que la remise a été extorquée par des moyens
frauduleux » (Cass. crim. 19 décembre 1979). Il en serait ainsi dans le cas où l’escroc
ne pourrait encaisser le montant du chèque ou de la lettre de change ou même dans le
cas où l’escroc répare ensuite les conséquences de son délit.

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Une réforme du Code pénal français a modifié la formulation de l’incrimination.
Désormais, le droit français retient que l’escroquerie exige une remise « au préjudice »
du remettant ou d’un tiers. A dire vrai, dans la grande majorité des cas d’escroquerie, la
remise cause effectivement un préjudice d’ordre matériel ou pécuniaire au remettant ou
à un tiers.
§ 3. – L’intention frauduleuse

Bien que l’article 403 du Code pénal ne mentionne pas expressément le caractère du
délit, il est admis que l’escroquerie est un délit intentionnel. C’est une infraction qui
suppose la mauvaise foi, la conscience que l’on a agi pour duper autrui. L’intention
coupable, très caractérisée, exclut qu’on puisse se contenter d’une imprudence ou d’une
négligence. Cette intention n’est pas présumée et la preuve incombe à la partie
demanderesse.

Très souvent, l’intention découlera de la seule constatation matérielle des faits car
le prévenu qui aura organisé une mise en scène, produit de faux documents ou provoqué
l’intervention d’un tiers, pourra difficilement se prétendre de bonne foi.

Les difficultés sont réelles dans le cadre des escroqueries à l’art divinatoire et à l’art de
guérir car les marabouts, guérisseurs et sorciers peuvent être honnêtement convaincus
de leur pouvoir surnaturel.

Section II. – La répression

§ 1. – La tentative

L’article 403 alinéa 3 du Code pénal punit la tentative d’escroquerie au même titre que
l’escroquerie. La tentative est constituée par deux éléments : un commencement
d’exécution et une absence de désistement volontaire.

Le commencement d’exécution, c’est l’acte accompli par l’agent et qui a pour but
direct de dépouiller la victime. Exemple : la déclaration à la compagnie d’assurance d’un
vol fictif corroboré par le récépissé d’une plainte qui constitue le fait extérieur donnant
force et crédit à son message écrit, suffit à caractériser le commencement d’exécution

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d’une tentative d’escroquerie. (Cass. crim., 19 avril 1989) seule cette demande
constituerait le commencement d’exécution (Cass. crim., 19 décembre 1996).

L’absence de désistement volontaire est difficile à déterminer. Dans l’escroquerie à


l’assurance, il arrive parfois que l’assuré renonce à sa demande parce que la compagnie
d’assurance s’est montrée réticente et procède aux vérifications et de peur d’être
découvert, l’individu n’insiste plus. La répression s’impose car le désistement n’est pas
volontaire. L’activité criminelle a été interrompue après la contre-expertise effectuée par
la compagnie d’assurance.

§ 2. – La complicité

Pour être complice, il faut avoir aidé sciemment l’auteur de l’infraction. La complicité
est fréquente en matière d’escroquerie car l’intervention d’un tiers est considérée comme
caractérisant une manœuvre frauduleuse destinée à corroborer les affirmations
mensongères des escrocs. La complicité doit faire apparaitre la mauvaise foi.

§ 3. – L’immunité familiale

[Voir les développements sur l’immunité familiale en matière de vol].

§ 4. – Les sanctions applicables

On examinera successivement les sanctions normales et les sanctions aggravées.

A. – Les sanctions normales

C’est un emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 300.000 F à 3.000.000 F.


Les peines complémentaires sont facultatives. Si elles sont prononcées, elles le sont pour
une durée de 5 ans. Aux termes de l’article 403 in fine, le sursis n’est pas applicable en
cas d’escroquerie.

B. – Les sanctions aggravées

Elle intéresse les dirigeants des sociétés et est prévue par l’article 403 al. 2 du Code
pénal. Selon le texte, si le délit a été commis par une personne ayant fait appel public à
l’épargne en vue de l’émission d’actions, obligations, bons, parts, titres quelconques soit

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d’une société ; soit d’une entreprise commerciale ou industrielle, la peine
d’emprisonnement peut être portée à 10 ans et l’amende à 10.000.000 F.

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Chapitre IV. – L’ABUS DE CONFIANCE

L’abus de confiance suppose la violation de la confiance que la victime a placée dans le


délinquant. L’auteur de l’abus de confiance n’utilise ni la force, ni la ruse ; il profite
d’une situation contractuelle pour détourner à son profit ou dissiper une chose qui lui
avait été légitimement remise. L’abus de confiance est prévu par les art. 401 et 402 du
Code pénal.

Section I. – Les éléments constitutifs

L’abus de confiance suppose la remise d’un bien faite « à titre précaire » et un acte
matériel de détournement commis au préjudice d’autrui auquel il faut ajouter l’intention
frauduleuse.
//comme préalable une confiance accordée et ensuite une confiance abusée.
§ 1. – La remise

La confiance a été établie au moyen d’une remise en vertu de l’un des contrats visés par
la loi et dont il faudra en rapporter la preuve.

A. – Un contrat violé

Il faut un accord de volontés en vertu duquel la chose a été remise à titre précaire.
Ce qui veut dire que si la chose a été remise en pleine propriété, on ne peut invoquer
l’abus de confiance. Exemple : un artisan reçoit la commande d’un objet qu’il doit
fabriquer. Le client lui verse le prix ou une partie du prix. Si l’artisan n’exécute pas la
commande et s’il garde l’argent, il ne commet pas pour autant un abus de confiance
parce que cet argent lui a été remis à titre de propriété. Seule sa responsabilité civile sera
engagée.

Il n’y a abus de confiance que si les choses dissipées ou détournées ont été au
préalable remise par la victime au titre de l’un des contrats limitativement
énumérés par l’article 401 du Code pénal.

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1 – Le louage (Code civil, art.1709)

Au terme convenu, le locataire doit restituer la chose si bien qu’il y a abus de confiance
s’il ne peut le faire parce qu’il l’a détournée. Exemple : il y a abus de confiance
lorsqu’une personne détourne la bicyclette qu’elle a louée.

2 – Le dépôt (Code civil, art. 1915)

Seul le dépôt régulier est visé par l’article 401 du Code pénal. Exemple : commet le
délit d’abus de confiance, le prévenu qui détourne les objets par lui vendu à un tiers mais
dont il était prévu qu’il restait dépositaire.

Le dépôt irrégulier porte sur des choses fongibles non individualisées. Il s’agit d’un
contrat par lequel les parties ont convenues que le dépositaire restituera non la chose
déposée mais une chose équivalente. Ici, l’infraction n’est pas possible.

3 – Le mandat (Code civil, art. 1984)

Le contrat de mandat est d’un usage courant dans la vie des affaires. Ce contrat est à la
base d’un grand nombre d’abus de confiance car, il est le type même de convention
basée sur la confiance. Il peut être écrit ou verbal ; conventionnel ou légal ; express ou
tacite ; gratuit ou salarié.
4 – Le nantissement (AUS, art. 125)

Il s’agit du gage portant sur un bien meuble incorporel. Si le créancier détourne le bien
nanti, il commet un abus de confiance.

5 – Le prêt à usage (Code civil, art. 1875)

Appelé commodat, le prêt à usage se distingue du prêt de consommation. Le prêt de


consommation, c’est le prêt des choses consomptibles. Pour qu’il y ait abus de
confiance, il faut que l’autre soit tenu de restituer en nature. L’article 403 du Code pénal
n’est donc pas applicable s’il s’agit d’un prêt de consommation.

6 – Le contrat de travail, salarié ou non

Il s’agit de chose remise pour qu’un travail soit accompli sur celle-ci. Autrement dit,
c’est le contrat qui a pour but de permettre à celui qui reçoit la chose, d’effectuer un
travail convenu. Par exemple une réparation, une transformation de la chose confiée.

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Ainsi, le garagiste qui vend la voiture qui lui est confiée pour réparation ou qui y
détourne certaines pièces, commet un abus de confiance.

L’énumération de l’article 401 du Code pénal est limitative et le juge doit contrôler si la
qualification donnée par les parties est exacte et ne doit pas à hésiter à restituer à un
contrat sa véritable qualification. Les poursuites pénales peuvent reposer sur un contrat
nul, de nullité absolue ou relative.

B. – La remise opérée dans le cadre contractuel

L’abus de confiance suppose la remise volontaire à titre précaire, c’est-à-dire une remise
faite à charge de rendre ou de restituer ou de faire de la chose un usage ou un emploi
déterminé. La remise de la chose peut être effectuée par le propriétaire ou par une autre
personne agissant sur les ordres du propriétaire. Ainsi, si on envoie un mandataire
chercher de l’argent chez un banquier et qu’il le garde pour lui, ce mandataire indélicat
sera poursuivi pour abus de confiance peu importe que la chose ait été remise à l’auteur
de l’abus de confiance ou à une personne agissant en son nom et pour son compte.

Aux termes de l’art. 401 al. 4, la partie poursuivante doit prouver l’existence de la remise
en apportant la preuve du titre invoqué.

C. – L’objet de la remise

L’objet de l’abus de confiance doit être mobilier ou mobilisé. L’infraction ne saurait


donc porter sur un immeuble. (Crim., 10 octobre 2001) mais l’abus de confiance doit
porter sur une chose ayant une valeur appréciable en argent. Ces biens peuvent être
classés en deux groupes.

1 – Les effets, deniers et marchandises

Ce sont des meubles corporels, il s’agit des meubles ordinaires, d’argent et de choses
pouvant être dans le commerce. Les juges entendent largement le terme marchandise.
Ainsi a été considéré comme tel, un écrit ayant une valeur appréciable, des informations
contenues dans un fichier de clientèle.

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2 – Les écrits contenant obligation ou décharge

Ce sont les valeurs incorporelles telles que les valeurs mobilières, les bons publics, les
rentes, les effets de commerce, les chèques. C’est tout écrit ou document commercial
ayant une valeur patrimoniale par exemple, une reconnaissance de dette.

En droit ivoirien, il n’est pas nécessaire de servir à la personne poursuivie une mise en
demeure.
§ 2. – Le détournement

L’abus se réalise par la transformation de la détention précaire lors de la remise. Cette


transformation se réalise par la non-exécution des engagements accompagnée d’un état
d’esprit frauduleux.

A. – La non-exécution des engagements

En droit ivoirien, on parle de détournement ou dissipation qui sont des notions


équivoques pour le juriste. La dissipation consiste à disposer d’une chose sans
nécessairement faire acte d’appropriation comme en cas de détournement. L’abus de
confiance est un délit instantané. Le détournement se traduit souvent par un simple
refus de restituer le bien. Les tergiversations et retards, l’usage prolongé abusivement,
sont assimilés à un détournement. Les circonstances de fait déterminent le caractère
frauduleux et la mauvaise foi.

B. – Le cas où l’affectation d’un bien n’a pas été respectée

Dans cette hypothèse, la chose remise reçoit une destination différente de celle qui était
initialement prévue. Ainsi, il y a abus de confiance lorsque le gérant d’une SARL qui a
reçu des fonds pour les affecter à une augmentation de capital, les utilise pour éteindre
les dettes de la société.

C. – Le fait de dissiper la chose ou l’argent, de détruire et de détériorer la chose

Il s’agit d’un acte de disposition matérielle par l’auteur de l’infraction ou d’un acte de
disposition juridique. Pour un corps certain qui ne peut être restitué qu’en nature, la
dissipation constitue l’abus de confiance car elle rend impossible la restitution en nature.

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§ 3. – Le préjudice

L’exigence d’un « préjudice » causé par le détournement figure dans l’art. 401 du Code
pénal. Le législateur fait donc du préjudice un élément constitutif d’un délit qui protège
« autrui », c’est-à-dire le propriétaire, le possesseur ou même le simple détenteur du bien
ou des fonds détournés (Cass. crim., 6 mars 1997). Tel est le cas d’une société
d’assurance tenue de rembourser à ses clients le montant de placements financiers dont
elle a été privée par le détournement (Cass. crim., 11 décembre 2013). Mais l’examen
de la jurisprudence révèle que – comme en matière d’escroquerie – la Cour de cassation
française ne se montre pas très exigeante à l’égard de l’existence et du constat de cet
élément de l’infraction. En effet, elle affirme souvent que le préjudice « peut être
seulement éventuel » (Cass. crim., 3 décembre 2003). D e sorte qu’elle admet que le
délit est constitué par le seul fait du détournement, indépendamment de ses suites, même
si le coupable n’en tire aucun profit ou ne peut utiliser le bien détourné.

§ 4. – L’intention frauduleuse

Elle consiste dans la connaissance par l’auteur de l’infraction de la précarité de sa


détention et de la conscience de causer un préjudice au propriétaire en abusant de la
chose confiée. Lorsqu’il s’agit d’une somme d’argent, la seule obligation qu’a l’auteur,
est de présenter la somme remise mais il peut l’utiliser entre temps. C’est pourquoi, le
prévenu pourra soutenir qu’il n’avait nullement l’intention de s’approprier cette somme
et que c’est par suite d’une circonstance indépendante de sa volonté qu’il se trouve dans
l’impossibilité de rembourser mais ce mandataire a pris un risque dont il a mal mesuré
l’ampleur ; ce qui équivaut à une faute intentionnelle.

Section II. – La répression

§ 1. – Les faits justificatifs

La recherche de l’élément intentionnel parmi les faits de la cause a conduit le législateur


à mettre en place un système de présomption de fraude que le prévenu aura du mal à
renverser puisque selon l’al. 3 de l’article 401 du Code pénal, il lui appartient de prouver
que le non-respect de ses engagements n’est pas dû à une fraude ou que s’il y a eu fraude,
celle-ci ne lui est pas imputable.

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Un fait justificatif est une circonstance faisant disparaitre l’élément légal de l’infraction
et qui par voie de conséquence empêche que soit retenue la responsabilité pénale de
l’auteur de l’infraction.

Les juges apprécient avec fermeté la force majeure. Ils se prononcent en faveur de la
répression lorsque le délinquant est dans l’impossibilité d’exécuter ses engagements
parce qu’il a fait des erreurs de prévision.

Exemple : un comptable retire de l’argent dans sa caisse pour jouer au PMU. Il gagne,
il replace l’argent. Il renouvelle son action mais cette fois- ci, il perd. Il ne peut se
retrancher derrière les pronostics du jeu pour invoquer l’impossibilité de payer. Ce
comptable indélicat a fait des erreurs de prévision. On peut donc lui appliquer l’article
401 du Code pénal.

§ 2. – La tentative et la complicité

L’abus de confiance est un délit et l’article 401 du Code pénal prévoit la répression de
la tentative de l’abus de confiance.

La complicité est fréquente en matière d’abus de confiance. Le complice doit intervenir


de façon positive et en connaissance de cause pour faciliter l’abus de confiance.

§ 3. – L’immunité familiale

[Voir les développements sur le vol].

§ 4. – Les sanctions applicables

A. – L’abus de confiance simple

L’art. 401 du Code pénal punit d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende
allant de 300.000 F à 3.000.000 F quiconque est reconnu coupable d’abus de confiance.
Le juge pourra porter l’amende au ¼ des restitutions et dommages et intérêts si ce
montant est supérieur au maximum prévu par la loi. Le juge pourra en outre ordonner
l’interdiction de séjour pour une durée de 5 ans au maximum.

B. – L’abus de confiance aggravé

Il s’agit de l’abus de confiance commis par :

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1° un officier public ou ministériel, un syndic de faillite, un liquidateur de société, un
séquestre, un agent d’affaires, un mandataire commercial ou quiconque fait profession
de gérer les affaires d’autrui dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses
fonctions ou de sa profession ;

2° une personne faisant appel au public afin d’obtenir, soit pour son propre compte, soit
comme directeur, administrateur ou gérant d’une société commerciale, la remise de
fonds ou valeur à titre de dépôt, de mandat ou de nantissement.

Dans ces cas, les peines peuvent être portées au double des peines ordinaires (CP,
art. 401CP, al. 5).

[FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE].

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